Dossier Acta Litt&Arts : Perspectives pédagogiques et didactiques
Les valeurs au cœur de la littérature et du langage. Éloge de la méthode comparative
Texte intégral
Introduction
1Le propos que je souhaite développer ici est né d’une conviction forgée tout au long de mes années d’enseignement dans le secondaire, bien avant que l’on appelle à une sensibilisation aux valeurs et à l’éthique à l’école : si l’on est attentif à la manière dont sont construits les points de vue, les partis pris des personnages, ceux des poètes, des auteurs d’essais ou de manifestes, on dispose d’une matière inépuisable pour une enquête méthodique sur les valeurs.
2Je défendrai d’abord l’idée que la question des valeurs, que je ne limite pas à la question éthique, loin d’être adressée de l’extérieur à notre discipline, se situe au cœur de l’enseignement de la langue et de la littérature. Je chercherai ensuite à montrer comment il est possible de donner plus de relief, plus de présence à cet aspect de l’enseignement du français. C’est pourquoi je convoquerai un corpus de textes sans originalité, conforme à la pratique courante des enseignants de la classe de première, qu’il s’agisse de textes et d’œuvres susceptibles de figurer dans les descriptifs de l’épreuve orale anticipée ou de textes donnés comme supports à l’épreuve écrite. Ces quelques propositions doivent être évidemment associées à une prise en compte des particularités des classes et de la dynamique propre qui peut y être inventée.
3Je m’attacherai avant tout à souligner les vertus d’une méthode très simple, celle de l’approche comparative des options axiologiques disponibles dans les textes étudiés, qu’il s’agisse de prises de position auctoriales dans des textes d’idées, des préférences et des convictions défendues explicitement ou de manière implicite dans des poèmes des romans ou des pièces de théâtre. C’est en effet dans les conflits qui animent les intrigues romanesques ou les fables dramatiques, dans les rivalités qui opposent les courants littéraires, dans les contrastes que l’on peut observer dans l’approche d’un même thème qu’il est possible de procéder à une initiation un peu méthodique aux enjeux éthiques, moraux, esthétiques, politiques de l’existence. Les options concurrentes permettent de comprendre ce que sont les valeurs et pourquoi elles comptent dans la vie de chacun.
I. Identification des valeurs et des jugements de valeur
4Il est bon, assurément, de se donner pour but de « questionner les valeurs ». Encore faut-il savoir comment on les identifie et comment on les situe les unes par rapport aux autres. Bref, comment on peut avoir une idée d’ensemble de leur structuration.
5Dès qu’on présente un personnage, une situation, un objet, la description construit une évaluation, si discrets qu’en soient les indices. C’est l’expulsion des jugements de valeur qui est l’exception et qui demande un effort et une technique particulièrement sophistiquée. On trouve des tentatives de ce genre dans le nouveau roman ou dans certaines formes de poésie. Aussi, pour développer une compétence axiologique chez nos élèves, nous ne partons pas de rien.
1.1. Les marqueurs lexicaux
6Au niveau d’une simple analyse de texte, on habitue les élèves à repérer les mots ayant une connotation positive ou négative, les termes péjoratifs, dépréciatifs ou laudatifs. Mais nous savons aussi que l’axiologisation des mots du discours s’effectue souvent indépendamment de marqueurs spécifiques et qu’un mot comme « commercial » ou « limite » peut selon le contexte avoir une connotation positive ou négative. L’initiation à la détection de l’orientation argumentative d’une phrase, d’un paragraphe ou d’un texte fait partie de l’apprentissage de la lecture et il est souvent délicat.
7L’attention aux maîtres mots et aux réseaux sémantiques en opposition peut, dans cette optique, être extrêmement utile.
1.2. Les mots-valeurs (ou) maîtres mots
8Les maîtres mots (honneur, liberté, solidarité, respect, esprit sportif, etc.) ne sont pas que des mots-clés. Ils manifestent par eux-mêmes, du fait de leur morphologie et de leur histoire, une orientation axiologique. Ils constituent des garants au nom desquels on s’estime habilité à porter des jugements d’approbation ou de blâme (des jugements de valeur), à justifier une préférence, à prendre position, à agir. Ils servent de médiation entre les participants d’une interaction, qu’ils contribuent à motiver des droits ou des sanctions, à constituer des consensus ou à définir des postures de refus ou de résistance. Ces mots peuvent être invoqués de manière solennelle, convoqués au fil du discours, définis, commentés, argumentés.
9Pour extraire les valeurs qui font agir tel ou tel personnage, tel ou tel groupe, la question « pourquoi ? » peut–être complétée par la question « au nom de quoi ? » ou plus précisément « au nom de quelle valeur ? » ou bien « au nom de quelle supériorité supposée de ceci sur cela ? ». Par exemple au nom de la supériorité de la vie profane sur la vie religieuse, au nom de de la supériorité de la démocratie sur le despotisme, de la supériorité de la liberté sur l’autorité, etc.
1.3. Les réseaux sémantiques en opposition
10Mais les valeurs portées par les maîtres mots ne doivent pas être détachées des valorisations ou dévalorisations auxquelles elles renvoient et qui interviennent sous des formes extrêmement variées dans le discours : la liberté pourra par exemple être indirectement évoquée à travers la construction d’un réseau lexical accumulant les indices de soumission, de servitude, de domination systématiquement dévalorisés.
11C’est pourquoi la mise en évidence des oppositions lexicales qui structurent les textes est aussi importante que les marques directes de l’éloge ou du blâme. C’est essentiellement par différence et par contraste que le sens se construit. C’est par la comparaison que les options et les univers de valeurs se manifestent.
12Mais on peut être déconcerté et découragé par la multiplicité quasi infinie de ces différences et renoncer à construire un cadre de référence permettant de se repérer dans ce chaos. Au risque de paraître trop systématique, je ferai le pari d’une structuration de ce domaine d’investigation. C’est à mon avis le meilleur moyen de rendre possible, dans un second temps, les finesses et les subtilités de l’analyse axiologique.
1.4. Des repères axiologiques forts
13Depuis l’antiquité, les philosophes et les orateurs ont cherché à identifier les constantes du jugement, au tribunal, à l’assemblée ou dans les discours destinés à célébrer les héros et les vertus civiques. On sait le rôle de la triade du vrai, du beau et du bien dans la pensée de Platon. Aristote, de son côté, relevait dans sa Politique le rôle, dans l’idée même que l’on pouvait se faire de l’homme, des notions de ce type (qu’il n’appelait pas « valeurs » — le mot n’est apparu qu’à la fin du XIXe siècle), notions qu’il référait à des oppositions : l’agréable et le désagréable, l’avantageux et le nuisible, le juste et l’injuste, le bien et le mal.
14Car comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux l’homme a un langage. Certes la voix est le signe du douloureux et de l’agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue jusqu’au point d’éprouver la sensation du douloureux et de l’agréable et de se les signifier mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible, et par la suite le juste et l’injuste. Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des < autres notions > de ce genre. Or avoir de telles < notions > en commun c’est ce qui fait une famille et une cité. Aristote, Politiques, I, 2, 1253a, trad. P. Pellegrin, Garnier-Flammarion, 1993, p. 91.
15Longtemps l’idée que le vrai, le bien et le beau convergeaient a nourri une conception rassurante du jugement et des conditions du bonheur. Mais l’essor des disciplines scientifiques et artistiques au XIXe siècle a fait voler en éclats cette forme d’idéalisme et conduit justement à une pensée des valeurs présupposant leur conflit ou le pluralisme :
1 Max Weber, La science, profession et vocation, 2005, [1917-1919], trad. I. ...
Depuis Nietzsche, nous savons à nouveau qu’une chose peut être belle non pas malgré ce qui l’empêche d’être bonne, mais bien plutôt grâce à ce qui la rend mauvaise ; auparavant, déjà, Baudelaire avait formalisé cette idée dans Les Fleurs du Mal, pour reprendre le titre de son recueil de poèmes ; la sagesse quotidienne nous apprend aussi qu’une chose peut être vraie alors même que et justement parce qu’elle n’est ni belle, ni sacrée, ni bonne. Mais ce ne sont là que les cas les plus élémentaires de cette lutte entre les dieux des différents ordres et des différentes valeurs1.
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2 Cette sélection recoupe celle de Patrick Charaudeau dans Grammaire de l’exp...
16Si l’on tient compte de ces textes fondateurs et d’une tradition multiséculaire de conflits et de controverses, l’on peut retenir au moins cinq axes (ou registres, les deux mots ont leur intérêt) qui permettent de classer la très grande majorité des jugements de valeur. Je les présente avec les principales oppositions sémantiques qui leur sont liées2 :
1 — l’axe hédonique : agréable/désagréable
2 — l’axe pragmatique (ou pratique) : utile/nuisible, efficace/inefficace
3 — l’axe moral/éthique : bien/mal, juste/injuste
4 — l’axe épistémique : vrai/mensonger, authentique/fallacieux
5 — l’axe esthétique : beau/laid
17L’opposition générique bon/mauvais, sans contenu précis, qui manifeste seulement l’approbation ou la réprobation, s’applique à l’ensemble.
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3 N. Heinich, Des valeurs. Une approche sociologique, Paris, Gallimard, 2017,...
18Bien entendu ces différents axes ou registres peuvent êtres concurrencés par d’autres couples ou séries d’opposition (ex : vie/mort, force/ faiblesse, pur/ impur). Ils peuvent eux-mêmes se trouver spécifiés dans les différents domaines où ils interviennent à côté d’autres oppositions : domaine de la perception (ou aesthésique), domaine domestique, civique, réputationnel (celui de la visibilité médiatique), domaine technique, économique, juridique, etc. Je reprends ici certaines propositions de Nathalie Heinich dans son « Essai de grammaire axiologique »3.
19En outre, un grand nombre d’oppositions récurrentes sont susceptibles d’être classées selon les grands paramètres de la mise en discours. Quand on parle ou qu’on écrit, on mobilise toujours des sujets ou des forces (qui peuvent être humains ou non-humains), des verbes, dont certains peuvent être retenus pour leur caractère de grande généralité, des auxiliaires modaux (pouvoir, vouloir, devoir, etc.), ainsi que des termes qui alimentent des jugements de qualité, de quantité, ou des évaluations concernant l’espace et le temps.
Figure 1 Supports principaux de la valorisation et de la dévalorisation
20Je m’arrêterai ici seulement sur deux rubriques de ce tableau : les actants (les forces agissantes) et les relations actantielles.
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4 On aura sans doute remarqué l’insistance, dans la réflexion contemporaine, ...
21On peut distinguer quatre principales catégories d’actants que j’ai représentées sur le schéma 2. Le principe de la distribution qu’il propose est simple : tout individu humain (représenté ici par l’esperluette placée au centre du schéma) se trouve sans cesse placé devant des priorités et des préférences. Il doit nécessairement prendre en compte trois dimensions de l’existence : son interaction avec des êtres non-humains (les choses de la nature, les êtres vivants ou non, les objets qu’il produit (point 3) ; son interaction avec les êtres humains (qu’il s’agisse du plus proche ou du plus lointain (point 2) et les exigences de sa propre subjectivité (point 1)4. Quant au quatrième pôle, il indique l’aspiration humaine au sens, à la perfection ou du moins à un espoir d’amélioration. Ce peut être le lieu d’une croyance religieuse en un Dieu (ou d’une aspiration spirituelle, mystique), ou plus modestement d’un effort humain vers un accomplissement personnel ou collectif.
Figure 2 Les actants de base
22Deuxième paramètre : les relations actancielles dont l’inventaire est virtuellement infini. Elles peuvent néanmoins donner lieu à une exploration méthodique dont j’indique une liste minimale :
1) identité/ ressemblance/ différence/ altérité
2) union/ séparation/ mélange
3) contrainte/ dépendance/ liberté/
4) domination/ hiérarchie/ égalité
5) conflit/ coexistence/ coopération,
etc.
23Il s’agit là, non de couples d’opposition, mais de séries de 3 ou 4 termes, ce qui est une manière d’échapper au manichéisme des dichotomies.
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5 On peut trouver une palette plus large de ces paramètres dans J.-C. Guerrin...
24Qualité, quantité, temps, espace donnent lieu également à ce type d’oppositions que je n’ai pas la possibilité de détailler ici.5
25Il ne s’agit pas bien entendu, et j’y insiste pour lever toute méprise, de faire entrer les élèves dans la connaissance et la mémorisation précise de ce type d’inventaire. Mais ils sont parfaitement capables de repérer que dans tel ou tel cas les relations sont conflictuelles ou coopératives, que le temps passé est valorisé au détriment du futur, que l’espace lointain, exotique ou non est privilégié au détriment de l’espace proche, etc. À charge pour le professeur de conduire son propre parcours. On voit alors tout le profit que l’on peut tirer de la comparaison, dès lors qu’elle se fait à partir d’un ensemble structuré, ancré dans la pratique de la langue, avec lesquels il est aisé de se familiariser.
26Mais plutôt que d’en rester à des considérations générales, j’en viens à des exemples tirés des thématiques canoniques de l’Épreuve Anticipée de Français.
II. Options axiologiques, systèmes de valeurs
27Dans le parcours que je propose (et qui n’est qu’un survol), les oppositions, les partages, les conflits, les désaccords permettent de mettre en relief, des options axiologiques divergentes, présentes dans les réflexions des auteurs, dans les paroles ou les positions attribuées à des personnages.
2.1. La place de l’homme dans l’univers
28Commençons par l’opposition pascalienne entre misère et grandeur de l’homme : misère dans son rapport à Dieu et à l’univers infini ; grandeur rapportée à la puissance, pourtant trompeuse, de sa pensée. Le partage entre la visée du salut dans l’au-delà et la poursuite illusoire du bonheur ici-bas détermine les termes du célèbre pari et l’exigence ascétique qu’il promeut. L’amour de soi est le piège de l’orgueil, l’amour de Dieu est la voie du salut. Les commentaires de Voltaire sur les Pensées qui justifient la poursuite du bonheur et des plaisirs ici-bas n’ont rien d’anecdotiques. Ils manifestent la dissipation progressive de l’emprise religieuse et l’investissement du monde humain, le développement des Lumières (les sciences et les arts permettent de développer le pouvoir de ceux qui savent). Il conduit beaucoup de ses contemporains à substituer au partage ici-bas /au-delà une distribution géographique ou temporelle : on rêve d’un paradis sur terre (d’un Eldorado, à l’Ouest, en Amérique) ou d’une régénération future de l’humanité.
2.2. Vie sauvage vs vie civilisée
29L’abandon de l’illusion d’un paradis terrestre ne fait pas disparaître l’interrogation sur les mérites comparés de la vie sauvage et de la civilisation : faut-il regretter le passé et retourner à la vie naturelle ? Ou doit-on célébrer le présent construit par les lettres, les arts, la science et l’innovation politique ? Se pose alors la question de la forme de vie qu’il faudrait substituer à celle que l’on critique. Cette controverse d’une grande richesse trouve son prolongement jusque dans les deux ouvrages de Michel Tournier si souvent donnés à lire aux lycéens et aux collégiens (Vendredi ou les limbes du Pacifique, Vendredi et la vie sauvage).
2.3. Évaluation de l’état du monde
30Les deux maximes de Leibniz (« Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ») et d’Alexander Pope (« Dieu fait bien ce qu’il fait ») donnent, au seuil du XVIIIe siècle, l’exemple de jugements de valeurs totalisants. Leur effet non prévu sera de conférer une légitimité au jugement individuel. À l’occasion du tremblement de terre de Lisbonne, la question du mal dans le monde est posée frontalement par Voltaire. L’optimisme, ce néologisme inventé par Leibniz, devient la cible de l’ironie voltairienne. On connaît la polémique fondatrice qui s’ensuivit avec Rousseau. Le matérialisme spinoziste de Diderot, qui fait un usage ironique du fatalisme, déplace le regard vers le plan immanent de l’action humaine et des transformations promises par le développement du savoir.
2.4. Des relations actantielles (rôles et statuts)
31C’est évidemment l’aspect le mieux connu et le plus exploré par la littérature. Dans l’inventaire qui suit j’indique quelques pistes en ne mentionnant que des noms d’auteurs, tant la référence aux œuvres va de soi.
32Au sein même de la société d’ancien régime, la relation maître/valet ne cesse d’interroger la légitimité du rapport hiérarchique dans sa nudité au sein de l’univers domestique. La question des relations amoureuses et de leur compatibilité avec la réalité sociale est l’objet de déclinaisons multiples et de radicalisations jusqu’à Beaumarchais.
33Le statut des femmes, de la domination dont elles sont l’objet, déjà central dans l’œuvre de Molière, se voit porter à un degré d’incandescence dans le théâtre de Marivaux où la question de la légitimité du pouvoir masculin est vigoureusement débattue. On peut suivre son évolution au XIXe et au XXe dans d’innombrables romans. La controverse sur l’éducation des filles nourrit une réflexion continue sur les stéréotypes de genre, sur le statut qu’il convient d’accorder aux femmes et sur l’évolution éventuelle qu’elle peut connaître.
34Les relations sociales tournant autour du juste et de l’injuste nourrissent d’autre part la littérature du XIXe, la question sociale venant relayer le thème de la relation maître/valet (qui se maintient encore dans le théâtre romantique avec le Ruy Blas de Victor Hugo). L’enquête sur l’inégalité des conditions et sur l’origine des injustices et des maux sociaux alimente la littérature d’idées et la production romanesque qui offrent une matière abondante pour observer non seulement les jugements de valeur explicites des personnages et des narrateurs, mais aussi, à travers les descriptions et le jeu des voix et des points de vue, les formes de l’argumentation indirecte. L’orientation axiologique finale des romans fait l’objet d’interprétations d’autant plus riches et variées que les points de vue se trouvent mis en tension par la construction narrative.
2.5. Pouvoir, savoir, vouloir, devoir
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6 Tant P. Hamon que V. Jouve ont insisté sur l’importance des normes (savoir-...
35On n’y insiste pas assez : les conflits axiologiques entre les auxiliaires modaux, les types d’attitude par rapport au dire et au faire qui expliquent le comportement des actants irriguent le détail des textes.6 Mais on dispose d’un cas très singulier avec La Peau de Chagrin de Balzac, sémioticien avant l’heure, où Pouvoir, Savoir et Vouloir, pourvus de majuscules, apparaissent comme des déterminants explicites de l’action, le Devoir étant, significativement absent (nous sommes en 1830).
2.6. Partir : représentations de l’ailleurs et du voyage
36La façon de concevoir le départ pour un lieu désiré, généralement imaginaire, présuppose des choix axiologiques différents. Les lieux de départ et d’arrivée (avec leurs paysages, leurs habitants, leurs mœurs), les motifs du départ, les émotions suscitées par le départ et l’arrivée, tout cela permet d’identifier des univers de valeurs propres à chaque écrivain.
2.7. Transformations sociales subies ou voulues
37La critique des conditions sociales se fait très souvent dans l’horizon d’une espérance de transformation que ce soit par le retour à un passé idéalisé, ou à travers le projet d’une amélioration future, soutenu ou non par une utopie. Les paramètres temporels jouent ici un rôle capital.
2.8. L’homme et la nature, l’homme et la technique
38On a beaucoup insisté sur la célébration de la nature par les romantiques et par d’innombrables auteurs comme Giono, Bosco, etc. : inutile d’insister sur ce point. La confrontation est intéressante avec ceux qui ont chanté la ville, le commerce et la modernité industrielle.
2.9. La question de la vérité du texte biographique ou autobiographique
39Le rapport entre authenticité, véracité, fiction, mentir-vrai, permettent une exploration passionnante de ce que peut être la vérité pour un sujet, notamment à l’occasion des cas de conscience et des scrupules auxquels il se trouve confronté.
2.10. Doctrines littéraires et partis pris axiologiques de valeurs
40Enfin, la querelle de l’art pour l’art ouvre l’ère de l’indépendance revendiquée du jugement esthétique par rapport au bien et au vrai et, à sa suite, plus largement, de la liberté de soutenir un jugement individuel. La querelle lancée par la préface de Melle de Maupin de Théophile Gautier met au jour les rapports souvent difficiles entre le beau et les autres axes : le bien, le vrai, le plaisir et l’utile. L’autonomie relative de l’art par rapport aux autres instances prend alors son essor au point de revendiquer plus tard un véritable autotélisme. La présente publication est, d’une certaine manière, un symptôme de l’effort pour réintroduire l’éthique dans l’étude de la littérature, la réticence à l’égard de la morale manifestant néanmoins le désir de ne pas revenir au régime de la prétendue convergence entre le beau, le bien et le vrai, idée que Victor Cousin, véritable fondateur de l’enseignement de la philosophie en France et admirateur de Platon n’avait cessé de marteler.
41La prolifération des courants esthétiques au dix-neuvième et vingtième siècles est bien connue : l’enchaînement des avant-gardes (romantisme vs classicisme, réalisme, naturalisme, symbolisme, surréalisme, etc.) correspond à une libération du jugement esthétique qui accompagne et stimule une diversification progressive des styles de vie. À chaque fois un parti pris esthétique, qui s’affirme comme seul valable (en opposition aux partis pris concurrents) cherche à s’imposer : il est possible de suivre cette efflorescence des goûts et des attitudes pour montrer aux élèves la diversité d’attitudes et d’univers émotionnels que ce parcours a permis de libérer.
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7 Je me suis borné ici à la littérature de langue française, même si, bien sû...
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8 Ce n’est pas parce que l’on se détourne d’une approche abusivement formalis...
42On trouvera en annexe un inventaire indicatif de textes et d’œuvres susceptibles de nourrir ces orientations qui a pour seule ambition de montrer l’ampleur des ressources dont on dispose lorsque l’on se donne pour but d’ouvrir l’enseignement des lettres aux préoccupations axiologiques7. Il n’est évidemment pas question de traiter toutes ces pistes pendant l’année de première, d’autant que ce parcours laisse de côté certains aspects majeurs de la formation littéraire8.
43Ces nouvelles préoccupations n’appellent pas de rupture particulière avec les habitudes de travail en première. Groupements de textes, œuvres intégrales, textes proposés en commentaire, lectures cursives permettront de nourrir, à l’occasion de l’élaboration des séquences, une problématique dans laquelle les options axiologiques entreront en dialogue, sans que cela remette nécessairement en cause l’étude des genres et des mouvements culturels qui pourra intervenir chemin faisant. Les tensions axiologiques peuvent apparaître entre les textes d’un groupement, par exemple entre les représentations valorisantes ou non de la place de l’homme dans l’univers chez Pascal, Voltaire et Diderot, ou entre les points de vue divergents présentés de manière sérieuse ou parodique sur l’égalité dans des textes de Diderot, Rousseau, Voltaire et Rivarol. L’étude de La Colonie de Marivaux et des positions qui s’y affrontent à propos de l’accès des femmes au savoir et aux positions de pouvoir pourra entrer en résonance avec un groupement de textes sur l’éducation des filles mettant l’accent sur le type de relations actantielles attendues par d’autres personnages ou par des auteurs de manière directe ou indirecte (les « femmes savantes » et leurs critiques, Molière, Fénelon, Rousseau, d’Alembert).
44La diversité des sources énonciatives résultant de l’hétérogénéité générique des textes constitue assurément une difficulté et rend indispensable une sensibilisation des élèves à la prise en compte des spécificités des divers modes de présentation des opinions (discours d’auteur, discours de narrateur, points de vue représentés des personnages, construction par le lecteur ou le spectateur du système de valeurs perçu dans une œuvre). Mais cela ne fera que renforcer l’intrication des divers objectifs de la discipline.
III. L’étude d’une œuvre complète : Quatrevingt-treize de Victor Hugo
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9 Victor Hugo, Quatrevingt-treize, Paris, Garnier-Flammarion, 1965 [1874]. L’...
45Je terminerai ce parcours par la brève évocation d’une œuvre dont j’avais indiqué l’intérêt pour une approche axiologique dans L’Argumentation au pluriel. Disons-le franchement, Quatrevingt-treize9 se prête particulièrement bien à l’étude de systèmes de valeurs. C’est un roman que V. Hugo a longuement médité et qu’il termine en 1873 avec l’idée d’en faire tout à la fois un bilan lucide de la Révolution et un plaidoyer en faveur de l’amnistie des Communards.
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10 F. Leichter-Flack, Laboratoire des cas de conscience, Paris, Alma, 2012, p...
46Je n’évoquerai pas ici le dilemme final auquel est confronté le personnage de Gauvain et que Frédérique Leichter-Flack a si bien analysé dans son Laboratoire des cas de conscience10. Ma présentation vise un autre objectif : souligner la façon dont la complexité du roman, la richesse des interprétations auxquelles il a donné lieu se déploient à partir d’une structuration extrêmement forte. L’œuvre présente un système de personnages particulièrement stylisé destiné à rendre compte des positionnements majeurs adoptés dans la phase cruciale de la Révolution par ses partisans et ses adversaires. Les univers de valeurs s’affirment dans une confrontation où chacun se définit par comparaison dans la dynamique des dialogues.
47Lantenac, chef de l’insurrection royaliste, incarne le passé (l’ancien régime, la vieille France), le culte de la hiérarchie et de l’autorité dans une société féodale et patriarcale fondée sur le droit divin. Ses maîtres mots sont : « Dieu », « la tradition », « les vieilles lois », « la famille », « les aïeux », « le devoir envers son prince », « la justice ». Cimourdain, commissaire du Comité de salut public, se revendique avant tout de préoccupations civiques. Pour assurer la réussite effective et immédiate d’une Révolution faite à hauteur d’homme selon des voies rationnelles (« La République, c’est deux et deux font quatre »), il veut appliquer « le droit strict », « l’égalité », la « loi », « la justice » qui émanent de la légitimité révolutionnaire. Gauvain, lui, se situe dans l’horizon plus vaste du futur, aspire à la République de l’idéal, fondée sur la liberté : il se réclame de » l’harmonie », de « l’équité », de « l’entrelacement magnanime des bienveillances », de « l’amour », de « l’harmonie », de la « paix », de l’égalité de l’homme et de la femme, mais aussi de la poésie et de l’utopie :
Le sourire sévère de Cimourdain s’arrêta sur Gauvin comme pour tenir cette âme en arrêt.
— Poésie défie-toi des poètes.
— Oui je connais ce mot. Défie-toi des souffles, défie-toi des rayons, défie-toi des parfums, défie-toi des constellations. […] Si l’on rudoie l’utopie, on la tue. Rien n’est plus sans défense que l’œuf. » Quatrevingt-treize, p. 368 et 370.
48Enfin Radoub, figure de la fraternité, ne manie pas les mots abstraits mais se veut avant tout fidèle à la cause collective et aux chefs qui conduisent l’action révolutionnaire. Il aspire à l’unité et préfigure le dévouement des grognards de l’Empire.
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11 Pour une présentation plus détaillée, on peut se reporter à mes tableaux e...
49Le caractère systématique du roman lui confère une dimension didactique et permet de relier étroitement l’enquête sur les valeurs aux enjeux émotionnels d’un texte engagé qui cherche à respecter la voix et le style des personnages11. Il permet aux élèves d’entrer en empathie avec eux, même s’ils éprouvent plus de sympathie pour tel ou tel, grâce à l’art consommé de la polyphonie de Victor Hugo qui porte en lui, dans son histoire personnelle, le conflit qu’il met en scène.
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12 On reconnaît ici les trois paramètres mis en lumière par Raphaël Baroni (L...
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13 Ce qui n’exclut pas une approche plus psychologique des motivations incons...
50La construction de l’intrigue évite néanmoins les écueils du manichéisme en confrontant chacun des trois personnages principaux aux limites et aux contradictions de ses certitudes. Loin d’agir en conformité avec leur condition sociale et leur éducation, ils manifestent leur capacité à échapper aux fatalités sociales. Victor Hugo, en déjouant les anticipations du lecteur, en suscitant curiosité, surprise et suspense12, cherche à souligner, outre les errances d’une position absolue en politique, le rôle central de la liberté. L’indétermination des situations met chacun face à ses responsabilités, face à ce que nous appelons aujourd’hui des « choix de valeurs » et fait du dilemme le signe même de l’humanité13. Chaque point de vue est présenté de manière à lui donner sa chance rhétorique, qu’il s’exprime dans un monologue suprêmement ironique comme dans la tirade finale de Lantenac ou dans un dialogue d’une extrême tension dialectique lors de l’ultime confrontation entre Gauvain et Cimourdain.
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14 Je me réfère ici aux propositions d’Alain Rabatel dans Homo Narrans, Pour ...
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15 Rappelons que dans Le Roman à thèse ou l’autorité fictive (PUF, 1983), Sus...
51La réception de Quatrevingt-treize devait confirmer l’effort d’impartialité de l’auteur. De Jules Vallès à Barbey d’Aurevilly la plupart des écrivains rendirent hommage à l’habileté déployée par Victor Hugo pour restituer le point de vue des divers protagonistes, au point que l’auteur du Chevalier des Touches prétendit que le personnage de Lantenac avait échappé à son auteur. Ce qui est sûr, c’est que Victor Hugo offre, à travers les discours représentés et la construction narrative de Quatrevingt-treize, l’occasion d’une lecture « problématisante »14 échappant aux facilités habituelles du roman à thèse15.
Conclusion
52Il serait trop long d’envisager comme elle le mérite la question essentielle des ambivalences présentes dans les œuvres et des perplexités qu’elles suscitent. Ce que je souhaitais souligner, et que l’exemple du roman de Hugo, selon moi, vérifie, c’est que la structuration n’empêche pas la complexité. L’auteur de Quatrevingt-treize redoutait avant tout d’entretenir le clivage binaire hérité de la Révolution, mais pour que le lecteur ait accès aux difficultés d’interprétation de l’événement telles qu’il les percevait, il lui fallait recourir à des procédés de présentation en apparence simplistes (réduction du récit à une intrigue très stylisée, personnages idéal-typiques).
53De la même façon, pour que l’élève puisse entrer dans la compréhension des enjeux axiologiques, il faut qu’il dispose d’un cadre un peu ferme : il sera sinon incapable de s’orienter dans l’extrême diversité des points de vue. La construction d’un parcours de lecture sur une année permet, selon moi, une telle structuration, qu’il s’agisse de situer l’homme dans l’univers, de déterminer les relations souhaitées et recherchées entre êtres humains, entre l’homme et la nature, etc. Une remarque s’impose toutefois : l’approche négative, mélancolique ou franchement dénonciatrice, se rencontre plus souvent que la version positive d’une harmonie enfin trouvée. Mais, outre que cela évite les sermons, cela permet de faire percevoir, en creux, ce à quoi tiennent les personnages et les auteurs.
54L’objectif étant actuellement, d’aboutir à des propositions capables d’opérer un tournant dans les pratiques didactiques, voici les propositions que je désirerais mettre en avant :
— il faut banaliser dans la pratique d’enseignement du français l’usage de l’adjectif axiologique, comme adjectif correspondant au mot valeur afin de donner plus de souplesse, de commodité aux commentaires et aux réflexions sur les valeurs (je rappelle que le mot optimisme était au XVIIIe siècle un mot jugé abscons, relevant du jargon philosophique).
— on peut affirmer l’existence, dans l’usage courant des jugements de valeur, de 5 axes ou registres principaux (en plus de l’archi-axe bon/ mauvais), de 3 ou 4 pôles majeurs de la valorisation ou de la dévalorisation (les actants de base),
— il est bon d’attirer l’attention sur le rôle des auxiliaires modaux et sur les divers types d’attitude par rapport au dire et au faire dans la formulation des conflits axiologiques,
— il est souhaitable de ménager une place, dans l’organisation d’une progression, à quelques grandes options thématiques du type de celles que nous avons présentées (mais avec modération et souplesse, en les combinant avec les autres objectifs pédagogiques),
— à cet effet, il est nécessaire de disposer au cours de l’année scolaire de moments de synthèse afin de faire apparaître quelques constantes topiques (par exemple certains des registres mis en évidence par N. Heinich ou certains couples et séries récurrents). C’est par la confrontation des options axiologiques que leur saillance a le plus de chance d’être repérée et de permettre, par surcroît, l’accès à des analyses plus fines, plus exigeantes.
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16 Notons en particulier les propositions de Y. Citton (Lire, interpréter, ac...
55Enfin il est toujours indispensable, et les nombreux travaux portant sur la lecture actualisante16 viennent utilement le rappeler, d’être très attentif aux résonances des travaux qu’on y organise avec l’actualité et les événements qui se déroulent à l’extérieur, mais aussi au sein même la classe. Questionner les valeurs dans les œuvres ne peut se faire qu’en écho avec celles qui circulent, le plus souvent de manière implicite, dans la société, dans l’institution scolaire et entre le professeur et ses élèves.
Notes
1 Max Weber, La science, profession et vocation, 2005, [1917-1919], trad. I. Kalinowski, Marseille, Agone, p. 44
2 Cette sélection recoupe celle de Patrick Charaudeau dans Grammaire de l’expression, Paris, Hachette, 1992, p. 814.
3 N. Heinich, Des valeurs. Une approche sociologique, Paris, Gallimard, 2017, p. 225-276.
4 On aura sans doute remarqué l’insistance, dans la réflexion contemporaine, d’une petite topique où les mots « soi » et « autre » jouent un rôle majeur, la question étant de régler les relations entre soi et soi et entre soi et l’autre (ou les autres). Citons quelques titres : Le souci de soi, Le Gouvernement de soi et des autres, L’Origine de l’herméneutique de soi de M. Foucault, Soi-même comme un autre de P. Ricœur, Le Souci de soi et des autres. Éthique et politique du care de P. Papperman et S. Laugier, Le Parler de soi de V. Descombes, etc.
5 On peut trouver une palette plus large de ces paramètres dans J.-C. Guerrini et E. Majcherczak, L’Argumentation au pluriel. Polyphonie, valeurs, points de vue, Presses universitaires de Lyon, 1999.
6 Tant P. Hamon que V. Jouve ont insisté sur l’importance des normes (savoir-faire, savoir- dire, savoir
7 Je me suis borné ici à la littérature de langue française, même si, bien sûr, l’apport de la littérature étrangère est à prendre en considération
8 Ce n’est pas parce que l’on se détourne d’une approche abusivement formaliste de la discipline qu’il faut délaisser l’étude des genres, l’attention à la littéralité des textes et les visées spécifiques de l’entreprise littéraire.
9 Victor Hugo, Quatrevingt-treize, Paris, Garnier-Flammarion, 1965 [1874]. L’orthographe du titre retenue par Victor Hugo déroute souvent les éditeurs.
10 F. Leichter-Flack, Laboratoire des cas de conscience, Paris, Alma, 2012, p. 92-99.
11 Pour une présentation plus détaillée, on peut se reporter à mes tableaux et analyses dans L’Argumentation au pluriel p. 106-109 et dans « Le message d’un roman engagé, Quatrevingt-Treize de Victor Hugo » dans P. Marillaud et R. Gauthier (éd.), Rhétoriques des discours politiques, Actes du 25ème colloque d’Albi, 2005, p. 103-114.
12 On reconnaît ici les trois paramètres mis en lumière par Raphaël Baroni (La Tension narrative, Suspense, curiosité et surprise, Paris, Seuil, 2007) à la suite des articles publiés par Meir Sternberg (« Telling in time I : Chronology and narrative theory » Poetics Today n° 13, 1990 p. 901-948 et « Telling in time II : Chronology, teleology, narrativity », Poetics Today, n° 13, 1992, p. 463-541).
13 Ce qui n’exclut pas une approche plus psychologique des motivations inconscientes des personnages (qu’on songe en particulier au cas de Lantenac).
14 Je me réfère ici aux propositions d’Alain Rabatel dans Homo Narrans, Pour une analyse énonciativiste et interactionnelle du récit, Limoges, Lambert-Lucas, 2008 et dans « L’énonciation problématisante : en dialogue avec Le Royaume d’Emmanuel Carrère », Arborescences, n° 6, 2016, p. 13-38.
15 Rappelons que dans Le Roman à thèse ou l’autorité fictive (PUF, 1983), Susan R. Suleiman qui ne s’intéresse d’ailleurs pas à V. Hugo, retenait deux critères permettant de distinguer le roman à thèse : « Ce sont, d’une part, la présence d’un système de valeurs inambigu, dualiste ; d’autre part, la présence, fût-elle implicite, d’une règle d’action adressée au lecteur. » La « conclusion inconclusive » de Quatrevingt-treize empêche le roman d’obéir au premier critère, mais invite à la clémence, sans dissimuler ses dangers.
16 Notons en particulier les propositions de Y. Citton (Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ? Paris, Éditions Amsterdam, 2007) qui ont suscité de très riches réflexions et débats, par exemple : Recherches et travaux n° 91 J.-F. Massol, G. Plissonneau et B. Bloch (dir.) Contextualiser et actualiser les œuvres littéraires au collège et au lycée, UGA Éditions, 2017.
17 Il ne m’a pas semblé nécessaire de faire figurer dans cette liste les textes théoriques et les manifestes bien connus des professeurs (Piste 10)
Annexes
RESSOURCES POUR UN PARCOURS AXIOLOGIQUE EN CLASSE DE PREMIÈRE17
1) La place de l’homme dans l’univers :
Pascal : Pensées (Les deux infinis, Disproportion de l’homme, Grandeur de l’homme, Roseau pensant, Quelle chimère est-ce donc que l’homme ?)
Voltaire : Lettres philosophiques (Lettre XXV Remarques sur les Pensées de Pascal)
Diderot : Entretien entre d’Alembert et Diderot. Le Rêve de d’Alembert, Jacques le Fataliste
2) Vie sauvage vs vie civilisée :
Montaigne : Essais, Livre I, XXXI, Les Cannibales
Rousseau : Discours sur les sciences et les arts
Diderot : Supplément au voyage de Bougainville
Voltaire : Dictionnaire philosophique (Article Homme), Candide, chap. 16
Lévi-Strauss : Tristes tropiques, chap. 28 ;
Tournier : Vendredi ou les limbes du Pacifique
3) Évaluation de l’état du monde et de la société :
Pascal : Pensées (En voyant l’aveuglement et la misère de l’homme, Les trois ordres)
Voltaire : Lettres philosophiques, Le Mondain, Lettre à Rousseau, Poème sur le désastre de Lisbonne,
Rousseau : Discours sur les sciences et les arts, Lettre à Voltaire
Diderot : Encyclopédie (article Autorité politique)
Condorcet : Esquisse d’un tableau des progrès de l’esprit humain
Tocqueville : De la démocratie en Amérique
Valéry : La Crise de l’esprit (Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles…)
4) Des relations entre êtres humains (rôles et statuts) :
Corneille : Horace, Le Cid
Molière : Dom Juan, L’École des femmes
La Fontaine : Fables (Le loup et l’agneau, Les animaux malades de la peste, Le Jardinier et son seigneur, Les Membres et l’Estomac)
Fénelon : Traité de l’éducation des filles
Montesquieu : Lettres persanes (Les Troglodytes), L’Esprit des lois
Marivaux : Le Jeu de l’amour et du hasard, L’Île des esclaves, La Colonie
Voltaire : Dictionnaire philosophique (Article Égalité)
Rousseau : Discours sur l’origine de l’inégalité, Du Contrat social, Les Confessions (Le dîner de Turin), Lettre à d’Alembert sur les spectacles, Émile ou de l’éducation
Diderot : Jacques le Fataliste, Le Neveu de Rameau
D’Alembert : Sur l’éducation des filles
De Maistre : Lettre à sa fille
Beaumarchais : Le Mariage de Figaro
Choderlos de Laclos : Les Liaisons dangereuses
Rivarol : Projet de programme présenté à l’assemblée, Les Actes des apôtres.
Balzac : Le Père Goriot, Les Illusions perdues
Mérimée : Carmen, Colomba
Tristan : Des moyens de constituer la classe ouvrière.
Hugo : Ruy Blas, Claude Gueux, Les Misérables, Les Châtiments, L’Année terrible, L’Homme qui rit, Quatrevingt-treize
Baudelaire : Le Spleen de Paris (Le joujou du pauvre, Assommons les pauvres !)
Maupassant : Boule de suif, Bel ami, Une vie, Pierre et Jean
Flaubert : Madame Bovary, Un cœur simple
Zola : L’Assommoir, Germinal
Maupassant : Bel ami
Proust : Un amour de Swann
Martin du Gard : Les Thibault (L’Été 14, La Consultation)
Barbusse : Le Feu
Céline : Voyage au bout de la nuit
Giraudoux : La Guerre de Troie n’aura pas lieu
Mauriac : Le Nœud de vipères, Le Sagouin
Camus : La Peste, Les Justes, Réflexions sur la guillotine, La Chute
Sartre : L’Enfance d’un chef, L’existentialisme est un humanisme (Le dilemme de l’élève), Les mots
Gary (ou Ajar) : Les Racines du ciel, La Vie devant soi
Beauvoir : Mémoires d’une jeune fille rangée, Les belles images,
Bazin : Vipère au poing
Etcherelli : Élise ou la vraie vie
Duras : La douleur
Ben Jelloun : L’Enfant de sable, La Nuit sacrée
Carrière : La Controverse de Valladolid
Semprun : Quel beau dimanche !
5) Pouvoir, savoir, croire, vouloir, devoir, aimer :
Corneille : Le Cid, Horace, Polyeucte
Racine : Phèdre
Molière : Les Femmes savantes, Les Précieuses ridicules
Hugo : Les Misérables
Balzac : La Peau de chagrin
Zola : Le Docteur Pascal
6) Partir, représentations de l’ailleurs et du voyage :
Chateaubriand : Les Mémoires d’Outre-Tombe
Baudelaire : Les Fleurs du mal (Parfum exotique, L’Invitation au voyage)
Rimbaud : Poésies (Le Bateau ivre, Ma bohème)
Mallarmé : Poésies (Brise marine)
Verlaine : Romances sans paroles (Charleroi)
Laforgue : Les Fleurs de bonne volonté (Albums)
Cendrars : Feuilles de route (Tu es plus belle que le ciel et la mer)
Michaux : Un Barbare en Asie
Lévi-Strauss : Tristes Tropiques
Tournier : Vendredi ou les Limbes du Pacifique
Le Clézio : Désert
Mauvignier : Continuer
Gaudé : Eldorado
7) Transformations sociales subies ou souhaitées
Balzac : Les illusions perdues, Le Colonel Chabert
Stendhal : Le Rouge et le noir, La Chartreuse de Parme
Hugo : Les Misérables
Flaubert : L’Éducation sentimentale
Zola : La Fortune des Rougon, L’Argent, La Curée, Au Bonheur des dames
Malraux : La Condition humaine
Camus : La Peste
Gary : La Promesse de l’aube
Ionesco : Rhinocéros
Mouawad : Incendies
8) L’homme, la nature, la modernité technique :
Rousseau : Les Confessions, Les rêveries du promeneur solitaire
Chateaubriand : Mémoires d’outre-tombe
Lamartine : Méditations poétiques, Harmonies poétiques et religieuses
Hugo : Les feuilles d’automne, Les Contemplations
Vigny : Les Destinées (La Maison du berger)
Zola : La Faute de l’Abbé Mouret
Apollinaire : Alcools
Cendrars : La prose du transsibérien
Céline : Voyage au bout de la nuit
Sartre : Situations III (New York)
Colette : Sido
Giono : Regain
Bosco : Le Mas Théotime
Camus : Noces
Barjavel : Ravage
Gary : Les Racines du ciel
de Kérangal : Naissance d’un pont
Filhol : La Centrale
9) La vérité du texte autobiographique (écritures de soi) :
Montaigne : Essais
Rousseau : Les Confessions
Chateaubriand : Mémoires d’Outre-Tombe
Stendhal : Vie de Henry Brulard
Gide : Si le grain ne meurt
Leiris : L’Âge d’homme
Beauvoir : Mémoires
Sarraute : Enfance
Duras : La Douleur
Cohen : Le Livre de ma mère
Perec : W ou Le souvenir d’enfance
Ernaux : La Place, Une Femme
Begag : Le Gone du Chaâba
Michon : Les Vies minuscules
Juliet : L’Année de l’éveil, Lambeaux
Modiano : Livret de famille
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Jean-Claude Guerrini
ICAR, ENS-CNRS – Université de Lyon