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Une catégorie “ mineure ” de l’esthétique théâtrale au XVIIe siècle : la magnificence
Article publié dans : Littératures classiques, H. Baby dir., « Le Théâtre au XVIIe siècle : la pratique du mineur », n° 51, automne 2004, , p. 233-251
Texte intégral
1Notre compréhension de la littérature du XVIIe siècle est longtemps passée et passe encore par des notions postclassiques, parmi lesquelles deux notions majeures, celle même de classicisme et celle de baroque. Ces deux notions avaient l’avantage de caractériser de façon totalisante le "style d’une époque ”, d’être en même temps des catégories esthétiques et des catégories historiques. Cette belle coïncidence est cependant vite devenue une ambiguïté (qu’on décèle dès l’origine dans l’œuvre de Wölfflin). Ces notions ont amené à des considérations impliquant des concepts historiques douteux : l’exemple le plus frappant en est la manière d’expliquer l’esthétique des fêtes, du théâtre à machines, de l’opéra par une persistance ou une résurgence du baroque au sein du classicisme.
2Une autre démarche a été de puiser dans le vocabulaire classique même de quoi penser l’esthétique littéraire du XVIIe siècle : ainsi est né l’intérêt pour les notions d’honnêteté et plus récemment de galanterie. Le présent article propose l’hypothèse selon laquelle il y a un intérêt à ranger avec ces notions celle de magnificence.
Magnificence, honnêteté, galanterie
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1 Sur la notion de “ style cognitif ” articulant regard esthétique et “ expér...
3Plusieurs indices invitent à rapprocher les trois notions. Elles sont des catégories à la fois psychologiques, sociales, politiques (c’est-à-dire “ morales ” au sens de l’époque) et esthétiques (rhétoriques, poétiques). Elles ont ou se trouvent des origines dans les vieux livres, dans la rhétorique, la littérature et la morale antiques, tout en s’ancrant dans le vécu des contemporains1. Elles se vivent sur le mode nostalgique du paradis perdu (urbanité des Romains, élégance grecque, galanterie et magnificence des fastes de l’Antiquité ou des derniers Valois), tout en apparaissant comme un caractère même de la modernité française.
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2 Pour les trois notions ensemble, voir par exemple La Fontaine, “ Le magnifi...
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3 Voir par exemple Les continuateurs de Loret, éd. J. de Rothschild, Damascèn...
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4 Sur galant comme “ praxème ”, voir D. Denis, Le Parnasse galant, institutio...
4Les trois notions apparaissent parfois ensemble. L’association de la magnificence et de la galanterie est particulièrement fréquente2. Les deux notions sont des notions-clés de la rhétorique de l’éloge des divertissements et cérémonies, telle qu’elle se déploie, stéréotypée avec humour, dans les “ lettres en vers ” de Loret et de ses continuateurs3. Ce dernier point suggère ce qui profondément réunit ces trois notions : plus que leur contenu sémantique exact qui varie selon le contexte4, elles se caractérisent par la rhétorique dont elle relève, l’épidictique de louange, elles participent toutes de la catégorie du louable.
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5 L’Art français, Ancien régime, 1620-1775, Flammarion, 2000 (Tout l’art), p....
5Quelles sont les choses qui peuvent être magnifiques ? Dans le Dictionnaire de l’Académie de 1694, l’article “ Magnifique ” parle des présents, des réceptions, des festins, des habits, du train, des bâtiments et des meubles, enfin du style. Il signale la proverbiale magnificence des Romains dans leurs spectacles et leurs temples. Les mots magnifique, magnifiquement et magnificence apparaissent une petite centaine de fois sur l’ensemble du dictionnaire et leurs occurrences confirment qu’on a bien dans l’article “ Magnifique ” la liste des catégories de choses et d’occasions où se déploie la magnificence : la rhétorique (“ Éloge ”, “ Narration ”), l’invitation à manger (“ Ambigu ”, “ Banquet ”, “ Disner ”, “ Festin ”, “ Régale ”, “ Repas ”), les habits, le train et l’équipage (“ Appareil ”, “ Convoy ”, “ Carosse ”, “ Déshabillé ”, “ Habillement ”, habit dans l’article “ Honnête ”, “ Toilette ”, “ Simare ”), les jeux, les fêtes et les cérémonies (course de bague dans “ Bague ”, entrée solennelle dans “ Entrée ” et “ Appareil ”, “ Noce ”, “ Pompe ”, réception d’Ambassadeurs dans “ Réception ” , “ Séance ”, “ Tournoi ”), les bâtiments et les objets (“ Bastiment ” ”, meuble dans “ Honnête ” et “ Meuble ”, “ Pagode ”, “ Palais ”, “ Portail ” d’une église, d’un palais, “ Portique ”, “ Temple ”, “ Thèse ”, “ Torchère ”, “ Throne ”). Le magnifique semble ici être bien proche de ce qu’André Chastel appelait “ la grande manière ”5. Le survol de l’ensemble du dictionnaire ne permet de compléter l’article “ Magnifique ” que pour ce qui concerne le monument, l’enterrement, le mausolée, le sépulcre, le tombeau (articles sous cette entrée), l’appareil de la pompe funèbre (“ Pompe ”).
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6 Fables, I, 9.
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7 Donnant des préceptes sur les vêtements, Courtin (Nouveau traité de civilit...
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8 Ou par synecdoque à des mots comme cœur (exemple : Molière, Dépit amoureux,...
6Quand on cherche à délimiter le champ sémantique du mot honnête, une des acceptions du mot embarrasse, celle par laquelle le mot signifie quelque chose comme “ tout juste correct ”. Cette acception est illustrée dans le premier Dictionnaire de l’Académie : un meuble n’est “ pas magnifique, mais honnête ” (article “ Honnête ”). Il faut comprendre que “ rien n’y manque ”, comme dans le “ régale ” offert par le rat des villes6. Cet emploi suggère ce qui fait la cohérence des catégories auxquelles peuvent s’appliquer les mots honnête et magnifique : c’est tout ce qui peut exprimer les “ marques ” de la qualité d’une personne ou d’une circonstance, ce qui relève de la “ propreté ”7. Les notions de magnificence et d’honnêteté ont cela de commun qu’elles expriment une bienséance, la différence entre les deux venant des paramètres habituels de la bienséance, la personne et l’occasion. L’honnêteté est dans l’ordinaire ce que la magnificence est dans l’extraordinaire. D’où la possibilité de la gradation : “ pas magnifique, mais honnête ”, “ honnête et même magnifique ”, impossible avec “ méchant ”, car c’est là la forme malséante du simple : un “ méchant habit ” est un habit qui n’est pas “ honnête ”. L’exceptionnel qu’implique le magnifique peut être lié à la personne. Appliqué à des personnes8, magnifique d’après le Dictionnaire de l’Académie sert de synonyme à seigneurial, royal. La magnificence rentre dans l’énumération des vertus du Prince avec la valeur et la libéralité (article “ Briller ”), la grandeur (“ Approcher ”), la sagesse et la valeur (“ Admirer ”), la générosité (“ Royal ”). Un homme magnifique est un homme qui vit en roi (“ Roy ”). Elle peut être liée à l’occasion : c’est le sens concret de “ magnificence ”, fête d’exception, pompeuse cérémonie. En 1697, Saint-Simon et sa femme dépense vingt mille livres parce que Louis XIV a fait savoir “ qu’il serait bien aise que la cour fût magnifique ” pour le mariage du duc de Bourgogne.
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9 Aristote, Éthique à Nicomaque, livre IV, 1122a-1123a.
7La morale du lexique du XVIIe siècle est donc bien proche encore de la morale aristotélicienne. Pour Aristote, la magnanimité (vertu moyenne entre le vice de la vanité indue et celui de la pusillanimité) et la magnificence (vertu moyenne entre le vice de l’excès de mauvais goût et celui de la mesquinerie) sont le symétrique de deux autres vertus qui concernent aussi respectivement l’honneur et l’argent. La première n’a pas de nom, c’est la juste ambition ; la seconde est la libéralité. Ce qui oppose ces deux couples, c’est que le premier relève du grand, de l’extrême, de l’exceptionnel et le second de l’ordre commun. Il est question ici d’esthétique : le magnifique est un connaisseur qui dépense en vue du beau9. Mais il est surtout question de bienséance. Il sied au commun d’être libéral, au grand d’être magnifique. La libéralité et la magnificence ne dépendent pas que de la personne, elles dépendent aussi de la circonstance et de l’objet. Les occasions de grandes dépenses seront d’abord les dépenses publiques : cérémonies religieuses, chorégies, festins. Ce seront aussi les dépenses privées : “ mariage ou quelque chose de ce genre ”, hôtes qui viennent ou s’en vont, cadeaux.
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10 Réunion des Musées Nationaux, 1994 (catalogue d’une exposition du cycle “ ...
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11 Ibid., p. 12-13.
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12 Sur la notion de tribut, voir Gabriel Tarde, “ L’opinion et la conversatio...
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13 Aristote, Éthique à Nicomaque, livre IV, 1123b-1125a.
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14 Voir les fêtes organisées par le roi des animaux dans La Fontaine, Fables,...
8Jean Starobinski a consacré un livre, Largesse, pour étudier “ quelques-unes unes des formes les plus marquantes du geste donateur10 ”. En ouverture, il invoque le célèbre Essai sur le don de Marcel Mauss et se propose d’“ inclure le don dans une histoire et une philosophie de la dépense ”, en inscrivant le phénomène “ en chaque culture dans le contexte de la circulation générale des biens11 ”. La perspective est plus précise que celle qui nous intéresse ici : on l’a vu, le don fastueux n’est qu’un des aspects de la magnificence. Elle nous met cependant sur la voie pour définir la magnificence en la mettant en rapport avec la circulation des signes sinon des biens, avec la dépense pensée comme “ monnaie de la renommée ” pour reprendre un titre de chapitre de l’essai de Mauss. L’honnêteté suppose un échange, elle s’inscrit dans une relation réciproque, elle est du domaine de la civilité entre égaux. Le service, le don et la formule de politesse sont offerts et rendus, la surenchère est pacifiante, elle est circulation horizontale de biens et de signes. L’absence de la nécessité de l’échange est l’idéal de cette relation : entre amis, point de cérémonie. La magnificence relève en revanche de la relation non réciproque ou de la relation faussement réciproque entre grands. Son domaine est celui du devoir de respect ou de la cérémonie. La relation inégalitaire du devoir de respect se caractérise par les formes non réciproques de l’échange : dans le sens ascendant, le don dû au supérieur, le tribut12 ; dans le sens descendant, le don gratuit et impossible à rendre. Aristote souligne que le magnanime n’a pas à remercier, il a droit à l’ingratitude, et qu’en même temps il pratique la générosité gratuite, par exemple la clémence13. C’est par-là que se rejoignent magnanimité et magnificence. Le magnifique fait des dons qui n’entrent pas dans un échange, mais qui au contraire empêche l’échange. Comme la magnanimité, la magnificence en impose : elle rime avec dépense, mais aussi puissance14. Quant à la relation égalitaire entre grand, elle ne fonctionne pas non plus selon la logique de l’échange, mais selon une logique de la surenchère agonistique (le potlatch).
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15 “ La galanterie auprès des dames sied bien à un jeune homme ”, Dictionnair...
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16 Corneille, Polyeucte, I, 3 (v. 130-135) ; Quinault, Alceste, V, 3 (v. 848-...
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17 La Rochefoucauld, maxime 402 et Montesquieu, L’Esprit des lois, XXVIII, 22...
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18 Voir D. Denis, ouvr. cité, p. 287 et suivantes (chapitre intitulé “ L’eros...
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19 Sur le “ paradigme féminin ” de la galanterie, voir D. Denis, ouvr. cité, ...
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20 C’est M. Magendie qui a défini le burlesque comme une jeu de négation de l...
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21 Balzac, Les Entretiens, Entretien XXXVIII, éd. B. Beugnot, Marcel Didier, ...
9La galanterie trouve sa place dans cette structure. La notion est en rapport avec le don, comme l’indique un des emplois du mot. Mais son sens n’est pas à rechercher dans une forme particulière du don, il l’est dans la nature particulière d’une relation, la relation hétérosexuelle prénuptiale15, que la “ fêtes galante ” du mariage couronne, mais aussi termine (thème galant de la nostalgie du moment où le mari n’était encore qu’un “ amant16 ”). La galanterie dans son sens large, la galanterie “ qui n’est point l’amour17 ”, désignera un jeu de séduction pareil aux jeux prénuptiaux18. Or ces derniers sont des jeux inversifs : l’homme, par son sexe socialement dominant et jouant ce rôle sérieux dans la relation matrimoniale, y joue le rôle du dominé. La galanterie privilégie donc les valeurs dominées, “ mineures ” : jeunesse, féminin19, futilité, privé, jeu. La galanterie est un jeu avec la bienséance, comme dans un autre ordre le burlesque20. Reste que le jeu avec la bienséance est lui-même réglé par la bienséance : c’est un jeu qui ne convient qu’à certaines occasions. Dans la galanterie et le burlesque, on joue à être volontairement “ déplacé ”. Mais ce jeu n’est qu’un jeu et un jeu qui n’est pas toujours bienséant. Guez de Balzac pour critiquer le burlesque dit qu’on ne peut toujours employer des mots burlesques de même qu’on ne fait pas carnaval tous les jours21. La galanterie peut elle aussi sortir de l’honnêteté. Comme substantif, galant pourra dénoncer le trompeur (le galant et le cocu des Contes de La Fontaine), renvoyer à l’escroquerie et la prostitution, “ variantes conditionnées ” par le sexe de la personne (comme le montre Manon Lescaut).
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22 “ la douce violence de vous aimer ”, La Fontaine, dédicace à Fouquet d’Ado...
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23 “ Première conversation ”, dans Œuvres complètes, éd. Ch.-H. Boudhors, Les...
10C’est encore le caractère inversif qui crée un lien entre galanterie et magnificence. Dans la magnificence, c’est le dominant qui donne et c’est un don gratuit, sans contre-don, sinon celui de l’amour, car l’amour est aussi une passion politique22. Rien d’étonnant alors à ce que la galanterie qui semble être plutôt du côté de l’honnêteté puisse se combiner avec la magnificence. Méré remarque que la galanterie et l’honnêteté sont des notions si proches que “ la différence n’est pas si grande ” : toutes les deux relèvent d’une sociabilité “ polie ”, c’est-à-dire travaillée, éloignée de la matière brute. Pour cerner cette différence, il recourt à plusieurs tournures suggérant un supplément, une dépense gratuite, un “ plus ” : le galant homme est “ plus ouvert ” que l’honnête homme, c’est “ un honnête homme ” “ plus brillant ou enjoué qu’à son ordinaire23 ”.
11Le dernier point qui permet de rapprocher honnêteté, galanterie et magnificence, et c’est le point qui pour ce qui est de l’esthétique est le plus important, c’est que ce sont des catégories “ mineures ” : elles relèvent du louable, mais elles fonctionnent toutes les trois (quoique par des traits différents qui leur sont propres) en opposition et en subordination avec la valeur suprême de la grandeur conçue comme grave, sérieuse, mâle, adulte.
L’esthétique de la magnificence
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24 On a souvent relevé l’utilisation dans Psyché de La Fontaine des termes ga...
12L’esthétique de la magnificence mérite probablement le même intérêt que l’esthétique de la galanterie avec laquelle elle s’associe parfois. On le devine dans des textes comme la Psyché de La Fontaine. Et de ces derniers textes peut-être ne faudrait-il pas dire que La Fontaine y adopte une esthétique hétérogène “ qui mêle la grandeur et la mignardise ”, mais qu’il adopte l’esthétique de la magnificence et de la galanterie24.
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25 L’esthétique galante, édition commentée du Discours sur les Œuvres de Mons...
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26 M. Fumaroli, L’Âge de l’éloquence […], Droz, 1980, deuxième partie, chapit...
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27 Christian Monchel, “ Les rhétoriques post-tridentines (1570-1600) : la fab...
13Du point de vue de la tradition rhétorique, l’une et l’autre concernent la question du style moyen. On sait depuis les travaux d’Alain Viala le rapport entretenu entre le style moyen et la galanterie25. Mais c’est encore au style moyen que se lie la magnificence. Cicéron dans L’Orateur fait du style moyen non un style neutre mais des trois caractères stylistiques (genera dicendi) le caractère de ce qui convient quand il s’agit de jouer sur le plaisir (in delectando) plutôt que sur l’argumentation rationnelle ou la manipulation des passions, plaisir passant par les sortilèges du riche (copia), de le la figure éblouissante (lumen) et de la musique des mots (numerus). C’est le style de la rhétorique démonstrative. Marc Fumaroli a raconté comment la rhétorique de la Réforme catholique en France a pu être tentée de faire de la prose ornée le meilleur style, dans un idéal qu’il a appelé la “ rhétorique des peintures26 ”, mais qu’on pourrait appeler à l’imitation du Tasse, qui participe de la même esthétique27, le “ style magnifique ”.
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28 Un résumé s’en trouve dans la préface à sa traduction des Discours du Tass...
14La poétique de la magnificence n’a pas fait à notre connaissance l’objet d’une étude de synthèse. Pour la littérature, le théoricien le plus considérable en est le Tasse dans ses Discours sur la poétique et sur le “ poème héroïque ”. Les travaux de Françoise Graziani28 ont dégagé les points nodaux de la poétique du Tasse, entièrement placée sous le signe de l’harmonie des opposés (concordia discors), parmi lesquels la défense de la poésie qui accède à la philosophie morale par la merveilleuse peinture de la perfection idéale, le renversement qui met en avant la composition (dispositio) au détriment du “ dessein ” (inventio), l’image-idée (concetto) comme matrice de l’œuvre, la tâche qu’a le poète à la fois de mettre en ordre le mode et d’opérer la confusion des choses… On trouverait des éléments de cette poétique chez les Français qui comme La Fontaine “ chérissent l’Arioste et estiment le Tasse ”.
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29 Des Ballets anciens et modernes, 1682 (Minkoff, 1972). La plus grande part...
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30 Une pièce comme la Circé de Thomas Corneille se présente comme une “ tragé...
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31 La Fontaine, Psyché, éd. cité, p. 415 (description des “ comédies ” donnée...
15Mais il semble qu’un riche terrain serait celui des traités qui sur la base de l’idéal de la magnificence des jeux et des spectacles antiques essaient de faire la théorie des “ Ballets, Mascarades, et autres divertissements ”, et même pour reprendre une autre liste du même Père Menestrier “ des Ballets, des Tournois, des Carrousels, des Emblèmes, des Devises, des Tapisseries, des Romans, des Peintures, des Galeries, des Jeux et des Divertissements29 ”. Cette étude devrait aussi se pencher sur les indications scéniques ou les “ desseins ” des pièces irrégulières, de certaines tragi-comédies, des pièces à machines ou avec machines, des pièces à intermèdes, des opéras, etc. En effet, au-delà des différentes classifications possibles, tous ces genres ne forment peut-être qu’une tentation du théâtre en général qu’il serait juste d’appeler le théâtre de la magnificence, conçu comme un théâtre “ orné30 ”, “ dans sa plus grande perfection31 ”. Peut-être même devrait-on dire théâtre festif, car la même topique se retrouve dans les descriptions de fêtes avec une permanence frappante dans la durée : la prose de La Magnificence de la superbe et triomphante entrée de la noble et antique Cité de Lyon faite par le Très chrétien Roi de France Henri deuxième de ce nom (1549) ne procède guère différemment des vers de mirliton des continuateurs de Loret racontant les fêtes du plein classicisme.
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32 “ mille et mille magnificences ” “ mille traits ”, “ mille chiffres d’or ”...
16L’ornement, dans la rhétorique comme dans la sémiologie sociale idéale du XVIIe siècle, est d’abord une “ marque ” (ornement désigne en particulier ce que nous appelons “ insigne ”). L’absence ou la présence de marques permet de savoir à quelle personne ou à quel style on a affaire. Mais la magnificence n’épargne rien pour donner à la marque une prolifération et une perfection qui la rend délectable. Tout est “ richement paré ”, “ embelli ”, “ enrichi ”, mots revenant sans cesse, comme le mot de “ mille32 ”, dans l’évocation des décors du théâtre de la magnificence, dans les comptes rendus de fêtes, dans la Psyché de La Fontaine.
17Que la magnificence vise à réaliser une merveille définitive où l’univers entier se condense comme en un miroir sorcière et en même temps à fournir un plaisir toujours renouvelé aboutit à une conséquence qui ne doit pas étonner : la magnificence offre le spectacle de ce qu’il y a de plus agréable, mais elle peut aussi offrir l’agrément de ce qui est l’extrême dans le désagréable : l’effroyable, le funeste, l’affreux. La succession des stations dans l’entrée royale comme celle des tableaux dans le théâtre à grand spectacle joue de la variété dans le superbe, de la surenchère, mais aussi du revirement : “ funestes images ”, lieux “ effroyables ”.
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33 La Fontaine, Psyché, éd. citée, p. 412.
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34 Mémoires de l’abbé de Choisy, éd. citée, p. 474-522.
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35 Sur la bagatelle, le bijou et le miroir comme métaphore du texte littérair...
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36 Satire IX, éd. J.-P. Collinet, Poésie/Gallimard, v. 176, p. 111. Sur la re...
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37 Art poétique, chant premier, v. 49-63, malgré le vers 258 du chant III.
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38 La Fontaine, Amours de Psyché, OC, éd. citée, p. 413.
18Un autre paradoxe de la magnificence est qu’elle peut chérir le détail infime et même le faux. La grande architecture semble représenter la magnificence par excellence, mais, à cause de l’impératif d’“ enrichissement ”, elle finit par n’être plus qu’un support aux merveilles de l’artiste et de l’ornemaniste. Dans la description du palais s’enchâssent, selon le modèle de la prose hellénistique, les descriptions des tableaux. Le “ bronze ” est “ ciselé ”, le décor de théâtre est “ à jour ” (découpé). C’est ce qui fait qu’on aboutit au paradoxe selon lequel la véritable matière précieuse (marbre, jaspe, or) est moins précieuse que son imitation, le tissu moins intéressant que sa broderie33. La magnificence ne craint pas le faux, si le faux dit l’extrême habilité de la “ feinte ”, et en cela elle rejoint encore une fois la galanterie. Le héros de l’“ Histoire de la comtesse des Barres ” se déguise en veuve pour séduire les jeunes filles, aime les parures, l’or, l’argent, les pierreries, les grands miroirs et les chandeliers de cristal, la nouveauté, tout ce qu’on ne trouve pas en province, mais il aime aussi mêler les bijoux vrais aux faux34. C’est que le texte est peut-être moins une autobiographie de l’abbé de Choisy qu’une nouvelle qu’on peut lire comme une allégorie tardive de la galanterie la plus radicale35. Ce n’est pas un hasard si Boileau dit toute l’horreur qu’il a pour le “ faux brillant ”, le “ clinquant ” (le célèbre or de Virgile opposé au clinquant du Tasse36) : les études récentes ont montré que sous la tranquillité néoclassique de son Art poétique devait se lire un pamphlet anti-galant. On pourrait ajouter que ce n’est pas seulement contre la galanterie mais contre la galanterie et la magnificence qu’écrit Boileau. Ses ennemis sont Pellisson puis Perrault, mais aussi Desmarets et Saint‑Amant. C’est à un combat contre la magnificence que renvoie sa condamnation de l’ekprasis37, avec l’image des “ festons ” et des “ astragales ”, significativement empruntées à l’architecture de la “ grande manière ”, qui trouve son modèle idéal dans le palais “ d’Apollidon ou bien celui d’Armide38 ”. D’où les genres ennemis majeurs : le roman et la tragédie “ ornée ” quand ils prétendent à l’héroïque.
La magnificence et le théâtre : question de méthode
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39 E. Bury, Littérature et Politesse. L’invention de l’honnête homme, 1580-17...
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40 Pierre Le Petit, 1661. Le passage sur la condamnation du théâtre est repro...
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41 Réédition de 1676, Lyon, Thomas Amaulry, p. 167. Cf. à l’inverse, La Fonta...
19Une manière d’envisager la question de la magnificence dans le théâtre du XVIIe siècle serait de présupposer que la littérature dramatique reflète une évolution historique des mœurs, des mentalités. Il faudrait alors s’appuyer sur les historiens. L’honnêteté a eu ses historiens, mais, s’il y a de nombreuses études historiques sur les magnificences, en particulier sur les fêtes royales, il y en a moins sur la magnificence. Les sources en seraient les textes politiques qui commentent ou discutent cette vertu aristotélicienne, en particulier les traités des devoirs du prince et des grands. On pourrait aussi étudier la manière dont les rhétoriques modernes reformulent les lieux de l’éloge de la magnificence. La pensée religieuse a pu récupérer voire justifier l’idéal laïc de l’honnête homme ou bien le critiquer au nom de l’“ homme de bien39 ”. Il y a de même des tentatives religieuses de redéfinir la magnificence dans le sens de la charité, voire d’en faire la critique. La contribution de Senault aux attaques augustiniennes contre le théâtre se trouve dans le chapitre d’un livre sur les devoirs du Prince, Le Monarque ou les devoirs du souverain (livre IV, septième discours) qui traite “ De la magnificence des Princes dans les habits, dans les festins et dans les spectacles publics40 ”. Dans la Rhétorique française de Bary, l’éloge de la vertu de magnificence par le lieu de “ la grandeur des choses qu’elle se propose ” n’évoque que “ les temples, les hôpitaux, et les autres commodités publiques41 ”. Le livre cité plus haut de Jean Starobinski, essentiel ici, rappelle que le soupçon pèse sur la magnificence dès l’Antiquité : à la différence d’Aristote, Cicéron dans son Traité des devoirs range les jeux publics du côté des mauvais dons et son autorité sera invoqué par Thomas d’Aquin ; la pensée chrétienne a aussi utilisé la critique de la magnificence faite par de Sénèque dans le Traité des bienfaits.
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42 Ouvr. cité, p. 155-156.
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43 Sur la prolifération de textes autour de la fête royale, voir l’exemple de...
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44 Cf. le chapitre premier du Songe de Vaux, éd. citée, p. 391.
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45 Amants magnifiques, I, 2 ; lettre de Mme de Sévigné du 2 mars 1689.
20Mais cette démarche serait une grave erreur pour deux raisons. La première est que la magnificence n’est pas un “ fait social ” qu’il s’agirait d’étudier avant d’analyser les textes. Delphine Denis a montré que le texte galant est parfois un mémorial du jeu galant en même temps qu’un nouveau jeu42. Le compte rendu des fêtes ou la description des décors et effets de machine d’une pièce “ ornée ” fonctionnent de façon analogue. Dans les deux cas, il est vain de se demander si le mémorial n’embellit pas l’événement : il se doit de le faire, l’événement et la description relevant de la même esthétique qui les lie à l’ekphrasis, au “ morceau ” d’apparat, à l’épidictique. Aussi la magnificence, comme la galanterie, sont issus du texte et appellent le texte. Des magnificences de 1660 pour le retour du roi jeune marié à Paris, Bussy-Rabutin note le succès en disant : “ On en voit la description partout43 ”. La volupté de la magnificence réelle est “ enrichie ” par la volupté de l’écriture et de la lecture. C’est aussi pour cela que la lecture des comptes rendus de fêtes, des “ desseins ” de grands spectacles, des récits de “ visites ” de palais et de jardins est tantôt euphorisante tantôt aussi comiquement fastidieuse que ce docteur qui à la fin de la scène 2 de la Jalousie du barbouillé semble réciter un recueil de lieux épidictiques, d’“ épithètes françaises ” héritières des elegantiae latines : “ riche boîte ”, “ étui précieux ”, “ coffret admirable ”, “ cabinet curieux ”, “ chambre magnifique ”, “ appartement agréable ”, “ château pompeux ”, etc. On pourrait aller jusqu’à affirmer que la magnificence comme l’honnêteté et la galanterie n’existent que dans le texte, parce qu’elles ne peuvent exister que dans la perfection, en somme qu’en songe44. Le Tasse était partagé entre l’exaltation de l’idée de la perfection, la nostalgie des modèles anciens (Virgile) et la crainte ascétique de l’impossibilité d’atteindre définitivement le poème “ merveilleux et parfait ”. Dialogue platonicien du Courtisan de Castiglione, peinture aristotélicienne de L’Honnête homme de Faret, ou entretien infini de Méré, la littérature du beau comportement connaît la même quête idéale, entre exaltation moderne, nostalgie du passé et de ses figures-modèles et ascèse infinie. La fête de même vise au définitif (faire événement, atteindre ce qu’on ne pourra plus égaler45) et en même temps elle est toujours à recommencer, elle n’est jamais dans son présent, partagée elle aussi entre nostalgie et volonté de “ rétablissement ”.
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46 La Fontaine, “ Les Amours de Mars et de Vénus, fragments ”, OC, éd. citée,...
21La seconde raison de rejeter une démarche sociologiste est que la représentation de la magnificence dans le théâtre du XVIIe siècle est conditionnée par une création qui passe prioritairement par la recherche de l’“ idée et caractère ” de la pièce à écrire46, ce que nous allons essayer de montrer dans la fin de cet article.
L’héroïque et le magnifique chez les théoriciens du théâtre
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47 La Poétique, Sommaville,1640, p. 197 (Genève, Slatkine reprints, 1972).
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48 Ibid., p. 390.
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49 Ibid., p. . 67.
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50 II, 10, éd. H. Baby, Honoré Champion, 2001, p. 222 et 211.
22Les théoriciens du XVIIe siècle utilisent le mot magnifique pour définir le caractère de la tragédie, mais le mot calque la magnificentia cicéronienne, il désigne le style élevé, celui qui correspond en morale à la magnanimité et non à la magnificence. La définition du style élevé passe traditionnellement par les images de ce qui en impose : la hauteur, le poids, la distinction, le mépris de l’autre (“ noble ”, “ élevé ”, “ grand ”, “ sublime ”, “ haut ”, “ hardi ”, “ grave ”, “ véhément ”…). Il faut seulement éviter la hauteur qui ne fait pas le poids, l’enflure. Dans son précis inventaire des catégories stylistiques du discours (ideai), Hermogène distingue sept qualités différentes de la parole, parmi lesquelles la grandeur (megethos) associée à l’ampleur et l’autorité. Les catégories qui caractérisent celle-ci sont la noblesse, la complication, l’éclat (le brillant de l’autorité, non celui de la grâce), la rudesse, la vigueur et la véhémence. Quand La Mesnardière définit la tragédie au début du chapitre III de sa Poétique, il reprend et aménage la définition d’Aristote. Il parle d’une “ représentation sérieuse et magnifique ”. Les adjectifs correspondent à la gravité (semnos) et à la noblesse (spoudaios) qui caractérisent chez Aristote respectivement d’un côté le poète et l’expression tragique et de l’autre les personnages et le sujet. Les mots font écho à ceux de la fin du chapitre précédent où l’on disait que la comédie n’a “ rien de grave, de noble, ni de magnifique ”. Dans le chapitre V, La Mesnardière demande des discours proportionnés au sujet c’est-à-dire “ graves, considérables, et dignes de la majesté de ce Poème magnifique ”. Dans les “ controverses théâtrales ” (contre Castelvetro) enchâssées dans le chapitre VIII sur les mœurs, il prouve la “ magnificence ” “ en tous ces Incidents ” de la “ fable ” de Méléagre et d’Atalante par ses mots : “ Si Méléagre a de l’amour, c’est pour une fille de Roi, la plus célèbre de son temps. Si la fureur le transporte, il ne fait mourir que des Princes. Si Althée venge ses Frères, elle fait perdre la vie à l’héritier d’une Couronne47. ” Le chapitre X sur le langage ne manque pas de rappeler la nécessaire variation de registre appelée par la bienséance (l’aptum), mais c’est pour mieux rappeler le caractère dominant du langage tragique : “ Il faut que le Discours soit pur, grave, mâle, continu, vigoureux, et magnifique ; égal ou diversifié, selon les sujets auxquels il doit s’appliquer48. ” On trouve ailleurs l’association attendue entre magnifique et festin lorsqu’il s’agit de parler du banquet d’Ulysse chez Alcinoüs, mais même là ce n’est que pour dire le caractère spoudaios des invités, “ tous les Grands de cette Cour49 ”. Même type de définition dans La Pratique du théâtre de l’abbé d’Aubignac : “ Poème grave, sérieux, et magnifique, convenable à la grandeur des choses et des personnes représentées ”, “ Une chose magnifique, sérieuse, grave et convenable aux agitations et aux grands revers de la fortune des Princes50 ”.
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51 Poétique, manchette de la page 431. Formule semblable chez l’abbé d’Aubign...
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52 Pratique, IV, 9, éd. citée, p. 485.
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53 Poétique, p. 432. “ Nous ne devons pas demander que les spectacles publics...
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54 Pratique, III, 7, éd. citée p. 357-358.
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55 Ibid., IV, 1, p. 391 et suiv.
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56 Ibid., IV, 9.
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57 Ibid.,.p. 357-358.
23En revanche dès que les deux théoriciens parlent de la représentation matérielle, non seulement apparaissent les mots magnifique et magnificence, mais ils apparaissent dans le sens de dépense somptueuse. Dans les deux cas est alors évoqué avec une nostalgie la “ magnificence de l’ancienne tragédie51 ”. Cette nostalgie ne peut que pousser au “ rétablissement du théâtre ”, mais la magnificence apparaît chez les deux auteurs comme un idéal bien difficile (d’Aubignac52) voire impossible (La Mesnardière53) à retrouver. C’est à cet idéal de magnificence qu’est consacré le dernier chapitre de chacun des deux livres, analogue en cela à la péroraison d’un discours adressé au Prince pour le “ rétablissement du théâtre ”. La magnificence ne porte pas exactement sur la même chose pour l’un et pour l’autre des théoriciens. Le dernier chapitre de La Mesnardière (chapitre XII) est consacré à la musique : la tragédie idéale est la tragédie chantée, sur le modèle de l’opéra romain. D’Aubignac évoque quant à lui la magnificence perdue à propos de l’architecture du théâtre (il évoque l’“ enclos vaste et magnifique, composé de grands bâtiments, galeries, allées, promenoirs, sièges de spectateurs ” du théâtre romain54), à propos des chœurs, conçus d’abord comme permettant une large figuration (le “ grand nombres de gens ” marquant la qualité du personnage qu’ils accompagnent55 et rendant la représentation “ plus magnifique ”), à propos de la scénographie, de la décoration et des machines. Le chapitre final est consacré à ce dernier point56. Il contient une évocation exaltée de la magnificence des décorations et machines de l’ancien théâtre, qu’on aurait envie d’intituler “ essai sur les merveilles ”, en reprenant le titre du Père Binet ; la magnificence encyclopédique de la représentation théâtrale en fait un miroir ou une peinture du monde, du Ciel aux enfers en passant par la mer et la terre : “ En un mot, tous les effets d’une puissance surnaturelle, tous les miracles de la Nature, tous les Chefs-d’œuvre de l’art, et tous les caprices de l’imagination ont formé ces beautés et ces ornements, qui firent tant de fois le plus doux amusement des Grecs et de Romains57. ”
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58 Poétique, p. 423
24La tragédie est définie par le style de la magnanimité, mais le spectacle par un style de la magnificence propre à totaliser harmonieusement la diversité discordante du monde. On voit ainsi que, malgré leurs différences, le rêve de magnificence de d’Aubignac et celui de La Mesnardière se rejoignent. Ce qui pour l’un est assumé par le spectacle est pour l’autre assumé par la parole mesurée et rythmée par le chant et la danse, “ la musique théâtrale, la plus merveilleuse de toute58 ”. Partitions gravées à l’appui, La Mesnardière conclut : “ Voilà comment les anciens récitaient leurs Vers de Théâtre, en ces Illustres Assemblées où l’on voyait dans un parterre la fleur de plusieurs Royaumes, et où les millions d’or n’étaient pas le plus haut point de la dépense d’une scène. ” Le jeu de mot sur parterre et fleur fait du public lui-même un texte poétique et évoque le chapitre d’ouverture dans lequel La Mesnardière donnait une définition générale de la poésie bien éloignée de celle du poème tragique qui n’est pourtant qu’une “ espèce ” du “ genre ”. La poésie, y disait la Mesnardière, ne pouvant qu’être excellente, il faut que les poètes mettent “ dans leurs Écrits des grâces extraordinaires, ils importunent s’ils ne charment, et ils déplaisent s’ils ne ravissent ”. Le philosophe s’adresse à l’entendement, mais le poète s’adresse à l’imagination, or l’imagination “ ne se repaît que d’apparences, ne respire que les délices, ne se nourrit que de fleurs ”.
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59 Cette apparente contradiction devra être rapprochée de la question du rapp...
25Le rapport des théoriciens à la magnificence est, on le voit, complexe. Ce qu’on peut en retenir en tous cas, c’est qu’on aurait tort de réduire la question à la simple subordination aristotélicienne du spectaculaire (opsis) au dramatique (agencement des faits). L’ambiguïté vient de ce que la tragédie est tantôt pensée dans son “ idée et caractère ”, tantôt pensée dans sa plus grande perfection, avec tous ces “ ornements59 ”.
Magnificence et tragédie
26Cette ambiguïté se retrouve dans la création tragique de tout le siècle, jusqu’au tardif partage et au conflit entre d’un côté la “ tristesse majestueuse ” de la tragédie parlée sans merveille ni musique et de l’autre la magnificence et la galanterie de la tragédie en musique prétendument héroïque de Lully et Quinault.
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60 La Magnificence de l’entrée à Lyon d’Henri II évoquée plus haut est ainsi ...
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61 Œuvres complètes, éd. A. Stegmann, Éditions du Seuil, p. 845.
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62 Cicéron, De l’invention, Livre I, LV, 108, sixième “ lieu ” de l’appel à l...
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63 Voir la fin du premier acte d’Alceste, où la “ fête galante ” finit de faç...
27Avant cela, la recherche d’un théâtre “ orné ” se devine même dans des tragédies qui ne recourent ni à la machine ni à la musique. Le théâtre irrégulier dans la première moitié du siècle se plaît à représenter cérémonies religieuses ou politiques, tournois, etc. Dans la vie, les pompes d’un sacre et les divertissements d’une entrée royale relèvent de la même catégorie : on les trouve ensemble dans les cérémonials60. Cette recherche se trouve dans la tragédie régulière, par exemple dans la pièce préférée de Corneille, Rodogune. Dans le dernier acte, une exceptionnellement longue indication scénique fixe la place de chacun, comme dans les comptes rendus qu’on lit dans un cérémonial. Comme le souligne le Discours des trois unités, l’acte V “ a besoin d’une salle d’audience où un grand peuple puisse être présent61 ”. L’abbé d’Aubignac rêvait de ces scènes où le nombre de figurants assure la “ pompe ”. C’est que, si la galanterie exige le cercle, la magnificence exige la foule : la première scène des Amants magnifiques se déroule “ tandis que tout le monde a couru en foule à la magnificence de la fête ”. On sait que la fête tournera mal dans Rodogune. On passe de la joyeuse pompe de la cérémonie nuptiale à l’“ effroyable ” de la mort de Cléopâtre. C’est se rattacher au tragique sérieux dont un des motifs est la promesse d’hymen se changeant en tombeau, motif qui relève d’un lieu du pathétique répertorié par la rhétorique62. Mais c’est surtout un indice de la recherche de magnificence et c’est la formule de la catastrophe surgissant au cœur de la fête qui se trouve dans la tragi-comédie, dans Andromède (“ la magnificence des noces [y est] troublée par la violence que [veut] faire Phinée ”, dit le “ dessein ”) et qui marquera l’opéra français dès sa naissance63.
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64 Sur ce prologue, voir G. Forestier, Le Théâtre dans le théâtre, Genève, Dr...
28L’abbé Claude Boyer a versé sa contribution au genre du théâtre “ orné ”. Dans le théâtre “ orné ”, le prologue de l’“ orateur64 ” est remplacé par une véritable pièce en réduction construite toujours sur le même thème de l’union retrouvée, avec deux motifs de base : le temps de la guerre (l’héroïque) cède la place à celui du repos et de la paix (l’amour et les plaisirs), la division se transforme en concordia discors. Ce dernier motif connaît des variations infinies, il peut notamment prendre la forme d’un paragone des arts (mais d’un faux paragone : le jugement sera remplacé par un “ tous unis ”). C’est ce qu’on appelle aujourd’hui couramment quand on parle de l’opéra français le prologue allégorique. Dans Les Amours de Jupiter et Sémélé (1666, machines de Buffequin), Boyer imagine carrément une confrontation entre Thalie, Melpomène et Euterpe s’achevant sur l’invitation d’Apollon à un “ mélange heureux ”. À l’inverse, dans la tragédie purement héroïque du Jeune Marius (1670), il livre une intrigue “ spéculaire ”, qui peut se lire comme une victoire de la sévère magnanimité contre la galanterie et la magnificence. Le jeune Marius semble le héros complet,
65 I, 3. Le portrait est d’autant plus significatif qu’il contredit les sourc...
Un héros dans la Paix comme dans les hasards,
Dans l’un fils de Vénus, dans l’autre fils de Mars65.
Mais il est du côté de la douceur , il s’est fait “ une vertu, qui n’a rien de sévère ” ; il est du côté de l’élégance attique et de l’amour :
Rome tient de lui toute la politesse,
Que le reste du monde enviait à la Grèce.
Quand il s’agit d’aimer, toute Rome aujourd’hui
Ne saurait lui fournir un Amant comme lui :
Il a pour exprimer ce qu’il sent, ce qu’il pense
De la bouche et des yeux la plus tendre éloquence.
Il offre
Les charmes les plus doux, les grâces, les plaisirs,
Les jeux les plus galants, la pompe des spectacles,
Les prodiges des arts, le secours des miracles.
Le rival du jeune Marius est Pompée décrit comme un “ Héros achevé ” dont la supériorité est curieusement de ne pas présenter la concordia discors de son rival :
Ne cherche point en lui l’amoureuse tendresse,
Que j’aime en Marius et qu’il nomme faiblesse.
Or la tragédie de Boyer fait du jeune Marius un être illégitime. Il est
Le fils d’un ennemi qui né dans la bassesse
Fut le persécuteur de toute la noblesse.
Après une péripétie, la jeune première se mariera avec Pompée et le jeune Marius mourra.
29On trouve aussi chez Racine une symbolique mise à l’écart de la magnificence, mais d’une toute autre manière, moins héroïque que pastorale. Lors de sa première apparition (I, 4), Bérénice fuit les hommages d’“ une foule d’inconnus ” :
Enfin je me dérobe à la joie importune
De tant d’amis nouveaux que me fait la fortune ;
Je fuis de leurs respects l’inutile longueur.
30Cette fuite rappelle celle de la jeune première, Ériphile, dans la seconde scène des Amants magnifiques. Au début de cette dernière pièce, on parle des magnificences dont on a joui et de celles qui sont promises, mais, Ériphile, enjeu de toute cette dépense, n’est pas là : elle a refusé la main d’un des princes et “ s’est écartée ”. Elle apparaît à la scène 5 avec sa confidente et quand celle-ci lui demande pourquoi elle est “ ainsi écartée de tout le monde ”, elle répond : “ Ah ! qu’aux personnes comme nous, qui sommes toujours accablées de tant de gens, un peu de solitude est parfois agréable, et qu’après mille impertinents entretiens il est doux de s’entretenir avec ses pensées. ” Le lieu de Bérénice, le “ Cabinet superbe et solitaire ”, permet de fuir les magnificences au profit de “ cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie ”, mais ce cabinet doit ici beaucoup au bois écarté de la pastorale.
31La tragédie religieuse se définit elle aussi, non sans ambiguïté, contre la galanterie et magnificence. Le véritable saint Genest est construit sur le schéma de la fête galante troublée par une catastrophe. Un empereur est revenu des combats et dans la paix va se marier. La pièce dans la pièce est une “ galanterie ”, une comédie commandée par le père de la jeune fille (l’autre empereur) et donnée à l’occasion de la “ cérémonie ” (v. 225) de mariage, comme par exemple dans le Roman comique de Scarron (III, 9). Est-ce une fête magnifique ? Sûrement puisque la foule est invitée (v. 209-212) et qu’elle est si nombreuse qu’elle est gênante (II, 3 ; II, 8), comme dans Les Amants magnifiques ; il y a de la lumière, il y a de la musique. Cependant une scène de dialogue entre le chef de la troupe des comédiens et le décorateur affirme bizarrement que non (II, 1) : le “ théâtre ” “ est beau, mais encore, avec peu de dépense ”, on aurait pu “ ajouter à sa magnificence ”, on ne l’a pas fait faute de temps. Onze vers (v. 315-325) donnent un abrégé en négatif de l’esthétique de la magnificence avec ses mots et ses tournures-clés (“ ajouter ”, “ enrichir ”, “ plus de ” hauteur, d’imitation de matières précieuses, de diversité, de vivacité, de “ jour ”, etc.). Est notamment critiquée la “ toile peinte ” représentant les “ Cieux ” : elle manque d’éclat. Mais ce défaut ne concerne que la pièce encadrée, celle donnée sur le “ théâtre élevé ”, le plateau dans le plateau. La pièce de Rotrou, elle, dans son ensemble, sera magnifique, car deux fois ces “ Cieux ” mal peints s’illumineront de “ flammes ” divines (II, 4 ; IV, 7). En conformité avec les théoriciens aristotéliciens, la pièce dans la pièce semble bien distinguer ce qui est de l’art de l’auteur de ce qui est de l’art du comédien (I, 5) et de ce qui est de l’art du décorateur (leçon du décorateur, II, 1), bien distinguer entre le magnifique du spectacle et l’héroïque religieux de la pièce, entre le “ théâtre ” et le “ sujet ” (II, 6). Mais ici la pièce dans son ensemble déjoue ces distinctions, elle s’“ orne ” de l’imitation de la magnificence du Créateur.
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66 Notice de G. Couton dans Molière, Œuvres complètes, éd. citée, t. 1, p. 739
32Dans Esther et Athalie la magnificence est un thème majeur, qui apparaît dans ses domaines attendus : les bâtiments, les habits, les festins et les fêtes. La définition que donne Racine d’Esther dans la préface où il dit que l’action sert à “ lier ” les éléments hétérogènes du spectacle rappelle la formule du théâtre de la magnificence. C’est pour “ lier ” les réjouissances des Plaisirs de l’île enchantée que Saint-Aignan imagine un “ dessein ” tiré de l’Arioste66. Le “ théâtre ” d’Esther est magnifique, il n’y manque pas au dernier acte le jardin et le festin. Mais la magnificence se dédouble en une magnificence impie du présent et une sainte magnificence passée et à venir, figure de la magnificence éternelle de Dieu qui remplit l’univers (Athalie, v. 311). Esther vit dans une magnificence qu’elle déteste, au milieu des “ fêtes criminelles ” (I, 4, v. 274-282), parée, et avec elle les filles du chœur (I, 5, v. 309), de “ vains ornements ”. Aman est l’organisateur d’“ horribles fêtes ” (I, 5, v. 312), l’or éclate dans ses vêtements, il vit dans la musique et la mollesse, préside des festins (II, 8), qui sont des festins cannibales, il rêve de “ comble de gloire et de magnificence ” (II, 5). Au début de la pièce, le chœur prie Dieu de faire revenir la magnificence de Sion :
Quand verrai-je, ô Sion ! relever tes remparts,
Et de tes tours les magnifiques faîtes ?
Quand verrai-je de toutes parts
Tes peuples en chantant accourir à tes fêtes ? (I, 2, v. 146-149)
À la fin, il annonce le retour de la sainte magnificence :
Relevez, relevez les superbes portiques
Du temple où notre Dieu se plaît d’être adoré.
Que de l’or le plus pur son autel soit paré,
Et que du sein des monts le marbre soit tiré. (III, scène dernière, v. 1255-1258)
Même regret de la sainte magnificence perdue au début d’Athalie, où ne manquent ni les “ portiques ” rimant avec “ magnifiques ”, ni la “ foule ” de la fête.
Magnificence et comédie
33Les comédies de la magnificence écrites par Molière peuvent être lues à la fois comme un exposé de l’esthétique de la magnificence et comme une critique de la valeur de cette dernière. Selon le titre de la relation des Plaisirs de l’île enchantée, La Princesse d’Élide est une “ comédie mêlée de danse et de musique ” qui s’inscrit dans une suite de “ course de bague, collation ornée de machine ”, “ ballet ”, “ feu d’artifice, et autres fêtes galantes et magnifiques ”. Son titre la donne comme une “ comédie galante ”. La pièce raconte un jeu prénuptial entre une princesse et trois princes, organisé par un père “ d’humeur galante et magnifique ” et ouvert par des “ exercices de chasse […] et d’autres jeux, comme des courses de chars et semblables magnificences ” (argument du premier acte). La préparation de la course de char donne l’occasion aux deux amoureux d’une “ conversation fort galante ” (argument du second acte). Le Prince aimé gagne la course, la Princesse “ fait des merveilles à chanter et à la danse ”, mais “ les dons et la nature et de l’art ” sont vains pour réunir les amants. Il faudra un moyen proprement comique, une intrigue (un dépit amoureux pris à une comédie espagnole), pour arriver à la “ joie ” centripète du dénouement.
34Dans Les Amants magnifiques du Divertissement royal de 1670, plus nettement encore, la magnificence n’est déployée que pour mieux prouver qu’elle participe d’une rhétorique sans effet. Le dernier intermède “ couronn[e] par [un] pompeux spectacle [une] merveilleuse journée ”, mais il sert aussi à calmer la colère de la défaite des deux princes magnifiques, auxquels la princesse à marier préfère un homme de basse fortune, mais soldat plein de “ mérite ” et plus honnête homme qu’eux.
35Dom Juan n’est pas une comédie de fête, mais appartient au théâtre “ orné ” (machines, décorations d’exception nécessitant de passer un contrat avec deux peintres). Or décors et machines y sont utilisés d’une façon parodique. Molière met dans la bouche de Sganarelle des propos qui tournent en burlesque le merveilleux (III, 1 et V, 6), il dénude les procédés en mettant dans la bouche de Don Juan le terme technique de “ faux jour ” (IV, 1). La scène 5 de l’acte III qui finit par le miracle de la statue commence par une discussion sur la magnificence. On y trouve d’abord une analyse comique du lien qu’on a vu plus haut entre spectacle magnifique et discours : la visite au mort est motivée par les descriptions de la magnificence du tombeau : (“ Tout le monde m’a dit des merveilles de cet ouvrage. ”) et Molière-auteur met dans la bouche de Molière-acteur face à la “ feinte ” du tombeau magnifique une parodie d’éloge (“ Ah ! que cela est beau ! Les belles statues ! le beau marbre ! les beaux piliers ! Ah que cela est beau ! ”). Dans la suite du dialogue, Don Juan raille l’“ habit d’empereur romain ” et souligne l’opposition dérisoire entre la “ simple demeure ” du vivant et celle “ magnifique ” du mort. La critique est esthétique, morale et philosophique. Philosophique, puisque c’est reprendre le thème sénéquien de la vanité de la magnificence face à la mort. Morale, car c’est parler au nom de la bienséance : le Commandeur empereur est aussi ridicule que le Bourgeois gentilhomme.
36Car Le Bourgeois gentilhomme, pièce de la magnificence par le lieu de sa création (Chambord) et l’énormité de son coût, peut être aussi lue comme une pièce sur la magnificence, mettant en scène la magnificence déplacée, qui n’est pas bienséante. Roger Duchêne s’est demandé si le Bourgeois gentilhomme n’était pas plutôt un Bourgeois galant, ce qui est sûr, c’est qu’il est ridicule parce qu’il est un Bourgeois qui se veut magnifique. “ Il faut qu’une personne comme vous qui êtes magnifique, et qui avez de l’inclination pour les belles choses, ait un concert de musique chez lui tous les vendredis et tous les jeudis ” (II, 1) : le maître de musique utilise ici un sophisme répertorié par Aristote pour la rhétorique de l’éloge, désigner un vice en le faisant passer pour une vertu qui en est proche.
37Dans ces pièces de la magnificence, Molière ne met en scène la magnificence que pour la tourner en dérision, pour faire briller en sa place la parodie, le plaisir de l’intrigue et la satire des mœurs, bref ce qui est le propre de la comédie.
38Ce qui est encore une fois en question ici, c’est bien “ l’idée et le caractère ” du texte. Étudier dans l’esthétique théâtrale du XVIIe siècle ce qu’il en est de l’honnêteté, de la galanterie et de la magnificence amènerait peut-être à cette conclusion plus générale : il faut pour définir une culture non pas chercher ce qui se reflète de la réalité sociale dans les jeux de langage, mais décrire comment se définissent, se règlent et se hiérarchisent ces jeux de langage en tant qu’éléments eux-mêmes constituants de la réalité sociale.
Notes
1 Sur la notion de “ style cognitif ” articulant regard esthétique et “ expérience des gens réels ”, voir L’Œil du Quattrocento, l’usage de la peinture de l’Italie de la Renaissance (Painting and experience in fifteen Century Italy, 1972), Y. Delsant trad., Gallimard, 1985 (Bibliothèque illustrée des histoires), p. 65 et 164, et p. 126.
2 Pour les trois notions ensemble, voir par exemple La Fontaine, “ Le magnifique ”, Contes, IV, 15, Œuvres complètes, éd. J. Marmier, Seuil, 1965, p. 280. Sont galants et magnifiques des Cours (première phrase de La Princesse de Clèves, article “ Cour ” du Dictionnaire de l’Académie), des chambres (Boyer, Les Amours de Jupiter et de Sémélé, fin du prologue, décor de l’acte I), des missions diplomatiques préparant des mariages (Mémoires de l’abbé de Choisy, éd. G. Mongrédien, 1966, Le Mercure de France, rééd. Le Temps retrouvé, p. 111), des fêtes (titre de la relation des Plaisirs de l’île enchantée) et l’humeur qui y préside (La Princesse d’Élide, argument du premier acte)…
3 Voir par exemple Les continuateurs de Loret, éd. J. de Rothschild, Damascène Morgand, t. 2, 1883, p. 235, p. 318.
4 Sur galant comme “ praxème ”, voir D. Denis, Le Parnasse galant, institution d’une catégorie littéraire au XVIIe siècle, Honoré Champion, 2001, p. 99-100.
5 L’Art français, Ancien régime, 1620-1775, Flammarion, 2000 (Tout l’art), p. 93-129. A. Chastel en fait la manière de l’“ ère Louis XIV ” et cite Saint-Simon : “ Il aima en tout la splendeur, la magnificence, la profusion. ”
6 Fables, I, 9.
7 Donnant des préceptes sur les vêtements, Courtin (Nouveau traité de civilité, 1671) appelle cette convenance la “ propreté ”. L’abbé de Pure (Idée des spectacles, 1668) livrant la manière de régler les costumes de spectacles, parle de convenance et fait de la “ propreté ” un degré d’excellence dans la réalisation de cette convenance.
8 Ou par synecdoque à des mots comme cœur (exemple : Molière, Dépit amoureux, I, 2).
9 Aristote, Éthique à Nicomaque, livre IV, 1122a-1123a.
10 Réunion des Musées Nationaux, 1994 (catalogue d’une exposition du cycle “ Parti pris ”).
11 Ibid., p. 12-13.
12 Sur la notion de tribut, voir Gabriel Tarde, “ L’opinion et la conversation ”, L’Opinion et la Foule [1901], PUF, 1989, p. 73-137.
13 Aristote, Éthique à Nicomaque, livre IV, 1123b-1125a.
14 Voir les fêtes organisées par le roi des animaux dans La Fontaine, Fables, VII, 7.
15 “ La galanterie auprès des dames sied bien à un jeune homme ”, Dictionnaire de Trévoux, citation du Grand Robert.
16 Corneille, Polyeucte, I, 3 (v. 130-135) ; Quinault, Alceste, V, 3 (v. 848-851), Bellérophon, I, 3
17 La Rochefoucauld, maxime 402 et Montesquieu, L’Esprit des lois, XXVIII, 22, citations dans le Grand Robert, “ Galanterie ”.
18 Voir D. Denis, ouvr. cité, p. 287 et suivantes (chapitre intitulé “ L’eros galant ”).
19 Sur le “ paradigme féminin ” de la galanterie, voir D. Denis, ouvr. cité, p. 305-321.
20 C’est M. Magendie qui a défini le burlesque comme une jeu de négation de la bienséance (La Politesse mondaine et les théories de l’honnêteté en France au XVIIe siècle, de 1600 à 1660, Alcan, 1925, p. 530). L’emploi du mot travesti met clairement en relation le jeu du déguisement, jeu sur la bienséance de l’habit, et celui du burlesque littéraire.
21 Balzac, Les Entretiens, Entretien XXXVIII, éd. B. Beugnot, Marcel Didier, 1972, t. 2, p. 501.
22 “ la douce violence de vous aimer ”, La Fontaine, dédicace à Fouquet d’Adonis, éd. citée, p. 361 ; “ pour être des humains l’Amour et les Plaisirs ”, Quinault, dédicace au roi de Cadmus et Hermione, dernier vers.
23 “ Première conversation ”, dans Œuvres complètes, éd. Ch.-H. Boudhors, Les Belles Lettres, 1930, t. 1, p. 20.
24 On a souvent relevé l’utilisation dans Psyché de La Fontaine des termes galant et galanterie et pas assez ceux de magnifique, magnificence et de tous les mots qui s’y rattachent.
25 L’esthétique galante, édition commentée du Discours sur les Œuvres de Monsieur Sarazin par Pellisson et autres textes, Toulouse, 1989. Pour une approche plus détaillée de la galanterie face à la question rhétorique, D. Denis, ouvr. cité, p. 331-337.
26 M. Fumaroli, L’Âge de l’éloquence […], Droz, 1980, deuxième partie, chapitre II.
27 Christian Monchel, “ Les rhétoriques post-tridentines (1570-1600) : la fabrique de la société chrétienne ”, dans M. Fumaroli dir., Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne, PUF, 1999, p. 438 et suiv.
28 Un résumé s’en trouve dans la préface à sa traduction des Discours du Tasse, Aubier, 1997, p. 9-52.
29 Des Ballets anciens et modernes, 1682 (Minkoff, 1972). La plus grande partie de l’œuvre de ce jésuite est consacrée à la symbolique visuelle (qu’il appelle “ philosophie de l’image ”), en particulier dans les fêtes et cérémonies.
30 Une pièce comme la Circé de Thomas Corneille se présente comme une “ tragédie ornée de machines, de changements de théâtres et de musique ”, l’avertissement disant que le “ principal ornement ” sont les machines. Des livrets de Quinault se donnent par leur sous-titre chez Ballard, avant 1682, comme des “ tragédies en musique ornées d’entrées de ballets, de machines, et de changements de théâtres ” (Thésée, Atys, Isis, Proserpine).
31 La Fontaine, Psyché, éd. cité, p. 415 (description des “ comédies ” données à Psyché).
32 “ mille et mille magnificences ” “ mille traits ”, “ mille chiffres d’or ”, “ mille brillants ” (Amants magnifiques, I, 1 ; Les continuateurs de Loret, éd. citée, t. 2., pages 7, 90, 315, 367).
33 La Fontaine, Psyché, éd. citée, p. 412.
34 Mémoires de l’abbé de Choisy, éd. citée, p. 474-522.
35 Sur la bagatelle, le bijou et le miroir comme métaphore du texte littéraire, voir D. Denis, ouvr. cité, p. 310-311.
36 Satire IX, éd. J.-P. Collinet, Poésie/Gallimard, v. 176, p. 111. Sur la reprise ou la critique de cette image, voir J. G. Simpson, Le Tasse et la Littérature et l’Art baroques en France, A. G. Nizet, 1962, pages 137 (Bouhours), 139 (Du Bos), 141 (Mirabaud), 151 (Voltaire), 152 (abbé Trublet).
37 Art poétique, chant premier, v. 49-63, malgré le vers 258 du chant III.
38 La Fontaine, Amours de Psyché, OC, éd. citée, p. 413.
39 E. Bury, Littérature et Politesse. L’invention de l’honnête homme, 1580-1750, PUF, 1996, chapitre IV.
40 Pierre Le Petit, 1661. Le passage sur la condamnation du théâtre est reproduit par L. Thirouin dans P. Nicole, Traité de la comédie et autres pièces d’un procès sur le théâtre, H. Champion, 1998.
41 Réédition de 1676, Lyon, Thomas Amaulry, p. 167. Cf. à l’inverse, La Fontaine, Psyché, début du livre premier, OC, éd. citée, p. 406.
42 Ouvr. cité, p. 155-156.
43 Sur la prolifération de textes autour de la fête royale, voir l’exemple des Plaisirs de l’île enchantée dans la notice de G. Couton à La Princesse d’Élide, dans Molière, Œuvres complètes, Gallimard, t. 1, 1971, Bibl. de la Pléiade, p. 740-741.
44 Cf. le chapitre premier du Songe de Vaux, éd. citée, p. 391.
45 Amants magnifiques, I, 2 ; lettre de Mme de Sévigné du 2 mars 1689.
46 La Fontaine, “ Les Amours de Mars et de Vénus, fragments ”, OC, éd. citée, p. 191.
47 La Poétique, Sommaville,1640, p. 197 (Genève, Slatkine reprints, 1972).
48 Ibid., p. 390.
49 Ibid., p. . 67.
50 II, 10, éd. H. Baby, Honoré Champion, 2001, p. 222 et 211.
51 Poétique, manchette de la page 431. Formule semblable chez l’abbé d’Aubignac : “ magnificence du théâtre ancien ” (éd. citée, p. 485).
52 Pratique, IV, 9, éd. citée, p. 485.
53 Poétique, p. 432. “ Nous ne devons pas demander que les spectacles publics aient cet enrichissement qui est au-dessus de leur force ”.
54 Pratique, III, 7, éd. citée p. 357-358.
55 Ibid., IV, 1, p. 391 et suiv.
56 Ibid., IV, 9.
57 Ibid.,.p. 357-358.
58 Poétique, p. 423
59 Cette apparente contradiction devra être rapprochée de la question du rapport entre le "bon style" (le sermon comme texte) et le "bien dire" (le sermon comme spectacle) dans l’éloquence sacrée d’après le P. Coton : voir M. Fumaroli, ouvr. cité, p. 263 et 356.
60 La Magnificence de l’entrée à Lyon d’Henri II évoquée plus haut est ainsi rééditée dans Le Cérémonial Français de 1649.
61 Œuvres complètes, éd. A. Stegmann, Éditions du Seuil, p. 845.
62 Cicéron, De l’invention, Livre I, LV, 108, sixième “ lieu ” de l’appel à la pitié.
63 Voir la fin du premier acte d’Alceste, où la “ fête galante ” finit de façon effroyable.
64 Sur ce prologue, voir G. Forestier, Le Théâtre dans le théâtre, Genève, Droz, 1981, p. 31-59.
65 I, 3. Le portrait est d’autant plus significatif qu’il contredit les sources. Cette modification du caractère (le personnage était cruel comme son père) a été relevée par G. Forestier, dans Racine, Poésie-Théâtre, p. 1399
66 Notice de G. Couton dans Molière, Œuvres complètes, éd. citée, t. 1, p. 739
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Jean-Yves Vialleton
Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – RARE Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution