Dossier Acta Litt&Arts : Les enjeux de la 'dispositio' au théâtre: les exemples d''Esther' et 'Athalie'
Les défauts de composition d’Athalie à la lumière de la critique du XVIIIe siècle
Texte intégral
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1 Pierre Frantz, « Athalie au xviiie siècle », dans Jean Racine et l’Orient, ...
1La faible audience des premières représentations d’Athalie puis l’interdiction de sa représentation publique a provoqué un décalage temporel entre la création de l’œuvre et son examen critique. La dernière pièce de Racine ne devient ainsi un objet herméneutique qu’en même temps qu’elle s’offre à un plus large auditoire. Mise publiquement en scène pour la première fois en 1717 (sans les chœurs) à la Comédie-Française, la tragédie intéresse de multiples commentateurs tout au long du XVIIIe siècle. Comme l’a très bien montré P. Frantz1, Athalie représente un modèle tragique pour plusieurs dramaturges et critiques du siècle des Lumières, que ce soit pour son elocutio sublime ou encore pour le caractère spectaculaire de son dénouement, rare exemple d’un finale « en action » dans la tragédie du XVIIe siècle. Mais les éloges de la pièce n’empêchent pas l’expression de jugements plus circonspects, voire sévères, face à certains de ses aspects dramaturgiques. Athalie, plus que toute autre tragédie racinienne, a en effet donné lieu à un débat herméneutique autour de sa portée idéologique. Plus précisément un dissensus apparaît sur la valeur à attribuer à l’action et aux discours du prêtre Joad.
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2 Aristote, La Poétique, chap. 14, éd. et trad. R. Dupont-Roc et J. Lallot, P...
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3 Ibid., chap.VI, p. 57.
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4 Voir le jugement de Saint-Évremond : « J’ai soutenu que pour faire une bell...
2Ce trouble idéologique est tributaire de la composition de la pièce : les critiques interrogent la manière dont la fiction tragique parvient à motiver l’entreprise régicide de Joad. Cette question de la motivation est centrale dans la dispositio tragique. En effet, construire une action tragique consiste à transformer un sujet en intrigue cohérente et intelligible, régie par une loi de causalité, de sorte que « le surgissement des violences2 » qui définit le sujet tragique apparaisse comme la conséquence logique d’un ensemble d’éléments qui le fondent et le préparent. Ces éléments sont de deux ordres : ils relèvent soit de l’action représentée soit du caractère des personnages. Pour Aristote, les caractères des personnages doivent être subordonnés à l’agencement de l’intrigue, la tragédie étant définie « avant tout [...] [comme] une représentation d’action et, [non] seulement, d’hommes qui agissent3 ». Si les classiques reconnaissent la primauté de l’action sur les mœurs des personnages4, le caractère demeure une donnée essentielle d’explication de la conduite de l’action.
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5 Sur l’interprétation d’une œuvre menée contre le sens attribué par son aute...
3La réception d’Athalie illustre de fait combien l’évaluation de l’efficacité dramaturgique d’une pièce s’appuie sur un examen de l’articulation entre la mise en intrigue et le traitement des caractères. L’interrogation qui parcourt les différentes lectures que nous nous proposons de présenter peut se résumer ainsi : le meurtre d’Athalie par Joad est-il juste ? Juste, c’est-à-dire justifié à la fois par le caractère, les passions, sentiments et pensées du grand-prêtre et par la logique de l’intrigue. Les réponses données à cette question divergent en fonction des critères mobilisés pour asseoir le jugement poétique et plus spécifiquement de la prise en compte de l’intention de l’auteur. Athalie constitue en effet un cas rare dans la production racinienne d’œuvre ayant donné lieu à une lecture contrauctoriale5. Il s’agira pour nous de voir en quoi les jugements du XVIIIe siècle peuvent nous aider à notre tour à comprendre les enjeux liés à composition de la pièce et nous invitent à penser avec ou contre eux, selon qu’ils sont respectueux ou non du projet racinien initial.
Dramatisation du sujet : de l’intronisation au régicide
4La mise en intrigue du sujet d’Athalie impliquait un aménagement majeur qui se laisse deviner dans la présentation qu’en fait Racine :
6 Jean Racine, Athalie [1691], éd. G. Forestier, Paris, Gallimard, coll. « Fo...
[La pièce] a pour sujet, Joas reconnu et mis sur le Trône ; et j’aurais dû dans les règles l’intituler Joas. Mais la plupart du monde n’en ayant entendu parler que sous le nom d’Athalie, je n’ai pas jugé à propos de la leur présenter sous un autre titre, puisque d’ailleurs Athalie y joue un personnage si considérable, et que c’est sa mort qui termine la Pièce6.
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7 À propos de la manière dont le choix du titre révèle la tension entre ces d...
Deux faits sont évoqués dans cet extrait sans que leur lien ne soit explicité : d’un côté, celui qui constitue l’action principale, construite autour de la mise sur le trône de Joas et de l’autre, une action « considérable » s’achevant par la mort d’Athalie7. Dans les sources de la pièce, l’intrication entre ces deux actions était minimale. Le chapitre 11 du Second Livre des Rois s’intéresse ainsi principalement aux longs et secrets préparatifs de Joïada pour permettre la reconnaissance royale de Joas. Athalie est pour sa part placée en arrière-plan : une fois ses infanticides mentionnés en début de chapitre, elle n’apparaît que pour trouver la mort, sans avoir eu le moindre soupçon de la conspiration qui se tramait. La version vétérotestamentaire présente ainsi la mort de l’usurpatrice comme une étape en quelque sorte périphérique, un fait second et secondaire par rapport à l’intronisation de Joas, même s’il est évident que l’action de Joïada impliquait nécessairement le renversement de la souveraine.
5Comme l’a très bien montré Georges Forestier, Racine a modifié les données du sujet initial de manière à lier plus étroitement la mise sur le trône de Joas et le meurtre d’Athalie par la troupe du prêtre. Dans la tragédie, la mort du personnage éponyme achève l’action en faisant cesser le péril qui plane sur Joas, menacé tout au long de pièce par sa grand-mère. La composition dramatise à l’extrême le risque funeste encouru par l’enfant, en faisant craindre au spectateur qu’Athalie ne le reconnaisse et surtout en faisant se dérouler le sacre du prince dans un temple assiégé par les troupes royales. Dans sa recension publiée en 1722 dans le Mercure, Simon-Joseph Pellegrin a loué l’efficacité d’une telle dispositio en ces termes :
8 Simon-Joseph Pellegrin, « Lettre critique sur les Spectacles écrite aux Aut...
On ne peut disconvenir que ce plan ne soit un des plus brillants qui soient partis du génie de l’Auteur. Dès le premier acte, les frayeurs de Josabeth, tante de Joas, nous intéressent pour lui. Le péril se déclare dans le second, et va toujours en augmentant jusqu’à la catastrophe8.
La valeur de la composition se mesure à son pathétique : Racine a réussi à mettre en place un suspense allant croissant à mesure que le spectateur tremble pour la vie de Joas.
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9 « J’admire sur tout en M. de Racine, son adresse à donner à Athalie une pas...
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10 Joaïada y donne seulement l’ordre à ses soldats de tuer sur le champ quico...
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11 « De là, du nouveau Prince intrépides soldats, / Marchons, en invoquant l’...
6Cette efficacité pathétique a toutefois son revers dramaturgique. Elle est rendue possible par une série de circonstances qui permettent un affrontement direct entre Athalie et son petit-fils. La première apparition de la reine dans le temple est motivée par un songe funeste qui la pousse à se rendre dans cet endroit sacré, malgré son incrédulité. Une fois l’entretien avec Joas terminé, la fille de Jézabel quitte la scène. Il restait donc à Racine de justifier une deuxième venue d’Athalie au temple qui ne soit pas le simple bruit de la clameur populaire qui la fait accourir dans l’Ancien Testament. C’est cette deuxième entrée en scène qui a soulevé des interrogations, non parce que celle-ci a été jugée invraisemblable – Pellegrin loue la manière dont Racine est parvenu à justifier ce retour du personnage par son caractère avaricieux9 – mais parce qu’elle donne un mauvais rôle à Joad, en mettant l’accent sur son dessein régicide. Alors que dans le Second Livre des Rois, Joïada ne fait aucune allusion à un projet tyrannicide10, chez Racine, le grand-prêtre enjoint aux Lévites d’aller assassiner la reine en son palais11, puis, après la commission d’Abner, attend sa venue avec l’intention de la tuer. Cette modification du sujet biblique transforme le meurtre de la souveraine en crime prémédité.
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12 Voir le chapitre 14 de la Poétique d’Aristote.
7À première vue, un tel schéma dramatique a peu de raisons de soulever des réticences critiques. Si on le formule en des termes aristotéliciens12, Racine n’a fait que représenter un ennemi qui entreprend et achève, en toute connaissance de cause, son action criminelle contre une ennemie. Nous sommes loin de l’horreur suscitée par une violence intrafamiliale commise délibérément (telle que la provoque par exemple l’infanticide d’une Médée). De plus, grâce à l’aménagement racinien de la source biblique, le geste de Joad est motivé dans l’ordre de l’action : le prêtre fait tuer Athalie parce que celle-ci s’apprête à détruire le temple et à massacrer ses occupants. Pourtant, l’assassinat d’Athalie a suscité des réserves en raison du statut des deux personnages agissant. C’est d’abord la condition royale de la victime qui embarrasse la critique. Alors même qu’il achève de nombreuses tragédies au XVIIe siècle, le régicide, et même le tyrannicide, est en effet condamné par les théoriciens, dont d’Aubignac :
13 François Hédelin, abbé d’Aubignac, La Pratique du théâtre [1657], éd. H. B...
Parmi nous le respect et l’amour que nous avons pour nos Princes ne peut permettre que l’on donne au public ces spectacles plein d’horreurs […] et je ne crois pas qu’on puisse faire assassiner un Tyran sur notre théâtre avec applaudissement sans de très signalées précautions13.
Ensuite, c’est la dignité de Joad qui pose des difficultés : son zèle inflexible et sa rudesse langagière s’accorde mal avec le comportement attendu d’un prêtre. On s’en convaincra en lisant la manière dont La Mesnardière, un poéticien du XVIIe siècle, dépeint les mœurs caractérisant le dignitaire religieux :
14 Hippolyte Jules Pilet de la Mesnardière, La Poétique [1639], éd. J.-M. Civ...
Le pontife [sera] docte, éloquent, cérémonieux, retenu, pudique, religieux, patient et vénérable14.
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15 Voir Bernard Chédozeau, « Ultramontains, anglicans et gallicans devant Ath...
8Cet ensemble de traits fixe ce que l’on appelle la convenance du personnage. Pour constituer le caractère d’un personnage, le poète tragique se doit de respecter quatre critères : la qualité, qui renvoie à la qualité technique de la représentation ; la constance, qui impose que le personnage garde un même caractère tout au long de la pièce ; la ressemblance, qui exige que le personnage soit conforme à l’image que la tradition a donnée de lui ; et la convenance, qui demande que le personnage agisse et parle conformément à son âge, son sexe ou encore sa condition. Ce que la critique a pu implicitement reprocher à Racine, c’est qu’en respectant le principe de ressemblance il a malmené celui de convenance : la dignité religieuse de Joad a semblé s’accorder difficilement avec sa rhétorique emportée et son appel au meurtre. Son régicide soulève la question du droit que peut avoir le détenteur d’un pouvoir religieux de se rebeller contre une puissance royale, questionnement qui fait écho à un débat qui opposa les ultramontains et les gallicans au cours du XVIIe siècle15. Mais en-deçà de ces implications politico-idéologiques, la légitimité de la conspiration d’un prêtre contre une souveraine a été pensée en termes dramatiques par le prisme des bienséances.
La mauvaise foi de Voltaire : de l’atrocité de l’action au fanatisme
Joad, un prêtre fanatique ?
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16 Voltaire, « Remarques à l’occasion d’Olympie » [1763], en tête d’Olympie, ...
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17 Voltaire, « Discours historique et critique » [1769], en tête des Guèbres,...
9La critique la plus célèbre et la plus polémique de la pièce provient de Voltaire. Le philosophe dramaturge a consacré plusieurs pages à Athalie. Nous évoquerons deux textes essentiels : le premier provient d’un ensemble de notes accompagnant sa tragédie Olympie, intitulé « Remarques à l’occasion d’Olympie » et publié en 176316 ; le deuxième est issu du « Discours historique et critique » paru en 1769 en guise de préface de la tragédie Les Guèbres17. Dans ce dernier texte, l’écrivain appuie son examen à charge sur des réflexions que lui auraient livré un ami anglais, milord Cornsburi. Les premières phrases expriment une condamnation nette de l’action de Joad comme atroce :
18 Ibid., p. 509.
Je ne puis aimer, disait ce digne pair d’Angleterre, le pontife Joad ; comment ! conspirer contre sa reine à laquelle il a fait serment d’obéissance ! La trahir par le plus lâche des mensonges en lui disant qu’il y a de l’or dans sa sacristie, et qu’il lui donnera cet or ! La faire ensuite égorger par des prêtres à la Porte-aux-chevaux sans forme de procès ! Une reine ! une femme ! quelle horreur18 !
10L’horreur du sujet – émotion traditionnellement bannie de l’expérience tragique – vient d’une atteinte à la bienséance interne et externe. Externe, parce que Racine est accusé d’avoir omis d’adapter son sujet à la sensibilité contemporaine en représentant un prêtre s’en prenant à sa souveraine, fait intolérable pour un public moderne19. Interne, parce qu’en recourant au mensonge, Joad agit en contradiction avec ce que supposerait logiquement sa condition. Mais la tromperie du prêtre n’est pas la seule infraction à la convenance de son caractère : selon une conception voltairienne largement diffusée chez ses contemporains dramaturges, le bon religieux est celui « qui se renferme dans les bornes de son ministère de paix, [...] se borne à prier le ciel, et à enseigner la vertu20 ». À l’inverse, la tragédie voltairienne (et plus généralement des Lumières) a mis sur les planches un nouveau type de personnage méchant en la figure du prêtre imposteur et sanguinaire, qui utilise son pouvoir religieux afin de satisfaire sa soif de domination. Alors même qu’Athalie offrait un modèle de ce type de religieux impie et cruel en la personne de Mathan, Voltaire s’est paradoxalement attaqué au seul Joad. Il va jusqu’à le traiter de fanatique, en alléguant le discours tenu par le personnage lorsqu’il découvre Mathan en compagnie de Josabet dans le temple :
21 Voltaire, « Discours historique et critique », éd. cit., p. 510. La véraci...
Je l’appelle hardiment fanatique, puisqu’il parle ainsi à sa femme (à cette femme assez inutile dans la pièce), lorsqu’il la trouve avec un prêtre qui n’est pas de sa communion :
Quoi ! fille de David , vous parlez à ce traître !
Vous souffrez qu’il vous parle, et vous ne craignez pas
Que, du fond de l’abime entr’ouvert sous ses pas,
Il ne sorte à l’instant des feux qui vous embrasent,
Ou qu’en tombant sur lui ces murs ne vont écrasent ! [III, V, v. 1020-1024]
Je fus très content du parterre qui riait de ces vers, et non moins content de l’acteur qui les supprima dans la représentation suivante. Je me sentais une horreur inexprimable pour ce Joad21.
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22 Dans le « Discours historique et critique », il blâme également l’appel au...
Aux yeux de Voltaire, Joad se comporte en religieux sectaire et intolérant vis-à-vis des autres religions, fanatique par sa capacité à souhaiter la mort de quiconque ne partage pas sa foi22.
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23 « Mon père… Ah quel courroux animait ses regards ! / Moïse à Pharaon parut...
11Que penser de cette vision du personnage ? Tout lecteur un tant soit peu connaisseur de l’œuvre y verra une série de contresens flagrants reposant sur une lecture parcellaire et partiale du texte, volontairement oublieuse de l’intention originelle du dramaturge. Pour autant, ces propos nous invitent à prendre leur contrepied et à justifier pourquoi Racine a cru juste d’attribuer à Joad une véhémence furieuse qui sied mal avec sa dignité. Elle se comprend d’abord par rapport au souci évident du dramaturge d’attribuer à son protagoniste des mœurs et une elocutio conformes à l’image que l’Ancien Testament donne du prêtre juif. On peut ensuite constater que l’emportement de Joad sur Mathan rejoue celui qui eut lieu contre Athalie hors-scène, à l’acte II, et qui fait l’objet d’un récit de Zacharie. La colère du pontife y est décrite comme extrême23 mais Abner s’attache à défendre la virulence de cette réaction en rappelant à Athalie un principe qui éclaire également la fureur de Joad contre Mathan :
24 Ibid., II, 4, v. 439-446.
Madame, pardonnez si j’ose le défendre.
Le zèle de Joad n’a point dû vous surprendre.
Du Dieu que nous servons tel est l’ordre éternel.
Lui-même il nous traça son Temple et son Autel,
[...] Aux Lévites marqua leur place et leurs offices
Et surtout défendit à leur postérité
Avec tout autre Dieu tout société24.
Cette réplique rappelle au lecteur que la conduite de Joad est respectueuse de lois sacrées inhérentes à la religion juive. Enfin, l’excès verbal de Joad face à Mathan doit être mis en relation avec la dynamique pathétique propre à l’acte III. Celui-ci débute en effet par le dévoilement au spectateur de l’étendue de l’impiété et de la scélératesse du prêtre de Baal. Cette scène d’aveu de Mathan à Nabal cherche à susciter une indignation maximale du spectateur pour l’odieux (au sens propre) personnage : de ce fait, les réactions horrifiées successives de Zacharie, Josabet et enfin Joad reflètent celle de l’auditeur. Réactions qui, en outre, sont disposées sur un mode crescendo : si Zacharie se contente de signifier à Mathan que la présence d’un « idolâtre impur25 » dans le temple est indésirable, Josabet le blâme plus fortement en le traitant de « Méchant [...] nourri dans la fourbe et dans la trahison26 » tandis que Joad va plus loin encore par ses imprécations.
12Si l’inscription du discours « fanatique » de Joad au sein de la séquence d’indignation mise en œuvre par l’acte III permet de contrer la lecture voltairienne, elle ne suffit pas à justifier les autres reproches adressés par le philosophe, à savoir son recours au mensonge et sa déloyauté vis-à-vis du pouvoir royal. En réalité, il est intéressant de constater que c’est au sein de l’acte III et par la bouche de Mathan que Racine a choisi de faire entendre les règles que le prêtre est accusé d’avoir enfreintes. C’est en effet le pontife de Baal qui rappelle d’abord à Josabet que sa foi lui interdit de recourir au mensonge :
27 Ibid., III, 4, v. 1003-1006.
Je sais que du mensonge implacable ennemie
Josabet livrerait même sa propre vie,
S’il fallait que sa vie à sa sincérité
Coûtât le moindre mot contre la vérité27.
La scène suivante, Mathan répond au courroux de Joad, en le rappelant à son devoir de soumission vis-à-vis de la souveraine :
28 Ibid., III, 5, v. 1027-1030.
On reconnaît Joad à cette violence.
Toutefois il devrait montrer plus de prudence,
Respecter une Reine, et ne pas outrager
Celui, que de son ordre elle a daigné charger28.
Que ce soit l’impie conseiller d’Athalie qui énonce le code de bienséances auquel Joad est supposé se conformer est significatif : prononcées par un personnage méchant voué à susciter l’horreur du public, ces règles de conduite sont frappées de caducité. Plus, la situation dramatique vise dans le premier cas à ce que l’auditeur tremble que Josabet ne dise la vérité : plutôt que de souscrire au jugement de Mathan, il loue la dissimulation de la femme qui permet de sauver l’enfant. Quant à l’appel au respect de la puissance royale, il sonne bien plus comme la menace voilée d’un ennemi qui se délecte de la chute future de Joad que comme la formulation d’une loi valide.
Athalie, une souveraine digne de pitié ?
13La condamnation de Joad a pour corollaire la défense d’Athalie, pour laquelle Voltaire éprouve de l’intérêt et de la compassion :
29 Voltaire, « Discours historique et critique », éd. cit., p. 510.
Je m’intéressais vivement à Athalie, je disais d’après vous-même,
Je pleure hélas ! de la pauvre Athalie
Si méchamment mise à mort par Joad29.
Ce jugement cherche à priver de toute légitimité l’acte de Joad, en présentant la souveraine comme la malheureuse victime d’un prêtre sanguinaire. Il repose sur l’idée qu’Athalie était prête à adopter Joas comme son héritier. La passation de pouvoir aurait ainsi pu se dérouler sans que le sang ne soit versé :
30 Ibid. Cet argument est également longuement développé dans les notes d’Oly...
Encore si Joad avait quelque prétexte pour commettre cette action abominable ! Mais il n’en a aucun. Athalie est une grand-mère de près de cent ans ; le jeune Joas est son petit-fils, son unique héritier ; elle n’a plus de parents ; son intérêt est de l’élever et de lui laisser la couronne ; elle déclare elle-même qu’elle n’a pas d’autre intention. C’est une absurdité insupportable de supposer qu’elle veuille élever Joas chez elle pour s’en défaire. C’est pourtant sur cette absurdité que le fanatique Joad assassine sa reine30.
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31 « Vous voyez, je suis Reine, et n’ai point d’héritier. / Laissez là cet ha...
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32 « David m’est en horreur, et les fils de ce Roi / Quoique nés de mon sang ...
14Prenant au pied de la lettre la proposition que fait Athalie à Éliacin de le traiter comme son héritier31, ce commentaire ignore volontairement qu’un tel discours n’est possible que parce que la femme ignore qu’elle s’adresse à son petit-fils. Pourtant, la reine affirme peu de temps après qu’elle continue de vouer une haine indéfectible à sa descendance32. Mais c’est justement ce point que Voltaire conteste : dans ses remarques sur Olympie, il propose d’écrire la réplique que Josabet aurait pu (ou dû) adresser à la souveraine pour la convaincre de quitter sa passion vengeresse et d’accepter Joas comme son héritier :
33 Voltaire, « Remarques à l’occasion d’Olympie », éd. cit., p. 369-370.
Certes, quand Athalie dit à l’enfant, Je prétends vous traiter comme mon propre fils ; Josabet pouvait lui répondre : « Eh bien, madame, traitez-le donc comme votre fils, car il l’est : vous êtes sa grand-mère ; vous n’avez que lui d’hériter ; [...] vous êtes vieille ; vous n’avez que peu de temps à vivre ; cet enfant doit être votre consolation. Si un étranger et un scélérat comme Jéhu, [...] assassina votre père et votre mère ; [...] il n’est pas possible que pour vous venger de cet abominable étranger, vous prétendiez massacrer le seul petit-fils qui vous reste : vous n’êtes pas capable d’une démence si exécrable et si absurde : [...] ni un tel crime, ni un tel soupçon ne sont dans la nature33.
15Cette réécriture s’appuie sur un nouveau défaut de convenance du caractère car l’extrême vieillesse d’Athalie renforce la dimension invraisemblable de sa cruauté. La haine infanticide de la souveraine est perçue comme défiant toute logique éthique : elle est insensée, au sens propre. On ne peut comprendre un tel jugement sans prendre en compte différents éléments à la fois externes et internes à l’œuvre racinienne. Le patriarche de Ferney raisonne d’abord en digne représentant de la sensibilité de son temps, la tragédie des Lumières ayant promu le personnage de la mère touchante et pathétique. Cette lecture s’autorise ensuite du refus du dramaturge de donner accès aux sentiments de la souveraine après son entretien avec l’enfant. Athalie quitte la scène sur un ambigu « J’ai voulu voir, j’ai vu34 ». Puis ses impressions ne sont connues du public qu’à travers la voix de Mathan, qui s’étonne que « la peur d’un vain remords trouble cette grande âme35 ». Le bouleversement de l’usurpatrice face à Joad est présenté comme un sentiment inconnu et obscur – Athalie s’interroge elle-même sur la nature de son trouble face à l’enfant en se demandant s’il pourrait correspondre à de la pitié36 – qui vient dénaturer son ethos habituel. Cet accès à une sensibilité inédite favorise une lecture positive de l’usurpatrice sanguinaire.
Aux origines de la lecture philosophique : la critique de Simon-Joseph Pellegrin de 1722
16En lisant Athalie contre son auteur, Voltaire se fait moins herméneute que polémiste. Son interprétation est biaisée par la visée philosophique qui l’anime : l’intention racinienne est niée au profit d’un examen rationnel de la lettre biblique. La dénonciation des absurdités de l’Ancien Testament le pousse ainsi à calculer l’âge qu’aurait Athalie si l’on en croyait le Livre des Rois – 106 ans – ou encore à voir dans les crimes de Jehu des forfaits aussi atroces que ceux de la fille de Jézabel. Cette perspective explique le refus délibéré de souscrire au projet pédagogique racinien en voyant dans l’action de Joad un acte héroïque. Au contraire, précise Voltaire, rien n’indique dans le récit biblique que ce geste soit porteur d’une forme d’exemplarité :
37 Voltaire, « Remarques à l’occasion d’Olympie », éd. cit., p. 367-368.
Il n’est pas dit même que Joad ait consulté le Seigneur, ni qu’il lui ait fait la moindre prière avant de mettre sa reine à mort. L’Écriture dit seulement qu’il conspira avec ses Lévites [...] sans dire que le Seigneur approuvât cette conduite.
[...] pourquoi l’action de Joad serait-elle consacrée ?
Dieu n’approuve certainement pas tout ce que l’histoire des Juifs rapporte. L’Esprit Saint a présidé à la vérité avec laquelle tous ces livres ont été écrits. Il n’a pas présidé aux actions perverses dont on y rend compte37.
Ce faisant, il prive le geste du pontife de sa motivation fondamentale, à savoir l’obéissance à un commandement sacré. Cette dernière remarque suffirait à considérer la lecture voltairienne comme procédant à une dénaturation des significations de la pièce et par conséquent à la juger digne de peu d’intérêt.
17Pourtant, la lecture de la recension d’Athalie parue dans le Mercure de 1722 sous la plume de Simon-Joseph Pellegrin montre que l’exégèse voltairienne, aussi déformante qu’elle puisse paraître, s’inscrit dans le droit fil d’un discours critique antérieur. Dans cet examen intéressant en ce qu’il est écrit une vingtaine d’années seulement après la création de la pièce, Pellegrin ne tarit pas d’éloges sur la pièce mais n’hésite pas à se montrer sourcilleux au nom même de l’art exceptionnel de Racine. Plusieurs de ses griefs annoncent ceux de Voltaire. Le premier d’entre eux concerne le personnage de Joad, dont le zèle religieux semble trop excessif, particulièrement lorsqu’il demande au Ciel de punir Joas s’il en vient à déroger à sa Loi :
38 S.-J. Pellegrin, « Lettre critique sur les Spectacles…», op. cit., p. 86. ...
La scène [I,2] finit par une prière que le Grand Prêtre fait au Seigneur, dans laquelle le zèle d’un digne fils d’Aaron est parfaitement marqué. Je ne sais même si ce zèle ne va pas un peu trop loin, quand il demande à Dieu que Joas soit semblable au fruit qui est arraché dès sa naissance, et qu’un souffle ennemi fait sécher dans sa fleur, supposé qu’il doive un jour abandonner la trace de David.
Je crois qu’on peut dire d’un pareil zèle qu’il est plus admirable qu’imitable puisqu’il n’est permis dans aucun cas de souhaiter la mort à son Souverain38.
18La piété intransigeante de Joad est conforme à ce qui est attendue d’un antique prêtre juif : de ce fait, son caractère respecte les critères de qualité et de ressemblance. Mais ce respect a ses limites : en subordonnant le respect de la puissance royale à la soumission aux commandements divins, Joad ne peut que heurter l’auditoire moderne pour qui la révérence due au monarque ne doit pas souffrir d’exception. Le sentiment suscité par Joad est ainsi trouble : si le spectateur l’admire, c’est-à-dire éprouve de l’étonnement face au merveilleux de son ethos, il ne peut s’empêcher d’y percevoir une absence d’exemplarité.
19La critique du personnage repose aussi sur la mise à l’index du piège qu’il tend à Abner et à Athalie au début de l’acte V, stratagème perçu comme malséant pour un pontife :
39 S.-J. Pellegrin, « Suite de la Lettre critique sur les Spectacles… », op. ...
[V, II] [...] Ce jeu de mots [sur le trésor] me paraît peu séant à la Majesté d’un Souverain Sacrificateur, tel que Joad. Mais ce qui me surprend le plus, c’est que Josabet saisissant le moment où Abner paraît s’attendrir au sujet du sang de ses rois, pour faire entendre tout bas à Joad qu’il serait temps de lui découvrir le sort de Joas, le Grand-Prêtre lui répond qu’il n’est pas encore temps. [...] Par ce silence hors de raison, il a ménage un coup de surprise pour les spectateurs, mais ces agréments de Théâtre ne doivent jamais être préparés aux dépens du vrai et du vraisemblable. [...] On voit bien par ce que fait Joad qu’il veut se servir d’Abner pour amener Athalie dans le piège, et j’avoue que c’est là ce qui me paraît de plus défectueux, et de plus révoltant dans la pièce39.
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40 Ibid., p. 28.
En blâmant l’équivoque de Joad, Pellegrin n’attaque pas seulement un défaut de convenance du caractère mais aussi un vice dramaturgique. Le prêtre ne trompe pas seulement la souveraine : il dupe volontairement Abner en refusant de lui dévoiler l’identité d’Éliacin, malgré les encouragements de son épouse. Il conduit de ce fait Abner à devenir l’instrument involontaire du piège tendu à la reine, geste « révoltant » en ce qu’il constitue la manipulation indigne d’un soldat dévoué au prêtre. Le critique a perçu la double utilité de ce silence : d’un côté, il a pour but d’amener Athalie à l’intérieur du temple, de l’autre, il vise, sur le plan de la conduite de l’intrigue, à mettre en place la péripétie finale à travers une double reconnaissance, Abner découvrant le nouveau roi de Juda en même temps que la fille de Jézabel. En préparant le dénouement par une « supercherie40 », Racine se voit ainsi reprocher d’avoir privilégié un effet de surprise au prix d’une atteinte à la bienséance des mœurs.
20La critique du traitement du personnage de Joad s’assortit d’une autre réserve, qui vient la renforcer : celle concernant la justice du châtiment d’Athalie. Aux yeux de Pellegrin, la reine ne mérite pas la mort, faute de susciter l’antipathie du lecteur. Ainsi, le songe qui la mène au temple, note le périodiste, ne suffit pas à la faire condamner, de même que la teneur de ses propos :
41 S.-J. Pellegrin, « Lettre critique sur les Spectacles…», op. cit., p. 89-90.
Cependant j’ose avancer que le songe d’Athalie, quelque beau qu’il soit, est ce qu’il y a de plus défectueux dans cette Tragédie, et qu’il est tout-à-fait à la décharge d’une Reine qu’on doit nous peindre coupable, et digne du châtiment qui tombe enfin sur sa tête.
En effet, quelle autre Princesse, fut-elle aussi vertueuse que celle-ci doit être méchante, ne voudrait pas s’assurer d’un jeune enfant qu’un songe lui aurait représenté, lui portant un poignard dans le sein ? Athalie, comme nous l’allons voir, ne demande Éliacin, que pour le faire élever sous ses yeux. Cette prévoyance est-elle un crime ?
Qu’on ne dise pas qu’elle a peut-être un dessein secret de le faire périr, rien de tout cela ne paraît, ni dans ses paroles, ni dans ses actions ; et dans les apartés qu’elle fait, son cœur nous paraît plutôt pencher vers la tendresse, que vers la vengeance41.
Les échos avec les remarques de Voltaire sont frappants : Pellegrin déplore que le caractère tyrannique et sanguinaire de la reine ne soit pas assez marqué et soutient qu’Athalie ne semble animée d’aucun esprit de vengeance contre Joas. Il en résulte que le régicide final apparaît comme un acte illégitime et un châtiment injuste :
42 S.-J. Pellegrin, « Suite de la Lettre critique sur les Spectacles… », op. ...
[V, V] Athalie éclate d’abord en injures contre Joad. Elle lui dit qu’elle devrait lui ôter une vie dont elle est maîtresse, mais qu’elle veut bien se contenter de ce qu’on lui a promis. Voici ses paroles :
Mais du prix que l’on m’offre, il faut me contenter,
Ce que tu m’as promis songe à l’exécuter.
Cet enfant, ce trésor qu’il faut qu’on me remette, où sont-ils ?
Jusque-là Athalie paraît ne vouloir faire aucune infraction au traité. Il est vrai que voyant paraître sur le Trône Joas qu’elle prend toujours pour Éliacin, elle prend une résolution violente contre lui, et qu’elle dit à Joad.
Ta fourbe à cet enfant, traître sera funeste,
D’un fantôme odieux, soldats, délivrez-moi.
Voilà la seule infidélité d’Athalie qui puisse justifier Joad. J’avoue de bonne foi que je ne me paye pas de cette raison, et que cela ne doit pas autoriser le Grand-Prêtre à ordonner à la fin qu’on lui donne la mort hors du Temple42.
Le meurtre d’Athalie serait insuffisamment motivé : à l’exception de son appel meurtrier final à ses troupes, rien dans sa conduite n’apparaît comme assez scélérat pour justifier l’ordre criminel de Joad.
21Ce défaut de lisibilité morale fait l’objet d’un autre reproche. Pellegrin peine à comprendre pourquoi Racine a choisi d’annoncer le futur crime de Joas. La prophétie de Joad aussi bien que les imprécations finales d’Athalie heurtent le rédacteur en ce qu’elles parasitent l’intérêt du spectateur pour l’enfant :
43 Ibid., p. 25.
En effet, quoique le sujet de cette Tragédie soit très-beau, il faut convenir qu’il serait bien plus heureux, et plus intéressant, si l’on pouvait ignorer que Joas se rendit enfin indigne des grâces du Seigneur en abandonnant cette même loi, dont il vient de jurer l’observation43.
44 Ibid., p. 30-31.
Je ne blâme point les imprécations que cette Reine furieuse vomit contre Joas, elles sont dans la nature ; mais je ne voudrais pas que les souhaits d’une si méchante femme fussent des prédictions, que l’histoire Sainte ne justifie que trop. La vérité me paraît déplacée dans une bouche impie, et d’ailleurs cette triste vérité ôte une bonne partie de l’intérêt qu’on vient de prendre en ce jeune Roi44.
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45 « Je trouve dans Athalie un exemple du troisième défaut. Joas est le perso...
22Ce blâme, que l’on retrouve chez le dramaturge et critique Houdar de La Motte45, manifeste lui aussi une appréhension lacunaire du dessein religieux de la pièce. Alors que ces allusions au futur crime de Joas rappellent au spectateur que l’histoire biblique se poursuit au-delà du dénouement et qu’elle a pour horizon ultime la naissance du Messie, Pellegrin raisonne selon une optique strictement dramaturgique. La règle veut en effet que le poète suscite et maintienne l’intérêt de l’auditeur pour l’innocent persécuté, processus d’empathie essentiel que la prophétie funeste vient briser. L’examen de Pellegrin, aussi élogieux qu’il soit, pointe donc des dysfonctionnements pathétiques qui engagent un jugement moral des personnages : Joad, par son zèle excessif, heurte l’auditoire ; Athalie semble trop vertueuse pour mériter son sort ; et enfin le petit Joas, pour lequel le spectateur tremble et s’apitoie, voit sa vertu inutilement ternie.
Réhabilitation de Joad : motivations politiques et religieuses
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46 « Acte IV. Scene III. Jusques dans son Palais cherchons son ennemi. [...]....
23Le compte-rendu de Pellegrin témoigne dès 1722 d’une appréhension « laïcisée » de la pièce : le dessein chrétien de Racine est ignoré – fait renforcé par le refus du périodiste de prendre en considération les chœurs –, ce qui entraîne une mécompréhension de certains enjeux de la pièce au profit d’une lecture poétique stricto sensu, c’est-à-dire qui examine l’œuvre en fonction d’un code de composition propre à la théorie tragique classique et d’un horizon d’attente adapté à un public moderne. Pour récuser ces reproches, les laudateurs de la tragédie s’attachent à opérer un travail de contextualisation politique et religieuse qui vise à réhabiliter l’action de Joad. L’exemple le plus remarquable est celui de Louis Racine, qui publie en 1752 des remarques sur le théâtre de son père. La thèse d’une immoralité du mensonge de Joad y est longuement combattue. Le fils du dramaturge remarque d’abord que le recours à la ruse n’est pas prémédité par le prêtre46. Il s’attache ensuite à résoudre la question de l’équivoque entretenue par Joad autour du trésor caché dans le temple. Il ne nie pas qu’il s’agisse là d’un mensonge mais avance que la situation de combat dans laquelle se trouve Joad rend son usage légitime :
47 Ibid., p. 314-315.
Acte V. Scene II.
Il est vrai de David un trésor m’est resté. L’avarice d’Athalie a été annoncée dès la première Scene. Quelle joie pour elle, quand elle saura qu’il y a un trésor dans le Temple ! C’est en effet un trésor de David ; mais comme ce n’est point un pareil trésor qu’elle cherche, n’y a-t-il point dans la réponse du Grand-Prêtre un mensonge ? N’y a-t-il pas du moins une équivoque ?
Mensonge ou Équivoque, pour un honnête homme, c’est la même chose. La réponse du Grand-Prêtre serait un mensonge, avec tout autre qu’avec l’ennemi public. Quand Athalie a demandé un trésor, elle a demandé un amas d’or. Quand le Grand Prêtre lui répond qu’il a ce trésor, il répond à sa pensée, et par conséquent lui fait croire qu’il a un amas d’or. Il est donc certain qu’il la trompe ; et il est également certain, que s’il ne la trompait pas dans ce moment, le Temple serait en feu, et Joas périrait47.
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48 Racine avait en effet anticipé les critiques sur l’équivoque de Joad, comm...
Se rangeant sous l’autorité de Saint-Augustin, de Grossius ou encore d’Horace, l’exégète poursuit en expliquant que le mensonge est autorisé dans certaines circonstances – il rejoint ainsi les justifications de son propre père48. Dans la situation de Joad, cette tromperie est d’autant plus légitime qu’il s’agit de protéger le véritable roi de Juda de son impie aïeule :
49 Ibid., p. 315-316.
Il n’est jamais permis aux hommes, faits pour s’aimer, de se tromper les uns les autres, pour se nuire ; ils se doivent toujours l’amour et la vérité : mais on ne la doit pas toujours à un ennemi contre lequel on est justement armé, parce qu’en exerçant le droit qu’on a de le détruire, on peut employer également ou la force ou la ruse [...]. Ce que dit aussi Saint Augustin [...].
Or il est certain que le Grand-Prêtre, chef de la Nation, quand le Trône est vacant, dépositaire des droits du Roi légitime dont il est le Gardien et le Tuteur, exerçant son autorité jusqu’à ce qu’il la lui ait remise, a le droit et du Roi et de toute la Nation, pour faire périr l’ennemi public qui est Athalie. [...] Non seulement le Grand-Prêtre ne lui doit point la Vérité : si dans cette circonstance il ne le trompait pas, il trahirait son Roi, et tout la Nation49.
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50 « D’après ces faits, tous énoncés et répétés dans la pièce, je demande à m...
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51 « Ce n’est donc point de la gloire humaine, promise à la race de David don...
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52 Ibid., p. 326.
24Loin d’être un acte répréhensible, mentir était un devoir pour Joad. Sa situation exceptionnelle et les enjeux de son action font qu’on ne peut le juger en fonction d’un code de conduite propre au simple honnête homme. La réhabilitation de Joad passe par une clarification des motivations politico-religieuses qui l’animent. Jean François de La Harpe reprendra le même type d’argument pour contester la critique de Voltaire, en rappelant que Joad ne doit sa loyauté qu’au seul héritier légitime du trône de Juda, et non à Athalie qui n’est qu’une usurpatrice50. Abordé sous cet angle, Joad n’apparaît plus comme un prêtre qui outrepasse ses prérogatives en osant attenter contre la reine, mais comme le juste défenseur du pouvoir légitime et du peuple. Cette « héroïsation » de Joad est également défendue sur un autre plan par Louis Racine, lorsqu’il explique pourquoi son père choisit d’annoncer la chute future de Joas. Il la justifie en fonction de la perspective téléologique qui sous-tend la pièce : Joad, en élevant Joas à la dignité de prince, n’œuvre pas au salut de l’enfant ni même à celui du peuple juif mais agit pour un dessein bien plus grand qui est l’avènement du Christ51. Joad serait ainsi « un Chrétien par avance52 ». Cet horizon théologique oblige le dramaturge à modifier le pathétique tragique traditionnel :
53 Ibid., p. 328-329.
Le Poète a donc conduit sa Tragédie, et comme Poète habile dans les Règles de son art, et comme très éclairé dans la Religion, puisqu’il a traité son Sujet non comme événement historique, mais comme événement prophétique, et il a mis à dessein la prédiction de l’avenir dans la bouche d’Athalie, pour élever l’attention du Spectateur à un plus grand objet que la gloire de Joas, qui fut un des ancêtres du Messie, mais qui n’est pas même nommé dans la Généalogie de Jésus Christ53.
25Devant cette visée chrétienne, la pitié et la terreur tragiques devant Joas sont appelées à être nuancées : le texte programme localement une mise à distance des émotions du spectateur en circonscrivant l’admiration éventuelle qu’il pourrait éprouver pour un personnage qui reste seulement un ancêtre faillible et imparfait du Messie. La prise en compte des enjeux religieux de la pièce permet donc de faire jouer la logique de piété contre le principe de bienséances et de faire primer l’intention du dramaturge sur la doxa tragique classique.
Une action extraordinaire : vraisemblance et Providence
26La prise en compte de la dimension religieuse de l’action de Joad pour motiver son action criminelle est essentielle pour saisir les enjeux de la pièce. Si Louis Racine mobilise un savoir théologique externe, le commentaire de La Harpe articule étroitement la nature sacrée de l’action et la composition dramatique, de manière à faire ressortir la causalité divine qui trame la pièce. C’est en suggérant que Dieu agit en coulisses que le dramaturge est parvenu à convaincre le spectateur de la légitimité de l’action de Joad, qui n’est que le simple exécuteur d’un dessein providentiel :
54 Ibid., p. 167-174.
ce n’est pas assez que la cause de Joad soit juste ; il faut justifier les moyens qu’il emploie. [...] La question est donc de savoir si l’auteur d’Athalie, dans tout le cours de la pièce, nous a montré les objets sous un tel point de vue, que la conduite de Joad nous paraisse irréprochable, et que l’intérêt de cet enfant, son pupille et son roi, devienne celui du spectateur.
[...] Et quoi de plus propre à rendre une cause respectable, à en persuader la justice, que de la présenter toujours comme la cause de Dieu lui-même ? Je le répète, sans cet art, que peut-être on n’a pas assez senti, la pièce échouait54.
27Pour faire coïncider cause de Dieu et cause de Joad, il était nécessaire de faire comprendre au spectateur que le Ciel est un « arbitre invisible qui dirige tout55 ». Cette empreinte se devine d’abord dans l’elocutio sublime qui fait « entendre la voix de Dieu en chaque vers56 ». Elle se manifeste également dans le traitement du personnage de Joad :
57 Ibid., p. 218-219.
Cependant on ne peut disconvenir qu’il n’y ait de l’artifice dans ses paroles [laissant entendre qu’il y a un trésor dans le temple], et tout artifice, a-t-on dit, est condamnable : c’est un moyen fait pour avilir celui qui s’en sert. Je réponds : oui, si Joad était un héros, obligé de se conduire selon les principes ordinaires ; mais quatre actes nous ont accoutumés à la regarder comme le ministre d’un dieu vengeur, comme l’instrument de la juste punition d’une reine coupable, que la soif de l’or et du sang précipite dans le piège. Il semble qu’[Athalie] s’y jette elle-même, comme aveuglée par Dieu qui la poursuit, et Joad a plutôt l’air de l’y laisser tomber, que de l’y conduire57.
Joad n’est pas un individu ordinaire mais le bras de la vengeance divine. Ce point ne conduit pas seulement La Harpe à le dédouaner pour son mensonge mais à réévaluer son degré de responsabilité dans la chute d’Athalie. Son équivoque n’aurait été d’aucune utilité dramaturgique si la souveraine n’avait été conduite à assiéger le temple à la faveur d’une série de circonstances indépendantes du grand prêtre. Le malheur dans lequel tombe la souveraine lui est bien plus imputable qu’à son ennemi.
28Au-delà de la conduite de Joad, la critique s’est justement penchée sur les moyens dramatiques utilisés pour aboutir au dénouement et y a perçu certaines atteintes à la vraisemblance. Pellegrin déplore ainsi le fait que l’assaut militaire final soit dû au fait que Mathan perce à jour sans le vouloir l’identité de Joas :
58 S.-J. Pellegrin, « Lettre critique sur les Spectacles…», op. cit., p. 93-94.
[II, 6] Mathan fait entendre à Athalie, que peut-être Joad veut-il substituer ce jeune enfant à la place de quelque fils de David. Cela s’appelle deviner. Car enfin, sur quoi ce soupçon est-il fondé ? Abner a devancé le jour pour s’aboucher avec Joad dans le temple ; voilà ce que dit Mathan pour appuyer son accusation. Cela peut faire entrevoir un complot quelconque, mais non précisément une supposition d’enfant : cependant Athalie donne dans une présomption si dénuée de vraisemblance. Il faut avouer que les personnages d’une pièce sont bien dociles, l’Auteur leur fait dire et leur fait faire tout ce qu’il veut58.
La phrase finale laisse entendre l’artificialité de la préscience de Mathan : tout se passe comme si Racine ne lui faisait percevoir la vérité qu’en raison d’une pure utilité dramaturgique – renforcer le danger qui plane sur Joas et faire en sorte qu’Athalie réclame qu’on lui remette l’enfant. Ce qui heurte le critique est donc la fonctionnalité trop visible de ce pressentiment : la logique du dramaturge prime ici sur celle du vraisemblable, en faisant intervenir un hasard trop heureux pour ne pas sembler suspect. L’examen de Luneau de Boisjermain recense pour sa part d’autres défauts dramaturgiques, liés à l’action des personnages secondaires :
59 Pierre-Joseph-François Luneau de Boisjermain, « Examen d’Athalie », dans Œ...
Le personnage d’Abner a paru inutile : on a dit qu’il ne servait qu’à donner à Athalie des conseils qu’elle ne suit pas, et qu’à amener, sans le savoir, le dénouement de la pièce. Celui de Mathan aurait pu être un peu plus essentiel, mais on a observé qu’il parlait beaucoup et qu’il ne faisait rien, et qu’il aurait dû faire connaître sa méchanceté plutôt par ses actions que par ses discours59.
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60 Voir par exemple la critique d’Antoine Houdar de La Motte : « Ce caractère...
29Les deux personnages secondaires sont ici critiqués pour leur faible utilité dramaturgique : d’un côté, Abner participe à la conduite de l’intrigue de manière aveugle ; de l’autre, Mathan manifeste clairement sa volonté de nuire sans agir véritablement. La dernière remarque est étonnante puisque Mathan est indéniablement un moteur essentiel de l’action. C’est bien ce mauvais conseiller qui, mû par l’ambition et la soif de vengeance, pousse Athalie à mener un assaut armé contre le temple en lui faisant croire qu’un trésor s’y dissimule et qu’Éliacin est d’une naissance suspecte. Comment comprendre dans ce cas la critique ? Elle s’explique surtout en raison des réserves suscitées par la scène d’aveu de Mathan à Nabal : il a été jugé invraisemblable qu’un homme puisse avouer sans détour et spontanément l’étendue de sa perfidie60. L’écart entre la méchanceté qui émane de ses paroles et la discrétion de son rôle de mauvais conseiller a conduit à dénigrer l’effectivité de son action.
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61 « Abner à Josabet : Je vous l’avais promis / Je vous rends le dépôt que vo...
30La critique adressée à l’encontre d’Abner est plus intéressante. Il est en effet frappant de constater que sa force guerrière n’est guère mise à profit dans la pièce. Cet aspect est mis en lumière dans la scène de confrontation entre Athalie et Joas : Abner remet l’enfant à Josabet en lui déclarant qu’il a su tenir sa promesse de veiller sur lui61, sans pour autant que cette action de protection n’ait été rendue visible – au fond, Joas a œuvré seul, par son éloquence, à son salut. Le refus de Joad de recourir à sa force renforce ce sentiment d’inutilité : celui qui aurait pu faire montre d’une gloire militaire demeure impuissant dans la pièce, à la réserve de son rôle de bon conseiller d’Athalie à l’acte II. Pellegrin a fait part de sa surprise devant le refus du pontife de solliciter la protection d’un officier pourtant présenté sous un jour favorable :
62 S.-J. Pellegrin, « Lettre critique sur les Spectacles…», op. cit., p. 85.
[L]e portrait avantageux que Joad fait d’Abner [I, I, v. 77-82], s’accorde mal, ce me semble, avec le mystère qu’il lui fait d’une entreprise, dont le succès serait bien plus sûr entre ses mains, que dans celles d’un petit nombre de Prêtres, de Lévites et d’enfants.
On dira que la gloire du Seigneur en éclatera davantage ; mais il ne faut pas tenter Dieu, en négligeant les secours qui se présentent naturellement, à moins qu’il ne nous défende expressément d’employer d’autres bras que le sien dans sa querelle62.
On devine en lisant le dernier paragraphe les raisons pour lesquelles Racine a choisi de réduire le rôle d’Abner à une portion congrue : cela permet de rehausser l’éclat de la réussite de Joad. La Harpe répond à la réserve de Pellegrin en pensant l’utilité dramaturgique d’Abner à la lumière de l’action du grand prêtre. Il note que la difficulté de la mise en intrigue d’un tel sujet tient dans la condition de son héros :
63 J.-F. de La Harpe, Lycée…, op. cit., p. 170.
telles sont les idées de convenance attachées à chaque état, que faire répandre par les ordres d’un prêtre le sang d’une reine, quoique coupable et usurpatrice, était en soi-même difficile et dangereux63.
Ce schéma dramatique est original car il était bien plus simple et convenu de faire reposer la conjuration politique sur un héros militaire. Racine prend le contrepied de ce schéma attendu : il réduit le rôle d’Abner pour mieux marquer la dimension sacrée de l’action de Joad :
64 Ibid., p. 172-175.
Dans tout autre sujet, il semblerait que ce fût à un homme tel qu’Abner, d’être le vengeur et l’appui du roi orphelin, et de travailler à son rétablissement. [...] C’est dans cette faiblesse même que l’auteur a tiré l’intérêt qu’il sait répandre sur la cause du grand prêtre et de Joas. On lui a reproché de n’avoir pas fait le rôle d’Abner plus agissant : s’il l’eût fait, sa pièce ressemblait à tout : elle n’avait plus ce caractère religieux qui la distingue, et la rend à la fois si originale et si conforme aux mœurs théocratiques. À quoi donc lui a servi Abner ? [...] à relever la fermeté d’âme et la pieuse confiance de Joad, qui pouvant se servir d’un homme si brave et si accrédité, ne s’en sert pas, parce qu’il attend tout de Dieu seul [...]. Ce sujet a quelque chose de si particulier, que le rôle d’Abner me paraît louable, par une raison toute opposée à celle qui fait louer d’autres rôles : ceux-ci ne valent ordinairement qu’en raison de ce qu’ils font dans une pièce : celui d’Abner vaut en raison de ce qu’il n’y fait pas64.
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65 S.-J. Pellegrin, « Suite de la Lettre critique sur les Spectacles… », op. ...
31Le défaut d’action d’Abner n’est pas ici la marque d’une imperfection dramaturgique mais constitue au contraire un tour de force en termes de composition. Face à un Abner inactif et à une Athalie et un Mathan concourant de manière aveugle à leurs malheurs, Joad est le seul à agir en toute clairvoyance, guidé par son espérance inébranlable en Dieu. Racine a ainsi réussi à suggérer la dimension transcendante de l’action, en faisant en sorte que l’intrigue progresse selon une logique de surprise et d’inattendu, qui laisse toute sa place au hasard providentiel et mène aux limites de la vraisemblance. Cet aspect est thématisé dans la pièce elle-même, à travers l’idée du caractère hautement périlleux du projet de Joad, péril qui confine à l’invraisemblance, ainsi que le note Pellegrin65 :
le dessein que le Grand-Prêtre forme ici me paraît grand [dans la scène III de l’acte IV] ; mais je ne sais s’il est bien raisonnable. Il se propose d’aller attaquer Athalie jusques sur son trône : avec quelles troupes ? Avec des Prêtres, des Lévites, et des enfants, comme il l’a dit dans les actes précédents. Il se flatte qu’à la vue du jeune Roi, tous les cœurs sortiront du profond assoupissement où ils sont plongés. Ce sont là de belles idées ; mais on peut dire de cela ce que le même Auteur fait dire à Mithridate dans une pareille occasion.
Et pour être approuvez,
De semblables projets veulent être achevez. [Racine, Mithridate, III, I, v. 789-790]
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66 Aristote, La Poétique, chap. 9, trad. cit., p. 67.
32Le caractère exceptionnel de l’action menée par Joad est dû au fait qu’il dispose de maigres ressources pour la mener à son terme : à l’aide d’une poignée de Lévites, il est amené à faire face à une troupe de soldats redoutables. Le texte de Racine insiste sur cet aspect en représentant un Joad sourd aux demandes de son épouse d’informer Abner de ce qu’il trame pour bénéficier de sa puissance, d’en appeler à Jehu pour qu’il lui vienne en aide puis d’évacuer Joas du temple par des souterrains cachés. À ces requêtes, Joad répond par sa foi totale en l’aide de Dieu seul. Sur le plan dramaturgique, l’entreprise du prêtre paraît prodigieuse en ce que son succès déjoue les lois de la probabilité et parce que la chute de son ennemie advient à la faveur d’un enchaînement de faits ponctués de « coups du hasard particulièrement surprenants [parce qu’ils] semblent arrivés à dessein », pour reprendre les termes d’Aristote66. Il en va ainsi de la découverte par Mathan de l’identité de Joad ou encore de l’ultimatum final d’Athalie pour qu’on lui restitue les trésors cachés du temple. Par ces moyens, Racine est parvenu à retranscrire dans sa tragédie, non seulement dans l’attitude de Joad mais aussi dans l’action en son entier, son caractère extraordinaire au sens propre relevé par Sacy dans sa glose biblique :
67 Les Deux Derniers Livres des Rois, traduits en françois avec une explicati...
On ne peut point ne pas adorer l’ordre de Dieu dans cette conduite du Grand-Prêtre, qui n’était visiblement que le ministre dont il se servait pour exécuter d’une manière extraordinaire sa divine volonté ; car tout paraît hors de l’ordre commun en cette affaire. [...] Tant de circonstances extraordinaires marquaient sans doute, non seulement que cette conduite du Grand Prêtre, aussi bien que celle de David, était une exception à la règle générale, qu’une très-grande nécessité et que l’ordre de Dieu même rendait légitime67.
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68 On pourra noter les échos entre l’histoire de Joad et la manière dont Corn...
La prise en compte de cet « hors du commun » est essentielle pour comprendre les écarts de la pièce par rapport à certains points de la doxa tragique : le caractère de Joad, son entreprise régicide et la conduite de l’action relèvent d’une forme de « vrai extraordinaire68 » qui bouscule la vraisemblance et les bienséances.
33Le conflit herméneutique qui apparaît au XVIIIe siècle autour de la légitimité de l’action de Joad illustre la valeur fluctuante des notions de vraisemblance et de bienséances. En quittant la communauté pieuse de Saint-Cyr pour s’offrir à un public élargi, l’œuvre a vu son dessein originel se brouiller, faute de s’adresser exclusivement à un auditoire uni par une même ferveur religieuse. Ce changement de conditions de représentation a favorisé l’expression d’un regard critique laïcisé sur la pièce, qui remet en cause la crédibilité (et partant la recevabilité) de certains de ses aspects. La réception d’Athalie dévoile ainsi les vicissitudes de la perception d’une vraisemblance reposant sur une croyance plus restreinte que celle qui est habituellement de mise pour un sujet profane, puisqu’elle en appelle essentiellement à une adhésion à la cause religieuse qui a présidé à la création de la pièce.
Notes
1 Pierre Frantz, « Athalie au xviiie siècle », dans Jean Racine et l’Orient, dir. I. Martin et R. Elbaz, Tübingen, Günter Narr Verlag, 2003, p. 133-146.
2 Aristote, La Poétique, chap. 14, éd. et trad. R. Dupont-Roc et J. Lallot, Paris, Seuil, 1980, p. 81.
3 Ibid., chap.VI, p. 57.
4 Voir le jugement de Saint-Évremond : « J’ai soutenu que pour faire une belle Comédie, il fallait choisir un beau sujet, le bien disposer, le bien suivre, et le mener naturellement à sa fin ; qu’il fallait faire entrer les Caractères dans les sujets, et non pas former la constitution des sujets d’après celle des Caractères ; que nos actions devaient précéder nos qualités et nos humeurs. » (« Lettres à Messieurs de *** » [1677], dans « Défense de quelques pièces de théâtre de Mr Corneille », dans Œuvres en prose, éd. R. Ternois, t. IV, Paris, Librairie Marcel Didier, 1969, p. 429.)
5 Sur l’interprétation d’une œuvre menée contre le sens attribué par son auteur, voir Lire contre l’auteur, dir. S. Rabau, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, coll. « Essais et savoirs », 2012.
6 Jean Racine, Athalie [1691], éd. G. Forestier, Paris, Gallimard, coll. « Folio Théâtre », 2001, « Préface », p. 33.
7 À propos de la manière dont le choix du titre révèle la tension entre ces deux faits, nous renvoyons à l’article de Jean-Yves Vialleton, dans ce même volume.
8 Simon-Joseph Pellegrin, « Lettre critique sur les Spectacles écrite aux Auteurs du Mercure », Le Mercure, Paris, Guillaume Cavelier, septembre 1722, p. 77. Nous choisissons de moderniser l’ensemble des citations.
9 « J’admire sur tout en M. de Racine, son adresse à donner à Athalie une passion qui sauve le Temple d’un incendie, et d’un pillage affreux ; c’est l’avarice. Mathan lui a persuadé qu’il y des trésors cachés, dont le Grand-Prêtre a connaissance. Il prétend par-là animer cette Reine idolâtre à faire périr Joad, et à porter le fer et la flamme jusques dans le Sanctuaire ; mais le désir de s’emparer de ces prétendues richesses produit en elle un effet tout contraire, et la porte à conserver le Temple, de peur de se voir enlever sa proie par la flamme, et par le pillage. Voilà ce qu’on appelle des coups de maître. Cette beauté m’a plus frappé que toutes les autres dont la pièce est remplie, parce que c’est celle qui fait la pièce même. Pour sauver Joas du péril qui l’environnait de toutes parts, il fallait absolument y entraîner son implacable ennemie, et l’on ne le pouvait plus vraisemblablement que par cet heureux expédient que l’Auteur a si sagement imaginé. » (Ibid., p. 77-78.)
10 Joaïada y donne seulement l’ordre à ses soldats de tuer sur le champ quiconque entre dans le temple.
11 « De là, du nouveau Prince intrépides soldats, / Marchons, en invoquant l’Arbitre des combats, / Et réveillant la foi dans les cœurs endormis, / Jusques dans son Palais cherchons notre Ennemie. » (J. Racine, Athalie, IV, 3, v. 1347-1350.)
12 Voir le chapitre 14 de la Poétique d’Aristote.
13 François Hédelin, abbé d’Aubignac, La Pratique du théâtre [1657], éd. H. Baby, Paris, Honoré Champion, 2001, p. 120. Sur la question du régicide, voir Lise Michel, « Régicide et dramaturgie dans la tragédie française, de La Mort de César de Scudéry (1636) à la Rosemonde de Baro (1651) », Littératures classiques, vol. LXVII, 2008, p. 115-129.
14 Hippolyte Jules Pilet de la Mesnardière, La Poétique [1639], éd. J.-M. Civardi, Paris, Honoré Champion, 2015, p. 255.
15 Voir Bernard Chédozeau, « Ultramontains, anglicans et gallicans devant Athalie », Revue d’Histoire Littéraire de la France, mars-avril 1990, p. 165-179.
16 Voltaire, « Remarques à l’occasion d’Olympie » [1763], en tête d’Olympie, éd. T. E. D. Braun, dans Œuvres complètes de Voltaire, t. LII, Oxford, Voltaire Foundation, 2011.
17 Voltaire, « Discours historique et critique » [1769], en tête des Guèbres, éd. J. Renwick, dans Œuvres complètes de Voltaire, t. LXVI, Oxford, Voltaire Foundation, 1999.
18 Ibid., p. 509.
19 Cette dimension apparaît également dans les notes d’Olympie : « Appartenait-il à Joad de conspirer contre elle et de la tuer ? Il était son sujet et certainement dans nos mœurs et dans nos lois il n’est pas permis à Joad de faire assassiner la reine, qu’il n’eut été permis à Joad à l’archevêque de Canterbury d’assassiner Elisabeth parce qu’elle avait fait condamner Marie Stuart. » (« Remarques à l’occasion d’Olympie », éd. cit., p. 367. Nous soulignons.)
20 Ibid., p. 364.
21 Voltaire, « Discours historique et critique », éd. cit., p. 510. La véracité de l’anecdote concernant la suppression de cette réplique par l’acteur a été contestée par La Harpe.
22 Dans le « Discours historique et critique », il blâme également l’appel au carnage indifférencié lancé par le prêtre à ses soldats : « Ce n’est pas tout, il veut qu’on extermine ses concitoyens, qu’on se baigne dans leur sang sans horreur ; il dit à ses prêtres : “Frappez et Tyriens et même Israélites”(IV, III, v. 1361) » (Ibid., p. 510.) Précisons par ailleurs que Voltaire cite Joad dans son célèbre article « Fanatisme » du Dictionnaire philosophique portatif (1764).
23 « Mon père… Ah quel courroux animait ses regards ! / Moïse à Pharaon parut moins formidable. » (J. Racine, Athalie, II, 1, v. 403-404.)
24 Ibid., II, 4, v. 439-446.
25 Ibid., III, 2, v. 854.
26 Ibid., III, 4, v. 1013-1018.
27 Ibid., III, 4, v. 1003-1006.
28 Ibid., III, 5, v. 1027-1030.
29 Voltaire, « Discours historique et critique », éd. cit., p. 510.
30 Ibid. Cet argument est également longuement développé dans les notes d’Olympie.
31 « Vous voyez, je suis Reine, et n’ai point d’héritier. / Laissez là cet habit, quitter ce vil métier. / Je veux vous faire part de toutes mes richesses. / Essayez dès ce jour l’effet de mes promesses. / À ma table, partout, à mes côtés assis, / Je prétends vous traiter comme mon propre fils. » (J. Racine, Athalie, II, 7, v. 693-698.)
32 « David m’est en horreur, et les fils de ce Roi / Quoique nés de mon sang sont étrangers pour moi. » (Ibid., II, 7, v. 729-730.)
33 Voltaire, « Remarques à l’occasion d’Olympie », éd. cit., p. 369-370.
34 J. Racine, Athalie, II, 7, v. 737.
35 Ibid., III, 3, v. 875.
36 Ibid., II, VII, v. 654.
37 Voltaire, « Remarques à l’occasion d’Olympie », éd. cit., p. 367-368.
38 S.-J. Pellegrin, « Lettre critique sur les Spectacles…», op. cit., p. 86. Nous soulignons.
39 S.-J. Pellegrin, « Suite de la Lettre critique sur les Spectacles… », op. cit., p. 26-28.
40 Ibid., p. 28.
41 S.-J. Pellegrin, « Lettre critique sur les Spectacles…», op. cit., p. 89-90.
42 S.-J. Pellegrin, « Suite de la Lettre critique sur les Spectacles… », op. cit., p. 29-30.
43 Ibid., p. 25.
44 Ibid., p. 30-31.
45 « Je trouve dans Athalie un exemple du troisième défaut. Joas est le personnage sur qui roule tout l’intérêt. Sa reconnaissance, sa docilité pour le grand-prêtre, son amour, son zèle pour la religion, vertus qui deviennent encore plus touchantes par son enfance ; tout attire à lui la pitié du spectateur. On nous prédit cependant au quatrième acte, que cet or pur doit se changer en un plomb vil. Ce ne serait encore rien ; la rapidité et l’obscurité de la prophétie en sauvent l’application : mais au cinquième acte, Athalie, dans les imprécations que lui suggère sa vengeance, prédit avec quelque détail tous les crimes de ce roi sacrilège ; et comme on sait en effet qu’il devint tel qu’Athalie le souhaite, on ne voit plus qu’un scélérat dans l’enfant qu’on avait plaint. À quoi tient-il alors qu’on n’ait regret à ses larmes ? » (Antoine Houdar de La Motte, « Troisième Discours à l’occasion d’Inès » [1730], dans Textes critiques. Les raisons du sentiment, éd. F. Gevrey et B. Guion, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 658.)
46 « Acte IV. Scene III. Jusques dans son Palais cherchons son ennemi. [...]. [Joad] ne songe point à employer la ruse pour la faire tomber dans un piège, il veut aller l’attaquer dans son Palais. J’aurai besoin dans la suite de cette réflexion. » (Louis Racine, « Remarques sur Athalie », dans Remarques sur les tragédies de Jean Racine, suivies d’un Traité sur la Poësie Dramatique Ancienne et Moderne, t. II, Amsterdam et Paris, Desaint et Saillant, 1752, p. 309-310.)
47 Ibid., p. 314-315.
48 Racine avait en effet anticipé les critiques sur l’équivoque de Joad, comme le laissent deviner ses notes manuscrites, qui évoque le cas de Saint-Laurent, approuvé par Saint Ambroise et Saint Augustin, affirmant au préfet de Rome que son église dissimulait en effet des trésors – équivoque dont s’est inspiré le dramaturge pour son Athalie. Voir Jean Racine, « Remarques sur Athalie », Œuvres complètes, t. I (Théâtre poésie), éd. R. Picard, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1950, p. 953. Nous remercions Jean-Yves Vialleton de nous avoir signalé ces notes.
49 Ibid., p. 315-316.
50 « D’après ces faits, tous énoncés et répétés dans la pièce, je demande à mon tour si Joas n’était pas l’héritier légitime du royaume de Juda, et si l’on pouvait lui disputer le droit de succéder à son père ? Je demande si Athalie n’était pas évidemment une usurpatrice, et si elle avait d’autres droits que ses crimes ? [...] Supposons qu’après la mort de Henri II, Catherine de Médicis eût fait assassiner tous les princes de la branche de Valois et ceux de la branche de Bourbon, et que François II, encore enfant, cru mort comme les autres, eût été, par un coup du hasard, dérobé au glaive des assassins et caché dans une cour étrangère ou dans quelque ville du royaume ; qu’il fût parvenu ensuite ou se faire reconnaître pour ce qu’il était ; lui aurait-on contesté son droit à la couronne ? C’est précisément la situation où se trouve Joas. Il est donc bien évidemment roi de Juda ; Joad est son sujet et non pas celui d’Athalie. Joad n’a donc pas fait ni pu faire serment de fidélité à une usurpatrice meurtrière, souillée de sang et de forfaits. Il n’est dit nulle part qu’il lui ait fait ce serment, et son caractère et sa religion ne permettent pas plus de le présumer dans une tragédie que dans l’histoire. Athalie, qui ne régnait que par la force, n’ignorait pas les sentiments de Joad et de ses lévites, mais elle ne les craignait pas. » (Jean-Francois de La Harpe, Lycée ou Cours de littérature ancienne et moderne, t. V, Paris, Agasse, 1799, p. 165-166.)
51 « Ce n’est donc point de la gloire humaine, promise à la race de David dont [Joas] est occupé. Il commence sa Prophétie par annoncer la chute de Joas, et le meurtre de son fils Zacharie. Ce n’est pas non plus de la gloire du Peuple Juif dont il est occupé, puisque loin de s’attendre qu’il doive avoir encore une suite nombreuse de Rois, il prédit la captivité de Babylone, et entrevoir une Jérusalem plus belle. C’est de la gloire seule de cette Jérusalem, dont il est pénétré, et de ce Royaume spirituel qu’établira le Sauveur qu’il souhaite que la terre enfante. Ce Sauveur doit sortir de la Race de David ; cette Race a été conservée en la personne de Joas, il travaille à le remettre sur le Trône en sa personne, et au moment qu’il va couronner l’Enfant, cet homme que rien jusqu’alors n’avait inquiété, se trouble et verse des larmes ; il prévoit l’avenir, mais cet Enfant doit être pendant quelque temps un instrument utile aux desseins de Dieu [...]. Le Grand Prêtre loin d’être un Juif charnel, est comme étaient les Prophètes, un Chrétien par avance. » (Ibid, p. 325-326.)
52 Ibid., p. 326.
53 Ibid., p. 328-329.
54 Ibid., p. 167-174.
55 Ibid., p. 196.
56 Ibid., p. 170.
57 Ibid., p. 218-219.
58 S.-J. Pellegrin, « Lettre critique sur les Spectacles…», op. cit., p. 93-94.
59 Pierre-Joseph-François Luneau de Boisjermain, « Examen d’Athalie », dans Œuvres de Racine avec des commentaires, t. V, Paris, Imprimerie de Louis Cellot, 1759, p. 268.
60 Voir par exemple la critique d’Antoine Houdar de La Motte : « Ce caractère, tout odieux, tout excessif qu’il est, ne laisse pas d’être naturel, et il n’y a que trop d’ambitieux qui lui ressemblent. Mais ce qui n’est plus dans la nature, c’est qu’il se peigne lui-même à son confident sous d’aussi noires couleurs. On ne croira jamais qu’un homme si superbe s’avilisse à ce point, et sans nécessité, aux yeux d’un autre homme ; et quand l’histoire fournirait quelque exemple d’une pareille conduite, il ne suffirait pas, pour la justifier au théâtre, où l’on veut voir des hommes, et non pas des monstres. » (A. Houdar de La Motte, « Second Discours à l’occasion de la tragédie de Romulus » [1730], dans Textes critiques…, éd. cit., p. 598.)
61 « Abner à Josabet : Je vous l’avais promis / Je vous rends le dépôt que vous m’avez commis. » (J. Racine, Athalie, II, 7, v. 737-738.)
62 S.-J. Pellegrin, « Lettre critique sur les Spectacles…», op. cit., p. 85.
63 J.-F. de La Harpe, Lycée…, op. cit., p. 170.
64 Ibid., p. 172-175.
65 S.-J. Pellegrin, « Suite de la Lettre critique sur les Spectacles… », op. cit., p. 22.
66 Aristote, La Poétique, chap. 9, trad. cit., p. 67.
67 Les Deux Derniers Livres des Rois, traduits en françois avec une explication, éd. et trad. L.-I. Lemaître de Sacy, [1686], Bruxelles, Eugene Henri Ficx, 1700, « Explication du chap. XI », p. 600. Nous soulignons.
68 On pourra noter les échos entre l’histoire de Joad et la manière dont Corneille, à la suite d’Aristote, présente la catégorie du vraisemblable extraordinaire, défini comme « une action qui arrive à la vérité moins souvent que sa contraire » : « Aristote donne deux idées ou exemples généraux de ce vraisemblable extraordinaire. [...] [celui d’]un faible qui se bat contre plus fort que lui, et en demeure victorieux ; ce qui sur tout ne manque jamais à être bien reçu, quand la cause du plus simple ou du plus faible est la plus équitable. Il semble alors que la justice du Ciel ait présidé au succès. » (Pierre Corneille, « Discours de la tragédie et des moyens de la traiter selon le vraisemblable et le nécessaire » [1660], dans Trois discours sur le poème dramatique, éd. B. Louvat et M. Escola, Paris, Flammarion, coll. « GF », 1999, p. 127. Le sujet d’Athalie étant attesté par l’Histoire biblique, on ne peut parler ici de vraisemblable extraordinaire mais de vrai extraordinaire.
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Quelques mots à propos de : Ouafae El Mansouri
Université Paris 8 Vincennes – Saint Denis