Dossier Acta Litt&Arts : Les conditions du théâtre : la théâtralisation
Théâtre de la révolution, théâtre révolutionnaire, révolution du théâtre en Égypte ? No Time for Art (2011) de Laila Soliman
Résumé
La théâtralisation de la révolution égyptienne pose des questions dramaturgiques et interroge la légitimité de la création artistique face à l’action politique. L’étude des solutions envisagées par la metteuse en scène Laila Soliman dans son spectacle No Time for Art, performance interactive sur le modèle du théâtre documentaire créée au printemps 2011, permet de ré-envisager un rôle social du théâtre et de l’artiste. Au-delà, le sujet nous invite à nous demander en quoi cette expérience-limite en temps de révolution peut nous aider à penser le théâtre politique.
Texte intégral
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1 Par exemple les collectifs Mashrou’ al-Mareekh, et Mashrou’ Choral.
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2 Le collectif « Al-Fan Midân » a été créé pendant les dix-huit jours d’occup...
1L’événement révolutionnaire de 2011 a constitué une remise en cause profonde, même si temporaire, des structures sociales et politiques de l’Égypte contemporaine. Le 25 janvier 2011 éclate, à la suite de la révolution tunisienne, l’épisode égyptien des Printemps Arabes. Le mouvement, initié par plusieurs groupes issus de la société civile, se donne pour objectif la chute du régime en place représenté par le président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981, comme préalable à l’instauration d’une nouvelle constitution et d’une démocratie réelle. Ce mouvement de révolte contre l’ordre établi trouve sa genèse tout au long des années 2000, décennie pendant laquelle la prise de parole par les membres de la société civile s’est progressivement affirmée par le biais des réseaux sociaux et du journalisme citoyen, et par la formation de groupes d’activistes. Le théâtre s’est développé, devenant pour certains un moyen de se réapproprier la parole confisquée par l’État. De nouvelles compagnies et des collectifs ont émergé, employant la forme théâtrale pour témoigner des changements à l’œuvre1. Le théâtre comme un mode de représentation a donc été vecteur de cette transformation sociale en même temps qu’il a été privilégié par des artistes pour témoigner de celle-ci. De la même manière, nous constatons qu’au cours de la période révolutionnaire, des artistes ont choisi de s’emparer de la révolution pour en faire un objet et un thème théâtral, mais aussi que des collectifs de jeunes militants ont choisi de monter des spectacles de théâtre2. En ce sens, la scène de théâtre est devenue un nouveau lieu pour l’activisme politique.
2Mais, dans l’optique d’un théâtre du mouvement révolutionnaire, on est en droit de se demander si l’événement est seulement théâtralisable. Le premier obstacle semble être celui de la re-présentation d’un mouvement collectif auquel une dimension performative et inattendue a donné de la valeur. Mais surtout, il s’agit de s’interroger sur l’adéquation entre l’événement et le théâtre tel qu’il se pratique en Égypte aujourd’hui. Quel est l’intérêt de cette théâtralisation de la Révolution, où se trouvent ses motivations et quels sont ses effets souhaités et/ou produits ?
3Dans le processus de théâtralisation, les artistes sont notamment confrontés à des problèmes dramaturgiques spécifiques. La représentation de la foule, présente dans la rue le 25 janvier 2011 et pendant les dix-huit jours d’occupation de la place Tahrir qui ont suivi, peut apparaître comme une gageure sur une scène de théâtre, de même que celle de la répression policière, des massacres et de la violence physique. Représenter le sang versé et témoigner de la violence des événements sans esthétisation implique pour les artistes de trouver des solutions dramaturgiques et scéniques nouvelles. Les questions posées sont d’ordre dramaturgique, mais sont également celles des moyens financiers, techniques et spatiaux de la représentation théâtrale, et celle, enfin, de la réception. Pour traiter de cette question du théâtre en période de révolution, il s’agira donc de poser la question de ce qui semble irreprésentable et de ce qui est représenté, et de ce qui est, ou non, théâtralisable dans le contexte du théâtre de la guerre, de la révolution, en regard notamment de la question de l’action. Si l’épisode révolutionnaire de la place Tahrir et au-delà nous en donne l’occasion, il doit être saisi comme un élément symptomatique, un cas limite pour questionner de manière plus large la question du théâtralisé et du théâtralisable en lien avec l’événement politique.
4Notre propos s’appuiera particulièrement sur l’étude du théâtre de Laila Soliman. Si les débuts de son travail théâtral sont antérieurs à la révolution, l’événement a transformé sa manière de penser et d’envisager sa position en tant qu’artiste et les enjeux de ses créations. Plus particulièrement, le spectacle No Time for Art, créé entre avril et juin 2011, invite à réfléchir, dès son titre, aux modalités d’une représentation de la révolution, et ce d’autant plus que la réalisation du projet s’est accompagnée chez l’artiste d’une réflexion théorique plus large sur l’art, ses conditions et ses objectifs. Nous verrons d’abord comment, dans ce contexte, les artistes de différentes disciplines ont interrogé leur légitimité et l’utilité d’une représentation de la Révolution. Puis, nous étudierons les solutions trouvées par Laila Soliman et la façon dont elle justifie ses choix artistiques et citoyens. Enfin, nous aurons l’occasion, toujours à partir de l’exemple du projet No Time For Art, d’élargir notre réflexion pour nous interroger sur la manière dont le théâtre, par les moyens et les objectifs qu’il se donne, peut jouer un rôle dans le champ de l’action politique.
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3 Notre traduction : « Que faire maintenant ? », Doa Aly, « No time for art »...
« What do we do now ?3 » : la mise en doute par les artistes d’une possible représentation de la révolution
5Interroger la notion du théâtralisé et celle du théâtralisable, c’est s’interroger en amont sur ce qui entre dans les limites de la représentation, sur la manière et les moyens mis à disposition ou créés par des artistes pour se saisir d’un objet du réel. Cette question semble donc concerner l’art en général et sous ses multiples formes, et s’inscrit dans le cadre d’une réflexion large, en lien avec, entre autres, des problématiques esthétiques et philosophiques. Mais elle ne peut s’envisager sans lien avec une prise en considération d’un contexte historique, social et politique. Cela nécessite alors de s’interroger sur la représentation d’une société à un moment donné de son histoire, et sur la manière dont le politique intervient pour fixer le cadre de cette représentation, tout en prenant en compte la capacité de l’art à contourner, dépasser ou transcender ces limites.
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4 Walter Armbrust, Mass culture ans modernism in Egypt, Cambridge, Cambridge ...
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5 Pour une histoire détaillée du théâtre égyptien depuis le xixe siècle, voir...
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6 Par exemple, le théâtre d’ombres, les marionnettes et le conte.
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7 On peut citer notamment la compagnie El-Warsha, fondée en 1987 par Hassan e...
6Au cours de la période pré-révolutionnaire coexistent en Égypte deux grandes dynamiques théâtrales. D’une part, le théâtre public, soutenu et financé par l’État, qui est un héritage direct du théâtre moderne tel qu’il est apparu dans le pays (et plus largement, en Orient) au xixe siècle, sous l’influence occidentale. Si ce théâtre public a été, au cours du xxe siècle, le lieu d’innovations théâtrales, l’ouverture au libéralisme et l’accroissement des politiques de censure mises en place par le pouvoir à partir des années 1970 ont conduit à un affaiblissement des avant-gardes. De plus, le théâtre a également été soumis à une compétition accrue avec les autres formes artistiques et les autres médias, notamment les médias de masse comme la télévision ou le cinéma, comme le démontre Walter Armbrust dans son ouvrage Mass culture and modernism in Egypt4. Dans cette mesure, le théâtre public égyptien est progressivement devenu un théâtre de masse, exclusivement tourné vers le divertissement, et dénué de tout contenu critique ou d’innovations artistiques5. D’autre part, le théâtre indépendant, apparu au début des années 1990, est porté par une série de jeunes artistes cherchant à renouer avec des productions avant-gardistes, revendiquant des emprunts à la scène occidentale tout en cherchant à valoriser l’héritage culturel oriental et les formes du théâtre populaire6. Ces artistes, non soutenus financièrement par l’État, revendiquent un lien étroit entre théâtre et politique, et cherchent à aborder à la scène des thèmes engagés7.
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8 Principalement le Département de la Censure du Ministère de la Culture, mai...
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9 Nehad Selaiha, « The Fire and the frying pan, censorship and performance in...
7Depuis plusieurs décennies, par le biais d’instances de contrôle8, le régime autoritaire égyptien a imposé des limites strictes à ce qui était théâtralisé (privation de moyens financiers pour les artistes, censure) et dès lors théâtralisable. Selon Nehad Selaiha, cette censure ne s’est pas seulement établie sur des interdits politiques, mais trouve ses fondements dans un contexte social plus large : celui d’une société religieuse et conservatrice9. Il faut donc également ajouter les éléments sociaux et religieux qui seraient au fondement de toute censure, indépendamment du contexte égyptien ici considéré, mais aussi de toute auto-censure nécessairement à l’œuvre chez les artistes et les intellectuels. Le théâtre égyptien est donc très lié aux structures sociales, et soumis aux contraintes politiques et institutionnelles, même s’il existe un théâtre indépendant qui tente de s’en émanciper. La Révolution de 2011 s’est construite en opposition aux institutions et au statu quo politique et social. Dans ce sens, il n’est pas étonnant de constater que la Révolution a été un thème central dans les productions émanant de compagnies indépendantes, alors que ce thème est resté absent sur la scène du théâtre public. Au cours de la période révolutionnaire où, pendant quelques mois, les instances de contrôle et de censure ont cessé de fonctionner, les artistes ont disposé d’une grande liberté de parole pour évoquer l’événement à la scène.
8Pourtant, la théâtralisation de l’événement politique (ici, la révolution), ou plus largement sa représentation, apparaît dans un premier temps comme un obstacle pour l’artiste. L’artiste plasticienne égyptienne Doa Aly, s’interroge au lendemain de la révolution :
10 « Depuis la révolution, les artistes égyptiens ne savent plus où donner de...
Since the revolution, Egyptian artists have been running about like headless chickens. Their concerns have taken an almost existential dimension. What do we do now? Do we keep doing what we used to do?10
9Si l’art est souvent envisagé dans sa capacité à anticiper l’événement politique, voire même à jouer un rôle dans son déclenchement dans la perspective d’un théâtre militant, c’est ici sa capacité de réaction et d’adaptation à une situation politique qui est mise en doute. Doa Aly ajoute ainsi :
11 « Lorsqu’un événement aux proportions extraordinaires advient, il faut lui...
When something of extraordinary proportion happens, it has to be acknowledged. […] After a devastating bombing attack or a political victory, there is no time for art. It is time for action; […] and anything else seems inappropriate11.
10Si l’art apparaît alors comme illégitime, ce serait parce qu’il ne se situe pas du côté de l’action, mais plutôt du côté de la réflexion, d’une prise de distance, ne serait-ce qu’esthétique, par rapport à l’événement. Cela implique une hiérarchisation dans les modalités de l’implication de l’artiste dans le cours des événements, dont la légitimité à traiter de la révolution pourrait se mesurer à l’aune de son action. On pense au plasticien et photographe Ahmed Bassiouny, qui a participé à la révolution en tant que militant mais aussi en tant qu’artiste, et qui a construit une œuvre à partir de films, prises de sons et photographies de la mobilisation place Tahrir, intitulée 30 days of running in Place, avant de mourir abattu par une balle des forces militaires. Dans ce genre de cas, la frontière entre l’artiste, le militant politique et le citoyen est effectivement brouillée. Est-ce à dire qu’en période de troubles politiques, la dimension réflexive de la représentation artistique tendrait à s’effacer derrière la dimension performative de l’action politique ?
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12 « J’en viens à penser qu’il n’y a pas de moment qui ne soit pas un moment ...
« I happen to believe that no time is no time for art12 » : moyens et dispositifs pour une théâtralisation de la révolution dans le spectacle No Time for Art de Laila Soliman
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13 Le mouvement révolutionnaire déclenché le 25 janvier 2011 contraint le pré...
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14 « J’ai senti à ce moment que je questionnais mon propre rôle et commençais...
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15 « Cela aurait pu être mieux si j’avais été vidéaste ou journaliste » (Idem...
11La dramaturge et metteuse en scène Laila Soliman s’est également confrontée à ces questions au cours du processus de création de son spectacle-performance No Time for Art. En 2010, elle monte L’Éveil du printemps, de Frank Wedekind, interrogeant de manière troublante les sourdes transformations et l’esprit de révolte à l’œuvre dans la jeunesse égyptienne, à la veille du déclenchement des Printemps arabes. Pourtant, en avril 2011, lorsqu’elle entame le processus de création d’un spectacle sur la Révolution, alors-même que la Place Tahrir est encore occupée par une partie des manifestants et que règne un climat de guerre civile dans un contexte d’instabilité politique13, elle témoigne de son doute quant à sa légitimité à théâtraliser l’événement en cours. Dans une conférence donnée à Bruxelles en septembre 2012, elle affirme ainsi : « I felt at this moment I was questioning my own role and doubting my usefulness14 ». Elle interroge la légitimité de l’art en général, mais plus particulièrement celle d’une création personnelle dans une période où le collectif est au fondement d’un bouleversement des structures socio-politiques, avant d’ajouter : « It could have been better if I had been a video maker or a journalist15 » — elle questionne par là le traitement du matériau brut, tiré du réel, par l’artiste. Plus que la capacité du théâtre à rendre compte de l’événement, c’est la représentation par la fiction qui semble ici mise en doute. Soliman disqualifie ainsi le théâtre en tant que lieu où se représente la révolution. Il s’agirait dès lors de l’envisager comme le lieu où, au-delà, elle se présente et où s’expérimentent les nouveaux rapports entre les individus, en relation avec les ruptures politiques et sociales à l’œuvre. Dès lors, la responsabilité sociale et morale de l’artiste est réactivée, mais il s’agit pour lui d’inventer de nouvelles formes, de penser des dispositifs dramaturgiques et scéniques spécifiques pour envisager l’événement.
12Le projet No Time for Art se fonde à l’origine sur la volonté de Laila Soliman d’évoquer la révolution par le biais d’un cas individuel : celui de son ami Ali Sobhy, comédien et militant, arrêté le 9 mars 2011 et torturé par l’armée. D’emblée, le choix thématique pose des problèmes dramaturgiques (comment représenter à la scène la violence subie par le jeune militant ?) mais aussi d’objectivité (comment restituer à travers un cas particulier une expérience vécue collectivement ?).
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16 Brinda J. Mehta, Dissident writings of Arab women, New York, Routledge, 20...
13Si la focalisation sur une expérience individuelle permet de dépasser la contrainte scénique de la représentation de la foule à la scène, l’enjeu semble tout d’abord de justifier le choix du particulier en tant qu’il permet de restituer de manière métonymique et exemplaire une expérience générale et ce que la chercheuse américaine Brinda J. Mehta nomme l’« ethos du collectif16 ». L’expérience vécue par Ali Sobhy fait ici écho à celle vécue par de nombreux manifestants de la place Tahrir. De plus, elle renvoie à un problème politique et social plus large : celui de la violence militaire comme violence d’État institutionnalisée. La figure individuelle est donc liée à une préoccupation collective.
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17 Hélène Kuntz, « Témoins réels en scène », dans Études théâtrales, n° 51-52...
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18 Extrait du texte non publié du spectacle No Time for Art, traduction de l’...
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19 Idem.
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20 Idem.
14Laila Soliman renonce à la représentation de cette violence subie à la scène, et y substitue le récit de la torture, fait par Ali Sobhy lui-même, qui se présente au public en tant que témoin qui vient raconter ce qu’il a lui-même vécu. Il faudrait alors le considérer comme superstes (« rescapé ») plutôt que comme testis (« tiers »), selon la distinction étymologique du terme « témoin » rappelée par Hélène Kuntz17. La dramaturge refuse donc ici le recours à la fiction dont la capacité à représenter l’événement est précisément, nous l’avons rappelé, mise en doute par Soliman à la suite d’autres artistes, et choisit le dispositif du témoignage. La subjectivité du témoin est assumée, alors même que Soliman revendique l’aspiration à une certaine objectivité dans le traitement de la question de la violence en Égypte. Le témoignage de Sobhy est en fait confronté à un autre récit de son arrestation, celui diffusé par la chaîne de télévision nationale. Les images médiatiques sont projetées sur un écran disposé en fond de scène, et le jeune homme y apparaît, au milieu de la foule compacte de ceux que le présentateur décrit comme des « perturbateurs » et des « voyous 18». Sur les images, il apparaît sale, les cheveux longs en bataille. Devant le groupe de manifestants sont disposées des armes blanches, des bâtons et des cocktails Molotov. Sur scène, Sobhy, présent en tant que victime et militant, les vêtements propres, rasé de près, ne commente pas ces informations, ne choisit jamais de prendre la parole sur un ton polémique. Il raconte sa version des faits : le 9 mars 2011, il a été arrêté alors qu’il participait à une manifestation pacifique car il faisait partie de ceux « qui avaient l’air louche19 ». Après avoir été battu et humilié par les policiers, il a été traîné devant les caméras de télévision, près d’une table sur laquelle avaient été disposées au préalable les armes « par un officier ensemblier qui préparait le plateau aidé de deux assistants20 ».
15Le témoignage de Sobhy ne prétend pas à l’objectivité, mais sert avant tout de contrepoint aux discours des médias contrôlés par l’État affirmant, pour leur part, communiquer des informations objectives. C’est donc la confrontation de deux discours qui permet à Soliman de déconstruire une vision du monde falsifiée à des fins politiques. Dans cette mesure, son théâtre s’inscrit dans la perspective d’un théâtre documentaire, au profit duquel elle abandonne la fiction pour évoquer la révolution à la scène. Si son premier contact avec l’esthétique du théâtre documentaire est antérieur à la révolution (elle participe à la création, en 2009, du spectacle Radio Muezzin par le collectif allemand Rimini Protokoll), c’est véritablement au cours de la période révolutionnaire qu’elle se l’approprie.
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21 Peter Weiss, « Notes sur le théâtre documentaire », Discours sur la genèse...
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22 Ibid., p. 7.
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23 Ibid., p. 8.
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24 Ibid., p. 9.
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25 Jacques Delcuvellerie, « Réel, fiction, hallucination : le combat avec l’a...
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26 « une tentative pour réécrire l’histoire depuis les marges » (Brinda J. Me...
16Le théâtre documentaire n’est pas une invention formelle de Soliman. Il apparaît dans les années 1960, et est théorisé par Peter Weiss en 1968 dans ses « Notes sur le théâtre documentaire21 » où il est défini comme « un théâtre réaliste d’actualité […] dont l’objet exclusif est la documentation sur un sujet22 ». Son appropriation par les artistes en Égypte est un phénomène nouveau, qui s’inscrit dans un contexte spécifique. À un moment où les structures politiques sont remises en cause dans la rue, il se donne pour objectif la destruction d’un système médiatique participant à une déformation du réel au service du maintien d’un ordre socio-politique. Il tend également à dénoncer la violence exercée par l’organe militaire du pouvoir en place. Il participe donc à une « critique du mensonge23 » et à une « réaction contre la situation présente qu’il exige de clarifier24 », à la suite des objectifs fixés par Weiss. De plus, il transforme le statut du matériau médiatique, qui devient analysable et critiquable, ce qui n’est pas un élément anodin au vu des précédents politiques, artistiques et culturels en Égypte. Il propose aux citoyens de s’informer par eux-mêmes. Ces matériaux qui passent du domaine des médias au domaine de l’art théâtral entraînent une actualisation de ce qui est reconnu ou non comme un matériau théâtralisable en Égypte. De plus, la confrontation des sources permise par le théâtre documentaire consiste en une évolution politique portée par le théâtre, qui apparaît ainsi comme le lieu d’une remise en cause des discours dominants. Enfin, si l’on considère, à la suite de Jacques Delcuvellerie, le témoin comme « document vivant25 », son intégration sur la scène permet à l’individu de se présenter comme acteurs et non objets de l’histoire, dans une démarche que Brinda J. Mehta décrit comme « an attempt to rewrite history from the margins26. »
La théâtralisation de la révolution comme moyen de replacer le théâtre dans le champ de l’action politique
17Les artistes ont dû trouver des dispositifs et des formes propres à la théâtralisation de la révolution. Au-delà de solutions dramaturgiques matérielles et concrètes, ces dispositifs cherchent à replacer le théâtre au cœur du processus révolutionnaire, afin de redéfinir ses champs d’action et, peut-être, son rôle social et politique. Le titre du spectacle, No Time for Art, peut paraître ironique car il vient précisément rappeler aux artistes que l’art peut et doit s’emparer de chaque objet. Il révèle également que l’objectif de Soliman n’est pas de mettre en place une distance esthétique avec son objet. L’artiste vient rappeler que la difficulté à concevoir le projet a été surmontée au nom d’une nécessité politique et morale, de justice : celle de faire entendre la vérité sur les violences policières afin qu’elles ne demeurent pas impunies.
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27 Étienne Leclercq, « Du rituel à la théâtralité : une lecture de Victor W. ...
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28 Victor Turner, The Anthropology of Performance, New York, Performing Arts ...
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29 Jean-Marie Piemme, « Participer à une forme de responsabilité historique d...
18Ainsi, il est intéressant de voir que si le spectacle est centré sur le récit d’Aly Sobhi, Laila Soliman y a ajouté d’autres séquences : il est en fait constitué de quatre parties (NTFA #0, NTFA #1, NTFA #2 et NTFA #3), pouvant être jouées à la suite ou séparément, totalisant plus de cinq heures de représentation. Le spectacle ne se contente pas de faire la description d’actes de violence, mais propose aussi une séquence au cours de laquelle le public est invité à intervenir pour demander justice pour les victimes mortes sous les coups des forces armées, dans un dispositif reproduisant une séance au tribunal militaire. Puisque les tribunaux militaires ne condamnent pas les auteurs des exactions commises sur les manifestants et, au-delà, sur la population, le théâtre doit devenir le lieu où le droit est rétabli. Avant le début de la séance, chaque spectateur reçoit un papier où figurent le nom d’une victime, sa profession, son âge et la cause de sa mort. Au moment indiqué, il est invité à se lever et à demander réparation et reconnaissance pour ce crime. Cette séquence interactive et participative invite le public à procéder à une commémoration collective. Alors que le processus révolutionnaire est encore inachevé, la construction d’une mémoire de la révolution semble déjà à l’œuvre, témoignant de la volonté d’inscrire l’événement dans le cours de l’histoire. En ce sens, la séance de théâtre ne s’apparente pas seulement à une forme de performance artistique, mais consiste également en une manifestation sociale élaborée sur le modèle de l’action rituelle, c’est-à-dire « une histoire qu’un groupe se raconte à lui-même27 » à partir d’une série d’actions déterminées et répétées, d’après la lecture proposée par Étienne Leclerq de l’analyse de l’anthropologue Victor Turner. Turner utilise le terme de « liminoid28 » pour évoquer le transfert de l’expérience vécue pendant la performance à échelle sociale. Ainsi, cette expérience pourrait constituer, au-delà de l’acte de commémoration, une tentative pour reconstruire la communauté dans un moment de crise politique. Il s’agirait donc bien là de donner lieu, comme le dit le dramaturge Jean-Marie Piemme qui a participé à la création du spectacle Rwanda 94 avec le collectif Groupov, non pas à « une messe consolatrice, mais [à] un acte vivant, à la fois un témoignage sur ce qu’il s’est passé et un regard qu’il faut projeter dans l’avenir29 ». L’enjeu de la théâtralisation de la révolution ne serait donc pas seulement d’exposer les faits, mais aussi d’ouvrir sur une action collective à mener.
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30 « Agitateur » (Brinda J. Mehta, Dissident writings of Arab women, op. cit....
19En ce sens, le théâtre documentaire de Soliman se veut aussi militant. Le spectateur, lorsqu’il est amené à prendre la parole pour réclamer justice pour les martyrs, sortirait de son attitude passive et deviendrait, selon l’analyse de Brinda J. Mehta, un « agitator30 » :
31 « La scène offre un tremplin pour les progrès à venir en matière d’activis...
The stage […] offers a springboard for the next progression toward social justice activism. The passage from “performing rights” to “fighting” is ensured by a coalition of artists and activists who are committed to the creation of “reformed” Egypt as part of a revolutionary agenda31.
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32 Entre Février et Novembre 2011, le Conseil Suprême des Forces Armées assur...
20La théâtralisation de la révolution est une gageure. Elle semble apparaître comme nécessaire politiquement. Elle ne s’inscrirait pas à côté, mais au cœur même du processus révolutionnaire, en proposant des bases communes pour anticiper et préparer les combats à venir. En effet, au moment où Soliman crée le spectacle, le pays est sous contrôle militaire32, et la question de la violence soulevée par le spectacle, si elle s’ancre dans le moment révolutionnaire, dénonce plus largement la suspension plus générale d’un État de droit. Le rapport de force dérégulé entre les forces armées et les citoyens apparaît comme un héritage du régime de Moubarak déchu, mais Soliman pose dans ce spectacle la restitution du droit fondamental comme un préalable à l’établissement d’un nouveau régime.
Conclusion : quelles perspectives ?
21Face à une société soumise à de profonds bouleversements sociaux et politiques, la théâtralisation de la révolution apparaît d’abord comme moralement inappropriée et artistiquement difficile, voire vaine. Pourtant, certains artistes, et parmi eux Laila Soliman, ont fait le choix de théâtraliser l’événement. L’exemple des artistes de la révolution égyptienne permet de questionner le rôle du théâtre dans la société face à l’action, et ainsi de nourrir une réflexion sur ce que pourrait être un théâtre politique, en tant qu’il se différencierait d’un théâtre du politique. En effet, Laila Soliman ne choisit pas de reproduire à la scène ce qu’il se passe dans les rues du Caire au printemps 2011, mais témoigne de la reconfiguration des normes sociales et politiques dans le temps de la séance de théâtre. En ce sens, la prise de parole sur scène par des individus ayant vécu l’événement (qu’ils soient acteurs professionnels ou de circonstance), l’invitation faite au public de demander le rétablissement de l’État de droit, ou la critique des documents médiatiques favorisent une réappropriation de l’histoire par ses propres acteurs en poursuivant au théâtre la déconstruction de la hiérarchie politique réclamée dans la rue. Ce théâtre propose au public d’intervenir dans le temps de la séance, et s’il fournit au spectateur des éléments didactiques, c’est pour l’inviter à se les réapproprier, pour poursuivre l’examen critique à l’issue de la représentation.
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33 Frédéric Encel, Géopolitique du Printemps arabes, Paris, PUF, 2014, p. 207.
22La suite de la séquence révolutionnaire en Égypte ne s’est pas révélée à la hauteur des revendications populaires formulées en 2011. En juin 2013, les manifestants sont redescendus dans la rue pour réclamer la destitution du président Mohammed Morsi, membre des Frères Musulmans élu démocratiquement un an auparavant. Les élections suivantes, marquées par une abstention forte, ont établi au pouvoir un dirigeant issu des rangs de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, qui mène depuis lors une politique proche de celle de Moubarak, tout en accentuant sa dimension sécuritaire et liberticide. Pourtant, la capacité du peuple égyptien à renverser deux régimes en moins de deux ans, et la déconstruction, même temporaire, d’un système en place depuis plusieurs décennies, ont créé « un précédent33 ».
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34 En décembre 2015, les autorités ferment la galerie Townhouse et le théâtre...
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35 Le collectif « Al-Fan Midân », cité plus haut (voir note 12) continue ains...
23Dans ce contexte, le théâtre pourrait avoir un rôle important à jouer pour l’avenir, dans la mesure où il préserve (et construit) une mémoire de la révolution tout en proposant des expérimentations pour un nouveau type de rapport social et politique. Pourtant, les conditions de création se sont radicalement durcies depuis 2013. La censure a été rétablie et, lorsqu’elle ne s’exerce pas directement, le gouvernement en passe par la fermeture de lieux culturels indépendants34. Dans cette situation, les critiques à l’encontre des dirigeants ne sont plus aussi directes qu’elles ont pu l’être au cours des mois qui ont suivi la Révolution. Elles passent ainsi le plus souvent par la satire, et prend d’avantage forme au cours de performances ou happenings dans l’espace urbain35, les forces de l’ordre ne pouvant pas intervenir en amont par le biais de la censure des textes. Les artistes sont donc confrontés à de nouvelles restrictions, affectant le processus de théâtralisation, et, plus largement, les moyens artistiques au service l’expression politique.
Notes
1 Par exemple les collectifs Mashrou’ al-Mareekh, et Mashrou’ Choral.
2 Le collectif « Al-Fan Midân » a été créé pendant les dix-huit jours d’occupation de la Place Tahrir, et rassemble des marionnettistes, clowns, vidéastes, qui ont présenté leurs travaux sur les lieux de la révolution. De plus, sur la Place Tahrir était installée une scène réservée aux artistes.
3 Notre traduction : « Que faire maintenant ? », Doa Aly, « No time for art », en ligne, hébergé sur le blog de Mohammed Abdallah, 15/06/2011, consulté le 14 juillet 2014.
4 Walter Armbrust, Mass culture ans modernism in Egypt, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
5 Pour une histoire détaillée du théâtre égyptien depuis le xixe siècle, voir Badawi Mohammed, Modern Arabic Drama in Egypt, Cambridge, Cambridge University Press, 1987.
6 Par exemple, le théâtre d’ombres, les marionnettes et le conte.
7 On peut citer notamment la compagnie El-Warsha, fondée en 1987 par Hassan el-Geretly, ou la compagnie El-Ma’bad fondée en 1993 par Ahmed El-‘Attar. Pour un panorama plus complet, voir Selaiha Nehad, Egyptian Theatre, new directions, Cairo, s. é., 2003.
8 Principalement le Département de la Censure du Ministère de la Culture, mais une série d’autres instances ont droit de regard sur les productions culturelles.
9 Nehad Selaiha, « The Fire and the frying pan, censorship and performance in Egypt », dans The Drama Review, n° 57, novembre 2013, p. 20.
10 « Depuis la révolution, les artistes égyptiens ne savent plus où donner de la tête. Leurs préoccupations ont quasiment atteint une dimension existentielle. Que faire maintenant ? Devons-nous continuer à faire la même chose que par le passé ? » (Doa Aly, « No time for art », art. cit ; notre traduction)
11 « Lorsqu’un événement aux proportions extraordinaires advient, il faut lui laisser le temps d’être reconnu. […] Après un bombardement dévastateur ou une victoire politique, le temps n’est pas propice à l’art. C’est le temps de l’action ; […] toute autre chose semble inappropriée. » (Idem ; notre traduction)
12 « J’en viens à penser qu’il n’y a pas de moment qui ne soit pas un moment propice à l’art » (Idem ; notre traduction).
13 Le mouvement révolutionnaire déclenché le 25 janvier 2011 contraint le président Hosni Moubarak à renoncer à ses fonctions le 11 février. Le 13 février, l’armée proclame la suspension de la Constitution et la dissolution du Parlement, et s’empare des pouvoirs exécutifs et législatifs pour une période de transition estimée à six mois. La plupart des manifestants quitte la place Tahrir entre le 12 et le 14 février, mais un groupe de manifestants continue d’occuper les lieux.
14 « J’ai senti à ce moment que je questionnais mon propre rôle et commençais à douter de mon utilité. » (Laila Soliman, « Truth is concrete » (conférence), Bruxelles, 24 septembre 2012 ; vidéo disponible en ligne, consultée le 3 juillet 2014 ; notre traduction)
15 « Cela aurait pu être mieux si j’avais été vidéaste ou journaliste » (Idem ; notre traduction).
16 Brinda J. Mehta, Dissident writings of Arab women, New York, Routledge, 2014, p. 223.
17 Hélène Kuntz, « Témoins réels en scène », dans Études théâtrales, n° 51-52, Le geste de témoigner. Un dispositif pour le théâtre, dir. Jean-Pierre Sarrazac, Catherine Naugrette et Georges Banu, 2011, p. 27.
18 Extrait du texte non publié du spectacle No Time for Art, traduction de l’arabe (égyptien) au français par Shadi el-Hosseiny.
19 Idem.
20 Idem.
21 Peter Weiss, « Notes sur le théâtre documentaire », Discours sur la genèse et le déroulement de la très longue guerre de libération du Vietnam illustrant la nécessité de la lutte armée des opprimés contre leurs oppresseurs, trad. Jean Baudrillard, Paris, Le Seuil, 1968, p. 7-14.
22 Ibid., p. 7.
23 Ibid., p. 8.
24 Ibid., p. 9.
25 Jacques Delcuvellerie, « Réel, fiction, hallucination : le combat avec l’ange », Études théâtrales, n° 50, Usages du « document ». Les écritures théâtrales entre réel et fiction, dir. Jean-Marie Piemme et Véronique Lemaire, 2011, p. 135-139.
26 « une tentative pour réécrire l’histoire depuis les marges » (Brinda J. Mehta, Dissident writings of Arab women, op. cit., p. 225).
27 Étienne Leclercq, « Du rituel à la théâtralité : une lecture de Victor W. Turner », dans Cahiers internationaux de sociologie, n° 92, Nos rites profanes, 1992, p. 195, également en ligne.
28 Victor Turner, The Anthropology of Performance, New York, Performing Arts Journal Publications, 1988, p. 21.
29 Jean-Marie Piemme, « Participer à une forme de responsabilité historique du théâtre », dans Alternatives théâtrales, n° 67-68, Rwanda 94. Le théâtre face au génocide. Groupov, récit d’une création, 2011, p. 66.
30 « Agitateur » (Brinda J. Mehta, Dissident writings of Arab women, op. cit., p. 227 ; notre traduction).
31 « La scène offre un tremplin pour les progrès à venir en matière d’activisme pour la justice sociale. Le passage de l’incarnation des droits à la scène au combat pour ces droits est assuré par un groupe d’artistes et d’activistes engagés dans la création d’une Égypte “réformée” comme étant une part de l’agenda révolutionnaire. » (Ibid., p. 225 ; notre traduction.)
32 Entre Février et Novembre 2011, le Conseil Suprême des Forces Armées assure le pouvoir par intérim, dans l’attente des élections législatives prévues pour le mois de Novembre (voir note 6). Dans ce contexte, la Révolution de met pas fin aux violences militaires et policières, désormais perpétrées au nom d’un retour à l’ordre post-révolutionnaire.
33 Frédéric Encel, Géopolitique du Printemps arabes, Paris, PUF, 2014, p. 207.
34 En décembre 2015, les autorités ferment la galerie Townhouse et le théâtre Rawabet attenant, situés en centre-ville du Caire. Les autorités prétextent des « irrégularités administratives », non précisées. Quelques jours plus tard, la maison d’édition indépendante Merit elle est aussi fermée, au motif d’irrégularités concernant la licence de publication.
35 Le collectif « Al-Fan Midân », cité plus haut (voir note 12) continue ainsi d’organiser des événements. Le groupe Al-Kousha Puppets, organise des défilés de marionnettes géantes, caricature des dirigeants, dans les rues des villes et villages égyptiens. Le collectif Kazaboon, qui diffuse des films sur la Révolution et dénonçant les mensonges du régime dans des quartiers défavorisés et coupés des moyens d’informations alternatifs.
Bibliographie
Aly Doa, « No time for art », hébergé sur le blog de Mohammed Abdallah, mis en ligne le 15 juin 2011. URL : https://moabdallah.wordpress.com/2011/06/15/no-time-for-art/, consulté le 14 juillet 2014.
Armbrust Walter, Mass culture ans modernism in Egypt, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
Badawi Mohammed, Modern Arabic Drama in Egypt, Cambridge, Cambridge University Press, 1987.
Delcuvellerie Jacques, « Réel, fiction, hallucination : le combat avec l’ange », dans Études théâtrales, n° 50, Usages du « document ». Les écritures théâtrales entre réel et fiction, dir. Jean-Marie Piemme et Véronique Lemaire, 2011, p. 135-139.
Encel Frédéric, Géopolitique du Printemps arabes, Paris, PUF, 2014.
Kuntz Hélène, « Témoins réels en scène », dans Études théâtrales, n° 51-52, Le geste de témoigner. Un dispositif pour le théâtre, dir. Jean-Pierre Sarrazac, Catherine Naugrette et Georges Banu, 2011, p. 26-32.
Leclercq Étienne, « Du rituel à la théâtralité : une lecture de Victor W. Turner », dans Cahiers internationaux de sociologie, n° 92, Nos rites profanes, 1992, p. 181-198, également disponible en ligne : http://www.jstor.org/stable/40690490.
Mehta Brinda J., Dissident writings of Arab women, New York, Routledge, 2014.
Piemme Jean-Marie, « Participer à une forme de responsabilité historique du théâtre », dans Alternatives théâtrales, n° 67-68, Rwanda 94. Le théâtre face au génocide. Groupov, récit d’une création, 2011, p. 65-67.
Selaiha Nehad, Egyptian Theatre, new directions, Cairo, s. é., 2003.
—, « The Fire and the frying pan, censorship and performance in Egypt », dans The Drama Review, vol. 57, n° 3, 2013, p. 20-47.
Soliman Laila, « Truth is concrete » (conférence), Bruxelles, 24 septembre 2012 ; vidéo disponible en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=mfDvJsBhtZw, consultée le 3 juillet 2014.
Turner Victor, The Anthropology of Performance, New York, Performing Arts Journal Publications, 1988.
Weiss Peter, « Notes sur le théâtre documentaire », Discours sur la genèse et le déroulement de la très longue guerre de libération du Vietnam illustrant la nécessité de la lutte armée des opprimés contre leurs oppresseurs, trad. Jean Baudrillard, Paris, Le Seuil, 1968, p. 7-14.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Pauline Donizeau
Université Paris Nanterre