La Réserve : Archives Bernard Roukhomovsky
Du bien voir au bien dire (et vice versa). Les Caractères de La Bruyère ou les exercices du regard
Initialement paru dans : L’Œil littéraire. Le regard comme opérateur scriptural, actes de la journée d'étude de Nancy (Nancy 2, CÉLJM, 14/06/2011), textes recueillis et présentés par Paul Dirkx, Presses de l’Université de Rennes, 2015, p. 101-113
Texte intégral
Faire de chaque mot une lentille optique – ou une clarté concentrée.
Joseph Joubert, Carnets (19/06/1806).
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1 « Discours sur les Réflexions ou Sentences et Maximes morales », in La Roch...
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2 Cf. L’Optique des moralistes de Montaigne à Chamfort, études réunies par Be...
1Du point de vue de l’histoire littéraire, le « moraliste classique » ne se définit pas seulement par sa matière (les mœurs), mais encore (et solidairement) par sa manière : une écriture par « pièces détachées » à laquelle il doit au reste, pour une large part, son entrée en littérature. On a souvent rapporté cette caractéristique formelle à l’influence de la culture mondaine, qui prédispose les contemporains de La Rochefoucauld, de Pascal et de La Bruyère à préférer résolument « la manière d’écrire négligée d’un courtisan qui a de l’esprit à la régularité gênée d’un docteur qui n’a jamais vu que ses livres1 » et, partant, le recueil de formes brèves au traité méthodique. Sans être fausse, l’explication est un peu courte. Plusieurs travaux menés au cours de la dernière décennie – dans le sillage du colloque de Grenoble (2003) sur « L’Optique des Moralistes2 » – ont contribué à définir une autre perspective, qui aboutit à rendre compte des options stylistiques et rhétoriques du moraliste classique dans les termes d’une problématique du regard, c’est-à-dire à montrer qu’elles procèdent d’un rapport d’étroite intrication entre l’art du bien dire et celui du bien voir.
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3 Éric Méchoulan, Écrire au XVIIe siècle. Une anthologie, Paris, Presses Pock...
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4 Selon la formule de Gilles Ménage (cité par Georges Mongrédien, Recueil des...
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5 Sur la coïncidence, en contexte classique, du regard du lecteur avec celui ...
2Cette approche renouvelée se révèle singulièrement pertinente et féconde dans le cas de La Bruyère, dont les partis pris formels illustrent exemplairement « la nouvelle position de force de la représentation et de la vision3 ». L’auteur des Caractères, on le sait, s’est imposé d’emblée comme l’inventeur « d’une manière d’écrire toute nouvelle4 ». Brièveté incisive, « style cruel » (Julien Benda), « variété des attaques » (Pascal Quignard) : ce tour inimitable… n’a cessé d’être imité, comme il n’a cessé d’être étudié. Tout n’est pas dit pourtant sur ce qu’une telle manière doit aux ruses du regard que le moraliste pose – ou, plus exactement, qu’il induit son lecteur à poser avec lui – sur les conduites humaines5.
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6 Cf. Emmanuel Bury, « L’optique de La Bruyère », in L’Optique des moralistes...
3Tout au contraire, il y a là matière à une enquête de longue haleine, dont Emmanuel Bury, dans une étude pionnière, a posé les jalons6. Et mon propos, cela va de soi, n’est pas d’en faire le tour en quelques pages. Il s’agira plutôt de mettre en évidence le rapport qui se noue, chez La Bruyère, entre l’emprise de traditions rhétoriques très anciennes – de celle (fort bien connue) de l’éthopée théophrastienne à celle (beaucoup moins étudiée) de l’épigramme latine – et la question du regard telle qu’elle se pose à son époque, c’est-à-dire, comme on le rappellera, en des termes éminemment modernes.
1. La force de l’évidence : le « tour » et le « jour »
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7 Ibid., p. 250.
4L’un des aspects les plus intéressants du livre de La Bruyère (très proche en ceci de celui de Montaigne), c’est l’omniprésence d’un métadiscours plus ou moins latent où la réflexion morale est d’abord réflexion sur elle-même – sur ses propres démarches et ses propres enjeux. Et ce n’est pas un hasard si ce métadiscours emprunte çà et là des mots et des motifs au domaine de l’optique : car « la notion d’optique […] s’inscrit dans les procédures même de l’écrivain qui accepte d’endosser l’habit de moraliste7 ».
5Aussi bien la question du rapport entre le discours sur les mœurs et les stratégies du regard affleure-t-elle en de nombreuses pages, au fil desquelles s’ébauche en filigrane un portrait du moraliste en « spectateur de profession » (« De la Ville », 13) – mais non pas dans le sens, éminemment péjoratif, que le moraliste assigne à ces termes en contexte (où ils renvoient au voyeurisme stérile du badaud). Je m’arrêterai sur celle-ci, tirée du chapitre liminaire des Caractères :
8 Le texte de La Bruyère est cité d’après l’édition de Marc Escola (Paris, Ch...
Le Philosophe consume sa vie à observer les hommes, et il use ses esprits à en démêler les vices et le ridicule ; s’il donne quelque tour à ses pensées, c’est moins par une vanité d’auteur, que pour mettre une vérité qu’il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l’impression qui doit servir à son dessein. Quelques Lecteurs croient néanmoins le payer avec usure, s’ils disent magistralement qu’ils ont lu son livre, et qu’il y a de l’esprit ; mais il leur renvoie tous leurs éloges qu’il n’a pas cherchés par son travail et par ses veilles : il porte plus haut ses projets et agit pour une fin plus relevée : il demande des hommes un plus grand et un plus rare succès que les louanges, et même que les récompenses, qui est de les rendre meilleurs. (« Des Ouvrages de l’Esprit », 34)8
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9 Cf. le Dictionnaire de l’Académie française, 1re éd. (1694), p. 576, s.v. «...
6On retiendra que le moraliste (ou, plus exactement, le Philosophe, puisque c’est sous ce nom qu’il se désigne ici) exerce et revendique une triple compétence : il sait voir, il sait dire, il sait peindre. Observateur pénétrant de la comédie humaine, le moraliste est tout d’abord un homme qui « a des yeux » (« De l’Homme », 156), et ceci se comprend à la fois littéralement et figurément : les « yeux » du moraliste sont tout ensemble l’organe et l’image de son discernement, de son aptitude à « démêler les vices et les ridicules » (en d’autres termes, le rapport entre l’observation morale et l’expérience visuelle est à la fois métonymique et métaphorique). Ce n’est pas le tout, pour autant, d’avoir l’œil : certes, comme le rappelle en écho l’avant-dernière remarque du même chapitre, « le ridicule qui est quelque part, il faut l’y voir » ; encore s’agit-il de savoir « l’en tirer avec grâce, et d’une manière qui plaise et qui instruise » (« Des Ouvrages de l’esprit », 68). En d’autres termes, le spectateur avisé qui a des yeux pour voir se double d’un écrivain maître en l’art du bien dire, capable de donner un « tour » (c’est-à-dire une forme authentiquement littéraire) à ses pensées9. Et ce « tour » n’a d’autre fonction que de permettre au spectateur-écrivain de placer ce qu’il a su voir dans le « jour » (dans la lumière) nécessaire au succès de son projet – lequel ne consiste pas à obtenir des hommes louanges ou récompenses, mais à « les rendre meilleurs ». En somme, si la visée du moraliste requiert un art d’écrire, c’est dans la mesure ou celui-ci se conçoit comme moyen – et plus précisément comme moyen d’un moyen (comme moyen de donner à voir les vérités morales « pour faire l’impression qui doit servir à son dessein »).
7Aussi n’est-ce pas le moindre intérêt de ces lignes programmatiques que de subordonner explicitement le dispositif rhétorique et stylistique du moraliste (le « tour ») à l’impérieuse exigence de visibilité (le « jour ») qui le commande – et qui le constitue comme équivalent, fonctionnellement, d’un dispositif optique. Car si le « tour » est (et désigne synthétiquement) ce qui fait du moraliste un écrivain dans le plein sens du terme, il ne doit rien – La Bruyère l’assure avec la plus grande fermeté – à quelque vanité d’auteur. Mais il doit tout, en revanche, à une nécessité interne à l’entreprise du moraliste, c’est-à-dire à une stratégie de mise en évidence dont procède et dépend l’efficacité de l’écriture morale :
10 Je souligne. Il va de soi que sous le nom de Socrate, le moraliste se dési...
On a dit de socrate qu’il était en délire, et que c’était un fou tout plein d’esprit, mais ceux des Grecs qui parlaient ainsi d’un homme si sage passaient pour fous. Ils disaient […] quelles couleurs, quel pinceau ! ce sont des chimères ; ils se trompaient, c’étaient des monstres, c’étaient des vices, mais peints au naturel ; on croyait les voir, ils faisaient peur. […] (« Des Jugements », 66)10
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11 Sur cette confusion, voir Francis Goyet, « Énergie dans la Défense et Illu...
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12 Le Moyne, Les Peintures morales, Seconde Partie, Paris, Cramoisy, 1643, « ...
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13 La Bruyère, op. cit., « Discours sur Théophraste », p. 87. Voir sur ce poi...
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14 Le Moyne, Ibid., Première Partie, Paris, Cramoisy, 1640, « Préface » [n.p....
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15 La Bruyère, op. cit., Préface au Discours de réception à l’Académie frança...
8Rien ne vaut, en effet, la force de l’évidence – et il n’est pas insignifiant, à cet égard, que les traités de rhétorique des XVIe et XVIIe siècles tendent à confondre l’art de donner à voir avec des mots (enargeia) avec le concept aristotélicien d’énergie (energeia)11. Ainsi s’explique la prédilection de La Bruyère pour le genre de l’éthopée (ou « caractère ») – genre codifié par Théophraste et que les character-writers anglais du premier XVIIe siècle (à commencer par Joseph Hall) avaient largement contribué à remettre à l’honneur. Car le caractère répond doublement à la stratégie de l’enargeia. Il y répond par sa théâtralité, comme le suggère le Père Le Moyne, qui l’assimile à « une pièce sans masque et sans théâtre12 » ; et La Bruyère lui-même ne manque pas de signaler cette parenté du genre avec la tradition théâtrale13. Il y répond aussi par sa picturalité : les caractères, observe encore Le Moyne au seuil de ses Peintures morales, sont comme « des peintures sans couleurs, où la nature de chaque passion est exprimée par ses marques propres14 » ; et c’est en quoi le choix formel de La Bruyère s’inscrit en cohérence avec son adhésion à la doctrine de l’ut pictura (« tout Écrivain est Peintre, et tout excellent Écrivain excellent Peintre »15).
2. L’œil du connaisseur : éléments d’optique morale
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16 Cf. Philippe Hamou, Voir et connaître à l’âge classique, Paris, PUF, 2002 ...
9Mais au delà de ces filiations avec des traditions rhétoriques bien identifiées, il importe de prendre en compte ce que c’est que voir (et faire voir) au siècle des moralistes. Car nous parlons ici d’un temps qui est celui d’une profonde « mutation du visible » (Philippe Hamou), celui de « l’institution moderne du regard » (Carl Havelange)16.
10Dans le fil de Kepler (et de ses décisives contributions au renouveau de l’optique), la Dioptrique cartésienne (1637) parachève l’avènement d’une nouvelle conception de la vision – de la « fabrique » de l’œil, conçue sur le modèle de la chambre obscure, et de l’image visuelle, comprise en référence au tableau perspectif (on connaît le fameux développement de Descartes sur le modèle des taille-douce). En un mot, l’image visuelle – l’image picturale exemplairement – ne se conçoit plus désormais comme reflet (du monde) mais comme effet (des lois de l’optique et, singulièrement, de la perspective). Ce qu’elle donne à voir du monde ou des hommes, c’est ce qu’ils paraissent dans des conditions de visibilité données – sous un certain jour :
17 Je souligne. En matière d’optique picturale, le terme de « jour », on le s...
Qui peut nommer de certaines couleurs changeantes, et qui sont diverses selon les divers jours dont on les regarde ; de même, qui peut définir la Cour ? (« De la Cour », 3)17
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18 La Rochefoucauld, op. cit., Maxime 104 et Réflexion II (« De la Société »).
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19 Pascal, Pensées, éd. Philippe Sellier, Paris, Garnier, 1993, fr. 55, p. 16...
11L’incidence de ce nouveau statut du visible et de la vision, sensible dans tous les secteurs de la culture classique, l’est singulièrement dans le (méta)discours des moralistes. Car ceux-ci sont assez bien placés pour savoir que « les hommes et les affaires ont leur point de perspective », que « chacun a son point de vue, d’où il veut être regardé » (La Rochefoucauld18) ; aussi bien ne cessent-ils d’affronter la question formulée par Pascal en des termes célèbres : comment déterminer, « dans la vérité et dans la morale », ce point de référence (le « point indivisible », le « véritable lieu ») que « la perspective assigne dans la peinture19 » ?
12La Bruyère, à cet égard, n’est pas en reste. De là cette concurrence, dans son livre, entre un essentialisme anthropologique façonné par l’héritage théophrastien et ce que l’on peut bien nommer – avant l’heure (avant Nietzsche) – un perspectivisme moral :
La Province est l’endroit d’où la Cour, comme dans son point de vue, paraît une chose admirable ; si l’on s’en approche, ses agréments diminuent comme ceux d’une perspective que l’on voit de trop près. (« De la Cour », 6)
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20 Sur la diffusion de ce paradigme à l’âge classique, cf. Jacqueline Lichten...
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21 Roger de Piles, Conversations sur la connaissance de la Peinture et sur le...
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22 Hubert Damisch, L’Origine de la perspective, Paris, Flammarion, 1993, p. 74.
13On retrouve ici bien nettement l’affleurement du paradigme pictural20. De fait, cette remarque transpose dans le champ du discours sur les mœurs la question du point de vue telle qu’elle est posée, à peu près au même moment – sur un mode non métaphorique mais en des termes identiques –, dans celui de l’esthétique picturale : « il n’y a point de tableau qui ne doive avoir son point de distance d’où il doit être regardé », déclare ainsi Roger de Piles21. Et de telles résonances ne sont pas pour surprendre : car « c’est à travers la peinture, comme le rappelle Hubert Damisch, que la perspective a trouvé à s’imposer comme objet et comme modèle épistémologique pour la pensée classique22 » – modèle dont les moralistes ont su mettre à profit, pour leur propre usage, le pouvoir heuristique.
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23 Roger de Piles, ibid. ; voir sur ce point les analyses de Daniel Arasse, L...
14Il reste qu’en s’appropriant le thème du point de vue, le moraliste ne laisse pas de lui faire subir un renversement remarquable. Ce que Roger de Piles, en théoricien de la mimèsis picturale, nomme le « point de vue » d’un tableau, c’est le lieu d’où ce tableau doit être regardé pour « faire son effet », c’est-à-dire pour faire illusion. À l’inverse, le point de vue que le moraliste a vocation à faire sien correspond à celui que le même Roger de Piles réserve aux seuls « Connaisseurs », lesquels, après avoir regardé les tableaux « du lieu d’où on les regarde ordinairement », veulent « s’en approcher pour en voir l’artifice23 ». La différence est que la vue de l’artifice procure au connaisseur un surcroît de plaisir (qui s’ajoute à celui procuré par l’illusion picturale mais ne le détruit pas), quand elle conduit le moraliste désabusé à casser les jugements prononcés sur les hommes par quiconque les a regardés de trop loin pour les voir tels qu’ils sont :
J’approche d’une petite ville, et je suis déjà sur une hauteur d’où je la découvre ; elle est située à mi-côte, une rivière baigne ses murs, et coule ensuite dans une belle prairie ; elle a une forêt épaisse qui la couvre des vents froids et de l’aquilon : je la vois dans un jour si favorable, que je compte ses tours et ses clochers ; elle me paraît peinte sur le penchant de la colline. Je me récrie, et je dis, Quel plaisir de vivre sous un si beau ciel et dans ce séjour si délicieux ! Je descends dans la ville, où je n’ai pas couché deux nuits, que je ressemble à ceux qui l’habitent, j’en veux sortir. (« De la Société et de la Conversation », 49)
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24 Sur l’intérêt suscité par les anamorphoses à l’âge classique, cf. Jurgis B...
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25 Cf. Bernard Roukhomovsky, « Un ombre au tableau : les moralistes et le par...
15Voici qui n’est pas sans rappeler le principe de l’anamorphose (ou « perspective curieuse »)24, puisque la même image se modifie du tout au tout, pour peu que le spectateur investisse (physiquement) un autre point de vue – d’où il ne voit plus rien du locus amœnus initialement décrit, remplacé par une réalité bien décevante. Il est remarquable aussi que cette ville (ou société humaine) ne « paraît peinte » qu’à bonne distance – vue de l’endroit où elle fait illusion. On ne saurait mieux dire que l’illusion morale est conçue (et déconstruite) sur le modèle de l’illusion d’optique25.
16Il s’agit là, du reste, d’une caractéristique essentielle de l’optique de La Bruyère, comme en témoigne exemplairement cette réflexion sur la pruderie :
Un comique outre sur la scène ses personnages : un poète charge ses descriptions : un peintre qui fait d’après nature force et exagère une passion, un contraste, des attitudes ; et celui qui copie, s’il ne mesure au compas les grandeurs et les proportions, grossit ses figures, donne à toutes les pièces qui entrent dans l’ordonnance de son tableau plus de volume que n’en ont celles de l’original : de même la pruderie est une imitation de la sagesse. (« Des Femmes », 48)
17Certes, la déclaration finale (« la pruderie est une imitation de la sagesse ») pourrait se suffire à elle-même, et fournir la matière d’une maxime autonome (sémantiquement et syntaxiquement). Mais l’intérêt de ces lignes consiste précisément dans le rapprochement qu’elles opèrent entre l’imitation à des fins artistiques et la contrefaçon d’une conduite vertueuse, la première ayant pour fonction de modéliser la seconde, d’en rendre compte analogiquement ; ce qui ne va pas, de nouveau, sans inversion des signes, puisque l’exagération bien comprise est positivement valorisée (en contexte classique) dans le champ esthétique, quand l’outrance, au rebours, est condamnée dans l’ordre des conduites.
18En somme, ce qui se donne à lire ici, c’est d’abord une leçon de méthode, dont la portée métatextuelle ne peut être ignorée. C’est un projet de ré-vision des jugements moraux, fondé sur un apprentissage du bien voir, et plus précisément sur une initiation au réglage perspectif. Où l’on s’avise que les métaphores (connexes) de la distance et du point de vue manifestent localement, à la surface du texte de La Bruyère, la visée qui le sous-tend de part en part.
3. Initiation au bien voir : art de la pointe et jeux d’optique
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26 La Bruyère, op. cit., « Discours sur Théophraste », p. 96. Sur le polymorp...
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27 Louis Van Delft, Littérature et anthropologie. Nature humaine et caractère...
19En dernière analyse, c’est à ce projet d’une éducation du regard que répond, globalement et dans ses multiples aspects, la manière de La Bruyère (le « tour » qu’il donne à ses pensées). C’est à ce dessein qu’il convient de rapporter non seulement (et comme on l’a dit plus haut) sa décision de s’insérer dans le sillage de Théophraste et dans la tradition des caractères, mais aussi (et peut-être plus encore) les transformations qu’il fait subir à ce legs rhétorique. Rappelons en deux mots qu’à la fixité du dispositif théophrastien (fondé sur « cette unique figure qu’on appelle description ou énumération26 »), La Bruyère substitue résolument une pratique de la varietas, revendiquée comme telle à la fin de sa préface. Ainsi, tout en « adoptant le moule déjà deux fois millénaire du caractère, il le réinvente – faisant par là authentique œuvre de poète27 » ; et il le réinvente par hybridation générique, par assimilation et croisement de multiples modèles.
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28 Pierre Laurens, L’Abeille dans l’ambre. Célébration de l’épigramme de l’ép...
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29 Jean Dagen, « L’écriture épigrammatique des Caractères », in Il Prisma dei...
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30 Sur le lexique de l’esprit à l’âge classique, voir Mercedes Blanco, Les Rh...
20Au nombre de ces modèles, le genre épigrammatique figure en bonne place. De fait, il est permis de penser que l’auteur des Caractères doit autant – voire davantage – à Martial qu’à Théophraste, même si cette filiation (qui touche de près, on va le voir, à la question qui nous occupe) est longtemps demeurée méconnue : aussi Pierre Laurens s’étonnait-il à juste titre « que l’on n’ai jamais tenté d’apprécier sa dette à l’égard du poète latin28 » – oubli que Jean Dagen, dans l’intervalle, a entrepris de réparer29. La prégnance du modèle épigrammatique explique en particulier un aspect fréquemment remarqué (pour le coup), et d’ailleurs fréquemment contrefait par la cohorte des « suiveurs » ou autres pasticheurs, de la manière de La Bruyère : je veux parler de cet art de la pointe dans lequel il excelle – le terme de pointe se comprenant en l’occurrence dans sa double (ou triple) acception, c’est-à-dire à la fois comme chute et comme trait d’esprit (et/ou comme raillerie piquante)30. Une analyse très fine (toute « datée » qu’elle est) de cet art de la chute est donnée par Suard dans la notice qu’il consacre à l’auteur des Caractères en 1781 ; concédant que ce dernier procède quelquefois, comme Théophraste, « par énumération », il ajoute aussitôt :
31 Jean-Baptiste-Antoine Suard, « Notice sur la personne et les écrits de Jea...
[…] il sait ranimer cette forme languissante par un art dont on ne trouve ailleurs aucun exemple. Relisez les portraits du riche et du pauvre ; Giton a le teint frais, le visage pleine, la démarche ferme, etc. Phédon a les yeux creux, le teint échauffé, etc. et voyez comment ces mots : il est riche, il est pauvre, rejetés à la fin des deux portraits, frappent comme deux coups de lumière, qui, en se réfléchissant sur les traits qui précèdent, y répandent un nouveau jour et leur donnent un effet extraordinaire31.
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32 Pierre Laurens, op. cit., p. 98.
21Ce que Suard décrit à sa manière, c’est le procédé de composition rétrograde (si caractéristique de l’épigramme) que La Bruyère adopte si souvent, c’est l’effet de rétro-lecture amorcé par la chute, et qui induit à reconsidérer sous un nouveau jour le texte qu’elle achève. Or, il est intéressant de constater que cette analyse entre en résonance avec l’une des plus pénétrantes contributions à la théorie de l’épigramme – contribution dont Pierre Laurens, appréhendant l’histoire du genre sur la longue durée, a fait valoir la pertinence et la justesse32. Il s’agit de la théorie proposée par Herder en 1786, et dont la principale originalité consiste – nous y revenons – dans une conception de la pointe comme point de vue :
33 Jehann Gottfried von Herder, Sämmtliche Werke, XV, éd. B. Suphan, Berlin, ...
[…] notre interprétation tire au clair également la fameuse « résolution » qu’on appelle la pointe (acumen) de l’épigramme, et dont on a fait un profond mystère. […] Un objet, s’il doit être montré, a besoin d’une lumière à laquelle il puisse être vu. Donc l’artiste qui travaille pour l’œil doit travailler d’un certain point de vue […]. Voilà ce qu’est la pointe pour l’épigramme : le point de vue bien éclairé à partir duquel l’objet doit être regardé, sur lequel l’épigramme travaille du début jusqu’à la fin […]33.
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34 Cf. Serge Doubrovsky, « Lecture de La Bruyère », Poétique, 2, 1970, p. 195...
22Dans l’exemple glosé par Suard – le célèbre diptyque du riche et du pauvre (« Des Biens de Fortune », 83) –, la pointe est pour chacune des deux peintures (Giton le riche et Phédon le pauvre) ce « point de vue bien éclairé » à partir duquel ce qui n’était que succession discontinue de traits discrets (discontinuité fortement accentuée, on le sait, par la parataxe34) trouve a posteriori sa cohérence ; elle est le lieu d’où le caractère advient à la visibilité.
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35 Je comprends ici ce terme dans l’acception définie par Henri Morier : « Fi...
23Mais, dans d’autres exemples, l’effet de correction optique inhérent à la pointe est plus nettement marqué. Le cas de figure le plus intéressant, sous ce rapport, est celui dans lequel la pointe affecte la forme d’une hyperbate35, parce que cet effet est alors d’autant plus surprenant qu’il est inattendu, et que l’acuité du regard s’y trouve plus fortement éprouvée :
36 Je souligne – la première occurrence du sobriquet (Théodecte) est en itali...
J’entends Théodecte de l’antichambre ; il grossit sa voix à mesure qu’il s’approche, le voilà entré ; il rit, il crie, il éclate, on bouche ses oreilles, c’est un tonnerre ; il n’est pas moins redoutable par les choses qu’il dit, que par le ton dont il parle ; il ne s’apaise et il ne revient de ce grand fracas, que pour bredouiller des vanités et des sottises : il a si peu d’égard au temps, aux personnes, aux bienséances, que chacun a son fait sans qu’il ait eu l’intention de le lui donner ; il n’est pas encore assis, qu’il a à son insu désobligé toute l’assemblée. […] Si l’on joue, il gagne au jeu ; il veut railler celui qui perd, et il l’offense, les rieurs sont pur lui, il n’y a sorte de fatuités qu’on ne lui passe. Je cède enfin et je disparais, incapable de souffrir plus longtemps Théodecte, et ceux qui le souffrent. (« De la Société et de la Conversation », 12)36
24Où l’on s’avise in extremis qu’une cible (l’impolitesse) peut en cacher une autre (la complaisance) : et ce soudain retournement oblige le lecteur à repenser la scène qui s’est déroulée sous ses yeux, entre l’entrée de Théodecte et la sortie du narrateur – une scène dont il pourrait bien être, s’il y songe, partie prenante… Ce procès d’ajustement perspectif, si caractéristique de l’écriture de La Bruyère, est plus sensible encore dans l’exemple suivant, que je retiendrai pour finir :
37 Je souligne – la première occurrence du sobriquet (Philémon) est en italiq...
L’or éclate, dites-vous, sur les habits de Philémon ; il éclate de même chez les Marchands : il est habillé des plus belles étoffes, le sont-elles moins toutes déployées dans les boutiques et à la pièce ? mais la broderie et les ornements y ajoutent encore la magnificence : je loue donc le travail de l'ouvrier : si on lui demande quelle heure il est, il tire une montre qui est un chef-d’œuvre ; la garde de son épée est un onyx ; il a au doigt un gros diamant qu’il fait briller aux yeux, et qui est parfait ; il ne lui manque aucune de ces curieuses bagatelles que l’on porte sur soi autant pour la vanité que pour l’usage, et il ne se plaint non plus toute sorte de parure qu’un jeune homme qui a épousé une riche vieille. Vous m’inspirez enfin de la curiosité, il faut voir du moins des choses si précieuses ; envoyez-moi cet habit et ces bijoux de Philémon, je vous quitte de la personne.
Tu te trompes, Philémon, si avec ce carrosse brillant, ce grand nombre de coquins qui te suivent, et ces six bêtes qui te traînent, tu penses que l’on t’en estime davantage ; l’on écarte tout cet attirail qui t’est étranger, pour pénétrer jusques à toi, qui n’es qu’un fat.
Ce n’est pas qu’il faut quelquefois pardonner à celui qui avec un grand cortège, un habit riche et un magnifique équipage, s’en croit plus de naissance et plus d’esprit : il lit cela dans la contenance et dans les yeux de ceux qui lui parlent. (« Du Mérite personnel », 27)37
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38 Voir l’analyse de Marc Escola, « Visions de Philémon », in La Bruyère. II ...
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39 Cf. Pierre Laurens, op. cit., p. 264-272.
25Ce texte en forme de triptyque donne à voir en petit (par sa « discontinuité interne38 ») ce que le moraliste fait ailleurs en plus grand (à l’échelle du recueil). Il s’agit, en effet, d’une série de trois alinéas distincts, qui ressortissent à l’évidence à des registres rhétoriques et des systèmes énonciatifs forts différents : un dialogue d’abord, au sujet d’un tiers absent (Philémon), entre un « vous » dont le l’œil est ébloui, c’est-à-dire aveuglé, par l’éclat des richesses de ce dernier, et un « je » qui possède assez de discernement pour savoir que l’habit ne fait pas la personne (que l’éclat ne fait pas le mérite) ; une apostrophe en deuxième lieu, qui fait passer Philémon de la troisième personne à la deuxième – et qui n’est pas sans rappeler par son attaque, la manière de Martial (et son usage fréquent du vocatif39) ; une maxime enfin – introduite cependant par un tour (« Ce n’est pas que ») qui contrevient à la norme de l’énonciation sentencieuse (l’autonomie syntaxique) et ménage, du même coup, un « effet d’hyperbate ».
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40 Guillaume Colletet, Traité de l’épigramme, 2nde éd., Paris, A. de Sommavil...
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41 Formule due à John Heath (Two Centuries of Epigrams, Londres, 1610), cité ...
26Or, cette diversité est assez largement imputable à la prégnance d’un modèle, celui de l’épigramme, qui se caractérise notamment par sa plasticité : l’épigramme, observait Colletet, « reçoit […] tous les genres d’écrire40 ». De fait, ce sont bien là trois « épigrammes en prose41 », reconnaissables notamment par cette pointe (en italiques) qui en constitue la clef de voûte. Mais le modèle épigrammatique est d’autant plus prégnant qu’il informe également le triptyque tout entier, où le dernier alinéa endosse bien nettement la fonction de la pointe au sens défini par Herder, assignant in fine le point de vue à partir duquel le texte doit être lu et le portrait regardé. C’est le moment où (le lieu d’où) le lecteur-spectateur se ravise (il est du moins invité à le faire) : ce qui pouvait se lire comme une charge contre le fat se complique et s’enrichit d’une critique de ses admirateurs (la fatuité des uns procédant de l’admiration des autres). L’aveuglement de Philémon sur lui-même fait signe alors vers une cécité plus générale, vers une inaptitude très commune à distinguer entre l’habit et la personne, entre l’éclat et le mérite. Et le prisme de la satire se double d’un dispositif spéculaire, dès lors que le lecteur est susceptible, s’il y pense, d’occuper la place de la deuxième personne (« vous ») : il y a là du moins une invitation au regard réflexif dont il ne saurait s’exonérer. C’est dire que cette réflexion finale en forme de rajout ne va pas sans donner à penser.
27Ce triptyque s’avère donc tout particulièrement représentatif d’une œuvre (les Caractères) dont la visée première est non seulement de pratiquer, mais également d’enseigner (à pratiquer) l’art difficile et délicat de voir juste – et dont l’écriture, en ses multiples « tours », s’ordonne à ce dessein.
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42 Formule empruntée à Louis Van Delft, Les Spectateurs de la vie. Généalogie...
28L’hypothèse d’un rapport spécifique et privilégié, chez La Bruyère, entre l’expérience visuelle et les stratégies d’écriture mérite assurément d’être examinée sur la base d’un corpus beaucoup plus large, dont l’analyse détaillée ne pouvait trouver ici sa place. Il s’agissait plutôt d’indiquer quelques perspectives d’étude – au point de contact entre une « généalogie du regard moraliste42 » et une archéologie des formes de l’écriture morale –, mais aussi de cerner à grands traits les enjeux théoriques d’une telle enquête, en résonance avec le propos général du présent ouvrage. J’espère avoir pu montrer que, de l’œil à l’œuvre, du bien voir au bien dire, le procès n’est pas, chez La Bruyère, à sens unique : si le dispositif textuel des Caractères – à commencer par celui du caractère – procède du regard qui le requiert et qui l’informe, il est aussi, en retour, l’espace où ce regard s’essaie, s’ajuste, s’aiguise – en un mot, s’exerce.
Notes
1 « Discours sur les Réflexions ou Sentences et Maximes morales », in La Rochefoucauld, Maximes et Réflexions diverses, éd. Jean Lafond, Paris, Gallimard, 1998 (Folio classique).
2 Cf. L’Optique des moralistes de Montaigne à Chamfort, études réunies par Bernard Roukhomovsky, Paris, Champion, 2005 ; voir aussi la thèse d’Éric Tourrette sur « l’écriture du discernement » (Les Formes brèves de la description morale : quatrains, maximes, remarques, Paris, Champion, 2008). Sur les interférences entre optique et rhétorique à l’âge classique, cf. Jean-Vincent Blanchard, L’Optique du discours au XVIIe siècle. De la rhétorique des jésuites au style de la raison moderne (Descartes, Pascal), Québec, P.U. Laval, 2005.
3 Éric Méchoulan, Écrire au XVIIe siècle. Une anthologie, Paris, Presses Pocket, 1992 (Agora), p. 336.
4 Selon la formule de Gilles Ménage (cité par Georges Mongrédien, Recueil des textes et des documents contemporains relatifs à La Bruyère, Paris, Éditions du CNRS, 1979, p. 73).
5 Sur la coïncidence, en contexte classique, du regard du lecteur avec celui de l’auteur, voir la fine analyse de Jean Starobinski (à propos de la remarque I, 56 de La Bruyère), « La place du lecteur », in L’Œil vivant, Paris, Gallimard, 1999 (Tel), p. 95 : « L’écrivain doit adopter le regard de ceux qui le liront. Le précepte de La Bruyère n’est pas isolé à son époque. »
6 Cf. Emmanuel Bury, « L’optique de La Bruyère », in L’Optique des moralistes, op. cit., p. 249-267.
7 Ibid., p. 250.
8 Le texte de La Bruyère est cité d’après l’édition de Marc Escola (Paris, Champion, 1999).
9 Cf. le Dictionnaire de l’Académie française, 1re éd. (1694), p. 576, s.v. « Tour » : « En parlant d’éloquence, de poësie, de style, de periode, se prend pour la maniere dont on exprime ses pensées, & dont on arrange ses termes, soit en parlant, soit en escrivant. »
10 Je souligne. Il va de soi que sous le nom de Socrate, le moraliste se désigne lui-même : sur la signification de ce masque pseudonymique, cf. mon étude, « L’atelier de Socrate : la notion de peinture dans la théorie du caractère en France (1688-1752) », in Watteau au confluent des arts, éd. par Carine Barbafieri et Chris Rauseo, Valenciennes, Presses de l’Université de Valenciennes, 2009, p. 427-444.
11 Sur cette confusion, voir Francis Goyet, « Énergie dans la Défense et Illustration de la langue française de Du Bellay », Compar(a)ison, An International Journal of Comparative Literature, 2002, 1, p. 5-19.
12 Le Moyne, Les Peintures morales, Seconde Partie, Paris, Cramoisy, 1643, « Préface » [n.p.].
13 La Bruyère, op. cit., « Discours sur Théophraste », p. 87. Voir sur ce point mon Esthétique de La Bruyère, Paris, SEDES, 1997, p. 69-90 (« Le caractère ou la machine à voir : La Bruyère et l’esthétique des tréteaux »).
14 Le Moyne, Ibid., Première Partie, Paris, Cramoisy, 1640, « Préface » [n.p.] ;
15 La Bruyère, op. cit., Préface au Discours de réception à l’Académie française, p. 609.
16 Cf. Philippe Hamou, Voir et connaître à l’âge classique, Paris, PUF, 2002 ; Carl Havelange, De l’œil et du monde. Une histoire du regard au seuil de la modernité, Paris, Fayard, 1998.
17 Je souligne. En matière d’optique picturale, le terme de « jour », on le sait, signifie non seulement la lumière répandue sur les objets représentés, mais aussi « la diverse disposition des objets pour recevoir le lumière » (Furetière) et, par glissement sémantique, le point de vue sous lequel ils sont représentés : c’est évidemment dans ce dernier sens que le mot se comprend dans la citation suivante (mais les trois acceptions sont étroitement solidaires).
18 La Rochefoucauld, op. cit., Maxime 104 et Réflexion II (« De la Société »).
19 Pascal, Pensées, éd. Philippe Sellier, Paris, Garnier, 1993, fr. 55, p. 169 ; voir notamment l’analyse de Jean Mesnard, « Point de vue et perspective dans les Pensées de Pascal », Courrier du Centre International Blaise Pascal, n° 16, 1994, p. 3-8.
20 Sur la diffusion de ce paradigme à l’âge classique, cf. Jacqueline Lichtenstein, La Couleur éloquente. Rhétorique et peinture à l’âge classique, Paris, Flammarion, 1989.
21 Roger de Piles, Conversations sur la connaissance de la Peinture et sur le jugement qu’on doit faire des tableaux, Paris, Langlois, 1677, p. 300.
22 Hubert Damisch, L’Origine de la perspective, Paris, Flammarion, 1993, p. 74.
23 Roger de Piles, ibid. ; voir sur ce point les analyses de Daniel Arasse, Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, 1996 (Champs), p. 38.
24 Sur l’intérêt suscité par les anamorphoses à l’âge classique, cf. Jurgis Baltrusaitis, Anamorphoses ou Thaumaturgus opticus, Paris, Flammarion, 1996 (Champs).
25 Cf. Bernard Roukhomovsky, « Un ombre au tableau : les moralistes et le paradigme pictural », Europe, n° 933-934 (« Littérature et peinture »), janvier-février 2007, p. 75-90.
26 La Bruyère, op. cit., « Discours sur Théophraste », p. 96. Sur le polymorphisme du caractère chez La Bruyère, voir notamment Pascal Quignard, Une gêne technique à l’égard des fragments, Paris, Fata Morgana, 1986, p. 53 (« tous les genres paraissent représentés, tous les tours semblent présents »).
27 Louis Van Delft, Littérature et anthropologie. Nature humaine et caractère à l’âge classique, Paris, PUF, 1993, p. 158.
28 Pierre Laurens, L’Abeille dans l’ambre. Célébration de l’épigramme de l’époque alexandrine à la fin de la Renaissance, Paris, Les Belles Lettres, 1989, p. 241.
29 Jean Dagen, « L’écriture épigrammatique des Caractères », in Il Prisma dei Moralisti, éd. par Benedetta Papàsogli et Barbara Piqué, Rome, Salerno Editrice, 1997, p. 193-210.
30 Sur le lexique de l’esprit à l’âge classique, voir Mercedes Blanco, Les Rhétoriques de la Pointe. Baltasar Gracián et le conceptisme en Europe, Genève, Slatkine, 1992, p. 97-100.
31 Jean-Baptiste-Antoine Suard, « Notice sur la personne et les écrits de Jean de La Bruyère », in Maximes et réflexions morales extraites de La Bruyère, Paris, 1781, p. xxiii.
32 Pierre Laurens, op. cit., p. 98.
33 Jehann Gottfried von Herder, Sämmtliche Werke, XV, éd. B. Suphan, Berlin, Weidmann, 1888, p. 375, cité et traduit par Mercedes Blanco, op. cit., p. 199. Les pages sur l’épigramme datent de 1785 et 1786 (elles sont donc, notons-le en passant, à peu près contemporaines de la notice de Suard).
34 Cf. Serge Doubrovsky, « Lecture de La Bruyère », Poétique, 2, 1970, p. 195-201.
35 Je comprends ici ce terme dans l’acception définie par Henri Morier : « Figure par laquelle on ajoute à la phrase qui paraissait terminée une épithète, un complément ou une proposition, expression qui surprend l'auditeur et se trouve par là-même mise fortement en évidence. On dirait que l’orateur se ravise […]. » (Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, PUF, 1989, p. 521).
36 Je souligne – la première occurrence du sobriquet (Théodecte) est en italiques dans le texte.
37 Je souligne – la première occurrence du sobriquet (Philémon) est en italiques dans le texte.
38 Voir l’analyse de Marc Escola, « Visions de Philémon », in La Bruyère. II : Rhétorique du discontinu, Paris, Champion, 2001, p. 339-348 ; voir aussi, dans le même ouvrage, le chap. III-1 (« À diverses vues »), p. 101-116.
39 Cf. Pierre Laurens, op. cit., p. 264-272.
40 Guillaume Colletet, Traité de l’épigramme, 2nde éd., Paris, A. de Sommaville et L. Chamoudry, 1658, p. 45.
41 Formule due à John Heath (Two Centuries of Epigrams, Londres, 1610), cité par P. Laurens (op. cit., p. 521).
42 Formule empruntée à Louis Van Delft, Les Spectateurs de la vie. Généalogie du regard moraliste, Québec, P.U. Laval, 2005.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Bernard Roukhomovsky
Université Grenoble Alpes