Dossier Acta Litt&Arts : Les conditions du théâtre : la théâtralisation
Les Compositions pour la scène de Kandinsky : laboratoire du théâtralisable, échec du théâtralisé
Résumé
Kandinsky est l’auteur de plusieurs pièces écrites entre 1908 et 1926 qu’il s’est employé sans succès à réaliser. Rares ont été depuis les metteurs en scène à s’emparer de ces Compositions. De nombreux indices témoignent pourtant de la volonté du peintre de théâtraliser son œuvre : didascalies, schémas, paratexte théorique. Pour quelles raisons les différentes « Résonances » ne semblent-elles pas théâtralisables ? Aucun obstacle matériel ne freinant leur réalisation, l’élan spirituel souhaité par le peintre peut-il pour autant être porté sur la scène ? Pour y répondre, nous avons observé comment ce projet de synthèse abstraite avait été transposé aux xxᵉ et xxiᵉ siècles.
Texte intégral
1 Philippe Sers, « Préface », dans Vassily Kandinsky, Écrits complets, t. 1, ...
On peut regretter que ces compositions scéniques n'aient été à présent jamais réalisées, car elles sont sans doute le plus beau développement de tout l'effort de Kandinsky, et l'on peut dire qu'elles ne seraient pas déplacées dans les recherches expérimentales contemporaines1.
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2 Compositions pour la scène.
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3 Kandinsky, Du Théâtre/ Über das Theater/ O TEATPE, éd. Jessica Boissel, ave...
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4 De la composition scénique.
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5 De la synthèse scénique abstraite.
1Quand il arrive au Bauhaus, Vassily Kandinsky a déjà écrit plusieurs de ses Bühnenkompositionen2 réunies récemment dans le recueil Über das Theater3. Dans sa volonté de théoriser sa pratique de l'abstraction, il rédige un essai qui en explique les principaux axes, ainsi que deux notices intitulées respectivement Über Bühnenkomposition4 (1911/1918) et Über die abstrakte Bühnensynthese5 (1923) qui accompagnent son travail scénique, tout comme Du Spirituel dans l'art, et dans la peinture en particulier approfondissait sa recherche picturale.
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6 « Après la période de tentation matérialiste à laquelle elle a apparemment...
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7 Résonance jaune.
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8 Michel Polieri, « Le théâtre kaléidoscopique », dans Pour l'Art, n° 46, num...
2Les Bühnenkompositionen de Kandinsky sont à l’image des préoccupations qu'il n'a cessé de manifester dans son œuvre pictural : le refus de l'imitation de la nature, l'intérêt pour les formes, les couleurs et les sons, la méfiance à l'égard du langage et surtout l'idée que l’œuvre doit exprimer une « nécessité intérieure » ou retrouver un sens perdu par une époque qu’il estime dominée par le matérialisme6. Une lecture attentive de ces œuvres singulières, fondées sur les méthodes développées en génétique textuelle, montre que l'attention de l'artiste s’est portée essentiellement sur la mise en scène et qu'il a même rêvé d'une architecture apte à réaliser ses productions. Or, ses tentatives de mise en œuvre scénique se sont soldées par un échec, tout comme celles de ses héritiers. L’expérience des Bühnenkompositionen menée Kandinsky se heurte manifestement à certains principes du théâtre, posant la question de la possibilité et de l’intérêt d'une scène abstraite et prolongeant la discussion initiée par Michel Polieri lorsqu’il met en scène en scène Gelber Klang7 en 1976. Vingt ans plus tôt, Polieri proposait la définition d'un « théâtre qui n'exprimerait qu'une vision intérieure, une abstraction essentielle8 » et qui poserait les jalons d'un art nouveau dont le point de départ serait non plus le texte, ou l'acteur, mais le décor dont tous les éléments seraient mobiles.
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9 Résonance jaune.
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10 Voix ou Résonance verte.
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11 Noir et blanc.
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12 Figure noire.
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13 Postlude.
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14 Violet.
3Expliquées par le peintre dans les textes liminaires, Gelber Klang9, Stimmen oder Grüner Klang10, Schwarz und Weiß11, Schwarze Figur12, Nachspiel13 et Violett14 se présentent comme des tableaux animés, aux actions en apparence décousues, dans lesquels se meuvent des êtres colorés s’exprimant par onomatopées. Kandinsky fixe comme seul but à cette œuvre d'art totale d'agir sur le sentiment du public et d’exprimer la « nécessité intérieure ». Après une analyse des didascalies ponctuant les Bühnenkompositionen de Kandinsky, nous évoquerons les rares tentatives de mises en scène avant de nous interroger sur les raisons de leur échec.
Mettre en scène les Compositions ou théâtraliser l'abstrait
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15 Le volume de Über das Theater comprend les textes russes et allemands de K...
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16 Didier Plassard parle quant à lui d’un modèle musical. Voir Didier Plassar...
4Les nombreux manuscrits de Kandinsky15 portent les traces de la longue réflexion de l'artiste autour de ces œuvres qui semblent en perpétuelle évolution, même après leur publication : aux côtés des notations et croquis, nous trouvons des schémas d'orchestration de la couleur, de la lumière et du son, ainsi que des didascalies précises et abondantes indiquant que l'artiste a sans doute envisagé une mise en scène. Le processus de création, du moins tel qu’il peut s’appréhender ainsi, s'apparente à la composition d'un tableau16.
5Comme l'indique Philippe Sers dans les notes qui précèdent les Compositions, nous avons affaire à des textes qui relèvent de la catégorie des indications scéniques, didascalies s'apparentant à des esquisses :
17 Ph. Sers, dans Kandinsky, Écrits complets, op. cit., p. 89.
Leur contenu, progressivement complété, autorise un rapprochement avec la pratique des peintres. Car, comparables aux esquisses au crayon qui précèdent parfois l'élaboration d'une peinture, les premiers brouillons des textes campent, en quelques coups d'encre, les éléments principaux de la composition et de leur disposition dans l'espace. La plupart des indications concernant les couleurs y font encore défaut. Elles seront sélectionnées par la suite, comme posées au pinceau sur certains éléments et fréquemment retouchées17.
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18 Kandinsky, Über das Theater, op. cit., p. 120.
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19 « Au-dessus des épaules, la partie supérieure disparaît dans les cintres »...
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20 « Le nombre dépend des dimensions de la scène : il ne faut pas trop de per...
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21 Ibid., p. 284.
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22 Idem.
6Le lexique de l'espace théâtral témoigne de la volonté du peintre de concrétiser ses recherches : où il est par exemple fait plusieurs allusions aux coulisses dans Nachspiel18 ou aux cintres dans Schwarz und Weiß (« Von Schultern ab verschwindet der obere Teil in der Decke der Bühne19 »). Pour cette dernière pièce, la taille des groupes n'est pas déterminée, mais Kandinsky est soucieux qu'elle ne déborde pas l'espace scénique puisqu'il précise en note : « Die Zahl hängt von der Größe der Bühne ab : es sollen nicht zu viele Menschen da sein20. » Regrettant que drames, opéras et ballets soient devenues des « formes muséales figées », contrairement au cirque, au cabaret ou au cinéma, Kandinsky entreprend une réforme de l'espace scénique, théâtre de l'épanouissement de l'abstraction, dans un projet intitulé Über die abstrakte Bühnensynthese qui date de 1923, où il imagine les bases de ce qu’il nomme « l’art monumental abstrait21 ». Rénovant l’architecture du théâtre grâce à la couleur, au son et au mouvement, « dans la résonance commune de la mise en forme architectonique22 », Kandinsky va encore plus loin en proposant la création de laboratoires de théâtres qui pourraient ressembler à ceux mis en place au Bauhaus par Oskar Schlemmer.
7Chez Kandinsky, les indications scéniques des livrets sont extrêmement précises : elles concernent les déplacements des personnages, leurs costumes, couleurs et coiffures, l'intensité des voix et des couleurs. Dans Résonance verte, les habits portés par la foule bariolée s'inspirent du costume russe traditionnel et sont décrits en détail par le peintre :
23 « Les vêtements pour les hommes sont de longs kaftans, qui sont fermés ou ...
Kleider sind bei Männern lange Kaftans, die geschloßen oder auf sind und ein langes Hemd sichtbar machen. Die Haare sind lang und hängen bei manchen bis zu den Schultern. Gesichter farbig in malerischer Beziehung zu Tracht und Haar. Ebenso bei den Frauen, die eine Art von Sarafan als Kleid haben, auch glatt farbig od. mit einfachem Muster (Quadrate od. Kreise etc.). Kinder haben lose od. durch Gürtel gehaltene Hemden23.
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24 Ibid., p. 80.
8Les prépositions répartissant décors et acteurs dans l'espace se multiplient (en haut, en bas, au premier plan, dans le fond de scène, à droite ou à gauche...). La disposition des groupes sur la scène fait souvent l'objet de son attention et, bien qu'il juge que la disposition ne « doive être ni belle, ni bien réglée », ce ne doit pas être selon lui « le désordre complet24 ».
9Au même titre que les acteurs, couleurs et musique font l'objet de toutes les attentions du metteur en scène, comme ici à l'ouverture de Gelber Klang :
25 « Quelques accords incertains dans l'orchestre. Rideau. Sur la scène, une ...
Im Orchester einige unbestimmte Akkorde.
Vorhang.
Auf der Bühne dunkelblaue Dämmerung, die erst weisslich ist und später intensiv dunkelblau wird. Nach einer Zeit wird in der Mitte ein kleines Licht sichtbar, welches mit der Vertieferung der Farbe. Nach einer Zeit Orchestermusik. Pause.
Hinter der Bühne wird ein Chor hörbar, welcher so eingerichtet werden muss, dass die Quelle des Gesanges nicht zu erkennen ist. Hauptsächtlich sind die Bassstimmen zu hören. Das Singen ist gleichmässig, ohne Temperament, mit Unterbrechungen, die durch Punkte bezeichnet sind25.
10Quelques croquis permettent de mieux visualiser l'ensemble, particulièrement pour la première version de Schwarz und Weiß, dont le point de départ est clairement visuel :
26 « I. [croquis] un mouvement [?] — II. [croquis] Déplacement de Noir et Bla...
I. [Skizze]
eine [?] Bewegung.
II. [Skizze] Gehen v[on] Schwarz und Weiß. […] Wachsen v. Schwarz. Einschafen. Stimme.
[III. Ohne Text, auschließlich 2 Skizzen]
IV. [Skizze mit Farbangaben : Zitrone-gelblich-w.[eiß]-zinnober+grün-grünlich-schwarz] […]
[Skizze] Himmel wird weiß-blau.
Schwarz [Skizze]26
11Par ailleurs, conformément aux principes théoriques exposés dans le texte liminaire, le peintre dramaturge s'est appliqué à réaliser des schémas d'orchestration de la couleur, de la lumière et du son qui réalisent la synthèse abstraite, à laquelle il a rêvé à la suite de Scriabine ou Schoenberg.
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27 Géants.
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28 Voir Kandinsky et Marc Franz, L’Almanach du Blaue Reiter, Le Cavalier bleu...
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29 Voir le tableau en fin d’article.
12La volonté de Kandinsky de porter ses œuvres sur la scène d'un théâtre est par ailleurs manifeste dans les multiples réécritures dont elles font chacune l'objet. En effet, il existe trois versions de Gelber Klang publiées dans le recueil Über das Theater : la première, intitulée Riesen27, tient sur deux feuillets, et esquisse à peine la trame de ce qui deviendra la Résonance Jaune. Il existe deux autres versions plus complètes, dont la dernière est publiée dans L'Almanach du Blaue Reiter en 191228. Ce qui se dégage de la comparaison de ces deux versions29 est d'abord la présentation du texte définitif sous la forme d’un livret pour la scène. De plus, nous pouvons noter que les indications musicales et picturales sont plus développées : cela traduit sans doute la volonté du peintre de faciliter la mise en scène. En outre, la partie chorégraphique a été allongée, ce qui accentue la dimension visuelle du spectacle.
13Comme pour Gelber Klang, il existe pour Schwarz und Weiß trois feuillets d'annotations initiales qui seront développés et assortis de croquis pour une mise en scène. Concernant Violett, un fragment a été « modernisé » par l’auteur, qui en jugeait certains passages démodés, à l'occasion de sa parution dans la revue Bauhaus en 1927. De telles réécritures et remaniements témoignent de l'attachement du peintre à ce travail et de sa volonté ferme de le voir s'épanouir sur la scène d'un théâtre.
14Par ailleurs, dans l’Almanach, les Bühnenkompositionen sont accompagnées d'un paratexte qui en explique les principes et les enjeux : le premier de ces textes, intitulé « Préface » par le peintre, définit la singularité de ces œuvres. Celles-ci fonctionnent selon un principe de combinaison de la sonorité musicale, que Kandinsky appelle avec d’autres « la sonorité des couleurs et du mouvement » dans le but d'éveiller les vibrations de l'âme du spectateur.
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30 Kandinsky, « Über die abstrakte Bühnensynthese », dans Über das Theater, o...
15Un second texte30, publié en 1912 et remanié en 1918, mais dont le premier manuscrit date de 1911, pose les bases d'un « nouvel art monumental ». Dans une première partie, intitulée « Première conséquence du matérialisme », le peintre expose « l'aspect pétrifié » du drame, de l'opéra et de la danse auxquels il manque, selon lui, « l'élément cosmique ». Puis dans la « Seconde conséquence du matérialisme », il déplore que les émotions traduites par l’œuvre soient construites sur des formes d'expression purement extérieures à l’artiste (par exemple qu'une émotion forte soit soulignée par un musique fortissimo, comme dans les opéras de Wagner) et met l'accent sur les moyens d'atteindre l’émotion intérieure du spectateur, liant ainsi la théorie à pratique.
16L'enquête spirituelle à laquelle se livre Kandinsky tout au long de sa carrière aurait, selon ses vœux, due être portée à la scène et en incarner le renouvellement. Cela n’a pas été réalisé de son vivant.
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31 Voir le tableau en fin d’article.
De rares tentatives de mise scène31
17Les pièces proposées par Kandinsky contiennent donc tous les germes du théâtralisable, en concentrant d’ailleurs les intérêts des artistes d’avant-garde pour une synthèse des arts refusant une représentation naturaliste du monde. Pour quelles raisons n’ont-elles été que rarement théâtralisées ? Sont-elles trop difficiles à mettre en scène ? Ou bien ne peuvent-elles être comprises que par un public préparé à les recevoir ? On peut dire du moins qu’en raison de leur caractère complexe et de leur grande nouveauté, les Bühnenkompositionen de Kandinsky ont pu paraître lancer non seulement un défi aux metteurs en scène, mais encore aux acteurs qui ne constituent pas l'élément principal de l'événement scénique et dont les gestes minimalistes se réduisent à mettre en valeur les couleurs et les formes dans lesquelles ils sont drapés. Malgré l'énergie déployée par Kandinsky en 1912 pour mettre en scène des extraits de Gelber Klang et Violett, leur réalisation a été interrompue par la guerre et il ne les a jamais vus sur scène de son vivant. La première n'a eu lieu que le 12 mai 1972 au Musée Guggenheim à New York et l'on n’a fait depuis que d'autres essais sporadiques. Les différentes tentatives de mettre en scène ce projet sont donc bien plus tardives et souvent peu concluantes — malgré la remarque de Philippe Sers citée en exergue du présent article.
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32 Hugo Ball, « Lettre à Kandinsky » (26 juin 1914), dans Ball, Briefe 1904-1...
18Hugo Ball, grand admirateur du peintre allemand, envisage de mettre en scène cette pièce avec Violett en 1913-1914 pour le Münchner Kammerspiel32, puis il relance l'idée en 1922 pour la Berliner Volksbühne, mais il est seul à défendre le projet jugé peu rentable par les directeurs de théâtre. Le projet ne se réalise pas, parce que Thomas von Hartmann, avec lequel voulait collaborer Kandinsky, est en Russie. La musique qu’il compose est presque totalement perdue en 1913 pendant la Révolution russe. Il ne subsiste de son projet qu’une demi-douzaine de manuscrits indéchiffrables et un enregistrement presque inaudible d’une partition au piano qui ont été déposés à la Bibliothèque de Yale. Les deux artistes n’ont plus jamais eu ensuite l’opportunité de travailler ensemble.
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34 Michel Polieri, cité dans Michel Corvin, Polieri. Une passion visionnaire,...
19Aujourd'hui encore, il y a peu de représentations des Compositions scéniques. La véritable première se déroule le 12 mai 1972 à New York au Musée Guggenheim, produite par Harris Barron et mis en scène par sa femme et son fils. Ne disposant pas de la musique originale, Barron travaille avec la reconstitution d’un universitaire américain (dont nous ignorons le nom). Il ne subsiste de cette expérience isolée qu’une photographie et un rare témoignage33. Le spectacle du mois d’août 1975 à La Sainte Baume en Provence, mis en scène par Jacques Polieri et Jacques Mortensen sur une musique d’Alfred Schnittke, a été préparé par le metteur en scène français pendant une vingtaine d’années. Dès 1957, Polieri tente une interprétation graphique des décors, affirmant que la pièce est « une des œuvres écrites pour la scène les mieux abouties du répertoire moderne » et que la réalisation en représenterait pour lui « une étape importante34 ». Il s’agissait pour Polieri de transposer au théâtre sa propre vision du texte de Gelber Klang en se servant des toiles abstraites du peintre datant de la même époque. Les formes et les couleurs évoquées dans les livrets ont été projetées sur un cyclorama à partir de peintures originales ou fabriquées, non dans l’intention de reconstituer « la trame narrative », mais bien plutôt pour retrouver les motifs récurrents de la pièce. Lisons le récit de Michel Corvin :
35 Ibid., p. 277-278.
Aussi Polieri réalisa-t-il, à partir des toiles abstraites de référence, vingt-et-une maquettes combinatoires qui restituaient, tantôt par transposition nécessaire, tantôt fidèlement, l’ensemble des éléments visuels : rochers, fleurs, êtres rouges, tache noire, géants, figures vertes, chapelle avec enfant et homme. […] Les formes se combinaient avec les couleurs selon les intentions explicites de Kandinsky : dix couleurs de base réparties en cinquante nuances au total, diffusées par diapositives ; le cyclorama tenait lieu de toile de fond et d’écran pour les projections. Le plateau de théâtre était également l’objet d’un traitement chromatique puisque se projetaient au sol « dix-sept taches lumineuses (dans lesquelles peuvent s’inscrire les corps des danseurs) passant en cut ou en fondu du vert au jaune, et du jaune au bleu, du bleu au rouge, ou par toutes les nuances obtenues par le mélange des quatre couleurs ».35
20Les « êtres en maillots » étaient incarnés par des danseurs, l’Homme et l’Enfant du quatrième tableau par deux acteurs, et les Géants étaient figurés par des projections lumineuses. Interprétant librement les didascalies du peintre, Polieri en exprimait néanmoins la tonalité et l’atmosphère onirique. La fin du spectacle à la Sainte-Baume, comme au Théâtre des Champs-Elysées une année plus tard, réalisé grâce à la surimpression d’images cinématographiques, se distinguait de la proposition de Kandinsky puisque le Géant cruciforme s’anthropomorphisait avant de disparaître, ne laissant visible en fond de scène que deux trous noirs inquiétants.
21Ces deux premiers spectacles prennent de grandes libertés avec le livret original, contrairement à celui donné le 9 février 1982 à New York dans le cadre d'une exposition consacrée à « Kandinsky à Munich, 1896-1914 ». À cette occasion, le musée Guggenheim organise une représentation de quarante-cinq minutes plus proche des indications données par Kandinsky, avec des brides de partition de Thomas von Hartmann conservées à la bibliothèque de l’université de Yale et arrangées par Gunther Schuller au New Yorker Marymount Manhattan Theater, dans une mise en scène de Ian Strasfogel et une chorégraphie de Hellmut Gottschild dansée par la Zero Moving Dance Compagny. Le problème pour Schuller a alors consisté dans le placement correctement des morceaux de partition écrits par von Hartmann, mais aussi de remplacer les passages manquants ; il a pour cela utilisé les instructions données par Kandinsky dans les livrets.
22Dans le même esprit, les 12, 13 et 14 février 1987 au Kunstmuseum Bern, une reconstitution du spectacle a été donnée — là encore à l'occasion d'une exposition sur le peintre — dans un hôtel proche du musée, pour un public réuni en petit comité, dans une mise en scène de Wolfgang Schön, sur une musique de Thomas Koncz, et une chorégraphie d’André Doutreval et Silvia Haemming. Ulrika-Maria Eller-Rüter, auteure d'une thèse sur les Klänge36 de Kandinsky, a consigné cette expérience en rappelant la note d'intention du metteur en scène qui semble s'être réapproprié la dimension biblique de l’œuvre de Kandinsky pour en faire quelque chose de plus cosmique. Malgré le personnel mobilisé pour le spectacle, la critique déplore que l'étincelle ne prenne pas. Selon elle, les moyens cinématographiques auraient été plus adéquats que le théâtre pour la scène abstraite et son cortège de montagnes en plastiques, figures en bois mécaniques, et jeux de lumières. Elle reproche également à la mise en scène de banaliser l'intention de Kandinsky par des danses trop artificielles ou une application trop littérale des indications données par le peintre sur les couleurs, gestes et tonalités, déplorant que l’idée générale reste « une utopie37 ».
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38 « So I felt free to stage something more in his way of thinking. » (Mickae...
23Pour finir, la dernière représentation de Gelber Klang mise en scène cette fois par Mickael Simon a été donnée à Munich le 4 mai 2014, sur une musique de Frank Zappa, dansée par le Bayerisches Staatsballett. Dans un entretien, le metteur en scène explique que son désir d’adapter Gelber Klang a été encouragé par le fait que la version originale n’avait pas été réalisée ; il s’était donc senti libre d’adapter le texte du peintre dans une direction précise38. C’est la raison pour laquelle il a fait le choix de la musique de Frank Zappa qui a, selon lui, beaucoup en commun avec les toiles de Kandinsky. Sur scène, le géant jaune est incarné par un danseur dont la tête disproportionnée est celle d’un poupon en plastique. Les didascalies de Kandinsky sont transposées dans un univers contemporain, mais c’est davantage l’esthétique de ses peintures que leur dimension spirituelle qui a inspiré Mickael Simon.
24Signalons enfin une rare mise en scène pour Grüner Klang et Schwarz und Weiß : en 1997, la Hochschule der Künste de Berlin élabore un projet de mise en scène sous le titre Echo: Kandinsky: Echo, signée par Peter Weitzner. Après une retranscription des pensées de l'auteur, venaient les deux compositions, puis Géants.
25De façon générale, les Bühnenkompositionen de Kandinsky n’ont pas été reconstituées telles que le peintre les avait décrites dans les livrets. Elles sont perçues par les metteurs en scène comme des propositions ouvertes, mais on ignore quel accueil elles ont reçu du public, puisque les différents spectacles n’ont jamais été représentés plus de trois fois et que les témoignages à leur sujet sont rares.
Un « impossible théâtre » ?
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39 Dominique Massonnaud, « Kandinsky : Pour un théâtre de l'invisible », dans...
26Le travail pour la scène de Kandinsky a été présenté par Dominique Massonnaud dans un article intitulé « Kandinsky : pour un théâtre de l’invisible39 ». Après avoir situé le théâtre du peintre dans son époque, l’auteur expose les caractéristiques de ces œuvres avant de s’intéresser aux raisons pour lesquelles elles ont été si peu représentées.
27La première difficulté à laquelle se heurtent les metteurs en scène des Bühnenkompositionen est qu’elles n’ont jamais été réglées par Kandinsky lui-même et que la musique originale n’est conservée que partiellement. Les spectacles proposés ne peuvent en aucun cas être considérés comme des reconstitutions : ils ne seront jamais que des interprétations du projet du peintre.
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40 Ulrika-Maria Eller-Rüter, Kandinsky, op. cit.
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41 « Es ist wie ein Schweben direkt über dem Boden » (Kandinsky, Über das The...
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42 « eine sehr hohe schw.[arze] Gestalt mit einem großem grünlichblaßen Kopf ...
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43 Ibid., p. 86.
Par ailleurs, ce qui est faisable aujourd’hui ne l’était sans doute pas il y a une centaine d’années. Pour Ulrika-Maria Eller-Rüter, les œuvres pour la scène de Kandinsky nécessitent des moyens techniques qui n’en étaient qu’à leurs balbutiements au début du xx siècle40. Que cela soit une nécessité ou non, remarquons que les différentes Résonances sont peuplées de personnages étranges aux caractéristiques surhumaines (les Géants de Gelber Klang semblent « flotter au dessus du sol41 », tandis qu'un vol de créatures rouges indistinctes, évoquant des oiseaux avec de grosses têtes, survolent la scène) ou au physique singulier, telle la « très haute forme, avec une grande tête d'une pâleur verdâtre sur un long cou mince42. » Leurs proportions sont démesurées, comme celles desdits Géants ou, dans Schwarz und Weiß, de la grande silhouette de femme de profil « cinq fois plus grande que nature ». Le Géant du dernier tableau de la Résonance Jaune se met à grandir jusqu'à prendre la forme d’une croix43.
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44 « […] d'abord lentement, puis de plus en plus vite. » (Ibid., p. 104.)
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45 « Elle ressemble vaguement à un grand concombre tordu et devient de plus e...
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46 « […] comme si le ciel tombait sur la terre » (Ibid., p. 90).
28Les éléments naturels ensuite occupent également une place importante dans les pièces de Kandinsky, mais certains phénomènes peuvent paraître incompatibles avec un espace théâtral. Dans Schwarz und Weiß, c'est la montagne noire qui s'élève au fond de la scène, « erst langsam und dann immer schneller in die Höhe44. » Et que dire de la grande fleur jaune du second tableau de Gelber Klang ? « Sie ist entfernt einer grossen, krummen Gurke ähnlich und wird immer greller45. » Certaines indications scéniques sont plus métaphoriques que pratiques, à l'image de ce bruit qui retentit dans Stimme, « als ob der Himmel auf die Erde fiele46 » qui anime la pièce. Quand la musique descend dans les tons graves et sombres au troisième tableau de Gelber Klang, le mouvement est comparé à celui de l'escargot qui se retire dans sa coquille.
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47 D. Plassard, « Le théâtre de Kandinsky face à l’interprétation », dans Chr...
29Mais bien sûr les difficultés techniques ne peuvent pas seules expliquer pourquoi les œuvres de Kandinsky ne suscitent pas au théâtre l’enthousiasme attendu. Ici fait peut-être obstacle à leur réalisation avant tout l’interprétation de ces œuvres. La question est soulevée par Didier Plassard dans un article, qui recense différentes hypothèses formulées par les critiques ou les metteurs en scène : « drame de lumière » pour Lothar Schreyer ou « symbolisme sexuel » selon Polieri, les « compositions » se laissent difficilement déchiffrer, ainsi que le montre Horst Denkler en 196747. La dimension religieuse (au sens de religere, « ce qui relie ») est de fait souvent absente des mises en scènes proposées. Comme le note Michel Corvin à propos du spectacle de Polieri en 1976 :
48 Corvin, Polieri, op. cit., p. 280.
Le symbolisme de la croix, patent chez Kandinsky, prend chez Polieri une autre signification moins directement religieuse parce que ambiguë, voire inquiétante : le géant aux orbites creuses et à la silhouette indistincte ressemble plus à un spectre qu’à un sauveur48.
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49 Peter Behrens, Feste des Lebens und der Kunst — Eine Betachtung des Theate...
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50 « Cette influence, pourtant, doit être rigoureusement circonscrite. » (D. ...
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51 Dominique Massonnaud, « Kandinsky : Pour un théâtre de l'invisible », art...
30Or, quand il compose ses œuvres pour la scène, le peintre allemand a connaissance du Prometheus de Scriabine, hymne théosophique à la création, du Cantique des cantiques de Louis-Napoléon Roinard, ou de la conception mystique-religieuse du drame de Peter Behrens49 ou Georg Fuchs. Il partage avec eux, en les approfondissant, les idées de synthèse des arts et de simplification de la scène, substituant au traditionnel théâtre parlant un jeu de sons et de lumières. C'est particulièrement le théâtre des théosophes qui retient son attention, et surtout l’œuvre de Steiner, régisseur du théâtre de Munich, qui a mis en scène Le Drame d'Eleusis et Les Enfants de Lucifer de Schuré, puis ses propres drames mystérieux : Die Pforte der Einweihung, Die Prüfung der Seele, Der Hütter der Schwelle, Der Seelen Erwachen et Apocalyse des Johannes. Même s'il n'est pas certain que Kandinsky les ait vus, on sait que Emy Dresler du Neue Künstlervereinigung München, à laquelle il appartenait, a fait les costumes. Dans son autre article sur Kandinsky, D. Plassard note l’influence de la théosophie sur le peintre, en soulignant qu’au moment où il rédige ses œuvres pour la scène cette source d’inspiration est moins vive qu’au moment où il peint ses premières toiles abstraites50. On retrouve néanmoins dans les Compositions cette harmonie des couleurs, de la musique, et des costumes pour atteindre une dimension cosmique, ainsi que des mouvements ritualisés évoquant l'Eurythmie. Comme l’indique D. Massonnaud, Kandinsky conçoit un théâtre « entendu non comme théâtre “impossible” mais comme théâtre de l’invisible51 », lieu rituel où communierait acteurs et spectateurs :
52 Idem.
Les définitions du théâtre qui l'associent à un espace rituel ou spirituel, au lieu du passage par le souffle, le silence ou la transe, espace où le mouvement, la dynamique et l'énergie doivent se donner à voir, font ainsi du spectateur, un récepteur, placé dans la position de l' « observation participante », transformatrice et active, telle qu'elle sera définie par l'anthropologie52.
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53 Peg Weiss, Kandinsky and old Russia. The artist as ethnographer and shaman...
31Les Compositions scéniques doivent en effet être analysées dans leur dimension spirituelle, puisque les recherches de l’auteur sont très fortement influencées par son éducation orthodoxe. Notons que la plupart des motifs récurrents dans les « Résonances » sont relatifs à l’Apocalypse, autrement dit à la « Révélation ». Ce qui est plus difficilement perceptible dans le travail de Kandinsky, c’est l’aspect le plus populaire de sa spiritualité. En effet, comme le démontre Peg Weiss dans son ouvrage intitulé Kandinsky and old Russia. The artist as Ethnograph and Shaman53, l’œuvre de Kandinsky est lié sa découverte des peuples finno-ougriens et du chamanisme, dans un contexte de pleine expansion de l'ethnographie. D’ailleurs, on peut même imaginer que si Gelber Klang avait été réalisé en 1913, le spectacle aurait eu de nombreux points communs avec le Sacre du Printemps monté par les Ballets russes. En effet, nous retrouvons la même dimension rituelle dans les deux livrets, par ailleurs, le cadre — une montagne bleue en fond de scène — est similaire dans le Sacre et Gelber Klang, tandis que les costumes conçus par Kandinsky et par Roerich rappellent également ceux des paysans de la Vologda.
32Les pièces de Kandinsky auraient-elles eu plus de succès si le « double » aspect de sa religion décrit par Peg Weiss avait été compris par les différents metteurs en scène, qui se contentent d’exprimer une spiritualité vague sans en rattacher les motifs à des éléments concrets du chamanisme et de l’orthodoxie, tels le cheval ou les oiseaux ? Du moins les Compositions pour la scène, qui ont pourtant été conçues pour être mise en scène, semblent ne pas encore avoir trouvé de réalisation à leur mesure.
Notes
1 Philippe Sers, « Préface », dans Vassily Kandinsky, Écrits complets, t. 1, éd. Ph. Sers, Paris, Denoël/Gonthier, p. 36.
2 Compositions pour la scène.
3 Kandinsky, Du Théâtre/ Über das Theater/ O TEATPE, éd. Jessica Boissel, avec la collaboration de Jean-Claude Marcadé, Paris, Adam Biro, 1998, p. 120.
4 De la composition scénique.
5 De la synthèse scénique abstraite.
6 « Après la période de tentation matérialiste à laquelle elle a apparemment succombé et qu’elle écarte cependant comme une tentation mauvaise, l’âme émerge, affinée par la lutte et la douleur. Des sentiments plus grossiers, tels que la peur, la joie, la tristesse, qui auraient pu pendant la période de la tentation servie de contenu à l’art, n’attireront guère l’artiste. Il s’efforcera d’éveiller des sentiments plus fins, qui n’ont pas de nom. » (Kandinsky, Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier [1912], trad. Nicole Debrand (allemand) et Bernadette du Crest [russe], éd. Philippe Sers, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1989, p. 53.)
7 Résonance jaune.
8 Michel Polieri, « Le théâtre kaléidoscopique », dans Pour l'Art, n° 46, numéro spécial sur le théâtre abstrait, Paris, janvier-février 1956, p. 12.
9 Résonance jaune.
10 Voix ou Résonance verte.
11 Noir et blanc.
12 Figure noire.
13 Postlude.
14 Violet.
15 Le volume de Über das Theater comprend les textes russes et allemands de Kandinsky. Ne lisant que la seconde langue, nous ne citerons que les passages en allemand.
16 Didier Plassard parle quant à lui d’un modèle musical. Voir Didier Plassard, « Approche de l’art monumental : Kandinsky et la synthèse des arts », dans Denis Bablet (dir.), L’Œuvre d’art totale, Paris, CNRS, 1995, p. 118.
17 Ph. Sers, dans Kandinsky, Écrits complets, op. cit., p. 89.
18 Kandinsky, Über das Theater, op. cit., p. 120.
19 « Au-dessus des épaules, la partie supérieure disparaît dans les cintres » (Ibid., p. 102, nous soulignons. Nous traduisons, idem ensuite).
20 « Le nombre dépend des dimensions de la scène : il ne faut pas trop de personnes » (Ibid., p. 104).
21 Ibid., p. 284.
22 Idem.
23 « Les vêtements pour les hommes sont de longs kaftans, qui sont fermés ou ouverts et qui laissent apparaître une longue chemise. Les cheveux sont longs et tombent chez certains sur les épaules. Les visages sont colorés, en harmonie picturale avec le costume et les cheveux. Même chose pour les femmes, qui portent en guise de robe une sorte de sarafane, de couleur unie ou avec un motif très simple (carrés ou cercles, etc.). Les enfants portent des chemises lâches ou tenues par une ceinture. » (Ibid., p. 92)
24 Ibid., p. 80.
25 « Quelques accords incertains dans l'orchestre. Rideau. Sur la scène, une pénombre bleu foncé, d'abord blanchâtre, et ensuite de plus en plus intensément bleu. Au bout d'un certain moment, apparaît au milieu une petite lumière de plus en plus claire au fur et à mesure que la couleur s'assombrit. Après un temps, musique d’orchestre. Pause. Derrière la scène, on entend un chœur qui doit être disposé de telle sorte que la source du chant ne soit pas perceptible. On entend essentiellement les voix de basse. Le chant est régulier, sans tempérament, avec des interruptions marquées par des points. » (Ibid., p. 70)
26 « I. [croquis] un mouvement [?] — II. [croquis] Déplacement de Noir et Blanc. […] Poussée de noir. Endormissement. Voix. — [III. Exclusivement deux croquis sans texte] — IV. [croquis avec indications de couleurs : citron-jaunâtre-blanc-vermillon+vert-verdâtre-noir] […] [croquis] Le ciel devient blanc-bleu. Noir [croquis] » (Ibid., p. 100).
27 Géants.
28 Voir Kandinsky et Marc Franz, L’Almanach du Blaue Reiter, Le Cavalier bleu, trad. Erika Dickenherr, C. Heim, N. Kociak, Jean-Charles Payen, Alain Pernet, Ph. Sers et P. Volboudt., éd. Klaus Lankheit, Paris, Klincksieck, 1981
29 Voir le tableau en fin d’article.
30 Kandinsky, « Über die abstrakte Bühnensynthese », dans Über das Theater, op. cit., p. 282-288 ; nous traduisons.
31 Voir le tableau en fin d’article.
32 Hugo Ball, « Lettre à Kandinsky » (26 juin 1914), dans Ball, Briefe 1904-1927, éd. Gerhard Schaub et Ernst Teubner, t. 1, Göttingen, Wallstein, 2003, p. 53-54 ; nous traduisons.
33 À écouter en ligne sur Soundcloud.
34 Michel Polieri, cité dans Michel Corvin, Polieri. Une passion visionnaire, Paris, Adam Biro, 1998, p. 115.
35 Ibid., p. 277-278.
36 Résonances.
37 « Kandinskys Ideen bleiben tatsächlich Utopie. » (Ulrika-Maria Eller-Rüter, Kandinsky, Bühnenkompositionen und Dichtung als Realisation seines Synthese-Koncepts, Hildesheim, Zürich et New-York, Georg Olms, 1990, p. 227.)
38 « So I felt free to stage something more in his way of thinking. » (Mickael Simon, lors d’un entretien avec Marie Cléren, 1ᵉ juin 2016.)
39 Dominique Massonnaud, « Kandinsky : Pour un théâtre de l'invisible », dans Bernadette Bost, Jean-François Louette et Bertrand Vibert, Impossibles théâtres xixᵉ-xxᵉ siècle, Chambéry, Comp'Act, 2005, p. 156-162.
40 Ulrika-Maria Eller-Rüter, Kandinsky, op. cit.
41 « Es ist wie ein Schweben direkt über dem Boden » (Kandinsky, Über das Theater, op. cit., p. 72).
42 « eine sehr hohe schw.[arze] Gestalt mit einem großem grünlichblaßen Kopf auf langem schmalen Hals » (Ibid., p. 112).
43 Ibid., p. 86.
44 « […] d'abord lentement, puis de plus en plus vite. » (Ibid., p. 104.)
45 « Elle ressemble vaguement à un grand concombre tordu et devient de plus en plus vive » (Ibid., p. 74).
46 « […] comme si le ciel tombait sur la terre » (Ibid., p. 90).
47 D. Plassard, « Le théâtre de Kandinsky face à l’interprétation », dans Christian Berg, Frank Durieux et Geert Lernout (dir.), The Turn of the Century. Modernism and Modernity in Literature and the Arts. Le Tournant du siècle. Le modernisme et la modernité dans la littérature et les arts, Berlin et New-York, Walter de Gruyter, 1995, p. 507-521.
48 Corvin, Polieri, op. cit., p. 280.
49 Peter Behrens, Feste des Lebens und der Kunst — Eine Betachtung des Theaters als höchsten Kultur Symbol, Leipzig, Diederichs, 1900.
50 « Cette influence, pourtant, doit être rigoureusement circonscrite. » (D. Plassard, « Approche de l’art monumental : Kandinsky et la synthèse des arts », art. cit., p. 113.)
51 Dominique Massonnaud, « Kandinsky : Pour un théâtre de l'invisible », art. cit., p. 162.
52 Idem.
53 Peg Weiss, Kandinsky and old Russia. The artist as ethnographer and shaman, New Heaven/Londres, Yale University press, 1995.
Bibliographie
Ball Hugo, Briefe 1904-1927, éd. Gerhard Schaub et Ernst Teubner, t. 1, Göttingen, Wallstein, 2003.
Behrens Peter, Feste des Lebens und der Kunst — Eine Betachtung des Theaters als höchsten Kultur Symbol, Leipzig, Diederichs, 1900.
Cléren Marie et Simon Mickael, « Entretien », juillet 2015, non-publié.
Corvin Michel, Polieri. Une passion visionnaire, Paris, Adam Biro, 1998.
Eller-Rüter Ulrika-Maria, Kandinsky, Bühnenkompositionen und Dichtung als Realisation seines Synthese-Koncepts, Hildesheim, Zürich et New-York, Georg Olms, 1990.
Kandinsky Vassily, Du théâtre/ Über das Theater/ O TEATPE, éd. Jessica Boissel, avec la collaboration de Jean-Claude Marcadé, Paris, Adam Biro, 1998.
—, Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier (1912), trad. Nicole Debrand (allemand) et Bernadette du Crest (russe), éd. Philippe Sers, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1989.
—, Écrits complets, t. 1, éd. Ph. Sers, Paris, Denoël/Gonthier.
— et Marc Franz, L’Almanach du Blaue Reiter (Le Cavalier bleu), trad. Erika Dickenherr, C. Heim, N. Kociak, Jean-Charles Payen, Alain Pernet, Ph. Sers et P. Volboudt., éd. Klaus Lankheit, Paris, Klincksieck, 1981.
Massonnaud Dominique, « Kandinsky : Pour un théâtre de l'invisible », dans Bernadette Bost, Jean-François Louette et Bertrand Vibert, Impossibles théâtres xixᵉ-xxᵉ siècle, Chambéry, Comp'Act, 2005, p. 156-162.
Plassard Didier, « Le théâtre de Kandinsky face à l’interprétation », dans Christian Berg, Frank Durieux et Geert Lernout (dir.), The Turn of the Century. Modernism and Modernity in Literature and the Arts. Le Tournant du siècle. Le modernisme et la modernité dans la littérature et les arts, Berlin et New-York, Walter de Gruyter, 1995, p. 507-521.
—, « Approche de l’art monumental : Kandinsky et la synthèse des arts », dans Denis Bablet (dir.), L’Œuvre d’art totale, Paris, CNRS, 1995, p. 110-127.
Polieri Michel, « Le théâtre kaléidoscopique », dans Pour l'Art, n° 46, numéro spécial sur le théâtre abstrait, Paris, janvier-février 1956.
Weiss Peg, Kandinsky and old Russia. The artist as ethnographer and shaman, New Heaven/Londres, Yale University press, 1995.
Annexes
ANNEXE 1
Version 1909-1912 |
Version 1912 |
Introduction Fond bleu/lumière verte/orchestre caché Récitatif Tableau 1 Cinq géants sur scène/chant/vol des oiseaux rouges/Lumière bleue Tableau 2 Colline verte, puis fleur jaune « pareille à un tournesol », balancement/notes, récitatif (au futur) d'un groupe en souquenille, des petites figures floues longent la colline, les fleurs blanches des personnages deviennent jaunes, puis ils les jettent, elles sont rouge sang Tableau 3 Chuchotement des géants, foules bigarrée, regroupements/séparation, disparition des noirs, gris, blancs, engloutissement des géants dans la lumière de la scène. Tableau 4 Le géant cruciforme, noir, musique expressive. |
Liste des personnages (didascalie d'ouverture) Introduction Fond bleu/lumière/orchestre caché Récitatif (quelques modifications mineures) Tableau 1 Même trame : davantage d'indications de sonorités Les géants sont « poussés » sur la scène. Tableau 2 Colline verte, puis fleur semblable à un « grand concombre tordu », balancement/notes, récitatif (au présent), fin similaire à la première version. Les indications musicales sont plus précises. Tableau 3 Chuchotement des géants, noir puis lumière jaune vif, disparition des objets et décors, réapparition des géants, paroles incompréhensibles Tableau 4 (sans musique) La chapelle et l'enfant qui sonne la cloche fêlée. L'homme noir qui demande le silence. Tableau 5 Retour des rochers et des géants. Chuchotement des géants/cri derrière la scène. Foule bigarrée, regroupement/séparation. Danse du personnage blanc, qui « tend le bras comme pour une préparation solennelle », chuchotement des géants, couleurs de l'orchestre, déplacement des groupes, disparition des noirs, gris, blanc, danse des personnages bigarrés, engloutissement des géants qui s'éteignent « comme des sortes de lampe ». Tableau 6 Le géant cruciforme se dissout dans la lumière, calme, puis chant sans caractère « Quelqu'un parle ici objectivement. » |
ANNEXE 2
Représentations de Gelber Klang de Kandinsky Nous ne disposons pas d’informations sur les représentations suivies d’un astérisque. |
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12 mai 1972 au Musée Guggenheim, New York. |
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Août 1975 à la Fête musicale de La Sainte Baume, Provence |
Mise en scène par Jacques Polieri et Jacques Mortensen sur une musique d’Alfred Schnittke |
1976 au Théâtre des Champs-Elysées, Paris. |
Mise en scène par Jacques Polieri, avec « citations musicales » de Webern, tantras de Gyötö, intervention d’une basse profonde, sprechgesang (Mario Hacquard), évolution dansée de neuf acteurs et un soliste (Roland de Livry) |
9 février 1982 au Marymount Manhattan Theater, New York |
Mise en scène de Ian Strasfogel, chorégraphie de Hellmut Gottschild dansée par la Zero Moving Dance Compagny sur les bribes de partition conservées à Yale et arrangées par Gunther Schuller. |
12, 13, 14 février 1987 au Kunstmuseum de Bern. |
Mise en scène de Wolfgang Schön, sur une musique de Thomas Koncz, et une chorégraphie d’André Doutreval et Silvia Haemming. |
21 mars 1992, NIA Center, Manchester* |
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Novembre 2010, Target Margin Theater CO., Brick Theater, New York* |
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10 avril 2010, Palazzo dei Congressi, Lugano* |
Musique de Carlo Ciceri |
4 mai 2014, Bayerische Stattsoper, Munich |
Régie Mickael Simon, sur une musique de Frank Zappa, dansé par Bayerisches Staatsballett |
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Marie Cléren
Doctorante en littérature comparée, Paris IV-Sorbonne, CRLC
ATER au département des Arts du spectacle, Université Caen-Normandie