La Réserve : Archives Cécile Lignereux

Cécile Lignereux

La douceur comme stratégie de conciliation épistolaire

Paru dans : S. Cornic et P. Servet (dir.), « L’art de la conciliation », Cahiers du GADGES, n° 11, Genève, Droz, 2013, p. 173-188.

Texte intégral

  • 1 A. Furetière, Dictionnaire universel…, La Haye-Rotterdam, Arnout et Reiner ...

  • 2 Dictionnaire de l’Académie Françoise, Paris, Veuve J.-B. Coignard, 1694.

  • 3 C. Lignereux, « Le conseil, un acte de langage contraire aux bienséances ? ...

  • 4 Fr. Nies, Les Lettres de Mme de Sévigné. Conventions du genre et sociologie...

1Qu’elle désigne « l’accord, l’union » des « esprits » et des « humeurs contraires1 » ou la « réunion des personnes qui étaient divisées2 », la notion de conciliation s’avère assurément des plus opératoires pour qui tente de cerner, au plus près de la matérialité des formes langagières, la manière dont Mme de Sévigné formule les conseils qu’elle prodigue à sa fille. La comtesse de Grignan ne manquant pas d’être importunée par les incessantes recommandations d’une mère aussi attentionnée qu’étouffante (ce que prouvent les fréquentes tensions, brouilles et querelles entre les deux femmes), Mme de Sévigné se voit contrainte d’atténuer le caractère intrusif et autoritaire de ses conseils, conformément aux recommandations des traités de savoir-vivre en général, et des manuels d’art épistolaire en particulier3. Certes, la marquise abreuve régulièrement sa fille de conseils portant essentiellement sur ses dépenses et sur sa santé, conseils qui sont à l’origine de l’image de Mme de Sévigné en bonne mère de famille, telle que la véhiculèrent tout au long du XIXe siècle les nombreuses éditions des lettres destinées à la jeunesse4. Pourtant, parce qu’elle a pleinement conscience des risques inhérents à cet acte de langage périlleux, l’épistolière veille constamment à les adoucir – pour emprunter une métaphore qui présente l’avantage non seulement d’être riche d’enjeux rhétoriques, mais encore d’être employée aussi bien dans les traités de civilité du Grand Siècle que dans les travaux de linguistique pragmatique.

  • 5 D. Denis, « La douceur, une catégorie critique au XVIIe siècle », dans M.-H...

  • 6 M. de Scudéry, « De la complaisance », Conversations sur divers sujets, t. ...

  • 7 Fr. de Callières, Du bon et du mauvais usage dans les manieres de s’exprime...

  • 8 J.-B. Morvan de Bellegarde, Réflexions sur la politesse des mœurs, Paris, J...

  • 9 J.-B. Morvan de Bellegarde, Réflexions sur ce qui peut plaire ou déplaire d...

  • 10 « […] il ne faut point mêler d’aigreur dans les avis que l’on donne ; que ...

2D’une part, les précautions que les théoriciens de la politesse recommandent de déployer afin de prévenir les effets néfastes des conseils participent toutes de l’idéal, largement promu par l’esthétique de la mondanité galante, de la douceur5. Pour Madeleine de Scudéry, il faut « que ceux qui donnent des avis les donnent avec douceur & avec adresse6 ». De même, François de Callières insiste sur la nécessité des « adoucissements […] lorsqu’on est obligé de contredire quelqu’un7 ». Quant à Jean-Baptiste Morvan de Bellegarde, qui oppose à plusieurs reprises les « remontrances discretes accompagnées de tendresse & de confiance », aussi polies qu’efficaces, et les « réprimandes […] assaisonnées de reproches trop aigres8 », aussi déplacés que vouées à l’échec, il souligne que si « l’amitié oblige indispensablement d’assister nos amis de nos conseils quand ils en ont besoin », il convient cependant de les « averti[r] doucement du péril où ils sont » et d’« adoucir une réprimande par des termes caressans et enjoüez9 ». Sont ainsi érigées en valeurs stylistiques des qualités psychologiques et morales, à grand renfort d’antithèses, la douceur étant systématiquement opposée à l’aigreur10. Abondamment sollicité, le paradigme de la douceur engage toute une réflexion sur la régulation des conduites langagières en général, et sur l’usage légitime d’artifices rhétoriques en particulier.

  • 11 On se reportera à l’article synthétique de C. Kerbrat-Orecchioni, « Face »...

  • 12 Sur la fonction de la négociation dans les interactions en général, et dan...

  • 13 Nous renvoyons à la mise au point d’A. Jaubert, La Lecture pragmatique, Pa...

  • 14 C. Kerbrat-Orecchioni, article « Adoucisseur », dans le Dictionnaire d’ana...

  • 15 Nous renvoyons à la définition fondatrice de J. Searle, Sens et expression...

3D’autre part, la psychosociologie de la communication (d’où provient la théorie des faces11), les analyses interactionnistes (avec le concept de négociation12) et l’approche pragmatique des discours (par la prise en compte des rapports de place qui s’y jouent13) nous ont appris à repérer les stratégies qui permettent d’harmoniser, de pacifier voire de réparer les liens interpersonnels grâce à la politesse. C’est précisément dans le cadre de la théorie de la politesse que s’inscrit la notion d’adoucisseur : « pour maintenir un minimum d’harmonie entre les interactants, ceux-ci doivent s’efforcer d’“adoucir” les divers Face Threatening Acts (“FTAs, actes menaçants pour la face”) qu’ils sont amenés à commettre envers leur(s) partenaire(s) d’interaction (ordres, critiques, réfutations, reproches etc.) ; c’est-à-dire de les “polir”, en émousser les arêtes et en raboter les angles, afin qu’ils ne soient pas trop blessants pour les faces sensibles et vulnérables des participants14 ». Si l’on adopte cette terminologie, on peut dire que c’est parce que Mme de Sévigné redoute que ses conseils, en tant qu’actes directifs15, ne déplaisent à sa fille qu’elle met en œuvre toutes sortes d’adoucisseurs, conçus comme des subterfuges énonciatifs destinés à en contrecarrer le côté agressif et désagréable.

  • 16 J.-B. Morvan de Bellegarde, Idée parfaite de l’amitié, op. cit., p. 333.

  • 17 J.-B. Morvan de Bellegarde, Réflexions sur le ridicule, et sur les moyens ...

  • 18 J. Esprit, La Fausseté des vertus humaines [1678], Paris, Aubier, 1996, ch...

4Certes, entre les injonctions des traités de civilité du XVIIe siècle et les grilles d’analyse élaborées dans la perspective interactionniste, l’écart peut sembler irréductible, et toute tentative de les confronter vouée à l’incongruité. Pourtant, pour qui tente d’éclairer la mise en discours des conseils de Mme de Sévigné à sa fille, utiliser les outils mis à disposition par la pragmatique tout en les rapportant aux valeurs promues par la civilisation mondaine revient à se donner les moyens de repérer, au plus près des phénomènes linguistiques, les procédés grâce auxquels l’épistolière parvient à nimber ses avis d’une opportune et bienséante douceur. Dès lors que l’on cherche à décrire précisément les options stylistiques qui permettent d’adopter « une liberté honnête & qui n’ait rien de rude16 » plutôt que de « proposer tous ses avis comme des loix & d’un air de Maître17 », les analyses menées par les théoriciens des interactions verbales rendent des services considérables. En effet, aussi omniprésent que soit l’idéal de la douceur dans les développements que consacrent les traités de civilité à l’art de donner des conseils, il n’en demeure pas moins flou quant aux procédés langagiers chargés de le mettre en œuvre. On l’aura compris, il ne s’agit pas de concevoir la douceur comme quelque invariant psychologique caractéristique de la tendresse maternelle, mais de l’envisager comme choix d’une manière de dire étroitement subordonnée à l’entreprise de conciliation – bref, de raisonner en termes non pas de qualité morale, mais de calcul pragmatique. Une telle perspective ne semble d’ailleurs pas totalement étrangère aux contemporains de Mme de Sévigné, si l’on se souvient qu’un certain nombre de moralistes, attentifs à dénoncer les ruses de l’amour-propre, ne manquent pas de jeter le soupçon sur la douceur, trop séduisante pour être honnête. C’est notamment le cas de Jacques Esprit, dont la marquise connaît La Fausseté des vertus humaines. Après avoir affirmé que « la douceur en certaines personnes est une envie de se faire aimer », Jacques Esprit réduit la douceur qu’affichent certains locuteurs en contexte polémique à une ruse argumentative : » La douceur dans la dispute est un secret désir de vaincre ceux contre qui nous disputons ; […] c’est une modération qu’on ne garde que pour en prendre avantage sur ceux avec qui on négocie18 ». Ainsi démystifiée, la douceur apparaît comme une stratégie visant à « gagner l’amitié de quelqu’un, l’attirer à soi, le disposer à suivre ses sentiments », ce qui est précisément la définition que donne Furetière du verbe concilier.

5Pour analyser les adoucisseurs qu’emploie Mme de Sévigné, certes de manière intuitive et empirique, mais en parfaite conformité avec l’art de plaire mondain, nous adopterons la classification bipartite qu’en propose Catherine Kerbrat-Orecchioni, qui distingue les procédés substitutifs des procédés accompagnateurs.

Les procédés substitutifs

  • 19 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, tome II, Paris, Armand C...

6Afin de contrecarrer le caractère autoritaire de ses conseils, Mme de Sévigné expérimente trois types de procédés substitutifs, qui « consistent à remplacer un élément de la formule normale – la plus simple et la plus directe – par un autre élément censé rendre plus polie la formule en question19 ».

  • 20 Ibid., p. 202.

7Soucieuse d’atténuer la charge intrusive de son propos, Mme de Sévigné recourt parfois à l’acte de langage indirect, c’est-à-dire au « remplacement d’un acte de langage par un autre acte estimé moins menaçant20 ». C’est ainsi que pour inciter sa fille à quitter Grignan, le temps que les longs travaux de rénovation du château entrepris par ses beaux-frères soient terminés, l’épistolière, plutôt que de formuler une requête, préfère le moyen détourné qui consiste à se mettre en scène à la place de sa fille, sur le mode de la simple hypothèse :

  • 21 Les citations des lettres de Mme de Sévigné, données entre parenthèses au ...

Pour moi, ma chère bonne, je m’en vais vous dire hardiment mon sentiment ; c’est que sur l’état du château de Grignan dont j’ai entendu parler, s’il est tel que vous y soyez très incommodée, que le coup de pic sur le rocher y fasse l’air mortel de Maintenon, ma chère bonne, sans me fâcher, sans gronder personne, sans me plaindre, sans me mettre en colère, je prierais M. de La Garde de vouloir bien que je demeurasse chez lui, avec Pauline, vos femmes et deux laquais, jusqu’à ce que la place fût nette et habitable. Voilà comme j’en userais tout bonnement, sans bruit. Vous feriez votre dépense à La Garde. Cela empêcherait mille visites importunes, qui comprendraient qu’un château où l’on bâtit n’est pas habitable. J’en userais tout comme je vous le dis, bien résolue d’y aller après l’Assemblée, et ce serait, comme je vous ai dit, sans aucun chagrin apparent, car surtout, ma chère bonne, il faut vivre en paix avec sa famille ; cela est capital, et ce parti y contribuerait. Et si les esprits sont bien raisonnables, ils devraient entrer les premiers dans cette proposition. Recevez ce conseil, ma bonne, et me répondez au moins des raisons que vous aurez pour n’en pas user ainsi. (18 octobre 1688 : III, 370)21

  • 22 A. Jaubert, La Lecture pragmatique, op. cit., p. 208.

L’irréel du présent, qui dégrade la requête en simple hypothèse, apparaît comme un moyen d’estomper le caractère péremptoire du conseil maternel, même si la clausule explicite la portée réelle du propos. Certes, le caractère courant d’un tel procédé fait que personne n’est dupe de ces résolutions strictement personnelles, apparemment sans portée prescriptive : la « dérivation illocutoire » est « transparente », et « ne laisse aucun doute sur l’acte qu’elle véhicule22 ». Pourtant, par ce jeu de rôles, Mme de Sévigné adoucit indéniablement le caractère autoritaire de ses conseils.

  • 23 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, op. cit., p. 204.

  • 24 Ibid., p. 206-207.

  • 25 Pour un réexamen problématisé des différents effets de sens du conditionne...

8Le souci qu’a l’épistolière de ne pas heurter la susceptibilité de sa fille la conduit également à faire grand usage des désactualisateurs (modaux et personnels), qui « ont pour fonction commune de mettre à distance la réalisation de l’acte problématique23 », en l’occurrence, de restreindre la portée intrusive des avis maternel. Parmi les « désactualisateurs modaux », le conditionnel fonctionne volontiers « comme une variante adoucissante de l’indicatif » ; c’est même « l’adoucisseur par excellence24 ». Les conseils de Mme de Sévigné sont très souvent formulés au conditionnel (conditionnel parfois appelé « de discrétion », « de retenue » ou encore « de précaution25 »), qu’ils portent sur la santé de Mme de Grignan,

Je vous conseillerais, ma bonne, de vous rafraîchir et de prendre de bons bouillons ; vous savez qu’il ne faut point craindre de se bien nourrir, et le sang échauffé vous pourrait donner la fièvre dans la saison où nous allons entrer, et ce serait une très fâcheuse affaire. (26 juillet 1671 : I, 306-307)

sur l’éducation de ses enfants,

Je voudrais, ma fille, que vous eussiez un précepteur pour votre enfant ; c’est dommage de laisser son esprit inculto. (16 juillet 1677 : II, 492) 

ou sur ses dépenses :

Nous serions d’avis que vous profitassiez, à Avignon, de la circonstance du Carême, et que vous ne tinssiez table que le vendredi et le samedi. (25 février 1689 : III, 515)

  • 26 P.-P. Haillet, « Nature et fonction des représentations discursives : le c...

  • 27 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, op. cit., p. 207.

9Nombreux sont ainsi les cas où l’emploi du conditionnel conduit à considérer qu’il s’agit d’une « version bémolisée26 » de l’assertion correspondante au présent. Quant aux « désactualisateurs personnels », qui reposent également sur « le mécanisme de distanciation par rapport à l’ici-maintenant », ils ont pour effet d’« estomper la référence aux interlocuteurs, et ce que l’expression de la relation intersubjective peut avoir pour eux de brutal et de menaçant27 ». Pour relativiser l’allure catégorique de son propos, Mme de Sévigné recourt parfois à l’indéfini. C’est ce qu’elle fait lorsque, ne comprenant pas que les Grignan puissent préférer la Provence à Versailles, elle leur reproche leur manque d’ambition personnelle et tente de les persuader que leurs mésaventures financières passées ne doivent pas les faire renoncer à revenir à la Cour :

C’est en ces occasions que l’on devrait bien sentir l’état où l’on s’est mis, qui presse et qui contraint et qui ôte la liberté ; mais on tâche à se remettre un peu, et l’on ne quitte point sa part de la fortune, quand on a des raisons d’y prétendre et qu’elle commence à nous montrer un visage plus doux. (13 mars 1680 : II, 869)

Il arrive d’ailleurs que l’accord de l’adjectif lève toute ambiguïté quant au référent du pronom on, confirmant ainsi le procédé d’énallage de personne, comme lorsque Mme de Sévigné tente de convaincre sa fille de ne plus séjourner à Grignan :

J’ai vu M. de Gordes. Il m’a dit bien sincèrement que, dans le bateau, vous étiez très abattue et très languissante et qu’à Aix vous étiez bien mieux, mais avec la même naïveté, il assure que tout l’air de Provence est trop subtil et trop vif et trop desséchant pour l’état où vous êtes. Quand on se porte bien, tout est bon, mais quand on est attaquée de la poitrine, qu’on est maigre, qu’on est délicate, on s’y met en état de ne pouvoir plus se rétablir. (30 janvier 1680 : II, 819)

  • 28 Ibid., p. 208.

D’autres fois, cette « stratégie de l’anonymat28 » passe par le choix du passif, qui présente l’intérêt de dissimuler l’avis maternel sur les dépenses excessives du comte derrière un constat d’apparence objective et consensuelle :

N’est-il point temps qu’il [M. de Grignan] en soit effrayé, et surtout quand il en voit les suites et sur qui cela tombe ? C’est une pensée bien naturelle que d’avoir regretté les extrêmes dépenses de votre séjour à Aix ; je ne l’ai pas moins senti que vous, ma bonne. Ordinairement les séjours en province ne sont pas faits à cette intention. (5 juin 1680 : II, 962)

Enfin, la volonté d’éviter de donner l’image d’une mère autoritaire conduit Mme de Sévigné à opter pour des tournures impersonnelles, qui ont l’avantage de présenter son opinion sous la forme d’un savoir universellement admis :

Évitez sur toute chose le cœur de l’hiver pour revenir, et le détour de Reims. Croyez-moi, il n’y a point de santé qui puisse résister à ces fatigues ; les voyages usent le corps comme les équipages. (4 septembre 1677 : II, 543)

10Pour tempérer la portée intrusive de son propos, Mme de Sévigné n’hésite pas à cumuler les désactualisateurs modaux et personnels, employant notamment des constructions impersonnelles au conditionnel :

Je suis fort aise que M. de Grignan soit content de ma lettre. J’ai dit assez sincèrement ce que je pense ; il devrait bien le penser lui-même et renvoyer toutes les fantaisies ruineuses qui servent chez lui par quartier. Il ne faudrait pas qu’elles dormissent, comme cette noblesse de basse Bretagne ; il serait à souhaiter qu’elles fussent entièrement supprimées. (5 juin 1680 : II, 962)

  • 29 J.-B. Morvan de Bellegarde, Réflexions sur ce qui peut plaire ou déplaire ...

Les désactualisateurs s’avèrent particulièrement adaptés à des conseils que Mme de Sévigné ne veut surtout pas dispenser avec une « sincérité » que Morvan de Bellegarde qualifierait d’« étourdie » et d’« indiscrète29 ».

  • 30 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, op. cit., p. 212.

  • 31 A. Jaubert, La Lecture pragmatique, op. cit., p. 210.

11Le caractère directif des avis maternels peut encore être voilé grâce à « différents types d’euphémismes », qui « ont pour fonction commune d’adoucir ou d’embellir la représentation de réalités déplaisantes30 », au premier rang desquels les figures métaphoriques. Faute d’étudier en détail les plaisantes personnifications auxquelles Mme de Sévigné recourt pour mettre en garde Mme de Grignan contre les méfaits de la bise ou du chocolat, contentons-nous de mentionner la brillante prosopopée de la paresse, qui illustre le fait que « l’illocutoire amorti sous les paroles indirectes et la parole ludique ont un commun dénominateur, l’artifice, et un lien pragmatique, le recul des engagements créés par ce qui est dit, sans vraiment l’être31 » :

Je ne vois pas un moment où vous soyez à vous. Je vois un mari qui vous adore, qui ne peut se lasser d’être auprès de vous, et qui peut à peine comprendre son bonheur. Je vois des harangues, des infinités de compliments, de civilités, des visites. On vous fait des honneurs extrêmes ; il faut répondre à tout cela. Vous êtes accablée ; moi-même, sur ma petite boule, je n’y suffirais pas. Que fait votre paresse pendant tout ce tracas ? Elle souffre, elle se retire dans quelque petit cabinet, elle meurt de peur de ne plus retrouver sa place ; elle vous attend dans quelque moment perdu pour vous faire au moins souvenir d’elle et vous dire un mot en passant. « Hélas ! dit-elle, mais vous m’oubliez. Songez que je suis votre plus ancienne amie ; celle qui ne vous ai jamais abandonnée, la fidèle compagne de vos plus beaux jours ; celle qui vous consolais de tous les plaisirs, et qui même quelquefois vous la faisais haïr ; celle qui vous ai empêchée de mourir d’ennui et en Bretagne et dans votre grossesse. Quelquefois votre mère troublait nos plaisirs, mais je savais bien où vous reprendre. Présentement je ne sais plus où j’en suis ; la dignité et l’éclat de votre mari me fera périr, si vous n’avez soin de moi. » Il me semble que vous lui dites en passant un petit mot d’amitié ; vous lui donnez quelque espérance de la posséder à Grignan. Mais vous passez vite, et vous n’avez pas le loisir d’en dire davantage. Le Devoir et la Raison sont autour de vous, qui ne vous donnent pas un moment de repos. Moi-même, qui les ai toujours tant honorées, je leur suis contraire, et elles me le sont ; le moyen qu’elles vous donnent le temps de lire de telles lanterneries ? (3 mars 1671 : I, 174)

  • 32 Id.

  • 33 Ibid., p. 207.

Caractéristique du badinage galant, ce morceau de bravoure évite à l’épistolière de réitérer ses objurgations quant au repos que devrait s’accorder la comtesse. Relégué derrière « une connotation ludique » qui, une fois « le contenu peu amène décodé, l’enrobe encore du trait d’esprit32 », le conseil maternel s’en trouve considérablement adouci, puisqu’il s’inscrit « dans un espace pacifié, ludique, qui sollicite […] la complicité de l’autre33 ».

  • 34 C. Kerbrat-Orecchioni, article « Adoucisseur », op. cit., p. 28. Alors que...

  • 35 M. de Scudéry, « De la complaisance », Conversations sur divers sujets, op...

12On pourrait croire que confrontée au risque de déplaire à sa fille, Mme de Sévigné soit tentée de recourir plus fréquemment aux procédés substitutifs, qui consistent « à remplacer l’expression “menaçante” par une formulation édulcorée », qu’aux procédés accompagnateurs, qui consistent « à l’accompagner d’une sorte de “bémol”34 ». Tel n’est pourtant pas le cas. Consciente que « la dernière marque d’amitié, est de donner un avis fidelle35 », la marquise préfère formuler ses conseils sans détour, tout en les accompagnant de précautions oratoires qui visent à en résorber, voire à en annuler, la teneur désagréable.

Les procédés accompagnateurs

13Aussi fastidieux que paraisse le relevé des sept types de procédés accompagnateurs répertoriés par Catherine Kerbrat-Orechioni il n’en est pas moins nécessaire lorsque l’on cherche à rendre compte de la manière dont l’épistolière parvient à tempérer la charge intrusive dont ses conseils sont porteurs, c’est-à-dire à cultiver une stratégie de conciliation à l’égard d’une fille hostile aux interventions de sa mère.

14Certes, il arrive que Mme de Sévigné accompagne ses conseils de formules de politesse qui s’efforcent d’atténuer la pression qu’exerce l’impératif, comme lorsqu’il s’agit d’une grossesse à éviter :

Je vous prie, ma bonne, ne vous fiez point aux deux lits ; c’est un sujet de tentation. Faites coucher quelqu’un dans votre chambre ; sérieusement, ayez pitié de vous, de votre santé, et de la mienne. (23 décembre 1671 : I, 398)

  • 36 À cet égard, leur mode de fonctionnement peut être rapproché de celui de c...

Pourtant, sans doute en raison de leur caractère stéréotypé36, de telles formules sont rares.

15De même, si les énoncés préliminaires, qui visent à relativiser le caractère dogmatique du conseil en le présentant sous un angle volontiers irénique (l’avertissement d’une mère à une fille pleine de bonté),

M. de Grignan demande un très beau justaucorps. C’est une affaire de sept ou huit cents francs ; qu’est devenu un très beau qu’il avait ? Souffrez, ma bonne, que je vous avertisse que l’on ne donne guère de ces sortes de guenilles et que les morceaux en sont bons. (6 avril 1672 : I, 471)

sont relativement peu nombreux, c’est certainement parce que Mme de Sévigné en ressent le caractère abusivement formel.

16En revanche, l’épistolière utilise fréquemment les procédés réparateurs, qui, en conjuguant habilement les excuses et les justifications, légitiment les conseils maternels : en soulignant que ses avis proviennent d’une manière d’aimer donnée comme supérieure à toute autre, Mme de Sévigné en contrecarre le caractère importun. Tantôt les clausules qui suivent les conseils insistent simplement sur leur origine,

Voilà ce que mon amitié et ma prévoyance me forcent de vous dire. (10 octobre 1673 : I, 596)

tantôt elles obligent Mme de Grignan à en reconnaître la valeur affective et morale,

Voyez, ma chère bonne, ce que vous pourrez faire de cette pensée, car je vous aime si fort, et tous vos intérêts me sont si chers, que je ne puis m’empêcher de me mêler de toutes vos affaires. Cela est bien naturel, et une suite bien ordinaire de la grande amitié. (25 février 1689 : III, 514)

tantôt elles sollicitent explicitement l’indulgence de la destinataire,

Je crois, ma bonne, que l’amitié que j’ai pour vous, et l’intérêt que je prends à tout ce qui vous touche, vous doit faire recevoir agréablement ce que je vous dis. Mandez-moi si je me trompe. (22 avril 1672 : I, 487)

tantôt elles légitiment par avance toutes les intrusions à venir :

Je vous conjure, ma bonne, de pardonner ces tirades de réflexions à l’extrême tendresse que j’ai pour vous. Il faut m’arracher le cœur qui vous aime, ou souffrir que je prenne un grand et pressant intérêt à vous ; cela ne se peut séparer. (6 avril 1672 : I, 471)

Certes, le procédé de la protestation d’amitié est utilisé par les contemporains de Mme de Sévigné de manière courante. Pourtant, compte tenu de la singularité du lien qui unit la marquise et sa fille, de telles assurances revêtent une signification irréductible à un usage pratiqué par obligation de civilité. Aussi agacée que puisse être Mme de Grignan par les conseils de sa mère, elle ne peut que reconnaître les élans du cœur qui s’expriment sous la forme de sempiternelles recommandations. En reliant sa propension à prodiguer des avis qui n’ont pas été sollicités aux sentiments extraordinaires qui l’animent, la marquise en assume radicalement la valeur, en même temps qu’elle l’impose à sa fille.

  • 37 C. Kerbrat-Orecchioni, art. « Adoucisseur », op. cit., p. 29.

  • 38 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, op. cit., p. 217.

17Dotés d’une fonctionnalité pragmatique assez semblable, les désarmeurs servent à « anticip[er], en tentant du même coup de la désamorcer, une éventuelle réaction négative du destinataire37 », ce qu’ils font d’ailleurs « par des moyens d’ailleurs plus conjuratoires qu’argumentatifs – reconnaissance du problème, acte de contrition, appel à l’indulgence38 » :

Ma pauvre bonne, je vous demande mille excuses des ennuyeuses prôneries où je me suis embarquée. Voici une très abominable lettre, et très inutile, car je crois que vous pensez à tout, mais la peine que me donnent les dépenses inutiles que vous pourriez faire a forcé ma discrétion, et je n’ai pu retenir ni mon affection, ni ma plume ; il ne m’arrive pas souvent de traiter ces chapitres. (3 juillet 1675 : I, 747)

Pour topiques qu’elles soient, de telles précautions permettent de préserver à moindre coût l’image d’une mère capable de cultiver l’autodérision au point de désigner ses avis comme d’« ennuyeuses prôneries ».

  • 39 C. Kerbrat-Orecchioni, art. “Adoucisseur », op. cit., p. 29.

  • 40 Fr. de Fenne, Le secrétaire à la mode reformé ou le Mercure nouveau Conten...

  • 41 Cl. Irson, « Methode pour bien ecrire & composer des lettres, que l’on app...

18Parmi les ruses dont dispose l’épistolière pour neutraliser la dissymétrie relationnelle induite par l’énonciation de conseils, figurent les amadoueurs, qui visent « à compenser par quelque “douceur” l’amertume du FTA (Face Threatening Act)39 ». Afin de s’attirer l’indulgence de sa destinataire, Mme de Sévigné n’hésite pas à accompagner ses recommandations de louanges, conformément aux préceptes que dispensent les manuels d’art épistolaire à propos de la lettre d’avis ou de conseil. C’est ainsi que François de Fenne souligne que « par ce que la plupart des hommes ne peuvent souffrir, qu’on leur montre leurs defauts, on se trouve obligé en cette occasion de les exciter à entreprendre ce qu’on leur propose par des Louanges40 ». Quant à Claude Irson, il insiste sur le fait que « parce que personne ne peut souffrir qu’on luy reproche ses défauts, il faut les adoucir par des loüanges, & dire que ce défaut obscurcit l’éclat de tant de vertus qu’il possede ; & que sans ce petit nuage, elles seroient encore bien plus éclatantes41 ». Qu’elles évoquent « les merveilles » que réalise Mme de Grignan ou ses « perfections »,

Vous avez donc, ma bonne, chez vous, présentement, toute la foire de Beaucaire. N’avez-vous point encore mis l’habileté de vous [défaire] des équipages dans le nombre des merveilles que vous faites en Provence ? (2 août 1671 : I, 311)

L’Abbé est ravi de vous voir appliquée à vos affaires. Il vous trouve digne de tous ses soins, du moment que vous songez à mettre la règle dans votre maison. Ajoutez cette perfection à toutes les autres ; ne vous relâchez point. Il n’est pas question de suivre toujours les beaux sentiments ; il faut avoir pitié de soi, et avoir de la générosité pour soi-même, comme on en a pour les autres. En un mot, continuez tous vos bons commencements, et amusez-vous à vous conserver, et à bien conduire vos affaires. (8 mai 1671 : I, 249)

  • 42 Pour une réflexion sur les stratégies d’« amadouage » les plus usuelles et...

les blandices de la marquise répondent à la nécessité pragmatique d’amadouer42 sa destinataire.

  • 43 Telle est la distinction que fait A. Furetière dans ses Essais de Lettres ...

  • 44 Voir C. Kerbrat-Orecchioni, L’Énonciation de la subjectivité dans le langa...

19Pour donner aux conseils qu’elle prodigue un aspect moins catégorique, Mme de Sévigné fait encore un usage abondant des modalisateurs, le fait de mentionner sa subjectivité grâce à des énoncés modalisés constituant un moyen efficace de relativiser l’allure péremptoire du propos. Aux « lettres de conseil » où « l’on propose affirmativement la chose comme bonne », la marquise, prudente, préfère « celles où l’on parle en doute43 ». Que les verbes évaluatifs44 expriment une certitude strictement personnelle,

Ce n’est pas une chose aisée que de trouver ici une bonne gouvernante qui veuille s’établir à Grignan. Si vous en trouviez dans le pays, je crois que vous feriez mieux d’en prendre. (10 février 1672 : I, 435)

présentent le jugement maternel comme incertain,

Vous pourriez juger vous-même s’il serait propre à M. de Grignan ; il me paraît qu’il faut avoir cette patience. Voilà mon avis en beaucoup de paroles. (11 août 1676 : II, 365)

Enfin il me semble que cela vaut mieux. Mais qu’en dit Monsieur l’Archevêque ? Son avis vous doit décider. (9 juin 1680 II, 964)

  • 45 Sur le fonctionnement discursif de ce verbe, voir O. Ducrot, Les Mots du d...

signifient une opinion subjective, grâce au verbe trouver45,

En attendant, je trouve que les moindres ressources des maisons comme la vôtre sont considérables. (21 juin 1671 : I, 275) 

  • 46 On aura reconnu la terminologie d’A. Berrendonner, qui distingue la L-véri...

ou communiquent une simple conviction intime46,

Je suis persuadée que cela vaudra mieux qu’un couvent. (24 janvier 1689 : III, 482)

  • 47 Fr. de Fenne, Le secrétaire à la mode reformé, op. cit., p. 29.

ils permettent « de s’insinuer adroitement dans l’Esprit de Celuy, que l’on veut informer de quelque chose, & lui faire voir par forme d’Avis plutôt que par conseil, ce qu’il doit faire47 ».

  • 48 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, op. cit., p. 218.

20Enfin, pour atténuer l’aspect menaçant de ses conseils, il arrive que Mme de Sévigné emploie des minimisateurs, qui consistent précisément à « minimiser le coût de l’incursion48 » :

Il me prit hier une folie de craindre le feu à l’hôtel de Carnavalet : c’est peut-être une inspiration. Ma bonne, redoublez vos ordres ; qu’on n’aille point à la cave aux fagots, comme on y va toujours, avec une chandelle sans lanterne, et qu’on prenne garde en haut au voisinage du grenier au foin. Vos gens n’y perdraient rien, et nous en serions ruinés. Voilà une jolie fin de lettre, et bien spirituelle, mais elle ne sera peut-être pas inutile. Clairotte et L’Épine sont sages. Ma bonne, je vous demande en vérité pardon de cette prévoyance, mais quand les jours ont douze heures, et qu’on n’a pas beaucoup d’affaires, on pense à tout. (5 novembre 1684 : III, 154) 

21En présentant son avis comme une « folie » imputable autant à son tempérament inquiet qu’à son excès de loisir, Mme de Sévigné en restreint considérablement la teneur agressive, tout en prouvant une fois de plus qu’elle est capable de se moquer d’elle-même.

Conclusion

  • 49 Parmi les consignes que donne Pierre Ortigue de Vaumorière à propos des « ...

  • 50 Mlle de Scudéry, « De la douceur », Conversations nouvelles sur divers suj...

22Consciente que les personnes qui se permettent de donner des conseils doivent cultiver modestie, discrétion et modération (pour reprendre des termes récurrents sous la plume des théoriciens de la civilité), Mme de Sévigné exploite tous les procédés dont dispose la langue pour tempérer les actes qui pourraient heurter la susceptibilité de sa destinataire. Sans cesse écartelée entre des injonctions contradictoires (faire bénéficier sa fille de son expérience sans verser dans l’indiscrétion ; communiquer sincèrement son opinion sans paraître autoritaire), l’épistolière s’efforce de contrecarrer les risques liés à l’énonciation d’avis. À l’opposé aussi bien d’une lâche et flatteuse complaisance que d’une intransigeante sévérité, l’épistolière choisit de conférer à ses conseils la puissance insinuante49 de la douceur. Que celle-ci soit à comprendre comme un agrément du discours impérieusement requis par la vie en société, c’est ce que confirme Madeleine de Scudéry (dont la marquise lit les ouvrages au fur et à mesure qu’ils paraissent), qui fait affirmer à Climene que ce qu’elle appelle la « douceur raisonnable » ne consiste en fin de compte qu’à avoir « du jugement, de la politesse, & de sçavoir-vivre », avant de lui faire conclure qu’« une Dame qui aura ces trois qualitez ne sera jamais douce avec excez, ny hors de propos, ny fiere jusqu’à la rudesse & à l’incivilité50 ».

23Qualité du dire, la douceur, qui garantit la bienséance des avis maternels et accroît par conséquent leurs chances de succès, fonctionne donc bien comme une stratégie de conciliation, que le terme soit pris dans son sens psychologique d’accord des volontés et des humeurs, ou dans son sens rhétorique de disposition favorable des esprits.

Notes

1 A. Furetière, Dictionnaire universel…, La Haye-Rotterdam, Arnout et Reiner Leers, 1690 [Genève, Slatkine reprints, 1970].

2 Dictionnaire de l’Académie Françoise, Paris, Veuve J.-B. Coignard, 1694.

3 C. Lignereux, « Le conseil, un acte de langage contraire aux bienséances ? », dans I. Garnier et O. Leplatre (dir.), « Impertinence générique et genres de l’impertinence (XVI-XVIIIe siècles) », Cahiers du Gadges, n° 10, Genève, Droz, 2012, p. 451-460.

4 Fr. Nies, Les Lettres de Mme de Sévigné. Conventions du genre et sociologie des publics, Paris, Champion, 2001, p. 238-243.

5 D. Denis, « La douceur, une catégorie critique au XVIIe siècle », dans M.-H. Prat et P. Servet (dir.), Le doux aux XVIe et XVIIe siècles. Écriture, esthétique, politique, spiritualité, Colloque des 28 et 29 mars 2003, Lyon, Université Jean Moulin-Lyon 3, coll. « Cahiers du Gadges », 2003, p. 239-260.

6 M. de Scudéry, « De la complaisance », Conversations sur divers sujets, t. I, Paris, Cl. Barbin, 1680, p. 326.

7 Fr. de Callières, Du bon et du mauvais usage dans les manieres de s’exprimer…, Paris, Cl. Barbin, 1693, p. 90.

8 J.-B. Morvan de Bellegarde, Réflexions sur la politesse des mœurs, Paris, J. Guignard, 1698, p. 178. Sur l’opposition entre l’efficacité de « quelques reproches tendres » et l’inefficacité de ceux qui sont faits « d’une manière trop aigre », ibid., p. 208.

9 J.-B. Morvan de Bellegarde, Réflexions sur ce qui peut plaire ou déplaire dans le commerce du monde, Amsterdam, Henri Schelte, 1712, p. 31-32.

10 « […] il ne faut point mêler d’aigreur dans les avis que l’on donne ; que les reprimandes ne soient point assaisonnées de reproches trop aigres ; […] », Morvan de Bellegarde, Idée parfaite de l’amitié. Suite des réflexions, t. III, Paris, Arnoul Seneuze, 1691, p. 332.

11 On se reportera à l’article synthétique de C. Kerbrat-Orecchioni, « Face », dans P. Charaudeau et D. Maingueneau (dir.), Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Seuil, 2002, p. 259-261.

12 Sur la fonction de la négociation dans les interactions en général, et dans l’échange en particulier, voir les analyses pionnières de J. Moeschler, Argumentation et conversation, Paris, Hatier, 1985, p. 169-177.

13 Nous renvoyons à la mise au point d’A. Jaubert, La Lecture pragmatique, Paris, Hachette, 1990, p. 209.

14 C. Kerbrat-Orecchioni, article « Adoucisseur », dans le Dictionnaire d’analyse du discours, op. cit., p. 28.

15 Nous renvoyons à la définition fondatrice de J. Searle, Sens et expression. Études de théorie des actes de langages, Paris, Minuit, 1982, p. 53. Sur les raisons de distinguer l’acte de conseiller et celui d’avertir, voir, du même auteur Les Actes de langage [1969], Paris, Hermann, coll. « Savoir », 1972, p. 109.

16 J.-B. Morvan de Bellegarde, Idée parfaite de l’amitié, op. cit., p. 333.

17 J.-B. Morvan de Bellegarde, Réflexions sur le ridicule, et sur les moyens de l’eviter, Paris, Jean Guignard, 1696, p. 60.

18 J. Esprit, La Fausseté des vertus humaines [1678], Paris, Aubier, 1996, chap. XI, « La douceur », p. 204.

19 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, tome II, Paris, Armand Colin, 1992, p. 200.

20 Ibid., p. 202.

21 Les citations des lettres de Mme de Sévigné, données entre parenthèses au fil du texte, mentionnent la date de la lettre et sa pagination (tome et page) dans l’édition de référence : Correspondance, éd. R. Duchêne, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 3 volumes, 1972-1978.

22 A. Jaubert, La Lecture pragmatique, op. cit., p. 208.

23 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, op. cit., p. 204.

24 Ibid., p. 206-207.

25 Pour un réexamen problématisé des différents effets de sens du conditionnel, voir M. Wilmet, « L’architectonique du “conditionnel” », dans P. Dendale et L. Tasmowski (dir.), Le conditionnel en français, Metz, Université de Metz, p. 21-44.

26 P.-P. Haillet, « Nature et fonction des représentations discursives : le cas de la stratégie de la version bémolisée », Langue française, n° 142, P.-P. Haillet (dir.), « Procédés de modalisation : l’atténuation », juin 2004, p. 7-16.

27 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, op. cit., p. 207.

28 Ibid., p. 208.

29 J.-B. Morvan de Bellegarde, Réflexions sur ce qui peut plaire ou déplaire dans le commerce du monde, op. cit., p. 32.

30 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, op. cit., p. 212.

31 A. Jaubert, La Lecture pragmatique, op. cit., p. 210.

32 Id.

33 Ibid., p. 207.

34 C. Kerbrat-Orecchioni, article « Adoucisseur », op. cit., p. 28. Alors que la première typologie des adoucisseurs que présente l’auteur parle de « procédés additifs » (Les Interactions verbales, op. cit., p. 214), la synthèse ultérieure préfère le terme d’« adoucisseurs ».

35 M. de Scudéry, « De la complaisance », Conversations sur divers sujets, op. cit., p. 326.

36 À cet égard, leur mode de fonctionnement peut être rapproché de celui de certaines tournures à l’impératif qu’étudie A. Jaubert : « leur inscription dans des formules au sémantisme usé en font des appuis internes au discours. “Façons de parler” qui n’engendrent pas d’écho, elles ne prétendent pas au sens strict “faire pression” sur le destinataire. » (Étude stylistique de la correspondance entre Henriette et J.-J. Rousseau, La subjectivité dans le discours, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1987, p. 208). Voir également les analyses de C. Kerbrat-Orecchioni sur les « expressions formulaires », Les Interactions verbales, op. cit., p. 194-195.

37 C. Kerbrat-Orecchioni, art. « Adoucisseur », op. cit., p. 29.

38 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, op. cit., p. 217.

39 C. Kerbrat-Orecchioni, art. “Adoucisseur », op. cit., p. 29.

40 Fr. de Fenne, Le secrétaire à la mode reformé ou le Mercure nouveau Contenant les lettres Choisies des plus beaux esprits de ce Tems, Leyde, J. Hackius, 1684, p. 29.

41 Cl. Irson, « Methode pour bien ecrire & composer des lettres, que l’on appelle epistres », contenue dans la Nouvelle Methode pour apprendre facilement les principes et la pureté de la langue françoise…, Paris, Gaspard Meturas, 1656, p. 227-249 [Genève, Slatkine, 1973], p. 244.

42 Pour une réflexion sur les stratégies d’« amadouage » les plus usuelles et les plus spontanées, voir V. Traverso, La Conversation familière. Analyses pragmatique des interactions, Lyon, PUL, 1996, p. 44-66.

43 Telle est la distinction que fait A. Furetière dans ses Essais de Lettres familieres Sur tout sorte de Sujets. Avec Un Discours sur l’Art Epistolaire. Et quelques remarques nouvelles sur la Langue Françoise [Paris, Jacques Le Febvre, 1690], dans A. Furetière, Nouvelle allégorique ou Histoire des derniers troubles arrivés au Royaume d’Éloquence (1659) - Essais de Lettres familières (1690), éd. M. Bombart et N. Schapira, Toulouse, Société de Littératures classiques, coll. « Rééditions de textes du XVIIe siècle », supplément de la revue Littératures classiques, 2004, p. 214.

44 Voir C. Kerbrat-Orecchioni, L’Énonciation de la subjectivité dans le langage, Paris, Armand Colin, 1980, p. 118.

45 Sur le fonctionnement discursif de ce verbe, voir O. Ducrot, Les Mots du discours, Paris, Minuit, 1980, p. 57-92.

46 On aura reconnu la terminologie d’A. Berrendonner, qui distingue la L-vérité, la ON-vérité et la Ø-vérité, Éléments de pragmatique linguistique, Paris, Minuit, 1981, p. 50-58.

47 Fr. de Fenne, Le secrétaire à la mode reformé, op. cit., p. 29.

48 C. Kerbrat-Orecchioni, Les Interactions verbales, op. cit., p. 218.

49 Parmi les consignes que donne Pierre Ortigue de Vaumorière à propos des « lettres du genre Deliberatif », on trouve essentiellement celle-ci : « On y doit emploier ce que l’on trouve de plus solide dans le raisonnement, & ce qu’il y a de plus insinuant dans les expressions. », Lettres sur toutes sortes de sujets, avec des avis sur la maniere de les écrire, Paris, Jean Guignard, 1690, p. 218.

50 Mlle de Scudéry, « De la douceur », Conversations nouvelles sur divers sujets, Paris, Claude Barbin, 1684, p. 272-273.

Pour citer ce document

Cécile Lignereux, «La douceur comme stratégie de conciliation épistolaire», La Réserve [En ligne], La Réserve, Archives Cécile Lignereux, mis à jour le : 30/10/2023, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/reserve/394-la-douceur-comme-strategie-de-conciliation-epistolaire.

Quelques mots à propos de :  Cécile  Lignereux

RARE Rhétorique de l’antiquité à la Révolution / UMR 5316 Litt&Arts (CNRS/UGA)

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