Dossier Acta Litt&Arts : Les mondes des bergers

Jeanne Mousnier-Lompré

Réécritures du Jeu de Robin et Marion. Présentation des travaux des masterants du séminaire de littérature médiévale de l’ENS de Lyon

Texte intégral

Un palimpseste est un parchemin dont on a gratté la première inscription pour en tracer une autre, qui ne la cache pas tout à fait, en sorte qu’on peut y lire, par transparence, l’ancien sous le nouveau. On entendra donc, au figuré, par palimpsestes (plus littéralement : hypertextes), toutes les œuvres dérivées d’une œuvre antérieure, par transformation ou par imitation. De cette littérature au second degré, qui s’écrit en lisant, la place et l’action dans le champ littéraire sont généralement, et fâcheusement, méconnues. On entreprend ici d’explorer ce territoire. Un texte peut toujours en lire un autre, et ainsi de suite jusqu’à la fin des textes. Celui-ci n’échappe pas à la règle : il l’expose et s’y expose. Lira bien qui lira le dernier.

  • 1 Genette, Gérard, Palimpsestes, La littérature au second degré, Paris, Seuil...

Gérard Genette, Palimpsestes1
     
     
     
     

  • 2 Adam de la Halle, Œuvres complètes, éd. et trad. Pierre-Yves Badel, Paris, ...

1Au sein du séminaire « Les femmes sur les tréteaux » organisé par Mme Beate Langenbruch à l’ENS de Lyon, de jeunes masterants de Lettres, d’Histoire et de Sciences sociales ont choisi de s’exposer pleinement à cette règle et de la mettre en pratique dans leurs travaux de réécritures de la célèbre pièce d’Adam de la Halle : Le Jeu de Robin et Marion, écrite en 1285 probablement à Naples selon les sources historiques2.

  • 3 Langenbruch, Beate, « Le Moyen Âge par la réécriture : apprendre en métamor...

  • 4 Selon Gérard Genette, un « hypotexte » est le texte source dont sont dérivé...

  • 5 Voir l’introduction de Gaunt, Simon,Gender and Genre in Medieval French Lit...

2Le projet pédagogique et universitaire de Mme Beate Langenbruch est « d’apprendre en métamorphosa3 » le travail de réécriture permettant « de comprendre le fonctionnement d’un texte dans son contexte générique, historique, social, culturel, avant de l’adapter dans un nouveau cadre et dans un genre - voire un langage artistique - autre qui possède ses lois spécifiques ». À chaque génération son hypotexte4. Après Le Miracle de Sainte Bautheuch, qui a fait l’objet d’une exposition à Rouen, et Guigemar de Marie de France, les réécritures du Jeu de Marion et Robin sont les créations de la cinquième génération du séminaire (2017-2018). Dans la revue Perspectives Médiévales, l’enseignante-chercheuse explique que ces réécritures transgénériques et transmodales réalisées par les étudiants ne représentent pas le sujet même du séminaire, mais en constituent l’issue. L’intitulé du séminaire était alors « Les femmes des tréteaux (images de femmes dans le théâtre médiéval) », interrogeant le dialogue entre genre littéraire et genre masculin/féminin (ou « gender ») dans le théâtre médiéval : dans quelle mesure un genre littéraire qui se définit par des règles, des motifs récurrents et repérables par son lectorat, représente-t-il une construction sociale fondée sur le sexe féminin susceptible d’être transmise à son public et intégrée par lui ? Le genre féminin, qu’il soit représenté au sein de l’œuvre ou par son auteur, peut-il participer à la définition d’un genre littéraire5 ?

  • 6 L. Smith, Geri, The Medieval French Pastourelle Tradition, Poetic Motivatio...

  • 7 Zumthor, Paul, Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, coll. Poétique, 1...

  • 8 Zink, Michel, La pastourelle, poésie et folklore au Moyen-Âge, éd. Céard Je...

  • 9 Mazouer, Charles, Le Théâtre français au Moyen Âge, Paris, Honoré Champion,...

  • 10 Payen, Jean-Charles, « Le théâtre et la culture urbaine » dans Revue d’his...

  • 11 Dufournet, Jean, Le théâtre arrageois au XIIIe siècle, Paris, Paradigme, c...

3Ce type d’interrogation s’est en effet posé pour la lecture et la réécriture du Jeu de Robin et Marion. La pièce d’Adam de la Halle a suscité l’intérêt de la recherche pour son caractère hybride, volontairement hybride selon certains spécialistes6, dans un temps où les frontières génériques sont particulièrement mouvantes. Paul Zumthor7, Michel Zink8 ou encore Charles Mazouer9 ont étudié la manière dont Le Jeu de Robin et Marion reprend à son compte les motifs du poème lyrico-narratif qu’est la pastourelle. Mais la pièce d’Adam de la Halle dépasse la simple adaptation dramatique du genre lyrique, ce que d’autres chercheurs comme Jean-Charles Payen10 ou Jean Dufournet11 ont montré notamment à travers l’étude du tressage du genre de la pastourelle avec celui de la bergerie. Il semble d’ailleurs difficile de définir la pièce sans convoquer ce mélange des genres opéré par son auteur. À la définition générique, s’articule la question de la représentation sociale des personnages de la pièce, comme le portrait des paysans ou l’image de la femme. Le schéma narratif de la pastourelle implique d’emblée une dissymétrie des relations sociales puisqu’elle met en scène la séduction d’une pastoure par un chevalier, ce qui amène à s’interroger sur la manière dont la transposition dramatique, ainsi que l’entrelacement avec la bergerie, renouvellent les représentations traditionnelles inscrites dans la pastourelle.

4Les réécritures sont autant de lectures du texte : les hypertextes hiérarchisent et interprètent, amplifient ou condensent les richesses et les silences de l’œuvre d’origine. Les réécritures mêlent ainsi l’analyse critique de leur hypotexte et le parti pris qu’elles souhaitent y appliquer, offrant alors une vision ciblée à la fois de l’œuvre médiévale et du temps de leur propre création dans lequel elles sont ancrées. Quoi de mieux qu’un travail de création transgénérique pour étudier une pièce de théâtre marquée par son hybridité générique ?

5C’est donc à partir de ces travaux de réécritures que je propose de voir comment chaque hypertexte éclaire à sa manière différents aspects de son hypotexte, comment les réécritures illustrent les multiples facettes de la pièce d’Adam de la Halle et ce qu’il advient du monde des bergers quand il fait l’objet de réécritures au XXIe siècle.

La transgénéricité chez Adam de la Halle

Des ludi au Jeu

  • 12 Mazouer, Charles, Le Théâtre français au Moyen Âge, Paris, Honoré Champion...

  • 13 Dufournet, Ibidem, p. 167.

  • 14 Adam de la Halle, Œuvres complètes, éd. et trad. Pierre-Yves Badel, Paris,...

  • 15 Adam de la halle, Le Jeu de Robin et Marion, suivi du Jeu du Pèlerin, éd. ...

6Adam de la Halle opère lui-même un travail de transmodalité et de transgénéricité en écrivant Le Jeu de Marion et Robin. La pièce a sans doute été rédigée à Naples alors que le Bossu suivait le Comte d’Artois, seigneur de la ville d’Arras, qui se rendait chez [son] oncle Charles pour lui apporter des renforts durant les Vêpres siciliennes. Elle a probablement été représentée devant un public noble12. Le « jeu », en tant que genre théâtral, connaît un grand succès à Arras au XIIIe siècle et témoigne de l’évolution du théâtre du religieux au profane puisqu’il provient des ludi, mises en scène de l’Écriture sainte, qui étaient souvent représentées le jour même de la célébration des offices (Noël, la fête des Innocents, l’Épiphanie). Pour Jean Dufournet le jeu « conserve assez de liberté pour accueillir des éléments hétérogènes sous la pression du réel13 ». En effet, en déplaçant son intrigue dans un cadre pastoral, Adam de la Halle crée des divertissements pour ses personnages : ils jouent à la « choule » (jeu de balle), à « Saint Côme » (celui qui est désigné comme saint doit faire rire ceux qui lui font des offrandes), et aux « Roi et à la Reine » (les participants doivent répondre aux questions indiscrètes de celui désigné comme roi14). Selon Jean Dufournet, ces jeux illustrent l’origine religieuse du théâtre tout en rattachant la pièce au genre de la bergerie qui célèbre les fêtes de village, alors que pour Ernest Langlois, ces jeux constitueraient une amplification de la pastourelle où « les divertissements champêtres sont à peine décrits15 ».

La pastourelle classique

  • 16 Zink, Michel, La pastourelle, poésie et folklore au Moyen-Âge, Ibidem, p. ...

  • 17 Zink, Michel, La pastourelle, poésie et folklore au Moyen-Âge, Ibidem, p. ...

7La pastourelle est sans doute l’un des genres fondateurs de la pièce qui nous a le plus inspiré pour composer nos différentes réécritures. Il s’agit d’un poème lyrique qui met en scène la rencontre entre un chevalier et un bergère. Il se compose généralement d’une partie narrative souvent assurée par le chevalier et d’un dialogue entre les deux personnages dans lequel le chevalier offre son amour à la pastoure16. Les issues de la rencontre varient selon les poèmes dont le plus ancien a été écrit en 1140 par le troubadour Marcabru et s’intitule L’autrier, a l’issida d’abriu. Dans cette première pastourelle occitane, la bergère rejette son séducteur après une joute verbale, mais ce n’est pas forcément le cas de tous les poèmes de ce genre, notamment dans les textes plus tardifs en langue d’oïl17 : certains relatent les violences de la part du chevalier qu’entraîne le refus de la bergère, d’autres l’aide apportée par un berger de son entourage, mais on trouve aussi des poèmes où la bergère accepte les avances de son séducteur.

  • 18 Adam de la Halle, Le Jeu de Robin et Marion, suivi du Jeu du Pèlerin, Ibid...

  • 19 Bartsch, Karl, Romances et Pastourelles française des XIIe et XIIIe siècle...

  • 20 Dufournet, Ibidem, p. 167.

  • 21 Genette, Gérard, Palimpsestes, la littérature au second degré, Paris, Seui...

8Le Jeu de Robin et Marion reprend le schéma narratif de la pastourelle à tel point qu’Ernest Langlois écrit dans la préface de l’édition de Mario Roques : « Si l’on prend une pastourelle, que l’on supprime la partie narrative, on aura un petit drame qui sera la miniature du Jeu de Robin et Marion18 ». Le premier indice se trouve dans l’onomastique : « Robin » et « Marion » sont des noms typique du genre de la pastourelle19. Le sujet ne change pas : le chevalier Aubert offre son amour à Marion qui le refuse notamment parce qu’elle est amoureuse de Robin, bien que celui-ci soit incapable de la défendre face au chevalier. Marion arrive à repousser son prétendant au bout de deux altercations. Mais la transposition au théâtre place la pastourelle dans un cadre nouveau : les dimensions du poème se trouvent allongées, il devient isométrique par l’emploi de l’octosyllabe seul , la voix narratoriale disparaît. Le chant reste présent de manière circonscrite : Adam de la Halle conserve une alternance entre les parties chantées et les dialogues, en introduisant ce que l’on appelle des « refrains-centons20 ». Ces refrains sont en partie inspirés, voire repris de pastourelles existantes, repérables par le public du XIIIe siècle, produisant une sorte d’«  effet-citation21 »qui nous fait dire qu’Adam de la Halle se fondait sciemment sur la pastourelle pour écrire Le Jeu de Robin et Marion.

  • 22 Dufournet, Jean, Ibidem, p. 143.

  • 23 L. Smith, Geri, Ibidem, p. 77.

9Les pastourelles sont nombreuses et variées, et ce ne serait pas leur rendre justice de dire qu’Adam de la Halle offre un renouvellement total par son travail de transmodalisation. Mais il s’avère que le passage du genre lyrique au genre dramatique modifie la situation d’énonciation. Le narrateur, qui était souvent le poète-chevalier dans les pastourelles, disparaît, cédant la parole au personnage et surtout à Marion qui domine le texte en terme de volumétrie. C’est elle qui ouvre le dialogue en chantant son amour pour Robin, ouverture traditionnellement attribuée au chevalier-poète dans les pastourelles22. Geri L. Smith voit dans le déplacement de la focalisation du personnage du chevalier vers celui de Marion l’incarnation de la figure du poète non plus dans le rôle masculin, mais dans le rôle féminin : la transgénéricité offre un renversement de l’énonciation masculine et féminine23.

La bergerie : pastourelle « objective » ?

  • 24 Rivière, Jean-Claude, Pastourelles, Introduction à l’étude formelle des pa...

  • 25 Bartsch, Karl, Ibidem : exemples de bergeries « Par le tens bel » (II, 58,...

10Le Jeu de Robin et Marion joue également sur les alternances entre les scènes de danger, comme les tentatives de séduction du chevalier ou l’attaque du troupeau par un loup, et les scènes de réjouissances célébrées par les bergers une fois la menace écartée. Ce phénomène est si marqué dans la pièce que l’on peut y voir un jeu entre deux genres : la pastourelle et la bergerie. La bergerie se présente sous la forme d’un poème lyrique qui chante les fêtes de village et les joies pastorales. Elle est difficile à définir en terme de genre, d’une part parce qu’elle est peu exemplifiée dans la littérature médiévale, d’autre part parce qu’elle est considérée comme une variante de la pastourelle, appelée aussi « pastourelle objective » ou « pastourelle désintéressée » par Gaston Paris et à sa suite Maurice Delbouille. Il s’agit non plus, comme dans la pastourelle dite « classique24 » de relater la rencontre d’un chevalier et d’une bergère, mais de décrire une scène champêtre entre bergers et bergères25. Genre méconnu de poème lyrique ou sous-genre de pastourelle, la bergerie est bien présente dans Le Jeu de Robin et Marion et beaucoup de travaux ont été effectués sur ce point, le flou générique expliquant que certains chercheurs ne mentionnent que la filiation de la pièce avec la pastourelle. Nous en retiendrons les éléments principaux, notamment parce qu’ils se retrouvent à travers nos réécritures.

  • 26 Dufournet, Jean, Ibidem, p. 168.

11Le tressage avec la bergerie relevé par Jean-Charles Payen, Geri L.Smith ou encore Dufournet renforce son caractère hybride et, semble-t-il, ce détournement des rôles traditionnels masculins et féminins. Jean Dufournet dresse un tableau de ce qui lui semble relever de la pastourelle et de la bergerie à travers la pièce26 :

CONTENU

GENRE

Le chevalier essaie de séduire la bergère.

pastourelle

Robin vient retrouver Marion qui lui raconte sa rencontre avec le chevalier.

transition

Les deux bergers mangent ; Robin se livre à diverses danses.

bergerie

Robin va chercher les autres bergers

transition

De retour, le chevalier, qui poursuit son entreprise de séduction, frappe Robin qui est revenu, et enlève Marion à qui il finit par rendre sa liberté.

pastourelle

Marion rejoint les bergers.

transition

Jeux d’affrontements des bergers : ils jouent aux jeux de Saint-Côme et au jeu du roi qui ne ment.

bergerie

Episode du loup : Robin sauve la brebis.

pastourelle

Noces de Robin et Marion

bergerie

12Mais il ne s’agit pas uniquement de voir une alternance des inspirations : bergerie et pastourelle semblent se compléter et se répondre. La pastourelle montre un déséquilibre des relations sociales entre le chevalier et les bergers qui peut s’illustrer par exemple par l’incommunicabilité entre le noble et les paysans. Le dialogue est rétabli dans les moments inspirés de la bergerie à travers le système du don et du partage que constituent les repas, les jeux et les danses. Les jeux de rôle peuvent être interprétés comme une mise à distance ironique des relations hiérarchiques entre les ordres sociaux puisque les bergers jouent au « Roi et à la Reine », introduisant alors une inversion des rôles. On trouve également des échos de la violence de la pastourelle dans les moments dédiés à la bergerie : Robin n’a pas réussi à sauver Marion des griffes du chevalier Aubert, mais il sauve la brebis de son amante lorsque celle-ci est enlevée par un loup, rétablissant une forme d’équilibre. Jean Dufournet voit dans ce moment de la pièce une inspiration de la pastourelle, mais je pense qu’il y a ici tension entre les deux genres. La bergerie permet également, selon moi, de remettre en valeur le personnage de Robin, peu habile au combat convoqué par la pastourelle, mais virtuose et bon danseur pour les divertissements introduits par la bergerie. Cependant, la violence exercée par le chevalier envers Marion semble se retrouver dans la grossièreté de Robin et des personnages secondaires masculins qui l’entourent.

13Ainsi, nous pouvons voir distinctement le caractère hybride de la pièce se dessiner. Les réécritures opèrent alors un travail d’amplification ou de condensation qui se fonde sur cette hybridité. Adam de La Halle brise un moule : comment y puisons-nous et le brisons-nous à notre tour ?

Réécriture du Jeu : une mise en abyme

Robin et Marion, élus de nos cœurs

14Nous avons choisi cette pièce à cause de son univers pastoral. Plusieurs pièces étaient en jeu : Le Jeu d’Adam, Le Jeu de la Feuillée, mais aussi Le Miracle de Théophile, L’Abbesse Grosse et Théodore. Nous avons beaucoup hésité entre Théodore et Le Jeu de Robin et Marion. Théodore raconte l’histoire d’une jeune femme qui se travestit en moine après avoir trompé son mari, mais sans doute plus difficilement représentable que Le Jeu de Robin et Marion. Le cadre champêtre du Jeu offrait en effet un espace de représentation visuelle que n’avait pas Théodore, mais il n’a pas été déterminant puisque cet univers pastoral tend aussi à disparaître dans certains travaux de réécriture.

Réécritures

- Justine Bard : Music Halle : prise de parole des personnages à travers la parodie de huit tubes des années 2000

- Noémie Lacroix : Le Jeu de Marion et Robin : livre pour enfants animé cousu main en feutrine

- Thomas Lorson : 222-33 : recueil de dépositions manuscrites de chacun des personnages dans le témoignage du harcèlement de Marion par Aubert

- Jeanne Mousnier-Lompré : Le Jeu de Marion et Robin : film d’animation

- Nausicaa Oliel : La Brebis et le Loup Éconduit : bande-dessinée en quatre planches

- Amandine Paysant : La Gazette Arrageoise : Gazette de quatre feuillets

- Paula Schulz : Comme je ne savais pas quoi faire ou dire, je me suis contentée de ne rien faire : conversation WhatsApp entre Péronnelle et Marion

De la poésie lyrique au genre théâtrale : la parole aux personnages

  • 27 Schulz, Paula, Compte-rendu de réécriture Comme je ne savais pas quoi fair...

Certaines de nos réécritures ont mis l’accent sur la mise en dialogue par laquelle Adam de la Halle a lui-même dû opérer en passant de la poésie lyrique au genre dramatique. L’exemple le plus frappant, qui vaut d’ailleurs selon moi pour toute pièce de théâtre, c’est la transposition du système dialogique du théâtre aux réseaux sociaux. La mise en forme des conversations sur les réseaux sociaux est extrêmement semblable à la mise en page d’une pièce de théâtre puisqu’apparaît le nom de la personne qui s’exprime, suivi de son texte. Comme je ne savais pas quoi faire ou dire, je me suis contentée de ne rien faire de Paula Schulz récrée une conversation Whatsapp entre « Marion et sa meilleure amie Péronnelle [qui] écrivent le lendemain du mariage de Marion. Elles discutent des événements de la soirée, de l’entêtement et de l’insensibilité de certains hommes27 ». Le discours direct est mis au premier plan par rapport à la narration, comme le fait Adam de la Halle avec ses personnages.

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Paula Schulz, Comme je ne savais pas quoi faire ou dire, je me suis contentée de ne rien faire

15Paula n’est pas la seule à opérer ainsi : Nausicaa Oliel propose une bande-dessinée La Brebis et le Loup Éconduit dont le discours rapporté se trouve mis en relief par le traditionnel système graphique des bulles et Thomas Lorson rédige à la main les dépôts de plainte de chacun des personnages témoins de ce qu’il présente comme le « harcèlement » de Marion :

  • 28 Lorson, Thomas, Compte-rendu de réécriture 222-33, Lyon, 2018.

Le jeu original prendra donc la forme d’une plainte déposée par Marion contre son agresseur. La spécificité du dialogue théâtral se retrouvera sous la forme d’une alternance entre la lettre centrale de Marion et différents témoignages d’autres personnages : Robin, la grand-mère de Marion, Gautier. Ces différentes voix seront matérialisées par un travail sur la graphie et le style d’écriture28

      

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Nausicaa Oliel, La Brebis et le Loup Éconduit

      

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Thomas Lorson, 222-33

Marion au centre d’une galerie de portraits

16Allongeant la pièce et leur donnant la parole, Adam de la Halle reprend les noms typiques des personnages des pastourelles, mais en fait des personnages types pour le théâtre : Marion est une bergère amoureuse de Robin, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, ni par le chevalier, ni par Robin ; Robin est un berger charmant, mais qui peut s’avérer poltron et frustre, figure semblable à celle du futur Arlequin dans La Double Inconstance ; le chevalier, usant de son statut social, se fait d’abord insistant puis pressant envers Marion et tente de l’enlever. Les autres personnages sont secondaires, adjuvants du couple formé par Marion et Robin. Nos réécritures ont conservé les caractères que leur avait donnés Adam de la Halle, soit en grossissant les traits (ce qui a été privilégié, étant donné les formes courtes des réécritures), soit en les développant jusqu’à leur faire perdre leurs traits comiques. Si l’on considère que la transposition de la pastourelle au théâtre a permis de placer le personnage de la bergère au centre de la pièce, nos réécritures appuient fortement cet aspect du texte.

  • 29 Justine, Bard, Compte-rendu de réécriture Music Halle, Lyon, 2018.

  • 30 Oliel, Nausicaa, Compte-rendu de réécriture La Brebis et le Loup éconduit,...

  • 31 Schulz, Paula, Compte-rendu de réécriture Comme je ne savais pas quoi fair...

  • 32 Pallier, Roxane, « La place des contes dans les programmes scolaires », Ag...

17Justine Bard nous dit à propos de Music Halle29 : « Par le choix de mes chansons, j’ai pris la liberté par rapport au texte d’accentuer encore davantage le personnage de Marion comme une femme forte et indépendante, tout en noircissant et grossissant l’aspect harceleur du Chevalier, par deux chansons qui sont le summum du “beauf”. » Nausicaa Oliel pour La Brebis et le Loup Éconduit explique30 : « J’ai eu pour autant la volonté de mettre l’accent sur le personnage de Marion. Je souhaitais la rendre “héroïne” de l’histoire tout en usant de l’humour. En effet, quand j’accentue son coté courageuse et impétueuse, parallèlement je souligne l’aspect “peureux” des personnages masculins, en l’occurrence celui de Robin et de ses cousins. ». Paula Schulz dans sa chronique restreint le dialogue aux deux seules femmes de la pièce, décidant comme Thomas Lorson de voir dans la tentative de séduction de Marion un harcèlement sexuel31 : « Mais comme le harcèlement sexuel de la femme devrait être la partie la plus importante de la réécriture, il me semblerait plus clair de ne mettre que la perspective de Marion et de Péronnelle. » Noémie Lacroix met en valeur l’histoire de Robin et Marion et la présente dans son livre-objet comme une variante intéressante du conte, genre littéraire fortement représenté dans la littérature jeunesse ainsi que dans les programmes scolaires de l’école primaire en cycle 2 et 3 et du collège32 :

  • 33 Lacroix, Noémie, Compte-rendu de réécriture Le Jeu de Marion et Robin, Lyo...

Faire du Jeu de Robin et Marion l’un des premiers livres, l’un des premiers objets de culture des enfants peut être une bonne idée. Je trouve que cette histoire se prête très bien à cela. En effet, on sort des contes classiques de princesses et de princes, où la princesse attend que le prince vienne la sauver. Ici Marion se sort seule de la situation embarrassante qu’elle a avec Hubert pendant que Robin trop effrayé se cache dans le buisson.33

Le Jeu de Robin et Marion : ancêtre de l’opéra-comique ?

  • 34 Jeux et sapience du Moyen Age, éd. Albert Pauphilet, Paris, éd. Gallimard,...

  • 35 Chailley, Jacques, « La nature musicale du Jeu de Robin et Marion » dans M...

  • 36 Cette distribution genrée apparaît de manière flagrante dans le quatrième ...

18Le Jeu de Robin et Marion est considéré comme l’ancêtre de l’opéra-comique car les scènes chantées varient avec les dialogues parlés34. Adam de la Halle reprend des airs d’autres pastourelles, créant une connivence avec son public qui les connaît déjà : l’Audigier, petite chanson de geste scatologique est cité et inspire la ballette initiale « Robins m’aime » et la danse de Robin35 . Le Jeu anticipe sur la réaction du public de son temps. Pour un public postérieur au temps de l’écriture, repérer la filiation ne va pas de soi. Music Halle de Justine Bard reprend le même principe, en effectuant un retour aux sources car les dialogues rimés sont mis en musique, introduits par des passages narratifs, exactement comme dans une pastourelle. Justine Bard présente la version des faits chantée par chacun des personnages en parodiant des tubes des années 2000 dont la dimension n’est accessible que pour un public restreint en terme de génération. Elle crée donc une double réécriture en reprenant le propos d’Adam de la Halle et des citations extraites directement du texte source en les mêlant à la parodie d’artistes à la mode dans les années 2000 comme Diam’s, Vitaa, Koxie, Tragédie. Justine Bard explique : « Le thème classique de la comédie musicale est aussi proche de ce Jeu puisque comme le disait Sinatra, un musical c’est “Boy meets girl, boy loses girl, boy sings a song and gets girl”. » La définition que Sinatra donne au musical illustre le lien problématique qui se noue entre le genre artistique et le genre sexuel puisque la distribution genrée des rôles devient, selon lui, un critère de reconnaissance du genre de la comédie musicale. Notons simplement que le terme de « boy » est systématiquement sujet des verbes d’action dont l’objet s’avère être à trois reprise le terme « girl ». De même, si la pastourelle classique possède des fins variées, elle se caractérise bien par un récit lyrique de la tentative de séduction d’une bergère par un chevalier et dont l’une des issues du schéma narratif est bien celle donnée par Sinatra36. Ce n’est cependant pas le cas de Marion et ce refus a particulièrement intéressé Justine Bard, c’est pourquoi elle s’est uniquement concentrée sur le type classique de la pastourelle en condensant la pièce :

  • 37 Bard, Justine, Compte-rendu de réécriture Music Halle, Lyon, 2018.

J’ai choisi de ne réécrire que la première partie de l’œuvre, c’est-à-dire les rencontres entre le Chevalier, Marion et Robin, car c’est au début qu’il y a suffisamment d’action pour la transcrire en comédie musicale. De plus, le thème des jeux de séductions et “triangles amoureux” est assez classique dans le genre de la comédie musicale. […] Pour ce qui est de la répartition des rôles de la pièce, je n’ai gardé que les 3 rôles principaux, les autres personnages n’étant que mentionnés par la voix off.37

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Justine Bard, Music Halle

  • 38 Mazouer, Charles, Le Théâtre français au Moyen-Âge, Paris, Honoré Champion...

19Paula Schulz, elle aussi, cite des tubes encore plus récents dans sa chronique WhatsApp, comme « Call me Maybe » de Carly Rae Jepsen, ou encore « la Macarena » pour mentionner les danses des bergers. Les références modernes dont elle se sert permettent de souligner le comique des jeux des personnages. Selon Charles Mazouer, Adam de la Halle donne une vision caricaturale de la société paysanne38. Une société où la gaieté règne en permanence. Les duretés de la vie paysanne ne sont pas évoquées. Le cadre de la campagne fait rêver, les jeux sont l’occasion de plaisanteries et Robin est un rustre qui fait rire. Justine Bard et Paula Schulz transposent l’univers de références musicales à notre époque, comme le faisait Adam de la Halle en son temps. Pour mon film d’animation, j’ai utilisé l’enregistrement de l’interprétation du Jeu de Robin et Marion par l’ensemble italien Micrologus tirée des partitions qu’Adam de la Halle a lui-même écrites.

20Ainsi, en réécrivant Le Jeu de Marion et Robin, nous créons bien une mise en abyme puisque nous nous enrichissons des transformations déjà opérées par Adam de la Halle sur des genres très réguliers, très stricts, en particulier la pastourelle. Il s’avère que la pastourelle et la bergerie sont des genres repérables pour le public d’Adam de la Halle. Pour un public du XXIe siècle, ce n’est pas le cas et pourtant nous conservons un imaginaire pastoral. Que puisons-nous dans le monde des bergers ?

La pastourelle et la bergerie : un univers de références connues, une esthétique inspirante

« Réécrire une pièce de théâtre autrement qu’avec des mots » (Noémie Lacroix)

  • 39 Numérisation du manuscrit du Jeu de Robin et Marion conservé à la biblioth...

  • 40 Gousset, Marie-Thérèse, Enluminures médiévales, Paris, BNF, 2005.

21Le schéma narratif de la pastourelle est connu, au-delà même de son genre. Tout le monde peut imaginer différentes suites à la rencontre d’un chevalier et d’une bergère. L’intrigue est reprise dans toutes les réécritures. Si certaines réécritures comme celles de Thomas Lorson ou de Paula Schulz se fondent sur le discours des personnages, un cadre narratif ressurgit dans d’autres : Nausicaa Oliel dans sa bande-dessinée crée une courte légende pour expliquer la situation, tandis que j’ai inséré des panneaux numériques dans mon film d’animation pour donner les différents moments de l’intrigue, mes personnages étant muets. Mon stopmotion suppose que l’intrigue se comprend d’elle-même : entre la pastourelle et la bergerie, mes personnages s’animent pour éloigner le chevalier puis s’adonner à leurs nombreux divertissements dans un cadre champêtre. Nausicaa et moi-même nous sommes inspirées des manuscrits de la bibliothèque Méjanes qui a numérisé entièrement Le Jeu de Robin et Marion, permettant de consulter séparément les enluminures39. La question de la réécriture se pose d’ailleurs pour tout type d’illustration : doit-on considérer les enluminures comme « une décoration à admirer au fil de la lecture40 » comme le dit Marie-Thérèse Gousset ou comme une forme de « variante » du texte source ? Nausicaa Oliel leur donne la parole, moi je les anime dans mon stopmotion.

  • 41 Nières-chevrel, Isabelle, Introduction à la littérature de jeunesse, Didie...

  • 42 Lacroix, Noémie, Compte-rendu de réécriture Le Jeu de Marion et Robin, Lyo...

22De son côté, Noémie Lacroix crée son livre-objet pour un public de 0 à 3 ans, ce qui implique de passer par un autre médium que les mots pour comprendre l’histoire. Le propos de la pastourelle lui a d’ailleurs posé problème car la loi de 1949 sur « les publications destinées à la jeunesse » interdit tout récit d’«  actes qualifiés de crimes ou de délits » ou à caractère « sexiste » dans la littérature jeunesse41. « Le comportement d’Hubert envers Marion ne peut pas être retranscrit pour un public d’enfants » écrit-elle, « pour adapter la pièce à un public enfantin il fallait simplifier l’intrigue de la pastourelle et trouver une astuce pour représenter la bergerie42. » Le cadre pastoral permet de mettre en place un univers de références connues, fonctionnant grâce à des symboles qui condensent les informations initiales de la pièce. Noémie Lacroix, dans son livre pour enfants, habille les personnages de Robin et Marion à la mode du XXIe siècle, mais conserve plusieurs motifs médiévaux et pastoraux : le décor champêtre, les animaux, le chevalier en armure.

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Noémie Lacroix, Le Jeu de Marion et Robin

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Jeanne Mousnier-Lompré, Le Jeu de Marion et Robin

23Les réjouissances paysannes, qui appartiennent davantage à la bergerie qu’à la pastourelle, sont mentionnées à de multiples reprises dans nos réécritures, tant dans celles qui conservent le cadre pastoral que dans celles qui transposent l’intrigue dans un univers moderne : la conversation WhatsApp et les parodies musicales mentionnent le festin et la fête des bergers libérés du loup et du chevalier. La reprise de l’univers visuel du monde des bergers apparaît notamment dans les réécritures qui recourent au dessin et dont le ton est le plus léger : l’animation, la bande dessinée, le livre pour enfants. La réécriture la plus polyphonique et plurigénérique est peut-être celle d’Amandine Paysan dans sa Gazette Arrageoise qui fait des péripéties deux articles : le premier article traite du harcèlement sexuel en référence à l’intrigue entre Marion et Aubert, le second fait de l’attaque du loup un fait divers. Amandine Paysan intègre également des poèmes, des dessins, des annonces de spectacle, des recettes de cuisine recréant, dans une forme de patchwork, les différents aspects de la pièce.

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Amandine Paysant, La Gazette Arrageoise

Le monde des bergers : un ailleurs ?

24Le tressage de la pastourelle et de la bergerie au sein même d’une pièce de théâtre a suscité l’intérêt de la recherche afin de déterminer si la transposition théâtrale avait pour but d’associer l’œuvre plus étroitement avec le réel que ne le faisait le genre lyrique. Paul Zumthor relève le paradoxe suivant à propos du théâtre :

  • 43 Zumthor, Paul, Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, coll. Poétique, ...

Le propre du théâtre est d’accentuer la “situation externe” du texte résultant des rapports qui s’établissent entre celui-ci et l’auditeur-spectateur : à la limite, la situation “situation interne” produite par les références propres du texte, pourrait n’être plus perçue. D’où l’équivocité du théâtre, à la fois plus “réel” que la poésie narrative, et plus évidemment fonctionnel puisque la réalité perçue du matériau (espace, personnes) tend à effacer l’impression de réalité provoquée par le texte.43

  • 44 Blanchard, Joël, La pastorale en France au XIVe et XVe siècles, recherches...

  • 45 Adam de la halle, Le Jeu de Robin et Marion, suivi du Jeu du Pèlerin, éd. ...

  • 46 Dufournet, Jean, Ibidem, p. 153.

25Cependant, il semble que la question du réel relève davantage du mélange générique que de la transmodalité du genre lyrique au genre dramatique. Plusieurs interprétations ont été données sur ce qui relève ou non de l’«  ailleurs » dans Le Jeu de Robin et Marion. Joël Blanchard pose que « le mythe est contaminé et subverti par le réel44 » dans la pièce. Mais tous les chercheurs ne sont pas d’accord sur ce qui relève du réel. Selon Pierre-Yves Badel, « la pastourelle tourne à la pastorale. Ses éléments servent à élaborer un rêve d’univers tout de naïveté, de transparence des coeurs et de bonheur paisible […] un rêve de bonheur sans histoire qui n’échappe à la fadeur que parce que le réel - la violence - y est pourtant présent45 ». Le chercheur assimile la violence présente dans la pièce au réel. Sachant que la violence est représentée par les personnages du chevalier et du loup, le réel se trouverait donc du côté de la pastourelle, alors que la bergerie viendrait redonner un aspect idyllique et onirique à la pièce. Jean Dufournet s’intéresse à la question du réel à travers le portrait des paysans : « quand on examine le monde paysan, moins conventionnel qu’on ne serait tenté de le croire, […] nous constatons la présence d’éléments concrets et une image double, l’une plus raffinée, plus “littéraire” qui est celle des “refrains-centons”, l’autre plus “réaliste” et plus comique46 ». Nos réécritures montrent cette ambivalence mais d’une autre manière, notamment parce qu’elles s’ancrent dans un autre temps. Dans Le Jeu de Robin et Marion, les éléments relevant du comique ou de l’onirisme apparaissent dans nos travaux sous la forme de la satire ou de l’apologue. En effet, le cadre pastoral présente un double visage très particulier puisqu’il peut exalter tant l’imaginaire de l’enfance que l’imaginaire grivois, et, de ce fait, il entraîne des réflexions sur les relations entre les personnages masculins et féminins, sur l’abus de pouvoir qu’implique le système féodal et la place de la femme au Moyen Âge. Le propos de la pastourelle a été retenu, parfois au détriment du décor champêtre, notamment pour les réécritures qui ont transposé l’intrigue à notre époque contemporaine.

Le saut dans le temps : effacement de la bergerie ?

Les répercussions actuelles

26Nos réécritures ont été réalisées au moment où l’affaire Weinstein a éclaté. Cela n’a pas été sans conséquence sur nos travaux puisqu’elles portent toutes en elles une trace de la dénonciation du harcèlement sexuel que peut incarner la figure du chevalier. La pastourelle nous présente différentes issues rappelées par Ernest Langlois :

  • 47 Adam de la halle, Le Jeu de Robin et Marion, suivi du Jeu du Pèlerin, Ibid...

Le plus souvent la bergère refuse de croire à l’amour trop soudain du chevalier : elle n’est qu’une simple paysanne et renvoie le seigneur aux dames de sa condition ; elle a un ami à qui elle veut rester fidèle ; ses parents ne sont pas loin et elle craint d’être surprise. Mais le chevalier a réponse à tout. Il jure à la pastoure qu’il ne peut vivre sans elle, qu’il n’y a pas de châtelaine qui l’égale en beauté, qu’il peut l’épouser et l’emmener dans son château ; si elle préfère, il prendra la houlette pour vivre avec elle dans les champs […] Si elle s’obstine, le chevalier prend de force ce qu’il n’a pas pu obtenir par persuasion. Parfois les choses ne se passent pas aussi simplement ; la jeune fille appelle au secours […]47

27Les différentes issues de la pastourelle résonnent aujourd’hui de manière particulièrement violente. Le choix de montrer la tentative de séduction insistante d’Aubert comme un harcèlement sexuel illustre la « contamination du réel » à l’œuvre dans la pièce décrite par Joël Blanchard. Mais de quel réel s’agit-il ? Les réécritures traitent-elles le sujet de la pièce avec un regard ancré dans leur temps ou soulignent-elles l’intemporalité d’une violence qu’Adam de la Halle a souhaité montrer de manière comique ?

  • 48 Bard, Justine, Compte-rendu de réécriture Music Halle, Lyon, 2018.

  • 49 Paysant, Justine, Compte-rendu de réécriture La Gazette arrageoise, Lyon, ...

  • 50 Studzinska, Anne, Gender differences in perception of sexual harassment, T...

  • 51 Soria, Myriam, « Violences sexuelles à la fin du Moyen Âge : des femmes à ...

28Justine Bard écrit : « J’ai aussi été frappée par l’intemporalité du thème de harcèlement, que ce soit dans la pièce de théâtre en 1280, dans ces chansons « ridicules » des années 2000 et même de nos jours avec le #metoo et #balancetonporc…48 ». Amandine Paysan place le harcèlement sexuel en première page de sa réécriture : « C’est ainsi que le journal débute sur une mise en garde contre le harcèlement sexuel dans l’Édito, puis vient un article, placé en Une du journal de par son importance, qui traite du sujet du harcèlement de rue en prenant exemple sur ce qui est arrivé à Marion par trois fois avec le chevalier.49 ». Thomas Lorson se fonde sur les travaux d’Anne Studzinska sur la perception du harcèlement sexuel50 et de Myriam Soria sur les agressions à caractère sexuel au Moyen-Âge51 pour rédiger le dépôt de plainte de Marion.

  • 52 Dufournet, Jean, Ibidem, p. 144

  • 53 V. 395-96 : « Certes je suis vraiment trop bête,/Moi qui d’une sotte m’ent...

  • 54 Frappier, Jean, Le théâtre profane France au Moyen Âge (XIIIe-XIVe siècle)...

  • 55 Mazouer, Charles, Naïveté et naturel dans le « Jeu de Robin et Marion ». I...

29La pièce d’Adam de la Halle emploie plusieurs procédés comiques jetant le discrédit sur chevalier éconduit. Plusieurs chercheurs se sont penchés sur la naïveté de Marion que Jean Dufournet va jusqu’à comparer à Perceval dans Le Conte du Graal52. En effet, le premier échange entre le chevalier et Marion donne lieu à une série de quiproquos, créant une situation d’incommunicabilité. Après deux échecs successifs, le chevalier abandonne son projet de séduction en clamant : « Chertes, voirement sui je beste/Quant a cheste beste m’areste53 ». Jean Frappier54 et Charles Mazouer55 avancent l’hypothèse que cette naïveté est simulée ce qui permet d’autant plus de tourner le personnage du chevalier en ridicule. Ce comique de situation disparaît dans nos réécritures au profit du comique de geste. Dans la bande-dessinée de Nausicaa, comme dans mon stopmotion, nous représentons la force physique de Marion.

  • 56 V. 406-407 : « Voyez le sot ! Est-ce coquet/De s’embrasser devant tout le ...

30Le ridicule ne touche pas que le personnage du chevalier : l’impuissance de Robin, voire sa poltronnerie face à son rival provoquent le rire du spectateur. Et ils n’ont pas que l’aspect comique en commun. La brusquerie de Robin envers Marion est soulignée dans plusieurs répliques : il l’embrasse devant tout le monde alors qu’ils ne sont pas mariés (« Eswarde de chest soterel/Qui me baise devant le gent ») et ce de manière trop pressante (« Et encore ?/Eswardés comme est reveleus !56 ») jusqu’à lui mordre le visage. Même sur un ton comique, le comportement des personnages masculins dans la pièce d’Adam le Bossu nourrit des portraits à charge dans nos réécritures.

31Cela prend différentes tournures dans nos travaux : parodique et satirique dans Music Halle qui s’approche le plus de la pièce original ; pédagogique dans le livre textile de Noémie adressé aux enfants ; tonalité extrêmement sombre chez Thomas Lorson puisqu’il s’agit d’un dépôt de plainte ; polémique dans la Gazette puisque l’un des articles dénonce le harcèlement dans les rues d’Arras. Nausicaa donne pour titre à sa bande dessinée La Brebis et le Loup Éconduit qui renvoie à la dimension prédatrice du chevalier. Paula Schulz intitule sans détour sa conversation WhatsApp : Comme je ne savais pas quoi faire ou dire, je me suis contentée de ne rien faire. Souvent le cadre pastoral disparaît pour ne laisser place qu’à la dénonciation des avances du chevalier, notamment dans les mises en scène modernes : c’est le cas pour 222-33 de Thomas Lorson et pour la conversation WhatsApp de Paula Schulz.

Un saut dans le temps

  • 57 La tripartition des styles haut, moyen et bas (gravis, mediocris, humilis)...

32Toutes nos réécritures opèrent un saut dans le temps d’une manière ou d’une autre. Même en gardant le cadre spatio-temporel, le langage est modernisé et prosifié, à l’exception de Music Halle de Justine Bard qui a conservé un système de rimes.. En revanche, si la tonalité des réécritures varie, de la légèreté à noirceur, de la parodie à la dénonciation, le niveau de langue ne varie pas véritablement : Adam de la Halle fait parler ses personnages avec un niveau de langue bas, ce qui est courant dans la représentation du monde pastoral depuis la création de la « roue de Virgile57 » en rhétorique. Quand nos réécritures font parler les personnages, elles varient du registre courant au registre familier, selon son public et sa tonalité : enjoué et familier pour le Music Halle ou la conversation WhatsApp, courant et grave pour le recueil de plaintes.

33Plusieurs travaux transposent explicitement l’intrigue à notre époque. C’est le cas de Comme je ne savais pas quoi faire ou dire, je me suis contentée de ne rien faire et 222-33. Thomas Lorson décrit ainsi le cadre du recueil de plaintes :

L’histoire ne se situe plus dans une ville anonyme d’aujourd’hui, avec ses métros, ses réverbères, ses trottoirs, sa pluie. L’agresseur chasse le gibier à la campagne, et devient prédateur en ville. […] Les noms propres sont conservés. Marion, de bergère devient jeune étudiante, mais elle vit toujours chez sa grand-mère. Robin, lui, reste musicien. Ils sont entourés d’une bande d’amis, Gautier, Baudoin et Péronnelle. Le chevalier devient un riche cadre, mais son passe-temps demeure la chasse.

  • 58 Genette, Gérard, Palimpsestes, la littérature au second degré, Paris, Seui...

34La Gazette Arrageoise, Music Halle et le livre-objet Le Jeu de Marion et Robin mêlent les temporalités. La Gazette est rédigée comme si elle avait été écrite au XIIIe siècle, mais Amandine Paysant s’inspire du premier périodique de Théophraste Renaudot publié en 1631 et le langage journalistique employé est modernisé. Il en va de même pour Music Halle, la parodie fait appel à un langage et des références culturelles du XXIe siècle, mais le cadre pastoral est conservé : Marion est bergère, Aubert chevalier. Gérard Genette appelle ce procédé « transformation58 » : conserver le contenu en modifiant le style. Le livre-objet de Noémie Lacroix mêle l’habit du chevalier aux vêtements modernes des autres personnages. Nausicaa Oliel et moi-même conservons au contraire l’époque de la diégèse, mais la transgénéricité n’a pu s’opérer que par des moyens modernes.

  • 59 Schulz, Paula, Compte-rendu de réécriture Comme je ne savais pas quoi fair...

  • 60 Soria, Myriam, « Violences sexuelles à la fin du Moyen Âge : des femmes à ...

35La dimension temporelle n’intervient pas uniquement à travers la transposition dans notre époque moderne, mais également sur le plan narratif et discursif. Si certaines réécritures ont conservé le système dialogique ou le discours direct des personnages déjà mis en place par Adam de la Halle, elles fonctionnent essentiellement sur le mode du témoignage, de manière rétrospective, ce qui diffère de l’instantanéité qu’offre le genre théâtral du Jeu de Robin et Marion et reflète l’intention dénonciatrice qui intervient dans nos travaux, allant jusqu’au manifeste dans la Gazette. La conversation WhatsApp et le recueil de plaintes sont des réécritures testimoniales de l’intrigue de la pastourelle. L’insistance des personnages masculins envers le personnage de Marion qui apparaît dans la pièce d’Adam de la Halle sous un jour comique se trouve transposée dans ces réécritures sous la forme de document journalistique ou juridique. Paula Schulz explique que « La chronique de WhatsApp n’est pas un genre littéraire, mais une nouvelle sorte de journalisme59 ». En se fondant sur les travaux de Myriam Sorian concernant les agressions à caractère sexuel (viol ou tentative de viol) au Moyen Âge, Thomas Lorson choisit le dépôt de plainte comme une réponse moderne aux lettres de rémissions du XIVe et XVe siècles octroyant à l’accusé « une grâce royale consistant à effacer ou reconsidérer la peine prononcée60 ».

  • 61 Todorov, Tzvetan, Les Genres du discours, Paris, Seuil, coll. Poétique, 19...

36Les réécritures du Jeu de Robin et Marion portent en elles les différents imaginaires du monde des bergers qu’Adam de la Halle avait lui-même déjà remaniés. Les réécritures du séminaire se sont tout particulièrement concentrées sur la représentation des personnages féminins dans la pièce, quelle que soit leur tonalité. Cependant, nos travaux illustrent un certain clivage entre les réécritures les plus visuelles et au ton souvent plus léger qui reprennent le cadre pastoral (la bande-dessinée, le stopmotion, le livre-objet) et celles qui l’abandonnent, souvent au profit de la dénonciation du propos de la pastourelle dans un registre satirique ou grave (le recueil de plaintes, la chronique WhatsApp). De la même manière, les jeux présents dans la pièce d’Adam de la Halle qui permettent le mélange des genres semblent s’effacer dans les réécritures qui présentent une tonalité grave. C’est pourquoi je trouve intéressant d’étudier la manière dont nos réécritures traitent les différents aspects de la pièce : la bergerie se réincarne dans l’aspect onirique et joyeux des réécritures, la pastourelle dans le portrait à charge. Mais d’autres points de vue auraient bien entendu pu être exploités. Dans le séminaire s’intitulant « les femmes sur les tréteaux », nous nous sommes tournés vers l’image de la femme dans Le Jeu de Robin et Marion, mais la question de la représentation du monde paysan, par exemple, aurait également pu être interrogée. Tzvetan Todorov nous dit : « Chaque époque a son propre système de genres, qui est en rapport avec l’idéologie dominante. Une société choisit et codifie les actes qui correspondent au plus près à son idéologie ; c’est pourquoi l’existence de certains genres dans une société, leur absence dans une autre, sont révélatrices de cette idéologie61. » L’étude du caractère hybride d’une pièce de théâtre médiévale à travers des réécritures transgénériques au XXIe siècle ne permet peut-être pas de dépasser une « idéologie dominante », mais elle offre la possibilité de faire le lien entre deux temporalités, de ressusciter certains genres, puisque le jeu, la pastourelle ou la bergerie ne sont plus représentés aujourd’hui, de faire émerger de nouveaux langages artistiques qui ne sont pas considérés comme des « genres » en tant que tels comme la chronique WhatsApp ou le recueil de plaintes.

Notes

1 Genette, Gérard, Palimpsestes, La littérature au second degré, Paris, Seuil, coll. Poétique, 1942, quatrième de couverture.

2 Adam de la Halle, Œuvres complètes, éd. et trad. Pierre-Yves Badel, Paris, Livre de Poche, coll. Lettres Gothiques dirigée par Michel Zink, 1995, p. 12.

3 Langenbruch, Beate, « Le Moyen Âge par la réécriture : apprendre en métamorphosant. Retour critique sur une expérience de l’enseignement de la littérature médiévale », Perspectives Médiévales, 36, 2015 (en ligne : https://journals.openedition.org/peme/ ).

4 Selon Gérard Genette, un « hypotexte » est le texte source dont sont dérivés les « hypertextes ».

5 Voir l’introduction de Gaunt, Simon,Gender and Genre in Medieval French Literature, Cambridge University Press, 1995, p. 1-21: « I shall argue that genres in medieval French and Occitan literature inscribe competing ideologies, that the construction of gender is a crucial element in any ideology, and that the distinct ideologies of medieval genres are predicated in part at least upon distinct constructions of gender. This hypothesis regarding gender and genre is based upon two premises : firstly, that every genre is an ideological formation ; secondly, that a crucial component of every ideology is its engagement with the sex/gender system of the society in which it is produced. »

6 L. Smith, Geri, The Medieval French Pastourelle Tradition, Poetic Motivations and Generic Transformations, University Press of Florida, 2009, p. 74: « Structurally, it is hybrid, splicing together the pastourelle and the bergerie ».

7 Zumthor, Paul, Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, coll. Poétique, 1972, p. 446-447.

8 Zink, Michel, La pastourelle, poésie et folklore au Moyen-Âge, éd. Céard Jean, Paris/Montréal, Bordas, coll. Études Supérieures, 1972.

9 Mazouer, Charles, Le Théâtre français au Moyen Âge, Paris, Honoré Champion, 2016 [1998], p. 135.

10 Payen, Jean-Charles, « Le théâtre et la culture urbaine » dans Revue d’histoire du théâtre, n° 35, 1983.

11 Dufournet, Jean, Le théâtre arrageois au XIIIe siècle, Paris, Paradigme, coll. Medievalia, 2008, p. 139-178.

12 Mazouer, Charles, Le Théâtre français au Moyen Âge, Paris, Honoré Champion, 2016 [1998], p. 135.

13 Dufournet, Ibidem, p. 167.

14 Adam de la Halle, Œuvres complètes, éd. et trad. Pierre-Yves Badel, Paris, Livre de Poche, coll. Lettres Gothiques dirigée par Michel Zink, 1995, p. 20.

15 Adam de la halle, Le Jeu de Robin et Marion, suivi du Jeu du Pèlerin, éd. Ernest Langlois, Paris, Honoré Champion, coll. Les Classiques français du Moyen-Âge, 1958, p. VIII.

16 Zink, Michel, La pastourelle, poésie et folklore au Moyen-Âge, Ibidem, p. 75 : « Pour Jeanroy, la pastourelle est “la fusion” de trois éléments : le “contrasto” (discussion entre deux personnages), l’“oaristys” (récit de la rencontre des deux amants) et le “gab” (conte d’un ventard) ». 

17 Zink, Michel, La pastourelle, poésie et folklore au Moyen-Âge, Ibidem, p. 71 : « Ainsi, la plus ancienne pastourelle provençale conservée est d’au moins cinquante ans antérieure à la plus ancienne pastourelle française ; mais le genre ne connaît dans le Sud qu’un succès tardif et limité, alors qu’il remporte un succès immédiat et éclatant en France du Nord ».

18 Adam de la Halle, Le Jeu de Robin et Marion, suivi du Jeu du Pèlerin, Ibidem, p. VI.

19 Bartsch, Karl, Romances et Pastourelles française des XIIe et XIIIe siècles, Leipzig, F. C. W Vogel, 1870 : « El mois de mai par un matin/s’est Marion levée » (III, 24, p. 262).

20 Dufournet, Ibidem, p. 167.

21 Genette, Gérard, Palimpsestes, la littérature au second degré, Paris, Seuil, coll. Poétique, 1942, p. 8.

22 Dufournet, Jean, Ibidem, p. 143.

23 L. Smith, Geri, Ibidem, p. 77.

24 Rivière, Jean-Claude, Pastourelles, Introduction à l’étude formelle des pastourelles anonymes françaises des XIIe et XIIIe siècles. Textes du Chansonnier d’Oxford avec notes, Genève, Droz, coll. Textes littéraires français, 1974 p. 9.

25 Bartsch, Karl, Ibidem : exemples de bergeries « Par le tens bel » (II, 58, p. 179), « Par un sentier » (II, 77, p. 203), « De pascour un jore erroie » de Jean Erart (III, 22, p. 259) et « Quant ces moissons sont faillies » de Guillaume le Vinier (III, 30, p 273).

26 Dufournet, Jean, Ibidem, p. 168.

27 Schulz, Paula, Compte-rendu de réécriture Comme je ne savais pas quoi faire ou dire, je me suis contentée de ne rien faire, Lyon, 2018.

28 Lorson, Thomas, Compte-rendu de réécriture 222-33, Lyon, 2018.

29 Justine, Bard, Compte-rendu de réécriture Music Halle, Lyon, 2018.

30 Oliel, Nausicaa, Compte-rendu de réécriture La Brebis et le Loup éconduit, Lyon, 2018.

31 Schulz, Paula, Compte-rendu de réécriture Comme je ne savais pas quoi faire ou dire, je me suis contentée de ne rien faire, Lyon, 2018.

32 Pallier, Roxane, « La place des contes dans les programmes scolaires », Agôn [En ligne], HS 2 | 2014, mis en ligne le 04 mars 2015, consulté le 16 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/agon/3144; DOI : 10.4000/agon.3144

33 Lacroix, Noémie, Compte-rendu de réécriture Le Jeu de Marion et Robin, Lyon, 2018.

34 Jeux et sapience du Moyen Age, éd. Albert Pauphilet, Paris, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1941, p. 157-159.

35 Chailley, Jacques, « La nature musicale du Jeu de Robin et Marion » dans Mélange G. Cohen, Paris, 1950, p. 111-117.

36 Cette distribution genrée apparaît de manière flagrante dans le quatrième critère de définition de la pastourelle donné par Jean-Claude Rivière dans Introduction à l’étude formelle des pastourelles anonymes françaises des XIIe et XIIIe siècles. Textes du Chansonniner d’Oxford avec notes (p. 9) : « Le dernier critère retenu sera, enfin, un critère négatif : là où les partenaires féminines sont des jeunes filles, non des femmes mariées ; et si la vertu de la bergère n’est pas d’une fraicheur irréprochable quand le chevalier la rencontre, du moins ses frasques n’ont elles pas laissé de traces tangibles. »

37 Bard, Justine, Compte-rendu de réécriture Music Halle, Lyon, 2018.

38 Mazouer, Charles, Le Théâtre français au Moyen-Âge, Paris, Honoré Champion, 2016, p. 135.

39 Numérisation du manuscrit du Jeu de Robin et Marion conservé à la bibliothèque Méjanes et ses 130 miniatures : http://toisondor.byu.edu/dscriptorium/aix166/

40 Gousset, Marie-Thérèse, Enluminures médiévales, Paris, BNF, 2005.

41 Nières-chevrel, Isabelle, Introduction à la littérature de jeunesse, Didier Jeunesse, Paris, 2009, p. 95.

42 Lacroix, Noémie, Compte-rendu de réécriture Le Jeu de Marion et Robin, Lyon, 2018.

43 Zumthor, Paul, Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, coll. Poétique, 1972, p. 446.

44 Blanchard, Joël, La pastorale en France au XIVe et XVe siècles, recherches sur les structures de l’imaginaire médiéval, Paris, Honoré Champion, 1993, p. 33.

45 Adam de la halle, Le Jeu de Robin et Marion, suivi du Jeu du Pèlerin, éd. Ernest Langlois, Paris, Honoré Champion, coll. Les Classiques français du Moyen-Âge, 1958.

46 Dufournet, Jean, Ibidem, p. 153.

47 Adam de la halle, Le Jeu de Robin et Marion, suivi du Jeu du Pèlerin, Ibidem, p. VI.

48 Bard, Justine, Compte-rendu de réécriture Music Halle, Lyon, 2018.

49 Paysant, Justine, Compte-rendu de réécriture La Gazette arrageoise, Lyon, 2018.

50 Studzinska, Anne, Gender differences in perception of sexual harassment, Toulouse, Thesis, Université le Mirail-Toulouse II, 2015.

51 Soria, Myriam, « Violences sexuelles à la fin du Moyen Âge : des femmes à l’épreuve de leur conjugalité », dans Dialogue, n° 208, 2015, p. 57-70.

52 Dufournet, Jean, Ibidem, p. 144

53 V. 395-96 : « Certes je suis vraiment trop bête,/Moi qui d’une sotte m’entête. »

54 Frappier, Jean, Le théâtre profane France au Moyen Âge (XIIIe-XIVe siècle), CDNU, Paris, 1965, p. 117.

55 Mazouer, Charles, Naïveté et naturel dans le « Jeu de Robin et Marion ». In : Romania, tome 93 n° 371, 1972. pp. 378-393.

56 V. 406-407 : « Voyez le sot ! Est-ce coquet/De s’embrasser devant tout le monde ? »

57 La tripartition des styles haut, moyen et bas (gravis, mediocris, humilis) provient du commentaire de l’œuvre de Virgile par Aelius Donat. Le style haut correspond à l’Énéide, récit des guerres troyennes, le style moyen ou médiocre provient du traité d’agriculture que constituent les Géorgiques, et, enfin, le style bas tire son origine des Bucoliques, pièces poétiques dialoguées entre bergers. On retrouve cette typologie stylistique dans la rhétorique médiévale, Jean de Garlande en fait une illustration au XIIIe siècle, la Rota Virgili (Voir Curtius, La littérature européenne et le Moyen Âge latin, t. 1, Champion, Paris, 1956, p. 324).

58 Genette, Gérard, Palimpsestes, la littérature au second degré, Paris, Seuil, coll. Poétique, 1942, p. 10.

59 Schulz, Paula, Compte-rendu de réécriture Comme je ne savais pas quoi faire ou dire, je me suis contentée de ne rien faire, Lyon, 2018.

60 Soria, Myriam, « Violences sexuelles à la fin du Moyen Âge : des femmes à l’épreuve de leur conjugalité », dans Dialogue, n° 208, 2015, p. 57-70 : « Le corps de la femme violée ou susceptible de l’être est donc conçu par les agresseurs, les justiciers, les médiévaux des XIVe et XVe siècles comme un élément faisant partie d’un tout matériel […] La justice médiévale n’en condamne pas moins les violeurs, mais la sévérité des lois, des coutumes, des jugements en la matière n’influence guère l’imaginaire que la société du temps nourrit à leur égard ».

61 Todorov, Tzvetan, Les Genres du discours, Paris, Seuil, coll. Poétique, 1978, p. 51

Bibliographie

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Pour citer ce document

Jeanne Mousnier-Lompré, «Réécritures du Jeu de Robin et Marion. Présentation des travaux des masterants du séminaire de littérature médiévale de l’ENS de Lyon», Acta Litt&Arts [En ligne], Acta Litt&Arts, Les mondes des bergers, mis à jour le : 10/11/2023, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/actalittarts/541-reecritures-du-jeu-de-robin-et-marion-presentation-des-travaux-des-masterants-du-seminaire-de-litterature-medievale-de-l-ens-de-lyon.

Quelques mots à propos de :  Jeanne  Mousnier-Lompré

ENS de Lyon