Dossier Acta Litt&Arts : Perspectives pédagogiques et didactiques

Jessica Vilarroig

De nouvelles valeurs pédagogiques pour se (re)construire et réussir autrement

Texte intégral

1Enseigner quelque chose de la littérature en soins études est une expérience bouleversante qui permet à l’enseignant d’écouter au plus près la souffrance psychique des élèves face aux situations d’apprentissage. Chaque jour dans ces petites classes, je suis immergée au cœur de l’humain, ce qui par la force des choses vient faire résonner la littérature dans l’intensité d’une proximité rare. Nous partirons donc du principe que cette expérience de proximité particulière permet d’écouter à la fois les résonnances du littéraire auprès des élèves et ce qui se joue dans les coulisses de « la douleur d’apprendre » qui, sur le terrain d’une apparente normalité scolaire, peut ne pas se faire entendre. En soins-études, au revers du monde et au cœur d’un lieu qui fait parenthèse comme le moment crucial d’une vérité à laquelle personne ne peut plus se soustraire, on ne peut que questionner à nouveau et sans cesse la valeur du savoir littéraire au plus près de sa réception auprès des adolescents, mais aussi les valeurs de la transmission et celles du pédagogique quand elles font écho aux valeurs de l’existence que les élèves sont en train de se construire. La souffrance de l’adolescent malade, dépossédé de son identité d’élève, vient faire violence en classe à l’architecture probablement illusoire de nos convictions. La maladie psychique contraint et autorise tout à la fois à clarifier les valeurs au nom desquelles les cours se tiennent. Le soins-études offre ainsi l’expérience unique d’une pédagogie qui permet in fine de replacer la rêverie au cœur de l’apprentissage de la littérature, tant pour l’élève que pour le professeur.

2Dans ce contexte, un faisceau de questionnements s’impose : quelles sont les valeurs des adolescents intransigeants qui adoptent des postures radicales de refus face à l’apprendre ? Comment les accompagner et construire avec eux des valeurs plus sereines, constructives et ouvertes sur l’altérité et le devenir ? Dans cette quête, la littérature vaut-elle quelque chose ? Face à la douleur d’apprendre, sur quelles valeurs pédagogiques alors s’appuyer ?

I. Des » valeurs » pédagogiques passées au crible

3Beaucoup de nos élèves sont atteints dans leur estime d’eux-mêmes, ils se dévaluent sans cesse, se dénigrent, s’abiment, s’isolent. D’autres se surestiment en s’enfermant dans l’idée d’un génie illusoire qui les empêche de faire face aux contraintes de la réalité. Pour donner de la valeur à ce qui nous entoure, pour se construire un système de valeurs conçu comme une guidance de vertus tutélaires et bienveillantes sur le chemin de la vie, pour réveiller les désirs qui viennent révéler la valeur de ce qui cherche à nous émouvoir, ne faut-il pas au préalable donner de la valeur à son être et à son existence ? Se donner de la valeur, c’est se rendre digne d’estime à soi-même dans une juste distance aux objets d’attachement. Pour faire face à la souffrance psychique qui s’érige entre l’élève et son enseignant, nous ne pouvons, dans les premiers temps d’une nécessaire déconstruction, que faire table rase de bien des valeurs véhiculées par les discours officiels destinés à l’enseignement et qui, à force de répétitions déconnectées des situations humaines, se sont vidées de leur sens.

4De leur côté, abîmés psychiquement et bien souvent en rupture avec le système scolaire, les élèves ne veulent plus ou ne peuvent plus apprendre. Il nous faut alors tout recommencer, reconstruire patiemment avec eux une confiance cognitive, essayer de recontacter quelque chose des origines de leurs forces vives retenues par leurs postures d’opposition. Car refuser d’apprendre c’est essentiellement refuser de vivre, de devenir, d’accueillir quelque chose de l’autre en soi. C’est refuser de s’inscrire dans le monde, de se construire de l’intérieur en suivant sereinement le chemin progressif d’une construction identitaire tendue vers l’avenir. Ceci est tout aussi valable pour les élèves malades d’excellence, pour qui le fait d’apprendre ressemble à une mécanique de restitution comparable à un rejet instantané du savoir, uniquement tourné vers des réussites scolaires immédiates.

5L’espace littéraire, circonscrit par le dedans de la classe, peut devenir l’un des espaces probatoires de l’adolescent. Dans cet espace sécurisé par le professeur de lettres, l’élève peut s’essayer à être et à penser par tâtonnements successifs, en quête de cet autre de soi qui cherche à advenir et à élaborer ses valeurs en gestation. Au gré des textes et des problématiques littéraires, on peut penser en classe l’évolution et la métamorphose des valeurs éthiques et esthétiques au fil des siècles, des valeurs humanistes au XVIe s. aux tiraillements entre passion et vertu au XVIIe s., de l’idéal de l’honnête homme à l’insolence de Dom Juan, en passant par le renouveau des valeurs romantiques, l’idéal esthétique du Dandy ou la chute vers le néant des écrivains dits de l’absurde. En mettant des mots sur des mots, dans la sécurité d’un épais coussin de langage pour amortir les chocs du réel, on se reconstruit en comprenant que les émotions et les pensées peuvent être produites sans danger dans le cadre de la classe et qu’elles sont nécessaires aux élaborations structurées futures. Le cours de français ou de littérature est un dispositif particulier où le professeur et ses élèves se rencontrent, en se décalant, dans un espace intermédiaire qui fait tiers, celui des textes littéraires et des productions écrites ou orales qui permettent à chacun de se déplacer, de se laisser émouvoir et d’en intérioriser quelque chose pour soi, et notamment grâce au travail de l’écrit. En effet, le texte et la production littéraires ouvrent sur un espace polyphonique où il est difficile d’échapper tout à fait à l’altérité, dans une mise en abyme de voix, fictives et réelles. D’autre part, de la matérialité concrète du texte à son espace vacant qui ouvre sur une infinité de positionnements psychiques et d’interprétations, tout texte littéraire métaphorise une dialectique de l’énoncé et de l’énonciation, du dedans et du dehors, comme articulation essentielle à tout être qui cherche à se positionner dans le monde autrement que dans une posture d’opposition qui l’en sépare. Dès lors, les textes littéraires avec leurs différentes voix et la richesse de leurs registres désignent, aux élèves, en installant un désir triangulaire nourri par les potentialités du langage, ce à quoi ils pourrait donner de la valeur.

II. Une déconstruction nécessaire des valeurs de la réussite

6Au risque de paraître subversif, notre premier travail en soins-études consiste à déconstruire patiemment beaucoup des représentations que nos élèves ont du savoir, des productions scolaires et des relations pédagogiques. Ces représentations externes ou intériorisées sous la forme d’injonctions normatives ou d’autocontraintes, s’avèrent souvent toxiques et paralysantes pour la pensée. Cela commence par la déconstruction nécessaire des valeurs communes de la réussite, allant de la volonté (« quand on veut on peut ») au culte de la performance (« il faut être le premier, le meilleur ») en s’inscrivant dans des systèmes de compétitivité où la maîtrise du langage et le savoir littéraire sont des armes de domination et où toute réussite est une victoire sur l’autre. C’est que les représentations sociales de la réussite scolaire fonctionnent à la fois comme des injonctions de pensée fabriquées et des éléments psychiques médiateurs entre le sujet et le monde. Elles peuvent donc devenir très rapidement des obstacles à une insertion véritable sur le chemin d’un apprentissage, voire même le rendre impossible quand le psychisme, lucide dans sa souffrance, se rebiffe, seul face à un monde menaçant. Précisément, les valeurs liées à la réussite scolaire qui s’élaborent à travers des représentations collectives ont une incidence sur la construction des élèves et des enseignants. Communément, la réussite de l’élève semble signer la valeur de l’enseignant et de son enseignement. Cependant, les réussites scolaires immédiates, même brillantes, sont souvent le signe d’une régurgitation de savoirs en réalité non intériorisés. Alors quelle valeur donner à la réussite ponctuelle d’une note ? Signe-t-elle ce que vaut l’élève et par voie de conséquence son enseignant ? Nos élèves en soins études souffrent beaucoup de cette identification à la note et préfèrent souvent ne rien produire plutôt que de risquer, à chaque exercice, la valeur de leur être. Ne vaudrait-il pas mieux se demander alors comment vivre et apprendre dans un système de valeurs qui me soutient, non pas dans la rivalité à l’autre ni dans l’immédiateté d’une réussite ponctuelle, mais sur le long terme, dans une relation décrispée à l’apprentissage, comme métaphore d’un cheminement serein et progressif sur la voie de l’existence ?

  • 1 J. Lacan, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », Comm...

7Dès lors, apprendre, ce n’est plus tant « échouer » ou « réussir » ici et maintenant, qu’apprendre à tenir le temps, sans les arythmies qui créent de profondes dysharmonies et discordances. En soins-études, chaque année est une « traversée » au sens initiatique du terme. Il s’agit, comme Ulysse dans son retour périlleux vers lui-même, tant pour les élèves que pour les enseignants dans l’espace probatoire de la classe, de supporter la durée nécessaire à toute progression. La valeur revêt alors le sens qu’elle prend en musique, à savoir une concordance entre le rythme et la durée. Pour éviter les nombreux écueils qui guettent, il s’agit également d’être attentif en permanence à la juste distance avec les objets d’attachement. La valeur, dans l’idée de prendre la mesure à chaque instant de ce qui se joue et de la juste distance entre les différents acteurs qui entrent en jeu, prend alors presque un sens métrologique. Pour donner de la valeur au cheminement et au lien pédagogique, il s’agirait avant tout de tenir un rythme adapté à l’apprentissage, sans hâter ni précipiter les processus d’acquisition, sans s’immobiliser pour autant, sans trop s’éloigner, ni trop s’approcher des objets à penser. Aux valeurs de la réussite viennent alors se substituer celles de la mesure et de la patience. Si l’on conçoit la littérature comme un double fictionnel de la réalité, les séquences pédagogiques elles-mêmes viennent figurer une sorte de « parcours-textes » spéculaire, propice à l’accompagnement patient du développement psychique des élèves adolescents pour une sorte de « stade du miroir » secondaire, à entendre comme une identification « à savoir une transformation produite chez le sujet quand il assume une image1 ». Les textes littéraires ouvrent sur un univers spéculaire qui peut servir de support méditatif au « Moi » du sujet qui est en train d’advenir. La présence du professeur peut venir confirmer l’élève dans sa reconnaissance imaginaire et dans la prise de conscience rassurante de son unité.

  • 2 SFES, Société française d’Expression scénique et de Scénothérapie.

  • 3 T. Reik, Écouter avec la troisième oreille. L’expérience intérieure d’un ps...

  • 4 S. Ionescu, M. Jacquet, C. Lhote, Les mécanismes de défense, théorie et cli...

8L’idée d’un « parcours texte » vient de ma pratique de scénothérapeute en expression scénique2. Cette thérapie émotionnelle et socialisante par le texte littéraire est un dispositif psychanalytique de groupe que j’ai sondé auprès de petits groupes d’adolescents hospitalisés et ponctuellement déscolarisés. Dans ce dispositif, chaque séance se construit autour d’une dizaine d’extraits de textes littéraires choisis par le thérapeute en fonction des problématiques collectives et individuelles soulevées à la séance précédente. Ces textes sont des leviers, des inducteurs de parole, aidant à verbaliser et à mettre en lien, peu à peu, les émotions et les pensées que le texte suscite, dans un rapport subjectif à l’énoncé littéraire qui fait tiers. Sur la scène du langage, l’observation de scénothérapeute porte autant sur le type de texte choisi par chaque participant que sur ce qui est dit et sur ce qui est tu. Au gré des identifications, des projections et des associations d’idées, propres à l’activité du lecteur, le scéno-thérapeute écoute avec sa « troisième oreille3 » l’évolution des positionnements psychiques et des mécanismes de défense4 mobilisés face au texte choisi par chaque participant, dans le but de l’aider à élargir sa palette défensive et ses différents registres de langage et de pensée. A partir des transferts et contre transferts repérés pendant chaque séance, ce qui compte avant tout, c’est l’évolution du rapport au texte comme métaphore de l’évolution du rapport à soi et à l’altérité de chaque participant au sein du groupe.

  • 5 M. Picard, La lecture comme jeu, Paris, Editions de minuit, collection : « ...

  • 6 D. Bucheton, « Les postures du lecteur », in P. Demougin et J-F. Massol (co...

9Il ne s’agit absolument pas de confondre un travail thérapeutique avec une démarche pédagogique, mais de sélectionner certains outils intéressants pour une pédagogie non préconçue par avance, qui s’ajuste à la progression et aux problématiques des élèves face au littéraire. Nous pouvons en retenir qu’en classe, il s’agirait donc de construire ses séquences pas à pas et en fonction des difficultés et des sensibilités en herbe repérées. Nous pouvons garder l’idée que le texte littéraire peut être un répondant objectal en fonction d’apologue (dans l’idée d’une sorte de pédagogie du contre transfert maîtrisée par des enjeux scolaires) et que l’observation attentive d’une évolution du rapport au texte littéraire des élèves est essentielle, des activités d’oral vers la quête de l’écrit. Il s’agirait donc d’aller, dans un premier temps, vers l’avènement d’un « sujet lecteur », voie largement ouverte par Michel Picard5 qui explore les différentes instances lectrices chez le lecteur, qui conjugue en lisant plusieurs identités et par Dominique Bucheton6 qui définit la diversité des postures de lecture chez les élèves.

10Nous pouvons donc conférer une valeur pédagogique à une approche phénoménologique des heures de classe où chaque texte littéraire entre en résonnance avec les différents acteurs en jeu. Dès lors, les objectifs et les choix pédagogiques se façonnent et se précisent peu à peu. Pour une constitution du sens par le sujet qui cherche à comprendre le monde, le professeur s’ouvre à ce qui se manifeste pour le transformer en répondant littéraire et pédagogique. Par exemple, face à une petite classe de première ES constituée d’élèves très phobiques, bavards, avec une pulsion à théoriser à l’oral difficilement canalisable, des rivalités et des rapports de force larvés, des stratégies d’évitement très élaborées, alliées à un déni des difficultés d’organisation et d’élaboration, le choix de bâtir une séquence sur le théâtre existentialiste autour de Huis clos de Jean Paul Sartre s’est révélé comme un point de départ constructif. Le huis clos de la classe, comme enfer potentiel, a trouvé son miroir et ses mises en abîmes symboliques. Des débats interprétatifs venant canaliser les désirs pulsionnels des élèves de théoriser le monde à l’analyse précise des fonctionnements du langage théâtral, des mises en voix et en jeu du texte en passant par l’analyse des mécanismes de la mauvaise foi et par la construction organisée de commentaires d’extrait, les élèves ont transformé ce qui pouvait être anxiogène en un certain plaisir intellectuel étayé par des activités pédagogiques. Durant cette séquence, les élèves ont développé un certain humour noir, certes défensif, mais générant une vraie avancée psychique et cognitive rendant possibles les séquences suivantes. Des postures distanciées et défensives de l’ironie dans la séquence suivante, nous nous sommes acheminés, au gré des séquences, vers un lyrisme poétique demandant à chacun de lâcher ses défenses, de supporter et de partager ses émotions, tout en les contenant, notamment grâce à l’observation de la forme et du travail poétique. La dernière séquence s’est portée sur les appétences de la classe repérées en début d’année : l’analyse, la construction et la mise en voix de discours rhétoriques, dans le but de mobiliser de véritables intentions et stratégies littéraires, d’écouter l’autre et de se faire entendre, mais aussi de donner un sens éthique aux rapports de force, en les mettant en scène, sous la forme de petites joutes oratoires et d’un « jeu de rôle » juridique préparé en alliance avec le professeur de SES.

11Si l’on confère une valeur pédagogique à une approche phénoménologique de la construction des séquences et du choix des objets d’études, on s’éloigne des valeurs communes de l’efficacité pédagogique immédiate. Les décisions pédagogiques ne sont pas préconçues par avance et le professeur qui accompagne ses élèves élabore ses séquences petit à petit au rythme des avancées psychiques de ses élèves, acceptant parfois de se destituer de sa posture frontale et de « penser à vue » (comme un mauvais prof ?). Dès lors, le professeur s’engage de l’intérieur, dans le souci d’une efficacité moins visible et plus symbolique, en lien avec une sorte de foi pour le texte littéraire (certes un peu « essentialiste »), dont la volonté et l’action produit bien souvent son effet.

III. Endurance, errance et Mediocritas : vers de nouvelles valeurs pédagogiques

12Face au culte de la performance qui entretient une tension prégnante entre le « tout et le rien », apparaît l’endurance comme valeur pédagogique essentielle permettant aux élèves d’apprendre à éprouver et à supporter la durée nécessaire à chaque processus d’élaboration, notamment sur le terrain concret de l’écrit. Dans un système éducatif d’accélération de savoirs qui se succèdent, avancer la patience, l’errance comme espace initiatique et l’endurance comme valeurs essentielles à l’apprentissage des lettres, relève de l’insolence et d’une résistance permanente à ce qui fait pression de toutes parts. En prenant le temps de prospecter avec les élèves les potentialités du langage grâce à des activités pédagogiques d’oral et d’écrit, (chacune propédeutique de l’autre), on développe la « métis », comme art de contourner les écueils grâce aux ruses du langage, davantage que le psittacisme qui ne fait que révéler l’inanité d’un savoir répété. Ainsi donc, commencer simplement l’année avec une séquence autour de Zazie dans le métro de Raymond Queneau et des consignes de l’Oulipo, permet d’initier les élèves aux potentialités du langage, à travers différents jeux de contournements des impossibles, de détournement des registres ou des niveaux de langue.

  • 7 R. Queneau, L’instant fatal, Paris, Gallimard, Poésies, 1966.

13Rien de révolutionnaire certes dans le choix de cet objet d’étude ni même dans les activités pédagogiques proposées, somme toute très classiques. Sauf qu’en soins-étude, le professeur prend son temps pour commencer à essayer d’ouvrir la curiosité intellectuelle de ses élèves et les réconcilier avec l’espace probatoire de la classe, le langage et les apprentissages. Autour du texte à l’étude, le professeur soucieux de connaître ses élèves à l’épreuve du littéraire, propose alors une grande variété d’approches pédagogiques, non pas dans le sens d’une hyperactivité superficielle et aérienne mais dans une quête d’approfondissement vers un retour aux origines d’une envie de lire et d’apprendre. L’air de rien et sous la forme du jeu, commencer par une sorte de catabase pédagogique permet de préparer les rebonds et les régénérations futures. On peut alors travailler sur les niveaux de langue, la lexicologie, la grammaire et l’orthographe par le biais de l’écriture phonétique et les « a grammaticalités » virtuoses de Queneau et proposer ensuite de réécrire l’incipit de Du côté de chez Swann de Proust à la manière de Queneau. Puis, après un documentaire sur l’Oulipo et un travail de synthèse, aller à la médiathèque pour s’essayer à la consigne S+7 et partager ensemble, dans le cadre de la classe, la lecture des productions. Pour commencer à préparer l’approche du poétique et la découverte de l’univers de l’auteur en question, on peut faire une parenthèse avec un petit corpus extrait de L’instant fatal7 autour de la méta-poésie. Ce sera l’occasion pour les élèves de mettre en abime leurs inhibitions à l’écrit et d’élaborer de petits poèmes sur leurs difficultés d’écrire pour se lancer à les dire en classe, dans le cadre d’un petit dispositif d’urgence propre au Slam. Sans oublier les méthodologies scolaires structurantes, on proposera en alternance d’élaborer à l’écrit des commentaires collectifs où chacun soumet une partie au groupe, pour constituer un commentaire composé à plusieurs et gagner de l’assurance sur la voie d’une autonomie de la pensée à venir, mais aussi de travailler sur un corpus diachronique sur le registre épique (type bac), pour confronter la fin de Zazie dans le métro avec des textes plus classiques. Pour s’ouvrir à d’autres champs et en soutenant une forme de gratuité scolaire du savoir, le professeur peut proposer un détour par l’esthétique de la nouvelle vague avec le film éponyme de Louis Malle et l’analyse de la bande annonce d’un film de J.L Godard, puis organiser une séance interdisciplinaire avec le professeur de SES pour confronter les mises en scène identitaires des photomatons de Queneau avec la culture actuelle des Selfies. Ecouter des interviews de l’auteur sur la genèse de l’écriture de son roman et de ses personnages permet également de mettre en place avec les élèves des questionnements authentiques sur la création littéraire. Bien sûr, tout au long de la séquence, il s’agira également d’entendre ce que suscite le personnage de Zazie et notamment la question dérangeante de l’identité sexuelle qui circule tout au long de cette odyssée initiatique.

  • 8 M. Picard, op. cit.

  • 9 BUCHETON, D (1999). « Les postures du lecteur », in DEMOUGIN (Patrick) et M...

  • 10 Idem.

14Le professeur, en sourdine, observe et questionne les oscillations identitaires et les postures de lecture de ses élèves en proposant des activités pédagogiques qui alternent, du playing qui s’enracine dans l’imagination du lecteur et convoque l’identification, au game8 qui réclame une prise de distance avec les objets littéraires à penser. Le professeur cherche à donner une épaisseur à l’activité de chaque lecteur en herbe, du liseur qui mobilise son corps au lectant capable de se distancier et d’avoir une lecture critique, sans fuir le lu qui renvoie à l’inconscient du lecteur qui s’abandonne à ses émotions. Alors, les postures de lecture évoluent tout en circulant sans heurts et en se relayant, du texte action9 où les élèves prennent les personnages pour des personnes en mobilisant leur système de valeurs, jusqu’au texte objet10 qui permet de se poser en dehors du texte pour l’analyser avec des outils stylistiques. À chaque heure de cours, il se passe quelque chose pourvu que le professeur soit assez disponible pour entendre ce qui se joue. Patiemment et en affrontant aussi les nombreuses résistances qui se révèlent, il essaye de reconstruire les bases d’une nouvelle relation aux apprentissages en maintenant, sur le fil, un juste équilibre protecteur entre liberté interprétative et contraintes structurantes. Déjà les rêveries pédagogiques du professeur se mettent en mouvement au service des structurations en cours de développement. Il pense sa classe et ses élèves. Il fait des liens à l’écoute des émotions qui circulent (celles des élèves et les siennes) et de ses référents littéraires. Les séquences à venir se dessinent et s’imposent. Son « contre transfert » s’anime et commence à s’habiter de perspectives pédagogiques, de figures et de textes littéraires.

  • 11 Horace, ode II, 10

  • 12 Idem.

15De ce fait, les valeurs de l’excellence peuvent alors se retourner en leur envers qui seraient celles de la « Médiocrité ». Travailler au rythme de l’Aurea Mediocritas11 antique permet de chercher un équilibre protecteur entre l’excès et le défaut, l’inhibition et la désinhibition des émotions et de la pensée face au littéraire. Cette quête du « juste milieu » permet d’entreprendre avec les élèves un travail de l’inhibition pour les aider à oser ressentir, dire et penser tout en réduisant, quand il le faut, les voiles qui se gonflent trop12. L’inhibition naîtrait essentiellement de l’irruption de l’autre et de la crainte d’être exposé à l’observation attentive d’autrui. C’est une rentrée en soi subite face à la menace de la sortie de soi. Lire, écrire, dire permet précisément de travailler l’inhibition comme la fonction d’un contrôle cognitif permettant d’accepter les limitations nécessaires à la réalisation d’une action adaptée aux circonstances. Il s’agit donc, pour le professeur comme pour les élèves, de tenir et de retenir les émotions, la pensée et le temps, pour s’élancer au bon moment avec justesse. Là encore, la valeur dans les situations pédagogiques prend un sens musical comme attention à la concordance entre rythme, harmonie et durée.

IV. Travail du négatif et travail de la forme

16On peut aussi, en classe, jouer avec les valeurs en les déconstruisant pour mieux les reconstruire, au gré de leurs détournements et retournements. Par exemple, au cœur d’une séquence sur Dom Juan, on peut s’arrêter sur la tirade de « l’éloge de l’inconstance » et, en s’appuyant à la fois sur les procédés du langage théâtral et sur la construction argumentative du texte inducteur, demander aux élèves d’écrire l’éloge paradoxal d’une valeur habituellement mal considérée. Quand l’élève trop docile écrit l’éloge de l’insolence, l’élève hyperactif l’éloge de la lenteur ou, au contraire, quand l’élève résistant au travail écrit l’éloge de la paresse, l’élève qui repose sur le mythe de son génie, l’éloge de l’orgueil, c’est l’occasion, sur le terrain symbolique de l’écrit, de prises de conscience transformatrices pour une sorte de travail du négatif qui commence, l’air de rien, son travail de fond dialectique. Quand, à la suite de ce travail écrit, chaque élève vient au-devant de la classe dire sa production et incarner ce défaut qu’il a transformé, grâce aux ruses du langage en vertu, il prend physiquement conscience du fonctionnement interne de ce qui s’érige en valeur. La vertu étant à entendre aussi comme un principe actif et bénéfique qui développe une force d’âme et un courage d’être soi dans l’espace de la classe, en dépit des obstacles rencontrés.

  • 13 A. Green, Le travail du négatif, Paris, Minuit, 2011.

  • 14 C. Baudelaire, Hymne à la beauté in Les Fleurs du mal, 1857.

17Les textes littéraires peuvent aussi révéler aux élèves qu’avant tout, nous donnons de la valeur à ce qui nous touche, nous émeut, à ce que l’on trouve beau, comme principes de vérité d’une catharsis esthétique qui, dans sa prime de plaisir, vient suspendre momentanément certains jugements éthiques aveuglants. L’équation est simple : ça m’émeut, donc c’est beau, donc c’est vrai, donc c’est désirable. La valeur ne se révèlerait alors que lorsqu’elle affecte la sensibilité. Or, l’émotion esthétique réveille en chacun, les zones sensibles où l’être s’éveille, d’autant qu’il faut toujours un sujet sensible pour révéler la valeur d’un texte littéraire. Par exemple, les textes poétiques sous le régime des synesthésies et des correspondances, comme ceux de Baudelaire ou de Rimbaud sont des supports à réveiller la sensorialité des élèves sur la voie d’une catharsis esthétique qui suspend les jugements éthiques. Le poème Hymne à la beauté de Baudelaire (comme tant d’autres) permet aussi de travailler avec les élèves la figure de l’oxymore comme figure éclairée par un clair-obscur qui vient équilibrer la pensée. Les élèves très opposants aux apprentissages peuvent trouver une issue sur la voie de l’oxymore qui, en suspendant les jugements éthiques, vient proposer une résolution esthétique qui dépasse l’opposition et supporte les ambivalences. Un travail du négatif13 est donc possible si l’on conçoit le négatif comme une valeur pédagogique essentielle. Le négatif est à la fois l’ensemble des formes hétérogènes des mécanismes de défense mis en place contre la peur des débordements émotionnels et le lieu d’une puissante énergie de transformation à mettre au travail d’elle-même dans une direction dialectique. Grâce aux analogies sensorielles et aux oxymores qui structurent beaucoup de textes il s’agit, pour l’élève, d’accueillir et d’apprendre à supporter ses ambivalences, premier pas vers une issue dialectique. C’est du dépassement de celles-ci par la reconnaissance esthétique que naît la synthèse, apportant un soulagement psychique et une décrispation cognitive. Un travail très classique sur la reconnaissance des figures de style et leur réutilisation consciente dans des écrits d’invention permet d’apprendre, l’air de rien, à sublimer par les mises en scène du langage, des mécanismes de défense qui peuvent s’exprimer de façon stérile et frontale sur le terrain de la communication scolaire. La création poétique fait donc office de dépassement des oppositions, que sa beauté surgisse du ciel ou de l’enfer14.

  • 15 M. Picard, La lecture comme jeu, Paris, Editions de minuit, collection « C...

  • 16 Idem.

18Mais comment accompagner une classe pour que se réveillent les émotions esthétiques ? D’abord il est intéressant de mobiliser la voix et le corps des lecteurs. Le corps est la première des caisses de résonnance des textes à l’étude. Comme le signifie Michel Picard, « le vrai lecteur a un corps, il lit avec »15. Qu’est-ce que l’élève a pensé ou ressenti en lisant son texte ? Du lire au dire, il s’agit bien d’interroger la présence des sujets lecteurs. Du texte tremplin perçu comme une métaphore de valeurs mises en jeu au texte signe16 dont le lecteur s’empare pour laisser aller ses propres réflexions, les élèves commenceront à investir les débats interprétatifs. Par ailleurs, la valeur d’un texte littéraire est-elle incontestable ? Il est toujours intéressant d’accueillir les aversions et les rejets des élèves qui sont le lieu de multiples projections réutilisables pédagogiquement pour commencer à élaborer une pensée critique. Cependant quand un élève est ému ou sensible à la présence d’un poème, c’est sa propre présence au monde qui lui est révélée.

19Mais dans un second temps, que faire pédagogiquement des émotions, une fois qu’elles ont été révélées ou réveillées par le texte littéraire ? Si l’émotion est le mode de perception privilégié de la valeur d’un texte, quelle valeur pédagogique donner aux émotions sur le chemin de l’apprentissage ?

  • 17 D. Bucheton, op. cit.

20Chaque texte littéraire a simultanément une valeur esthétique et humaine. En soins études, nos élèves à vif et fragilisés par la vie, sont assez disposés à l’errance interprétative et à la verbalisation de leurs émotions. Nous devons alors faire face également au danger du délire qui peut guetter la confrontation au littéraire. Le sujet lecteur trop subjectif peut « décoller » et se laisser aller à la toute- puissance de la métaphore et du signifiant quand le texte, approché de trop près émotionnellement, fait trop écho avec sa sensibilité. Il faut alors, en soins études, que le professeur veille à rétablir une juste distance entre l’élève et le texte littéraire. C’est dans la reconnaissance esthétique d’un équilibre nécessaire entre le fond et la forme que le professeur pourra travailler avec ses élèves à l’articulation de l’interne et de l’externe pour faire face à la désinhibition des émotions et à la menace de la sortie de soi. La sécurité cognitive des élèves est essentielle et quand certaines angoisses surviennent ou rodent, le professeur de lettres en soins études proposera régulièrement des activités pédagogiques extrêmement sèches et techniques pour mettre à distance les émotions menaçantes. Parfois donc, un retour ponctuel au texte tâche17peut s’avérer soulageant et apaisant.

21Pour apprendre à se distancier des émotions trop menaçantes, il est donc intéressant de porter son attention avec les élèves sur tous les procédés de mises en valeur formelles qui viennent contenir et contrôler les émotions mobilisées. Après l’avènement de la subjectivité du sujet lecteur, il s’agira de proposer le relai d’une démarche déconstructiviste. En poésie, par exemple, Il s’agit de montrer patiemment aux élèves comment sont bâtis les textes à l’étude en mettant à nu les étapes de construction, de la complexité virtuose de la versification et de ses contraintes à sa cohérence et cohésion interne, en passant par les intentions stylistiques de mises en relief des idées et des émotions. La valeur d’un texte se révèlera d’autant plus à l’élève qu’une réelle prise de conscience des difficultés de son élaboration aura lieu. Des écrits d’invention poétiques assez classiques avec des contraintes très serrées telles que, par exemple, l’élaboration d’un sonnet en alexandrins sous le régime des correspondances sensorielles à la manière de Voyelles de Rimbaud, peuvent permettre aux élèves de réaliser, à l’épreuve de la réalité d’un processus de création, que donner de la valeur à un texte passe aussi par la prise de conscience de la complexité de son élaboration. Métaphoriquement, c’est aussi une façon de faire du « travail » une valeur constructive essentielle, sans pour autant en passer par un discours pédagogique, externe et moralisateur. À l’articulation de l’interne et l’externe, à l’interface entre le dedans et le dehors, à mi-chemin entre pudeur et obscénité du langage, la quête d’un équilibre devient une valeur pédagogique centrale. Ainsi, la quête cet équilibre entre le fond et la forme dans la pédagogie des lettres, devient propédeutique à l’existence pour apprendre à se tenir face à l’existence, dans une posture tenable, ni trop en dehors, ni trop en dedans, tout en étant capable de jouer sur plusieurs registres pour s’adapter aux situations. Aussi faudrait-il croire qu’en intériorisant des savoirs littéraires, nos élèves pourraient s’habiter davantage pour faire face à leur existence.

V. La rêverie, ultime valeur pédagogique ?

  • 18 Voir A. Braconnier et D. Marcelli, Adolescence et psychopathologie, Paris,...

  • 19 A. Rouxel, Introduction aux 12e Rencontres internationales des chercheurs ...

  • 20 V. Larrivé, « Le journal de personnage ou l’art de se mettre dans la peau ...

  • 21 Till R.K, « Bovarysme et snobisme, deux symptômes de la nervosité des nati...

22La rêverie, dans sa représentation classique, semble parfois exclue de la pédagogie des lettres devant faire face à des exigences d’efficacité. Mauvaise pente ou incurie de la pensée, elle est souvent assimilée à une perte de contrôle et une perte de temps. Mais la rêverie ne pourrait-elle pas être une vraie valeur pédagogique, considérée non pas comme mauvaise herbe mais comme le terreau et la réserve naturelle propédeutiques à l’élaboration de la pensée ? Peut-on, quand on est professeur de lettres transmettre quelque chose de son activité en classe et que peut-on en faire de constructif sur le terrain des savoirs faire, notamment à l’écrit ? Car comment peut-on devenir un élève et un citoyen lucide, quand on n’a pas ouvert en soi un espace intime d’accueil aux pensées permettant de prendre le temps de les peser, de les interroger, de les confronter et de les distinguer des émotions ? En effet, l’élève désemparé avec lui-même peut adopter une attitude d’évitement à l’égard de ses productions mentales18. Il agit alors bien souvent pour éviter de penser et de ressentir. La rêverie permet précisément de suspendre l’action aveugle qui attaque les cadres scolaires ou pédagogiques ou qui se jette sur le travail à produire pour l’expédier au plus vite parfois même avec beaucoup d’efficacité. Elle permet d’ouvrir en soi un espace utopique où s’élaborent les désirs, les idéaux et les valeurs en gestation, comme espace propédeutique à l’action et aux mises en forme futures. Pour retrouver un « rapport heureux à la littérature19 » et chercher dans les textes et les œuvres de quoi donner du sens à son existence, c’est dans cet espace intérieur que les savoirs littéraires peuvent se mettre à résonner par analogies successives avec soi-même, c’est le lieu où l’élève peut se familiariser avec les savoirs et les objets à penser. Si le bovarysme est une tendance à se réfugier dans des rêveries diurnes passives, il existe la possibilité d’« un bon usage du bovarysme en classe »20 qui développe d’une part, l’empathie fictionnelle essentielle à l’évènement des sujets-lecteurs et d’autre part, l’activité analogique capable de jeter des ponts entre soi et le monde. Un bovarysme lucide peut être appréhendé comme une philosophie du « comme si », là où « la conscience est double, à la fois réceptrice et génératrice de fictions et l’instance capable de porter un jugement sur leur validité »21.

23La rêverie serait donc le siège intime de l’émergence des pensées et de l’énergie psychique nécessaire à l’apprentissage des lettres. Elle fournit le matériel brut pour penser et permet un état de décrispation et de libre détachement momentané de tout ce qui appuie trop sur l’existence. Par exemple, une séquence sur l’Essai, de Montaigne à Sylvain Tesson, peut accompagner les élèves pour qu’ils ouvrent en eux un espace à une rêverie lucide et constructive. À partir d’extraits des Essais de Montaigne, il s’agira pour le professeur de définir avec ses élèves le genre de l’essai. L’essai est une forme ouverte qui propose une manière oblique d’aborder le savoir. La pensée vagabonde et avance par tâtonnements successifs, avec légèreté et souplesse, tout en interrogeant la subjectivité. Le genre de l’essai, en ouvrant un espace de dialogue intérieur, s’approche d’une rêverie constructive tout en échappant aux cadres pour interroger au même titre, les relations entre soi et le monde, le savoir, les émotions et la pensée. Comme la rêverie, le genre de l’essai développe chez les élèves le plaisir de l’aventure intellectuelle et une faculté de penser le monde avec et à partir de soi. A partir d’une sélection de citations de Montaigne inductrices, le professeur pourra également proposer aux élèves de tenir un carnet de pensées pour qu’ils s’essayent en autonomie aux méditations intellectuelles qu’ils pourront mettre en lien avec leurs expériences personnelles. Dès lors, il peut être intéressant d’aborder avec les élèves Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson. A travers les extraits à l’étude, les élèves se confrontent à l’expérience d’isolement et de solitude de l’auteur parti vivre quelques mois dans une cabane au bord du lac Baïkal. Son journal est jonché de considérations à la fois concrètes, existentielles et théoriques traitées avec la même gravité. Traversé par des émotions suscitées par la sensation du vide, cette expérience extrême de solitude et de silence donne de l’énergie à sa pensée qui ne se fixe pas dans des convictions, car elle prend le temps de s’essayer à elle-même. Face à des paysages à couper le souffle, c’est finalement l’expérience de la beauté qui convainc l’auteur de la force de son choix. Pour ouvrir l’espace intérieur des élèves, le professeur peut alors leur proposer de travailler à l‘écrit sur une série de photographies de paysages glaciaires pour faire des liens, sous la forme d’une page d’un journal fictif, entre les émotions et les pensées que le paysage suscite.

  • 22 W. Iser, L’acte de lecture, théorie de l’effet esthétique, Paris, Mardaga,...

  • 23 U. Eco, Lector in fabula : le rôle du lecteur, ou, la coopération interpré...

24D’autre part, la rêverie s’immisce bien souvent chez le lecteur dans les interstices des textes littéraire. L’activité du lecteur-rêveur est sollicitée par « les lieux d’indétermination »22 du texte et ses « blancs » qui autorisent l’errance des interprétations. C’est à mesure où il colmate les blancs que le lecteur fait advenir l’œuvre à sa conscience. Travailler en classe sur des textes poétiques « ouverts » tels que ceux de Mallarmé, d’Eluard ou de Michaux, permet d’ouvrir un champ à l’illimité en classe et de mobiliser les « coopérations interprétatives23 ». La polysémie du sens appartient alors aux élèves qui peu à peu apprennent à s’infiltrer dans les espaces blancs des textes et à les habiter. Cette année il est assez intéressant d’analyser avec les terminales littéraires comment le réalisateur Bernard Tavernier d’empare des ellipses et des non-dits de la nouvelle La princesse de Montpensier de Mme de Lafayette pour donner corps à son film qui se libère, tout en la questionnant, de l’éthique du XVIIe s. À travers l’étude comparée entre le film qui met en relief les émotions et la nouvelle qui les élude ou les contient, les élèves découvrent comment il est possible d’habiter une œuvre entre ses lignes. Le professeur lui-même s’inscrit dans les interstices du texte à l’étude en proposant des activités pédagogiques qui viennent ouvrir des espaces. Par exemple, au détour de la nouvelle et de ses problématiques, il s’est avéré intéressant de travailler avec les élèves sur la carte du tendre qui propose visuellement un espace géographique imaginaire à un parcours initiatique amoureux.

  • 24 R. Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Grasset, 1961.

25Pour un professeur de lettres, il est particulièrement redoutable de constater une sorte de carence de rêverie chez ses élèves qui s’engluent dans un ennui scolaire stérile ou qui se lancent dans une course effrénée de savoirs non digérés et de méthodologies asséchantes. Certains préfèrent alors se réfugier dans des conduites addictives ou dans des produits de pensée et d’imaginaire tout faits. Cela fait d’eux, non pas des rêveurs même s’ils le croient, mais des consommateurs d’un merveilleux formaté et encaissé dans un système de valeurs binaires qui ne laisse aucune place ni à la sensibilité et son nuancier, ni à l’imagination, ni à la réflexion. Beaucoup de nos élèves se réfugient dans la construction illusoire d’un narcissisme précaire où le « moi » n’est plus qu’une vitrine, sans cesse mis sur la scène, comme un double virtuel qui s’expose à chaque instant sur les réseaux sociaux. Ces élèves sont privés des rêveries narcissiques si nécessaires à l’adolescence pour élaborer des idéaux et leur identité en gestation. Dans une sorte de nouveau « mal du siècle » face une réalité rugueuse, il n’y a plus aucun « mensonge romantique24 » permettant de mettre en mouvement comme le signifie René Girard, un « désir triangulaire » qui, dangereux en excès (comme nous le prouvent certains personnages littéraires), réveille pourtant l’énergie psychique si nécessaire à l’élaboration des valeurs. Le texte littéraire en mobilisant notre empathie fictionnelle peut aussi, à certains moments, nous désigner et nous révéler les lieux de notre désir.

  • 25 A. Béguin, L’âme romantique et le rêve, Paris, Le livre de poche, 1993.

26Alors comment infiltrer en classe, à rebours ou à l’envers du monde, un peu de cette rêverie romantique25 essentielle à la gestation d’un moi en devenir ? Nos adolescents en perte de désir n’ont-ils pas tout à gagner en contactant grâce aux textes littéraires cette activité narcissique propre à la rêverie qui tend chaque être vers le rêve d’un avenir plus vaste et qui établit l’amour de soi nécessaire à l’élaboration de valeurs personnelles allant de pair avec l’établissement d’un contrat de confiance avec la réalité ?

  • 26 J. Laplanche et J-B.Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, ...

  • 27 Voir R. Le Naour, « La question de l’identité et du narcissisme à l’adoles...

  • 28 C. Baudelaire, Le spleen de Paris, petits poèmes en prose. Préface, Paris,...

  • 29 A. Ciccone, « Enveloppe psychique et fonction contenante », Cahiers de psy...

27À tout âge, mais surtout pendant la phase de métamorphose qu’est l’adolescence, le moi à venir se construit et se distingue par identifications successives26. En effet, l’adolescent rejette les bases identificatoires de l’enfance et reste en quête de nouvelles images de lui-même susceptibles de lui apporter un soutien narcissique27. Face à la fragilité de ses assises narcissiques, les textes littéraires et l’accompagnement pédagogique peuvent devenir des soutiens identitaires pour l’adolescent. En privilégiant en classe les jeux identitaires, grâce aux identifications et aux projections comme mécanismes de défense propres à l’expérience littéraire, on ouvre peu à peu des espaces à la rêverie en créant un réseau de ponts analogiques entre soi, le monde et l’univers spéculaire de la littérature. Développer l’empathie fictionnelle en prenant appui sur les textes et les personnages littéraires, permet de rendre familier quelque chose de « l’inquiétante étrangeté » de ses propres pensées et de l’altérité. Les activités d’écriture d’invention « à la manière de » ou « à la place de » permettent d’intérioriser quelque chose des procédés stylistiques qui mettent en valeur et contiennent les pensées et émotions qui s’articulent. Il s’agit bien d’apprendre à mettre en valeur une pensée qui contient des émotions devenues dicibles. En s’identifiant ponctuellement à un autre, l’élève par le biais d’un « je » fictif peut découvrir les potentiels de son être, élargir la palette de ses registres de langue et de pensée, et ouvrir son espace intérieur. Par exemple, sur le modèle d’un des « Spleen » des Fleurs du mal de Baudelaire commençant par « je suis comme… » ou à partir du poème La vie antérieure, on peut proposer aux élèves d’explorer leurs personnages intérieurs, tout en intériorisant quelque chose de la structure interne du texte inducteur sous la forme d’un apologue poétique. À la suite de cet exercice, l’étude des Fenêtres dans les Petits poèmes en prose permet de réfléchir avec les élèves sur le phénomène d’empathie fictionnelle qui inspire le poète tout en leur proposant de se rallier à l’idéal esthétique de la prose poétique, capable de rendre compte simultanément des « ondulations de la rêverie, des mouvements lyriques de l’âme et des soubresauts de la conscience »28. De même, grâce à des exercices d’écriture très classiques qui prennent appui sur les lettres qui jalonnent la littérature, l’élève peut apprendre à se décentrer pour se sentir d’autant plus exister au travers de l’autre de soi, en répondant à Mme de Sévigné sous la signature de Madame de Grignan, à Usbek en s’immisçant au cœur des Lettres persanes, à des lettres d’aveu ou de rupture qui jonchent les romans. Ces exercices de décentrement prennent appui sur des observations formelles et stylistiques qui viennent contraindre l’expression en quête de liberté. En soins- études plus qu’ailleurs, il faut toujours veiller pédagogiquement à maintenir une tension dialectique entre rêverie et contrainte pour travailler sans cesse à cet équilibre protecteur du fond et de la forme, à l’articulation du dehors et du dedans, de l’interne et de l’externe. Le texte et la production littéraire ont aussi une « fonction-enveloppe »29 contenante permettant de rétablir une limitation sécurisante entre le dehors et le dedans des enveloppes psychiques « effractées » ou déshabitées.

  • 30 Voir M. Macé, Styles, critiques de nos formes de vie, Paris, Gallimard, co...

  • 31 R. Roussillon, « Un paradoxe de la représentation : le médium malléable et...

  • 32 G. Bachelard, Poétique de la rêverie, Paris, PUF, 2013.

  • 33 Idem, p. 54

28Sur le terrain ardu de l’écrit, l’élève apprend à assouplir sa « machinerie » psychique ce qui pourra lui permettre d’élargir la palette de ses registres intérieurs et de chercher son style sur la voie de la construction de son style identitaire30. Ce travail psychique semble nécessaire pour apprendre à élargir et à affiner son système de valeurs, mais également pour apprendre à discerner ce qui relève de la valeur éthique ou esthétique. Ainsi donc, tout texte littéraire est un « médium malléable31 », notion chère à René Roussillon. Dans sa fonction d’objet transitionnel, le texte littéraire ouvre sur un espace de jeu propice aux représentations symboliques. A la fois indestructible et d’une extrême sensibilité, il est capable d’infinies transformations tout en ayant une inconditionnelle vie propre. Comme peuvent l’être l’eau ou le ciel, le texte littéraire ouvre sur un univers spéculaire poétique générant des rêveries méditatives qui précèdent les élaborations et les actions ajustées au réel32. Dès lors, ce qui a vraiment de la valeur devient à la fois permanent et insaisissable comme les nuages de « L’étranger » de Baudelaire à qui, un interlocuteur fictif demande ce qui, à ses yeux, a le plus de valeur. En concevant la rêverie comme une activité psychique nécessaire, une « hygiène de l’âme33 », le professeur, par moments un peu naïf et lyrique, peut essayer d’ouvrir ses élèves à l’instant et au monde dans l’espoir que le monde s’ouvre à eux.

29L’espace intérieur de la rêverie est aussi une sorte d’« épochè », une parenthèse qui suspend momentanée le jugement, un moment où l’on se détache des opinions et des systèmes de valeurs figés et artificiels. Dans cet état méditatif d’accueil compréhensif des représentations littéraires parfois antithétiques, on ne se place ni du point de vue de la valeur, ni du point de vue de la vérité, ni du point de vue des opinions. La tolérance même, valeur éthique que l’on peut essayer de cerner intellectuellement au détour de nombreux textes argumentatifs du XVIIIe s., s’éprouve physiquement grâce à la suspension du jugement propre à la rêverie. Dans la rêverie, les idées ne sont plus en rivalité comme dans l’argumentation. L’insistance pédagogique sur l’argumentation comme voie d’accès privilégiée à l’élaboration des valeurs apparaît alors comme trop frontale entretenant sans cesse une crispation et un rapport de force entre les idées. Dans l’argumentation, les émotions même ne sont que des artifices stylistiques au service de la persuasion comme arme de domination.

30Alors même qu’elle est le lieu silencieux de l’intimité, la spécificité de la rêverie conçue comme un levier pédagogique est d’être partageable dans l’espace de la classe tout en préservant l’autonomie de la pensée de chacun. Il est donc possible d’ouvrir des moments méditatifs en classe avec des inducteurs de rêveries : écouter le triptyque poétique de Maurice Ravel ( Ondine, Le gibet, Scarbo ) en alternance avec l’analyse des trois poèmes de Aloysius Bertrand issus de Gaspard de la nuit pour saisir les liens entre la narration musicale et la musicalité du langage poétique, écouter des fugues de Bach pour mieux comprendre l’idéal esthétique de la construction romanesque de Gide dans Les Faux monnayeurs, écouter de la musique baroque à la viole de Gambe au détour de l’analyse d’extraits de Tous les matins du monde de Pascal Quignard, écouter Chloé de Duke Ellington pour comprendre les liens entre la stylistique de Boris Vian dans L’écume des jours et celle du jazz, méditer sur des monochromes pour susciter chez les élèves un conflit de valeur sur l’art abstrait et amorcer l’étude de la pièce Art de Yasmina Reza, découvrir la peinture de Zao Wou-ki, à la lisière du figuratif et de l’abstraction, pour préparer la transition entre une séquence théâtre sur Art de Yasmina Reza et une séquence sur le registre fantastique autour du Chef d’œuvre inconnu de Balzac. On peut aussi mettre en présence des objets comme supports à méditer en classe pour saisir le thème polysémique de « la vanité » au XVIIe s. et s’engager dans l’étude de « vanités poétiques » comme L’horloge de Baudelaire ou Le cageot de Francis Ponge, ou se laisser aller à la narration cinématographique poétique de Nanni Moretti dans Caro Diario, pour initier une séquence sur l’autofiction, de Duras à Amélie Nothomb.

31C’est l’écrit (autre lieu de silence solitaire qu’on doit libérer d’une évaluation systématique) qui permet à chacun dans un second temps, de domestiquer sa pensée pour lui-même dans l’espace partagé de la classe. Après l’apaisement de la pensée et un retour aux sources que la rêverie partagée en classe aura induit, l’écrit permet que se déplacent les rapports de force externes en lutte constructive avec soi-même. Après cette rêverie partagée, le travail actif de l’élaboration prend d’autant plus de la valeur. Comme pour Jean Jacques Rousseau, revenu de tout dans ses « Rêveries du promeneur solitaire », la rêverie signe la fin de ses résistances et des crispations. La rêverie partagée en classe devient alors une méthode quasi philosophique capable de saisir ce qui a vraiment de la valeur en explorant librement, sans intention préalable, ce que serait le bonheur d’apprendre en lui conférant une valeur existentielle.

32La rêverie du professeur et son « bovarysme » lucide et constructif peuvent aussi précéder les intentions et les actions pédagogiques. Une pédagogie du « contre transfert » prendrait alors pied dans les rêveries du professeur face à l’énigme de certaines impasses pédagogiques qui peuvent conduire à des échecs répétitifs. En décalant le miroir sur le terrain du littéraire et en vertu de jeux analogiques qui font un pont entre la réalité et l’idéalisation, on peut commencer à faire entrer les élèves en littérature. Toute situation pédagogique autour d’un texte littéraire qui « fait tiers » peut être conçue comme un apologue face auquel l’élève et le professeur peuvent assouplir et élargir la palette de leurs positionnements psychiques. En soins-études, c’est peut-être finalement la vertu de la souffrance des élèves qui invite le professeur de lettres à réfléchir sans cesse aux valeurs qui sont les siennes face à l’imposture des valeurs normées de la réussite.

Notes

1 J. Lacan, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », Communication du 17 juillet 1949.

2 SFES, Société française d’Expression scénique et de Scénothérapie.

3 T. Reik, Écouter avec la troisième oreille. L’expérience intérieure d’un psychanalyste, Paris, Epi, 1976.

4 S. Ionescu, M. Jacquet, C. Lhote, Les mécanismes de défense, théorie et clinique, Paris, Armand Colin, collection « Cursus », 2016.

5 M. Picard, La lecture comme jeu, Paris, Editions de minuit, collection : « critique », 1986.

6 D. Bucheton, « Les postures du lecteur », in P. Demougin et J-F. Massol (coord.), Lecture privée et lecture scolaire, CRDP de Grenoble, 1999.

7 R. Queneau, L’instant fatal, Paris, Gallimard, Poésies, 1966.

8 M. Picard, op. cit.

9 BUCHETON, D (1999). « Les postures du lecteur », in DEMOUGIN (Patrick) et MASSOL (jean-François), coord, lecture privée et lecture scolaire, CRDP de Grenoble.

10 Idem.

11 Horace, ode II, 10

12 Idem.

13 A. Green, Le travail du négatif, Paris, Minuit, 2011.

14 C. Baudelaire, Hymne à la beauté in Les Fleurs du mal, 1857.

15 M. Picard, La lecture comme jeu, Paris, Editions de minuit, collection « Critique », 1986, p. 27.

16 Idem.

17 D. Bucheton, op. cit.

18 Voir A. Braconnier et D. Marcelli, Adolescence et psychopathologie, Paris, Elsevier Masson, 2013.

19 A. Rouxel, Introduction aux 12e Rencontres internationales des chercheurs en didactique de la littérature, Rabat, 2011.

20 V. Larrivé, « Le journal de personnage ou l’art de se mettre dans la peau d’un autre », Le Français aujourd’hui n° 201, 2018, p. 68.

21 Till R.K, « Bovarysme et snobisme, deux symptômes de la nervosité des nations », Germanica n° 49, 2011. [En ligne] : http://germanica.revue.org/ 1370

22 W. Iser, L’acte de lecture, théorie de l’effet esthétique, Paris, Mardaga, 1995, p. 61.

23 U. Eco, Lector in fabula : le rôle du lecteur, ou, la coopération interprétative dans les textes narratifs. Paris, Le livre de poche, 1989.

24 R. Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Grasset, 1961.

25 A. Béguin, L’âme romantique et le rêve, Paris, Le livre de poche, 1993.

26 J. Laplanche et J-B.Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 2007.

27 Voir R. Le Naour, « La question de l’identité et du narcissisme à l’adolescence », L’information psychiatrique volume 84, 2008, p.149-154.

28 C. Baudelaire, Le spleen de Paris, petits poèmes en prose. Préface, Paris, Gallimard, 2008.

29 A. Ciccone, « Enveloppe psychique et fonction contenante », Cahiers de psychologie clinique 2001, n°17, 2001, p. 81.

30 Voir M. Macé, Styles, critiques de nos formes de vie, Paris, Gallimard, coll. « Essais », 2016.

31 R. Roussillon, « Un paradoxe de la représentation : le médium malléable et la pulsion d’emprise », dans Paradoxes et situations limites en psychanalyse, Paris, PUF, 1991.

32 G. Bachelard, Poétique de la rêverie, Paris, PUF, 2013.

33 Idem, p. 54

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Vilarroig Jessica, Les refus d’apprendre, l’élève son professeure et la littérature, Genève, IES, 2017.

Pour citer ce document

Jessica Vilarroig, «De nouvelles valeurs pédagogiques pour se (re)construire et réussir autrement», Acta Litt&Arts [En ligne], Acta Litt&Arts, Enseigner les textes littéraires par l’axiologie, Perspectives pédagogiques et didactiques, Valeurs pédagogiques, mis à jour le : 06/11/2023, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/actalittarts/452-de-nouvelles-valeurs-pedagogiques-pour-se-re-construire-et-reussir-autrement.

Quelques mots à propos de :  Jessica  Vilarroig

Professeur de lettres à l’annexe du Lycée Lakanal
Soins-études / FSEF – Fondation santé des étudiants de France