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Paradoxes du quotidien dans le Journal de Stendhal (1801-1805)
Initialement paru dans : L’Année stendhalienne n° 10, Paris, Champion, 2011, p. 175-190
Texte intégral
« Je me souviens que Stendhal aimait les épinards »
Georges Perec, Je me souviens, fragment 244, Paris, Hachette, 1978
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1 Plutôt que de parler de « journal intime », on préférera, à la suite de Phi...
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2 Michel Braud, La forme des jours. Pour une poétique du journal personnel, P...
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3 Pierre Macherey, Petits riens. Ornières et dérives du quotidien, éditions L...
1L’étymologie de « journal » renvoie à l’adjectif latin diurnalis, « quotidien ». Choisir de parler du quotidien à propos d’un journal rédigé au jour le jour relève donc, d’une certaine façon, de la tautologie. Écrire le quotidien, dans le cadre d’un journal personnel1, c’est s’abandonner au cours des choses en un récit répétitif des circonstances, sans construction préalable, au hasard de ce qu’apporte la « forme des jours »2. Mais le quotidien n’est pas seulement un rythme ; il est aussi une matière, une manière d’habiter le monde de la vie ordinaire et de ses infimes particularités ; il est l’environnement familier de l’homme et se distingue par l’insignifiance de ses activités : « Par vie quotidienne, on entend généralement un mode d’existence […] soumis à la morne loi de la répétition qui le protège contre d’éventuelles dérives ou innovations, source de dérangement et donc de trouble » écrit Pierre Macherey dans Petits riens. Ornières et dérives du quotidien.3 Le journal est donc discours du quotidien aussi bien que discours quotidien ; il est une représentation quotidienne du quotidien parce qu’il réfléchit le quotidien, qu’il est reprise en charge subjective du quotidien.
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4 Je me limiterai à la période de 1801-1805, avant le voyage à Marseille qui ...
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5 Stendhal, Œuvres intimes, t. I, Victor Del Litto éd., Paris, Gallimard, « B...
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6 V. Michel Braud, « Le journal intime est-il un récit ? », Poétique n° 160, ...
2A cet égard, le Journal de Stendhal, surtout dans les premières années4, est tout à fait exemplaire : le jeune Henri Beyle entend bien se soumettre à l’exercice quotidien d’une rédaction qu’il se promet d’être régulière ; le 18 avril 1801, à Milan, son journal s’ouvre par ces mots : » J’entreprends d’écrire l’histoire de ma vie jour par jour »5. Si la fréquence réelle à laquelle il s’astreint ne répond pas à cette promesse des premiers jours d’écriture, la relative régularité des entrées permet cependant à d’insignifiants détails d’être consignés. Le diariste note ce qui lui arrive mais ce qui lui arrive n’a pas toujours un caractère exceptionnel6 ; le quotidien, tel qu’il s’écrit dans le journal, est constitué des microscopiques événements de la vie matérielle et corporelle égrenés à la surface de la page, des menus incidents de la vie, dépourvus d’intérêt majeur : « Je ne parle dans ce journal que du courant des affaires vulgaires […] » (OI, I, 58) lit-on sur la couverture du cahier du « Troisième voyage à Paris ». Mais il ne s’agit pas seulement de cela : entre 1802 et 1805, période qui m’intéressera principalement ici, le jeune Henri Beyle, arrivé à Paris depuis peu, doit se rendre familier un environnement nouveau auquel son enfance solitaire ne l’a guère habitué et s’approprier les codes mondains.
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7 Alain Girard, « Le Journal intime, un nouveau genre littéraire », Cahiers d...
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8 P. Macherey, op.cit., p. 20.
3Le journal est donc aussi le lieu d’un exercice sur soi pour s’ajuster à ce nouvel espace social. Mais pour celui qui s’apprête à être un écrivain, l’horizon quotidien est aussi - et surtout à cette époque-là - fait de lectures dont le diariste consigne les impressions et dont il se réapproprie les formules : avec Crozet, Henri Beyle « pioche », il sonde les entrailles de la littérature, pour y apprendre à vivre. Le Journal des années 1800-1805 est donc à la fois chronique de la vie ordinaire, de ce qui arrive de soi dans le monde, mais aussi trace de la construction d’un être en devenir, ouvert à tous les possibles ; il est non seulement un journal personnel destiné à « fixer un moment du temps avec assez de précision et de relater pour soi les faits du monde intérieur »7 mais aussi un instrument de connaissance (de soi, du monde, de soi dans le monde) capable de se projeter dans le mouvement du temps, un « Journal littéraire » si l’on entend la littérature non pas comme une des disciplines des Belles-Lettres, mais comme exploration de l’existence. Les lectures sont donc aussi des expériences remobilisables dans la vie et les deux versants du Journal, l’intime et le littéraire, sont inextricablement liés. Le journal, lieu du resserrement de l’écriture sur l’exploration de soi, est aussi ouverture sur le monde. Les entrées quotidiennes oscillent entre un examen de soi et la chronique d’une époque et ne se restreignent donc pas au champ de l’introspection ou de l’intime. Henri Beyle est apte à saisir la « contradiction qui, de l’intérieur, travaille la vie quotidienne »8 : être à la fois la vie ordinaire, faite des mille riens insignifiants et être un univers ouvert sur les possibles qu’il recèle :
9 P. Macherey, op.cit., p. 17.
Le monde de la vie quotidienne s’offre en effet à la fois comme un ordre centré (« normal »), où l’attendu domine, et comme un système à la marge, où il y a toujours place pour l’inattendu : c’est-à-dire que tradition et innovation y sont en confrontation permanente. De ce point de vue, le quotidien, ce n’est pas exactement la même chose que l’ordinaire, c’est-à-dire un ensemble systématique de pratiques soumises à des régularités figées […]. De là, une permanente co-présence de l’accoutumé et de l’insolite, source de surprise et de tension, qui fait la trame du quotidien, où certitude et incertitude sont inextricablement mêlées9.
4Il me semble que Stendhal témoigne sans cesse dans son Journal de cette ouverture, de cet éveil-là. J’essaierai ici de montrer la complexité de la texture du quotidien et l’allure de son mouvement paradoxal dans le Journal des années de formation (1801-1805), avant le départ à Marseille : osant la transcription la plus triviale du quotidien mais ouvrant dans le même temps des brèches sur des moments sublimes quoique fugaces, l’écriture accueille la diversité de l’expérience d’un sujet encore mobile et variable. Le quotidien est donc autant à décrire qu’à construire.
Le Journal, chronique de la vie ordinaire
5En lisant le Journal de Stendhal, on apprend qu’en juillet 1804, « il pleut depuis un mois continuellement » (OI, I, 107), qu’Henri Beyle se « lève matin, v[a] prendre une tasse de café à la Régence » (OI, I, 76), que pour trouver l’inspiration, il est allé chercher « une bouteille de bière […] chez Blancheron » (OI, I, 85), qu’il va lire « Fénelon […] à la Bibliothèque Nationale » (OI, I, 67), qu’il aime les « épinards au jus » accompagnés « de bon pain » (OI, I, 112), qu’il fréquente le jardin des Tuileries, celui du Palais Royal, qu’« en gilet, culotte de soie et bas noirs, avec un habit bronze cannelle, une cravate très bien mise, un jabot superbe » il se sent « brillant avec prudence » (OI, I, 237-238) et capable de séduire Louason. Détails, certes, mais qui nous donnent, à nous, lointains lecteurs, le sentiment d’une présence immédiate. Cet homme qui a tenu la plume pour écrire les menus détails de sa vie a existé, un jour, et, par son écriture quotidienne, il nous a rendu sensible le monde qui lui était familier et la manière dont il l’a habité. Dans le journal, l’écriture semble ne plus être un écran entre celui qui écrit et son lecteur car ce qu’il donne à voir se déploie dans sa matérialité et dans sa trivialité. C’est sans doute cet aspect concret du journal qui mériterait le plus le qualificatif d’« intime » ; en effet, cette appréciation s’applique à ce qui, dans la transcription du vécu, touche au corps et à la sexualité. Ces éléments ne sont pas absents du Journal qui nous intéresse : Henri Beyle consigne à la fois les états de son corps malade et de son corps vaillant. Ses « accès de fièvre » sont scrupuleusement consignés ainsi que les remèdes essayés pour les soigner :
18 mai 1801.
J’ai eu un accès de fièvre très fort cette nuit. […]
21 mai 1801.
Ma fièvre quotidienne continuant toujours, je suis allé à Milan pour consulter M. Gonel. […]
27 mai 1801.
J’ai pris 25 grains d’ipécacuana et un de tartre stibié qui n’ont pu me faire vomir qu’une fois et faiblement.
30 mai 1801.
J’ai pris une médecine de tamaris, casse et séné que j’ai vomie. (OI, I, 8-9).
6On a là le Journal de la maladie, de ses fluctuations au jour le jour : le journal donne sa place au corps dans ses détails les plus intimes, sans hiérarchie, au même titre que les préoccupations plus nobles de l’existence. De même, lorsque le diariste décrit par le menu la manière « d’enfiler une femme honnête » (OI, I, 20), il n’épargne aucun détail garantissant le succès de l’entreprise !
7L’argent occupe aussi une place importante dans le journal : il est matérialisé la plupart du temps par des listes de comptes qui occupent parfois des pages entières, comme dans le « Journal de la recette et de la dépense de mon 3e voyage à Paris » (OI, I, 127) de mars 1804, véritable « livre de raison ». Cette pratique très concrète du journal comme memento, crée un « effet de réel » où toute rhétorique est absente ; à travers la simple notation des faits, la réalité s’écrit dans son évidence la plus perceptible. Ainsi, des inventaires parsemés au gré des lignes ramènent de manière aléatoire la pensée à des obsessions récurrentes : en septembre 1804, projetant d’aller retrouver Victorine à Rennes, Beyle se lance dans un voyage imaginaire dont les seules marques visibles sont d’interminables calculs hypothétiques :
Voyage to [un blanc]
Mon père, outre ma pension, me doit, le 1er vendémiaire an XII, 327 fr.
Si je pars le 1er vendémiaire, j’aurai les 200 fr. de ma pension, il me faut 100 fr. de dépense, donc il faudra demander 200 fr. à Pacé.
[…] Donc, le 1er brumaire an XII j’aurai 100 fr. de dettes ; à cette époque, si mon père ne me donne rien, il faudra donc que Martial me donne 200 fr., auquel cas, ne payant pas mes 100 fr. de dette, je me trouverai posséder, le 1er brumaire an XIII, 300 fr. et l’équipage nécessaire pour partir.
*
Relativement aux sonnettes, il n’est donc pas absolument impossible d’y aller.
Habillement.
À emporter : mon habit est bon ; 6 chemises ; 6 cravates ; 6 mouchoirs ; 2 culottes nankin ; 4 paires bas de soie ; 1 paire de souliers neufs.
À acheter : pantalon vert ; bottes de 48 livres ; 1 gilet. (OI, I, 122 )
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10 Philippe Lejeune et Catherine Bogaert, Histoire d’une pratique. Un journal...
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11 Pierre Macherey, op. cit., p. 235.
8La pratique du journal est donc nécessairement marquée par l’énumération, la répétition et la fragmentation. Philippe Lejeune et Catherine Bogaert font de ces deux dernières qualités les critères formels pertinents de cette pratique littéraire.10 En effet, le Journal reprend et ressasse des événements identiques d’un jour à l’autre : pendant ses séjours à Paris dans les années 1802-1805, chaque jour, Henri Beyle sort prendre sa leçon de déclamation chez La Rive ou Dugazon, va au théâtre avec ses amis, espère voir Mélanie, se promène et consigne ces « mille petits riens dont la succession aléatoire fait la vie de tous les jours, et dans lesquels il n’y a rien à comprendre, nul sens caché à remettre au jour, nulle beauté secrète à révéler »11. S’élabore alors un rituel quasi invariable qui permet de dessiner une « journée-type » de ce « Troisième Journal de mon voyage à Paris » :
24 août 1804
Un des jours les plus agréables que j’ai passés à Paris.
J’allais à 9 heures prendre Martial pour aller chez La Rive. Nous y dîmes la première scène d’Athalie […] En sortant de là, nous allons prendre une limonade au café de Foy ; il m’invite à dîner ; je vais voir un instant Mme de Baure, je rentre chez moi à 2 heures. Je me mets au travail [...].
Je travaille jusqu’à 5 heures, je vais chez Pacé […].
Il déclame un peu Ladislas. M. Le Brun arrive, nous sortons pour aller aux Tuileries, je les quitte pour prendre Barral ; heureusement il n’y était pas. Je les rejoins devant la caserne de la Garde. Nous arrivons ; près de la Diane, dans l’allée parallèle au château, nous trouvons ces dames avec Adèle ; nous plaisantons, et je plais autant que Pacé. […].
De là, il me propose de me mener à l’Opéra […].
J’y vais ; nous allons dans la loge grillée sur le théâtre, à la gauche de l’acteur. Nous y trouvons M. et Mme Coulomb […]. (OI, I, 116)
9L’entrée du 26 août 1804 résume ainsi l’idéal stendhalien de journées oisives et studieuses, partagées entre la solitude du travail et les rencontres de hasard, livrées à l’improvisation du dilettante :
12 Voir aussi OI, I, 123 : « À 4h, Pacé me fait appeler ; je vais chez lui à ...
Ce jour a été tel que je me figurais la vie lorsque je commençai à songer sérieusement à devenir un grand poète. Le matin dans un travail fructueux, le soir dans le plus grand monde. Après dîner, à 7 heures je vais aux Tuileries avec Tencin, j’y trouve en arrivant Pacé donnant le bras à Adèle and to her mother. (OI, I, 118)12
10Le « squelette sans vie » (OI, I, 281) d’une journée est donc offert en vrac à la lecture, sans souci d’analyse ni de jugement. La narration du journal doit se définir par cette factualité du récit : « L’art d’écrire un journal est d’y conserver le dramatique de la vie ; ce qui en éloigne, c’est qu’on veut juger en racontant » (OI, I, 54) note Henri Beyle, en mars 1804. La notation des faits hors de toute prise de position axiologique rend compte du réel de la manière la plus vivante qui soit.
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13 Bruce Bégout, La découverte du quotidien, Paris, Alia, 2005, p. 313.
11Cet emploi du temps, toujours semblable et jamais le même, trace à la fois un rythme et un itinéraire dans la ville. En reconstituant les trajets mentionnés, on peut établir une véritable topologie du Journal, où les déplacements évoluent selon un périmètre assez restreint (entre le jardin du Palais-Royal et les Tuileries, la Comédie-Française et l’Opéra). Le Journal nous offre un certain type d’informations relatives à un espace, le Paris des années 1800, à travers une série de noms propres (des noms de rue - qui ont parfois changé depuis cette époque - des noms de cafés ou de restaurants) mais aussi à travers des pratiques culturelles : on sait par exemple qu’Henri Beyle allait lire le journal dans un cabinet de lecture, comme beaucoup de ses contemporains, et qu’il fréquentait la Bibliothèque du Panthéon et la Bibliothèque Nationale. La représentation du quotidien dans le journal passe donc par celle d’un environnement et par les pratiques que développe pour s’y adapter celui qui écrit. Arrivé depuis peu dans la capitale, Henri Beyle se construit des repères familiers, s’invente un cadre rassurant, se rend quotidien un monde dont il ne possède encore ni les codes, ni les lois. C’est ce que Bruce Bégout, dans La découverte du quotidien, appelle le « processus de quotidianisation » : « Nous nommons quotidianisation ce processus d’aménagement matériel du monde incertain en un milieu de vie fréquentable, ce travail de dépassement de la misère originelle de notre condition par la création de formes de vie familières »13. Le quotidien, dans cette optique phénoménologique, n’est jamais déjà là ; il est un travail destiné à se rendre le monde familier, l’enjeu d’une lutte menée au jour le jour pour se constituer un cadre de vie reconnaissable et habitable. Le quotidien, ainsi redéfini, n’est plus cet ordre inerte et précaire de l’extériorité pure mais un élan dynamique pour apprivoiser le réel. À Milan, à Paris aussi, le jeune Beyle est un étranger qui doit, au prix d’un effort poursuivi jour après jour, s’adapter à son environnement, s’y déplacer avec aisance. Soucieux de son intégration, il cherche par exemple à saisir les lois de l’élégance parisienne (comportement, langage, vêtements, tout est encore à apprendre pour lui) pour ne pas détonner dans ce monde encore insaisissable :
J’étais bien autant que ma figure, qui n’a pour elle que la physionomie, me le permet ; le jabot, la cravate, le gilet, bien ; les cheveux non massés en génie, parce que je venais de les faire couper à midi. En général, j’ai dû produire sur elle cette impression d’élégance parisienne dont Édouard m’a parlé. (OI, I, 158).
12Être dans le ton, dans la note, est l’idée fixe de l’Henri Beyle de ces temps-là : il lui faut s’ajuster au regard des autres, observer la conduite la plus appropriée pour avoir du succès en société et auprès des femmes. Ainsi pensé, le quotidien est le terrain s’apprentissage dont le diariste approfondit l’exploration dans le Journal :
Il faut que je me corrige d’un défaut. Il vient du peu d’habitude que j’ai de converser avec des gens à qui je veuille plaire. On parle d’un sujet, mon esprit lent ne trouve la chose marquante (en raison) à dire sur ce sujet que lorsqu’on commence déjà à le quitter. Alors je cède quelquefois à la tentation de la dire, ce qui me donne un mérite lourd, chose assommante. L’abbé Hélie a les transitions rapides et totales. Cela est très bien, à imiter. (OI, I, 100).
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14 « Quand je relis ces Mémoires, je me siffle souvent moi-même » (OI, I, 118).
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15 « Ton affaire est-elle de vivre ou de décrire ta vie ? Tu ne dois faire de...
13Cette dimension autocritique14 de l’écriture quotidienne encourage le changement, la transformation. Loin de rester à la surface des choses et de se contenter d’en dresser le catalogue, Stendhal problématise ce rapport au monde qu’il s’est constitué : il ne s’agit pas seulement pour lui de « décrire [s]a vie » mais de la « vivre »15. Le Journal en cela n’est pas seulement une représentation statique du monde, de l’ordre du constat, mais une dynamique qui permet de suivre un cheminement, une évolution dans le temps.
« Je sens que je suis journalier » (OI, I, 44)
14Le Journal présente ainsi un autoportrait labile, au jour le jour. Ce que le diariste beyliste tente d’approcher, c’est la vérité de son « esprit naturel et point appris » (OI, I, 257) :
Il est très difficile de peindre ce qui a été naturel en vous, de mémoire ; on peint mieux le factice, le joué, parce que l’effort qu’il a fallu faire pour jouer l’a gravé dans la mémoire. M’exercer à me rappeler mes sentiments naturels, voilà l’étude qui peut me donner le talent de Shakespeare. On se voit aller en jouant, on a la perception. Cette sensation est facilement reproduite par l’organe de la mémoire ; mais pour se rappeler les sentiments naturels, il faut commencer par faire la perception.
Voilà où l’étude de l’Idéologie (Tracy et Biran) m’est utile. (OI, I, 267)
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16 Michel Crouzet, « Rôle et fonctions du journal intime : propositions d’étu...
15Mais cette vérité est variable ; le naturel est « celui qui est inventé à chaque instant » (OI, I, 258) et l’intérêt du Journal est de montrer un écrivain en mouvement, cherchant la vérité de soi plutôt que prétendant l’avoir conquise : « travaillez votre caractère » (OI, I, 258) conseille le narrateur à l’homme qui chercherait à avoir de l’esprit. Ce qu’apprend en effet l’Idéologie, c’est « la possibilité d’agir sur soi »16, méthodiquement, en vue de « faire un grand pas vers le bonheur » (OI, I, 31) :
Ce mois-ci s’est passé à l’étude de la grande philosophie pour trouver les bases des meilleures comédies possibles, et, en général, des meilleurs poèmes, et celles de la meilleure route que j’ai à suivre pour trouver dans la société tout le bonheur qu’elle peut me donner. (OI, I, 112)
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17 Michel Braud, La Forme des jours, op.cit. p. 390.
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18 Pierre Pachet, Les baromètres de l’âme. Naissance du journal intime, Paris...
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19 « Journalier » s’applique ici à une personne qui est « sujet à changement,...
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20 V. aussi à la date du 1er avril 1806, le diariste se plaignant de « cette ...
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21 Gérald Rannaud, « Débat », Le Journal intime et ses formes littéraires, Vi...
16Dans le temps du Journal, une identité se constitue, qui se cherche, se fait et se défait sous nos yeux : « peut-être même le journal ne présente-t-il que cela : les états successifs d’une expérience humaine, souvent intime, qui révèlent les changements opérés par le passage du temps et par l’expérience qui y a trouvé sa place. »17. Le Journal en effet est le « baromètre de l’âme »18 qui enregistre les minuscules changements quotidiens et expérimente une métamorphose : « Je sens que je suis journalier » (OI, I, 44) note le narrateur le 10 juin 1803, conscient du caractère fugace de son « humeur »19. En effet, les années 1802-1804 telles qu’elles sont consignées dans le Journal présentent une identité précaire, instable, mouvante : « Avec des sens et des facultés intérieures si mobiles et si sensibles, il est très possible que je devienne fou » s’effraie le narrateur dans une note du Journal20. Ce n’est point là caprice, mais apprentissage de soi dans le monde qui se vit non pas dans le repli mais sur les frontières, entre l’intérieur et l’extérieur : « Le problème de Stendhal, tout au long du Journal est, semble-t-il, d’arriver à cerner le « qui je suis » à travers le regard des autres, l’image que les autres lui renvoient de lui-même. On se trouverait ainsi devant une intimité […] très socialisée » écrit Gérald Rannaud21. Le Journal rend compte de ce regard social et s’en démarque pour révéler la véritable nature de celui qui l’écrit : « Voilà qui doit m’apprendre à ne pas m’arrêter au bruit public. Et ma réputation de roué et d’homme qui suis déjà blasé, avec cette âme si tendre, si timide et si mélancolique ! Le philosophe Mante me connaît enfin, mais il a fallu que je l’aidasse à me voir tel que je suis. » (OI, I, 197). Se dessine alors un double portrait : celui que renvoient, en miroir, les rumeurs du monde ; et, à partir de ce qui est un contresens aux yeux du diariste, une seconde image, rectifiée, garante de ce « moi » profond qui cherche à se révéler. Comme Montaigne, Stendhal s’essaie, se frotte à l’écriture pour exister, se définir :
Plus on connaît les hommes, plus on pardonne à ses amis de légères faiblesses. La méthode des protagonistes en maximum de passions (tragiquement), ou de rapports (comiquement), me ferait fuir dans un désert si je portais dans le monde cette inflexible sévérité que j’ai pour les figures que je peins.
Bien prendre garde à cela ; c’est mon grand défaut et qui pourrait me donner, aux yeux des gens du monde, le ridicule que La Harpe aurait aux miens s’il critiquait impudemment Cinna. (OI, I, 119)
17Le diariste s’invente donc une identité qui, en définitive, n’a de réalité que narrative. Le Journal moral que nous lisons est une suite de propositions, sous la forme d’auto-injonctions, d’une identité que tente de recomposer ou de forger l’écriture : « J’ai besoin de méditer sur ma conduite, je le fais la plume à la main, c’est diminuer l’influence des passions sur les jugements qu’on porte sur soi » (OI, I, 288).
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22 « Voilà comme il est utile aux poètes d’étudier l’idéologie » (OI, I, 188).
18Mais pour « [s]e former le caractère » (OI, I, 326), pour « corriger [s]on caractère » (OI, I, 315), le lecteur qu’est le diariste puise ses maximes personnelles dans les livres qu’il est en train de lire ou dans les pièces de théâtre qu’il va voir, quasiment chaque jour, à cette époque-là : « Deux choses dont il faut bien me purger : l’enflure de Racine dans Iphigénie ; […] Je suis un peu pédant. Je dis souvent ce dont on n’a que faire. Me régler pour cela sur le ton de Martial et des Mémoires de M. de Choiseul » (OI, I, 100). En un va-et-vient fluide et souple, la littérature, qu’elle soit lue ou vue, circule des livres à la vie. Chez Stendhal, il n’existe pas de cassure ontologique entre le monde de la bibliothèque et l’expérience sensible. Le Journal est un cahier de notes de lectures immédiatement disponibles et applicables dans le réel. Nous pouvons suivre sous la plume du diariste le chemin que suit l’idée d’origine et qui se prolonge en lui et au dehors de lui, du livre à l’usage quotidien qu’il en fait. Ainsi, les oppositions du « cœur » et de l’« esprit », de la « sensation » et de la « perception » trouvées chez Lancelin ou Maine de Biran, sont-elles « utiles »22 pour séduire Mélanie :
Je suis sorti de chez elle à 4 heures, après y avoir resté une heure un quart. Je n’ai point eu d’esprit, j’étais trop troublé ; en revanche, en sortant, il m’est venu une prodigieuse quantité de choses tendres et spirituelles. Quand je serai davantage perception et moins sensation, je pourrai les lui dire. (OI, I, 221)
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23 Pierre Macherey, op. cit., p. 14. Voir aussi M. Crouzet, op. cit., p. 68 :...
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24 Philippe Lejeune, « Le Journal comme « antifiction », Frontières de l’auto...
19Des livres à soi, la distance n’est pas grande : la citation a une fonction pratique, s’intègre dans le champ de l’expérience concrète et se fond dans la vie courante. On le voit, dans le rapport mouvant qu’il entretient avec son milieu d’existence – que ce soit les hommes ou les livres – le diariste cherche à se transformer soi-même, « à devenir homme autrement »23. L’expérience quotidienne de l’écriture présente une « image dynamique et prospective du Journal »24, investissant l’inconnu et toujours ouvert sur l’avenir.
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25 Michel de Certeau, La fable mystique, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des...
« Quelque chose bouge dans le quotidien »25
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26 Henri Lefebvre, La Vie quotidienne dans le monde moderne, Paris, Gallimard...
20Avec ses moments d’intensité et de détente, de sérieux et de non sérieux, d’essentiel et d’accessoire, le quotidien, tel qu’il est noté dans le Journal, échappe à la monotonie de l’identique et recèle aussi des moments singuliers et sublimes. Certes, il ne s’agit pas là d’aventures extraordinaires - réservées au domaine de la fable- mais d’infimes instantanés qui contiennent leur part de merveilleux. Stendhal sent que certaines journées, certains instants délicats et fugitifs, se détachent de la routine quotidienne et viennent en trouer la banale platitude. Il s’agit de « révéler la richesse cachée sous l’apparente pauvreté du quotidien, [de] dévoiler la profondeur sous la trivialité, [d’] atteindre l’extraordinaire de l’ordinaire »26. Tout ce qui est de l’ordre de la surprise et de la rencontre non-programmée procure une émotion imprévue et produit ce que Joyce appelle des « épiphanies » : « Je donne aux Tuileries quinze sous à un pauvre vieillard qui a tout ce qu’il faut pour me toucher infiniment ; un instant après je vois un père badinant avec sa fille de trois ans environ ; ces deux petites rencontres me touchent infiniment. » (OI, I, 76).
21Il existe aussi, dans le Journal de Stendhal une poésie du quotidien, malgré la raideur décidée des « cahiers de la ferme volonté », malgré le désir d’être le « plus desséché » (OI, I, 327) possible. Ce stoïcisme, de plus en plus affirmé au cours de cette période 1801-1805, sous l’influence des lectures philosophiques, censées aider à lutter contre la sensibilité à la Rousseau (il faut, en cette période, s’affermir en « se dérousseauisant ») se laisse parfois aller à la tendresse d’un « air chargé d’amour » (OI, I, 178), un matin de janvier 1805, aux Tuileries. La réalité quotidienne est aussi faite de moments d’« extase », où le bonheur physique et intellectuel, où le bien-être d’exister pleinement, se détachent sans raison des aléas de la vie :
27 Voir aussi OI, I, 117 : « Je digère bien cette soirée pour l’observation, ...
Ce cahier commence heureusement aujourd’hui, dimanche 24 Thermidor ; ayant pris pour la première fois de l’extrait de gentiane et de la tisane de petite centaurée et de feuille d’oranger, je suis aussi heureux que possible, à 3 heures du soir, beau soleil après pluie, en découvrant les belles pensées qui commencent le cahier de la ferme volonté. C’est un bonheur d’un genre plus doux, mais aussi fort que celui du dimanche à Claix, où après avoir fait les premiers bons vers que j’aie trouvés de ma vie, je dînai seul et sans gêne, avec d’excellents épinards au jus et de bon pain. Ces extases, d’après la nature de l’homme, ne peuvent pas durer. (OI, I, 112-113)27.
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28 Voir aussi OI, I, 84 : « Je vais, à 10 heures, au cabinet de lecture. J’y ...
22À l’inverse, les « grands objets » (OI, I, 236) de l’Histoire sont intégrés à la trame de la vie quotidienne, sans éclat ni sensationnel, sans qu’ils soient mis en scène comme des événements particuliers. L’actualité politique, pourtant assez spectaculaire au moment du couronnement de l’Empereur, est traitée comme un événement parmi d’autres, au sein d’une énumération qui ne hiérarchise aucunement leur apparition : « Ainsi, dans cette semaine, j’ai vu le pape, Bonaparte allant se faire sacrer, mon oncle à Paris, Adèle quatorze heures de suite, une visite de trois heures de Pierre Daru, et par-dessus tout mon Héloïse » (OI, I, 159)28. Le 25 juin 1804, le diariste met sur le même plan un épisode tragique de l’Histoire et un événement culturel, non sans une certaine ironie :
Fin de deux tracasseries : Georges [Cadoudal] est guillotiné à 11 heures 35 minutes, avec ceux qui n’ont pas obtenu leur grâce. Les tracasseries, comédie de Picard, tombe. Les accusés graciés sont condamnés à la déportation ; Moreau part pour les Etats-Unis, qui auront vu, dans le même siècle, Washington, Kosciuszko et Moreau. (OI, I, 87).
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29 Roland Barthes, « Délibération », Le bruissement de la langue, Paris, Seui...
23Le Journal permet ces raccourcis et ces amalgames car il n’a pas l’exigence d’une logique préméditée. Les choses s’écrivent comme elles viennent à la pensée. Le Journal est aussi une chronique du siècle et dépasse ainsi le seul caractère intime qu’on lui prête souvent. Pour un homme qui entend être le témoin de son temps, raconter sa vie n’est pas distinct du fait de raconter la vie. Roland Barthes qui « délibérait » sur l’intérêt de tenir un Journal sans toutefois y trouver aucun intérêt, reconnaissait malgré tout au journal le mérite « historique » « d’éparpiller en poussière, au jour le jour, les traces d’une époque, toutes grandeurs mêlées, de l’information majeure au détail de mœurs »29.
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30 L’expression renvoie au titre du Journal du dehors d’Annie Ernaux, Paris, ...
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31 Annie Ernaux, La Vie extérieure1993-1999, Paris, Gallimard, 2000, entrée d...
24Journal intime, journal littéraire, Journal philosophique, Journal du dedans, « journal du dehors »30, il serait vain de vouloir classer l’écriture journalière de Stendhal et de l’enfermer dans des catégories toute faites, surtout dans ces années foisonnantes de découvertes. Et si l’on écoute ce qui se dit dans ce « fatras » (OI, I, 343) de notes discontinues, on a l’étrange sensation de toucher du doigt le temps, temps ordinaire des jours qui passent sans qu’aucun événement marquant ne vienne le troubler, mais aussi temps de ces imprévus qui viennent trouer le tissu des jours. Décor paradoxal de la vie, le quotidien n’est pas seulement la surface plane d’un décor déjà là mais une épaisseur à construire par les actions que l’on y mène jour après jour ; et, à travers ces « presque riens » de l’existence, le sujet se construit aussi en même temps qu’il se rend familier un univers. L’écriture du Journal redouble cette profondeur : « mettre en mots le monde »31, c’est offrir au quotidien une nouvelle chance d’exister, éviter qu’il ne se perde dans le néant des jours passés.
Notes
1 Plutôt que de parler de « journal intime », on préférera, à la suite de Philippe Lejeune et de Michel Braud l’expression « journal personnel ».
2 Michel Braud, La forme des jours. Pour une poétique du journal personnel, Paris, Le Seuil, 2006.
3 Pierre Macherey, Petits riens. Ornières et dérives du quotidien, éditions Le Bord de l’eau, coll. « Diagnostics », 2009, p. 112.
4 Je me limiterai à la période de 1801-1805, avant le voyage à Marseille qui me semble marquer une rupture dans cette phase de construction de la personnalité d’Henri Beyle.
5 Stendhal, Œuvres intimes, t. I, Victor Del Litto éd., Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1981, p. 3 ; nous noterons désormais les références à cet ouvrage par l’abréviation OI, I, suivie du n° de la page.
6 V. Michel Braud, « Le journal intime est-il un récit ? », Poétique n° 160, novembre 2009, p. 393 : « Le récit des jours est la forme par laquelle le sujet s’approprie le temps ordinaire, non épique […] ».
7 Alain Girard, « Le Journal intime, un nouveau genre littéraire », Cahiers de l’association internationale des études françaises, 1965, volume 17, n° 1, p. 100.
8 P. Macherey, op.cit., p. 20.
9 P. Macherey, op.cit., p. 17.
10 Philippe Lejeune et Catherine Bogaert, Histoire d’une pratique. Un journal à soi, Paris, Textuel, 2003, p. 9.
11 Pierre Macherey, op. cit., p. 235.
12 Voir aussi OI, I, 123 : « À 4h, Pacé me fait appeler ; je vais chez lui à l’instant, il me dit que notre dîner est pour aujourd’hui. Je n’ai que le temps de voler au Palais-Royal me faire couper les cheveux, de revenir chez moi et de revoler chez Robert, restaurateur, rue des Bons-Enfants, où j’arrive à 6h. Nous sommes douze : […]. Nous nous sommes mis à table vers les 6 heures et demie, nous en sommes sortis vers les 9 et demie et sommes sortis de chez Robert à 11h et quart. J’ai quitté ces messieurs, ai fait un tour au Palais Royal et me suis retiré ».
13 Bruce Bégout, La découverte du quotidien, Paris, Alia, 2005, p. 313.
14 « Quand je relis ces Mémoires, je me siffle souvent moi-même » (OI, I, 118).
15 « Ton affaire est-elle de vivre ou de décrire ta vie ? Tu ne dois faire de journal qu’autant que cela peut t’aider à vivre da grande » (OI, I, 888).
16 Michel Crouzet, « Rôle et fonctions du journal intime : propositions d’étude », Stendhal en tout genre, Paris, Champion, 2004, p. 73.
17 Michel Braud, La Forme des jours, op.cit. p. 390.
18 Pierre Pachet, Les baromètres de l’âme. Naissance du journal intime, Paris, Hatier, 1990.
19 « Journalier » s’applique ici à une personne qui est « sujet à changement, d’un jour à l’autre ».
20 V. aussi à la date du 1er avril 1806, le diariste se plaignant de « cette sensibilité mobile qui [l]e rend femme […] » (OI, I, 422).
21 Gérald Rannaud, « Débat », Le Journal intime et ses formes littéraires, Victor Del Litto éd., Genève-Paris, Droz, 1978, p. 66.
22 « Voilà comme il est utile aux poètes d’étudier l’idéologie » (OI, I, 188).
23 Pierre Macherey, op. cit., p. 14. Voir aussi M. Crouzet, op. cit., p. 68 : » Le Journal n’est plus la reproduction du moi, mais sa production, un moyen d’en assurer la quête et la progression ».
24 Philippe Lejeune, « Le Journal comme « antifiction », Frontières de l’autobiographie, Poétique, n° 149 , février 2007, p. 9.
25 Michel de Certeau, La fable mystique, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires, 1982, p. 19
26 Henri Lefebvre, La Vie quotidienne dans le monde moderne, Paris, Gallimard, « Idées » 1968, p. 74.
27 Voir aussi OI, I, 117 : « Je digère bien cette soirée pour l’observation, et elle est d’enchantement pour le bonheur ; j’étais vraiment hors de moi. Je ne perdais point terre au point d’avoir peur de me noyer, je me sentais doucement enlevé ».
28 Voir aussi OI, I, 84 : « Je vais, à 10 heures, au cabinet de lecture. J’y lis Palissot. J’y apprends le jugement de Moreau. De là, au Luxembourg. Deux tableaux de David, manque d’expression ».
29 Roland Barthes, « Délibération », Le bruissement de la langue, Paris, Seuil, « Points », 1984, p. 425.
30 L’expression renvoie au titre du Journal du dehors d’Annie Ernaux, Paris, Gallimard, « Folio », 1995.
31 Annie Ernaux, La Vie extérieure1993-1999, Paris, Gallimard, 2000, entrée du 10.9.1993.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Catherine Mariette
Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – Charnières