Dossier Acta Litt&Arts : Perspectives génériques
Représentations de l’Islam en France et en Espagne. Questionner les discours sur « l’autre religieux » par l’enseignement de la littérature médiévale
Texte intégral
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1 Pour mener cette expérience et participer au colloque de Grenoble, Sophie A...
1Cet article rend compte d’une expérience de cours croisés que nous avons menée en 2017-2018 à l’Université de Paris-Sorbonne et à l’Université d’Alicante, pour des étudiant.e.s respectivement inscrit.e.s en L3 de Lettres Modernes et en L2 d’Études françaises1. Elle répond pour partie à une demande exprimée par nos étudiant.e.s : dans l’évaluation d’un module intitulé « Littérature médiévale et sciences humaines » de Paris-Sorbonne, plusieurs avaient suggéré en 2016-2017 d’ajouter au programme, pour les promotions suivantes, une séquence sur l’image de l’Islam. Nous avons traité cette séquence à deux voix, en huit heures à Paris et en six à Alicante, à partir de quelques textes français et espagnols, médiévaux ou plus tardifs. Par ces croisements entre les langues et les périodes aussi bien qu’entre les enseignantes et les publics, nous avons souhaité la rencontre de points de vue et de regards divers, au niveau de la production comme de la réception des œuvres littéraires.
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2 Nous écrirons désormais « l’autre » sans guillemets, de manière à ne pas su...
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3 C’est-à-dire des textes littéraires écrits il y a plus d’un siècle. Voir Ci...
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4 Ibid., p. 25.
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5 Dufays, Jean-Louis, Stéréotype en lecture, Bruxelles, Mardaga, 1994, p. 103...
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6 Citton, Yves, Lire, interpréter, actualiser, op. cit., p. 27.
2Par l’analyse des textes, nous avons cherché à interroger les représentations d’un « autre »2 défini, sommairement, par sa religion ; à évaluer dans quelle mesure cette définition sommaire est opérante, en examinant ce que sont les critères de l’altérité, et quelle place y tient le religieux ; à déterminer la part de la connaissance, de la méconnaissance, du fantasme de l’autre dans la construction de son image, que celle-ci se situe sur le versant d’une fascination orientalisante ou d’un rejet façonné par la peur. Le détour par une période éloignée dans le temps, le Moyen Âge, et par la fiction littéraire, situe la réflexion dans une distance qui garantit, sur un plan pragmatique, la sérénité et la liberté des discussions, sans empêcher qu’elles fassent écho à des questionnements actuels. Aussi notre travail s’inscrit-il dans la réflexion théorique sur la contextualisation et l’actualisation des textes littéraires « anciens »3 telle que la conçoit Yves Citton. Accueillir une « lecture actualisante »4 engage des pratiques d’interprétation qui font résonner le texte ancien dans un nouveau contexte, et suscitent la production d’un sens a posteriori5. Cette « conversation interprétative »6 avec le groupe d’étudiant.e.s et en son sein vise à montrer la fécondité de l’étude d’une littérature trop souvent réduite à une discipline d’érudition, et de lui donner place dans un questionnement sur les valeurs au fondement de nos sociétés.
I. Des discours situés
3Aujourd’hui, les discours sur l’Islam et sur les musulmans sont tributaires de représentations héritées de plusieurs siècles d’histoire, qui diffèrent de part et d’autre des Pyrénées.
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7 La loi de mars 2004 sur les signes distinctifs de l’identité religieuse rel...
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8 On peut ainsi penser au mouvement de la « manif pour tous », placé dès son ...
4En France, la cohabitation avec des musulmans est très récente : elle date, pour l’essentiel, de la colonisation, et a surtout eu une importance lors de la présence française en Algérie. Elle coïncide historiquement avec l’avènement d’une France de la laïcité, pensée d’abord et avant tout au regard des rapports entre le politique et l’Église catholique. Par ailleurs, le grand flux d’immigration de maghrébins dans les années 60, qui répondait à des besoins de mains d’œuvre, n’engageait pas a priori la question religieuse. Or celle-ci a ressurgi avec force dans les débats depuis une vingtaine d’années. Il n’est pas sans paradoxe que le religieux soit devenu l’un des points de cristallisation des réactions d’exclusion, de stigmatisation et, même, de coercition légale de ce que l’on appelle trop souvent « la communauté musulmane »7. Il est tout aussi paradoxal qu’au pays de la laïcité, le refus ou la revendication du religieux8 soit devenu une affaire publique.
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9 Méridionale, parce que le territoire hispanique n’est pas également occupé ...
5En Espagne, les VIIIe-XVe siècles se caractérisent par la présence arabe et musulmane. Si la domination d’Al-Andalus n’a été que partielle, loin d’une hégémonie politique et territoriale, elle n’en a pas moins entraîné une cohabitation étroite, dans le Sud et l’Est du pays9, entre chrétiens et musulmans.
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10 Les deux paragraphes qui suivent doivent beaucoup aux travaux d’Alejandro ...
6L’histoire d’Al-Andalus a marqué de deux manières contradictoires la construction du récit national10. Pour une part, la Reconquista, incarnée notamment par Jaume Ier au XIIIe siècle et par les Rois Catholiques au XVe, a nourri dès le XVIe siècle le mythe d’une Espagne chrétienne résistant et luttant continûment contre un « ennemi » musulman. Transposée dans d’autres sphères du social, l’idéologie de la Reconquista a soutenu la représentation de l’Inquisition comme rempart contre les hérésies, puis, au XXe siècle, de Franco en héros d’une croisade contre les « hordes rouges ».
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11 Le terme de « moro » (ou « mora ») a en espagnol un sens qui ne se réduit ...
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12 Sur ces fêtes, voir le volume Moros y Cristianos. Representaciones del otr...
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13 Pour un historique de cette image et ses évolutions actuelles, voir Martí...
7Un autre paradigme a coexisté avec celui de la Reconquista : celui de l’España mora, l’Espagne maure ou musulmane11. En lien avec l’orientalisme européen, et dans l’intention de promouvoir une « identité nationale », les tenants de ce paradigme font du passé d’Al-Andalus une marque distinctive de l’Espagne méridionale. En témoigne, entre autres, la multiplication de fêtes de Moros y Cristianos dans le pays valencien. Supposées commémorer la Reconquista, ces fêtes donnent, en vérité, une image très positive des rois maures, presque toujours présentés comme des seigneurs riches, nobles et magnanimes12. Bien que la guerre du Rif, à partir de 1908, ravive l’image d’un Marocain cruel et sanguinaire13, elle ne suffit pas à ébranler le mythe de l’Espagne maure. Débarqué en Espagne au début de la Guerre Civile avec des troupes marocaines, Franco reprend ce mythe – non sans paradoxe pour l’homme de la nouvelle Reconquista, futur Caudillo et instaurateur du national-catholicisme : la première période du franquisme est majoritairement « morophile », ce qui contribue à expliquer la reviviscence des fêtes de maures et chrétiens sous ce régime.
8Notons pour finir que l’Espagne n’a pas connu au XXe siècle de flux migratoires comparables à ceux qu’a connus la France. Sans doute ce fait explique-t-il en partie qu’il y ait moins de crispations politiques autour de la présence d’un religieux non chrétien dans la société. Cela ne signifie pas, pour autant, que l’islamophobie soit absente ; elle est souvent étayée par un ancrage chrétien encore vif, qui peut dévier en exclusion de l’autre.
II. Corpus
9Si la littérature médiévale peut sembler, au premier abord, fort éloignée de ces débats, elle a l’intérêt de véhiculer des représentations de l’autre empreintes de projections relevant souvent du fantasme. Déconstruire ces représentations aide à identifier des mécanismes à l’œuvre dans certains discours contemporains et à réfléchir sur les présupposés ou les valeurs qui les sous-tendent.
10Pour élaborer une séquence de cours dans cette perspective, l’une des difficultés réside dans le choix des œuvres, potentiellement infini. Plutôt que de multiplier les exemples, nous avons opté pour un corpus relativement restreint, mais représentatif de plusieurs genres et de plusieurs discours. Nous avons fourni aux étudiant.e.s de larges extraits de chaque texte de manière à ce qu’ils puissent en saisir la cohérence.
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14 Le terme « sarrasin » n’est pas plus facile à circonscrire que le terme « ...
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15 La Chanson de Guillaume, Suard, François (éd. et trad.), Paris, Bordas, 1991.
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16 Cantar del Mío Cid, Gutiérrez Aja, María del Carmen et Riaño Rodríguez, Ti...
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17 Alexandre du Pont, Le Roman de Mahomet, Lepage, Yvan G. (éd. et trad.), Le...
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18 Ambaixades Moros i Cristians. La Vila Joiosa, La Vila Joiosa, Associació d...
11Étudier les représentations de l’Islam dans la littérature médiévale impliquait au premier chef d’aborder quelques exemples de chansons de geste, poèmes épiques évoquant les guerres des chrétiens contre les Infidèles. Nous avons choisi, du côté français, La Chanson de Guillaume, datée d’environ 1140, qui relate les combats des chevaliers chrétiens Vivien, Guillaume et Renouart contre les rois sarrasins14 Déramé et Tabur15 ; du côté espagnol, le Cantar del Mío Cid (fin du XIIe-début du XIIIe siècle), qui s’ouvre avec l’exil du héros hors de la Castille du roi Alfonse et poursuit avec ses victoires contre des maures d’Espagne ou du Maroc16. En contrepoint de ces poèmes relevant d’un imaginaire guerrier et féodal, nous avons retenu un texte centré sur des enjeux confessionnels et religieux, le Roman de Mahomet d’Alexandre du Pont, traduction-adaptation datée de 1258 d’une vie du prophète composée au XIIe siècle par Gautier de Compiègne17. Le récit dresse le portrait de Mahomet, puis raconte comment il tombe aux mains du diable, invente et prêche une religion nouvelle ; il se clôt sur la mort du prophète et décrit le tombeau qui abrite sa dépouille. Nous avons enfin intégré au groupement un texte qui reprend des motifs médiévaux pour les réactualiser, et qui peut être considéré comme un jalon dans la construction des discours contemporains sur l’Islam : une Ambassade maure du XIXe siècle qu’on met en scène lors de la fête de Moros y Cristianos de Villajoyosa, petite ville côtière située à cent cinquante kilomètres au Sud de Valence18. L’Ambassade, long poème en castillan, est jouée avant la bataille entre les maures et les chrétiens. L’ambassadeur du camp maure propose aux habitants de la ville, des chrétiens, de rendre les armes et ainsi d’éviter le combat.
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19 Lévi-Strauss, Claude, Race et histoire, Paris, Editions de l’UNESCO, 1952.
12En guise d’introduction à la lecture de ces textes, nous avons commenté le chapitre de Race et histoire sur l’ethnocentrisme, dans lequel on trouve la célèbre formule « le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie »19. Nous avons lu ensuite la préface de Victor Hugo aux Orientales (1829) : adoptant la posture que Claude Lévi-Strauss qualifie de « faux évolutionnisme », mais avec le regard fasciné de l’orientaliste, le poète trace une équivalence entre les ressources poétiques que lui procurent l’Orient, les villes espagnoles et le Moyen Âge. Les séances suivantes ont été consacrées à des analyses texte à texte, orientées par les questions que nous avons indiquées plus haut : critères définissant l’altérité des représentants de l’Islam, part du religieux en leur sein, oscillation entre l’émerveillement et le rejet.
13Après avoir exposé un bilan de ces analyses, nous esquisserons quelques pistes quant à leurs apports pour un questionnement axiologique « actualisant ».
III. « L’autre religieux », proche ou lointain
14Une lecture même superficielle du corpus amène à constater, avant la question religieuse, des degrés divers de proximité ou d’éloignement entre les chrétiens et les personnages incarnant « l’autre religieux ».
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20 Parmi la vaste bibliographie sur les sarrasins dans la chanson de geste, n...
15Les textes médiévaux confèrent d’abord aux musulmans des statuts ontologiques variés, entre l’homme et le monstre, le proche et l’étranger, l’allié et l’ennemi. Sous cet aspect, les deux poèmes épiques se situent aux antipodes l’un de l’autre. Dans Chanson de Guillaume comme dans la plupart des chansons de geste françaises, les sarrasins sont tantôt des guerriers dignes et redoutables, munis d’armes étincelantes, tantôt des monstres effrayants pourvus de toutes les marques de la bestialité ; cette dualité se superpose en partie avec l’existence, dans la genèse de la chanson, de deux poèmes distincts20. Aucune de ces représentations, cependant, n’est comparable à celles du Cantar del Mío Cid, dans lequel les maures ne sont pas intrinsèquement différents des chrétiens. Les seigneurs ou les combattants musulmans y sont autant les adversaires que les amis du héros. Les personnages de maures et, aussi, de mauresques apparaissent comme des sujets dotés d’une voix propre ; leurs prises de parole parcourent une vaste gamme de nuances expressives et rhétoriques, depuis le raisonnement argumenté jusqu’à la lamentation pathétique.
16Cette dichotomie entre les chansons française et espagnole se retrouve dans la vision des espaces de l’autre. Dans les deux cas, les musulmans évoluent ou habitent, entre autres, dans l’Espagne actuelle. La Chanson de Guillaume cite pêle-mêle Saragosse (en Aragon) et Cordoue (en Andalousie) comme villes de provenance du roi sarrasin Déramé : le texte atteste la méconnaissance des terres ibériques et crée la fiction d’un royaume d’Al-Andalus unifié, couvrant toute la péninsule. Cet amalgame géographique tranche avec la représentation que le Cantar del Mío Cid donne du territoire hispanique : les maures sont ici et là, gouvernent certaines cités, certaines forteresses, dans une remarquable porosité des espaces chrétiens et musulmans. Cette répartition fluctuante renvoie à une situation de convivencia où les fidèles des deux religions vivaient dans une grande proximité.
17Dans l’Ambassade enfin, les maures arrivent de la mer. Si cette configuration est réactualisée par la célébration annuelle – Villajoyosa est une ville côtière et l’acte le plus renommé de la fête est le desembarc, le débarquement – elle s’appuie aussi sur un motif présent dans les textes médiévaux : la Chanson de Guillaume comme le Cantar del Mío Cid font intervenir, à côté de maures « espagnols », des guerriers d’outre-mer, associés dans les deux cas à la menace d’une invasion. Car ces trois textes ont un point commun : ils établissent une corrélation entre une lutte pour un territoire et des confrontations entre sarrasins (ou maures) et chrétiens. Quelle est la part du religieux dans ces confrontations ?
IV. La part du religieux
18Intituler notre séquence « représentations de l’Islam » n’avait rien d’une évidence. En effet, la présence du religieux varie considérablement selon les textes.
19On peut d’emblée faire un sort au Cantar del Mío Cid : le religieux en est quasiment absent. Tout au plus mentionne-t-on au passage une prière ou une invocation au dieu chrétien. Le Cid, si l’on en croit le poème, ne combat pas essentiellement pour défendre la chrétienté : rien à voir avec l’idéologie de la Reconquista que sa légende a pourtant contribué à fonder.
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21 Cette représentation de l’Islam a été mise en évidence par Tolan, John, Le...
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22 L’association entre idolâtrie et barbarie constitue un topos des discours ...
20Il en va autrement dans la Chanson de Guillaume, où le religieux participe de la caractérisation éthique des guerriers. Côté chrétien, plusieurs laisses sont dédiées à la confession de Vivien ; la chanson s’achève avec le baptême de Renouart, musulman converti ; et les seuls sarrasins à valeur héroïque sont ceux qui abjurent leur foi pour adopter le christianisme. Quant à l’Islam, il est présenté comme une religion idolâtre tenant du paganisme21. Ses adeptes sont désignés indifféremment comme « sarrasins », « arabes », « berbères », c’est-à-dire barbares22, ou « païens ». Ils adorent le trio de divinités, fréquent dans les textes épiques, de Mahom, Tergavant et Apollin. Le roi Tabur d’au-delà les mers, décrit comme un monstre dans la seconde partie de la chanson, est assimilé à l’Antéchrist et à Satan par ses adversaires chrétiens. Amalgame syncrétique, confusion avec les cultes du paganisme antique, diabolisation et rejet dans la barbarie : comme beaucoup de chansons de geste, la Chanson de Guillaume allie l’ignorance de l’Islam et sa détestation.
21Quant à l’ambassadeur maure de la fête de Villajoyosa, il mentionne d’emblée le nom du dieu musulman, Allah, et de son prophète Mahomet. Plus loin, il dépeint sous des traits sensuels les femmes de Villajoyosa et les compare aux houries du paradis des musulmans : les femmes terrestres, comme leurs analogues célestes, seraient promises aux soldats maures qui triompheraient des chrétiens. L’auteur de l’Ambassade témoigne par là d’une connaissance rudimentaire de l’Islam. Il semble vouloir donner un rôle à la question religieuse dans la représentation de la lutte entre chrétiens et musulmans.
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23 Dans Les Sarrasins..., op. cit., John Tolan montre les similitudes entre l...
22Par rapport à ces textes où s’opposent camp maure et camp chrétien, le Roman de Mahomet répond à un propos différent : déployer la vie du prophète, du point de vue d’un clerc chrétien. Conformément à un discours topique dans les textes polémiques contre des religions autres, l’Islam y apparaît comme une fausse religion, et une religion du faux23, dont Mahomet est l’artisan et le faussaire ; l’ensemble du roman peut être compris comme une démonstration de l’ambivalence des signes, des êtres et des choses.
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24 Sur ce motif dans les textes contre l’idolâtrie, voir Barbu, Daniel, « Var...
23Le futur prophète, maître accompli dans la maîtrise des sept arts libéraux, fait de la rhétorique un usage corrompu : il se sert de ses beaux discours à des fins de manipulation. Il persuade la femme de son maître défunt de l’épouser et soudoie ses barons pour qu’ils soutiennent ce projet. Le jour de son mariage, il est terrassé par une crise souvent qualifiée d’épileptique, et que le texte glose comme une possession diabolique. Il affirme alors avoir été visité par l’ange Gabriel comme le fut la Vierge au moment de l’Annonciation : l’ange, dit-il, lui a révélé une nouvelle religion. Plus tard, il domestique un veau blanc qu’il nourrit de pain et de vin – détournement des espèces eucharistiques – et lui apprend à s’incliner devant lui. Il organise ensuite une savante mise en scène au sommet d’une montagne, dans une réécriture explicite de l’épisode de Moïse au mont Sinaï : après que Mahomet a prié Dieu de lui révéler la nouvelle loi, le veau s’avance devant lui et s’incline, en apportant entre ses cornes les tables de la loi. En cette scène où l’ombre du veau d’or plane sur la théophanie au sommet de la montagne24, tout n’est qu’artifice.
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25 Nous renvoyons à ce sujet aux analyses que John Tolan consacre aux quatre ...
24Ces éléments mêmes, toutefois, ne sont pas sans intérêt pour la représentation de la religion musulmane. Mahomet est au début du récit un bon chrétien. Ses qualités ne commencent à être prises en mauvaise part que lorsque le diable prend possession de lui. Tout se passe comme si son parcours biographique était soumis à la même déviation que l’histoire des religions : Mahomet est perverti par le diable, comme le christianisme par l’Islam. Si l’on est loin d’une vision positive ou même neutre de la religion musulmane, cette construction n’en souligne pas moins que l’Islam s’inscrit dans la continuité du judaïsme et du christianisme. Les prêches de Mahomet, de ce point de vue, sont éloquents : le prophète rappelle les fondements de la loi de Moïse, puis du christianisme, avant d’en décréter la fin et d’exposer ses propres préceptes. Dans la même perspective, les références aux Tables de la Loi et à l’Annonciation montrent la parenté entre les trois religions monothéistes, dont l’Islam serait le dernier rejeton « forligné ». Le prophète n’est pas un païen, mais un hérésiarque, à la fois victime et coupable d’une erreur qui fait courir aux âmes le risque de la damnation25.
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26 Le modèle vétérotestamentaire de cette image du saint est l’épisode de Dan...
25Enfin, le texte fait de l’Islam un simulacre de religion inspirée. Par la fiction de l’ange Gabriel, Mahomet se prétend en contact direct avec Dieu. Il met ainsi en scène une religion qui prend son origine dans une révélation d’ordre mystique. Or c’est bien là la caractéristique d’un prophète que d’avoir avec l’au-delà un lien direct, hors toute médiation ecclésiastique ou institutionnelle. Quant au comportement du veau blanc, qui répond à la voix de Mahomet et s’incline devant ses pieds, il s’autorise d’un thème bien vivant dans l’hagiographie médiévale, celui du saint ami de la nature, pacificateur de lions ou de dragons, parlant aux oiseaux et aux bêtes26. La scène avec le veau blanc mime le charisme du saint homme, reconnu spontanément par la bête innocente. En associant Mahomet au pôle mystique du religieux, fût-ce sous l’angle de la supercherie, le texte dit quelque chose du type d’autorité requise d’un prophète : inspiration, charisme et contact direct avec Dieu.
V. Des enjeux hors le champ du religieux
26L’Islam n’occupe pas la totalité du champ axiologique dans les textes que nous avons retenus. Dans les deux chansons de geste, les enjeux éthiques les plus dramatisés ne concernent pas ou pas seulement l’allégeance à la foi chrétienne ou musulmane, mais relèvent de questions féodales qui se posent selon deux axes.
27Selon un axe vertical ou hiérarchique, l’argument du Cantar del Mío Cid procède de l’exil du héros, chassé par le roi hors de Castille sur la base de calomnies. D’une manière similaire, dans la Chanson de Guillaume, le roi Louis commence par refuser son aide au héros engagé dans la bataille contre les armées sarrasines, avant de la lui octroyer du bout des lèvres. Dans les deux cas se fait jour une tension entre le roi et un héros qui en est le vassal. Le roi a le tort de déconsidérer le héros, dont les actions d’éclat rétablissent l’image abîmée.
28Selon un axe horizontal, la Chanson de Guillaume met en scène, côté chrétien, des personnages de traîtres et de fuyards dont la faute est dénoncée. Plus clairement encore, le Cantar del Mío Cid présente les infants chrétiens Diego et Fernando, époux des deux filles du Cid, comme des êtres lâches, fourbes et cruels. Se sentant dépréciés, les infants vengent leur déshonneur en violentant leurs femmes, qui comparent ce mauvais traitement à un martyre. Au sein de l’épisode, leur attitude criminelle contraste avec le comportement noble et généreux du maure Alben Gabon, ami fidèle du Cid.
29L’ethos de l’honneur, ainsi que la fidélité dans l’amitié et les alliances, apparaissent par conséquent comme des valeurs majeures, au-delà des appartenances religieuses ou décorrélées de celles-ci.
30Deux autres registres thématiques comportent également une dimension éthique. Le premier ressortit à un champ que l’on peut qualifier, au risque de l’anachronisme, d’économique. Il intervient massivement dans le Cantar del Mío Cid. Dans ses expéditions guerrières, le Cid est mû par l’espoir de gagner de copieux butins ; il s’attire la faveur du roi par des dons somptueux. L’appât du gain, dans ce texte, ne revêt aucune connotation péjorative, et caractérise le héros chrétien plus que ses adversaires (ou ses alliés) maures.
31Sans pour autant discréditer la richesse en elle-même, le Roman de Mahomet la soumet à un traitement parallèle à celui de la rhétorique. Au début du récit, Mahomet, serf d’un homme prospère, se distingue par sa bonne intendance et sa capacité à faire fructifier les biens de son maître. Mais cette qualité se retourne en vice à partir du moment où le personnage devient la proie du diable : dès lors, il utilise ses richesses pour acheter les âmes et les cœurs.
32Le texte de l’ambassade reprend les deux motifs, pour les associer exclusivement aux maures. Davantage que par la foi, ceux-ci sont mus par la cupidité, la conquête devant leur procurer opulence et richesse. Par ailleurs, dans son discours, l’ambassadeur maure propose un pacte au chrétien pour qu’il se rende en échange de biens matériels. Comme dans le Roman de Mahomet, la persuasion se double ici d’une tentative de corruption.
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27 Sur l’orientalisme aux XIXe et XXe siècles, le livre de Saïd, Edward, L’Or...
33La question économique peut donc appuyer une qualification ou une disqualification morale. Appliquée dans un sens négatif à des personnages musulmans, elle participe de l’imaginaire de l’Oriental riche et éventuellement rusé qui traverse la culture occidentale. À ce titre, elle se rattache à un discours orientaliste qui n’a pas nécessairement partie liée avec un discours sur l’Islam27.
34Une dernière thématique, qui s’inscrit également dans les lieux communs de l’orientalisme médiéval et moderne, met en lumière l’ambiguïté des représentations de l’autre : l’évocation des merveilles orientales.
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28 Sur les romans antiques de Thèbes, de Troie et d’Eneas, voir Croizy-Naquet...
35Dans le Roman de Mahomet, cet aspect surgit avec force dans la description du tombeau du prophète. Cette description doit beaucoup à l’héritage des textes médiévaux sur l’Orient et des « romans antiques » rédigés au milieu du XIIe siècle28. Le tombeau de Mahomet réunit des matériaux précieux comme les aromates, l’or, le cristal et l’escarboucle, et des artifices ingénieux : la tombe lévite grâce à un mur d’aimants, une lampe diffuse une lumière perpétuelle grâce à une pierre précieuse. Or dans la logique du récit, ces éléments sont interprétés de façon négative : ils suscitent chez les adeptes du prophète une foi erronée dans le « miracle », là où il n’y a qu’illusion. La merveille, ailleurs objet d’admiration, devient à son tour instrument de perversion.
36Cet imaginaire des merveilles orientales se retrouve dans le texte de l’Ambassade, mais il y est renversé au profit de la terre chrétienne. L’ambassadeur exprime en effet la fascination qu’exerce sur lui la ville à conquérir, dont les caractéristiques géographiques, dit-il, le transportent en Orient. Ses louanges confondent les deux paysages sous l’égide d’un même exotisme, ordinairement attribué par les Occidentaux aux terres orientales. Ce jeu de miroirs, qui contribue localement à valoriser Villajoyosa, est plus globalement en cohérence avec le discours sur l’Espagne maure qui émerge justement au XIXe siècle.
Conclusion
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29 Voir Piquer Martí, Sara, « La islamofobia en la prensa escrita española : ...
37Depuis les attentats du 11 septembre, la presse occidentale et, notamment, espagnole utilise un lexique à résonance épique : croisades, guerre sainte29. En France, et en dépit de dénégations fréquentes des journalistes et des hommes et femmes politiques, les amalgames sont nombreux entre maghrébin et musulman, entre musulman et islamiste, entre islamiste et terroriste ou bien islamiste et « barbare », entre migration et invasion.
38Les textes médiévaux ne peuvent certes corriger ni rectifier ces discours et ces amalgames. Leur étude a en revanche plusieurs vertus.
39Tout d’abord, elle permet de ressaisir dans leur épaisseur historique des notions qui ont pu être essentialisées à des fins de propagande. L’examen conjoint du Cantar del Mío Cid et de l’Ambassade maure montre que la référence à la Reconquista est le fruit d’un long processus de construction. Les batailles du Cid, motivées par l’appât du gain et la quête de la reconnaissance royale, n’ont que peu de rapports avec l’idéologie associée à la Reconquista. A contrario, l’Ambassade, qui promeut une « patrie » invoquée plusieurs fois par les chrétiens, illustre la force de cette idéologie au XIXe siècle. Dans un autre domaine, on ne peut assimiler les représentations de l’Islam et l’orientalisme, dont les histoires se croisent et s’imbriquent, mais ne se confondent pas.
40D’autre part, le travail sur les textes médiévaux offre une bonne leçon de relativisme : la façon dont on pense et dit l’altérité du maure ou du sarrasin n’a pas toujours été la même. Faire ce constat conduit à reconsidérer et à réévaluer les représentations actuelles de l’Islam, qui mêlent altérités religieuse et ethnique (voire raciale). Cela conduit tout autant à interroger le statut du religieux : l’adhésion à une autre foi n’est pas constitutive de la vision de l’autre ; elle fait l’objet d’énoncés et de points de vue indissociables des cadres discursifs et idéologiques qui les produisent et qu’ils produisent.
41En troisième lieu, ce travail amène à déconstruire des préjugés ou des présupposés à l’œuvre dans les textes anciens et, par l’ombre portée de cette déconstruction, à remettre en cause les nôtres. Ainsi, les flous géographiques de la Chanson de Guillaume unifient en un seul espace de l’autre une réalité politique mal connue. Ce lien entre les musulmans et un ailleurs aux contours imprécis trouve un démenti dans le Cantar del Mío Cid : le musulman n’est pas un être du dehors dans l’Espagne du Cid. Or il ne l’est pas davantage dans la France contemporaine. Dans la même perspective, l’amalgame entre Islam et religion païenne idolâtre peut évoquer les amalgames actuels, témoins d’une propension à simplifier, réduire et dénigrer.
42Les textes peuvent enfin souligner des aspects que tendent à éclipser les discours excluants : le Roman de Mahomet, en dépit de son message violemment anti-musulman, manifeste avec éclat le rattachement des trois religions monothéistes à une souche commune, et rappelle l’importance en leur sein de la parole inspirée, de la révélation et du charisme.
Notes
1 Pour mener cette expérience et participer au colloque de Grenoble, Sophie Albert a bénéficié du soutien financier de l’EA 4349 « Etudes et éditions de textes médiévaux » et du programme Erasmus Plus de Paris-Sorbonne. Maria Angeles Llorca-Tonda a reçu un soutien financier du projet de recherche FFI2017-83950-P, « La literatura hagiográfica catalana : fuentes, ediciones y estudios » du Ministerio de Economía, Industria y Competitividad (Espagne). L’article a été relu par Marlène Albert-Llorca et Jean-Pierre Albert, que nous remercions chaleureusement pour leurs corrections et leurs remarques.
2 Nous écrirons désormais « l’autre » sans guillemets, de manière à ne pas surcharger la présentation du texte.
3 C’est-à-dire des textes littéraires écrits il y a plus d’un siècle. Voir Citton, Yves, Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ?, Paris, Amsterdam, 2007, p. 23.
4 Ibid., p. 25.
5 Dufays, Jean-Louis, Stéréotype en lecture, Bruxelles, Mardaga, 1994, p. 103-104.
6 Citton, Yves, Lire, interpréter, actualiser, op. cit., p. 27.
7 La loi de mars 2004 sur les signes distinctifs de l’identité religieuse relève d’une telle coercition légale. Sur la cristallisation des débats français autour d’une laïcité devenue l’un des fers de lance de l’islamophobie, voir les travaux d’Olivier Roy, auteur de La Laïcité face à l’Islam, Paris, Stock, 2005. L’auteur a contesté le terme de « communauté musulmane » après les attentats de janvier 2015 qui ont visé la rédaction de Charlie Hebdo.
8 On peut ainsi penser au mouvement de la « manif pour tous », placé dès son origine sous l’égide de catholiques pratiquants.
9 Méridionale, parce que le territoire hispanique n’est pas également occupé par les Arabes : dans tout le Nord (Galice, Pays Basque, Catalogne), la présence musulmane se réduit à quelques dizaines d’années.
10 Les deux paragraphes qui suivent doivent beaucoup aux travaux d’Alejandro García Sanjuán, notamment à son article « Al-Andalus en la historiografía del nacionalismo españolista (siglos XIX-XXI). Entre la España musulmana y la Reconquista », in Melo Carrasco, Diego et Vidal Castro, Francisco (éd.), A 1300 años de la conquista de al-Andalus (711-2011) : historia, cultura y legado del Islam en la península Ibérica, Coquimbo (Chile), 2012, p. 65-104.
11 Le terme de « moro » (ou « mora ») a en espagnol un sens qui ne se réduit pas à l’appartenance religieuse, et qui est intraduisible en français. Il indique, selon le Diccionario de la Real Academia : 1/ le rattachement géographique à une Afrique du Nord perçue comme frontalière de l’Espagne ; 2/ l’adhésion à l’Islam ; 3/ le rapport ou l’appartenance à la période historique de l’Espagne musulmane.
12 Sur ces fêtes, voir le volume Moros y Cristianos. Representaciones del otro en las fiestas del Mediterráneo occidental, Albert-Llorca, Marlène et González Alcantud, José Antonio (éd.), Toulouse/Granada, PUM/Centro « Ángel Ganivet », 2003 ; Albert-Llorca, Marlène, « L’image du Maure dans les fêtes de Moros y Cristianos (Pays valencien, Espagne) », in Richarté, Catherine, Gayraud, Roland-Pierre et Poisson, Jean-Michel (éd.), Héritages arabo-islamiques dans l’Europe méditerranéenne, Paris, La Découverte, 2015, p. 449-459.
13 Pour un historique de cette image et ses évolutions actuelles, voir Martín Corrales, Eloy, « Maurophobie/islamophobie et maurophilie/islamophilie dans l’Espagne du XXIe siècle », Revista CIDOB d’Afers Internacionals, n° 66-67, p. 241-254.
14 Le terme « sarrasin » n’est pas plus facile à circonscrire que le terme « moro ». Les théologiens du haut Moyen Âge discutent, pour l’affirmer ou le contester, de son lien étymologique et étiologique avec Sarah, femme d’Abraham et mère d’Isaac. Voir à ce sujet la mise au point de Tolan, John, Les Sarrasins. L’islam dans l’imagination européenne au Moyen Âge, trad. Dauzat, Pierre-Emmanuel, Paris, Aubier/Flammarion, 2003 [parution en langue originale : 2002], p. 40-41. Quant aux textes vernaculaires, ils déploient autour du terme « sarrasin » un « ballet de notions » complexe : voir Girbea, Catalina, Le bon Sarrasin dans le roman médiéval (1100-1225), Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 25-28.
15 La Chanson de Guillaume, Suard, François (éd. et trad.), Paris, Bordas, 1991.
16 Cantar del Mío Cid, Gutiérrez Aja, María del Carmen et Riaño Rodríguez, Timoteo (éd.), Alicante, Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes, 2007.
17 Alexandre du Pont, Le Roman de Mahomet, Lepage, Yvan G. (éd. et trad.), Leuven et Paris, Peeters, 1996.
18 Ambaixades Moros i Cristians. La Vila Joiosa, La Vila Joiosa, Associació de Santa Marta, 2010.
19 Lévi-Strauss, Claude, Race et histoire, Paris, Editions de l’UNESCO, 1952.
20 Parmi la vaste bibliographie sur les sarrasins dans la chanson de geste, nous ne citerons qu’un volume assez récent : La Chrétienté au péril sarrasin, Aix-en-Provence, PUP, 2000.
21 Cette représentation de l’Islam a été mise en évidence par Tolan, John, Les Sarrasins..., op. cit., chapitre V, « Les Sarrasins en païenie », p. 158-192.
22 L’association entre idolâtrie et barbarie constitue un topos des discours contre l’idolâtrie depuis le traité de Tertullien (début du IIIe siècle), De l’Idolâtrie, trad. en français moderne par Genoude, dans Œuvres de Tertullien, Paris, Vivès, 1852.
23 Dans Les Sarrasins..., op. cit., John Tolan montre les similitudes entre les attaques des juifs contre le christianisme, des chrétiens contre l’Islam et des chrétiens contre le judaïsme. Dans ces attaques, l’accusation de falsification tient une bonne place.
24 Sur ce motif dans les textes contre l’idolâtrie, voir Barbu, Daniel, « Variations sur le veau d’or : Apis, Sarapis, et un taureau volant », in Barbu, Daniel, Borgeaud, Philippe, Lozat, Mélanie, Meylan, Nicolas et Rendu Loisel, Anne-Caroline (éd.), Le Savoir des religions. Fragments d’historiographie religieuse, Gollion, Infolio, p. 7-13.
25 Nous renvoyons à ce sujet aux analyses que John Tolan consacre aux quatre vies latines du XIIe siècle, dont celle de Gautier de Compiègne : Les Sarrasins..., op. cit., Chapitre VI, « Mahomet, hérésiarque (XIIe siècle) », p. 193-231.
26 Le modèle vétérotestamentaire de cette image du saint est l’épisode de Daniel dans la fosse aux lions. Il est repris dans de nombreux récits de martyre. Plus largement, le saint ami de la nature fait partie des grands topoi de l’hagiographie.
27 Sur l’orientalisme aux XIXe et XXe siècles, le livre de Saïd, Edward, L’Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 1980 pour la trad. française de Catherine Malamoud [parution en langue originale : 1978], demeure une référence en dépit des critiques qu’il a suscitées. Sur l’Orient dans la littérature médiévale, et parmi une abondante production, on peut citer Gaullier-Bougassas, Catherine, La Tentation de l’Orient dans le roman médiéval. Sur l’imaginaire médiéval, Paris, Champion, 2003.
28 Sur les romans antiques de Thèbes, de Troie et d’Eneas, voir Croizy-Naquet, Catherine, Thèbes, Troie et Carthage : poétique de la ville dans le roman antique au XIIe siècle, Paris, Champion, 1994. Sur le motif du tombeau comme « merveille », voir Baumgartner, Emmanuèle, « Tombeaux pour guerriers et Amazones. Sur un motif descriptif de l’Eneas et du Roman de Troie », in Mermier, Guy et Arbor, Ann (éd.), Contemporary Readings of Medieval Literature, University of Michigan, Department of Romance Languages, Paris, Nizet, 1989, p. 37-50.
29 Voir Piquer Martí, Sara, « La islamofobia en la prensa escrita española : aproximación al discurso periodístico de El País y La Razón », Dirāsāt Hispānicas : Revista tunecina de estudios hispánicos, n° 2, 2015, p. 137-156.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Sophie Albert
Sorbonne Université
Quelques mots à propos de : Maria Angeles LLORCA-TONDA
Universitat d’Alacant