La Réserve : Livraison à deux voix

Christiane Deloince-Louette

Du psaume au sonnet. Les « Sonnets sur la Mort » de Jean de Sponde

Première version parue dans : Littérature et spiritualité, Recherches et Travaux n° 58, Université Stendhal-Grenoble 3, 2000, p. 39-54

Texte intégral

  • 1 Jean Calvin, Le Livre des Psaumes, Genève, Conrad Badius, 1558 (première éd...

  • 2 Voir Jean de Sponde, Œuvres littéraires, éd. A. Boase, Genève, Droz, 1978 ;...

  • 3 Ces traductions furent publiées en 1584 (Quatuor davidis psalmi latino carm...

  • 4 Homeri quae extant omnia […], Bâle, Eusebius Episcopus, 1583, commentaire à...

1On connaît le jugement de Calvin sur le Livre des Psaumes : c’est « une anatomie de toutes les parties de l’âme, pource qu’il n’y a affection en l’homme laquelle ne soit icy représentée comme en un miroir ». Si « le reste de l’Écriture contient les enseignements » de Dieu, « yci les Prophètes [...] appellent ou plutôt tirent chacun de nous à examiner soi-mesmes, afin que rien d’infirmitez auxquelles nous sommes sujets, et de tant de vices desquels nous sommes pleins, ne demeure caché »1. Sponde n’aurait pas renié une telle analyse, lui qui publia en 1588 des Méditations sur les psaumes, suivies d’un Essay de quelques poèmes chrétiens, le tout dédié à Henri de Navarre, son protecteur et celui de sa famille2. Dès 1582, dans une lettre adressée à son frère Henri, il évoquait la fureur poétique qui l’avait étreint à la lecture des psaumes, le poussant à d’immédiates tentatives de traduction (en latin)3. Dans les « Prolégomènes » à sa monumentale édition d’Homère, publiée à Bâle en 1583, Sponde rappelait l’origine sacrée de la poésie en évoquant aussi les œuvres de « David » et allait même jusqu’à citer, dans le corps de son commentaire, quelques psaumes empruntés à la traduction latine de Georges Buchanan4.

  • 5 Voir par exemple Y. Quenot, « Sur l’intertextualité dans les Sonnets d’amou...

2C’est cet intérêt, religieux mais aussi poétique, que je voudrais retrouver dans l’Essay de quelques poèmes chrétiens et, plus particulièrement, dans les douze sonnets sur la Mort. La poésie de Sponde, comme celle d’Agrippa d’Aubigné (et comme celle de nombreux poètes réformés), se nourrit d’images empruntées au psautier et plusieurs rapprochements intertextuels ont déjà été repérés par la critique5. Je voudrais aller plus loin : montrer que le sonnet spondien (je n’évoquerai ici que les sonnets sur la Mort) utilise de nombreux procédés stylistiques propres au psaume, voire que la structure même de certains sonnets prend pour modèle la structure du psaume.

Thèmes et motifs

  • 6 Voir M. Richter, « Lettura dei sonnets de la mort di Jean de Sponde », BHR ...

3Les douze sonnets sur la Mort forment un recueil bien structuré : l’énonciation dans les six premiers sonnets relève plus nettement de la prédication, et dans les six derniers, d’une méditation sur l’homme pécheur qui inclut le poète6. Dans l’ensemble des douze sonnets, la thématique reste cependant sensiblement la même : le poète stigmatise les hommes insoucieux et vains qui croient à l’immortalité de leurs œuvres et accumulent d’orgueilleux efforts. Le poète lui-même se sent déchiré entre l’appel divin et les désirs terrestres et se laisse parfois aller au doute (sonnet XI : « Et quel bien de la Mort ? »). Le célèbre sonnet XII en vers rapportés (« Tout s’enfle contre moi, tout m’assaut, tout me tente... »), pour présenter comme assurée l’aide divine contre les persécutions et les tentations, ne laisse pas de l’envisager au futur, dans un au-delà qui n’est plus terrestre.

4Ces thématiques bibliques sont couramment évoquées dans les psaumes. On retiendra trois thèmes principaux aisément repérables dans les sonnets de Sponde comme dans les poèmes de « David » : la vanité, l’orgueil et les persécutions des ennemis.

  • 7 Je cite les psaumes dans la traduction de Marot et de Bèze (Genève, 1562), ...

5La vanité de l’homme se lit par exemple dans le psaume 397 :

Certes tout homme est toute vanité
Quand même il semble estre arresté :
Certes il est comme un songe passant,
Et pour néant va tracassant
Pour amasser force biens, sans savoir
L’héritier qui les doit avoir.

Le premier quatrain du sonnet I de Sponde semble s’en faire l’écho :

Mortels, qui des mortels avez prins votre vie,
Vie qui meurt encor dans le tombeau du Corps :
Vous qui rammoncelez voz thrésors des thrésors
De ceux dont par la mort la vie fust ravie :

Le psaume 94 reprend la même thématique (« Las ! le Seigneur sait qui nous sommes, / Et que les pensees des hommes / Ne sont rien sinon vanité. »), tout comme le psaume 44 : « Tout bien conté, l’homme est si perissable, / Qu’il n’est à rien qu’à un rien comparable : / Et ses beaux jours, tous apparens qu’ils sont, / Soudain et tost, comme un’ombre s’en vont ». Sponde, lui, évoque au sonnet VI les « beaux séjours »

Au prix de qui ce Temps ne monte qu’un moment,
Au prix de qui le jour est un ombrage sombre

et la chute du dernier tercet est éloquente : « Et ce jour, et ce Temps / […] Ne me seront jamais qu’un moment, et qu’une Ombre », à quoi font écho les derniers vers du sonnet VIII : […] hé ! commence d’apprendre / Que ta vie est de Plume et le monde de Vent ».

6L’outrecuidance humaine ne cesse pourtant d’édifier sans penser à la mort (voir les sonnets I, II, III, IV, V, VIII, IX) : c’est la reprise du thème psalmique de la critique des orgueilleux, ces hommes impies qui ne pensent pas à Dieu, mais à construire sur terre de magnifiques monuments. Le psaume 49 évoque cette superbe inconscience des hommes :

Et toutesfois tout le discours qu’ils font,
C’est qu’à jamais leurs maisons dureront :
Que leur logis, et places de leur nom,
De fils en fils porteront leur renom.
Mais telles gens ont beau estre seigneurs,
Ils ne sauroyent maintenir leurs honneurs :
Ains periront du tout ces grosses testes,
Et s’en iront semblables à des bestes.

  • 8 « Préface aux commentaires des psaumes », Œuvres, op. cit., p. 109.

7La présence des ennemis contre lesquels il faut demander l’aide divine est un leitmotiv des psaumes, surtout dans les prières d’appel au secours. Ainsi au psaume 3 ou au psaume 143 : « O Seigneur Dieu mon espérance, / Donne-moy pleine delivrance / De mes poursuivans ennemis : / Puis que chez toy pour asseurance, / Je me suis à refuge mis ». C’est la prière que nous trouvons au sonnet XII : « Quelle nef, quel appui, quelle oreille dormante, / Sans péril, sans tomber, et sans être enchanté, / Me donras-tu ? ». L’ultime sonnet du recueil se clôt, comme le psaume, sur la certitude de la victoire divine. Comme le psalmiste, le poète est assailli par les méchants, ne trouve de confiance qu’en Dieu, l’appelle au secours et chante ses louanges. Pour reprendre les termes de Calvin commentant les psaumes, « la vraye prière et vive procède premièrement d’un sentiment de notre nécessité, puis après d’une assurance certaine de la promesse »8. La structure du recueil de Sponde prend appui sur le premier pour conduire son lecteur à la seconde.

8La présence de motifs directement empruntés aux psaumes corrobore l’importance de l’intertexte psalmique dans les sonnets sur la Mort. Le vers 12 du sonnet II (« J’ai vu fondre la neige et ses torrents tarir ») évoquant, par la voix du poète-prophète, la toute-puissance de Dieu, s’inspire directement du psaume 147 qui chante la soumission de l’univers au créateur :

  • 9 Pour des motifs analogues, voir aussi les psaumes 74 (« Tu as tari des gran...

C’est luy qui couvre mont et plaine,
De neige aussi blanche que laine,
Et qui vient la ruine espandre
Tout aussi menu comme cendre.
[…]
Mais sa glace est soudain fondue
Qu’elle a sa parole entendue,
Et dès la première soufflée
De son vent, l’eau est escoulée.9

  • 10 Ibid., respectivement p. 19 et p. 403.

Le motif de l’âme jetée à terre par ses ennemis (sonnet VII) se trouve déjà dans le psaume 7, mais surtout au psaume 119 (« Je suis, helas, comme si j’estoy mis / Deja en terre, et attaché tout contre »)10. Et le célèbre sonnet XII rassemble à lui seul plusieurs motifs psalmiques importants : l’assurance de la réponse divine (ps. 4 : « Et si à luy crie et souspire, / Il m’entendra de ses hauts cieux ») ; la présence du calomniateur, figure de Satan (ps. 49, 58, 63, 64) ; et Yahvé trônant en son temple de sainteté (ps. 11, 17, 18, etc.).

  • 11 A. Gendre, Évolution du sonnet français, op. cit., p. 87.

  • 12 Voir sur ce point les « Prolégomènes de Jean de Sponde à l’édition comment...

9Ces quelques exemples (il y en aurait beaucoup d’autres) auront montré, je l’espère, qu’une lecture attentive des psaumes a nourri les sonnets sur la Mort de Sponde, ce qui n’est, somme toute, pas surprenant pour un poète élevé dans la foi calviniste. Ce n’est pas tout. Dans son ouvrage sur le sonnet, André Gendre avait bien mis en valeur l’« étrangeté » du sonnet spondien, due à deux pratiques superposées : le cumul et le décentrement – superposition qui viserait à exprimer « les tensions de l’expérience mystique » et, au-delà, à « unifier les formes pour qu’elles se rapprochent du Point unique et se fondent en Lui »11. Or ces pratiques, qu’on les appelle maniéristes ou baroques, me semblent relever d’une imitation stylistique des psaumes. Comme si Sponde, se refusant à traduire ou à paraphraser les psaumes comme bon nombre de ses contemporains, se servait de la technique particulière de la poésie biblique pour refondre la forme profane du sonnet et rendre ainsi la poésie à sa destinée originelle : changer les louanges de la divinité12.

Procédés stylistiques

  • 13 J.-N. Aletti et J. Trublet, Approche poétique et théologique des psaumes, ...

10La poésie biblique, on le sait, joue de la répétition et du parallélisme. Qu’elles soient de mots, d’expression ou de phrase, les répétitions sont des indices de structuration. Le psaume 116 combine ainsi une quadruple mention de la mort avec la quadruple invocation du nom de yhwh, suscitant ainsi une double signification : c’est l’invocation du nom de Dieu qui fait échapper à la mort mais c’est aussi le fait d’échapper à la mort qui permet d’invoquer le nom de Dieu. Les répétitions signifiantes permettent la combinaison de l’appel au secours et de l’action de grâce13.

  • 14 Voir sur ce point R. Meynet, Introduction à la rhétorique biblique, Paris,...

  • 15 J.-N. Aletti et J. Trublet, Approche poétique, op. cit., p. 38.

11Le parallélisme est aussi un élément important de structuration du psaume. On en repère ordinairement trois types : synonymique, antithétique et synthétique14. Pour Aletti et Trublet, il y a lieu de distinguer entre parallélisme alterné ou concentrique (cette deuxième forme prenant couramment l’apparence du chiasme), sans que l’un soit exclusif de l’autre. Ces parallélismes existent au niveau de la structure globale du psaume (parallélisme englobant) ou au niveau de petites unités. Le psaume 116, pour reprendre le même exemple, s’ouvre ainsi sur la mention de la mort (A), puis du nom invoqué de Dieu (B) ; il se clôt sur un effet de refrain, reprenant les mêmes éléments mais selon l’ordre inverse : invocation du nom de Dieu (B), mention de la mort (A). Le chiasme structure l’ensemble du psaume. Mais au sein du psaume, les thèmes du salut et du bien fait par Dieu sont aussi structurés par un chiasme : Dieu sauve, il t’a fait du bien ; il m’a fait du bien, il me sauve15.

12Peut-on utiliser ces analyses pour comprendre le sonnet spondien ? Si l’on considère les sonnets sur la Mort, on repère assez facilement des schèmes identiques à ceux dégagés dans les psaumes. Ainsi, dans les quatrains du sonnet I :

Mortels qui des mortels avez prins votre vie,
Vie qui meurt encore dans le tombeau du Corps :
Vous qui rammoncelez vos thrésors des thrésors
De ceux dont par la mort la vie fust ravie :Vous qui voyant de morts leur mort entresuivie,
N’avez point de maisons que les maisons des morts,
Et ne sentez pourtant de la mort un remors,
D’où vient qu’au souvenir son souvenir s’oublie ?

L’effet de répétition saute d’abord aux yeux : double isotopie de la mort et de la vie, étroitement imbriquées l’une dans l’autre ; parallélisme de construction des cinq premiers vers (Mortels qui, vie qui, vous qui, ceux dont, vous qui), parallélisme plus frappant encore pour les vers 1, 3 et 5. Les vers 2 et 4 superposent au parallélisme syntaxique un chiasme sémantique (vie/mort ; mort/vie), renforcé par les assonances et autres homophonies. Mais on remarque aussi un troisième effet de parallélisme : les vers 3 et 4 (premier quatrain) et les vers 5 et 6 (second quatrain) superposent parallélisme alterné et chiasme (souligné par la répétition de thrésors et de maisons). En d’autres termes, le distique formé par les vers 5 et 6 reprend le distique formé par les vers 3 et 4 avec l’inversion des rimes exigée par le sonnet.

13Dans les tercets du sonnet III, le recours au chiasme qui structure le sizain et au parallélisme dans les vers 13 et 14 permet au poète de mimer la chute inéluctable des orgueilleux.

Je vois ces vermisseaux bastir dedans leurs plaines
Les monts de leurs desseins, dont les cimes hautaines
Semblent presque esgaler leurs cœurs ambitieux.

Géants, où poussez-vous ces beaux amas de poudre ?
Vous les amoncelez ? Vous les verrez dissouldre :
Ils montent de la Terre ? Ils tomberont des Cieux.

14Dans le premier tercet du sonnet V, le chiasme (flots/escueils ; escueils/flots) souligne le renversement des rôles et le naufrage des orgueilleux :

Mille flots, mille escueils, font teste à votre route,
Vous rompez à travers, mais à la fin sans doubte,
Vous serez le butin des escueils, et des flots.

15Les tercets du sonnet VI utilisent un parallélisme synthétique :

Beaux séjours, loin de l’œil, prez de l’entendement,
Au prix de qui ce Temps ne monte qu’un moment,
Au prix de qui le jour est un ombrage sombre,

  • 16 Je me permets de changer la ponctuation des vers 11 et 12 conformément à l...

Vous êtes mon désir. Et ce jour, et ce Temps,
Où le Monde s’aveugle et prend son passetemps,
Ne me seront jamais qu’un moment, et qu’une Ombre16.

Le texte progresse en spirale, par répétition et dépassement (répétition du terme moment, transformation signifiante de l’ombrage en Ombre qui dissocie le « je » du monde). On remarquera encore le recours au chiasme (Temps/jour ; jour/Temps) qui isole en son centre le désir tout céleste du poète : les « beaux séjours » ne peuvent encore être atteints par celui que la mort n’a pas dépouillé de son corps.

16Les quatrains du sonnet VII présentent une symétrie vers à vers qui rappelle le distique biblique et annonce les effets de triplement du sonnet XII :

Tandis que dedans l’air un autre air je respire,
Et qu’à l’envy du feu j’allume mon désir,
Que j’enfle contre l’eau les eaux de mon plaisir,
Et que me colle à Terre un importun martyr,

Cet air toujours m’anime, et le désir m’attire,
Je recerche à monceaux les plaisirs à choisir,
Mon martyre eslevé me vient encor saisir,
Et de tous mes travaux le dernier est le pire.

17Il faut s’arrêter plus longuement sur la structure du sonnet II : elle repose sur un chiasme englobant où le vers 14 reprend, inversé, le vers 1.

Mais si faut-il mourir, et la vie orgueilleuse,
Qui brave de la mort, sentira ses fureurs,
Les Soleils hâleront ces journalières fleurs,
Et le temps crèvera ceste ampoulle venteuse.

Le beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
Sur le verd de la cire esteindra ses ardeurs,
L’huyle de ce Tableau ternira ses couleurs,
Et ces flots se rompront à la rive escumeuse.

J’ay veu ces clairs esclairs passer devant mes yeux,
Et le tonnerre encore qui gronde dans les Cieux,
Où d’une ou d’autre part esclattera l’orage.J

’ay veu fondre la neige et ses torrents tarir,
Ces lyons rugissans je les ay veus sans rage,
Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mourir.

18Plusieurs remarques sont ici nécessaires pour mettre en valeur tout ce que le sonnet doit à la poétique des psaumes :

1) les deux premiers vers constituent ce qu’on peut appeler un distique avec relation synthétique : l’image d’une vie promise aux fureurs de la mort complète par l’utilisation du futur le constat initial : « Mais si faut-il mourir ».

2) les vers 3 et 4 forment un second distique, à relation synonymique cette fois : le temps reprend l’évocation de la course des Soleils, les verbes hâleront et crèvera sont redondants, le complément d’objet occupe de plus la même place dans les deux vers. La relation synonymique est complétée par le chiasme adjectif/substantif.

3) le deuxième quatrain possède une construction similaire, non plus binaire cependant mais ternaire : un même paradigme est décliné en trois éléments aux sonorités voisines, le flambeau, le Tableau, les flots. La mort se retrouve dans le choix des verbes : éteindra, ternira, se rompront. La symétrie est cependant partiellement rompue au niveau du troisième paradigme : ardeurs et couleurs n’ont qu’un correspondant implicite dans l’image de l’écume jaillissant sur la rive.

4) le changement d’énonciation dans les tercets n’affecte pas globalement la construction en distique des vers 9 et 10 : le tonnerre fait écho aux clairs esclairs, le verbe gronder au verbe passer, obligeant le lecteur à lire en parallèle les compléments de lieu devant mes yeux / dans les Cieux, déjà rapprochés par la rime. La symétrie est inversée dans le vers suivant où le complément de lieu est placé à l’attaque du vers (« Où d’une ou d’autre part »), suivi du verbe (« esclattera » au sens de « fera éclater ») et du complément, l’orage, qui appartient au même paradigme que les éclairs et le tonnerre.

5) le deuxième tercet enchaîne lui, trois distiques : au v. 12, un distique à caractère synonymique (les deux hémistiches ont le même sens) ; au v. 13 et au v. 14, deux distiques à caractère antithétique (les deux hémistiches ont des sens opposés). Le deuxième stique du v. 14, on l’a dit, reprend le premier hémistiche du v. 1, exhibant par là le caractère structurant du chiasme, comme dans le psaume 116 analysé plus haut.

19Le sonnet spondien fait donc un large usage de certains procédés de la poétique des psaumes, qu’il s’agisse de vitupérer contre les hommes inconscients, d’implorer l’aide divine ou de témoigner de la puissance de Dieu sur le monde et de la faiblesse des hommes promis à la mort. Pour affiner les analyses qui précèdent, il vaut la peine d’examiner maintenant le sonnet le plus célèbre du recueil, « Tout s’enfle contre moi... », à la lumière de l’intertexte psalmique. Sponde s’est très probablement inspiré du psaume 3. Quel usage en a-t-il fait ?

Le sonnet XII, réécriture du psaume 3 ?

Structure d’ensemble

  • 17 Les Psaumes en vers français, op. cit., p. 6.

20Voici l’argument du psaume 3 qui introduit la traduction de Clément Marot dans Les Psaumes en vers français : « David assailli d’une grosse armée, s’estonne du commencement ; puis prend une si grand fiance en Dieu, qu’apres l’avoir imploré il s’asseure de la victoire »17.

Seigneur que de gens,
A nuire diligens,
Qui me troublent et grevent !
Mon Dieu que d’ennemis,
Qui aux champs se sont mis,
Et contre moy se levent !
Certes plusieurs j’en voy
Qui vont disans de moy,
Sa force est abolie,
Plus ne trouve en son Dieu
Secours en aucun lieu :
Mais c’est à eux folie.

Car tu es mon tresseur
Bouclier & defenseur,
Et ma gloire esprouvee :
C’est toy, à bref parler,
Qui fais que puis aller
Haut la teste levee.
J’ay crié de ma voix
Au Seigneur maintes-fois,
Luy faisant ma complainte ;
Et ne m’a repoussé,
Mais toujours exaucé
De sa montagne saincte.

Dont coucher m’en iray,
En seurté dormiray,
Sans crainte de mesgarde :
Puis me réveilleray,
Et sans peur veilleray
Ayant Dieu pour ma garde.
Cent mil’hommes de front
Craindre ne me feront,
Encor’qu’ils l’entreprinssent :
Et que pour m’estonner,
Clorre & environner
De tous costez me vinssent.

Vien donc, declare toy
Pour moy, mon Dieu mon Roy,
Qui de buffes renverses
Mes ennemis mordens :
Et qui leur romps les dents
En leurs gueules perverses.
C’est de toy, Dieu tres-haut,
De qui attendre faut
Vray secours & defense :
Car sur ton peuple estens
Tousjours en lieu & temps,
Ta grand’beneficence.

Tel qu’il nous est rapporté par Marot, le psaume 3 repose sur une structure en quatre temps, marqués par les quatre strophes : 1) le « je » se plaint des ennemis qui l’environnent et se moquent de lui ; 2) il affirme sa confiance en l’aide divine ; 3) cette confiance persistera malgré les entreprises ennemies ; 4) Dieu brise les ennemis, il est « vray secours & defense ».

21Le sonnet XII comporte également quatre strophes qui reprennent les quatre temps du psaume :

Tout s’enfle contre moy, tout m’assaut, tout me tente,
Et le Monde et la Chair, et l’Ange révolté,
Dont l’onde, dont l’effort, dont le charme inventé
Et m’abysme, Seigneur, et m’esbranle, et m’enchante.

Quelle nef, quel appuy, quelle oreille dormante,
Sans péril, sans tomber, et sans estre enchanté,
Me donras-tu ? Ton Temple où vit ta Saincteté,
Ton invincible main et ta voix si constante.

Et quoy ? mon Dieu, je sens combattre maintesfois
Encore avec ton Temple, et ta main, et ta voix,
Cest Ange révolté, ceste Chair, et ce Monde.


Mais ton Temple pourtant, ta main, ta voix sera
La nef, l’appuy, l’oreille, où ce charme perdra,
Où mourra cest effort, où se rompra cette Onde.

  • 18 Je laisse de côté pour le moment la structure en vers rapportés qui s’ajou...

Le premier quatrain montre le moi en butte aux attaques d’un triple adversaire, le Monde, la Chair, et l’Ange révolté ; le deuxième quatrain affirme que, contre ces adversaires, l’aide de Dieu est assurée ; le premier tercet dit la persistance du combat entre Dieu et le triple adversaire, combat désormais intériorisé par le « je » ; et le dernier tercet déclare la victoire à venir de Dieu18. Les similitudes de construction entre les deux textes sont visibles : le poète fonde en Dieu l’assurance de la victoire contre les ennemis, victoire qui, dans le sonnet comme dans le psaume, n’est pas la sienne mais celle de Dieu.

22Une divergence cependant, non négligeable : la troisième étape du sonnet spondien exprime la permanence d’un combat dont le lieu s’est déplacé. Ennemis et constance divine s’affrontent désormais « en moi » alors que le psaume 3 réitère simplement la confiance en l’aide divine. C’est que, pour le calviniste qu’est Sponde, l’ennemi est d’abord intérieur : c’est la Chair, opposée à l’Esprit, le monde opposé à la contemplation de Dieu (le « Temple où vit ta Saincteté »), le mal opposé au bien. Pour parvenir à Dieu, le fidèle doit repousser les tentations terrestres, quand le psalmiste devait lutter contre des ennemis réels. La présence, en filigrane, de l’histoire du peuple d’Israël dans le psaume 3 cède logiquement la place au combat intérieur du pécheur, sans ébranler l’assurance de la victoire divine.

23Dans les deux poèmes donc, les quatre étapes illustrent un cheminement spirituel : la souffrance du « je », seul contre un ennemi multiple ; le recours confiant à Dieu ; la permanence d’un combat difficile mais où Dieu doit triompher. Ce triomphe annoncé dépasse, en définitive, la dimension individuelle pour acquérir une certitude universelle : le dernier tercet du sonnet spondien voit disparaître le « je » du poète (l’enjeu du combat le dépasse) tandis que celui du psalmiste se fond dans le peuple élu (« ton peuple »). Selon la typologie des psaumes, les deux poèmes relèvent à la fois de l’appel au secours et de la louange, ce qui n’exclut pas bien sûr la dimension didactique où la foi réformée rejoint la foi hébraïque : la certitude de l’élection fonde la confiance du fidèle et justifie sa louange, comme la foi justifie l’élection. La louange, dans les deux cas, a valeur de contrat entre Dieu et l’élu.

Parallélismes et récurrences

24C’est ce contrat qu’illustre dans les deux poèmes la mise en valeur du nom divin. Reprenons la structure du psaume : elle est, à l’évidence, concentrique. Aux ennemis provocateurs de la première strophe (A) correspondent les ennemis vaincus de la dernière (A’) ou, plus exactement, des vers 31 à 42. Deux autres éléments, qui évoquent le Dieu protecteur du « je », complètent le chiasme : les vers 13 et 14 (B : « Car tu es mon tresseur / Bouclier & defenseur ») auxquels répondent les vers 29 et 30 (B’ : « Et sans peur veilleray / Ayant Dieu pour ma garde »). Au centre de la structure concentrique, Dieu dans sa gloire (« De sa montagne sainte ») et sa miséricorde (« Et ne m’a repoussé ») : les vers 19 à 24 fondent la relation qui unit Dieu et son fidèle et justifient par là-même la structure globale du psaume.

  • 19 Ce qui justifie, dans les deux cas, le recours au futur.

25Qu’en est-il du sonnet XII ? On repère aisément une structure concentrique équivalente : le triple adversaire, évoqué par ses attributs au vers 3 (A : « l’onde », « l’effort », « le charme inventé »), se retrouve vaincu aux vers 13 et 14 (A’ : « ce charme », « cest effort », « ceste Onde »). Contre cet adversaire, Dieu étend un triple pouvoir au deuxième quatrain (B : « Ton Temple », « ton invincible main » ; « ta voix si constante »), assuré de la victoire finale au dernier tercet (B’ : « ton Temple pourtant, ta main, ta voix » au v. 12). Quel est alors l’élément central du sonnet mis en valeur par le chiasme ? Il faut le lire au premier tercet, dans le combat persistant mais intériorisé du triple adversaire et du triple pouvoir divin. Nous retrouvons la divergence évoquée plus haut. Pour le poète calviniste, qui se sépare ici nettement du psalmiste, le combat intérieur entre la Chair et l’Esprit, entre le terrestre et le céleste, ne prendra fin qu’avec la mort – c’est le sens du parcours accompli par le poète tout au long des douze sonnets sur la Mort. La victoire de Dieu, annoncée au dernier tercet, doit se lire à deux niveaux : 1) sur le plan individuel, elle aura lieu après la mort, une fois l’élu détaché de tout lien avec la terre et uni à Dieu ; 2) sur un plan universel, elle aura lieu au jour du Jugement, définitivement19.

  • 20 Voir sur ce point Étienne Tabourot des Accords, Les Bigarrures, éd. F. Goy...

26Ce double sens explique peut-être le développement et le renforcement dans le sonnet XII, par ailleurs clôture du recueil, de la structure concentrique empruntée au psaume. Sponde a en effet choisi de recourir aux vers rapportés, ce qui pousse à l’extrême les parallélismes du psalmiste. Les effets de symétrie sont multipliés par trois : à l’usage biblique du distique, usage qui respecte la linéarité de la syntaxe, Sponde ajoute la déclinaison verticale des paradigmes. On prendra l’exemple du premier quatrain : les vers 1 et 2 constituent un premier ensemble (trois verbes, trois substantifs) redoublé par un deuxième formé des vers 3 et 4 (trois substantifs, trois verbes). Ce modèle est présent dans les six premiers vers de la traduction du psaume 3 où les vers 4, 5, 6 (« Mon Dieu que d’ennemis / Qui aux champs se sont mis, / Et contre moy se levent ! ») redoublent les vers 1, 2, 3 (« Seigneur que de gens, / A nuire diligens, / Qui me troublent et grevent ! »). Or le recours aux vers rapportés détriple l’ennemi et donc son action : à la symétrie horizontale se superpose une symétrie verticale ; au modèle biblique se superpose un modèle médiéval20.

27La conséquence de cette double symétrie sur la structure concentrique est claire : chaque élément du chiasme global, emprunté au psaume, se voit renforcé. L’élément A (les ennemis) se dédouble ainsi en A1 (Monde, Chair, Ange révolté) et en A2 (onde, effort, charme inventé). De même, l’élément A’ se dédouble en A’1 (Ange révolté, Chair, Monde) et en A’2 (charme, effort, onde), l’ordre des éléments en A’ étant inversé par rapport à l’ordre des éléments en A. On peut faire la même analyse pour l’élément B, dédoublé en B1 (nef, appuy, oreille dormante) et en B2 (temple, main, voix) et pour l’élément B’, dédoublé en B’1 (Temple, main, voix) et en B’2 (nef, appuy, oreille). Pas d’inversion cette fois dans l’ordre des éléments de B’, mais un redoublement de l’élément B’1 présent à la fois au v.10 et au v.12. Dieu, dans sa permanence, ne peut subir un quelconque changement, quand l’inconstance des éléments désignant l’adversaire annonce leur fin inéluctable.

Intertextualité : la médiation calvinienne

28Les analyses précédentes se sont jusqu’à présent appuyées sur l’hypothèse – probable et commode – que Sponde avait en tête la traduction des psaumes par Marot et Bèze telle que la présente le Psautier huguenot. L’usage d’une autre traduction (en latin ou en français) ne les remettrait pas fondamentalement en question, tant le parallélisme et la répétition sont constitutifs de la poésie biblique. Mais il est tout aussi probable que Sponde a eu entre les mains le Livre des Psaumes de Calvin, autrement dit un commentaire précis et continu de l’œuvre alors attribuée à David. Mon hypothèse sera la suivante : les divergences constatées entre le psaume 3 et le sonnet XII sont en parti imputables à la médiation du réformateur.

29Pour la leçon d’ensemble d’abord. Nous avons mis en évidence dans le sonnet XII l’impossibilité d’un arrêt du combat sur cette terre. Calvin l’impute à la condition pécheresse de l’homme :

  • 21 Calvin, Le Livre des Psaumes, op. cit., commentaire au verset 1 du psaume 3.

S’il advient quelque fois que Dieu se serve des méchants comme de fleaux pour nous chastier, il faut en premier lieu poiser la cause : asçavoir, que nous ne souffrons rien que nous n’ayons bien mérité : affin que cette meditation nous instruise à repentance. Mais si les ennemis font plus la guerre a Dieu qua nous, que cette fiance surviene incontinent après : c’est que nous serons sauvez par la protection de celui duquel ils refusent et foullent la grace qui nous est promise21.

  • 22 Le dernier tercet du sonnet XI est sur ce point tout à fait explicite : « ...

Ce commentaire fait le lien entre le psaume 3 et le sonnet XII qui s’inscrit alors explicitement dans la thématique d’ensemble des sonnets sur la Mort : montrer la condition pécheresse de l’homme et le conduire à ne plus craindre la mort mais à l’espérer comme le chemin qui mène à Dieu22. L’exemple de David est celui qu’il faut suivre, qui témoigne d’une constance et d’une foi inébranlables :

  • 23 Calvin, ibid., commentaire aux versets 2 et 3.

David enseigne par son exemple combien que tout le monde d’une voix nous pousse a desespoir, qu’il faut plust ecouter un seul Dieu, et nourrir toujours et entretenir en nous l’esperance de salut qu’il nous a promis : et pource que les meschants essayent de transpercer nos âmes, il les faut confermer par prières23.

30Le sonnet XII est une prière tout en même temps qu’une profession de foi. À l’exemple de David, le pécheur doit adresser ses prières à Dieu. Et Calvin ajoute à propos du roi d’Israël : « Et ç’a esté la vraye probation de la foy, de ce qu’il l’a exercée par prières entre les angoisses ». C’est à ce sujet que Calvin s’interroge sur la traduction du verset 5 : l’expression « saincte montagne » (« montagne sainte » dit Marot) ne convient pas. Car il s’agit bien certainement de l’Arche d’Alliance, posée en la montagne de Sion.

David se tourne droit au Tabernacle, d’où Dieu avait promis qu’il serait propice à ses serviteurs. De là procède la fiance des prières, laquelle n’a point esté sans bonne issue. Aujourd’huy, pource que ce qui estoit jadis figuré en la Loy, nous est presenté et ottroyé en Christ, nous avons accès beaucoup plus familier à Dieu, pourveu que nous ne fourvoyons point du chemin a nostre escient.

Ce Tabernacle, c’est le « Temple où vit ta Sainteté » du sonnet XII (v. 7), Temple symbolisant le Christ (Jean, 2, 21) dont on se souvient par ailleurs des démêlés avec le tentateur, autrement dit l’« Ange révolté » (Mathieu, 4, 1-11).

  • 24 Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques, II, v. 77.

  • 25 « Epistre à tous chrestiens et amateurs de la Parole de Dieu », Les Psaume...

31La lecture des psaumes, peut-être relayée par le commentaire de Calvin, semble bien au fondement de l’écriture des sonnets de la Mort. Comme David, le poète a vocation à chanter Dieu et à affirmer sa foi par le truchement d’une poétique qui utilise habilement le modèle biblique. Tentative analogue, mutatis mutandis, à celle d’un Agrippa d’Aubigné clamant au seuil du livre II des Tragiques : « Ce siècle, autre en ses mœurs, demande un autre style »24. Les sonnets de la Mort apparaîtraient alors comme une tentative pour faire revivre l’antique et première poésie, poésie sacrée tout inspirée par la divinité. Préfaçant les Cinquante psaumes traduits par Marot, Calvin écrivait : « Quand nous les chantons, nous sommes certains que Dieu nous met en bouche les paroles, comme si Lui-même chantait en nous pour exalter sa gloire »25. Sponde, dans les « Prolégomènes » à son édition commentée des poèmes homériques, rappelait l’origine sacrée de toute poésie :

  • 26 « Hominem prius quaero, in quem finem credas fuisse conditum ? Si primos i...

À quelle fin, je te le demande, crois-tu que l’homme a été créé ? Si tu as goûté aux premières sources de la piété, même du bout des lèvres, tu répondras : pour chanter la gloire de Dieu et ses louanges. […] Mais, je le demande, quel moyen plus commode avons-nous d’atteindre cette fin et de la remettre en usage que la Poétique qui […] est du même genre que la Musique ? Cet usage fut suivi, dès notre premier père, dans la réunion des fidèles, je l’emprunte aux cantiques de Moïse, de David et d’autres hommes saints, qui furent composés avec rythme et harmonie […]26.

Recourir à la poétique des psaumes offrirait ainsi au poète calviniste la possibilité de se couler au plus près de la poésie divine, de se faire, sans perdre sa voix individuelle, l’écho de la voix divine. Rappelons l’épigraphe significative des Méditations sur les psaumes, empruntée au livre des Nombres, 2, 29 : « À la mienne volonté que tout le peuple du Seigneur fust Prophete, et que le Seigneur donnast sur eux son Esprit ».

  • 27 F. Rigolot, « Qu’est-ce qu’un sonnet ? Perspectives sur les origines d’une...

  • 28 Ibid., p. 9.

32Une ultime question demeure : pourquoi choisir la forme du sonnet ? Deux hypothèses : 1) la plus probable : par un goût certain pour la brièveté et la densité formelles de cette forme à la mode, goût que Sponde exprime à plusieurs reprises dans ses « Prolégomènes à Homère » ; 2) la moins sûre : par une revalorisation (inconsciente ?) d’une étymologie du mot sonnet que le XVIe siècle fait souvent venir de son. Le terme sonnet, en effet, François Rigolot le rappelle dans un article important, appartient à la langue française bien avant qu’on ne l’emploie pour désigner une forme particulière27. Comme diminutif de son, il a d’abord le sens de chanson, en particulier chez les rhétoriqueurs. Plus intéressant encore, Marguerite de Navarre, dans le Triomphe de l’Agneau, oppose sonnet et rolle, « c’est-à-dire le chant au récit, la poésie à l’histoire de la Résurrection ». Dans ce contexte, qui n’est pas si éloigné de celui des sonnets sur la Mort, le sonnet s’élève « au rang le plus éminent du chant, celui de la prière hébraïque dans la liturgie juive et chrétienne »28. Voilà de quoi justifier la réécriture d’un psaume en sonnet. Sponde avait-il lu Marguerite de Navarre ? L’éventualité d’un tel rapprochement ne peut que corroborer, chez les poètes de la seconde moitié du XVIe siècle, la consicence d’une parenté entre deux formes très présentes dans la littérature de la Renaissance française, le psaume et le sonnet.

Notes

1 Jean Calvin, Le Livre des Psaumes, Genève, Conrad Badius, 1558 (première édition). Je cite ici la préface « aux fidèles et débonnaires lecteurs » datée du 22 juillet 1557, dans Jean Calvin, Œuvres, éd. F. Higman et B. Roussel, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2009, p. 108-109.

2 Voir Jean de Sponde, Œuvres littéraires, éd. A. Boase, Genève, Droz, 1978 ; et Meditations sur les Pseaumes, éd. S. Lardon, Paris, Honoré Champion, 1996.

3 Ces traductions furent publiées en 1584 (Quatuor davidis psalmi latino carmine expressi a Iohanne Spondano, Bâle, 1584). Voir S. Lardon, « De nouveau du nouveau sur Jean de Sponde », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance [BHR], tome LXXI, 2009, n° 3, p. 541-554.

4 Homeri quae extant omnia […], Bâle, Eusebius Episcopus, 1583, commentaire à l’Odyssée, p. 197 ; Jean de Sponde, Commentaires aux poèmes homériques, traduction et édition critique par Ch. Deloince-Louette avec la collaboration de M. Furno, Paris, Éditions classiques Garnier, 2018, t. III, p. 820.

5 Voir par exemple Y. Quenot, « Sur l’intertextualité dans les Sonnets d’amour de Sponde », Hommage à Jean-Pierre Collinet, Dijon, ABDO, 1992.

6 Voir M. Richter, « Lettura dei sonnets de la mort di Jean de Sponde », BHR XXX, 1968, p. 327-345 ; A. Gendre, Évolution du sonnet français, Paris, PUF, 1996, p. 75-87 ; ainsi que J. Rieu, Sponde ou la cohérence intérieure, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1988.

7 Je cite les psaumes dans la traduction de Marot et de Bèze (Genève, 1562), publiée en fac-similé par Pierre Pidoux (Les Psaumes en vers français, Genève, Droz, 1986).

8 « Préface aux commentaires des psaumes », Œuvres, op. cit., p. 109.

9 Pour des motifs analogues, voir aussi les psaumes 74 (« Tu as tari des grands fleuves le cours ») et 107 (« Luy qui les eaux profondes / En desert convertit, / Et les sources des ondes / Asseche et divertit. »), Les Psaumes en vers français, op. cit., respectivement p. 246 et p. 368.

10 Ibid., respectivement p. 19 et p. 403.

11 A. Gendre, Évolution du sonnet français, op. cit., p. 87.

12 Voir sur ce point les « Prolégomènes de Jean de Sponde à l’édition commentée d’Homère », dans Commentaire aux poèmes homériques, op. cit., t. I, p. 174-175.

13 J.-N. Aletti et J. Trublet, Approche poétique et théologique des psaumes, Paris, Éditions du Cerf, 1983, p. 39.

14 Voir sur ce point R. Meynet, Introduction à la rhétorique biblique, Paris, Éditions du Cerf, 1982, p. 22-23. Cette terminologie, introduite par Robert Lowth en 1753, détermine dans un distique les relations entre les stiques : la relation est synonymique lorsque les deux stiques expriment la même idée, elle est synthétique quand le deuxième stique complète le premier ; elle est antithétique quand les stiques ont un sens opposé.

15 J.-N. Aletti et J. Trublet, Approche poétique, op. cit., p. 38.

16 Je me permets de changer la ponctuation des vers 11 et 12 conformément à l’exemplaire existant de l’Essay de quelques poèmes chrétiens de 1588 (conservé à la Bnf sous la cote Rés. A. 11467), ponctuation modifiée sans justification par A. Boase.

17 Les Psaumes en vers français, op. cit., p. 6.

18 Je laisse de côté pour le moment la structure en vers rapportés qui s’ajoute à la structure psalmique sans l’évincer. J’y reviendrai plus loin.

19 Ce qui justifie, dans les deux cas, le recours au futur.

20 Voir sur ce point Étienne Tabourot des Accords, Les Bigarrures, éd. F. Goyet, Genève, Droz, 1986, première partie, chapitre 13 ; Guillaume Colletet, Traité du sonnet, Genève, Droz, 1965, section XIV ; G. Mathieu-Castellani, « Sponde : poétique du sonnet rapporté », Littératures n° 15, automne 1986.

21 Calvin, Le Livre des Psaumes, op. cit., commentaire au verset 1 du psaume 3.

22 Le dernier tercet du sonnet XI est sur ce point tout à fait explicite : « Pour vivre au Ciel il faut mourir plustost ici : / Ce n’en est pas pourtant le sentier raccourcy, / Mais quoy ? nous n’avons plus ny d’Hénoch, ni d’Elie. »

23 Calvin, ibid., commentaire aux versets 2 et 3.

24 Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques, II, v. 77.

25 « Epistre à tous chrestiens et amateurs de la Parole de Dieu », Les Psaumes en vers français, op. cit., non paginée.

26 « Hominem prius quaero, in quem finem credas fuisse conditum ? Si primos illos pietatis fontes uel summis labris delibasti, respondebis, ad Dei gloriam et laudes concinendas. […] At, quaeso, quae commodior ratio illum assequendi et in usum reuocandi quam Poetica, quae […] Musicae est ὁμόγονος ? » (Commentaire aux poèmes homériques, op. cit., t. I, p. 176-177).

27 F. Rigolot, « Qu’est-ce qu’un sonnet ? Perspectives sur les origines d’une forme poétique », Revue d’histoire littéraire de la France n° 84, 1984, p. 3-18.

28 Ibid., p. 9.

Pour citer ce document

Christiane Deloince-Louette, «Du psaume au sonnet. Les « Sonnets sur la Mort » de Jean de Sponde», La Réserve [En ligne], La Réserve, Livraison à deux voix, mis à jour le : 30/10/2023, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/reserve/391-du-psaume-au-sonnet-les-sonnets-sur-la-mort-de-jean-de-sponde.

Quelques mots à propos de :  Christiane  Deloince-Louette

Université Grenoble Alpes - UMR 5316 Litt&Arts / RARE Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution