Dossier Acta Litt&Arts : Les mondes des bergers

Ronny Frédéric Schulz

Voyeurisme, violence et carnaval – Transformations de la pastourelle française et allemande au xiiie siècle

Texte intégral

1La pastourelle est un genre lyrique médiéval qui traite d’une rencontre entre un chevalier et une bergère ; le chevalier essaie de séduire la jeune fille et, dans certains cas, il la viole. Ce sont des poèmes narratifs (principalement écrits du point de vue d’un je masculin), et on y trouve souvent des dialogues. Dans cet essai nous voudrions, dans une perspective comparée, analyser les pastourelles françaises et la modification du genre chez Neidhart, poète allemand du XIIIe siècle. Si nous remarquons que les thèmes de la violence, les jeux de perspective et de déguisement (des bergers ou des « vilains ») offrent des points de rencontre entre ces deux sortes de poèmes, il importe aussi d’en montrer les différences : les poèmes du Minnesänger ne sont pas de simples adaptations, mais plutôt des points de départ importants pour mieux comprendre le conflit entre le chevalier et les paysans qui tiennent le rôle des bergers dans cette œuvre lyrique. Leur étude éclaire, de plus, la façon dont la pastourelle et sa réception soulèvent des questions portant aussi bien sur l’opposition nature/culture que sur la position du je lyrique.

2Bergers et bergères, dans la littérature médiévale, se situent entre la culture et la nature et se caractérisent par leur violence et par leur naïveté. Dans de nombreuses pastourelles du xiiie siècle, le je lyrique s’approche en secret, se présente comme un voyeur, et sort de l’ombre pour séduire la jeune bergère qui est pour lui un simple objet sexuel.

  • 1 Au Moyen Âge l’histoire de Gygès est connue par la version de Cicéron, voir...

3À première vue, bergers et bergères se distinguent des représentations antiques et bibliques comme Gygès, le roi David ou les bergers de Virgile dans les Bucoliques. Mais déjà le mythe de Gygès, selon la tradition platonicienne, combine les éléments de la violence, du voyeurisme et de la sexualité. Grâce à son anneau, le berger Gygès devient invisible, séduit la reine et tue le roi Candaule1.

  • 2 Romances et pastourelles françaises des XIIe et XIIIe siècles, éd. par Karl...

  • 3 Ibid., v. 21.

  • 4 Helen Dell, Desire by Gender and Genre in Trouvère Song, Cambridge, D. S. B...

4En ce qui concerne la pastourelle médiévale, les bergers n’ont en général pas autant de succès. L’acteur principal est le je lyrique, un chevalier qui agit selon ses désirs, comme par exemple dans la pastourelle anonyme « En mi forest entrai l’autrier ». Le je, dans ce poème, chemine dans sa forêt, et entend la voix d’une bergère : « a haute voiz s’escrie ; / une chanconete disoit, / mes ne m’i savoit mie2 ». Le sujet poétique, désigné par la jeune femme sous le nom de « franc chevalier3 », requiert alors la bergère de devenir sa maîtresse. Celle-ci refuse, mais le chevalier l’embrasse. Comme souvent dans les pastourelles, la bergère apparaît dans ce texte comme un simple objet sexuel, ce que souligne Helen Dell : « In the pastourelle the shepherdess has a certain passivity. She sits patiently, waiting to be found by the sexually interested, active narrator […]. She is always at hand when required, like some natural feature of the landscape4 ».

  • 5 Voir, p. ex., Kathryn Gravdal, « Camouflaging Rape: The Rhetoric of Sexual ...

5Cela rejoint ce que Kathryn Gravdal signalait déjà dans ses études consacrées aux violences sexuelles dans les pastourelles, notant qu’un cinquième de ces textes dépeignent des viols (« thirty-eight out of one hundred and sixty texts »)5. Par ailleurs, la bergère en position d’objet fait référence au servage. Si l’on considère que la bergère fait partie du paysage, c’est-à-dire qu’elle se rattache à la propriété seigneuriale, elle est, au sens du droit romain, un objet, en latin res, comme un esclave à l’époque antique.

6Pourtant, parmi les corpus de pastourelles en langue d’oïl, nous trouvons aussi des situations différentes : bergers vaillants qui luttent contre le seigneur et le chassent. Même si la perspective n’est pas changée – c’est encore un je lyrique, le chevalier, qui décrit la situation – le rapport de force est quant à lui complètement transformé.

7Je souhaiterais examiner quelques exemples de poèmes en ancien français et en moyen haut allemand pour démontrer que ce genre possède aussi un potentiel innovateur en combinant les éléments du récit d’une manière originale. En analysant quelques scènes-clés, il ressort qu’une variation de la pastourelle, aussi bien française qu’allemande, ouvre des voies nouvelles à l’interprétation du genre. La perspective sur la violence, la sexualité et la culture courtoise se transforme en particulier dans ces types de pastourelles, comme nous le verrons.

Neidhart et la pastourelle

  • 6 Voir en général Margarete Springeth et Franz Viktor Spechtler (éd.), Neidha...

  • 7 On trouve une première approche chez Dorothea Klein, « Der Sänger in der Fr...

8Nous prendrons pour point de départ de notre étude un poème de Neidhart, poète allemand de la première moitié du xiiie siècle. Il nous faut dire au préalable quelques mots à propos de cet auteur qui, à ce jour, reste peu connu en France. Il est originaire de Bavière, ou peut-être d’Autriche. Bien que nous ne disposions pas de sources historiques qui le concernent, près de 130 poèmes qui lui sont contemporains nous en donnent une biographie fictive6. Le je lyrique, se présente comme un noble qui possède un fief près de Vienne et se trouve en conflit avec les paysans de la région. Surtout, il relate principalement ses aventures amoureuses avec les paysannes et ses malices contre les paysans. Chez Neidhart, le mot pour qualifier les paysans est dörper (vilains), qui n’est pas d’origine allemande, mais flamande. On peut supposer que ce choix de mot désigne un type littéraire, donc artificiel. Dans son œuvre, nous remarquons un jeu subtil de perspective qui n’a pas été étudié de façon satisfaisante pour le moment7. Les poèmes présentent des dialogues entre fille et mère, chevalier et paysanne, chevalier et adversaires campagnards. De plus, le je lyrique thématise sa relation avec le public et la perspective supposée du public de l’œuvre de Neidhart.

9Ce cadre lyrique artificiel a une forte valeur de reconnaissance, raison pour laquelle nous trouvons plusieurs imitateurs allemands de l’œuvre de Neidhart jusqu’au xve siècle. Enfin, dans la réception de l’œuvre, le terme Neidhart dénomme aussi ces poèmes tardifs qui traitent de l’amour de la figure dudit poète et de ses conflits avec les paysans. De plus, il devient également une figure dans certaines nouvelles tardives et un personnage dramatique de jeux de carnaval, le Fastnachtspiel ou bien Neidhartspiel ; et n’oublions pas que cette figure connait encore un grand succès en peinture. Pensons aux fresques viennoises du début du xve siècle, pour ne mentionner qu’elles8.

  • 9 Neidhart, Die Lieder, herausgegeben von Edmund Wießner. Fortgeführt von Han...

  • 10 Voir Helmut Tervooren, « Flachsdreschen und Birnenessen. Zu Neidharts Wint...

10Au moins un poème attribué à Neidhart joue, probablement de manière parodique, avec le modèle de la pastourelle. Il s’agit de la chanson Wie sol ich die bluomen überwinden, die sô gar verdorben sint9 ? Dans ce poème, un je lyrique demande à un public imaginaire de l’aider à séduire une fileuse de lin. On apprend que la femme est plus forte que l’homme et, quand il l’approche, elle le frappe à la poitrine pour le repousser. Ce qui s’ensuit est un combat entre les protagonistes à l’issue duquel ces derniers mangent des poires (une métaphore érotique10). Finalement, dans les deux dernières strophes, le je lyrique parle de l’acte sexuel avec la fileuse. Comme on le voit dans ce résumé, il est question tant de sexualité que de violence. Pourtant, le cadre est inhabituel pour une pastourelle, parce que la protagoniste n’est pas une bergère, mais une fileuse de lin – et qu’elle résiste face au chevalier qui semble perdre sa position de domination.

  • 11 Voir Tanja Mattern, « An den Grenzen der Gattung. Zur Rezeption der Pastou...

  • 12 Voir Margarete Springeth et Ulrich Müller, « ‘Ou tu semplo, milenso, mamon...

  • 13 Neidhart, Die Lieder, op. cit., 1999, Winterlied 4, v. I, 1, p. 66. Traduc...

11On peut en déduire que la pastourelle dans la littérature allemande ne doit pas nécessairement être située dans le milieu social des bergers11. Par conséquent, nous sommes d’avis que les autres œuvres lyriques de Neidhart sont également construites sur le modèle des pastourelles12. L’un des poèmes les plus célèbres, Sinc an, guldîn huon ! ich gibe dir weize13 atteste ce fait, comme nous allons le voir.

12D’abord, le je lyrique se lamente de ses vicissitudes amoureuses. Dans la strophe suivante, l’observateur clandestin raconte que les paysans se préparent à la danse. S’ensuit une liste nominale de paysans et la critique de leur comportement et de leurs vêtements, non appropriés : les paysans portent en effet des épées et des habits courtois.

  • 14 Neidhart, Die Lieder, op. cit., 1999, Winterlied 4, v. V, 1–12, p. 68. Tra...

Sâht ir ie gebûren sô gemeiten,
als er ist?
wizze Krist!
er ist al ze vorderst anme reien.
einen vezzel zweier hende breiten
hât sîn swert.
harte wert
dünket er sich sîner niuwen treien:
diust von kleinen vier und zweinzec tuochen,
di ermel gênt im ûf die hant :
sîn gewant
sol man an eim œden kragen suochen14.

En conclusion, le je lyrique se plaint qu’un paysan nommé « Rouze » courtise une paysanne sur laquelle il prétend avoir des droits. Il n’a finalement d’autre choix que de se résigner :

  • 15 Neidhart, Die Lieder, op. cit., Winterlied 4, v. VII, 7–12, p. 69. Traduct...

[S]chamerôt
wart ich, dô si bî ein ander sâzen.
wirt si mir, der ich dâ gerne diene,
guotes gibe ich ir die wal,
Riuwental
gar vür eigen: da ist mîn Hôhiu Siene15.

13Il ne semble pas, à première vue, que ce texte soit une pastourelle, même si nous savons que Neidhart joue, dans d’autres textes – dont celui précédemment cité – avec la structure de ce genre. En comparant avec d’autres exemples de pastourelles du Nord de la France, des parallèles apparaissent pourtant évidents. À titre d’exemple, citons la pastourelle La doucors del tens novel : le je observe les bergers et bergères fêtant le mois de mai :

[P]or lo comancemant bel
dou douz mai lez un boschel
tot seus chevalchoie.
entre un pre et une voie
espringoient sor l’erboie
pastores et pastorel,
et en lor muse a frestel
vont chantant un dorenlot[.]
[…]

  • 16 Romances et pastourelles françaises, op. cit., II, 22, v. 1, 4–11 et 14–22...

Por faire le cointerel
ot chascuns un vert chapel
et blanche corroie
et ganz covez et coutel
et cotte d’un gros burel
a diverse roie.
s’ot chescuns lez lui la soie,
et chescune se contoie
por son cointe vilenel16.

  • 17 Voir Neidhart, Die Lieder, op. cit., Winterlied 4, v. IV, 1, p. 68 ; Roman...

  • 18 Voir Neidhart, Die Lieder, op. cit., Winterlied 5, v. IV, 5, p. 71.

Comme les paysans de Neidhart, les bergers ne portent pas de vêtements convenant à leur état. Le contraste est évident dans les vêtements : la ceinture blanche courtoise est en opposition à la couronne de feuilles vertes des bergers, les gants nobles au manteau de laine des rustiques. De plus, en précisant que les « vilains » font les « gracieux », le narrateur souligne son ton ironique. Comme dans le poème allemand qui fait mention de noms (pseudo-)campagnards tels que Gôzbreht, Willebolt, Gumpreht et Eppe, les bergers sont renvoyés à leur classe sociale par leur nom : Guibor, Ansel, Guiot et Maroie17. Même si les noms allemands ne sont pas des traductions du français, on trouve ailleurs chez Neidhart le nom Tuoze18 qui correspond peut-être à la touse ou tousette de la pastourelle.

  • 19 Romances et pastourelles françaises, op. cit., II, 22, v. 43–44, p. 137.

14Toujours dans La doucors del tens novel, nous remarquons ensuite que le je lyrique « en la dance molt isnel / me mis lez un sotterel19 » ; finalement, les bergers le chassent, parce qu’il est perçu comme un rival :

[K]ant vi la force n’iert moie,
sor mon cheval remontoie ;
mais l’un d’aus oing lo musel,
d’un baston li fis borsel,
puis guerpi lo dorenlot.
vos avroiz lo pikenpot
et javrai lo dorenlot.

  • 20 Ibid., v. 59–72.

Lors me sui mis a la voie,
et chascuns d’els me convoie
de baston ou de chaillel.
lor chiens Tancre et Mansel
m’ont hue senz dorenlot.
vos avrez lo pikenpot
et javrai lo dorenlot20.

Dans une autre pastourelle, attribuée à Jocelin de Bruges (1220), le je lyrique se moque initialement du berger en colère qui défend sa maitresse, mais par la suite :

  • 21 Ibid., III, 52, v. 61–70, p. 320.

Lors n’oi je talent de rire
quant irie vi le pastor,
n’eusse mestier de mire
s’il m’eust ataint le jor.
li vilains par grant vigor
son arson toise en entire,
d’un kairel me cuide occire,
et je montai, si m’en tor :
mais tant vos puis je bien dire
k’ains mais n’oi si grant paor21.

Le je lyrique de Neidhart est dans une mauvaise posture quand il séduit les paysannes. Ceci est accompagné de menaces drastiques ; le narrateur provoque les vilains :

Koeme ich zeinem tanze,
s alle giengen bî,
wurde ein spil von hende
mit beiden ekken zuo.
lîhte geviele ein schanze,
daz vor mir lægen drî.
ich hielte ez âne wende,
verbüete ez einer vruo.
sige und sælde hulfen mir gewinnen,
daz si halbe müesen dan entrinnen.
nu ziehen ûf und lâzen in ir gogelheit zerinnen!

Et le paysan outré répond :

Die wîl ich die klingen
um mîne sîten trage,
sô darf mir durch mîn sumber
niemen stechen nieht.
er muoz vil wîte springen:
begrîfe ichn mit dem slage,
ich slahe in, daz er tumber
schouwet nimmer lieht.
ich hilf im des lîbes in den aschen
und slah im mit willen eine vlaschen,
daz im die hunt daz hirne ab der erde müezen naschen.

  • 22 Neidhart, Die Lieder, op. cit., Winterlied 10, v. IV, 1–11, VIa, 1–11 et V...

Her Nîthart hât gesungen,
daz ich in hazzen wil
[…]
ich trenne in ûf, daz man wol einen sezzel in in setzet
22 ».

15Dans les poèmes présentés, il y a une variation du sujet « pastourelle ». L’accent n’est plus mis sur la relation entre le chevalier et la jeune fille, mais entre le chevalier et le paysan ou berger. Une variation qui montre également le potentiel des figures littéraires. Les paysans et les bergers, tous deux appelés « vilains » ou « fous » dans les poèmes en moyen haut allemand et en ancien français, sont des figures artificielles. En un mot, Kathryn Starkey et Edith Wenzel rattachent ceci à la poésie de Neidhart :

  • 23 Neidhart, Selected Songs from the Riedegg Manuscript. Staatsbibliothek zu ...

Neidhart’s peasant men are often portrayed as village dandies, striving to adopt courtly mannerisms. They are ridiculous and vain, but they frequently gain the upper hand over two of the figures that Neidhart creates in his songs: the singer and the man from Reuental, an impoverished and down-at-heel member of the aristocracy. The peasant maidens frame their desires in terms of courtly love, but are more open to sensual pleasures than their courtly counterparts, and are often seduced by the singer or the man from Reuental. In creating his peasant milieu, Neidhart draws on courtly conventions, often citing, mimicking, or parodying them. The peasants in the Neidhart songs misappropriate courtly mannerisms and objects. As such, they are not meant to be realistic depictions of peasants but rather foils to the court23.

16Cela vaut également pour certaines pastourelles françaises représentant, comme nous l’avons vu, les fêtes de berger. Le caractère artificiel des figures devient clair dans la variation. En masquant les figures, les bergers – se faisant passer pour des chevaliers – indiquent la nature du camouflage ; ainsi, le déguisement est discuté sur un méta-niveau. La pastourelle montre simplement dans la variation que les bergers et les bergères ne se réfèrent pas à un état réel, mais doivent être envisagés comme des figures littéraires. La pastourelle, à l’instar de la poésie amoureuse courtoise, tente de faire participer l’auditoire médiéval à la pratique de la littérature. De cette façon, les poèmes courtois tentent de transmettre la littérature au public médiéval par la répétition permanente du modèle littéraire. De ce point de vue, les textes permettent au public d’accentuer d’autres problèmes : par exemple la question de l’étiquette de la cour, le traitement de la violence et de la sexualité par le biais de l’aliénation.

Carnaval

  • 24 Cet aspect a été pris en considération chez Petra Herrmann, Karnevaleske S...

  • 25 Mikhaïl Bakhtine, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au ...

  • 26 Voir, p. ex., Richard M. Berrong, Rabelais and Bakhtin. Popular Culture in...

  • 27 Voir Jacques Heers, Fêtes des fous et Carnavals, Paris, Fayard, 1983, p. 1...

17Ces motifs (le monde à l’envers où le chevalier est persécuté par les bergers, la violence exubérante, la frivolité qui ne convient pas à l’amour courtois) nous mènent à la question suivante : les poèmes nous présenteraient-ils une sorte de carnaval24 ? Pour Mikhaïl Bakhtine, le « carnaval, avec son système complexe d’images, était l’expression la plus complète et la plus pure de la culture comique populaire25 » parmi les fêtes de l’année. C’est pourquoi le scientifique soviétique fait du carnaval une base pour son enquête sur la littérature du Moyen Âge et de la Renaissance. Mais le concept de carnavalesque est – comme nous le savons maintenant – un positionnement idéologique26. La culture populaire, dans les chansons parodiques et dans les textes comiques du Moyen Âge est surtout le produit, d’une culture courtoise. Les textes ne seraient alors qu’une réminiscence des fêtes de fous folkloriques. Par exemple, la fête de l’âne que Bakhtine mentionne n’est qu’une manifestation religieuse27.

18Dans les pastourelles du XIIIe siècle nous trouvons aussi des rituels comparables à l’élection du roi de la fève :

A lai follie a Donmartin
a l’entree dous tens novel
s’asamblerent par un matin
pastorelles et pastorel :
roi ont fait dou plus bel.
mantel ot de kamelin
et cote de burel.
[…]

  • 28 Romances et pastourelles françaises, op. cit., II, 41, v. 1–7 et 13–20, p....

Le roi ont mis sor un cussin,
si l’asirent an un praiel,
puis si demanderent le vin.
grant joie moinnent li donzel.
Gautier fait le muel
et Jaket le pelerin,
et Gui le roubardel
et Baudouin fait l’anfle28.

Dans les deux strophes précédentes se dessine une mise en scène de la compagnie des bergers : chacun joue son rôle. Il ne faut pas oublier que les bergers sont eux-mêmes des personnages dans un jeu littéraire. Ils ne sont ni de vrais bergers ni des chevaliers. Par conséquent, le rituel devient un topos littéraire. Les bergers se déguisent en nobles pour organiser leur fête transgressive et sont ridiculisés du point de vue d’une société courtoise.

19Ainsi, très souvent, la fête dans les textes français et allemands, se solde par une bagarre. De plus, en prenant note de l’absence du je lyrique dans le poème cité, nous pouvons souligner le voyeurisme de ces textes : le public devient le témoin secret d’une fête des bergers. Dans les pastourelles, le moi est d’abord caché ; dès qu’il se fait connaitre, des conflits menacent de se produire. Par exemple, chez Neidhart, le je est dépeint se cachant dans un tonneau :

  • 29 Siegfried Beyschlag (éd.), Die Lieder Neidharts. Der Textbestand der Perga...

Dô lag ich in dem vazze gesmogen
nâhe bî dem wîne,
unz daz sich huop ein zweien,
von ein schedelîn geschach29.

Cette position de départ présente un voyeur qui a peur d’être découvert. Clairement, ces vers font allusion à la perspective de l’observateur. De ce fait, c’est uniquement le point de vue du je lyrique qui est présent. La situation est amusante, mais on ne peut pas y voir un carnaval folklorique. Pour parvenir à faire rire le public, la pastourelle, qui décrit généralement une histoire d’amour entre un chevalier et une bergère, rend le public complice, comme le dit Michel Zink :

  • 30 Michel Zink, La pastourelle. Poésie et folklore au Moyen Âge, Paris et Mon...

Mais le récit à la première personne a une autre utilité ; il crée une complicité forcée entre l’auditeur et le poète séducteur, il contribue à rendre la bergère plus radicalement étrangère en empêchant l’auditeur, quoi qu’il arrive, de se mettre à sa place ou de se sentir de son côté30.

Mais que se passe-t-il si le je lyrique ne ressort pas victorieux ? Le public conserve initialement sa fonction de voyeur. Tout comme il a assisté à la séduction de la fille, il assiste maintenant à l’expulsion du je lyrique. D’un côté, le public peut maintenant – comme les bergers – se moquer du séducteur éconduit ; de l’autre côté, l’auditoire est également stylisé de la même manière que les bergers – du point de vue du je lyrique.

20Tout d’abord, il est à noter que la pastourelle met le public dans la situation d’un voyeur. Nous accompagnons le je lyrique pendant qu’il regarde la jeune bergère. Mais le je change de rôle, il interagit avec le personnage qu’il regarde. Les bergers le perçoivent et agissent agressivement envers lui. Le rôle du public reste constant, il prend en charge la fonction du poète. Il y a une tournure amusante, car le je lyrique n’est plus dans la position dominante mais devient lui-même le perdant.

21Le public est ainsi conduit à adopter une perspective plus large. L’auditoire ne peut plus s’identifier au moi qui décrit la situation, en conséquence le public pourrait occuper la position d’un simple berger. Ce serait un jeu subtil et peut-être humoristique du poète qui présente au public un je lyrique perdant et en même temps rend le public berger lui-même.

  • 31 Philippe Descola rappelle la rencontre entre la représentation dichotomiqu...

  • 32 Voir Mary M. Paddock, « Speaking of Spectacle: Another Look at Walther’s ‘...

  • 33 Voir Jérôme Meizoz, « ‘Postures’ d’auteur (Ajar, Rousseau, Céline, Houelle...

22En outre, ce que l’on présente ici comme culture populaire est principalement une présentation stylisée de la culture rurale, bien qu’il y ait des points de contact avec des rites du printemps, comme le carnaval. À première vue, les paysans ou les bergers apparaissent comme une contre-société ; ou plus exactement, ils apparaissent comme des sauvages face aux nobles civilisés. Cela pourrait rappeler la dichotomie natureculture qui a parfois été également revendiquée en littérature médiévale, alors qu’elle est une distinction moderne. Car il est en réalité impossible de tirer une ligne de démarcation nette dans le champ des mentalités, entre ces deux réalités au Moyen Âge31. Les paysans sont des figures artificielles ; par conséquent le triomphe des bergers n’est pas équivalent au « triomphe de la nature ». Comme nous l’avons constaté, le public et les « vilains » sont assimilés dans ce jeu complexe. Le narrateur se démarque de son public, il est un « médiateur d’images » qui se sépare de son public, comme l’a déjà souligné Mary M. Paddock pour l’œuvre de Walther von der Vogelweide32. Au lieu de cela, il est également possible de parler d’une « posture d’auteur » au sens de Jérôme Meizoz33. En faveur de cette posture, l’accent mis sur la question de la violence et du statut des bergers et paysans se trouve déplacé sur la question de la figure de l’auteur. Contrairement à ce que dit Meizoz, il n’est pas question d’« éthos discursif » pour la « posture d’auteur » dans la pastourelle ; on trouve plutôt dans les pastourelles et chez Neidhart un personnage actif qui se manifeste aussi bien comme agresseur que comme personnage souffrant. Cette conception permet évidemment à un poète de langue allemande de reprendre le modèle de la pastourelle. Pour Neidhart, ce genre sert à modifier le chant courtois d’une manière ironique.

Jeux de perspective

  • 34 Voir Erwin Panofsky, La perspective comme forme symbolique et autres essai...

  • 35 Voir Neidhart, Die Lieder, op. cit., Sommerlied 11, p. 13–15. À propos de ...

23La perspective, comme Erwin Panofsky l’a théorisée au xxe siècle, est une « forme symbolique34 ». Définir une perspective, telle que la perspective centrale, est un processus idéologique : si un poète travaille sur un sujet, il en donne également une perspective. Il amène donc le public à partager son point de vue sur les choses ; et le public adhère ou non à son point de vue. Par exemple, sur le plan métaphorique de la perspective, le poète tente de donner aussi à son auditoire un point de vue introspectif. Cela se reflète chez Neidhart dans une chanson de croisade35. Dans ce poème, le je lyrique se rend en Terre Sainte à bord d’un navire, il pense qu’il ferait mieux d’être chez lui, avec son auditoire. Malheureusement, il ne lui reste qu’un messager qui doit ramener sa chanson à sa ville natale. Ici, une illusion est générée qui tente de présenter les divers points de vue, celui du poète en croisade et celui du public qui reste à la maison. Sur le bateau, le sujet poétique ne peut que réfléchir au fait qu’il aimerait chanter au sujet de l’amour et des paysans, pareil au je lyrique dans la poésie courtoise qui ne peut que réfléchir à l’amour. Par conséquent, ce méta-niveau montre un jeu avec des attributions de rôles : les auditeurs réels reflètent l’auditoire imaginaire dans le poème, l’interprète, pendant la performance du poème, correspond – pour le public – au je lyrique. Entre ces groupes – je lyrique, interprète du poème, auditoire réel et auditoire imaginaire – nous trouvons les paysans et les bergers qui intéressent le public.

  • 36 Giorgio Agamben, Stanze. Parole et fantasme dans la culture occidentale, t...

24Pourquoi nous intéressons-nous seulement à la pastourelle ? D’une part nous avons, aux xiie et xiiie siècles, le grand chant courtois, la poésie d’inspiration courtoise qui se développe dans la généralité et l’abstraction. Dans ce cas, le je lyrique agit dans le cadre d’un « topos outopos36 » comme l’appelle Giorgio Agamben, un lieu utopique construit par le désir permanent du je lyrique pour sa dame inaccessible. D’autre part, nous trouvons la pastourelle, dit genre objectif, comme petit récit avec des lieux qui semblent réels.

  • 37 Nous pensons, par exemple, à Jean Bodel qui – comme l’un des prédécesseurs...

25Pour la société courtoise de cette période, la littérature est un savoir-faire à apprendre. Les poètes doivent se légitimer et ils veulent montrer le potentiel de leur discipline. La pastourelle, telle qu’elle était reçue dans le Sud de la France, est adaptée à la culture du xiiie siècle, mais la variation apporte une nouvelle perspective. L’innovation montre un perdant, les bergers triomphent et deviennent alors des figures littéraires. Le poète peut organiser les personnages à sa guise comme sur une petite scène et il peut décevoir les attentes de son auditoire. Auparavant, le public prenait la position du voyeur, comme le je lyrique. Mais quand la situation change, et les bergers dominent, la nouvelle variation ne correspond plus au modèle initial « pastourelle ». Car, depuis ses débuts supposés, la pastourelle est un domaine où ont lieu de fréquentes transformations37. Grâce à cette souplesse du genre, il est même possible que le thème de la sexualité violente se déplace et prenne la forme d’une situation conflictuelle entre chevalier et paysans ou bergers. Le chevalier n’a plus des aventures amoureuses, il rencontre une désillusion.

26Friedrich Wolfzettel parle déjà de la désillusion à l’égard de la dichotomie « nature – culture » pour les pastourelles dites conventionnelles, parce que la bergère n’incarne pas la nature mythique qu’on espère trouver en elle :

  • 38 Friedrich Wolfzettel, « Sur la fonction et le statut de la pastourelle en ...

En effet, la pastourelle implique en quelque sorte le principe de la dés-illusion. Alors que la bergère en tant qu’objet du désir se situe symboliquement à la lisière de la nature sauvage, comme s’il s’agissait de montrer l’attrait mythique, la fonction sociale de la bergère renvoie au domaine opposé, le jeu, la danse ou même l’ouvrage fait à la main appartenant à un contexte culturel38.

Il convient toutefois de noter que même la recombinaison des éléments entraîne une désillusion, c’est pourquoi, la variation de la pastourelle donne matière à réfléchir.

27Dans la poésie amoureuse courtoise des troubadours et trouvères se trouve une réflexion très sophistiquée sur le sujet. En revanche, dans la pastourelle de type « narrateur/chevalier séduit une jeune fille » on sent un thème voyeuriste et léger. En modifiant ce type, le public doit repenser les rôles conventionnels. En outre, le déguisement des bergers et des paysans montre leur statut indéfini : avons-nous ici des paysans pseudo-aristocratiques ou des nobles déguisés en bergers ? La pastourelle devient ainsi un jeu subtil de perspectives dans la réception littéraire, en France et chez Neidhart qui l’emprunte au français. Ce jeu pousse le public médiéval à repenser également la littérature et les comportements sociaux de la cour.

Notes

1 Au Moyen Âge l’histoire de Gygès est connue par la version de Cicéron, voir Cicero, De Officiis, éd. M. Winterbottom, Oxford, University Press, « coll. Scriptorum Classicorum Bibliotheca Oxoniensis », 1994, l. III. 38, p. 123–124.

2 Romances et pastourelles françaises des XIIe et XIIIe siècles, éd. par Karl Bartsch, Leipzig, Vogel, 1870, II, 28, v. 13-15, p. 146.

3 Ibid., v. 21.

4 Helen Dell, Desire by Gender and Genre in Trouvère Song, Cambridge, D. S. Brewer, « coll. Gallica 10 », 2008, p. 14.

5 Voir, p. ex., Kathryn Gravdal, « Camouflaging Rape: The Rhetoric of Sexual Violence in the Medieval Pastourelle », dans Romanic Review, 1985, 76, 4, p. 361–373 (citation p. 361).

6 Voir en général Margarete Springeth et Franz Viktor Spechtler (éd.), Neidhart und die Neidhart-Lieder. Ein Handbuch, Berlin et Boston, Walter de Gruyter, « coll. De Gruyter Reference », 2018 ; et les brefs aperçus à ce sujet en français : André Moret, Anthologie du Minnesang. Introduction, textes, notes et glossaire, Paris, Aubier, « coll. Bibliothèque de philologie germanique XIII », 1949, p. 44–46 ; Poésie d’amour du Moyen Âge allemand, trad. Danielle Buschinger, Marie-Renée Diot et Jean-Marc Pastré. Introduction par Jean Fourquet avec la collaboration de Danielle Buschinger, Amiens, Presses du « Centre d’Études Médiévales », Université de Picardie – Jules Verne, « coll. Médiévales 14 », 2001, p. 11–12.

7 On trouve une première approche chez Dorothea Klein, « Der Sänger in der Fremde. Interpretation, literarhistorischer Stellenwert und Textfassungen von Neidharts Sommerlied 11 », dans Zeitschrift für deutsches Altertum und Literatur, 2000, 129, p. 1–30.

8 Voir Neidhart-Fresken, dans https://www.wienmuseum.at/en/locations/neidhart-fresken.html, (consulté le 4 décembre 2018).

9 Neidhart, Die Lieder, herausgegeben von Edmund Wießner. Fortgeführt von Hanns Fischer. Fünfte, verbesserte Auflage herausgegeben von Paul Sappler. Mit einem Melodienanhang von Helmut Lomnitzer, Tübingen, Max Niemeyer, « coll. Altdeutsche Textbibliothek 44 », 1999, Winterlied 8, v. I, 1–2, p. 77. Nous traduisons : « Comment puis-je faire face au fait que les fleurs sont si gâtées ». Pour la discussion du poème, voir Ingrid Bennewitz, « Die Pastourelle. Neidhart : Wie sol ich die bluomen uberwinden », dans Gedichte und Interpretationen. Mittelalter, dir. Helmut Tervooren, Stuttgart, Reclam, 1993, p. 321–337 ; Sabine Christiane Brinkmann, Die deutschsprachige Pastourelle. 13. bis 16. Jahrhundert, Bonn, Rheinische Friedrichs-Wilhelms-Universität, 1976, p. 223–236.

10 Voir Helmut Tervooren, « Flachsdreschen und Birnenessen. Zu Neidharts Winterlied 8 : ‘Wie sol ich die bluomen überwinden’« , dans « bickelwort » und « wildiu mære ». Festschrift für Eberhard Nellmann zum 65. Geburtstag, dir. Dorothee Lindemann, Berndt Volkmann et Klaus-Peter Wegera, Göppingen, Kümmerle, « coll. Göppinger Arbeiten zur Germanistik 618 », 1995, p. 272–293.

11 Voir Tanja Mattern, « An den Grenzen der Gattung. Zur Rezeption der Pastourelle in der mittelhochdeutschen Lyrik », dans Euphorion. Zeitschrift für Literaturgeschichte, 2016, 110, p. 289.

12 Voir Margarete Springeth et Ulrich Müller, « ‘Ou tu semplo, milenso, mamone !’ Neidhart, Dante und die italienische Pastourelle », dans Die deutsche Literatur des Mittelalters im europäischen Kontext, dir. Rolf Bräuer, Göppingen, Kümmerle, « coll. Göppinger Arbeiten zur Germanistik 651 », 1998, p. 108, qui sont du même avis, sans fournir d’exemples.

13 Neidhart, Die Lieder, op. cit., 1999, Winterlied 4, v. I, 1, p. 66. Traduction de Danielle Buschinger : « Chante, mon poulet doré ! Je te donnerai du bon blé » (Poésie d’amour du Moyen Âge allemand, op. cit., 2001, p. 74).

14 Neidhart, Die Lieder, op. cit., 1999, Winterlied 4, v. V, 1–12, p. 68. Traduction de Danielle Buschinger : « Avez-vous jamais vu vilain aussi joyeux / que lui ? / Dieu sait / qu’il est toujours le premier à mener la ronde. / Son épée / a un baudrier de deux mains de large ; / et il se croit quelqu’un de très bien avec son nouveau pourpoint, / qui est fait de vingt-quatre petits morceaux de drap. / Les manches lui descendent jusque sur la main. / Cet habit-là, / on le trouvera sur le dos d’un pauvre lourdaud » (Poésie d’amour du Moyen Âge allemand, op. cit., p. 75).

15 Neidhart, Die Lieder, op. cit., Winterlied 4, v. VII, 7–12, p. 69. Traduction de Danielle Buschinger : « J’étais rouge de honte / quand ils étaient assis ensemble. / Si elle, que je sers avec joie, devient mienne, / je lui donnerai le bien qu’elle choisira, / Reuenthal / en propre : c’est ma haute ville de Sienne » (Poésie d’amour du Moyen Âge allemand, op. cit., p. 76).

16 Romances et pastourelles françaises, op. cit., II, 22, v. 1, 4–11 et 14–22, p. 135–136.

17 Voir Neidhart, Die Lieder, op. cit., Winterlied 4, v. IV, 1, p. 68 ; Romances et pastourelles françaises, op. cit., II, 22, v. 27–29.

18 Voir Neidhart, Die Lieder, op. cit., Winterlied 5, v. IV, 5, p. 71.

19 Romances et pastourelles françaises, op. cit., II, 22, v. 43–44, p. 137.

20 Ibid., v. 59–72.

21 Ibid., III, 52, v. 61–70, p. 320.

22 Neidhart, Die Lieder, op. cit., Winterlied 10, v. IV, 1–11, VIa, 1–11 et VIb, 1–2 et 11, p. 83. Nous traduisons : « Si j’allais à la danse où tout le monde se rend, j’y commencerais par jouer avec les deux lames de mon épée. Je pourrais sans mal avoir assez de chance pour en allonger trois à mes pieds. Et si l’enjeu devait être élevé, alors j’emporterais la partie. Victoire et chance m’aident à l’emporter, la moitié d’entre eux devra s’enfuir. Allons, détruisons leur folie ! […] Tant que je porte une épée à mon flanc, personne ne peut percer mon tambour. Il lui faut sauter bien loin, car si l’un de mes coups l’atteint, je le frappe, et cet imbécile ne reverra plus jamais la lumière. Je jette son corps dans la cendre et lui donne volontiers une gifle telle que les chiens pourront au sol lui lécher la cervelle. […] Monsieur Neidhart a chanté, c’est pourquoi je vais le détester […] Je vais te couper qu’on fasse une chaise de toi ».

23 Neidhart, Selected Songs from the Riedegg Manuscript. Staatsbibliothek zu Berlin – Preußischer Kulturbesitz, Ms. germ. fol. 1062, éd. Kathryn Starkey et Edith Wenzel, Kalamazoo, Western Michigan University, Medieval Institute Publications, « coll. TEAMS, Medieval German Texts in Bilingual Editions V », 2016, p. 15.

24 Cet aspect a été pris en considération chez Petra Herrmann, Karnevaleske Strukturen in der Neidhart-Tradition, Göppingen, Kümmerle, « coll. Göppinger Arbeiten zur Germanistik 406 », 1984, qui aborde particulièrement le « doublage » Bakhtinien pour Neidhart et ses imitateurs.

25 Mikhaïl Bakhtine, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance (1970), trad. Andrée Robel, Paris, Gallimard, « coll. Bibliothèque des Idées 70 », 2016, n. 2, p. 89.

26 Voir, p. ex., Richard M. Berrong, Rabelais and Bakhtin. Popular Culture in Gargantua and Pantagruel, Lincoln et London, University of Nebraska, 1986.

27 Voir Jacques Heers, Fêtes des fous et Carnavals, Paris, Fayard, 1983, p. 136–141.

28 Romances et pastourelles françaises, op. cit., II, 41, v. 1–7 et 13–20, p. 160.

29 Siegfried Beyschlag (éd.), Die Lieder Neidharts. Der Textbestand der Pergament-Handschriften und die Melodien. Text und Übertragung, Einführung und Worterklärungen, Konkordanz. Edition der Melodien von Horst Brunner, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1975, v. VII, 1–4, p. 372. Nous traduisons : « Je m’étais caché dans un tonneau, près du vin, jusqu’au début de la danse du couple. Cela devrait causer des problèmes ».

30 Michel Zink, La pastourelle. Poésie et folklore au Moyen Âge, Paris et Montréal, Bordas, 1972, p.

31 Philippe Descola rappelle la rencontre entre la représentation dichotomique latine et de la représentation concentrique germanique de l’espace. Voir Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005, p. 110 ; pour la pastourelle (allemande) voir Tanja Mattern, « An den Grenzen », op. cit., 2016, p. 290.

32 Voir Mary M. Paddock, « Speaking of Spectacle: Another Look at Walther’s ‘Lindenlied’« , dans The German Quarterly, 2004, 77, 1, p. 12 et 17–18.

33 Voir Jérôme Meizoz, « ‘Postures’ d’auteur (Ajar, Rousseau, Céline, Houellebecq) », dans Vox Poetica, critique et théorie, 2004, http://www.vox-poetica.org/t/articles/meizoz.html (consulté le 20 février 2019).

34 Voir Erwin Panofsky, La perspective comme forme symbolique et autres essais (1975), trad. Guy Ballangé, précédés de La question de la perspective par Marisa Dalai Emiliani, Paris, Les éditions de minuit, « coll. Le sens commun », 2014.

35 Voir Neidhart, Die Lieder, op. cit., Sommerlied 11, p. 13–15. À propos de la chanson de croisade chez Neidhart, voir Dorothea Klein, « Der Sänger », op. cit.

36 Giorgio Agamben, Stanze. Parole et fantasme dans la culture occidentale, trad. Yves Hersant, Paris, Éditions Payot & Rivages, 1998, p. 216.

37 Nous pensons, par exemple, à Jean Bodel qui – comme l’un des prédécesseurs importants du genre –

38 Friedrich Wolfzettel, « Sur la fonction et le statut de la pastourelle en ancien français : Genre, fonction sociale, structure mythique », dans Friedrich Wolfzettel, La poésie lyrique du Moyen Âge au nord de la France (en annexe : France et Italie). Études choisies, Paris, Honoré Champion, 2015, p. 98.

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Zink, Michel, La pastourelle. Poésie et folklore au Moyen Âge, Paris et Montréal, Bordas, 1972.

Pour citer ce document

Ronny Frédéric Schulz, «Voyeurisme, violence et carnaval – Transformations de la pastourelle française et allemande au xiiie siècle», Acta Litt&Arts [En ligne], Acta Litt&Arts, Les mondes des bergers, mis à jour le : 06/11/2023, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/actalittarts/539-voyeurisme-violence-et-carnaval-transformations-de-la-pastourelle-francaise-et-allemande-au-xiiie-siecle.

Quelques mots à propos de :  Ronny Frédéric  Schulz

Christian-Albrechts-Universität zu Kiel