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Bernard Roukhomovsky

L’atelier de Socrate : la notion de peinture dans la théorie du caractère en France (1688-1752)

Initialement paru dans : Watteau au confluent des arts, actes du colloque international de Valenciennes, études réunies par Carine Barbafieri et Chris Rauseo, Valenciennes, Presses de l’Université de Valenciennes, 2009 (« Recherches valenciennoises », n° 28), p. 427-444

Texte intégral

  • 1 Voir, ici même, la contribution de J.-C. Abramovici.

1Si la théorie de la peinture à l’âge classique met à contribution la notion de caractère1, la notion de peinture, en retour, tient une place essentielle dans la théorie du caractère : c’est sur cet autre aspect des rapports entre caractère et peinture que je voudrais ici tenter de faire le point.

  • 2 Voir en particulier : J. Dagen, « Le clair-obscur de La Bruyère », Littérat...

2À vrai dire, la question n’est pas nouvelle. Des études importantes ont montré la prégnance du paradigme pictural chez La Bruyère2. Le présent colloque me fournit pourtant l’occasion de ressaisir la question dans une perspective historique. Il s’agit de mesurer l’importance de la notion de peinture dans l’élaboration de la théorie du caractère en France, en examinant quelques-uns des textes préfaciels ou programmatiques au fil desquels celle-ci se construit, non seulement sous la plume de l’auteur des Caractères (1688), mais encore chez tous ceux qui, jusqu’au milieu du siècle suivant, ont tenté – avec un bonheur inégal – de marcher dans ses pas et d’en recycler l’héritage, oscillant entre le ressassement et l’infléchissement.

  • 3 F. Génard, L’Ecole de l’homme, ou Parallèle des portraits du siècle et des ...

  • 4 H. Coulet, « Qu’est-ce qu’un petit moraliste ? », dans La Morale des morali...

3Ces faiseurs de caractères – ces « Caractéristes3 », comme les appelle François Génard dans la Préface de son École de l’Homme (1752) – forment le gros de la troupe des « petits moralistes » : entendons par là, avec Henri Coulet, « ceux qui, entre 1690 et 1750 environ, ont contribué à la formation d’une pensée nouvelle sans avoir renouvelé les formes de la pensée4 ». Cette définition – qui exclut Marivaux, Vauvenargues et très probablement Duclos – porte en elle l’hypothèse d’une désynchronisation momentanée de l’histoire des formes et de celle des idées. Hypothèse d’autant plus problématique, pour ce qui concerne en particulier le caractère, que celui-ci se comprend à la fois comme manière et comme matière, comme dispositif rhétorique et comme disposition morale. Faut-il parler d’un découplage entre les deux versants de la notion de caractère, dans un temps où le succès rencontré par la forme tranche sur le discrédit qui affecte l’idée ?

4Je vais tenter de faire voir que la façon dont nos auteurs font jouer la notion de peinture dans la théorie du caractère permet précisément de rendre compte de cette apparente distorsion et, peut-être, de la relativiser.

Donner à voir pour donner à penser : Socrate ou la troisième voie

  • 5 Voir en particulier le Discours sur Théophraste, la Préface des Caractères ...

5Si la conception du caractère comme peinture apparaît maintes fois dans le paratexte des Caractères5, on la retrouve dans une remarque fameuse du chapitre « Des jugements » :

  • 6 La Bruyère, Les Caractères ou les mœurs de ce siècle, « Des jugements », 66.

On a dit de Socrate qu’il était en délire, et que c’était un fou tout plein d’esprit ; mais ceux des Grecs qui parlaient ainsi d’un homme si sage passaient pour fous. Ils disaient, quels bizarres portraits nous fait ce philosophe ! quelles mœurs étranges et particulières ne décrit-il point ! où a-t-il rêvé, creusé, rassemblé des idées si extraordinaires ? quelles couleurs, quel pinceau ! ce sont des chimères ; ils se trompaient, c’étaient des monstres, c’étaient des vices, mais peints au naturel ; on croyait les voir, ils faisaient peur. Socrate s’éloignait du cynique, il épargnait les personnes, et blâmait les mœurs qui étaient mauvaises6.

  • 7 L. S. Mercier, Le Tableau de Paris, éd. de J.-C. Bonnet, T. 1, Paris, Mercu...

  • 8 Lettre de l’auteur à Ménage, reproduite par J. Benda dans l’édition de la P...

6Pourquoi Socrate ? À l’évidence, La Bruyère n’a pas lieu de proclamer, comme le fera Mercier, qu’il n’a « tenu dans son ouvrage que le pinceau du peintre et […] presque rien donné à la réflexion du philosophe7 ». Au contraire, c’est dans les mains du philosophe qu’il choisit ici de placer le pinceau du peintre, et plus précisément dans les mains de Socrate, qui lui fournit à plusieurs reprises un masque pseudonymique en même temps qu’un modèle. Un masque pseudonymique : il est entendu que « Socrate ici n’est pas Socrate : c’est un nom qui en cache un autre8 », celui de La Bruyère lui-même. Un modèle : car ce masque-là n’est pas choisi par hasard, il implique une certaine idée et, partant, une certaine pratique de la peinture morale. Le motif est le même qui conduira plus tard le traducteur français du Spectator à enrôler le dit Socrate pour lever toute ambiguïté sur le projet des auteurs anglais (Addison et Steele) :

  • 9 Le Spectateur ou Le Socrate moderne, où l’on voit un Portrait naïf des mœur...

Pour ce qui est du titre général, il n’y a pas eu moyen de changer celui du SPECTATEUR, comme on le verra facilement par la lecture de tout l’ouvrage, quoique les Français ne joignent pas à ce mot la même idée que les Anglais, ou que du moins nos Auteurs, semblent y avoir attachée ici. Afin donc de le développer en quelque manière, je l’ai accompagné de celui de SOCRATE MODERNE, qui répond assez justement au but que ces Messieurs se proposent, de bannir le Vice et l’Ignorance de leur Patrie, et à la méthode qu’ils y emploient9.

  • 10 « Du mérite personnel », 34 (autre remarque explicitement placée sous le s...

7C’est un rôle similaire, en effet, que lui assigne La Bruyère, en opposant la caution socratique à tous ceux qui, « où ils voient l’agréable, […] en excluent le solide », en vertu de quoi, dans l’autre sens, « ils ôtent de l’histoire de Socrate qu’il ait dansé10 ». En d’autres termes, l’identification à Socrate vaut réplique à tous les Théobaldes et autres mauvais lecteurs qui

  • 11 Préface du Discours de réception à l’Académie française.

négligent dans un livre tout ce qui n’est que remarques solides ou sérieuses réflexions, quoique en si grand nombre qu’elles le composent presque tout entier, pour ne s’arrêter qu’aux peintures ou aux caractères ; et après les avoir expliqués à leur manière et en avoir cru trouver les originaux, donnent au public de longues listes, ou, comme ils les appellent, des clefs […]11.

  • 12 Voir A. E. Spica, « Moralistes et emblématique », XVIIe siècle, « Les mora...

8Dans ce texte essentiel (et justement célèbre), le moraliste condamne toute lecture qui consisterait à dissocier les « peintures » du dispositif global dans lequel elles prennent place, et sens. À l’inverse, il est permis de rapprocher ce dispositif, qui conjoint « peintures » et « réflexions » et les articule étroitement les unes aux autres, du modèle emblématique, lequel, on le sait, associe au langage des figures un appareil textuel (inscription, épigramme, narration philosophique) qui en développe la leçon, qui fait parler les images12. De fait, s’il est plus ou moins latent selon les cas, s’il est mis en œuvre avec plus ou moins de souplesse et de subtilité, le modèle de l’emblème affleure souvent en filigrane dans la théorie du caractère :

  • 13 J.-F. Bernard, Réflexions morales, satyriques et comiques sur les mœurs de...

Disons un mot du véritable objet des Caractères : ils servent à délasser du sérieux des Réflexions, qui ennuieraient peut-être, si elles étaient continues et sans interruption. Le Caractère anime la Réflexion, et rend attentif le Lecteur, en sorte qu’il s’attache plus volontiers à la lecture d’un Ouvrage de Morale. La Réflexion est comme l’explication du Caractère : elle doit être juste, courte, précise, et claire en même temps. […] Si la Réflexion et le Caractère instruisent, c’est tout ce que l’on peut demander : car ce n’est pas assez que l’on y prenne plaisir13.

  • 14 On aura reconnu les premières lignes de la Préface des Caractères, dans le...

9Or, la figure du philosophe-peintre (qui fait pendant à celle du peintre-philosophe si chère aux humanistes) illustre exemplairement cette étroite solidarité des peintures ou caractères et des « sérieuses réflexions » dont elles forment le corps (pour emprunter au langage de l’emblématique), et elle l’illustre à plusieurs titres. D’une part, en tant que parangon de la réflexion philosophique, Socrate indique la présence de vérités universelles sous la particularité des figures, à charge pour celui qui sait lire, au rebours des Théobaldes, d’identifier l’universel sous la figure : à cet égard, filiation socratique et filiation théophrastienne impliquent la même position programmatique. D’autre part, comme parangon d’une philosophie de la réflexivité, Socrate suggère la fonction spéculaire dévolue aux peintures dans le dispositif des Caractères, à charge pour celui qui sait lire, « s’il se connaît quelques-uns des défauts que [l’auteur] touche, [de] s’en corriger14 ».

  • 15 Voir à ce sujet E. Bury, « Le sourire de Socrate ou peut-on être à la fois...

10Mais Socrate est aussi pour La Bruyère ce qu’il est globalement pour la conscience classique : le visage d’une philosophie selon le monde, qui dialogue et qui badine ; celui d’une philosophie « triviale », au sens que notre auteur donne à ce terme15 ; celui d’une philosophie qui a pris le parti de rompre avec le langage empesé et les abstractions de l’École. C’est en quoi le motif du philosophe-peintre entre directement en résonance avec la définition du caractère comme troisième voie du discours sur les mœurs. Il s’agit là d’un lieu commun de la théorie du genre. On le rencontre chez Casaubon, à propos des Caractères de Théophraste, lorsqu’il entreprend de « définir ce petit livre à mi-distance de la façon d’écrire des philosophes et de celle des poètes » :

  • 16 I. Casaubon, Commentaires des Characteres ethici de Théophraste (Lyon, G. ...

Le sujet traite en effet des mœurs : les corriger, tel est l’unique but assigné à l’auteur en cet ouvrage : or cela au moins lui est commun avec le philosophe éthique, c’est leur propos à tous deux. Mais ici le sujet n’est pas traité à la façon des philosophes : c’est une nouvelle méthode d’enseignement, reposant sur la description de ce qu’ont coutume de faire en tant que tels les hommes portés à telle ou telle vertu, ou vice […]16.

11Joseph Hall, l’un des plus remarquables de ces characters writers qui, dans la première partie du XVIIe siècle, ont fait revivre outre-Manche la tradition théophrastienne, inscrit à son tour le caractère à mi-parcours entre la généralité « des discours profonds de la félicité humaine, et du chemin pour y parvenir en commun » et l’application des « préceptes généraux de la bonté et honnêteté aux conditions et personnes particulières » :

  • 17 J. Hall, Caractères des vertus et des vices, trad. de Loiseau de Tourval (...

Une troisième sorte, tenant un certain milieu entre ces deux, et participant des uns et des autres, s’étudièrent à dépeindre fidèlement les linéaments de chaque vertu ou vice : […] et cet art par un terme très significatif appelèrent-ils Caractères. Leurs livres étaient autant de tableaux, leurs écrits autant de peintures parlantes, et images vives où la multitude ignorante pouvait par le sens même apprendre à connaître ce qui est à suivre, et ce qui est à détester ; et suis bien trompé, s’il y a quelque autre chemin, ou meilleur, ou plus court17.

  • 18 Le Tableau des passions humaines (Paris, S. Cramoisy, 1620) de N. Coeffete...

12Dans le fil de Casaubon et de Joseph Hall, La Bruyère fait sien le motif de la troisième voie : également éloignés des lecteurs qui ne goûtent que les traités méthodiques et de ceux qui ne prisent que les analyses physiologiques18,

  • 19 Discours sur Théophraste. Ce passage vaut à la fois pour le traité théophr...

Il s’en trouve d’un troisième ordre qui, persuadés que toute doctrine des mœurs doit tendre à les réformer, à discerner les bonnes d’avec les mauvaises, et à démêler dans les hommes ce qu’il y a de vain, de faible et de ridicule, d’avec ce qu’ils peuvent avoir de bon, de sain et de louable, se plaisent infiniment dans la lecture des livres qui, supposant les principes physiques et moraux rebattus par les anciens et les modernes, se jettent d’abord dans leur application aux mœurs du temps, corrigent les hommes les uns par les autres, par ces images de choses qui leur sont si familières, et dont néanmoins ils ne s’avisaient pas de tirer leur instruction19.

  • 20 Amplement mise en lumière, on le sait, par M. Fumaroli dans L’Âge de l’élo...

  • 21 P. Le Moyne (le P.), Les Peintures morales, Première partie, Paris, 1640, ...

  • 22 L. Van Delft, Le Moraliste classique. Essai de définition et de typologie,...

  • 23 Voir sur ce point l’analyse éclairante d’E. Bury, « Rhétorique et philosop...

  • 24 Goussault, Le Portrait d’une femme honnête, raisonnable et véritablement c...

13Si les modulations varient, comme on le voit, d’un auteur à l’autre et d’un contexte à l’autre, ces manifestes pour un discours moral du troisième type visent toujours à combiner une ambition philosophique et morale (il s’agit de parler de l’homme en général, d’instruire et de réformer) avec une stratégie rhétorique modelée tout à la fois par le code de l’honnête homme (il s’agit de « laisser à penser ») et par la « rhétorique des peintures20 », celle-là même qui, chez Le Moyne, aboutit à justifier « les Caractères qui sont mêlés aux Discours » comme « des Peintures sans couleur21 ». C’est que la rhétorique des peintures « sert d’autant mieux le projet du moraliste qu’elle parvient à faire coïncider parfaitement la description et la leçon22 » : en préférant le descriptif au prescriptif, elle lui permet de prendre le contre-pied des donneurs de leçons et, partant, de satisfaire aux idéaux de l’honnêteté23. L’abbé Goussault, contemporain de La Bruyère, insiste sur ce point dans son Portrait d’une femme honnête, lorsqu’il se « flatte qu’on [lui] saura gré d’avoir employé un pinceau si naturel, si innocent et si utile à un Portrait qui parle sans faire de bruit et qui instruit sans donner de leçons24 ». La même idée se retrouve, un bon demi-siècle plus tard, sous la plume de Toussaint :

  • 25 François-Vincent Toussaint, Les Mœurs [1re éd. 1748], Amsterdam, 1777, Pré...

En plusieurs endroits je me suis contenté de crayonner les vices, sans discourir sur leur difformité : le tableau parle de lui-même. Si j’avais peint, d’après Virgile, l’énorme chef des Cyclopes, aurais-je besoin d’avertir que Polyphème est un monstre hideux ? J’ai fait de même des vertus : j’ai souvent peint leurs grâces et leurs beautés, sans ajouter aux traits par où je les caractérise, d’ennuyeux panégyriques25.

  • 26 Jacques-Philippe de Varennes, Les Hommes [1re éd. Paris, J. Collombat, 171...

14Mais, alors que La Bruyère, dans le contexte d’une polémique engagée contre les promoteurs de la lecture à clefs, faisait voir dans les « sérieuses réflexions » l’indispensable contrepoint aux « peintures », Goussault et Toussaint insistent pour leur part sur le fait que la peinture « parle d’elle-même » (et, ce qui ne gâte rien, « sans faire de bruit »). Or, ces inflexions reflètent la tension essentielle qui travaille les théories et les pratiques du caractère, tension constitutive entre deux logiques concurrentes. Une logique du concret d’une part, qui implique une stratégie de particularisation : ainsi Varennes déclare-t-il avoir « particularisé » ses caractères « autant qu’[il l’a] pu, afin qu’ils en fissent plus d’impression » – il en va de leur force et, partant, de leur effet – quand bien même ils étaient « dirigés néanmoins par la connaissance générale des vices et des défauts26 ». Une logique de l’abstrait d’autre part, qui porte en elle une exigence de généralisation :

  • 27 Soubeiran de Scopon, Considérations sur le génie et les mœurs de ce siècle...

Dans quelle Histoire recueillera-t-on des réflexions aussi fines, aussi justes, aussi profondes, aussi utiles, que dans Corneille, dans Molière, dans Télémaque, dans La Bruyère, et dans La Rochefoucauld ? Il faut un vrai absolu aux Spectateurs ; un vrai qui résulte naturellement du rapport des choses. Ils ne sont point touchés de la vérité des faits particuliers qui n’apportent aucune lumière dans l’esprit27.

Le caractère entre deux eaux : failles et glissements

15Tension essentielle et constitutive, donc : aussi, comme représentation d’un universel sous l’espèce du singulier, le caractère s’ajuste à la notion de peinture (telle qu’elle se conçoit en contexte classique). Le problème qui se pose à ce point n’est plus celui de son efficacité rhétorique mais bien plutôt, sur l’autre versant de la notion, celui de se pertinence anthropologique, du fondement d’une science des caractères comprise comme science des invariants et des universaux.

16Cette pertinence, en effet, est de plus en plus nettement contestée vers la fin de notre période. Ce n’est pas un hasard si le terme de « caractères » n’apparaît pas dans les titres presque identiques – titres en forme d’hommage à La Bruyère – des deux ouvrages que font paraître coup sur coup (1749 et 1751) Soubeiran de Scopon et Duclos. Le premier, au seuil de ses Considérations sur le génie et les mœurs de ce siècle, tire parti de la traditionnelle protestation contre les applications (« un usage établi parmi les Caractéristes », observe Génard) pour ébranler l’édifice théophrastien et substituer au projet d’une caractérisation des êtres celui d’une caractérisation des mœurs :

  • 28 Soubeiran de Scopon, ibid.

On croit superflu de prendre des précautions pour se défendre de toute imputation de malignité, et pour protester contre toute application particulière ; car, outre qu’il y aurait de l’indiscrétion et de la témérité à rendre un certain caractère tel qu’on pourrait le rencontrer, on n’y trouverait pas son compte. Les hommes sont contradictoires ; il en est peu qui aient des principes fixes ; ils se démentent à tous les instants […]. Qui pourrait se promettre de s’assurer d’un homme, de prévoir tous ses écarts, et de le juger sans méprise ? On ne peut ni ne doit penser à peindre qui que ce soit en particulier : à quel dessein oserait-on l’entreprendre ? Ce n’est pas les hommes qu’on veut faire haïr ou mépriser, c’est leurs vices et leurs ridicules28.

  • 29 Ch. Duclos, Considérations sur les mœurs de ce siècle [1751], éd. de C. Do...

  • 30 Discours sur Théophraste, éd. citée, p. 69. Je reviendrai dans un instant ...

17Le second s’interroge, dans ses Considérations sur les mœurs de ce siècle, sur la consistance du caractère individuel – même s’il recycle la notion de caractère national ; il constate d’emblée que, « comme il arrive des révolutions dans les mœurs, les observations faites dans un temps ne sont pas exactement applicables à un autre29 », prenant ainsi le contre-pied du célèbre credo fixiste de La Bruyère : « les hommes n’ont point changé selon le cœur et selon les passions ; ils sont encore tels qu’ils étaient alors et qu’ils sont marqués dans Théophraste30. »

18Un an plus tard, au seuil d’un ouvrage pourtant conçu en forme de Parallèle des portraits du siècle et des tableaux de l’Écriture sainte, Génard enfonce le clou ; le passage mérite d’être longuement cité :

  • 31 Toussaint.

  • 32 F. Génard, ouvr. cit., Préface, n.p.

Les Hommes de ce temps ne sont point les hommes du temps de La Bruyère : le croira-t-on ? L’Auteur des Mœurs31, plus moderne que lui, ne reconnaîtrait plus ceux même qu’il a peints. Les occasions, l’intérêt, l’ambition ou la mode les changent en une nuit du blanc au noir. Les pages du Livre du Monde ne se ressemblent pas du jour au lendemain. On ne peut d’ailleurs, sans une suffisance extrême, se flatter d’avoir parfaitement connu l’Homme. Qui croirait traiter à fond de ses caprices et de ses défauts, et même apprécier au juste ses vertus seulement, n’aurait pas moins de présomption qu’un enfant qui se prétendrait capable de fixer la nature de Protée.
Spéculateur des Mœurs, vous en êtes à donner le dernier coup de pinceau au portrait d’un de vos intimes amis. Vous le connaissez depuis dix ans : vous l’étudiez depuis ce temps-là, et il y a autant de temps que vous êtes à le peindre. Avouez que ce travail est ingrat, et qu’il vous a bien fallu effacer, corriger et retoucher pour parvenir à faire un tableau qui, après tant de peines, ne ressemble pourtant pas encore à l’original. Vous pensez aujourd’hui saisir le trait qui vous manque pour le porter à sa perfection. Déjà votre modèle a pris son attitude devant vous ; vous tenez déjà votre homme, vous ne pouvez le prendre dans un jour plus favorable, vous vous approchez du chevalet pour l’achever : saisissez-le promptement. Il n’est plus temps. Il se plie et se replie ; se tortille et se retortille. C’est un Serpent, un Caméléon : il change dans la minute. Le Papillon devient Éléphant, et l’Agneau devient Tigre. Enfin il ne peut plus vous échapper. Que tenez-vous donc ? Rien. Votre homme glisse comme une anguille ; il est déjà entre deux eaux ; vous ne le voyez plus. Reparaît-il ? est-ce le même ? en est-ce un autre ? Pourriez-vous même assurer que ce fût lui, tant il est méconnaissable et peu pareil à lui-même ? voilà, dites-vous en soupirant, le travail de dix années perdu. Il faut jeter le portrait au feu : il ne ressemble plus à rien. Faites mieux : gardez-le ; il ressemble certainement aujourd’hui à quelqu’un qu’on n’y reconnaîtra peut-être pas demain : mais de l’un à l’autre il trouvera assez d’originaux. Si vous en regardiez quelque jour les traits, comme hasardés, disproportionnés, peu vraisemblables ou absolument hors de mise, faites voir votre peinture à quelques dévots ; sans y rien changer, ils trouveront bien le secret de la faire ressembler à quelqu’un32.

19En dépit des emprunts nombreux et transparents qu’il fait à La Bruyère (et à d’autres), Génard n’est pas dépourvu d’originalité. Ainsi, comme on lui doit le nom de « Caractéristes », on lui doit ici l’appellation de « Spéculateurs des mœurs », d’autant plus intéressante dans notre perspective qu’elle illustre bien la dualité constitutive du caractère, au point de contact entre le descriptif et le réflexif, entre le concret et l’abstrait, entre l’observation (dans le sens originel du terme, ici réactivé, le « spéculateur » est un observateur) et la réflexion (dans l’acception classique du terme, qui n’est pas encore supplantée par le sens financier, le « spéculateur » est un théoricien).

20C’est par les distorsions qu’il fait subir aux textes qu’il plagie que Génard marque son originalité. Il est patent qu’il s’inspire notamment, dans le passage cité, d’une page célèbre de La Bruyère :

  • 33 « De la mode », 19.

Les couleurs sont préparées, et la toile est toute prête ; mais comment le fixer, cet homme inquiet, léger, inconstant, qui change de mille et mille figures : je le peins dévot, et je crois l’avoir attrapé, mais il m’échappe, et déjà il est libertin ; qu’il demeure du moins dans cette mauvaise situation, et je saurai le prendre dans un point de dérèglement de cœur et d’esprit où il sera reconnaissable ; mais la mode presse, il est dévot33.

  • 34 Voir « De la dissimulation », premier des Caractères de Théophraste (La Br...

21Mais l’on s’avise qu’il infléchit considérablement la visée de ce texte et l’anthropologie qui le sous-tend. De fait, les « mille et mille figures » de ce personnage tour à tour libertin et dévot n’en font pas un personnage sans caractère, mais un personnage dont le caractère consiste précisément dans la duplicité – lieu premier de la caractérologie théophrastienne34. Il reste que ce gauchissement, en même temps qu’il reflète une évolution remarquable, quoique balbutiante et confusément ressentie, de la pensée morale au temps de Génard, révèle a posteriori – et ce n’est pas le moins intéressant – de vraies ambiguïtés chez l’auteur des Caractères.

  • 35 Voir L. Van Delft, « La Bruyère a-t-il écrit Les Caractères ? », dans Le T...

  • 36 « Des jugements », 47.

  • 37 Je renvoie ici, à nouveau, aux analyses de L. Van Delft : voir en particul...

  • 38 « De l’homme », 141.

22Au-delà de la polémique qui l’opposa naguère aux tenants de la « dissolution » du caractère35, Louis Van Delft a su montrer que, si La Bruyère est bel et bien tributaire d’un cadre de travail et de pensée légué par Théophraste, il s’y trouve néanmoins fort à l’étroit, à la recherche d’une explication moins rudimentaire. En effet, si son livre se construit sur les décombres d’un univers essentialiste où « la sottise est dans le sot, la fatuité dans le fat, et l’impertinence dans l’impertinent36 » – un livre en forme de cadastre où le caractère se conçoit encore comme un lieu que l’on occupe37 –, il n’en est pas moins peuplé d’êtres inaptes à demeurer dans leur caractère, et dont le caractère réside précisément, et paradoxalement, dans cette inaptitude. Il en est ainsi du caractère de Télèphe, qui « est de ne savoir pas se renfermer dans celui qui lui est propre, et qui est le sien38 », mais aussi de toute une cohorte de « composés bizarres » et de « grotesques » :

  • 39 « Des jugements », 26 (mes italiques).

Ne pourrait-on point faire comprendre aux personnes d’un certain caractère et d’une profession sérieuse, pour ne rien dire de plus, qu’ils ne sont point obligés à faire dire d’eux qu’ils jouent, qu’ils chantent, et qu’ils badinent comme les autres hommes ; et qu’à les voir si plaisants et si agréables, on ne croirait point qu’ils fussent d’ailleurs si réguliers et si sévères ? Oserait-on même leur insinuer qu’ils s’éloignent par de telles manières de la politesse dont ils se piquent ; qu’elle assortit, au contraire, et conforme les dehors aux conditions, qu’elle évite le contraste, et de montrer le même homme sous des figures différentes et qui font de lui un composé bizarre ou un grotesque39 ?

  • 40 « De l’homme », 140.

23Certes, une limite demeure ici posée entre caractère propre et caractère étranger : « La différence d’un homme qui se revêt d’un caractère étranger à lui-même, quand il rentre dans le sien, est celle d’un masque à un visage40. » Mais, quelques pages plus loin dans ce même chapitre « De l’homme » – et dans des lignes qui ont fait couler beaucoup d’encre –, la brèche s’approfondit. Les anamorphoses ou métamorphoses qui viennent compliquer la tâche du peintre de caractères ne sont pas imputables aux seuls manquements des hommes à l’art d’être soi-même (ou, comme l’on dit, de rester à sa place) ; elles procèdent également de ce que l’on appelle alors leurs contrariétés :

  • 41 « De l’homme », 147.

Les hommes n’ont point de caractères, ou s’ils en ont, c’est celui de n’en avoir aucun qui soit suivi, qui ne se démente point, et où ils soient reconnaissables. Ils souffrent beaucoup à être toujours les mêmes, à persévérer dans la règle ou dans le désordre […]. Ils ont des passions contraires et des faibles qui se contredisent ; il leur coûte moins de joindre les extrémités que d’avoir une conduite dont une partie naisse de l’autre41.

  • 42 Véritable montage de citations déguisées (et partiellement détournées), le...

  • 43 « De la société et de la conversation », 1.

24Qu’est-ce à dire ? sinon que l’homme infigurable et protéen de Génard – qui rappelle du reste, toutes proportions gardées, celui de Montaigne42 – est bien présent, déjà, dans les marges de ce livre pourtant placé sous la tutelle de Théophraste. En outre, aux interrogations qui s’y font entendre en sourdine sur la valeur anthropologique de la notion de caractère se mêle, non sans ajouter à la confusion, une exploration quasi systématique – et souvent ludique – de la polysémie du terme, comme en témoigne exemplairement l’incipit du chapitre sur la conversation : « Un caractère bien fade est celui de n’en avoir aucun43. »

Du bon usage des monstres : le caractère comme instrument d’optique morale

25Au demeurant, la question n’est peut-être pas tant de savoir dans quelle proportion La Bruyère adhère à la conception théophrastienne du caractère que de comprendre l’usage qu’il en fait, la fonction qu’il assigne à l’outillage anthropologique et rhétorique élaboré par la tradition des Caractères. Il convient de revenir, dans cette perspective, sur son adresse aux Théobaldes :

  • 44 La Bruyère, Préface du Discours de réception à l’académie française, éd. c...

Qu’on me permette ici une vanité sur mon ouvrage : je suis presque disposé à croire qu’il faut que mes peintures expriment bien l’homme en général, puisqu’elles ressemblent à tant de particuliers, et que chacun y croit voir ceux de sa ville ou de sa province. J’ai peint à la vérité d’après nature, mais je n’ai pas toujours songé à peindre celui-ci ou celle-là dans mon livre des Mœurs. Je ne me suis point loué au public pour faire des portraits qui ne fussent que vrais et ressemblants, de peur que quelquefois ils ne fussent pas croyables, et ne parussent feints ou imaginés. Me rendant plus difficile, je suis allé plus loin : j’ai pris un trait d’un côté et un trait d’un autre ; et de ces divers traits qui pouvaient convenir à une même personne, j’en ai fait des peintures vraisemblables, cherchant moins à réjouir les lecteurs par le caractère, ou comme le disent les mécontents, par la satire de quelqu’un, qu’à leur proposer des défauts à éviter et des modèles à suivre44.

  • 45 M. Escola fait très judicieusement observer que « la complexité du caractè...

  • 46 Ou « au naturel », selon la variante rencontrée dans le texte dont nous so...

26Sans prétendre épuiser l’intérêt théorique maintes fois souligné de ce texte, on retiendra que les caractères ou peintures s’y voient assignés pour visée de proposer des modèles – en creux (« des défauts à éviter ») ou en plein (« des modèles à suivre ») : modèles susceptibles de fonder un alphabet des conduites dont rien ne garantit, tout bien considéré, le nécessaire adossement à une typologie des espèces morales45. La technique de composition par pièces de rapport, explicitement décrite et revendiquée dans ces lignes, laisse à penser que les caractères se conçoivent, chez La Bruyère, comme des généralités d’approximation, d’autant plus vraisemblables qu’elles sont moins ressemblantes (ressembler « à tant de particuliers », selon la formule ironique de l’auteur, revient à ne ressembler à aucun d’entre eux). Ainsi, peindre « d’après nature46 », c’est ici tenir la réalité pour un magasin de traits à partir desquels ces modèles seront construits, littéralement, de toutes pièces ; c’est là, de toute évidence, ce que n’a pas compris le tatillon Vigneul-Marville :

  • 47 Maltraite.

  • 48 Vigneul-Marville, Sentiments critiques sur les Caractères de M. de La Bruy...

Quand on peint de fantaisie, on peut charger ses portraits et s’abandonner à ses imaginations : mais quand on peint d’après nature, il faut copier la nature telle qu’elle est. […] Outre que Monsieur de La Bruyère travaille plus en détrempe qu’à l’huile, qu’il n’entend pas les divers tons ni l’union des couleurs, et que d’ordinaire ses tableaux ne sont que croqués, il a encore le malheur, ne sachant pas dessiner correctement, qu’il strapasonne47 ses figures et en fait des grotesques et des monstres48.

  • 49 Sur cette opposition, lieu majeur de la doctrine classique, voir A. Kibédi...

27En confondant le vraisemblable avec le vrai (« la nature telle qu’elle est »)49, le virulent critique s’interdit de comprendre ce que des « grotesques » et des « monstres » – termes qu’il emprunte du reste à l’auteur lui-même – peuvent devoir à la « nature ». Mais, pour revenir à La Bruyère, ces expressions de « l’homme en général » n’en ont pas moins vocation à donner l’illusion de l’homme concret : d’où vient « que chacun y croit voir ceux de sa ville ou de sa province » ; de la même manière, les monstres de « Socrate » étaient ainsi peints que l’« on croyait les voir ». De là procèdent, en d’autres termes, leur efficace et leur impact (force de l’évidence, energeia et enargeia), mais aussi le malentendu auquel elles ne laissent pas de donner lieu, pour peu que s’en mêle la mauvaise foi des Théobaldes.

28Or, nous l’avons vu, les caractères ne parviennent à procurer cette illusion que par la grâce d’une mise en représentation, d’une soumission à l’ordre du regard, c’est-à-dire en tant qu’ils sont « images des choses et des personnes », selon la formule fameuse (en forme de retouche) qui fournit à La Bruyère, dans la même préface, une définition :

  • 50 Celle des Théobaldes. Sur la charge ironique de ce sobriquet, je me permet...

  • 51 Préface du Discours de réception à l’académie française, ouvr. cit., p. 60...

Si, chargé de faire quelque autre harangue, je retombe encore dans des peintures, c’est alors qu’on pourra écouter leur critique50, et peut-être me condamner ; je dis peut-être, puisque les caractères, ou du moins les images des choses et des personnes, sont inévitables dans l’oraison, que tout écrivain est peintre, et tout excellent écrivain excellent peintre51.

  • 52 Voir dans le passage déjà cité du Discours sur Théophraste : les auteurs d...

29La définition du caractère comme image – définition ici préférée au terme lui-même en raison des malentendus qui l’affectent –, récurrente dans le paratexte52, est empruntée à Casaubon :

  • 53 Texte cité et traduit par J. Jehasse, ouvr. cit., p. 343.

« Image », « caractère », « miroir » ont souvent même sens. Ainsi le vrai caractère d’une chose, sa vraie image, est celle qui en rend le mieux la nature53.

  • 54 Voir B. Roukhomovsky, « Une ombre au tableau : les moralistes et le paradi...

30Encore convient-il de mesurer ce qu’une telle définition engage et comporte à l’époque dont nous parlons. La conception du caractère comme image ou comme peinture, quand bien même elle prend ses racines dans une tradition rhétorique très ancienne et souvent étudiée, ne relève pourtant pas de la seule juridiction de la rhétorique. Il convient en effet de prendre en compte ici les affinités de la pensée classique avec les catégories de l’optique picturale, dont j’ai tenté ailleurs de montrer la prégnance chez nos moralistes54. De fait, ces catégories ne permettent pas seulement de penser la représentation (la peinture) de l’univers moral, mais elles permettent encore de rendre compte de l’univers moral comme représentation. Ainsi, chez La Bruyère :

  • 55 « De la cour », 3.

Qui peut nommer de certaines couleurs changeantes, et qui sont diverses selon les divers jours dont on les regarde ? de même, qui peut définir la cour55 ?

31Ou encore, à l’autre extrémité de la période étudiée :

  • 56 Marin (François-Louis-Claude Marini, dit), L’Homme aimable, Paris, Prault,...

Les qualités d’un homme aimable ne se bornent point à la politesse. Ce caractère suppose bien des vertus ; mais ces vertus pour former un tout régulier, doivent être unies de manière qu’aucune d’elles ne domine sur les autres. Elles se prêtent mutuellement de l’éclat, et l’éclat de chacune en particulier, modère, pour ainsi dire, celui des autres. Elles se mêlent, elles se confondent dans le même sujet, sans laisser apercevoir le nœud qui les unit ; Ainsi un Artiste habile marie avec tant d’art, différentes couleurs primitives pour en composer une principale, que l’œil n’est frappé que du tout, et qu’il ne saurait distinguer les parties diverses qui entrent dans ce mélange56.

  • 57 La Bruyère, « Des jugements », 27 : « Il ne faut pas juger des hommes comm...

  • 58 La Bruyère, « Du mérite personnel », 17.

32Ces deux textes, parmi bien d’autres, en font foi : les lois qui commandent le réglage ou l’évaluation des conduites se conçoivent et s’énoncent désormais dans les mêmes termes que celles qui régissent la construction ou la perception de l’espace pictural. Il faut donc, pour bien juger de ces conduites, un discernement de connaisseur. Aux yeux de quiconque manque de ce discernement, « le voile de la modestie couvre le mérite57 » ; mais, à l’inverse, pour ceux-là qui savent y regarder de plus près, « la modestie est au mérite ce que les ombres sont aux figures dans un tableau : elle lui donne de la force et du relief58. » Nulle contradiction entre ces deux remarques, mais seulement une rigoureuse distinction entre deux niveaux de compétence visuelle.

  • 59 Je cite ici le célèbre fragment de Pascal (Pensées, fr. 55 de l’éd. Sellier).

  • 60 Ph. Hamou, Voir et connaître à l’âge classique, Paris, PUF, 2002. Pour l’i...

33Or, cette inclination à penser les problèmes « dans la vérité et dans la morale » tels qu’ils se posent « dans la peinture59 » traduit l’impact d’une nouvelle modélisation du visible induite par l’invention du tableau perspectif à la Renaissance et dont les travaux de Philippe Hamou ont fait valoir l’importance60. Celle-ci n’est pas sans affecter en particulier le sens et la fonction de la notion de peinture dans la théorie du caractère à l’âge classique. À cet égard, la définition des caractères comme « images des choses et des personnes » doit être bien située : en contexte classique, elle n’implique pas (n’implique plus) une conception du caractère comme simulacre ou comme reflet de l’objet dont il est l’image, mais bien plutôt comme point de vue sur cet objet, c’est-à-dire comme construction tributaire d’un réglage perspectif et plus largement des conditions de visibilité.

34Il en résulte que le dispositif rhétorique du caractère – ou le caractère considéré comme dispositif rhétorique – se conçoit comme analogon d’un dispositif optique. La Bruyère énonce cette équivalence dans une autre peinture du philosophe moral :

  • 61 « Des ouvrages de l’esprit », 34.

Le philosophe consume sa vie à observer les hommes, et il use ses esprits à en démêler les vices et le ridicule ; s’il donne quelque tour à ses pensées, c’est moins par une vanité d’auteur, que pour mettre une vérité qu’il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l’impression qui doit servir à son dessein61.

35Ainsi le tour – autrement dit le style – ne se justifie-t-il que par le jour – dans le sens pictural du terme – qu’il permet au peintre de caractères de distribuer dans sa peinture pour atteindre au plus haut degré de l’enargeia : il ne se justifie qu’en tant qu’équivalent d’un procédé d’optique picturale – et, plus précisément (puisqu’il s’agit de ménager des effets de profondeur et de relief), d’un procédé perspectif. La justification vaut en particulier pour les stratégies d’hyperbolisation, dont procèdent emblématiquement les « monstres » de Socrate-La Bruyère, et dont on sait qu’elles occupent une place privilégiée dans la palette des tours en usage chez les « caractéristes ». Mutatis mutandis, on retrouve chez Génard une justification comparable :

  • 62 F. Génard, ouvr. cit., [Préface] « L’idée de l’auteur », n. p.

J’ai lu dans quelque endroit qu’il y avait des cas où une peinture du vice un peu forcée, n’est pas tout à fait déplacée. Une légère esquisse suffirait pour le faire connaître à quelques Lecteurs, et ménagerait la pudeur de quelques autres. Je sais qu’on doit avoir ce respect pour ses Lecteurs : mais aussi n’y a-t-il pas certains portraits où le coloris et les lumières ne peuvent être de trop ? Des nuances trop sombres, ou des ombres trop chargées, ne servent souvent qu’à dérober les imperfections du Personnage, ou masquer les défauts du caractère. Il en est du vice à certains égards, comme d’une anguille qui semble si unie et si polie à nos yeux, et dont le brillant ne disparaît qu’à l’aide du Microscope62.

  • 63 Voir mon Esthétique de La Bruyère (Paris, SEDES, 1997), chap. III : « Le c...

  • 64 E. Bury, « L’optique de La Bruyère », dans L’Optique des moralistes de Mon...

36En des termes plus appuyés et sous un tour plus bavard – comme il arrive souvent chez les minores –, il s’agit bien, ici encore, de concevoir et de justifier une technique de caractérisation où l’exagération a sa part comme un appareillage optique destiné à donner à voir, par des effets d’ajustement focal que thématise explicitement le motif du microscope, ce qui ne se voit pas à l’œil nu. En somme, le dispositif rhétorique du caractère se comprend comme une « machine à voir63 », comme l’instrument d’un regard de connaisseur, regard analytique et regard averti, qui démêle et qui redresse. Mais sans doute conviendrait-il ici de prolonger la réflexion par « une plus longue enquête dont le point nodal semble bien être l’articulation entre philosophie et rhétorique, la question étant : comment faire voir les vérités morales avec le style64 ? »

 

37Nous voici du moins en mesure de tenter une réponse à la question posée par la vitalité du caractère en tant que forme de l’écriture morale dans un temps où sa validité semble remise en cause comme catégorie de l’analyse morale, c’est-à-dire – pour reprendre à peu près les termes de Coulet – par le retard de la forme sur la pensée. Or, il convient probablement de relativiser ce retard supposé.

  • 65 E. Bury, ibid., p. 252.

38Par la place qu’elle assigne à la notion de peinture, la conception du caractère s’inscrit, chez nos auteurs, dans le fil de la doctrine classique de l’imitation – qui vaut naturellement pour l’« imitation des mœurs » – placée sous le signe de l’ut pictura. Mais elle entre aussi par là en résonance avec une très moderne problématique du regard : « si le fixisme anthropologique de La Bruyère ne fait pas de doute », relève Emmanuel Bury, « l’incertitude quant aux instruments qui permettent de saisir les “données” en la matière explique que cette fixité ne saute pas d’emblée aux yeux de l’observateur65 ». Allons plus loin : à supposer qu’elle soit si nettement tranchée, ce n’est pas, chez La Bruyère même, sur la question de la fixité de la nature humaine que l’accent porte désormais, mais bien plutôt sur cet art de l’« observateur » – du « spéculateur des mœurs » comme l’appellera Génard : art de bien voir et de faire voir, qui s’analyse et qui s’énonce en termes de mise au point, d’ajustement, d’apprentissage et de réglage – en un mot, de mouvement.

  • 66 Pascal, Pensées, éd. citée, fr. 55.

39Il est donc permis de penser que, théorisé sur le modèle de la représentation picturale, le genre du caractère, loin d’être en retard sur son temps, est profondément accordé à l’épistémè d’une époque pour laquelle les questions d’optique en général, celle du point de perspective en particulier revêtent une importance centrale. Une époque qui, si elle n’a pas forcément renoncé, à l’instar de Pascal, à la détermination d’un point fixe – « véritable lieu », « port dans la morale » –, n’en finit pas, pourtant, d’éprouver la mobilité du regard : « Ainsi les tableaux vus de trop loin et de trop près66 »… À cet égard, l’importance dévolue aux catégories de l’optique picturale dans la théorie du caractère à l’âge classique signe ce passage plus ou moins subreptice, que La Bruyère inaugure et que ses suiveurs amplifient, de l’essentialisme au perspectivisme.

Notes

1 Voir, ici même, la contribution de J.-C. Abramovici.

2 Voir en particulier : J. Dagen, « Le clair-obscur de La Bruyère », Littératures classiques, 13, 1991, p. 25-42 ; C. Noille-Clauzade, « Les peintures de La Bruyère : d’une rhétorique de la fiction à une poétique de la description », dans La Bruyère. Le métier du moraliste, éd. par J. Dagen, É. Bourguinat et M. Escola, Paris, Champion, 2001, p. 173-184 ; F. Siguret, « Les Caractères ou l’atelier du peintre », dans Le Tricentenaire des Caractères, actes édités par L. Van Delft, Papers on French Seventeenth Century Literature, 44, 1989, p. 95-110.

3 F. Génard, L’Ecole de l’homme, ou Parallèle des portraits du siècle et des tableaux de l’Ecriture sainte, ouvrage moral, critique et anecdotique, Londres, 1752, [Préface] « L’idée de l’auteur », n. p.

4 H. Coulet, « Qu’est-ce qu’un petit moraliste ? », dans La Morale des moralistes, textes recueillis par J. Dagen, Paris, Champion, 1999, p. 221-234.

5 Voir en particulier le Discours sur Théophraste, la Préface des Caractères et celle du Discours de réception à l’Académie française, mais également la célèbre formule du premier chapitre (dont la fonction paratextuelle a été souvent relevée) : « Tout l’esprit d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindre. » (« Des ouvrages de l’esprit », 14). Le texte des Caractères est cité d’après l’édition procurée par E. Bury (Paris, Livre de poche classique, 1995).

6 La Bruyère, Les Caractères ou les mœurs de ce siècle, « Des jugements », 66.

7 L. S. Mercier, Le Tableau de Paris, éd. de J.-C. Bonnet, T. 1, Paris, Mercure de France, 1994, Préface, p. 17.

8 Lettre de l’auteur à Ménage, reproduite par J. Benda dans l’édition de la Pléiade (Paris, Gallimard, 1951, p. 654-56) et datée par G. Mongrédien de 1690 ou 1691 (Recueil des textes et des documents contemporains relatifs à La Bruyère, Paris, Éditions du CNRS, 1979, p. 52).

9 Le Spectateur ou Le Socrate moderne, où l’on voit un Portrait naïf des mœurs de ce siècle, traduit de l’Anglais, Paris, E. Papillon, 1716-1723, T. 1, Préface, p. X.

10 « Du mérite personnel », 34 (autre remarque explicitement placée sous le signe de Socrate).

11 Préface du Discours de réception à l’Académie française.

12 Voir A. E. Spica, « Moralistes et emblématique », XVIIe siècle, « Les moralistes. Nouvelles tendances de la recherche », sous la dir. de L. Van Delft, 202, 1999, p.169-180.

13 J.-F. Bernard, Réflexions morales, satyriques et comiques sur les mœurs de notre siècle, Cologne, 1711 (mes italiques).

14 On aura reconnu les premières lignes de la Préface des Caractères, dans lesquelles le public est invité à « regarder avec loisir ce portrait que [l’auteur a] fait de lui d’après nature » (autre affleurement du paradigme pictural).

15 Voir à ce sujet E. Bury, « Le sourire de Socrate ou peut-on être à la fois philosophe et honnête homme ? », dans Le Loisir lettré à l’âge classique, éd. par M. Fumaroli, Ph.-J. Salazar et E. Bury, Genève, Droz, 1996, p. 197-212. On rapprochera le caractère du philosophe « trivial » (« Des biens de fortune », 13) de la représentation conventionnelle de Socrate en philosophe de l’agora (voir notamment l’ouvrage de François Charpentier, La Vie de Socrate, 1655).

16 I. Casaubon, Commentaires des Characteres ethici de Théophraste (Lyon, G. Le Preux, 1592), texte cité et traduit par J. Jehasse (La Renaissance de la critique, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1976, p. 342). Sur la fidélité de La Bruyère au programme théophrastien, voir l’étude remarquable d’E. Bury, « La Bruyère et la tradition des Caractères », Littératures classiques, suppl. au n° 13, 1991, p. 7-24).

17 J. Hall, Caractères des vertus et des vices, trad. de Loiseau de Tourval (Paris, 1610), « Avertissement sur le titre et l’usage des caractères », n.p.

18 Le Tableau des passions humaines (Paris, S. Cramoisy, 1620) de N. Coeffeteau fournit un exemple pour les premiers, Les Caractères des passions (Paris, P. Rocolet, 1640) de M. Cureau de La Chambre pour les secondes.

19 Discours sur Théophraste. Ce passage vaut à la fois pour le traité théophrastien et comme plaidoyer pro domo.

20 Amplement mise en lumière, on le sait, par M. Fumaroli dans L’Âge de l’éloquence (Genève, Droz, 1980).

21 P. Le Moyne (le P.), Les Peintures morales, Première partie, Paris, 1640, Avertissement, n.p. Cette définition mériterait par ailleurs un plus long commentaire (voir en particulier la belle synthèse d’A. Gaillard, « Des yeux et des oreilles : le parallèle entre les arts aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans Le Dialogue des arts, T. I., Lyon, CEDIC, 2001). Je ne mentionne ici Le Moyne qu’en tant que représentant d’une rhétorique des peintures dont La Bruyère recueille en partie l’héritage, même si cet héritage est accommodé chez lui aux exigences de l’atticisme.

22 L. Van Delft, Le Moraliste classique. Essai de définition et de typologie, Genève, Droz, 1982, p. 140.

23 Voir sur ce point l’analyse éclairante d’E. Bury, « Rhétorique et philosophie morale : du prescriptif au descriptif », dans Il Prisma dei moralisti, textes réunis par B. Papasogli et B. Piqué, Rome, Salerno editrice, 1997, p. 407-428.

24 Goussault, Le Portrait d’une femme honnête, raisonnable et véritablement chrétienne, Lyon, J. Lyons, 1694 (mes italiques).

25 François-Vincent Toussaint, Les Mœurs [1re éd. 1748], Amsterdam, 1777, Préface, n.p. (mes italiques).

26 Jacques-Philippe de Varennes, Les Hommes [1re éd. Paris, J. Collombat, 1712], Breslau, D. Pietsch, 1754, T. 2, Discours préliminaire, n.p. (mes italiques).

27 Soubeiran de Scopon, Considérations sur le génie et les mœurs de ce siècle, Paris, Durand, 1749, « Réflexions sur la nature de cet ouvrage » (mes italiques). C’est cette tension fondamentale qui conduit Goussault, tout en invoquant le modèle pictural, à opposer la manière de peindre des moralistes à celle des peintres : « Quand la Peinture n’aurait que le seul avantage d’apprendre à bien faire des Portraits, elle devrait être établie, et considérée partout avec distinction. […] Il est vrai qu’il y a des manières de faire des Portraits plus naturels et plus ressemblants que ceux qui sortent des mains et de l’imagination des Peintres, et que de reconnaître les gens par les divers caractères de leur humeur et de leur esprit, est quelque chose de plus agréable et de plus utile, que de ne les reconnaître que par des dehors souvent apparents et trompeurs. […] Je donne donc avec raison la préférence aux uns, mais c’est sans diminuer le prix des autres. Je laisse aux habiles Peintres et à leurs élèves le soin de faire des Portraits de la première façon, et veux bien employer mon temps à en faire un de la seconde, persuadé que je suis, que cette dernière manière de travailler pour le Public, sera toujours plus du goût de tout le monde. » (Le Portrait d’un honneste homme, Lyon, J. Lyons, 1694, Préface, n. p.).

28 Soubeiran de Scopon, ibid.

29 Ch. Duclos, Considérations sur les mœurs de ce siècle [1751], éd. de C. Dornier, Paris, Champion, 2000, p. 94.

30 Discours sur Théophraste, éd. citée, p. 69. Je reviendrai dans un instant sur les nuances que La Bruyère apportera lui-même à cette affirmation.

31 Toussaint.

32 F. Génard, ouvr. cit., Préface, n.p.

33 « De la mode », 19.

34 Voir « De la dissimulation », premier des Caractères de Théophraste (La Bruyère, éd. citée, p. 78-79).

35 Voir L. Van Delft, « La Bruyère a-t-il écrit Les Caractères ? », dans Le Tricentenaire des Caractères, ouvr. cit., p. 67-82 (repris dans Littérature et anthropologie. Nature humaine et caractère à l’âge classique, Paris, PUF, 1993). L’auteur s’inscrit en faux contre la thèse de M. Koppisch (The Dissolution of Character. Changing Perspectives in La Bruyere’s Caractères, Lexington, French Forum, 1981).

36 « Des jugements », 47.

37 Je renvoie ici, à nouveau, aux analyses de L. Van Delft : voir en particulier « Caractères et lieux », dans Littérature et anthropologie, ouvr. cit., Première Partie, chap. 2, p. 41-64.

38 « De l’homme », 141.

39 « Des jugements », 26 (mes italiques).

40 « De l’homme », 140.

41 « De l’homme », 147.

42 Véritable montage de citations déguisées (et partiellement détournées), le passage cité de Génard comporte en effet des emprunts aux Essais, II, chap. 1 (« De l’inconstance de nos actions »).

43 « De la société et de la conversation », 1.

44 La Bruyère, Préface du Discours de réception à l’académie française, éd. citée, p. 616.

45 M. Escola fait très judicieusement observer que « la complexité du caractère menace […] le principe d’une lecture en termes de types moraux » (Rhétorique du discontinu, thèse de doctorat sous la dir. de G. Forestier, vol. 1, p. 84, Université de Paris IV, 1995).

46 Ou « au naturel », selon la variante rencontrée dans le texte dont nous sommes partis (« Des jugements », 66).

47 Maltraite.

48 Vigneul-Marville, Sentiments critiques sur les Caractères de M. de La Bruyère, 1700.

49 Sur cette opposition, lieu majeur de la doctrine classique, voir A. Kibédi-Varga, Les Poétiques du classicisme, Paris, Aux amateurs de livres, 1990, p. 37-42 et 187-218.

50 Celle des Théobaldes. Sur la charge ironique de ce sobriquet, je me permets de renvoyer à mon étude : « Les dieux pour rire de La Bruyère. Apothéose de Théobalde », dans Rire des Dieux, éd. par D. Bertrand et V. Gély-Ghedira, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2000, p. 215-224.

51 Préface du Discours de réception à l’académie française, ouvr. cit., p. 609 (mes italiques).

52 Voir dans le passage déjà cité du Discours sur Théophraste : les auteurs de Caractères « corrigent les hommes les uns par les autres, par ces images de choses qui leur sont si familières » ; ou encore, à propos de Molière : « quelle imitation des mœurs, quelles images, quel fléau du ridicule ! » (Des ouvrages de l’esprit », 38).

53 Texte cité et traduit par J. Jehasse, ouvr. cit., p. 343.

54 Voir B. Roukhomovsky, « Une ombre au tableau : les moralistes et le paradigme pictural », Europe, « Littérature et peinture », janv.-févr. 2007, p. 75-90.

55 « De la cour », 3.

56 Marin (François-Louis-Claude Marini, dit), L’Homme aimable, Paris, Prault, 1751, p. 29.

57 La Bruyère, « Des jugements », 27 : « Il ne faut pas juger des hommes comme d’un tableau ou d’une figure sur une seule et première vue ; il y a un intérieur, et un cœur qu’il faut approfondir : le voile de la modestie couvre le mérite, et le masque de l’hypocrisie cache la malignité ; il n’y a qu’un très petit nombre de connaisseurs qui discerne, et qui soit en droit de prononcer ; ce n’est que peu à peu, et forcés même par le temps et les occasions que la vertu parfaite, et le vice consommé viennent enfin à se déclarer. »

58 La Bruyère, « Du mérite personnel », 17.

59 Je cite ici le célèbre fragment de Pascal (Pensées, fr. 55 de l’éd. Sellier).

60 Ph. Hamou, Voir et connaître à l’âge classique, Paris, PUF, 2002. Pour l’impact de cette mutation sur le discours moral : L’Optique des moralistes de Montaigne à Chamfort, éd. par B. Roukhomovsky, Paris, Champion, 2005.

61 « Des ouvrages de l’esprit », 34.

62 F. Génard, ouvr. cit., [Préface] « L’idée de l’auteur », n. p.

63 Voir mon Esthétique de La Bruyère (Paris, SEDES, 1997), chap. III : « Le caractère ou la machine à voir ».

64 E. Bury, « L’optique de La Bruyère », dans L’Optique des moralistes de Montaigne à Chamfort, ouvr. cit., p. 250. Pour ce qui concerne ce nécessaire complément d’enquête, je me permets de renvoyer par avance à un ouvrage en cours de préparation : L’Optique des mœurs. Le paradigme perspectif dans le discours moral de l’âge classique.

65 E. Bury, ibid., p. 252.

66 Pascal, Pensées, éd. citée, fr. 55.

Pour citer ce document

Bernard Roukhomovsky, «L’atelier de Socrate : la notion de peinture dans la théorie du caractère en France (1688-1752)», La Réserve [En ligne], La Réserve, Archives Bernard Roukhomovsky, mis à jour le : 01/11/2017, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/reserve/373-l-atelier-de-socrate-la-notion-de-peinture-dans-la-theorie-du-caractere-en-france-1688-1752.

Quelques mots à propos de :  Bernard  Roukhomovsky

Université Grenoble Alpes (2009 : Université Stendhal Grenoble 3)

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