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« L’œil, c’est un truquage » : cinématographie du jeu mimé dans les arguments chorégraphiques de Cocteau
Initialement paru dans : Serge Linarès (dir.), Cahiers Jean Cocteau, n° 6 : Figures de la narration chez Jean Cocteau, Lettres Modernes, section « Mélanges », Minard, Caen, 2010, p. 207-223
Texte intégral
« […] d’habitude mes truquages ne sont pas plus des truquages que le fait de se servir d’encre pour écrire ou de mettre de l’encre dans un stylographe. On peut dire : l’œil, c’est un truquage. […] Par conséquent, rien n’est plus bête que de me reprocher des truquages, puisque c’est un pauvre petit moyen, hélas, que nous avons de rompre avec des habitudes et avec des servitudes d’espace-temps. »
Jean Cocteau, Entretiens avec Jean Domarchi et Jean-Louis Laugier (Cahiers du cinéma, n° 109, juillet 1960), in Entretiens sur le cinématographe, Monaco, Editions du Rocher, 2003, p. 145.
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1 Jean Cocteau, Portraits-souvenirs, Paris, Grasset, Collection « Les Cahiers...
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2 Ibid., pp. 31-32.
1Art du geste et art de l’image, la pantomime et le cinématographe se côtoient au sein de l’univers visuel créé par Cocteau. Dans les Portraits-souvenirs, il rappelle ces instants où il observait les préparatifs de sa mère pour se rendre au théâtre, captant l’image à travers le cadre de « l’armoire à glace où la scène se reflétait plus profonde »1. Réalisateur en herbe, il imaginait alors, durant la « cérémonie des gants longs », la « pantomime » à laquelle se livrerait cette actrice postée dans le public : « éventail d’écaille et de dentelle noire qui palpite, mise au point de la lorgnette de nacre, applaudissements discrets »2. Quelques pages plus loin, alors qu’il évoque le Nouveau Cirque du XIXe siècle finissant, l’association entre pantomime et cinématographe revient sous sa plume, cette fois de manière explicite :
3 Ibid., p. 54.
Le clou du programme était la pantomime nautique. L’arrivée de l’eau me laisse un regret poignant. Aucun truc, aucun gag de cinématographe ne remplacera cette merveille : débarrassée du tapis-brosse, la piste verte s’enfonce avec une sourde rumeur. Des petits panaches d’eau jaillissent entre les planches. Et voilà que sur le cirque, devenu bassin, un décor s’échafaude. Des feuilles de nénuphars sur lesquelles une danseuse de tulle exécute ses pointes, un moulin transparent où les chambres se peuplent d’ombres, une chasse à courre qui plonge, Footit qui attire une tête de veau nageuse en lui présentant l’huile et le vinaigre, et la Chine de PAPA CHRYSANTHEME, pantomime où Chocolat rentre de Paris en melon beige et en chantant le refrain à la mode : « Tararaboumdihé, la grammair’ ça m’fait suer ».3
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4 Ibid., p. 44.
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5 Jean Cocteau, La Difficulté d’être, Monaco, Editions du rocher, 1989, p. 56.
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6 Jean Cocteau, « Préface des Mariés de la tour Eiffel, 1922 », in Théâtre co...
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7 Jean Cocteau, « Entretiens avec André Fraigneau [1951] », in Entretiens sur...
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8 Jean Cocteau, « Entretiens avec Georges-Michel Bovay, (Cinéma, un œil ouver...
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9 Anne Henry, « Cocteau et le ballet moderne », in Jean Cocteau aujourd’hui, ...
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10 Ibid., p. 185.
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11 Sous-titre donné à Parade par Jean Cocteau, selon Hélène Laplace-Claverie,...
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12 « Un nouveau local avait été découvert rue Boissy-d’Anglas. Sa découverte ...
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13 Henri Langlois « Jean Cocteau et le cinéma », in Jean Cocteau et le cinéma...
2Dans la pantomime et le cinématographe, le truc règne en maître. Et pour Cocteau, « le truc c’est l’art »4, car s’y trouvent réunis la simplicité de l’effet optique, et la surprise du merveilleux. Au reste, « [sa] graine vole un peu partout »5, comme il l’affirme lui-même, au point qu’il se lance dans « des recherches, où la féerie, la danse, l’acrobatie, la pantomime, le drame, la satire, l’orchestre, la parole combinés réapparaissent sous une forme inédite »6. De la même manière que le cinéma, ces multiples arts et genres scéniques sont à ses yeux des « véhicule[s] de la pensée »7, des moyens d’expression pour produire une forme de « poésie plastique »8. Aussi Anne Henry a-t-elle raison de souligner que Cocteau, par sa « confiance » dans la pantomime, s’est éloigné de la conception moderne du mouvement dansé, un mouvement libéré de la narration et de l’imitation tel que le défendait, par exemple, Isadora Duncan. Chez Cocteau, la danse ne tient effectivement qu’une « petite partie passive dans un ensemble plastique qui assure seul la signification et dans lequel décors, costumes, mise en scène, masques, contrepoint sonore ont un rôle aussi important que lui »9. Et d’ajouter : « Cocteau a donc cru à la vertu du spectacle dansé mais il n’a pas cru à la danse elle-même. Disons-le tout de suite : ce qu’il a demandé inconsciemment au ballet, il en trouvera plus tard la possibilité de réalisation plus accomplie dans l’art cinématographique qu’il a pratiqué à partir de 1930 »10. Il en est de même du jeu mimé. Qu’il qualifie Parade de « poème gesticulé »11, ou le Bœuf sur le toit de « pantomime »12, Cocteau ne convoque l’art mimique au sein de ses arguments chorégraphiques, que pour le mettre au service de l’image d’ensemble, sans se soucier de sa spécificité, ou de ses transformations historiques. Contrairement à Etienne Decroux, il ne pense pas le geste mimique comme une discipline corporelle à explorer en soi, mais comme un moyen parmi d’autres de susciter l’éblouissement visuel. Il soumet la pantomime à une vision cinématographique, et ce, bien avant ses premiers pas de réalisateur en 1932. Car, comme l’a justement fait remarquer Henri Langlois : « le cinéma n’a pas attendu Le Sang d’un poète, encore moins les dernières années de sa vie, pour entrer dans l’univers de sa création »13.
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14 Jean Cocteau, « Paris-midi, 28 avril 1919 », Carte Blanche, Lausanne, Merm...
3Or, c’est précisément en appliquant au jeu mimé certains procédés empruntés au film muet, que Cocteau invente des gestes inédits dans la tradition mimique – et dont certains rejoignent paradoxalement les recherches d’un Decroux pour libérer l’acteur et lui restituer l’usage de son corps. En effet, le cinématographe, dit Cocteau en 1919, est « l’art des nuances, où l’acteur, délivré du texte, trouve un affranchissement et une responsabilité inconnus jusqu’à ce jour »14. De même en est-il de la pantomime, qui exige d’autant plus de maîtrise corporelle, que l’interprète y est, lui aussi, privé des ressources de la voix. En arrêtant le mouvement du corps dans des postures dynamiques, en le grossissant, en le ralentissant, Cocteau lui suggère de nouveaux possibles. Il initie dans ses arguments chorégraphiques une véritable cinématographie du jeu mimé (à entendre étymologiquement au sens d’écriture du mouvement), en rupture avec les usages de la pantomime, et qui consiste à transposer sur le corps du danseur-acteur les effets du cinéma. Ainsi introduit-il, au cœur de l’image scénique, des trucs visibles à l’œil nu, qui sans la médiation de la caméra et de l’écran, plongent l’acteur dans un espace-temps qu’il n’avait, jusqu’alors, pas même songé à conquérir.
L’arrêt sur image, ou « le statisme dans le mouvement » :
« J’aime ce qui bouge, j’aime le mouvement, mais j’aime le statisme dans le mouvement. »
Jean Cocteau, Entretiens avec Jean Domarchi et Jean-Louis Laugier (Cahiers du cinéma, n° 109, juillet 1960), in Entretiens sur le cinématographe, op. cit., p. 156.
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15 Denis Diderot, Entretiens sur le Fils Naturel, in Oeuvres Tome IV, Esthéti...
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16 « L’instant prégnant » est le nom que donne Barthes à cet instant unique d...
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17 Gilles Deleuze, Cinéma I, L’image-mouvement, Paris, Minuit, 1983, pp. 12-17.
4Depuis le XVIIIe siècle, le modèle des beaux arts – statuaire et peinture – prévaut dans l’art mimique. « Une scène muette est un tableau ; c’est une décoration animée »15, affirmait déjà Diderot, avant que les tableaux vivants ne deviennent, au XIXe siècle, l’un des divertissements les plus prisés des salons aristocratiques européens. Dans le tableau vivant, le geste, magnifié, est saisi au sommet de l’expression et de la beauté : il se montre dans l’« instant prégnant »16, cet instant unique, où le temps vient se comprimer, où passé et présent se rejoignent en bannissant toute manifestation transitoire. Ici, le jeu mimé se fait pose. L’avènement du chronophotographe vient bousculer cette esthétique picturale, en révélant l’existence de « l’instant quelconque »17, où le mouvement est saisi en cours de processus, dans sa continuité, par une série de prises équidistantes dans le temps. Tandis que l’acteur composait son geste pour le cristalliser dans l’instant prégnant, la chronophotographie décompose le geste au moyen de coupes temporelles. L’appareil photographique et la caméra ne se contentent pas de préempter le réel ; ils révèlent des images du corps imperceptibles à vitesse ordinaire, et qui constituent, pour les danseurs-mimes, de nouveaux modèles posturaux.
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18 Jean Cocteau, « Entretiens avec André Fraigneau [1951] », in Entretiens su...
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19 Lettre de Cocteau à Massine, datée du 13 avril 1917, appartenant à la Fond...
5Cocteau ne passe pas à côté de cette révolution. Bien qu’il filme en « dessinateur » et en « peintre »18, il chorégraphie en cinéaste. C’est-à-dire qu’il soumet le jeu mimé à l’arrêt sur image, révélant sur scène les attitudes inattendues du corps quotidien. Dès Parade, il conseille à Massine de s’inspirer, pour les mouvements du cheval, des « décompositions d’une course dans les photographies instantanées – suite des mouvements du cheval dans les différentes pellicules du film »19. Dans Le Train bleu, c’est le corps du danseur qui se prête au même traitement :
20 Jean Cocteau, Le Train bleu, in TC, p. 59.
La Championne de tennis entre par la droite (sa démarche, ses attitudes, sa danse, son rôle entier s’inspireront des instantanés de magazines : il en ira de même pour le Joueur de golf). Les gens qui marchent aux courses photographiés le pied en l’air, en avant, les gens qui parlent photographiés la bouche ouverte, les gens qui sautent, tennis (revers, ramassage des balles, etc).20
6L’arrêt sur image fait apparaître le caractère transitoire du mouvement, son éventuelle absence de grâce. Surtout, il fait surgir d’un monde connu et familier, des postures énigmatiques, où s’engouffre l’imaginaire. Le spectateur peut inventer à loisir les instants qui précèdent et suivent l’arrêt : « les gens qui marchent aux courses photographiés le pied en l’air » sont dans une apesanteur en puissance ; ceux qui « parlent photographiés la bouche ouverte » laissent deviner leurs répliques. Tandis que le tableau atteint une forme de complétude, l’arrêt sur l’image est tout entier dans l’inachèvement.
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21 Ibid., p. 58.
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22 Anne Henry, « Cocteau et le ballet moderne », op. cit., p. 184.
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23 Jean Cocteau, « Description des tableaux vivants (1952) », in En marge d’Œ...
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24 « En général, on prenait la scène du naufrage et du tremblement cinématogr...
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25 Jean Cocteau, Les Mariés de la tour Eiffel, in TC, p. 52.
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26 « Lettre de Jean Hugo à Erik Aschengreen, datée du 16 novembre 1977 », in ...
7On objectera que Cocteau a aussi beaucoup pratiqué le tableau vivant, ou comme il le nomme lui-même, « le tableau immobile »21. Pourtant, même dans Œdipus rex, qui tend effectivement au « néoclassicisme »22 de la pose statufiée, subsistent des impulsions de mouvement et des marques d’instants quelconques, notamment à travers le « tremblement » qui saisit les corps au moment où tombe le rideau, au premier et au quatrième tableau : « Il tremblait et le rideau descendait sur cet épisode » ; « Là, il s’arrête, lève le genou gauche et tremble des ailes. Le rideau tombe »23. L’image scénique mime alors le tressautement de l’image filmique, sa possibilité de revenir en arrière ou d’aller de l’avant, sans se fixer en une seule figure picturale. Au reste, Cocteau avait déjà fait usage du « tremblement cinématographique »24 dans Parade. Mais c’est particulièrement dans Les Mariés de la tour Eiffel, fable photographique par excellence, que Cocteau s’amuse à brouiller la frontière entre tableau vivant et instantané. Rappelons ce moment où « la noce et le Photographe se figent »25, le temps d’être vendus par le Marchand de tableau au Collectionneur, avant de se remettre en mouvement et de disparaître dans l’appareil. Si l’on en croit les souvenirs de Jean Hugo, ce tableau final n’était pas le seul à flirter avec l’arrêt sur image ; le ballet des dépêches se terminait, lui aussi, par « un groupe immobile, en partie sur les pointes, où les danseuses devaient osciller comme si elles perdaient l’équilibre »26. À bien des égards, ce jeu de contraste entre postures figées et figures en mouvement, anticipe sur certaines remarques ultérieures de Decroux :
27 Etienne Decroux, « Primauté du corps sur le visage et les bras, 1962, pp. ...
Ce qui n’est point mobilisé doit donc être immobilisé.
Tout le monde le sait, mais il faut le dire.
Car on croit que pour être immobile, il ne faut pas vouloir bouger. En vérité, étant donné que nous bougeons sans le vouloir, il faut vouloir ne pas bouger.
Le mouvement est contagieux : qui veut ne mouvoir que la tête, meut le cou sans le savoir.
Il ne suffit donc pas que la tête consente à se pencher, il faut que le cou refuse.
L’immobilité est un acte, et en l’occurrence, passionné.27
8Tandis que Decroux travaille sur le corps de l’individu-mime, Cocteau applique « le statisme dans le mouvement » au groupe des danseurs. Mais, chez tous deux, l’immobilité se déprend de la pose ; elle n’est qu’une pause temporelle, et une manière de faire voir, par contraste rythmique, le mouvement. D’ailleurs, la danse sur place qu’invente Cocteau en 1924 pour Roméo et Juliette précède, de quelques années, la marche sur place que mettront au point Decroux et Barrault à l’Atelier de Dullin entre 1930 et 1933. Voici comment Levinson décrit la gigue des trois comparses au bal des Capulet :
28 Levinson, Rubrique « La Danse », « Le Ballet de Jean Cocteau », in Comœdia...
Ces trois personnages, disposés de face, restent quasi-immobiles cependant que la musique […] fait sonner une rapide gigue. Les jambes croisées des cavaliers dont les maillots noirs s’ourlent d’une bande de couleur dessinent une spirale animée. Les coudes écartés et les épaules haussées accompagnent le mouvement présumé des jambes. La danseuse, vêtue d’une longue robe, « dégage à demi-hauteur, à la seconde » – pour employer le vocabulaire d’école – tantôt d’une jambe, tantôt de l’autre. Ce simulacre de danse, exécuté sur place, me ravit. Je préfère cette gigue absente, mais nettement suggérée, à celle, réalisée, précipitée, surchargée et peu expressive, du récent ballet de Massine. Chez Cocteau, la danse est figurée par des moyens spécifiquement théâtraux : transposition, voire fiction. Il renonce à l’imitation. Il se sert de l’immobilité pour le mouvement, du ralenti pour la vitesse (le messager). Et ce langage symbolique se montre aussi explicite que possible, supérieur aux réalités médiocrement imitées.28
9On notera que ces costumes « noirs » ourlés « d’une bande de couleur » rappellent ceux dont Etienne-Jules Marey revêtait ses modèles – pour faire apparaître à l’image les lignes anatomiques du corps – et dont Decroux s’inspirera, en 1947, pour L’Usine. Car la danse sur place, tout comme la marche sur place, a partie liée avec la chronophotographie. Son immobilité mobile est une transposition du cadre de la caméra, cadre fixe qui parvient néanmoins à capter les évolutions du corps dans l’espace et dans le temps.
Le gros plan, ou « le détail en vedette » :
« Le cinéma nous apprend, entre autres choses, à mettre tout à coup le détail en vedette et, jusqu’au jour néfaste où nous aurons le film en couleurs, à modeler au lieu de barioler ».
Jean Cocteau à Frédéric Lefèvre, « Les Nouvelles Littéraires, 24/3/1923 », in Entretiens sur le cinématographe, op. cit., p. 163.
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29 « Première plate-forme de la tour Eiffel.
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30 Jean Cocteau, « Entretiens avec Georges-Michel Bovay (Cinéma, un œil ouver...
10Si Cocteau fait parfois référence, dans ses pièces, au plan panoramique29, il lui préfère néanmoins le gros plan, qui donne l’impression de se promener « sous le nez des acteurs, en regardant leurs visages de près »30. Aussi en trouve-t-il un certain nombre d’équivalents théâtraux, qui lui permettent de pallier la distance séparant le spectateur de la scène. Par ce grossissement artificiel des visages, des objets et des membres, Cocteau résout un certain nombre de questions que la pantomime avait laissées en suspens depuis le XIXe siècle. Parmi les mimes, seul Jean-Gaspard Deburau avait, semble-t-il, réussi à concilier le jeu corporel (qui en langage cinématographique correspondrait au plan moyen), et l’expressivité du visage (perceptible au cinéma dans le gros plan). Ces qualités, il les devait, d’une part à sa formation acrobatique et à la précision de son geste, d’autre part à son art du maquillage : fond blanc, bonnet noir et sourcils soulignés par un trait de feutre. Le théâtre des Funambules, dont les dimensions étaient relativement petites, autorisait en outre une grande proximité avec le public, qui ne perdait donc pas de vue un seul jeu de physionomie de l’acteur. À la fin du XIXe siècle, ce parfait équilibre est brisé : les mimes jouent tantôt dans les salons, où leur visage est perçu de près mais où leurs mouvements semblent exagérés, tantôt sur les vastes scènes de music-hall, qui mettent en valeur leurs silhouettes au détriment des traits du visage.
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31 « Lettre de Jean Cocteau à Pierre Clovel, imprésario de Mme Rasimi », cité...
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32 Raoul Dufy avait conçu les décors du spectacle ; il avait aussi réalisé le...
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33 « Les personnages portent tous d’énormes têtes en carton peint, fort plais...
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34 Jean Cocteau, « Avant Le Bœuf sur le toit de M. Jean Cocteau, un préambule...
11Dans ses arguments chorégraphiques, Cocteau tend à se libérer de ces contraintes propres à la scène, et que l’avènement du cinéma a rendues d’autant plus flagrantes et gênantes. Rétrospectivement, il affirmera avoir cherché, avec Le Bœuf sur le toit, les « modèles du mouvement agrandi et ralenti »31. Une telle ambition apparaît, en effet, dans les masques « trois fois grandeur nature », dont il affuble ses acteurs32, et qui paraissent s’inspirer à la fois de la caricature33 et du gros plan cinématographique. L’auteur les compare, quant à lui, aux « masque[s] antique[s] […] qui donne[nt] une noblesse mystérieuse aux moindres gestes »34. Pourtant, les photographies du spectacle s’écartent de cette référence, évoquant beaucoup plus le visage gonflé de Méliès dans L’Homme à la tête de caoutchouc – aux temps où le gros plan n’était pas possible pour des raisons techniques, et où le réalisateur usait des subterfuges du collage pour agrandir la taille de son visage sur la pellicule. En modifiant les dimensions de la tête, Cocteau propose un rééquilibrage des potentialités expressives du corps et de la face. Tout en tenant compte de la distance qui sépare les acteurs et les spectateurs, il tente de réaliser dans l’espace scénique ce qui, au cinéma, s’accomplit dans le temps, à savoir l’alternance entre plan rapproché et plan moyen :
35 Idem.
Une figure se distingue mal en scène, ou bien elle supplée aux bras, aux jambes qui deviennent gauches. Si la figure est cachée, le corps de l’acteur devient toute une figure qu’exprime pour être vue de loin ce que la figure réelle exprime pour être vue de près.35
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36 Etienne Decroux, « L’Interview imaginaire ou les “dits” d’Etienne Decroux ...
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37 Notes de Marie-Hélène Copeau, « lundi 13 février [1922] », in Jacques Cope...
12Par cette remarque, Cocteau rejoint des recherches pratiquées, à la même époque, sous l’égide de Copeau, et qui auront une influence fondatrice sur Decroux et Barrault par la suite. En effet, « le mime a commencé avec des exercices de masque »36, que Suzanne Bing faisait pratiquer aux élèves de l’école du Vieux Colombier dès 1920, mais surtout à partir de 1922. Comme le note Marie-Hélène Copeau : « Le masque impose une grande force et amplitude dans chaque mouvement, il exige des mouvements complets et développés jusqu’au bout […] »37. Pour mettre en valeur le jeu mimé dans toute sa précision et son exigence, Decroux choisira plus tard de voiler le visage : il quittera ainsi le masque figuratif, auquel il préfèrera la neutralité du « masque inexpressif ». L’abandon du jeu physionomique permettra ainsi d’adapter l’art du mime à l’échelle imposée par la distance scénique. Avec le masque, comme se plait à le répéter Barrault, le corps devient un immense visage :
38 Jean-Louis Barrault, « Le Corps magnétique », in Cahiers de la Compagnie M...
Porter le masque c’est répartir sur tout le corps cette carte géographique qu’on pouvait lire sur le visage.
Le volume de la tête devient alors : regard, intellect. Les deux yeux branchés sur l’Espace solaire prennent la place des deux seins.
Les radars du nez établissent les échanges avec le monde extérieur à l’emplacement entre le plexus et le nombril.
Les deux commissures des lèvres se tiennent au niveau des deux muqueuses : viscérale et sexuelle. Les bras aux mains déployées sont les « oreilles » qui communiquent avec l’infini.38
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39 « Et ce détail : les personnages portant tous une énorme tête en carton, l...
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40 Jean Cocteau, Journal d’un inconnu, Paris, Grasset, 1953, p. 223.
13Cocteau ne dit pas autre chose, quand il affirme que le corps de l’acteur « devient toute une figure », dès que la figure est cachée. Ce détour par le mime corporel permet de clarifier le projet des masques dans Le Bœuf sur le toit : créer une sorte de montage scénique, une transposition spatiale du montage cinématographique. Un tel procédé doit permettre au spectateur de voir simultanément le visage et le corps, mis à la même échelle. Si l’on en croit les témoignages, le résultat s’avère pourtant mitigé. Bien que certains, comme Maurice Boissard, apprécient cet « effet d’optique »39, d’autres, comme Picasso, le critiquent. Plus tard, Cocteau reconnaîtra lui-même avoir fait une erreur dans ses jeux de proportions, au point de produire « des nains à tête énorme » plutôt que des « artistes portant de fausses têtes »40.
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41 Maurice Brillant, « Les Œuvres et les hommes : L’extraordinaire Roméo et J...
14S’éloignant du masque, qui fige le visage en une seule expression, il continue néanmoins à chercher des substituts de gros plan dans ses mises en scène. Il les trouve, d’abord, dans le costume. Les personnages masculins de Roméo et Juliette (1924) portent en effet une « vaste collerette blanche, toute ronde, empesée, redressée hardiment, qui donne au visage un fond lumineux et l’entoure d’une auréole fantasque et poétique »41. Loupe métaphorique, cette collerette enserre les contours de la figure, et accroît l’expressivité de la face, sans pour autant lui faire perdre sa mobilité. Dans La Dame à la licorne (1953), c’est un accessoire qui supplée à l’absence de gros plan : le cadre du miroir brisé. Ce dernier focalise, en effet, le regard du spectateur sur le visage de l’animal :
42 Jean Cocteau, La Dame à la licorne, in TC, p. 83.
La Licorne défonce le miroir avec sa corne (le dévirginise). Un musicien du petit orchestre brise visiblement du verre. La Licorne porte suspendu à sa corne le miroir dont le cadre entoure son visage lorsqu’elle lève la tête masquée.42
15Néanmoins, c’est surtout dans l’éclairage, et plus particulièrement dans l’usage des découpes, que Cocteau trouve la transposition la plus adéquate du gros plan. L’image finale de La Dame à la licorne en constitue une illustration frappante :
43 Ibid., p. 84.
Elle [la dame à la licorne] avance au premier plan. Elle lève le doigt vers une banderole qui descend lentement des cintres et porte l’inscription « Mon seul désir ». La lumière n’éclaire plus que la main de la Dame et la banderole.43
16À moins que Cocteau ne choisisse, comme dans Le Fils de l’air ou l’enfant changé en jeune homme (1959), d’allier les deux procédés, celui de l’accessoire et celui de la découpe lumineuse :
44 Jean Cocteau, Le Fils de l’air ou l’enfant changé en jeune homme, in TC, p...
Soudain, la Dame voit par terre le cerceau de son fils. Elle s’agenouille en le soulevant de telle sorte que son visage s’inscrit dans le cercle. La lumière est tombée. Une autre lumière se concentre sur le cerceau et le visage devenu vieux.44
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45 Marie Chabelska, in « La Petite Danseuse sifflée », 30 mai 17, auteur et j...
17Chez Cocteau, le gros plan n’est d’ailleurs pas seulement un procédé visuel visant à orienter le regard du spectateur ; il est aussi une initiation à l’infiniment petit, dont les mouvements étaient ignorés jusqu’à l’invention du cinématographe. Marie Chabelska, qui jouait la petite fille américaine de Parade, lève le voile sur les films qui inspirèrent la chorégraphie. « Les gestes des managers cruels [affirme-t-elle] étaient ceux d’insectes fouisseurs révélés par le cinéma, exagérés par l’agrandissement »45. Comme l’arrêt sur image, le gros plan fait donc apparaître toute une gestuelle indiscernable pour l’œil humain, que seule la caméra permet de saisir, et qui transfigure notre vision du réel. Il en est de même du rythme, accéléré ou ralenti, qui projette acteurs et spectateurs dans des mondes parallèles.
Le ralenti, « filmer l’invisible » et « le rendre visible » :
« Tout est une question de vitesse. (Vitesse immobile. La vitesse en soi. OPIUM : la vitesse en soie). Après les plantes, dont la vitesse diffère de la nôtre, ne nous montre que de l’immobilité relative, et la vitesse des métaux, qui nous montre encore plus d’immobilité relative, commencent des règnes trop lents ou trop rapides, pour que nous puissions même les apercevoir, être aperçus d’eux (Le CAP, l’ange, le ventilateur). Il n’est pas impossible que le cinéma puisse un jour filmer l’invisible, le rendre visible, le ramener à notre rythme, comme il ramène à notre rythme la gesticulation des fleurs.
L’Opium, qui change nos vitesses, nous procure l’intuition très nette des mondes qui se superposent, se compénètrent, et ne s’entre-soupçonnent même pas. »
Jean Cocteau, Opium, [1930], Paris, Stock, 1993, pp. 151-152.
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46 Jean Cocteau, « Livret de Parade Cocteau, Picasso, Satie, 1916 », in TC, p...
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47 Jean Cocteau, Portraits-souvenirs, op. cit., p. 73.
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48 Jean Cocteau, « Programme des ballets russes, Londres », in Jean Clair (sl...
18Le rythme gestuel est au cœur des préoccupations de Cocteau chorégraphe. Dans Parade, sans doute sous l’influence du futurisme, il privilégie l’accélération de la vie moderne, ses moyens de transports rapides et ses danses effrénées, dans une accumulation ou se trouvent accolés tous les clichés cinématographiques du temps : « Entrez apprendre la vie américaine – entrez voir les trépidations, les courts-circuits, les détectives, l’Houdson, le Rag Time, les usines, les chemins de fer qui déraillent et les paquebots qui coulent. »46 Mais, bien qu’il admire les « films accélérés [qui] nous livrent le secret d’une rose qu’on coupe, d’un haricot en train de naître, d’un crocus qui explose »47, Cocteau manifeste une nette prédilection pour le mouvement ralenti. « Cet âge étant celui de la vitesse, il a déjà atteint sa destination et débarqué ses passagers »48, annonce-t-il dans le programme anglais du Train Bleu, avant de prendre à revers les attentes du spectateur. En effet, les mouvements les plus sportifs se trouvent dépossédés de leur caractère alerte, décomposés comme s’ils étaient captés par une caméra :
49 Jean Cocteau, Le Train bleu, in TC, p. 60.
Entrée par la gauche deuxième plan du Joueur de golf.
Tous les tics et le « genre » de la démarche sportive devenue une espèce de danse lente que la musique accompagne sans « coller ».49
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50 Jean Cocteau, Le Bœuf sur le toit, in TC, p. 27.
19Par le ralenti, Cocteau déjoue le rythme du cinéma burlesque qui, à travers le tressautement de l’image, portait à son paroxysme le vertige sautillant et mécanique de la pantomime anglaise, notamment chez Chaplin. Ce curieux travail de sape est particulièrement frappant dans Le Bœuf sur le toit, où Cocteau emprunte de nombreux gags aux films américains, tout en soumettant les gestes des acteurs à une lenteur lénifiante : « Ils accomplissent chacun, “au ralenti”, à contre-courant de la musique, avec une lourdeur de scaphandriers, les gestes essentiels à leur rôle »50. D’ailleurs, lorsque le spectacle tourne en Angleterre, le public londonien paraît décontenancé de ne pas retrouver, dans les références burlesques dont le spectacle s’enveloppe, la fringance guillerette attendue. Un journaliste du Times s’en étonne :
51 “It is a “farce” without a giggle, much less a laugh ; a harlequinade with...
C’est une farce sans un petit rire, encore moins un grand ; une arlequinade avec le tempo d’un adagio au lieu de celui d’un presto. Un sens de l’humour tel que M. Cocteau en a fait preuve pourrait être cultivé, mais le public du Coliseum n’a rien pu en tirer. […] L’action de la pantomime joue sur le non-sens sans pour autant être amusante.51
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52 Jean Cocteau, Portraits-souvenirs, op. cit., p. 51.
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53 Cocteau dira, à propos de La Belle et la bête : « On parle de la lenteur d...
20Cocteau renonce délibérément au comique, auquel il préfère la poésie inattendue du ralenti, qui retire au mouvement son caractère familier. L’avènement du cinéma, dit-il, a permis de prouver que « les spectacles les plus grossiers, les plus agressifs, contiennent un ange qui s’échappe, une fumée qui part, une douce châtaigne qui sort de ses pointes, pour peu que le ralentisseur freine le rythme de la vie »52. Si la rapidité a partie liée avec le rire, la lenteur a partie liée avec l’art53 : elle permet de recueillir la sève artistique du mouvement, qui à vitesse normale paraîtrait quotidien. Il y a là un dernier point de convergence essentiel avec le mime corporel decrousien. L’art du mime réside dans les changements de dynamique : immobilité prolongée, mouvement explosif (saccade) et lenteur volontaire. Se référant au cinéma, Decroux nomme le ralenti « fondu », et le définit en ces termes :
54 Etienne Decroux, « L’Interview imaginaire ou les “dits” d’Etienne Decroux ...
Et comme contraste il y avait ce que nous appelons aujourd’hui le fondu, un mouvement lent d’une vitesse égale, comme une immobilité transportée, parce qu’on peut avoir un mouvement très lent mais inégal, qui est plus ou moins lent dans son développement. Non, là c’était une lenteur égalitaire, ça se déplaçait comme un nuage que l’on déplace dans le ciel, quand il n’y a pas un vent très violent.54
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55 Outre la référence explicite aux « scaphandriers » dans Le Bœuf sur le toi...
21Chez Cocteau comme chez Decroux, le ralenti engendre des images aériennes : « ange qui s’échappe », « fumée qui part », « nuage que l’on déplace dans le ciel ». Il plonge l’acteur dans un environnement fictif, assimilé tantôt à l’aérien, tantôt à l’aquatique55. Le danseur-mime qui produit le ralenti semble quitter la gravité du monde pour ouvrir le champ à un espace en apesanteur (l’air et l’eau étant les deux éléments propices aux sensations d’apesanteur). Decroux assimile cet ailleurs au paradis :
56 Etienne Decroux, « L’Interview imaginaire ou les “dits” d’Etienne Decroux ...
Le fondu me semble représenter le paradis. […] il représente le bonheur, la sérénité. S’il y a frémissement, c’est un frémissement continu dans une lenteur continue. Le paradis, ce n’est pas le lieu du verbe actif. C’est le lieu du verbe être. Le fondu, ce mouvement lent, ne va nulle part, il n’est pas pressé, il passe comme on demeure. C’est un verbe être en déplacement.56
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57 Darius Milhaud, Ma Vie heureuse, Bourg-La-Reine, Zurfluh, 1998, p. 87.
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58 Pour Etienne Decroux, le fondu est d’ailleurs l’équivalent, dans le temps,...
22Chez Cocteau, c’est aux brumes de l’ivresse et du rêve que renvoie le rythme alangui, si l’on en croit le témoignage de Milhaud concernant Le Boeuf sur le toit : « par contraste avec la musique rapide, Jean [Cocteau] régla les mouvements lentement comme un film au ralenti. Cela donnait à tout l’ensemble un caractère irréel côtoyant le rêve »57. De la même manière que l’arrêt sur image ou le gros plan58, le ralenti déprend le mouvement de la chaîne des causes et des conséquences, pour le soumettre, en soi et pour soi, au regard du spectateur.
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59 Jean Cocteau, Le Jeune Homme et la mort, in TC, p. 71.
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60 Robert Wilson à Nina Mankin, « La Scène comme masque. Robert Wilson parle ...
23Dans cette pantomime qui « exagère son style jusqu’à celui de la danse »59, Cocteau ne cesse d’entailler le déroulement dramaturgique linéaire, pour en extraire la pulpe visuelle du geste arrêté, grossi, ralenti, mis en boucle... La séparation du geste et de la parole (dans Les Mariés de la tour Eiffel), la désynchronisation de l’image et de la musique (dans Le Bœuf sur le toit et Le Jeune homme et la mort), procédés inspirés eux aussi du cinématographe, visent au même effet déréalisant. A contre-courant du wagnérisme encore en vogue à son époque (qui fusionnait l’élément musical, dramatique et gestuel), Cocteau anticipe ainsi sur le théâtre d’images des années 1970. Lui qui rejetait le pléonasme son/image, aurait parfaitement souscrit aux déclarations d’un Bob Wilson, telles que : « Ce que je fais donc, en un sens, c’est prendre une pièce radiophonique et un film muet et superposer la voix de la radio à l’image du film. »60
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61 Jean Cocteau, La Difficulté d’être, op. cit., p. 57. D’autres citations de...
24Par conséquent, si dans l’esprit de Cocteau, le théâtre et l’écran « se tournent le dos »61 résolument, il n’en va pas de même de la pantomime et du cinématographe, arts frères, arts miroirs. En témoigne l’hommage que rendit Cocteau à Marcel Marceau en 1954 :
62 Jean Cocteau, « Générique de Pantomimes, de Paul Paviot, 1954 », ibid., p....
Par une grâce blafarde qu’il tient de Debureau [sic] et de la dramaturgie japonaise, Marcel Marceau imite le silence trompeur des poissons et des plantes. Il évoque mystérieusement cette vie végétative que les films accélérés nous montrent aussi gesticulatrice que celle des hommes.62
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63 Jean Cocteau, « Entretien avec Frédéric Lefèvre, Les Nouvelles Littéraires...
25Le mime est cette belle plante qui exhibe au spectateur ce que le cinématographe ne peut capter qu’à l’aide de « lentilles, [de] ralentisseurs [et d’] appareils mobiles »63. Il déforme le geste quotidien pour nous le restituer dans son essence, et tel que nous ne l’avions jamais perçu.
Notes
1 Jean Cocteau, Portraits-souvenirs, Paris, Grasset, Collection « Les Cahiers rouges », 2003, p. 31.
2 Ibid., pp. 31-32.
3 Ibid., p. 54.
4 Ibid., p. 44.
5 Jean Cocteau, La Difficulté d’être, Monaco, Editions du rocher, 1989, p. 56.
6 Jean Cocteau, « Préface des Mariés de la tour Eiffel, 1922 », in Théâtre complet, Paris, Gallimard, 2003, p. 38. Le volume Théâtre complet sera, dans la suite de l’article, abrégé par la siglaison « TC ».
7 Jean Cocteau, « Entretiens avec André Fraigneau [1951] », in Entretiens sur le cinématographe, op. cit., p. 13.
8 Jean Cocteau, « Entretiens avec Georges-Michel Bovay, (Cinéma, un œil ouvert sur le monde, Lausanne, Clairefontaine, 1952) », ibid., p. 122.
9 Anne Henry, « Cocteau et le ballet moderne », in Jean Cocteau aujourd’hui, textes réunis par Pierre Caizergues, avec des inédits de Jean Cocteau, Paris, Méridiens Klincksieck, 1992, pp. 184-185.
10 Ibid., p. 185.
11 Sous-titre donné à Parade par Jean Cocteau, selon Hélène Laplace-Claverie, Écrire pour la danse. Les livrets de ballet de Théophile Gautier à Jean Cocteau (1870-1914), Paris, Honoré Champion Editeur, 2001, p. 115.
12 « Un nouveau local avait été découvert rue Boissy-d’Anglas. Sa découverte coïncidait avec un spectacle que nous organisâmes à la Comédie des Champs-Elysées. Claudel m’ayant cité l’enseigne d’un bar du Brésil : Le Bœuf sur le Toit, je montais, sur des airs de danse brésiliens, une pantomime interprétée par les clowns Fratellini. Je l’intitulai Le Bœuf sur le toit et Moysès me pria, comme porte-chance, de donner ce titre à son bar. » Jean Cocteau, « La Légende du Bœuf sur le Toit », Toute la vie, 25 septembre 1941, article inséré dans le recueil factice intitulé Bœuf sur le toit (1929-1949), conservé au Département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France, Collection Rondel, cote RO 14 790, p. 23 du recueil factice. Le terme de « pantomime » avait aussi été employé au moment de la création du spectacle, par de nombreux critiques tels que Jacques-Emile Blanche (Comoedia, 21 février 1920), Nozière (L’Avenir, 22 février 1920), G. de Pawlowski, (Le Journal, 22 février 1920), Louis Laloy (Comoedia, 23 février 1920), Edmond See (L’Œuvre, 24 février 1920), André Billy (Bonsoir, 24 février 1920), Maurice Boissard (Mercure de France, 1er avril 1920).
13 Henri Langlois « Jean Cocteau et le cinéma », in Jean Cocteau et le cinématographe, Cahiers Jean Cocteau, n° 3, Paris, Gallimard, 1972, p. 28.
14 Jean Cocteau, « Paris-midi, 28 avril 1919 », Carte Blanche, Lausanne, Mermod, 1953, p. 44.
15 Denis Diderot, Entretiens sur le Fils Naturel, in Oeuvres Tome IV, Esthétique - Théâtre, Paris, Robert Laffont, Collection Bouquins, 1996, p. 1152. Pour une analyse précise des rapports entre pantomime et tableau chez Diderot, lire Arnaud Rykner, L’Envers du théâtre, dramaturgie du silence de l’âge classique à Maeterlinck, Paris, José Corti, 1996, pp. 203-234.
16 « L’instant prégnant » est le nom que donne Barthes à cet instant unique dont parle Lessing dans le Laocoon (Roland Barthes, « Diderot, Brecht, Eisenstein », in Ecrits sur le théâtre, textes réunis et présentés par Jean-Loup Rivière, Paris, Seuil, Collection « Points Essais », 2002, p. 335). Le passage de Lessing dont s’inspire Barthes se trouve dans Gotthold Ephraïm Lessing, Laocoon, textes réunis et présentés par J. Bialostocka avec la collaboration de R. Klein, Paris, Hermann éditeur des sciences et des arts, collection « savoir : sur l’art », 1990, pp. 55-56.
17 Gilles Deleuze, Cinéma I, L’image-mouvement, Paris, Minuit, 1983, pp. 12-17.
18 Jean Cocteau, « Entretiens avec André Fraigneau [1951] », in Entretiens sur le cinématographe, op. cit., p. 18.
19 Lettre de Cocteau à Massine, datée du 13 avril 1917, appartenant à la Fondation Honfleur-Satie, publiée en fac-similé dans le catalogue de Maria Teresa Ocaña (sld), Picasso y el teatro, Barcelone, Àmbit servicios editoriales, 1996, p. 75.
20 Jean Cocteau, Le Train bleu, in TC, p. 59.
21 Ibid., p. 58.
22 Anne Henry, « Cocteau et le ballet moderne », op. cit., p. 184.
23 Jean Cocteau, « Description des tableaux vivants (1952) », in En marge d’Œdipus rex, in TC, p. 228 et 229.
24 « En général, on prenait la scène du naufrage et du tremblement cinématographique de la danse américaine pour des spasmes de delirium tremens. » Jean Cocteau, Le Coq et l’arlequin, notes autour de la musique, Paris, Editions de la Sirène, 1918, p. 41.
25 Jean Cocteau, Les Mariés de la tour Eiffel, in TC, p. 52.
26 « Lettre de Jean Hugo à Erik Aschengreen, datée du 16 novembre 1977 », in Erik Aschengreen, Jean Cocteau and the Dance, translated by Patricia Mac Andrew and Per Avsum, Copenhague, Gyldendal, 1986, p. 106.
27 Etienne Decroux, « Primauté du corps sur le visage et les bras, 1962, pp. 89-129 », in Paroles sur le mime, Paris, Librairie Théâtrale, [cop. 1963], p. 105.
28 Levinson, Rubrique « La Danse », « Le Ballet de Jean Cocteau », in Comœdia, 10 juin 1924, p. 4.
29 « Première plate-forme de la tour Eiffel.
30 Jean Cocteau, « Entretiens avec Georges-Michel Bovay (Cinéma, un œil ouvert sur le monde, Lausanne, Clairefontaine, 1952) », in Entretiens sur le cinématographe, op. cit., p. 124.
31 « Lettre de Jean Cocteau à Pierre Clovel, imprésario de Mme Rasimi », citée dans Jean Cocteau et Darius Milhaud, Correspondance, établie par Pierre Caizergues et Josiane Mas, [Saint-Denis], Novetlé Massalia, 1999, p. 72.
32 Raoul Dufy avait conçu les décors du spectacle ; il avait aussi réalisé les costumes et les masques à partir des maquettes de Guy-Pierre Fauconnet, qui était mort avant d’avoir pu concrétiser ses projets.
33 « Les personnages portent tous d’énormes têtes en carton peint, fort plaisantes par l’aspect caricatural, la fixité des traits à travers les ébats les plus violents, et cette disproportion avec le reste du corps qu’on remarquait déjà dans les portraits-charges d’André Gill et d’autres dessinateurs d’avant-hier. » Paul Souday, « La semaine théâtrale et musicale : Comédie des Champs-Elysées, Le Bœuf sur le toit », in Paris-midi, 25 février 1920, p. 3.
34 Jean Cocteau, « Avant Le Bœuf sur le toit de M. Jean Cocteau, un préambule de l’auteur », in Comœdia, 21 février 1920, p. 1.
35 Idem.
36 Etienne Decroux, « L’Interview imaginaire ou les “dits” d’Etienne Decroux », recueillis par Thomas Leabhart, Claire Heggen et Yves Marc de 1968 à 1987, et mis en forme par Patrick Pezin, in Etienne Decroux, mime corporel, textes, études et témoignages, Saint-Jean-de-Védas, L’Entretemps, 2003, p. 62.
37 Notes de Marie-Hélène Copeau, « lundi 13 février [1922] », in Jacques Copeau, Registres VI, L’École du Vieux-Colombier, textes établis, présentés et annotés par Claude Sicard, Paris, Gallimard, Collection « Pratique du théâtre », 2000, p. 300.
38 Jean-Louis Barrault, « Le Corps magnétique », in Cahiers de la Compagnie Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault, n° 99, 1979, pp. 127-128.
39 « Et ce détail : les personnages portant tous une énorme tête en carton, le visage fixé dans une expression unique, mais à ce point si merveilleusement expressive, quoique rendue de façon très schématique, que ce visage semble constamment animé au gré des sentiments que ces personnages ont à exprimer. Cette tête énorme, par un effet d’optique, diminue d’autant les corps, rétrécit les gestes, accentue les attitudes et les mouvements. » Maurice Boissard, Rubrique « théâtre », in Mercure de France, 1er avril 1920, p. 178.
40 Jean Cocteau, Journal d’un inconnu, Paris, Grasset, 1953, p. 223.
41 Maurice Brillant, « Les Œuvres et les hommes : L’extraordinaire Roméo et Juliette de M. Cocteau », in Le Correspondant, 25 juin 1924, p. 1128.
42 Jean Cocteau, La Dame à la licorne, in TC, p. 83.
43 Ibid., p. 84.
44 Jean Cocteau, Le Fils de l’air ou l’enfant changé en jeune homme, in TC, pp. 93-94.
45 Marie Chabelska, in « La Petite Danseuse sifflée », 30 mai 17, auteur et journal non cités, article inséré dans le recueil factice Théâtre du Châtelet, Ballets russes, 10ème saison, mai 1917, conservé au Département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France, Collection Rondel, cote RO 12 535, dernière page du recueil factice, [p. 47].
46 Jean Cocteau, « Livret de Parade Cocteau, Picasso, Satie, 1916 », in TC, p. 21.
47 Jean Cocteau, Portraits-souvenirs, op. cit., p. 73.
48 Jean Cocteau, « Programme des ballets russes, Londres », in Jean Clair (sld), Picasso 1917-1924 : le voyage d’Italie, Milan / Paris, Bompiani / Gallimard, 1998, p. 117.
49 Jean Cocteau, Le Train bleu, in TC, p. 60.
50 Jean Cocteau, Le Bœuf sur le toit, in TC, p. 27.
51 “It is a “farce” without a giggle, much less a laugh ; a harlequinade with the tempo worked adagio instead of presto. A taste for humor of the kind which M. Cocteau offers might be cultivated, but a coliseum audience could make nothing of it. [...] the action of the pantomime is nonsensical without being amusing.” Traduction personnelle d’un extrait de « A Sad French Farce at the Coliseum », in The Times, Londres, 13 juillet 1920, article sans nom d’auteur, cité dans The Drama Review, vol. 16, n° 3 (T - 55), septembre 1972, p. 45.
52 Jean Cocteau, Portraits-souvenirs, op. cit., p. 51.
53 Cocteau dira, à propos de La Belle et la bête : « On parle de la lenteur de mon film. Or, si le cinématographe n’admet pas la lenteur, ce n’est pas un art. Et c’en est un. Ma lenteur n’en est pas une, c’est un rythme. » Jean Cocteau, [1946], Du Cinématographe, Paris, Pierre Belfond, 1973, p. 107.
54 Etienne Decroux, « L’Interview imaginaire ou les “dits” d’Etienne Decroux », op. cit., p. 63.
55 Outre la référence explicite aux « scaphandriers » dans Le Bœuf sur le toit, citons à ce sujet une anecdote qu’aurait confiée Nathalie Philippart à Erik Aschengreen. Pendant les répétitions du Jeune Homme et la mort (1946), Cocteau aurait indiqué à Nathalie Philippart (la jeune fille), qui proposait de rejeter le jeune homme (Jean Babilée) avec un coup de pied : « Oui, un coup de pied, mais ralenti comme au fond de l’eau » (Erik Aschengreen, Jean Cocteau and the Dance, op. cit., p. 176).
56 Etienne Decroux, « L’Interview imaginaire ou les “dits” d’Etienne Decroux », op. cit., p. 125-126.
57 Darius Milhaud, Ma Vie heureuse, Bourg-La-Reine, Zurfluh, 1998, p. 87.
58 Pour Etienne Decroux, le fondu est d’ailleurs l’équivalent, dans le temps, de ce qu’est le gros plan, dans l’espace : « Si nous nous plaçons d’un point de vue pratique, on peut dire que le fondu joue le rôle du microscope. Il y a des choses si petites qu’on ne peut les voir à l’œil nu et le microscope nous permet de voir une réalité qui n’avait pas touché nos sens. Le fondu, lui, nous permet de voir un itinéraire qu’on n’avait pas identifié parce que le parcours était trop rapide. » Etienne Decroux, « L’Interview imaginaire ou les “dits” d’Etienne Decroux », op. cit., p. 125.
59 Jean Cocteau, Le Jeune Homme et la mort, in TC, p. 71.
60 Robert Wilson à Nina Mankin, « La Scène comme masque. Robert Wilson parle d’Alceste », traduit par Fabienne Durand-Bogaert, in Théâtre/public, n° 72, Gennevilliers, novembre-décembre 1986, p. 92.
61 Jean Cocteau, La Difficulté d’être, op. cit., p. 57. D’autres citations de Cocteau corroborent celle-ci : « Le métier de théâtre ne peut servir les artistes de l’écran et vice-versa. On constate même que ces deux métiers, l’un de souffle et d’étude, l’autre de mécanisme et de vie animale surprise, se desservent. L’artiste du film se montre gauche, lâché seul sur le désert des planches ; l’artiste des planches grimace et s’épuise dans le travail d’une foule de petites scènes construites à la loupe et chacune avec la minutie d’un numéro de music-hall. » Jean Cocteau, « Entr’acte, avril 1934 », in Du Cinématographe, op. cit., p. 19.
62 Jean Cocteau, « Générique de Pantomimes, de Paul Paviot, 1954 », ibid., p. 66.
63 Jean Cocteau, « Entretien avec Frédéric Lefèvre, Les Nouvelles Littéraires, 24 mars1923 », in Entretiens sur le cinématographe, op. cit., p. 164.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Ariane Martinez
Université Grenoble Alpes – U.M.R. Litt&Arts / CINESTHEA