Dossier Acta Litt&Arts : Les discours rapportés en contexte épistolaire (XVIe-XVIIIe siècles)
La naissance de Marie-Blanche de Grignan. Notes sur la mise en page de la polyphonie sévignéenne
Résumé
À partir d’une lettre autographe écrite par Madame de Sévigné et Madame de Grignan découverte à Harvard, le présent article tente de comprendre le fonctionnement de la polyphonie d’un point de vue paléographique. Les discours rapportés directs et indirects, l’écriture à plusieurs mains, la citation, les jeux d’écho sont ainsi étudiés sous l’angle de leur signalement graphique, avec un intérêt particulier pour la virgule, dont la marquise a une utilisation toute personnelle.
Texte intégral
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1 Avant de commencer cet article, je tiens à remercier ma chère amie Marie, d...
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2 H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris, au xviie siècle : 1598-17...
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3 M. Speyer, « Les dieux écrivent-ils en italiques ? Typographie et mise en l...
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4 C. Badiou-Monferran, « ‟Ponctuation noire”, ‟ponctuation blanche” et ‟conte...
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5 D’excellentes études existent, mais ne s’intéressent qu’à l’imprimé : voir ...
1Depuis1 les célèbres travaux d’Henri-Jean Martin2, notre connaissance de l’histoire du livre au xviie s. n’a cessé de s’améliorer, et les plus récentes entreprises qui traitent des effets de sens induits par la mise en page de l’imprimé nous semblent particulièrement prometteuses3. La réflexion sur la documentation manuscrite n’a cependant pas connu le même destin, et malgré quelques très récentes publications sur ce sujet4, beaucoup reste encore à faire. Si un tel manque n’est a priori pas des plus urgents à combler pour notre compréhension du théâtre5 ou du roman classique, il en va différemment pour la littérature épistolaire, dont le mode privilégié de lecture est le manuscrit – exception faite de quelques auteurs comme Guez de Balzac ou Voiture.
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6 Le problème a été soulevé chez les médiévistes : voir S. Marnette, « La sig...
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7 Afin d’éviter les confusions entre « graphie » au sens paléographique et « ...
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8 Sur la lenteur d’apparition des indicateurs graphiques d’énonciation, voir ...
2Dans nombre de cas, nous avons la chance d’avoir conservé bien des documents autographes qui donnent à voir le texte original, sans que ce dernier ne soit passé au filtre du prote et de ses remaniements typographiques : la composition de la lettre manuscrite est alors intégralement le fait de l’auteur, ce qui fait du retour au document original un passage nécessaire (quoique insuffisant) pour la compréhension fine du texte, notamment en ce qui concerne le fonctionnement de la polyphonie. Les particularités graphiques du discours rapporté, de la citation, mais aussi de l’écriture à plusieurs mains ne transparaissent en effet pas dans les éditions, qui modernisent abondamment le texte6 : tout comme pour l’étude de l’orthographe7, l’analyse de la polyphonie requiert donc un retour au document manuscrit que nous nous proposons d’opérer dans le présent article. Nous posons l’hypothèse que dans un état de langue préstandardisé8, le balisage du texte dépend grandement du contexte d’écriture (âge du scripteur, qualité du destinataire, type de lettre, etc.) : il est donc signifiant, et nécessite une analyse propre.
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9 Sévigné, Correspondance, éd. R. Duchêne, Paris, Gallimard, coll. « Biblioth...
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10 L. Depretto, « La ‟Lettre à l’Ermite” ou le détail scandaleux », Fabula LH...
3Nous nous pencherons sur un manuscrit relativement court écrit retrouvé récemment à la Houghton Library de l’université de Harvard : le MS Lowell 282, à savoir la lettre du 19 novembre 16709 par laquelle Sévigné et sa fille annoncent au comte de Grignan la naissance de leur premier enfant. Cette « Lettre à l’ermite », pour reprendre le nom que lui a donné Laure Depretto10 afin de signaler le rôle central qu’y joue une citation du conte de L’Ermite, est en effet particulièrement polyphonique. Outre cette citation de La Fontaine, on y trouve deux mains (Sévigné et Grignan), ainsi que des discours rapportés directs et indirects – autant d’éléments qui nous fournissent une excellente occasion de nous pencher sur les manifestations paléographiques de la polyphonie dans l’œuvre de la marquise.
La lettre
4Nous connaissons relativement bien l’histoire du manuscrit de la lettre du 19 novembre 1790 (Fig. 1). Elle provient d’un don fait en 1781 par un descendant de Sévigné à Madame Rosenhagen, alors en villégiature à Monaco. On sait que le manuscrit est la propriété d’un aristocrate anglais en 1816, Henry Grey Bennet (1777-†1836), avant d’être vendu à Londres en juillet 1904 par Sotheby, Wilkinson & Hodge. C’est probablement à ce moment qu’il passe l’Atlantique pour rejoindre la collection personnelle de la poétesse américaine Amy Lowell (1874-†1925), et qu’à la mort de cette dernière il entre dans les collections de l’université de Harvard.
Fig. 1. Cambridge (MA), Houghton Library, MS Lowell Autograph File 282, f°2v.
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11 Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd. L. Monmerq...
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12 Nous reprenons la siglaison de Duchêne pour désigner les témoins (voir Cor...
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13 Nous signalons l’absence de levé de plume par un tiret bas (_).
Ce document n’a été vu ni par Monmerqué pour son édition de 186211, ni par Duchêne pour son édition de la Pléiade : les deux éditeurs mentionnent E1, E3, P1, et P2 comme sources12, mais aucun manuscrit autographe. Ce dernier n’a donc pas été vu depuis près de trois siècles. En voici la transcription13 :
[Main de Madame de Sévigné]
1. a_paris ce me[r]credy 19e no[vembre]
[Main de Madame de Grignan]
2. ſy ma bonne ſanté peut vous conſoler
3. de nauoir qu’une fille ie ne vous
4. demanderay point pardon de ne vous
5. auoir pas donné vn fils, ie ſuis
6. hors de tout peril et ne ſonge qua
7. vous aller trouuer ma mere vous
8. dira le reſte [paraphe]
[Main de Madame de Sévigné]
9. m[adam]e de piſieux dit que ſy vous aues
10. enuie dauoir vn fils que_vous prenies
11. la peine de le_faire ie_trouue ce_diſcours
12. le_plus iuſte et_le meilleur du monde
13. vous nous aues laiſſé vne petite fille
14. nous_vous la_rendons, iamais il ny
15. eut vn acouchement_ſy heureux, vous [f°1v]
16. ſcaures que ma_fille et_moy_nous
17. alames ſamedy dernier promener_a larcenal
18. elle_ſentit_de petites_douleurs ie_voulus
19. au retour enuoyer querir m[adam]e robinet
20. elle_ne voulut iamais, on_ſoupa, elle
21. mangea tres bien, m[onsieu]r_le coadiuteur
22. et_moy nous voulumes donner a
23. cette chambre_vn air_dacouchement
24. elle_ſy_opoſe encore auec vn air qui
25. nous_perſuadoit_quelle_nauoit_quune
26. colique de_fille, enfin come ialois enuoyer
27. malgre elle querir_la robinette voila
28. des_douleurs ſy viues ſy extremes ſy
29. redoublees ſy continuelles, des cris_ſy
30. violens et_ſy perçans que_nous comprimes
31. tres_bien quelle alloit_acoucher, la dificulte
32. ceſt_quil ny_auoit_point_de ſage_fame
33. nous_ne_ſauions tous_ou_nous en_eſtions [f°2r]
34. ieſtois_au deſeſpoir, elle demandoit_du
35. ſecours et_vne ſage femme, ceſtoit alors
36. quelle la ſouhaittoit, ce_neſtoit_pas_ſans
37. raiſon, car come nous eumes fait_venir
38. en diligence la ſage_fame de_m[ademois]elle de_ville
39. elle receut lenfant vn quart_dheure apres,
40. dans ce_moment pequet_arriua qui_aida
41. a_la_deliurer, quand_tout_fut_fait_la
42. robinette ariua vn_peu etonnée, ceſt
43. quelle ceſtoit amuſee a acomoder_m[adam]e
44. la_ducheſſe penſant_en_auoir_pour_toute
45. la_nuit, dabort helene me_dit_madame
46. ceſt_vn_petit_garçon, ie_le_dis_au_coadiuteur
47. et_puis quand nous y_regardames_de_plus
48. pres nous_trouuames_que_ceſtoit_vne
49. petite_fille, nous en ſommes_vn_peu
50. honteuſes, quand nous ſongeons que
51. tout leſté_nous_auons_fait_des_beguins [f°2v]
52. au_ſ[ain]t_pere, et quapres_de ſy belles eſperances
53. la_ſeignora met_au_monde_vne_fille_ie
54. vous aſſure_que_cela rabaiſſe_le_caquet,
55. rien_ne conſole que la parfaite_ſanté
56. de_ma fille elle_na_pas_eu_la_fieure
57. de_ſon_lait, ſa_fille a_eſté_batiſee et
58. nommee marie_blanche, m[onsieu]r_le
59. coadiuteur pour m[onsieu]r_darles et_moy pour
60. moy, voila vn detail quon hairoit
61. bien pour des_choſes indiferentes, mais
62. on_layme_fort pour_celles qui tiennent
63. au_coeur, m[onsieu]r_le_p[remier]_preſident_de_prouence
64. eſt_reuenu_expres de_ſt_germain pour_faire
65. ſon_compliment_icy, iamais_ie_nay veu
66. de_ſy_grandes aparances dvne_veritable
67. amitié que_vous_diray_ie encore, [f°3r]
68. oſeray ie le_dire, ie croy que la_ioye
69. de_la_ſanté de_voſtre_chere epouſe
70. vous en_conſolera, ceſt_que noſtre aymable
71. ducheſſe de ſ[ain]t_ſimon a_la_petite_verole
72. ſy dangereuſement_que_lon_craint
73. pour_ſa_vie, adieu mon cher_ie_laiſſe
74. a voſtre_pauure coeur a_demeſler
75. tous_ces diuers ſentimens, vous ſaues
76. les_miens il_y_a_long_temps ſur voſtre
77. ſuiet
[Main de Madame de Grignan]
78. les mediſans diſent que blanche
79. d’adeimar ne ſera pas dune beauté
80. ſurprenante et les meſme gens adioutent
81. quelle vous reſemble ſy cela eſt
82. vous ne doutes pas que ie ne
83. laiſme fort [paraphe] [f°3v]
[Main de Madame de Sévigné]
84. pour
85. monſieur de_grignan
86. qui ſcaura dabort
87. que m[adam]e_ſa_fame eſt
88. acouchée et_quelle_ſe
89. porte parfaitement bien
90. mais helas ceſt dvne
91. fille
Mains et systèmes graphiques
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14 En ce sens, l’album proposé par Monmerqué (Lettres de Madame de Sévigné, d...
5On l’aura remarqué, cette lettre a deux autrices : Madame de Grignan prend en charge le début (ll. 2-8) et la fin (ll. 78-83), mais c’est sa mère qui relate l’essentiel de la nouvelle. La polyphonie prend donc ici une forme visuelle signalant l’énonciation alternée des deux mains qui se succèdent. S’il s’agit là d’une évidence, il reste important de la rappeler car ce trait caractéristique de la littérature manuscrite est aussi massif que difficilement transposable dans une édition imprimée, et a donc malheureusement tendance a ne pas être commenté14.
6La question de la forme de l’écriture est pourtant centrale pour le destinataire comme pour le paléographe. Elle permet de connaître quasi-instantanément l’état de fatigue, le degré d’éducation ou encore le sexe du scripteur, voire d’identifier ce dernier si l’écriture est familière. Comme tout épistolier actif, Sévigné manifeste ainsi une attention particulière à cette question, qu’elle thématise dans ses lettres :
15 Lettre nº 179, Correspondance, éd. Duchêne, op. cit., 1972, t. 1, p. 287.
Je voudrais bien savoir comme je ferais si votre écriture [à Mme de Grignan] ressemblait à celle d’Hacqueville. La force de l’amitié me la déchiffrerait-elle ? en vérité, je ne le crois pas. On compte pourtant des histoires là-dessus, mais enfin, j’aime fort d’Hacqueville, et cependant je ne puis m’accoutumer à son écriture.15
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16 Lettre nº 455, ibid., 1974, t. 2, p. 180
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18 Paris, BNF NAF 27250, fº113 et sqq. (anciennement Rothschild A.XVII.800) e...
Même dans des cas moins extrêmes que d’Hacqueville, qui force Sévigné à se « crever les yeux pour déchiffrer les lettres »16, il est évident que l’alternance des scripteurs est dans la grande majorité des cas perceptible par le lecteur. Sans rentrer dans le détail de la morphologie, du ductus et de la chaîne graphique, c’est-à-dire de la structure de l’écriture, la main ample, ronde et italique de Sévigné diffère grandement de celle de son fils (fig. 9)17, de Corbinelli (fig. 2)18, ou de la plupart des autres personnes avec qui elle partage la feuille.
Fig. 2. Paris, BNF, NAF 27250, f°116r.
7La brève description de la main de Sévigné que nous venons de faire est néanmoins problématique : le paléographe y aura reconnu les traits typiques de l’écriture féminine au xviie s. Lorsque la marquise co-écrit avec une personne répondant à ces mêmes caractéristiques, la similarité des mains est plus grande, et il peut devenir plus complexe de distinguer les scripteurs, notamment en cas de proximité forte entre deux personnes qui ont potentiellement des tendances mimétiques. Ce dernier cas est bien évidemment celui de Sévigné et Grignan, et il semble ainsi que nombre de lecteurs attentifs aient confondu les deux femmes. C’est notamment le cas dans notre lettre : nous attribuons en effet les lignes 78-83 à la fille (fig. 3), et non à la mère comme Monmerqué et Duchêne.
Fig. 3. MS Lowell Autograph File 282, f°3r.
La faute ne vient bien évidemment pas des deux éditeurs, qui comme nous l’avons dit n’ont pas eu accès au manuscrit, mais de leurs sources. Un rapide tableau présentant les attributions dans chaque édition permet d’y voir plus clair :
E1 |
E3 |
P1 |
P2 |
Notre édition |
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ll. 2-8 |
Grignan |
- |
- |
- |
Grignan |
ll. 9-77 |
- |
Sévigné |
Sévigné |
Sévigné |
Sévigné |
ll. 78-83 |
- |
Sévigné |
Sévigné |
Sévigné |
Grignan |
ll. 84-91 |
- |
- |
- |
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Sévigné |
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19 Correspondance, éd. Duchêne, op. cit., 1972, t. 1, p. 805.
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20 Ce ms, qui serait la lettre imprimée dans Correspondance, éd. Duchêne, op....
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21 « Quelques manuscrits de lettres du xviie siècle : les avatars de textes i...
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22 Vente du 22/06/1990 : Collection J.L. Manuscrits et lettres autographes : ...
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23 Outre la lettre 77bis, il n’y a que le ms (pour l’instant introuvable) de ...
Rappelons que si [e] (source des éditions subreptices E1, E2 et E3) et [p] (source des éditions Perrin P1 et P2) sont très différents, Duchêne a émis l’hypothèse d’une même source [g]19 : il est plus que probable que la division en deux lettres d’une même unité codicologique, et l’attribution de la première à Grignan et la seconde à Sévigné remonte à ce copiste – dont l’existence se trouve donc un peu plus confirmée par ce fait. Cette confusion entre Sévigné et Grignan n’est d’ailleurs pas unique : il existe un débat similaire concernant le ms Grignan 1229, écrit en 166720, que Duchêne attribue à la marquise21 et l’expert en autographe Th. Bodin à la comtesse22. Il y aurait donc une proximité graphique si forte entre la mère et la fille que leur voix semblent fusionner derrière une seule main, tout du moins pendant les jeunes années de Madame de Grignan23.
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24 Cet exemple comme les suivants sont tirés du manuscrit de Harvard.
8Nous appuyons ce changement d’attribution à l’aide d’arguments paléographiques comme graphématiques. Ainsi, la forme du s est assez différente chez les deux femmes : la boucle du jambage inférieur du s long est bien plus nettement marquée chez la mère (fig. 424) que chez la fille (fig. 5), et le contrepoint du s (supposément) rond en fin de mot chez la mère (fig. 6) est totalement absent chez la fille (fig. 7). La leçon mediſans l. 78 (fig. 8) laisse donc penser que le passage est de la main de Grignan.
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fig. 4 |
fig. 5 |
fig. 6 |
fig. 7 |
fig. 8 |
Il en va de même pour l’orthographe. Dès la troisième ligne, Grignan utilise la forme qu’une, que nous n’avons jusqu’à présent jamais rencontré sous la plume de sa mère. Cette dernière, de manière constante tout au long de sa vie, préfère employer le v plutôt que le u pour noter [ü] après une forme élidée, sans d’ailleurs marquer l’élision par une apostrophe (fº2v, l. 66 : dvne pour d’une). Les formes d’adeimar et dune à la l. 79, laissent ainsi penser que ces lignes sont de la main de Grignan, et non de sa mère.
9Ces relais épistolaires entre Madame de Sévigné et un autre scripteur sont particulièrement intéressants. Prenons un autre exemple, où la mère reprend cette fois la plume après son fils (fig. 9)25 :
Fig. 9. Paris, BNF, Fr. 12768, p. 89.
[De la main de Charles de Sévigné]
[…] adieu ma petite ſoeur, je
ſalue tout ce qui eſt autour de vouſ, et continue
touſjourſ d’adorer la deéſſe pauline [paraphe]
[De la main de Madame de Sévigné]
il ſen va linfidelle, iay veu ma bonne
que ieſtois come vous, […]
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26 Seule une étude approfondie permettrait de confirmer ce point.
Au niveau graphématique, on note chez le fils comme chez la fille l’emploi de l’apostrophe pour les formes élidées (d’adorer), que ne connaît pas la mère (linfidelle), et ce qui semble être un j à l’initiale (je)26, que ne connaît pas non plus la mère (iay). Au niveau paléographique, le s final du fils est le même qu’en interne (vouſ, touſiourſ).
10Pour un lecteur attentif du manuscrit de Harvard, la fusion des mains n’est donc que partielle : même si les nuances sont fines, chaque scripteur garde ses particularités. Du point de vue graphématique, on retrouve des traces de l’écart d’âge qui sépare les deux femmes : la fille (comme le fils) a des traits modernes (par exemple l’apostrophe) que la mère n’a pas. Du point de vue paléographique, on note cependant une étonnante ressemblance entre les deux femmes, qui s’opposent nettement au fils. C’est donc l’histoire d’une relation mère-fille particulière que donne à voir ce manuscrit, mais aussi les mésaventures des protagonistes : la signature-paraphe de Grignan l. 8 montre sa fatigue plusieurs jours après l’accouchement (fig. 10), ce qui explique (sans que cela soit dit) que sa mère prenne la plume à sa place, avant de laisser sa fille conclure. En ce sens, le manuscrit confirme, mais aussi complète graphiquement le récit de l’accouchement d’une fille par sa mère.
Fig. 10. MS Lowell Autograph File 282, f°1r.
Le discours direct
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27 Le discours citant est en gras, le discours cité en italique.
11Avançons dans l’analyse de la lettre, et passons au discours direct (DD) et indirect (DI). Reprenons notre autographe de Harvard27 :
41. a_la_deliurer, quand_tout_fut_fait_la
42. robinette ariua vn_peu etonnée, ceſt
43. quelle ceſtoit amuſee a acomoder_m[adam]e
44. la_ducheſſe penſant_en_auoir_pour_toute
45. la_nuit, dabort helene me_dit_madame
46. ceſt_vn_petit_garçon, ie_le_dis_au_coadiuteur
Aucun signe auxiliaire ne signale graphiquement le changement de locuteur – on trouve tout au plus deux longs espaces avant dabort et après garçon qui isolent la portion de texte contenant la proposition introductive et le discours cité. La transition entre ces derniers est alors assurée linguistiquement par un verbe introducteur (dire), doublé d’un terme d’adresse (madame).
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28 Pour des raisons de confidentialité, le nom des propriétaires de ce manusc...
12Ce cas de figure n’est pas typique si l’on en croit un rapide sondage dans les autographes de Sévigné, l’épistolière ayant normalement recours à une virgule pour marquer la transition vers le DD. Ainsi, dans la lettre Duchêne nº944 (à Moulceau, le 25/10/1686, collection privée28, fº6v) :
nous auons vint_fois_parlé
de_vous, auec amitie, et_auec
vn_goust extreme, et_dit vint
fois, ecriuons luy, ie_le veux,
ie_vous en prie, et ſur le point
de nous donner ce_plaiſir, vn
demon vient qui_nous iette
vne distraction, et qui nous oſte
cette bonne penſee,
Cette pratique se maintient quand le discours direct ne dépend pas syntaxiquement d’un verbe de parole. En témoigne la lettre Duchêne nº1243 (à Du Plessis, 19/01/1691, collection privée, fº1v) :
on nous a mandé de_toutes
pars beaucoup de bien de_voſtre
pupille, il est bien fait, il est
ioly, il est ſauant, ie me le
represente fort agreable, nous
auons eü icy quatre ou cinq
heures m[onsieu]r ſon pere
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29 Pour une bibliographie récente, voir M. Colombo-Timellli, « Les dialogues ...
L’emploi de la virgule comme marque graphique de la séparation entre discours citant et discours cité est conforme à une longue tradition qui trouve ses racines au Moyen Âge29. Dans la mesure où la séparation entre les deux discours marque aussi celle des propositions syntaxiques, il convient cependant de ne pas lire cette virgule comme un signal du discours rapporté : il s’agit plutôt d’une activation simultanée de plusieurs fonctions du graphème (syntaxique, prosodique, énonciative). Cet exemple en l’absence d’un verbe de parole introducteur, explique la présence en amont d’un discours narrativisé, qui facilite ensuite l’interprétation énonciative du discours cité.
13À côté de la simple virgule, nous avons trouvé un cas de ce qui ressemble à une double virgule et pourrait faire office de guillemet bas dans Duchêne nº952 (à Moulceau, le 27/01/1687, collection privée, fº1v) :
ie_croy_que_vous aues_receu_vne
gronderie que_ie_vous fais, ſur lhorreur
que_vous_me temoignies de cette
dignité, ie vous donnois mon
exemple, et_vous diſois,, petus non
dolet, en effet, ce nest point
ce que lon penſe,
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30 Id., « Graphie et ponctuation du français médiéval. Système et variation »...
Si un tel emploi semble être un hapax dans le corpus de Sévigné, son utilisation n’est pas impossible : que l’on fasse remonter l’apparition du guillemet au Moyen Âge (avec le diplè) ou à la Renaissance (avec les humanistes Alde, Bade ou Geoffroy Tory), ce signe est connu depuis longtemps30, et donc déjà utilisé par l’imprimerie à l’époque où notre lettre se trouve écrite31.
14Pour le DI, Sévigné n’utilise pas de virgule avant la conjonction de subordination, conformément à la norme32.
9. m[adam]e de piſieux dit que ſi vous aues
10. enuie dauoir vn fils que_vous prenies
11. la peine de le_faire ie_trouue ce_discours
12. le_plus iuſte et_le meilleur du monde
Grignan fait de même à la fin de la lettre :
78. les mediſans diſent que blanche
79. d’adeimar ne ſera pas dune beauté
80. ſurprenante et les meſme gens adioutent
81. quelle vouſ reſemble
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33 Cf. l’exemple du manuscrit du musée Carnavalet infra.
Notons cependant que l’exemple de la l. 80-81 doit être regardé avec prudence : depuis le Moyen Âge, les scribes utilisent la fin de ligne comme marque de ponctuation33.
15Il convient donc d’analyser le marquage du discours rapporté chez Sévigné dans la continuation de pratiques médiévales et renaissantes, mais sur un mode appauvri (du fait par exemple de l’absence de majuscule ou d’autre signe de ponctuation). Il s’agit donc d’un système assez régulier, qui use de la virgule pour le DD mais pas pour le DI. Le premier exemple que nous avons présenté est alors intéressant non seulement parce qu’il présente un cas de DD sans virgule, mais aussi sans levé de plume :
1. la_nuit, dabort helene me_dit_Madame
Fig. 11. MS Lowell Autograph File 282, f°2r.
De la même manière qu’il y avait précédemment rapprochement graphique de la mère et de la fille par la proximité des mains, il y a désormais rapprochement graphique des locuteurs par la soudure graphique des énoncés, ce qui rend encore plus fluide le passage d’une voix à l’autre au sein de la lettre.
(Digression : les raies et le soulignement)
16La présence et l’absence de virgules ne sont pas anodines chez Sévigné. La marquise commente l’utilisation de celles-ci, qu’elle appelle des « raies » :
34 Correspondance, éd. Duchêne, op. cit., 1978, t. 3, p. 456.
Je voudrais bien que le pauvre Marquis fût content de ce que vous lui donnerez dans votre régiment. Je crois que, si c’est la première compagnie, il dira : « Je suis content » du ton du Marquis.
Il est vrai que j’aime mes petites raies. Elles donnent de l’attention. Elles font faire des réflexions, des réponses. Ce sont quelquefois des épigrammes, des satires. Enfin, on en fait ce qu’on en veut.34
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35 Correspondance, éd. É. Gérard-Gailly, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèq...
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36 Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd. L. Monmerq...
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37 Le manuscrit est malheureusement perdu.
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38 Correspondance, éd. R. Duchêne, op. cit., 1978, t. 3, p. 456 n. 5.
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39 Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd. L. Monmerq...
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40 C. Lignereux, « Les lettres de Sévigné sont-elles informes ? éléments pour...
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41 C. Noille, « Les lettres de Sévigné sont-elles informes ? éléments pour un...
L’édition Duchêne scinde en deux paragraphes ce passage, ce que ni Gérard-Gailly35, ni Monmerqué36 ne font. Ces deux derniers ont selon nous raison : la réflexion sur les raies renvoie très probablement37 à l’utilisation de virgules pour encadrer les propos du marquis, à la manière des exemples que nous avons présentés plus haut. Duchêne a donc tort de dire que les raies ne sont « non pas les virgules, assez nombreuses dans les autographes (elles y sont le seul signe de ponctuation), mais les mots soulignés ou rayés pour attirer sur eux l’attention de la comtesse »38. Elles sont bien, conformément à l’expérience de Monmerqué39, ou l’intuition de C. Lignereux40 et Ch. Noille41, ces sortes de virgules que nous venons de voir dans toutes nos transcriptions.
17Comme l’explique Sévigné elle-même, l’utilisation de ces raies dépasse de loin le cas du discours rapporté, mais couvre un large spectre d’usages linguistiques allant de la simple délimitation syntaxique au soulignement sémantique. C’est notamment le cas dans le Ms Paris BNF Fr. 12768, p. 54 (à Mme de Grignan, le 23/04/1690, nº 1206 de l’édition Duchêne) :
ſy vous estes a grignan, iyray, et ie
me fais vn grand plaiſir de ſonger que
ſy dieu le veut bien, ie paſſeray cet
hiuer auec vous, le temps paſſe bien
viſte auec vne telle esperance, mais_ie
vous demande bien ſerieuſement, de ne
rien dire a paris de_ce deſſein, ce me
ſeroit vn embaras, et vn chagrin dans_le
[p. 55] comerce que iay auec mes amyes, qui
comancent desia, de ſouhaitter_mon
retour, et_de_men parler, laiſſons
meurir, le deſſein de ce voyage de
trauerſe, come vne opinion probable,
dans pascal
Les virgules suivent d’assez près les articulations syntaxiques du texte : elles encadrent assez nettement les propositions (sauf les subordonnées), et un peu plus lâchement les syntagmes. Elles ont de ce fait une fonction pneumatique simple d’aide à la lecture, mais la liberté dans la segmentation nous renvoie dans plusieurs cas à une utilisation rhétorique. Ainsi dans laiſſons meurir, le deſſein de ce voyage de trauerſe, come vne opinion probable, dans pascal, il nous semble évident que Sévigné met en valeur la référence à Pascal en détachant le comparé (le deſſein de ce voyage de trauerſe), le comparant (come vne opinion probable) et la source du comparant (dans pascal). Même si le cas est moins net, il peut en aller de même pour la virgule entre mais ie vous demande bien serieusement et de ne rien dire a paris de ce dessein, qui permet certes de bien de séparer deux propositions (fonction syntaxique) et de proposer une pause entre deux longs syntagmes (fonction pneumatique), mais aussi d’insister sur l’ordre qui est donné (fonction rhétorique).
18Les virgules ont donc une fonction de soulignement, qui n’exclue d’ailleurs pas le soulignement au sens propre, comme dans le Ms Paris BNF Fr. 12768, p. 86 (à Mme de Grignan, le 12/07/1690, nº 1219 de l’édition Duchêne) :
vous parles tout come
bien_des gens, des ſucces de nos armees,
nauales, et des combats nauaux,
cest quaſy touiours le vent qui les
decide,
Les termes nauales et nauaux sont tous les deux mis en valeurs, une fois par des virgules, un fois par le soulignement, ce qui permet à Sévigné de signaler la reprise d’un même mot employé par Grignan.
19Le soulignement peut donc, tout comme les virgules, être utilisé pour marquer le DR, comme dans le Ms du Musée royal de Mariemont, Aut. 487b, fº2r (à Moulceau, le 29/02/1696, n° 1368 de l’édition Duchêne) :
il_faut bien que ie vous enuoye
vne lettre, que iay enfin excroquee
a la philoſophie de notre cher
corbinelli, il_ma redonné le
nom de Scelerat que iauois
oublié, et que vous merites
ſy bien
Un cas particulièrement intéressant d’utilisation du soulignement (toujours au sens propre) se trouve dans le Ms Paris BNF Fr. 12768, p. 51 (à Mme de Grignan, le 23/04/1690, nº 1206 de l’édition Duchêne) :
vous les receués donc touiours ma
bonne, auec cette ioye et cette tandreſſe,
qui vous fait croire que ſ[ain]t augustin
et_m[onsieu]r du bois, y trouueroient a retrancher,
ce ſont vos cheres bonnes, elles ſont
neceſſaires a voſtre repos, il_ne tient qua
vous de croire que cet atachement
est vne deprauation, cepandant vous
vous tenes dans la poceſſion de maymer
de_tout voſtre coeur, et bien plus que
voſtre prochain que vous naymes que
come vous mesme, voila bien de_quoy,
voila ma chere bonne ce que vous me
dittes,
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42 Berlin, Staatsbibliothek zu Berlin, Slg. Darmst. 2m 1660 (Sévigné).
-
43 Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd. L. Monmerq...
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44 Sévigné, Correspondance, éd. R. Duchêne, op. cit., 1978, t. 3, p. 868, n. ...
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45 Ibid., p. 859.
Le soulignement du premier mot de chaque ligne et du dernier segment n’est pas unique, et existe dans d’autres manuscrits de Sévigné42. On ne le retrouve pourtant pas dans l’édition Monmerqué43, et partiellement dans l’édition Duchêne. Ce dernier est d’ailleurs le seul à tenter un commentaire : il y voit deux références44 dont seule celle à la lettre nº 1204 nº 1219 de l’édition Duchêne nous paraît vraiment évidente (« le moyen de faire une bonne communion, quand on manque ce premier commandement d’aimer son prochain, et soi-même par conséquent, comme soi-même ? »45). En l’absence des lettres de Mme de Grignan, il nous est malheureusement impossible de conjecturer plus qu’un jeu d’écho signalé par le soulignement.
20Comme pour le DD, il n’est donc pas exclu que des formes comme le DN (il_ma redonné le nom de Scelerat), une référence littéraire (come vne opinion probable, dans pascal) ou un simple écho à des discussions antérieures soient mises en valeur graphiquement, soit au moyen de virgules, soit au moyen du soulignement – les deux étant équivalents sous la plume de Sévigné. Il convient encore une fois de ne pas dire que ces signes sont les marques graphiques de la polyphonie, mais entretiennent avec elle un lien étroit qui n’exclut pas que d’autres fonction soient activées simultanément à celle de signalement de jeux énonciatifs ou référentiels.
Citations
21Le cas de la citation est particulièrement intéressant. Retournons une dernière fois au manuscrit de Harvard :
49. nous en ſommes_vn_peu
50. honteuſes, quand nous ſongeons que
51 tout leſté _nous_auons_fait_des_beguins
52. [fº2v] au_ſ[ain]t_pere, et quapres_de ſy belles esperances
53. la ſeignora met_au_monde_vne_fille_ie
54. vous aſſure_que_cela rabaiſſe_le_caquet,
Fig. 12. MS Lowell Autograph File 282, f°2v.
Il s’agit ici d’une citation cachée et légèrement déformée d’un conte très récent de la Fontaine :
46 Contes et nouvelles en vers, de M. de La Fontaine, Paris, Cl. Barbin, 1669.
La signora, de retour chez sa mère,
S’entretenait jour et nuit du Saint-Père,
Préparait tout, lui faisait des béguins
[…] Mais ce qui vint détruisit les châteaux
[…] La signora mit au monde une fille.46
-
47 Le ms n’a ni cote, ni de numéro d’inventaire, d’après le conservateur du m...
La question de la délimitation du vers du conteur (la seignora met au monde vne fille) est problématique : on ne note pas de virgule initiale, et la citation est graphiquement enchaînée à ce qui suit en sortie du fait de l’absence de levé de plume (vne_fille_ie, fig. 12). L’absence de virgule après esperances n’équivaut cependant pas à une absence complète de ponctuation, car on trouve un retour à la ligne. Ce dernier sert régulièrement chez Sévigné de délimiteur syntaxique, comme le montre ce passage du Ms Carnavalet47 f°1r (nº 913 dans l’édition Duchêne, à Mme de Grignan, 17/06/1685) :
iay fait retailler le
diamant auec plaiſir dans la penſee
que vous le garderies toute voſtre vie
ie_vous en coniure ma chere bonne
Un simple retour à la ligne étant le marquage le plus faible possible, nous pouvons donc dire que (presque) rien ne signale la référence à La Fontaine, qui relève donc plus de l’allusion que de la citation d’un point de vue paléographique.
22Dans d’autres cas, est signalée rétroactivement au moyen d’une modalisation en discours second, comme dans la lettre Duchêne nº881 (juillet-août 1684, collection privée, fº1v) :
mais ie_coupe_cour, et vous prie
de ne me_citer iamais, ha_ne_me
brouilles point_auec la
republique, come dit atale,
ie_ne veux plus repaſſer ſous
la preſſe
On aura peut-être reconnu un vers du Nicomède de Corneille :
48 Corneille, Le Theatre de P. Corneille Reueu & corrigé par l’Autheur, Paris...
Prv. Ah, ne me broüillez point avec la Republique,
Portez plus de respect à de tels alliez.48
Dans cet exemple, trois signes mettent en évidence la citation chez Sévigné. Premièrement, l’emploi d’une virgule au début (iamais, ha ne) et à la fin (la republique, come). Deuxièmement, un peu fortuitement il est vrai dans la mesure où elle provient du texte de Corneille, l’interjection ha marque un changement de modalité d’énonciation qui signale le changement de locuteur. Troisièmement, la modalisation en discours second (come dit atale) désambigüise l’énoncé en attribuant la dernière proposition au personnage de Corneille (il s’agit d’ailleurs de Prusias et non d’Attale).
23Pour des passages plus longs, le retour à la ligne pour marquer le vers n’est d’ailleurs pas rare, comme le montre le Ms Paris BNF Fr. 12768, p. 76 (25/06/1690, n° 1216 dans l’édition Duchêne, fig. 13) :
[…] ie
crains que le pape ne ſoit plus liberal
dindulgences, que de bules, on menuoya
lautre iour de paris ſur le mesme chant, cecy
aux paroles dottobon
coulange est trop credule
ie_connois ce pantalon, — il est venitien
et nous naurons quen chanſon
des bules -
ne me cites point le ſingulier, et le pluriel
font une faute, mais elle eſtoit dans celles
de noſtre couſin,
Fig. 13. Paris, BNF, Fr. 12768, p 76.
On remarque une nouvelle fois le soulignement du premier mot de la dernière ligne, qui sert aussi de séparateur avec la prose qui reprend par la suite. Il ne s’agit cependant pas à proprement parler d’une citation, mais plutôt d’un pastiche du cousin Philippe-Emmanuel, marquis de Coulanges, dont la chanson va ainsi :
49 P.-E. Coulanges, Recueil de chansons choisies, seconde édition, Paris, Sim...
De l’heureux choix d’Ottobon
N’ayez point de ſcrupule,
Sous ce Pape ſage, & bon
Va renaiſtre la ſaiſon
Des Bulles, des Bulles, des Bulles49
24Contrairement au manuscrit de Harvard, la citation de Corneille et le pastiche de Coulanges sont clairement distingués du reste du texte. Il ne faudrait cependant pas croire que tous les cas sont aussi clairs : nous connaissons un autre exemple de citation masquée chez Sévigné, dans le Ms Grignan Inv. 1227 fº3r (17/06/1685, n° 973 dans l’édition Duchêne) :
vous aues pris toutes mes
preuantions, ie reconnois
mon_ſang, ie ſuis rauie
que cet entestement vous
dure au_moins toute lannee,
-
50 Recueil des lettres de Mme la marquise de Sévigné à Mme la comtesse de Gri...
-
51 Lettre nº 872, Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis,...
-
52 Lettre nº 965, Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis,...
Il a fallu un certain temps pour repérer la citation, que ni Perrin50 ni Monmerqué dans son édition de 181851 n’ont reconnu : la seconde édition Monmerqué52 est la première à identifier une référence au Cid :
53 Corneille, Le Theatre de P. Corneille Reueu & corrigé par l’Autheur, Paris...
Die. Rodrigue, as-tu du cœur ? Ro. Tout autre que mon pere
L’éprouveroit ſur l’heure. Die. Agreable colere !
Digne reſſentiment à ma douleur bien doux !
Ie reconnoy mon ſang à ce noble couroux,
Ma jeuneſſe revit en cette ardeur ſi prompte.
Vien mon fils, vien mon ſang, vien reparer ma honte,
Vien me vanger.53
Pour cette dernière citation de Corneille comme celle de La Fontaine, il se pose néanmoins la question de l’identification par le lecteur des citations non signalées par le scripteur, et le fait que même des éditeurs aguerris n’ont pas remarqué celle du Cid laisse de forts doutes. Nous constatons donc, une fois de plus, l’absence nette de distinction des voix dans la lettre du manuscrit de Harvard.
Conclusion
25Le manuscrit de Harvard est clairement en sous-régime graphique. Premièrement les changements de main ne sont pas nets, les écritures de la mère et de la fille étant tellement similaires qu’un passage écrit par la fille était jusqu’à présent attribué à la mère. Deuxièmement, le signalement du discours direct est moins bien signalé qu’habituellement : là où l’on attendrait une virgule, dont on a vu que la marquise a une utilisation particulièrement soignée, pour distinguer le discours cité du discours citant on trouve un enchaînement graphique qui les soudent. Troisièmement, la citation de La Fontaine n’est absolument pas signalée au lecteur, dont on se demande s’il peut l’identifier : on trouve encore une fois une absence de levé de plume qui soude graphiquement la citation au discours citant.
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54 S. Marnette, « La signalisation du discours rapporté en français médiéval ...
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55 Nous reprenons le mot de Maria Colombo Timelli à propos des Cent nouvelles...
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56 A. Lorenceau, « Sur la ponctuation au 18ème siècle », Dix-Huitième Siècle,...
26Sévigné a pourtant les moyens graphiques de désambiguïser son discours, en utilisant la virgule comme elle le fait ailleurs dans sa correspondance. Si la présence d’un seul signe de ponctuation peut surprendre à une époque où l’imprimé est largement diffusé, il ne faut cependant pas se méprendre : il convient moins de comparer l’usage sévignéen aux conventions typographiques de son époque, que de rattacher cet usage aux pratiques manuscrites médiévales. Nous nous trouvons dans un système relativement proche de celui du Moyen Âge tel que décrit par Sophie Marnette : « contrairement aux guillemets, ces signes n’ont pas pour fonction principale de signaler le discours rapporté »54. La virgule sévignéenne est susceptible d’activer alternativement ou simultanément plusieurs fonctions (pneumatique, syntaxique, énonciative, rhétorique). Cette polysémie est néanmoins ordonnée, et il nous semble possible de postuler l’existence de récurrences internes55, voire d’un système relativement régulier dans le codage de la polyphonie (et de la diaphonie) par Sévigné dans ses lettres autographes. Nous sommes dans un système fort différent de celui décrit par Annette Lorenceau, selon qui « le rôle de la ponctuation est de faciliter la lecture à haute voix56 ».
27L’utilisation de la virgule est théorisée par Sévigné : ce qu’elle appelle « raie » a notamment une fonction de soulignement qui guide le lecteur dans la compréhension de la lettre. Nous arrivons donc aux mêmes conclusions que Ch. Noille :
57 C. Noille, « Les lettres de Sévigné sont-elles informes ? éléments pour un...
Qu’il s’agisse des dispositifs d’allongement ponctué, de scansion ou de transition, la lettre sévignéenne n’est pas avare d’éléments potentiellement embrayeurs de structuration, en l’occurrence une structuration dynamique du syntagme qui lui assure lisibilité et rythme.57
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58 L. Depretto, « La ‟Lettre à l’Ermite” ou le détail scandaleux », Fabula LH...
Ce qui va contre ce principe, comme l’absence de distinction nette des multiples voix actives dans la lettre de Harvard, mérite donc une attention particulière car il est potentiellement signifiant. Or justement, nous ne sommes pas les premiers à constater ce flou : L. Depretto a parfaitement mis en valeur les effets de brouillage qui parsèment la même lettre, et la confusion que la chercheuse signale autour des référents de seignora (la comtesse ou le personnage de La Fontaine ?)58 est parfaitement prolongée d’un point de vue graphique par l’absence de signalisation de la citation.
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59 C. Noille, « Les lettres de Sévigné sont-elles informes ? éléments pour un...
28À défaut de ponctuation, l’identification des voix ne tient plus qu’aux marques linguistiques : en l’absence de ces dernières (fin de la lettre, citation de La Fontaine), nous nous trouvons dans un flou polyphonique complet. Cet effet de brouillage renvoie à la panique de l’accouchement, particulièrement sensible à la lecture eu égard au souci de lisibilité qui anime habituellement la correspondance de la marquise59. Mais ce mélange n’est qu’apparent : la voix qui domine de loin toutes les autres est bien celle de la marquise, qui ne fait graphiquement qu’un avec (la main de) sa fille et prend en charge graphiquement tous les autres discours présents dans la lettre. Derrière un désordre apparent, c’est donc bien l’épistolière qui ordonne le discours comme elle organise les secours, et réaffirme donc sa présence dans un moment de crise.
29Il est intéressant de remarquer que nombre des éléments qui nous amènent à cette conclusion sont propres au manuscrit. La question du levé de plume ou de la succession des mains, la réduction de la ponctuation à la virgule et au retour à la ligne, l’inexistence de la majuscule ou d’autres signes auxiliaires (guillemet, point, etc.), ou encore l’équivalence entre certaines virgules et le soulignement ne relèvent aucunement de l’imprimé. S’il existe bien des similarités entre les pratiques de Sévigné et les usages des typographes de son époque, qui ont pu exercer une influence par la lecture des livres, ces similarités se limitent à l’emploi de la virgule avant le discours rapporté en style direct et à son absence avant le style indirect. Il est cependant important de noter que non seulement cette position rappelle aussi celle des manuscrits médiévaux, mais surtout que si la virgule est bien au même endroit, elle relève d’un écosystème graphique différent, qui lui attribue d’autres fonctions. Elle témoigne donc, avec les autres éléments que nous avons mentionnés, de la persistance et de la vivacité d’une véritable culture manuscrite autonome, qui continue de fonctionner parallèlement à la culture imprimée au xviie s.
Notes
1 Avant de commencer cet article, je tiens à remercier ma chère amie Marie, dont l’aide a été précieuse lors de la rédaction de cet article.
2 H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris, au xviie siècle : 1598-1701, Genève, Droz, 1969.
3 M. Speyer, « Les dieux écrivent-ils en italiques ? Typographie et mise en livre de pièces en vers et en prose », Book Practices & Textual Itineraries, à paraître. (Nous remercions l’auteure de nous avoir transmis sa communication avant publication).
4 C. Badiou-Monferran, « ‟Ponctuation noire”, ‟ponctuation blanche” et ‟contes bleus” : l’évolution du codage des discours directs dans La Barbe bleue de Perrault (1695-1905) », Enregistrer la parole et écrite la langue dans la diachronie du français, Tübingen : Narr Francke Attempto Verlag, 2017, p. 147-166.
5 D’excellentes études existent, mais ne s’intéressent qu’à l’imprimé : voir S. Chaouche, « Remarques sur le rôle de la ponctuation dans la déclamation théâtrale du xviie siècle » La Licorne (52), 2014, en ligne : http://licorne.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=5701 et A. Riffaud, La Ponctuation du théâtre imprimé au xviie siècle, Genève, Droz, 2007.
6 Le problème a été soulevé chez les médiévistes : voir S. Marnette, « La signalisation du discours rapporté en français médiéval », Langue française 2006 (149), p. 31-47, en ligne : https://www.cairn.info/revue-langue-francaise-2006-1-page-31.htm, § 2.
7 Afin d’éviter les confusions entre « graphie » au sens paléographique et « graphie » au sens graphématique, nous privilégierons l’utilisation d’« orthographe » plutôt que de « système graphique », bien que le second corresponde mieux à la langue du xviie s.
8 Sur la lenteur d’apparition des indicateurs graphiques d’énonciation, voir R. Laufer, « Guillemets et marques du discours direct », La Ponctuation ? Recherches historiques et actuelles, Paris, C.N.R.S. ; Besançon : Groupement de recherches sur les textes modernes, 1979, p. 237. Sur la systématisation de la ponctuation au xviiie s., cf. A. Lorenceau, « La ponctuation au xviiie siècle : l’effort de systématisation des grammairiens-philosophes », dans La Ponctuation ?, ibid., p. 127-149.
9 Sévigné, Correspondance, éd. R. Duchêne, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1972, Lettre nº 115, t. 1, p. 132.
10 L. Depretto, « La ‟Lettre à l’Ermite” ou le détail scandaleux », Fabula LHT, 2007 (3), en ligne : http://www.fabula.org/lht/3/depretto.html.
11 Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd. L. Monmerqué, Paris, Hachette, 1862, Lettre nº 115, t. 2, p. 13. Les sources pour reconstituer cette lettre se trouvent dans cette même édition, t. 11, p. 345.
12 Nous reprenons la siglaison de Duchêne pour désigner les témoins (voir Correspondance, éd. Duchêne, op. cit., t. 1, p. 831). E renvoie aux éditions subreptices, P aux éditions de Perrin, les chiffres 1, 2 et 3 désignent l’ordre de publication au sein de chacune de ces familles.
13 Nous signalons l’absence de levé de plume par un tiret bas (_).
14 En ce sens, l’album proposé par Monmerqué (Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd. L. Monmerqué, op. cit.) qui contient de nombreux fac-similés, est d’une grande utilité.
15 Lettre nº 179, Correspondance, éd. Duchêne, op. cit., 1972, t. 1, p. 287.
16 Lettre nº 455, ibid., 1974, t. 2, p. 180
17 Paris, BNF Fr. 12768, p. 79 et sqq.
18 Paris, BNF NAF 27250, fº113 et sqq. (anciennement Rothschild A.XVII.800) et New York, The Morgan Library & Museum, MA 750.
19 Correspondance, éd. Duchêne, op. cit., 1972, t. 1, p. 805.
20 Ce ms, qui serait la lettre imprimée dans Correspondance, éd. Duchêne, op. cit., 1972, t. 1, p. 1026 (i.e. n. 4 de la p. 192), est devenue la 77bis dans les réimpressions du premier tome de Duchêne.
21 « Quelques manuscrits de lettres du xviie siècle : les avatars de textes immuables », Le Manuscrit littéraire : son statut, son histoire, du Moyen Âge à nos jours, Paris, ADIREL, 1998, p. 187.
22 Vente du 22/06/1990 : Collection J.L. Manuscrits et lettres autographes : littérature, Paris, Bodin, 1990, catalogue n°150. Conservation : Paris, BNF (Tolbiac) Δ 84500 et Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales, AB XXXVIII 249.
23 Outre la lettre 77bis, il n’y a que le ms (pour l’instant introuvable) de la lettre nº 96 (Correspondance, éd. Duchêne, op. cit., 1972, t. 1, p. 114) qui soit plus ancien que celui de Harvard.
24 Cet exemple comme les suivants sont tirés du manuscrit de Harvard.
25 Paris, BNF Fr. 12768, p. 89.
26 Seule une étude approfondie permettrait de confirmer ce point.
27 Le discours citant est en gras, le discours cité en italique.
28 Pour des raisons de confidentialité, le nom des propriétaires de ce manuscrit et de quelques autres cités dans cet article ne peut être dévoilé.
29 Pour une bibliographie récente, voir M. Colombo-Timellli, « Les dialogues dans les Cent nouvelles nouvelles. Marque linguistiques et (typo)graphiques, entre manuscrit et imprimé », Enregistrer la parole et écrite la langue dans la diachronie du français, Tübingen, Narr Francke Attempto Verlag, 2017, p. 129-145. Pour une série d’exemples, voir S. Marnette, « La signalisation du discours rapporté en français médiéval », art. cit., ou E. Llamas-Pombo, « Marques graphiques du discours rapporté. Manuscrits du Roman de la Rose, xve siècle », Le Changement en français : études de linguistique diachronique, Berne, Peter Lang, 2010, p. 251.
30 Id., « Graphie et ponctuation du français médiéval. Système et variation », Enregistrer la parole et écrite la langue dans la diachronie du français, Tübingen, Narr Francke Attempto Verlag, 2017, p. 67.
31 Par exemple dans la préface de Bérénice en 1671.
32 L. Rosier, Le Discours rapporté en français, Paris, Ophrys, 2008, p. 83.
33 Cf. l’exemple du manuscrit du musée Carnavalet infra.
34 Correspondance, éd. Duchêne, op. cit., 1978, t. 3, p. 456.
35 Correspondance, éd. É. Gérard-Gailly, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1957, t. 3, p. 301.
36 Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd. L. Monmerqué, op. cit., 1862, t. 8, p. 378.
37 Le manuscrit est malheureusement perdu.
38 Correspondance, éd. R. Duchêne, op. cit., 1978, t. 3, p. 456 n. 5.
39 Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd. L. Monmerqué, op. cit., 1862, t. 8, p. 379 , n. 32.
40 C. Lignereux, « Les lettres de Sévigné sont-elles informes ? éléments pour une rhétorique de la disposition », Acta Litt&Arts, Le style Sévigné. À l'occasion de l'agrégation 2013/2014, mis à jour le 23/11/2015, en ligne : http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble-alpes.fr/revues/actalittarts/88-les-lettres-de-sevigne-sont-elles-informes-elements-pour-une-rhetorique-de-la-disposition, § 20 consulté le 19/05/2020.
41 C. Noille, « Les lettres de Sévigné sont-elles informes ? éléments pour une rhétorique de la disposition », Acta Litt&Arts, Le style Sévigné. À l’occasion de l’agrégation 2013/2014, mis à jour le 23/11/2015, en ligne : http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble-alpes.fr/revues/actalittarts/88-les-lettres-de-sevigne-sont-elles-informes-elements-pour-une-rhetorique-de-la-disposition, § 20, consulté le 19/05/2020.
42 Berlin, Staatsbibliothek zu Berlin, Slg. Darmst. 2m 1660 (Sévigné).
43 Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd. L. Monmerqué, op. cit., 1862, t. 9, p. 493.
44 Sévigné, Correspondance, éd. R. Duchêne, op. cit., 1978, t. 3, p. 868, n. 1 et 2.
45 Ibid., p. 859.
46 Contes et nouvelles en vers, de M. de La Fontaine, Paris, Cl. Barbin, 1669.
47 Le ms n’a ni cote, ni de numéro d’inventaire, d’après le conservateur du musée qui nous a communiqué le document.
48 Corneille, Le Theatre de P. Corneille Reueu & corrigé par l’Autheur, Paris, G. de Luyne, 1663, t. II, p. 456, ii.3.
49 P.-E. Coulanges, Recueil de chansons choisies, seconde édition, Paris, Simon Benard, 1698, p. 272.
50 Recueil des lettres de Mme la marquise de Sévigné à Mme la comtesse de Grignan, sa fille, éd. D.-M. Perrin, Paris, Rollin, 8 vols, 1754, t. 6, p. 432.
51 Lettre nº 872, Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd. L. Monmerqué, Paris, J.-J. Blaise, 1818, t. 8, p. 412.
52 Lettre nº 965, Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, éd. L. Monmerqué, op. cit., 1862, t. 7, p. 405.
53 Corneille, Le Theatre de P. Corneille Reueu & corrigé par l’Autheur, Paris, G. de Luyne, 1663, t. 1, 436, i.5.
54 S. Marnette, « La signalisation du discours rapporté en français médiéval », art. cit., p. 42.
55 Nous reprenons le mot de Maria Colombo Timelli à propos des Cent nouvelles nouvelles (M. Colombo-Timellli, « Les dialogues dans les Cent nouvelles nouvelles. Marque linguistiques et (typo)graphiques, entre manuscrit et imprimé », art. cit., p. 142).
56 A. Lorenceau, « Sur la ponctuation au 18ème siècle », Dix-Huitième Siècle, 1978 (10), p. 365.
57 C. Noille, « Les lettres de Sévigné sont-elles informes ? éléments pour une rhétorique de la disposition », art. cit., § 89.
58 L. Depretto, « La ‟Lettre à l’Ermite” ou le détail scandaleux », Fabula LHT 2007 (3), en ligne : http://www.fabula.org/lht/3/depretto.html, § 23.
59 C. Noille, « Les lettres de Sévigné sont-elles informes ? éléments pour une rhétorique de la disposition », art. cit., § 22.
Bibliographie
Sources manuscrites
Berlin, Staatsbibliothek zu Berlin, Slg. Darmst. 2m 1660 (Sévigné).
Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, Aut. 487b.
New York, The Morgan Library & Museum, MA 750.
Paris, BNF Fr. 12768
Paris, BNF Fr. 27250
Paris, Musée Carnavalet, sans cote.
Sources imprimées
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Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Simon Gabay
Université de Neuchâtel