Dossier Acta Litt&Arts : Les discours rapportés en contexte épistolaire (XVIe-XVIIIe siècles)

Suzanne Duval

Le discours indirect libre dans le roman épistolaire de l’époque classique (1683-1782)

Résumé

La présence du discours indirect libre dans le roman épistolaire d’Ancien Régime offre un angle intéressant pour étudier comment la forme de la lettre contraint les pratiques du discours rapporté, et dans quelle mesure son inscription dans un genre fictionnel a des répercussions sur la représentation du discours autre. Phénomène mineur au sein du corpus envisagé, le discours indirect libre s’inscrit dans un faisceau de procédés caractéristiques du roman épistolaire classique. Inséré dans des séquences narratives enchâssées, il participe de la brièveté et de la connexité syntaxique de l’énoncé. Au sein des séquences descriptives, il permet la caractérisation ironique des paroles représentées. D’un point de vue énonciatif, la forme bivocale du discours indirect libre renforce le cadre communicationnel du discours épistolaire en plaçant le discours représenté au second plan de la représentation et en assurant des effets de connivence entre le scripteur et le lecteur. Enfin, le discours indirect libre épistolaire peut représenter les paroles des instances de la communication. Il utilise dans ce cas les personnes déictiques et opère un retour réflexif sur l’activité langagière de la lettre, phénomène de mise en abyme typique de la poétique du roman épistolaire.

Texte intégral

  • 1 Voir Joël Zufferey et Gilles Philippe, « Cent ans après », Marges et contra...

  • 2 Sur ce débat, voir Laurence Rosier, Le Discours rapporté. Histoire, théorie...

  • 3 Voir Charles Bally, « Figures de pensée et formes linguistiques. II », Germ...

  • 4 Ann Banfield, Phrases sans parole : théorie du récit et du style indirect l...

  • 5 Selon la formule d’Alain Vaillant : L’Amour-fiction. Discours amoureux et p...

  • 6 Voir Gertraud Lerch, « Die uneigentlich direkte Rede », dans Victor Klemper...

  • 7 Voir Ann Banfield : « Les E [expressions] de représentation ne sont pas une...

  • 8 Voir notamment Jacqueline Authier-revuz, « Le discours rapporté », dans Rob...

1Le discours indirect libre (désormais DIL) n’est pas une forme de prédilection du roman épistolaire classique. Repéré et théorisé à la fin du xixe siècle1, il constitue un aspect majeur de l’esthétique romanesque de cette époque : au sein du récit de fiction impersonnel tel qu’il est notamment pratiqué par Flaubert et Zola, la représentation autonymique du discours et des pensées des personnages peut intervenir sur le plan historique de la narration, sans dépendre syntaxiquement d’un verbe ou d’une expression métadiscursives. Il demeure aujourd’hui débattu de savoir si cette configuration énonciative doit être considérée comme définitoire de la forme du DIL ou simplement comme l’une de ses réalisations stylistiques en discours2 : parmi les premiers linguistes qui l’ont théorisée, Charles Bally affirmait qu’il ne pouvait y avoir de style indirect libre que si celui-ci intervenait en l’absence, même sous forme de trace ou d’indice, de la voix narrative3. Citons aussi l’approche plus récente d’Ann Banfield, puisqu’elle considère le DIL comme une représentation non-communicationnelle du discours autre4. Selon cette perspective théorique, la facture oratoire du récit d’Ancien Régime et, liée à elle, la forte présence de la voix narrative en son sein ont pu paraître incompatibles avec les caractéristiques énonciatives du DIL, qui trouverait en revanche un contexte particulièrement favorable au xixe siècle, à une époque où la « littérature-texte5 » se substitue à la « littérature-discours6 ». À plus forte raison, la présence du DIL semble compromise par l’énonciation discursive du genre épistolaire7. Les approches plus récentes du système des discours rapportés en français ont cependant fait valoir l’attestation du DIL dans les pratiques orales de la représentation du discours autre, et on analysé ce dernier comme une forme bivocale assumée par plusieurs énonciateurs, et pouvant fort bien s’inscrire dans une énonciation discursive et non littéraire8.

  • 9 Voir Suzanne Duval, « Le discours indirect libre 300 ans avant sa naissance...

  • 10 Sur l’évolution du genre à partir des années 1720 vers une configuration p...

2Dans le cadre plus général de mon étude sur les pratiques du DIL à l’époque baroque et classique9, j’ai donc recherché la trace de cette forme dans les recueils fictionnels et les romans épistolaires des xviie siècle et du xviiie siècles, et j’en ai trouvé quelques occurrences dans les textes postérieurs aux Lettres galantes de Fontenelle (1683), c’est-à-dire à une époque où la composition du genre s’oriente vers une plus grande cohérence narrative10. J’analyserai ce phénomène assez rare à la lumière de l’économie bien spécifique qui gouverne la pratique des discours rapportés au sein de ce genre littéraire. Le roman par lettres obéit en effet à des contraintes d’écriture qui ne se confondent pas avec celles des correspondances authentiques, même s’il est informé par nombre de leurs procédures rhétoriques caractéristiques. En particulier, l’inévitable part de fiction et de stylisation qui préside à la représentation du discours d’autrui, au point que l’étiquette de discours représentés ou de représentation du discours autre est souvent préférée à celle de discours rapportés, ne se pose pas dans les mêmes termes lorsqu’elle s’inscrit dans un genre de discours appartenant d’emblée à la fiction.

3J’étudierai d’abord les formes de discours indirect non régi dans leur relation avec la narrativité de la fiction épistolaire, puis avec la caractérisation. Je montrerai enfin comment le discours indirect libre peut s’inscrire dans la dynamique interlocutive de l’énonciation épistolaire fictionnelle.

Discours indirect non régi et narration épistolaire en contexte fictionnel

  • 11 Jean-Daniel Golluth et Joël Zufferey, « L’indirect non régi chez Prévost :...

4J’emprunte à Joël Zufferey et Jean-Daniel Golluth11 l’expression d’indirect non régi pour désigner les occurrences de discours représenté indirect qui ne sont pas introduites par une syntaxe conjonctionnelle, mais qui ne sont pas nécessairement bivocales. Dans le roman épistolaire, elles s’inscrivent dans de courtes séquences narratives marquées par une rhétorique de la brièveté.

  • 12 Laure Depretto, Informer et raconter dans la Correspondance de Madame de S...

  • 13 Karine Abiven a étudié cette rhétorique de la brièveté des discours rappor...

  • 14 Voir Marie-Paule de Weerdt-Pilorge « Les discours rapportés chez quelques ...

5La tendance du discours épistolaire à accueillir en son sein divers régimes de narrativité caractérise aussi bien les correspondances authentiques que fictionnelles. Laure Depretto a montré que le récit épistolaire factuel obéissait à des contraintes propres, dues en particulier à la nécessaire actualisation d’une écriture « toujours menacée d’inactualité12 », et qui ne s’émancipe jamais totalement du discours adressé enchâssant. La rhétorique de la lettre se distingue ainsi par une énonciation particulièrement diversifiée où peuvent intervenir des modes de narration plus ou moins embrayés, plus ou moins circonstanciés, et dont le registre s’adapte au contenu et à la destination du message. Le traitement des discours rapportés fait partie intégrante de cette rhétorique narrativo-épistolaire modulable, puisque son degré de narrativisation ou d’autonymie répond à des fonctions d’information, d’authentification ou d’amplification du récit. Dans le cadre de la lettre fictionnelle, le discours représenté correspond à une fiction énonciative au carré, pour ainsi dire, puisqu’il s’insère dans un recueil de lettres fictif au sein duquel le scripteur feint de s’appuyer sur des sources authentiques pour rapporter une nouvelle. Une telle feinte présente le double avantage de vraisemblabiliser le dispositif épistolaire en affichant un trait formel caractéristique de la correspondance par lettres, et d’y injecter une narrativité nécessaire à la construction d’une dynamique textuelle romanesque. La rhétorique de la brièveté qui caractérise l’économie de ces discours représentés s’analyse, dans cette perspective, comme une manière de styliser la narration en lui donnant un tour anecdotique13 et fortement intégré au discours de l’épistolier. La forme résumée du discours narrativisé ou encore la citation d’une brève phrase de discours direct offre ainsi un moyen de colorer la narration sans la ralentir, tandis que les longues séquences de discours indirect, dont la monotonie est parfois blâmée par les rhétoriciens14, y sont évitées.

  • 15 Claude Buridant, Grammaire nouvelle de l’ancien français, Paris, Sedes, 20...

6L’occurrence de discours indirect libéré que j’ai repérée intervient donc dans un contexte qui lui est a priori peu favorable, puisque cette forme de discours représenté apparaît d’habitude comme une variante non conjonctionnelle au sein d’une longue succession de complétives de discours indirect. Selon Claude Buridant, le discours indirect libéré en ancien français s’analyse comme une « omission » du conjonctif pur due à un « relâchement de la subordination15 ». Dans le passage en question, extrait des Lettres de la Duchesse de *** au Duc de *** de Crébillon, la configuration est bien différente. L’absence ponctuelle de subordination au sein de la brève séquence de discours indirect s’apparente plutôt au procédé rhétorique de l’ellipse, dans la mesure où elle est déterminée par des facteurs syntaxiques et textuels :

  • 16 Claude Prosper Joliot de Crébillon, Lettres de la Duchesse de *** au Duc d...

Enfin, le Marquis et l’Abbé, atterrés, tant par le sérieux et l’opiniâtreté dont il defendoit sa these, que par la foule des autorités qu’il se créoit pour l’appuyer, sont convenus qu’avant tout, il falloit relire, et avec la plus scrupuleuse attention, la vie de Caligula ; mais, pour leur donner le plaisir des recherches, il les a prévenus bonnement que c’étoit dans les sources qu’il falloit qu’ils la cherchassent ; parce que Suétone n’étoit qu’un bavard, qui ne disoit rien d’important, et Tacite, un homme renfermé qui ne disoit pas tout. Voilà à quoi il nous a fait employer toute notre soirée […].16

  • 17 La même ponctuation est utilisée dans l’édition des Œuvres completes de Mo...

La représentation de l’interaction entre les différents protagonistes prend la forme d’un bref discours indirect introduit par les verbes « sont convenus » puis « a prévenus ». Le connecteur argumentatif parce que opère ensuite une rupture de construction d’autant plus sensible à la lecture qu’elle intervient après la pause du point-virgule17. En effet, le rôle explicatif de la phrase devrait normalement dépendre d’une nouvelle expression métadiscursive qui rende compte de cette fonction argumentative. La formulation complète en pourrait être : il les a prévenus bonnement que c’étoit dans les sources qu’il falloit qu’ils la cherchassent, alléguant la raison que Suétone n’étoit qu’un bavard, qui ne disoit rien d’important, et Tacite, un homme renfermé qui ne disoit pas tout.

7La ponctuation semi-forte et l’ellipse du verbe recteur de cette proposition peuvent donc être analysées comme un phénomène de libération du discours indirect déterminée par une recherche de brièveté, dans un passage dont la fonction conclusive est signalée par l’organisateur textuel « enfin ». La formulation abrégée du discours représenté présente aussi l’avantage de mettre en évidence la sentence du locuteur cité, et de lui donner valeur de clausule : la figure de parallélisme « Suétone/n’étoit qu’un bavard/, qui ne disoit rien d’important//, et Tacite,/ un homme renfermé/ qui ne disoit pas tout// » serait en effet moins sensible à la lecture si elle était enchâssée dans une subordination. La libération du discours indirect s’accompagne ainsi d’un phénomène de modalisation autonymique : le locuteur citant ne se contente plus de résumer brièvement la substance du propos, mais rend également compte du tour singulier de la réplique du locuteur cité.

8Les formes de DIL à proprement parler, donc bivocales, apparaissent dans des configurations syntaxiques pleinement autonomisée de celle du discours indirect, même si leur présence est discrète. Elle s’inscrit dans la continuité du discours narratif et introduit en son sein une modulation polyphonique assourdie, ne portant en aucun cas atteinte à la cohésion textuelle. Dans l’exemple suivant, extrait des Liaisons dangereuses, la narration par la Marquise de Merteuil de son aventure galante avec Prévan passe sans solution de continuité à un bref segment de DIL puis à la conclusion du récit :

  • 18 Pierre Choderlos de Laclos, Œuvres complètes, Les Liaisons dangereuses [17...

Il maudissait sa parure, qui, disait-il, l’éloignait de moi, il voulait me combattre à armes égales : mais mon extrême timidité s’opposa à ce projet, et mes tendres caresses ne lui en laissèrent pas le temps. Il s’occupa d’autre chose18.

  • 19 L’incise accompagne fréquemment ces phénomènes de modalisation autonymique...

  • 20 Sur l’orientation des discours rapportés vers la chute du récit au moyen d...

Greffée sur le discours narrativisé « il maudissait sa parure », l’incise « disait-il » recatégorise la relative en modalisation autonymique19, tandis que la proposition indépendante qui lui succède est un DIL à part entière, discrètement marqué par la métaphore épique qui appartient plutôt au langage conquérant de Prévan qu’à celui de Merteuil. Cette progressive autonomisation du discours représenté est cependant fortement intégrée à la syntaxe de la voix narrative, étant donné qu’elle est tout entière contenue dans la protase d’une période rhétorique dont l’apodose énonce la conclusion du récit, juste avant la dernière phrase qui sert de clausule ironique à l’ensemble de la séquence. Une telle brièveté syntaxique dans le traitement de la matière narrative oriente le récit vers sa fin et lui prête le sel épigrammatique d’une anecdote20, valorisant ainsi les talents de conteuse de la narratrice. En combinant autonymie et connexité syntaxique, le DIL présente donc une forme de discours représenté à la fois libre et maintenue sous le contrôle du locuteur citant.

9Aussi, contrairement à ce qui a lieu avec le discours direct, le DIL n’entraîne pas, dans notre corpus, l’effacement énonciatif du scripteur de la lettre. Sa bivocalité favorise des effets de connivence avec le destinataire, comme le montre cet autre exemple, également tiré des Liaisons dangereuses :

  • 21 Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, éd. cit., iv, cxliv,...

J’ai encore à vous dire que cet accident de la petite fille a pensé rendre fou votre sentimentaire Danceny. D’abord, c’était de chagrin ; aujourd’hui c’est de joie. Sa Cécile était malade ! Vous jugez que la tête tourne dans un tel malheur21.

L’utilisation du discours indirect libre semble ici motivée par la présence d’une modalité exclamative. Un discours narrativisé (Il se lamentait de la maladie de Cécile) ou indirect (Il s’écriait que sa Cécile était malade) produirait un effet plus faible, dans la mesure où la force illocutoire de l’exclamation réside précisément dans la tonalité affective de son mode d’énonciation et non dans son contenu propositionnel. On peut cependant se demander pourquoi Laclos ne choisit pas un discours direct (Il s’écriait. Ma Cécile est malade !). Il semble que la présence en cotexte très rapproché de la première et de la deuxième personne (« J’ai encore à vous dire », « Vous jugez ») explique ce phénomène. La place des personnes déictiques est en quelque sorte saturée par les acteurs de la communication épistolaire, si bien que le discours de Danceny, tout en étant cité en autonymie, est désactualisé, mis à distance et projeté sur le plan historique de l’énoncé. Le plan interactif de l’énonciation épistolaire est alors renforcé par cette prise de distance qui crée une complicité avec le destinataire. Par rapport au discours direct, le DIL a donc pour spécificité de signaler sa situation à un second degré de la représentation et de maintenir ainsi une hiérarchie entre la scène d’énonciation englobante du discours épistolaire et celle des discours qui sont cités en son sein.

10Les brèves et rares apparitions du DIL au sein de la narration épistolaire ont partie liée à la rhétorique de la brièveté qui gouverne ces séquences enchâssées, et à la nécessité de ne pas diluer le cadre discursif et communicationnel du roman par lettres. La capacité du DIL à caractériser le discours cité peut également s’intégrer harmonieusement à des séquences descriptives tout en rattachant ces dernières au point de vue du locuteur citant.

Discours indirect libre, description et présence énonciative du scripteur dans la satire épistolaire

  • 22 Sur la description dans le roman au xviie siècle, voir Roberto Romagnino, ...

11Dans le roman épistolaire, l’enchâssement de descriptions participe lui aussi à la diversification énonciative et rhétorique de l’énoncé. Ce trait générique est motivé au sein de la diégèse par la distance qui sépare les acteurs de la communication épistolaire et la nécessité, par conséquent, d’informer le destinataire des circonstances auxquelles le scripteur fait référence. La fiction par lettres peut ainsi investir une pratique d’écriture devenue périlleuse dans le champ des Belles-Lettres, à une époque où la poétique copieuse du roman baroque a été supplantée par la brièveté de la nouvelle historique. Elle retrouve ainsi, par des voies rhétoriques remises à neuf, le goût des romans longs pour la profusion descriptive22. Plus que les lieux, ce sont les caractères et les mœurs qui y sont détaillés avec minutie, souvent dans une perspective ironique. Les occurrences de DIL que nous avons découvertes en contexte descriptif s’inscrivent dans le faisceau de procédés satiriques qui amplifient la séquence. Dans le même temps, elles disséminent des indices de bivocalité qui font écho, de manière plus ou moins assourdie, à la présence énonciative du scripteur de la lettre.

  • 23 Charles-Louis Secondat de Montesquieu, Œuvres complètes, Lettres Persanes,...

12Dans Les Lettres Persanes de Montesquieu, cette attraction de l’épistolaire pour le descriptif est particulièrement sensible, au point que certaines séquences sont presque entièrement démarquées, d’un point de vue énonciatif, de la communication épistolaire. Seuls les indices du point de vue de l’épistolier rappellent au destinataire qu’il a affaire à une description perçue par une instance incarnée. Dans l’exemple suivant, où Rica adresse à Usbek le portrait satirique d’un « géomètre23 » rencontré sur le Pont-Neuf, aucune trace énonciative ne permet de rattacher la description au discours de la lettre, sinon les indices du point de vue ironique de Rica, et en particulier les formes bivocales du discours représenté :

  • 24 Ibid., p. 321.

Cependant son esprit régulier toisoit tout ce qui se disoit dans la conversation. Il ressembloit à celui qui, dans un jardin, coupoit avec son épée la tête des fleurs qui s’élevoient au-dessus des autres : martyr de sa justesse, il étoit offensé d’une saillie comme une vie délicate est offensée par une lumière trop vive. Rien pour lui n’était indifférent, pourvu qu’il fût vrai. Aussi sa conversation étoit-elle singulière. Il étoit arrivé ce jour-là de la campagne avec un homme qui avoit vu un château superbe et des jardins magnifiques, et il n’avoit vu, lui, qu’un bâtiment de soixante pieds de long sur trente-cinq pieds de large et un bosquet barlong de dix arpents. Il auroit fort souhaité que les règles de la perspective eussent été tellement observées que les allées des avenues eussent paru partout de même largeur, et il auroit donné pour cela une méthode infaillible. Il parut fort satisfait d’un cadran qu’il y avoit démêlé, d’une structure fort singulière, et il s’échauffa fort contre un savant qui étoit auprès de lui, qui malheureusement lui demanda si ce cadran marquoit les heures babylonniennes.24

L’ensemble du passage est marqué par des procédures d’amplification satiriques qui caricaturent les différents aspects de l’esprit géométrique du personnage (image hypothétique « il ressembloit à celui qui etc. », hyperbole ironique « martyr de sa justesse », comparaison « offensé d’une saillie comme une vie délicate »…). Dans ce contexte, la description de la « conversation » exemplifie ce trait de caractère en donnant un échantillon représentatif de paroles ridicules. La comparaison entre l’attitude positive de l’« homme » et la rigidité du géomètre est axiologiquement orientée par le point de vue critique de Rica (« superbes », « magnifiques » vs « il n’avoit vu, lui, qu’un bâtiment »), mais elle est contaminée par le lexique technique du géomètre (chiffres de mesure, « barlong »). Dans la phrase qui suit, le point de vue de Rica semble disparaître tout à fait pour laisser place à un segment de DIL. Le conditionnel passé situe l’énoncé sur un plan historique, en continuité avec la description qui précède, tout en affichant une valeur modale assumée par le géomètre. La combinaison du lexique technique (« perspective », « largeur ») avec l’isotopie intensive (« fort », « tellement », « partout », « infaillible ») trahit cependant, de manière implicite, l’acuité d’un point de vue satirique qui sélectionne les ridicules du discours représenté pour en donner un portrait caricatural, tandis que le discours narrativisé qui lui succède réactive encore cette présence linguistiquement non marquée du scripteur au moyen d’une figure d’ironie (« il parut fort satisfait d’un cadran qu’il y avoit demêlé etc. »).

  • 25 Une telle longueur, extrêmement rare à cette époque, est en partie liée à ...

13Dans une occurrence très singulière, enfin, le DIL s’accompagne de commentaires ironiques du scripteur de la lettre. Il s’agit d’un extrait de la traduction de Clarissa Harlowe de Richardson par Prévost. Clarisse relate à Miss Howe, sa confidente, les discours que sa sœur lui a tenus à propos de Lovelace. L’amplification du discours représenté prend la forme d’un DIL signalisé par des guillemets doubles dans la marge, qui court sur deux pages (voir figure 1)25 :

Ma sœur m’y rendit visite, le lendemain du jour qu’on lui avoit amené M. Lovelace. Elle me parut extrêmement contente de lui. Elle me vanta sa naissance, la fortune dont il jouissoit déjà, […]. Un si bel homme ! Oh sa chere Clary ! ** car dans l’abondance de sa bonne humeur elle étoit prête alors

** C’est un diminutif de Clarisse, & un petit nom de tendresse ; comme Nanette au lieu d’Anne.

  • 26 Antoine François Prévost d’Exiles (trad.), Lettres angloises, ou Histoire ...

à m’aimer. Il n’étoit que trop bel homme pour elle. Que n’étoit-elle aussi aimable que quelqu’un de sa connoissance ? Elle auroit pû espérer de conserver son affection : car elle avoit entendu dire qu’il étoit fort dissipé ; qu’il étoit léger, qu’il aimoit les intrigues. Mais il étoit jeune. Il étoit homme d’esprit. Il reconnoîtrait ses erreurs, pourvu qu’elle eût seulement la patience de supporter ses foiblesses, si ses foiblesses n’étaient pas guéries par le mariage. Apres cette excursion, elle me proposa de voir ce charmant homme ; c’est le nom qu’elle lui donna. Elle retomba dans ses réflexions sur la crainte de ne pas être assez belle pour lui. […] Elle vouloit bien m’apprendre que l’agrément n’ayant pas tant à perdre que la beauté, étoit ordinairement plus durable ; et se tournant encore vers le miroir : Certainement ses traits n’étoient pas irréguliers, ses yeux n’étoient pas mal.
Je me souviens en effet, que dans cette occasion, ils avoient quelque chose de plus beau qu’à l’ordinaire. Enfin elle ne se trouva aucun défaut, quoiqu’elle ne fut pas sûre, ajouta-telle, d’avoir rien d’extremement engageant. Qu’en dites-vous Clary26 ?

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Figure 1 : Lettres angloises, op. cit., p. 12

Figure 2 : Clarissa, op. cit., p. 7

14Le DIL succède à un discours narrativisé (« elle me vanta sa naissance »), et a pour fonction d’exemplifier la vanité d’Anabella. Aussi la séquence relève-t-elle plutôt de la description de discours que de la scène dialoguée. Le scripteur de la lettre (en l’occurrence Clarisse), ne mentionne aucune de ses propres paroles, et semble plutôt offrir un recueil des phrases les plus significatives que le locuteur cité prononce. La forte intégration du DIL au plan historique du récit permet en outre de représenter dans un énoncé bref et synthétique les gestes, et non seulement les paroles du personnage, par l’insertion de participes présent : « et se tournant encore vers le miroir : Certainement ses traits n’étoient pas irréguliers, ses yeux n’étoient pas mal ». Une fois de plus, le DIL s’avère une forme particulièrement propice à la connivence épistolaire, parce qu’il situe le discours représenté sur le même plan énonciatif que les commentaires ironiques du narrateur, si bien que le destinataire le reçoit comme une parole au second degré, ostensiblement manipulée par le scripteur de la lettre. Le phénomène est particulièrement frappant dans le cas de l’interjection à la troisième personne (transposition très atypique, dont je ne connais pas d’autre occurrence), immédiatement suivie d’une appréciation sarcastique de Clarisse : « Oh sa chere Clary ! car dans l’abondance de sa bonne humeur elle était prête à m’aimer ».

15Les différents exemples de DIL intégrés dans une amplification descriptive ont tendance à marquer la présence ironique du scripteur de la lettre au sein du discours représenté. Le contexte épistolaire semble en effet favoriser un usage communicationnel du DIL, comme le montrent à plus forte raison les occurrences où le discours autre s’énonce à la première ou à la deuxième personne.

Réflexivités du DIL en je et en vous : une opacification du dire épistolaire

16Quel que soit le contexte où ils interviennent, les cas où le DIL utilise la première et la deuxième personne mettent à mal le modèle canonique de cette forme tel qu’il s’est constitué au xixe siècle : les romans sans narrateurs vont de pair avec des formes de DIL où l’instance du locuteur cité, située sur le plan historique du récit, est représentée par la troisième personne. Mais dans le contexte embrayé et interlocutif de la lettre, de la même manière que dans la communication orale, il n’est pas du tout exclu que le DIL cite le discours des acteurs de la communication, et qu’il utilise, par conséquent, les personnes déictiques. On observe alors une scission des instances de l’énonciation : le discours de la lettre opère un retour réflexif sur l’activité langagière du scripteur et du destinataire, favorisant ainsi des phénomènes de mise en abyme.

  • 27 Sur la « négociation des points de vue » à l’œuvre dans la diaphonie, voir...

17Les exemples de diaphonie, bien représentés, dans notre corpus, en particulier au début des lettres, offrent un cas de figure assez proche dans la mesure où ils introduisent des segments de polyphonie énonciative impliquant au premier chef la personne du destinataire, dont le discours se voit repris et réinterprété, et celle du scripteur, qui fusionne cette reformulation avec son propre point de vue27. Les Lettres de la Marquise de M***au Comte de R*** en présentent un exemple célèbre :

  • 28 Claude Prosper Joliot de Crébillon, Lettres de la Marquise de M*** au Comt...

Hé quoi ! mon pauvre Comte, vous êtes malade, & malade d’amour ! le cas est singulier ! mes rigueurs vous coûteront la vie ! je ne me croyois pas si redoutable.28

  • 29 Voir Jacqueline Authier-Revuz, Ces mots qui ne vont pas de soi. Boucles ré...

Les paroles plaintives du Comte sont désactualisées par le point de vue moqueur de la Marquise, qui recatégorise en « cas singulier » les clichés du discours de son destinataire. La demande implicite effectuée par le Comte (Je suis malade d’amour, sous-entendu : accordez-moi vos faveurs) est désamorcée et fait l’objet d’une opacification, pour reprendre une métaphore souvent utilisée par Jacqueline Authier-Revuz à propos de la modalisation autonymique29. Chaque terme mentionné accuse en effet, sur le plan du métalangage, le ridicule d’un langage excessivement emphatique et suranné.

18L’occurrence de DIL à la première personne que j’ai retenue, extraite des Lettres galantes de Fontenelle, met en évidence la capacité du discours épistolaire à enchâsser d’autres discours, parfois au risque de la cohérence énonciative de l’énoncé. Dans le passage en question, on passe de manière presque imperceptible du discours épistolaire adressé au discours représenté, comme dans cet exemple tiré des Lettres galantes de Fontenelle :

  • 30 Bernard Le Bovier de Fontenelle, Lettres galantes de Monsieur Le Chevalier...

Il faut que je vous confie mes malheurs, mon cher Marquis. J’aimois, comme vous sçavez, Madame de L. M. et je ne l’aime plus. Elle m’en fait des reproches, je n’entens que des plaintes perpétuelles : Où sont mes protestations de constance et de fidélité ? Que sont devenuës mes premieres manieres ? Cela me met au desespoir ; car de bonne foy, est-ce ma faute si je ne l’aime plus ? Qu’elle me rende mon amour, je ne demande pas mieux. Je serois trop heureux d’aimer encore. Je me livre, je m’abandonne à ses charmes ; qu’elle fasse des blessures mortelles à mon cœur, j’y aiderai de tout mon pouvoir. Puis-je faire davantage ? J’ay encore pour elle les memes soins et les memes assiduités que j’avois auparavant. Mais, dit-elle, ce n’est plus le même air. Voilà le malheur. Je ne luy puis dire de nouvelles de cet air-là, je ne sçay ce qu’il est devenu.30

  • 31 La métalepse, qui se définit en rhétorique classique un cas particulier de...

La première occurrence de DIL intervient au beau milieu d’une narration fortement actualisée par le présent et la deuxième personne (« Il faut que je vous confie », « comme vous savez »), au point que seul le déterminant possessif de première personne permet de l’attribuer à l’amante et non au scripteur. L’usage massif du présent permet de juxtaposer le discours représenté au discours adressé avec un minimum de variations morphologiques, et le registre tend lui aussi à lisser l’énoncé, puisque le scripteur use comme l’instance délocutée d’un vocabulaire galant et de modalités interrogatives. Symétriquement, le discours direct au présent dans la suite du texte intervient après un connecteur contre-argumentatif (« Mais, dit-elle… ») qui le situe dans la continuité thématique du segment précédent. Tout se passe donc comme si, par une figure de métalepse au sens où l’entend Gérard Genette31, l’amante délocutée transgressait les seuils de l’énonciation épistolaire pour prendre la place du scripteur et adresser elle-même au destinataire ses doléances. Un tel procédé relève cependant d’une manipulation énonciative ostentatoire, qui accuse l’artificialité du montage épistolaire et renforce la connivence entre les acteurs de la communication. Cette sophistication explique sans doute aussi la rareté de l’occurrence, le discours épistolaire favorisant plutôt, en règle générale, une polyphonie certes proliférante, mais attentive à conserver la netteté des frontières entre les différents niveaux d’enchâssement et d’altérité énonciatifs.

Conclusion

19Les occurrences présentées dans cette étude témoignent de la compatibilité du DIL avec la forme discursive de la lettre, et en même temps de sa rareté en contexte épistolaire fictionnel d’Ancien Régime. La brièveté rhétorique du roman par lettres et sa tendance à l’actualisation vont plutôt dans le sens d’une représentation synthétique du discours autre, au sein de laquelle l’autonymie se réduit à de courts segments de discours directs ou de modalisations. S’il ne constitue donc pas, loin s’en faut, une routine rhétorique du genre, le DIL peut en revanche s’inscrire occasionnellement dans un faisceau de procédés répondant à une visée qui n’a rien d’hasardeux. Au sein de la séquence narrative enchâssée, il offre une brève modulation polyphonique intégrée au plan de l’histoire, et sa forme bivocale favorise les jeux de connivence avec le destinataire, en particulier dans le cadre des descriptions satiriques. Il participe ainsi à la construction, au sein de la scène d’énonciation discursive de la lettre, d’une polyphonie stylisée et placée sous le contrôle du point de vue surplombant du scripteur. Un tel procédé, caractéristique de l’esthétique romanesque, est emblématique de la vocation du genre à recycler les formes traditionnelles de la fiction dans l’allure vive et en apparence spontanée de l’échange épistolaire. Le DIL joue donc un rôle, certes mineur et intermittent, dans une tendance profonde de la poétique du roman classique.

Notes

1 Voir Joël Zufferey et Gilles Philippe, « Cent ans après », Marges et contraintes du discours indirect libre, 2016, Fabula/Les colloques [en ligne].

2 Sur ce débat, voir Laurence Rosier, Le Discours rapporté. Histoire, théories, pratiques, Paris, Bruxelles, Duculot, 1999, p. 75.

3 Voir Charles Bally, « Figures de pensée et formes linguistiques. II », Germanisch-romanische Monatsschrift, VI/8-9, août-septembre 1914, p. 456- 470. Article réédité et présenté dans Joël Zufferey et Gilles Philippe, Le Style indirect libre. Naissance d’une catégorie (1894-1914), Limoges, Éditions Lambert-Lucas, 2018, p. 103-132.

4 Ann Banfield, Phrases sans parole : théorie du récit et du style indirect libre, trad. Cyril Veken, Paris, Éditions du Seuil, 1995.

5 Selon la formule d’Alain Vaillant : L’Amour-fiction. Discours amoureux et poétique du roman à l’époque moderne, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2002, en particulier p. 17 et suivantes. Sur cette relation privilégiée entre DIL et littérature-texte, voir Christelle Reggiani, « L’intériorisation du roman : brève histoire du style indirect libre », dans Gilles Philippe et Julien Piat (dir.), La Langue littéraire. Une histoire de la prose en France de Gustave Flaubert à Claude Simon, Paris, Fayard, 2009, p. 122‑134.

6 Voir Gertraud Lerch, « Die uneigentlich direkte Rede », dans Victor Klemperer et Eugen Lerch (dir.), Idealistische Neuphilologie. Festschrift für Karl Vossler, Heidelberg, Carl Winter, 1922, p. 107-119, et Marguerite Lips, Le Style indirect libre, Paris, Payot, 1926. Nombre de linguistes ont cependant montré que le DIL était bien représenté à l’époque médiévale : voir la mise au point bibliographique de Sophie Marnette : « Réflexions sur le discours indirect libre en français médiéval », Romania, t. 114, no453-454, p. 1-49. En ce qui concerne les xvie-xviiie siècles, voir notamment : Claudette Delhez-Sarlet, « Style indirect libre et “point de vue” dans La Princesse de Clèves », Cahiers d’Analyse Textuelle, 1964/6, p. 70-80, Alexandra Floirat, « Quel discours indirect libre au xvie siècle ? », Linx, 43, 2000, p. 77-86, Gerhard Goebel, « " Style indirect libre " dans La Fontaine’s Amours de Psyche et de Cupidon (1669) », Romanistisches Jahrbuch, 1966, no17, p. 98-111, et Amalia Rodriguez Somolinos, « Énonciation et discours rapportés dans les Fables de La Fontaine », Bulletin hispanique, cvii, 2005/1, p. 139-154.

7 Voir Ann Banfield : « Les E [expressions] de représentation ne sont pas une forme caractéristique du genre épistolaire. […] ce qui dans ce genre vient inhiber l’apparition de ce style est le format de discours qui est le sien », Phrases sans paroles, op. cit., p. 351.

8 Voir notamment Jacqueline Authier-revuz, « Le discours rapporté », dans Roberte Tomassone (dir.), Grands repères pour une langue : le français, Paris, Hachette, 2001, p. 192‑201.

9 Voir Suzanne Duval, « Le discours indirect libre 300 ans avant sa naissance », dans Gilles Philippe et Joël Zufferey (dir.), Marges et contraintes du discours indirect libre, op. cit., ainsi que eadem, « Le discours indirect libre comme patron de la prose fictionnelle de la première modernité (xvie-xviiie siècles), Congrès mondial de linguistique 2018, colloque à paraître en ligne, et enfin eadem, Formes, imaginaires et pratiques anciennes du discours indirect libre (xvie-xviiie siècles), numéro de la revue Verbum à paraître en 2019.

10 Sur l’évolution du genre à partir des années 1720 vers une configuration polyphonique, voir Laurent Versini, Le Roman épistolaire, Paris, J&S éditeurs, 2013, p. 61-65.

11 Jean-Daniel Golluth et Joël Zufferey, « L’indirect non régi chez Prévost : un ancêtre du discours indirect libre ? », article à paraître en 2019 dans la revue Verbum.

12 Laure Depretto, Informer et raconter dans la Correspondance de Madame de Sévigné, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 26.

13 Karine Abiven a étudié cette rhétorique de la brièveté des discours rapportés dans le genre de l’anecdote à l’époque classique : L’Anecdote ou la fabrique du petit fait vrai. De Tallemant des Réaux à Voltaire (1650-1750), Paris, Classiques Garnier, 2015, en particulier p. 267-268.

14 Voir Marie-Paule de Weerdt-Pilorge « Les discours rapportés chez quelques théoriciens de l’histoire aux xviie et xviiie siècles », dans Marc Hersant, Marie-Pierre Pilorge, Catherine Ramond, François Raviez (dir.), Histoire, histoires. Nouvelles approches de Saint-Simon et des récits des xviie-xviiie siècles, Arras, Artois Presses Universités, 2011, p. 175-186, en particulier p. 182.

15 Claude Buridant, Grammaire nouvelle de l’ancien français, Paris, Sedes, 2000, p. 676, paragraphe 578.

16 Claude Prosper Joliot de Crébillon, Lettres de la Duchesse de *** au Duc de ***. Seconde partie, Paris, Merlin, 1769, t. ii, xxvii, p. 11. Dans cette citation comme dans les suivantes, le gras et le soulignement sont de moi, contrairement à l’italique qui appartient à l’édition d’époque.

17 La même ponctuation est utilisée dans l’édition des Œuvres completes de Monsieur de Crébillon, Fils, t. xi, Maestricht, Jean-Edme-Dufour & Phil. Roux, 1779, p. 214.

18 Pierre Choderlos de Laclos, Œuvres complètes, Les Liaisons dangereuses [1782], éd. Laurent Versini, Paris, Gallimard, 1977, ii, lxxxv, p. 191.

19 L’incise accompagne fréquemment ces phénomènes de modalisation autonymique de l’énoncé. Voir Jacqueline Authier-Revuz, « Repères dans le champ du discours rapporté », L’Information grammaticale, n° 55, oct. 1992, p. 38-42, en particulier p. 41.

20 Sur l’orientation des discours rapportés vers la chute du récit au moyen de la syntaxe dans le genre de l’anecdote, voir Karine Abiven, L’Anecdote ou la fabrique du petit fait vrai, op. cit., en particulier p. 274-275.

21 Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, éd. cit., iv, cxliv, p. 332. Les italiques de cet extrait sont également présents dans l’édition de 1782 : Quatrième partie, Amsterdam, Durand Neuveu, p. 93.

22 Sur la description dans le roman au xviie siècle, voir Roberto Romagnino, Origine, redéfinition, statut de l’ekphrasis au xviie siècle, thèse de doctorat sous la dir. de Delphine Denis, soutenue à l’université de Paris-Sorbonne en septembre 2015.

23 Charles-Louis Secondat de Montesquieu, Œuvres complètes, Lettres Persanes, éd. Roger Caillois, Paris, Gallimard, 1949, cxxviii, p. 320.

24 Ibid., p. 321.

25 Une telle longueur, extrêmement rare à cette époque, est en partie liée à la fidélité du traducteur, puisque dans le texte original de Richardson, les paroles d’Anabella sont également représentées au moyen d’un DIL signalé par des guillemets simples (voir figure 2) : Samuel Richardson, Clarissa. Or, the History of a young lady : comprehending the most Important Concerns of Private Life. And particularly shewing, The Distresses that may attend the Misconduct Bpth of Parents and Children, in relation to Marriage, London, 1748, p. 7-8. Il n’était cependant pas exclu que Prévost remplace le DIL par un discours indirect. Le fait que cet auteur soit familier de la forme du DIL, qu’il avait pratiquée dans ses propres œuvres fictionnelles antérieures, est sans doute important pour comprendre la présence de cette occurrence remarquable dans le corpus du roman épistolaire classique (pour le DIL dans les œuvres fictionnelles originales de Prévost, voir Jean-Daniel Golluth et Joël Zufferey, art. cité). La question de la représentation du discours autre dans l’œuvre de traduction de Prévost a déjà fait l’objet d’une étude (Vivienne Mylne, « Prévost et la traduction du dialogue dans Clarissa de Richardson », Cahiers Prévost d’Exiles no3, 1986, p. 43-58) qui pourrait être prolongée : en particulier, il serait intéressant de savoir si les patrons syntaxiques que Prévost choisit sont influencés, dès le début de son œuvre et pas seulement dans le cadre de ses traductions, par sa connaissance de l’anglais.

26 Antoine François Prévost d’Exiles (trad.), Lettres angloises, ou Histoire de Miss Clarisse Harlowe. Tome premier. Première partie, Londres, Nourse, dans le Strand, 1751, ii, p. 11-12.

27 Sur la « négociation des points de vue » à l’œuvre dans la diaphonie, voir Eddy Roulet, « Structures polyphoniques et diaphoniques du discours », dans Eddy Roulet, Antoine Auchlin, Jacques Moeschler, Christian Rubattel (dir.), L’Articulation du discours en français contemporain, Peter Lang, Bern/Frankfort/New York/Paris, 1991, p. 69-84, en particulier p. 69-70.

28 Claude Prosper Joliot de Crébillon, Lettres de la Marquise de M*** au Comte de R*** [1732], éd. Jean Dagen, Paris, Desjonquères, 1990, ix, p. 65.

29 Voir Jacqueline Authier-Revuz, Ces mots qui ne vont pas de soi. Boucles réflexives et non-coïncidences du dire, Paris, Larousse, 1995, 2 vol. 

30 Bernard Le Bovier de Fontenelle, Lettres galantes de Monsieur Le Chevalier d’Her***. Par M. de Fontenelle [1683-1687], Londres, Paul & Isaac Vaillant, 1707, xxv, p. 39.

31 La métalepse, qui se définit en rhétorique classique un cas particulier de métonymie, a été redéfinie par Gérard Genette comme une « transgression, figurale ou fictionnelle, du seuil de la représentation » : Métalepse. De la figure à la fiction, Paris, Éditions du Seuil, 2004, p. 14.

Bibliographie

    
Sources
     

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Études
      

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Pour citer ce document

Suzanne Duval, «Le discours indirect libre dans le roman épistolaire de l’époque classique (1683-1782)», Acta Litt&Arts [En ligne], Acta Litt&Arts, Les discours rapportés en contexte épistolaire (XVIe-XVIIIe siècles), Partie 4. Une spécificité de la fiction épistolaire quant à l’économie polyphonique ?, mis à jour le : 10/11/2023, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/actalittarts/577-le-discours-indirect-libre-dans-le-roman-epistolaire-de-l-epoque-classique-1683-1782.

Quelques mots à propos de :  Suzanne  Duval

Université Paris-Est Marne-la-Vallée