La Réserve : Livraison du 05 novembre 2015

Christine Noille

Faut-il traduire la fiction ? De la résistance des figures en général et de leur oubli

Initialement paru dans : Devant la fiction, dans le monde, C. Grall et M. Macé dir., Presses de La Licorne, Poitiers, 2010

Texte intégral

Présences de la figure

  • 1 Boileau, Traité du Sublime traduit du grec de Longin, dans Œuvres complètes...

1Il n’appartient qu’aux grands auteurs de faire de grandes fautes. Et à lire les rhétoriques classiques (XVIIe-XIXe siècles), force est de constater que ni Corneille ni Racine n’échappent à la règle, et d’une certaine façon, de biais, c’est tout un florilège des « méprises » et des « petites négligences »1 (Boileau / Longin) du grand Siècle qui apparaît. Qu’ont-ils négligé ? D’un exemple à l’autre, une idée se fait jour : l’auteur sublime (Corneille) et l’incomparable poète de l’éloquence (Racine) ont eu du mal avec les figures – car ils en ont abusé :

2C’est ainsi que dans la Thébaïde, première tragédie de Racine, nous lisons :

  • 2 Racine, La Thébaïde (1664), dans id., Théâtre complet, éd. J.-P. Collinet, ...

Pour couronner ma tête et ma flamme en un jour,
Il arme en ma faveur et la haine et l’amour.2

3Commentaire de Fontanier :

  • 3 Fontanier, Les Figures du discours (1830), Paris, Champs Flammarion, 1977, ...

Couronner une tête, c’est y mettre une couronne dessus, et couronner une flamme (une flamme amoureuse, un amour), c’est en combler le vœu par la possession de ce qui en fait l’objet. Dans le premier cas, c’est le sens propre, et dans le second, c’est le sens figuré […]. Or, quelque analogie que l’on suppose entre ces deux sens, il y a cependant entre eux une trop grande différence pour qu’on aime à les voir ainsi présentés tous les deux à la fois. Cette association n’est ni moins bizarre, ni moins choquante que celle d’une tête avec une flamme. […] Comme le mot flamme se trouve joint au mot tête par la copulative et, il faut reconnaître que l’objet en est présenté comme quelque chose, non seulement d’aussi physique qu’une tête, mais d’aussi capable d’être couronné, et couronné de la même manière. Or, quoi de plus absurde ?3

4Même analyse, mais moins de sévérité, chez un Du Marsais, qui, un siècle plus tôt, relève :

  • 4 Dumarsais, Des Tropes ou des différents sens (1730, 1757), Paris, Flammario...

Pyrrhus fils d’Achille, l’un des principaux chefs des grecs, et qui eut le plus de part à l’embrasement de la ville de Troie, s’exprime en ces termes dans l’une des plus belles pièces de Racine (Andromaque, I, 4)
Brûlé de plus de feux que je n’en allumai.
Brûlé
est au propre par rapport aux feux que Pyrrhus alluma dans la ville de Troie ; et il est au figuré, par rapport à la passion violente que Pyrrhus dit qu’ il ressentait pour Andromaque. […] Au reste cette figure joue trop sur les mots pour ne pas demander bien de la circonspection ; il faut éviter les jeux de mots trop affectés et tirés de loin.4

5Enfin, contemporain de Racine, le père Bouhours décrit le même travers, mais tout à la louange du grand homme, il déplace habilement l’accusation, de l’auteur sur le lecteur :

  • 5 Bouhours, La Manière de bien penser dans les ouvrages d’esprit, Paris, 1687...

[Guez de] Balzac ne peut souffrir ce que dit Pompée, lorsqu’il s’embarqua contre l’avis des gens de mer par un temps fort orageux : Il est nécessaire que j’aille ; mais il n’est pas nécessaire que je vive. « Voilà, s’écrit Balzac, l’apparence d’un bon mot, qui pourtant regardé de près se détruit soi-même, et implique une parfaite contradiction : car pour aller, il faut vivre ; et ainsi l’un est aussi nécessaire que l’autre. » […] Où est la contradiction, poursuivit Eudoxe ? Apparemment Balzac s’est mépris aux deux sens du mot […] : il n’a regardé que le sens propre et physique, en disant que pour aller il fallait vivre, et qu’un l’un était aussi nécessaire que l’autre ; cependant le sens de Pompée est figuré […].5

6Ce dernier exemple met en jeu une métonymie (dire la cause pour signifier la conséquence : vivre pour vivre bien, savourer la vie), les deux premiers, des métaphores (il existe un rapport d’analogie entre être brûlé et être chagriné, entre couronner et satisfaire) mais dans les trois cas se met en place une semblable opération de lecture de la figure que nous pouvons décrire ainsi : la tradition rhétorique classique développe un certain nombre de lieux où elle examine ce qui se passe quand les figures ne sont pas immédiatement, ou pas nécessairement, traduites, quand elles sont prises au pied de la lettre - quand le lecteur est suspendu (ou hésitant) entre sens figuré (lequel est censé faire actualité et constituer une performance dans le monde), et sens littéral fictif (lequel, soudain autonomisé, devient perturbant).

  • 6 Fontanier, op. cit.,, p. 105 sq.

7Parmi ces lieux de passage entre figure et monde, le cas de la syllepse est tout à fait exemplaire, en ce que cette figure récente – c’est Dumarsais qui la spécifie comme figure au XVIIIe siècle - est précisément définie comme un trope « mixte » (le terme est de Fontanier6), tenant à la fois en les confrontant sens figuré et sens littéral - sens dans le monde et sens fictionnel. . Nos deux premiers exemples, qui se focalisaient sur couronne et sur brûlé, sont précisément des syllepses, puisque dans chacun des deux,

  • 7 Dumarsais, op. cit., p. 145.

[…] un même mot est pris en deux sens dans la même phrase, l’un au propre, l’autre au figuré.7

8La syllepse est bel et bien une figure extrême – hautement suspecte - en ce qu’elle explicite mais aussi révèle l’ordinaire de toute figure : elle explicite en effet tout d’abord comme usage particulier du signe (comme figure) un fonctionnement sémiotique qui questionne les rhétoriques depuis Quintilien, à savoir que « traduire » la figure – opérer le « détour » ou la « substitution » entre sens propre et sens figuré – n’est jamais évident, mais relève d’une opération qui nécessite pour les rhétoriciens tout un appareil de régulation et de contrôle pragmatique.

9Et la syllepse révèle en même temps et met à jour, dans le démontage qui est fait du processus de compréhension, que pour l’ancienne rhétorique, la construction du sens passe par la mobilisation de représentations concurrentes, d’images fortes traversant et trouant en tout sens le fil rationnel du texte – une flamme surmontée d’une couronne, ou Pyrrhus brûlé par des feux : bref, la construction figurée du sens sollicite à la fois notre imagination et questionne notre croyance, comme la nomme Hume, c’est-à-dire qu’en raisonnant sur le processus d’acceptation du sens, elle s’interroge sur notre capacité à valider et à verser dans l’actualité une image fictive.

10Pour illustrer – imager – ces processus subtils, nous allons nous appuyer sur un texte exemplaire quant à l’hésitation entre sens littéral et sens figuré, et exemplaire quant à sa capacité à faire surgir des scénarios fictionnels qui ne restent pas tous contrefactuels, mais peuvent être reversés dans une actualité ô combien coupable. Il s’agit de la grande scène de l’aveu dans Phèdre, et nous restons donc en terre racinienne.

« Comment avouer cet amour ? » Phèdre, II, 5

  • 8 Racine, Phèdre, II, 6, v. 627-673.

11Nous nous intéresserons plus particulièrement à la première moitié de la scène8, lorsque Phèdre entreprend l’éloge d’Hyppolite sous couvert de sa ressemblance avec Thésée. Texte sublime à la suite duquel, pour nous excuser des commentaires dont nous allons l’accabler, nous donnerons tout d’abord le bel éloge de Fontanier – bel éloge parce qu’éloge, et parce qu’ô combien d’actualité, Fontanier y voyant précisément le modèle exemplaire de la figure qu’il nomme métalepse :

  • 9 Fontanier, op. cit., pp. 127-128.

La Métalepse […] consiste à substituer l’expression indirecte à l’expression directe, c’est-à-dire, à faire entendre une chose par une autre, qui la précède, la suit ou l’accompagne, en est un adjoint, une circonstance quelconque, ou enfin s’y rattache ou s’y rapporte de manière à la rappeler aussitôt à l’esprit.
Phèdre brûle d’amour pour Hippolyte d’un amour incestueux qu’elle ne peut plus cacher. Mais comment avouer cet amour à celui qui en est l’objet, puisqu’elle n’ose se l’avouer à elle-même ? Elle emploie ce détour ingénieux où Hyppolite peut se reconnaître sous le nom de Thésée : Oui, prince, je languis…, etc.9

12Ingéniosité du détour, assurément, mais doublée en même temps d’une ingéniosité d’invention, puisqu’en projetant sur le mode hypothétique son interlocuteur, Hyppolite, sur le même bateau mythique que son père, bien des années avant (« Pourquoi […] ne pûtes-vous alors / entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ? »), Phèdre ose bel et bien une métalepse au sens genettien –et accessoirement un aveu.

  • 10 Ibid.

13Car « ce que Phèdre n’ose dire ouvertement » (l’expression est là encore de Fontanier10), la voix de son désir le dit donc, en usant d’un double détour – portrait de Thésée puis récriture de l’histoire ancienne. Nous n’irons pas plus loin dans le fil de cette interprétation, d’abord parce qu’elle mobiliserait une herméneutique étrangère à la démarche d’analyse qui est la nôtre, et surtout parce qu’elle trahit, nous semble-t-il, ce qui fait la singularité de cette tirade, à savoir son ambivalence.

14En effet doit-on simplement traduire cette commémoration d’amour pour Thésée comme une déclaration d’amour à Hyppolite ? Le texte même nous donne la réponse, en deux temps.

15Premier temps, face à Hyppolite qui a compris la même chose que, deux siècles plus tard, Fontanier, Phèdre dément une telle interprétation, en renvoyant le mauvais auditeur (et par derrière les mauvais lecteurs) au détail de ses propos : « Sur quoi jugez-vous que j’en perds la mémoire ? » - ce à quoi Hyppolite acquiesce totalement, en assumant sa propre culpabilité de mauvais traducteur : « J’avoue, en rougissant, / Que j’accusais à tort un discours innocent. » Mais dans un deuxième temps, Phèdre renverse le sens, en validant cette fois-ci l’interprétation fatale : « Ah ! cruel, tu m’as trop entendue ! » « Cruel ! » La cruauté du traducteur vient remplacer sa culpabilité, en même temps que, pour Fontanier, le sens figuré de la métalepse évacue le sens littéral.

16A partir de là, ce qui nous intéressera ici, ce n’est pas tant de voir les indices qui motivent ce retournement des signes, que les raisons pour lesquelles Phèdre peut – durant six vers – imposer l’autre version, autrement dit, nous essaierons de mettre en évidence les fonctionnements figuraux qui bloquent l’établissement d’un sens coupable et maintiennent l’hypothèse d’un discours parfaitement « innocent », comme le nomme Racine par la voix d’Hyppolite.

« Un discours innocent » : grammaire de la substitution

17Phèdre nous demande de juger sur le matériau verbal et non sur les intentions (à partir du contexte pragmatique) – c’est la raison pour laquelle nous laisserons de côté l’analyse de Fontanier, qui produit une interprétation globalisante de la tirade entière à partir de ce que Racine nous apprend de Phèdre (l’aveu d’amour à la confidente, acte I, scène III), et nous tenterons de repérer dans le fil du discours les montages figuraux locaux.

18De ce point de vue, le discours de Phèdre maîtrise remarquablement l’art de la figure : chaque trope (chaque détour de l’expression) est associé à la signification substitutive qui lui revient, et pris séparément, les signes figuraux posent d’autant moins problème que par-derrière les mots, ce sont les personnes mêmes qui incarnent ici la figuration et fonctionnent tantôt littéralement, tantôt comme signes tropologiques :

19. Première syllepse, quand Phèdre dit « Vous », elle entend tantôt « Vous, Prince » et tantôt « Vous, figurant Thésée ». Le principe de la substitution est posément énoncé et admis dans les deux premières tirades de notre extrait, ainsi que l’opération de substitution des significations (le passage de « Vous » à « Lui » recoupant l’opposition présence / absence, manifestation / mort supposée). Le texte exploite et déploie ce principe de superposition et de passage entre Vous et Lui dans le portrait élogieux de Thésée (« Il avait votre port », « Cette [ au sens de votre] noble pudeur colorait son visage » etc.), tout en posant en même temps une autre dualité sur Thésée lui-même (Thésée au sens n° 1 de « volage adorateur », et Thésée au sens n° 2 de « Fier, et même un peu farouche ») ; mais de cette dualité, la suite du discours ne fait rien en surface, se focalisant sur le sens valorisé, le sens n° 2 (même si, pour l’interprète, il ne ferait pas de doute que le sens n° 1 affleure dans la concurrence des femmes entourant Thésée à l’entrée du Labyrinthe). L’usage du « Vous » est ainsi strictement encadré : dans un contexte passionné, « Vous » se traduit par « Lui » et chaque fois que Phèdre dit « Vous », il conviendra d’entendre « Lui ».

20. Deuxième syllepse, tout à fait parallèle et consécutive, quand Phèdre dit « Je ou Moi », elle entend et fait entendre tantôt « Moi, la Reine » et tantôt « Moi, figurant Ariane », puisque selon un protocole qui est, là encore, celui de la substitution des rôles, le personnage de Phèdre prend littéralement la place de celui d’Ariane dans le remake de « Tous contre le Minotaure » (d’aucun dirait que dans sa précipitation, en se portant en avant du héros, Phèdre prend donc la place de Thésée lui-même, reléguant en second son suivant dans le rôle… d’Ariane - mais là encore, laissons ces joyeuses complications à l’interprète puisqu’au demeurant ce n’est pas explicitement thématisé).

21Au prix de ces deux tropes, l’auditeur doit être en mesure de faire le partage entre Vous au sens littéral de Prince et Vous au sens figuré de Thésée, ou encore entre Moi, littéralement la Reine, et Moi, comme figurant d’Ariane. Quand Phèdre dit : « Je l’aime […] tel que je vous voi », nous comprenons « Moi, la Reine, j’aime Thésée tel que moi la Reine, je vous voi, vous Hyppolite ». Mais quand Phèdre dit « Que de soins m’eût coûtés cette tête charmante ! / Un fil n’eût point assez rassuré votre amante […] », il faut entendre « Que de soins m’eût coûté à moi, figurant Ariane, cette tête charmante qui en vous me rappelle Thésée ; Un fil n’eût point rassuré l’amante de Thésée, à savoir moi dans le rôle d’Ariane ».

22C’est donc au prix d’une écoute en continuelle alerte que s’impose l’idée d’un « discours innocent ».

23Mais la bonne traduction ne dépend peut-être pas uniquement du talent de l’interprète : si le principe grammatical du détour et de la substitution est correctement posé, la tirade de Phèdre ignore en effet tout un ensemble de règles pragmatiques qui encadre le bon usage des figures, tant et si bien que la faillite de la traduction (et l’émergence d’un sens coupable) incombe autant à l’imprudence de l’auteur qu’à la confusion de l’auditeur.

Des figures coupables : pragmatique de l’éloquence

24Sous les chapitres les plus divers, la rhétorique classique n’en finit pas de réguler l’usage des figures,

  • 11 Bouhours, op. cit., Quatrième Dialogue.

[…] de sorte que le soin de celui qui pense, dit Bouhours, doit être, non que sa pensée puisse s’entendre, mais qu’elle ne puisse ne s’entendre pas.11

251) Première régulation pragmatique, un rapport de proximité sémantique doit exister entre le sens figuré et le sens littéral : il s’agit bien d’une règle pragmatique, puisque la proximité en cause doit être établie communément, tant et si bien que les figures éloignées ou « louches », mais passées dans l’usage sont tout aussi pertinentes que les figures neuves offrant un détour modéré de signification :

26C’est ainsi que pour Bernard Lamy, rhétoricien du XVIIe siècle, plusieurs choses

  • 12 B. Lamy, La Rhétorique ou L’Art de parler (1675, 1715), éd. Ch. Noille-Cla...

[…] empêchent les tropes d’être clairs : la première, s’ils sont tirés de trop loin, et pris de choses qui ne donnent pas occasion à l’âme de penser d’abord à ce qu’il faut qu’elle se représente pour découvrir la pensée de celui qui parle […]. Pour éviter ce défaut, on doit tirer les métaphores de choses sensibles qui soient sous les yeux, et dont l’image par conséquent se présente d’elle-même sans qu’on la cherche.12

27Ce à quoi Fontanier, au XIXe siècle, a la rigueur d’ajouter :

  • 13 Fontanier, op. cit., pp. 183-184.

Il faut que les rapports qui leur servent de fondement soient vrais, justes, naturels, faciles à saisir, agréables à observer […]. Observons toutefois que, s’il s’agit de ces tropes généralement usités et qui tiennent au fonds de la langue, on peut être absolument sans scrupule sur leur mérite intrinsèque.13

28Autrement dit, l’habitude de traduction ou à défaut, un rapport coutumier entre les significations garantit la lisibilité de la figure.

292) Deuxième règle contextuelle (confer Bernard Lamy), l’insertion d’indices signalant une audace ou une nécessité dans l’usage des signes, autrement dit la mise en avant du contexte d’énonciation :

  • 14 B. Lamy, ibid.

L’on ne doit jamais se servir d’expressions métaphoriques qui ne soient pas ordinaires, sans y avoir préparé les lecteurs. Un trope doit être précédé de choses qui empêchent de prendre le change ; et la suite du discours doit faire connaître qu’il ne faut pas s’arrêter à l’idée naturelle qu’il présente.14

30Des marques « embrayeurs de figuration » connotent ainsi le contexte d’énonciation en même temps qu’elles dénotent un régime sémiotique particulier.

313) Troisième règle, ouvertement grammaticale, mais fondamentalement pragmatique, le nombre et l’espacement des figures, que Lamy présente ainsi :

  • 15 Ibid.

L’usage trop fréquent des tropes est la troisième chose qui les rend obscurs. Les métaphores les plus claires ne signifient les choses qu’indirectement. L’idée naturelle de ce que l’on n’exprime que par métaphore, ne se présente à l’esprit qu’après quelque réflexion ; on s’ennuie de toutes ces réflexions, et l’on souhaite que celui que l’on écoute épargne la peine de deviner ses pensées. Mais quand nous condamnons le trop fréquent usage des tropes, nous parlons de ceux qui sont extraordinaires. Il y en a qui ne sont pas moins usités que les termes naturels ; ainsi ils ne peuvent jamais obscurcir le discours.15

32Comme on le voit ici explicitement, l’usage discret des figures se plie à un principe pragmatique de « digestion » et d’« évacuation » du travail lectorial de déchiffrage du trope. C’est en calculant la vitesse et la fatigue de traduction que le bon auteur établit son usage des tropes.

33Une autre formulation de la même règle requiert, dans le cas où les tropes se succèdent rapidement, une cohérence entre eux – toujours dans la perspective de la difficulté qu’il peut y avoir dans le travail de traduction. Relisons Fontanier :

  • 16 Fontanier, op. cit., pp. 200-201

Les tropes pourraient être en eux-mêmes irréprochables, ou même fort beaux, que leur beauté s’affaiblit quelquefois, ou même disparaît tout à fait, quand on vient à les considérer les uns par rapport aux autres. C’est ce qui arrive toujours, lorsque, sans analogie marquée entre eux, et se repoussant à peu près mutuellement, ils tombent presque à la fois sur le même objet, pour le transformer ou modifier, chacun à leur manière ? En effet, leur accumulation alors n’est ni sans confusion ni sans bizarrerie, et l’esprit, en passant brusquement de l’un à l’autre, se trouve tout à coup déçu, déconcerté, parce qu’il ne sait plus se reconnaître ni à quoi s’en tenir.16

34Dans le cas où deux tropes se télescopent en effet, l’opération de traduction, fût-elle amorcée pour la première figure, est alors totalement suspendue et abandonnée, le lecteur n’ayant plus le temps que d’additionner les sens littéraux, comme l’analyse le même Fontanier :

  • 17 Ibid., p. 202.

J.-B. Rousseau dit à Homère, dans son Ode sur les divinités poétiques : Oui, c’est toi, peintre inestimable, / Trompette d’Achille et d’Hector. […] Les deux métaphores, peintre et trompette, sont donc, chacune irrépréhensibles en elles-mêmes. Mais devaient-elles être ainsi rapprochées l’une de l’autre dans une même phrase ? Qu’y a-t-il de commun entre un peintre et une trompette, et peut-on se faire à voir tout à coup transformé en trompette, le poète qui vient à peine d’être transformé en peintre ? Si du moins les deux métaphores étaient assez éloignées l’une de l’autre pour que la première fût oubliée quand la seconde arrive.17

35Comme on le voit, l’opération grammaticale de substitution (entre sens littéral et sens figuré) est ainsi protocolairement soumise à une régulation pragmatique dense. Voilà qui nous permet de nous en retourner à la tirade de Phèdre, avec des outils qui vont nous permettre d’évaluer la pertinence pragmatique de son usage des figures :

361. Concernant la pragmatique de l’accoutumance sémantique, notons qu’elle est globalement respectée : les figures sont neuves (Hyppolite pour Thésée, Phèdre pour Ariane), mais les analogies sont explicitées (la représentation en esprit de Thésée ressemble à la représentation visuelle d’Hyppolite, et le lien sororal présente le couple Ariane / Phèdre.

372. Deuxième règle rappelée, la pragmatique de la préparation est diversement respectée : sur - élaborée dans la mise en place du sens figuré de « Vous » comme valant pour « Thésée tel que Phèdre se le représente » - la montée en puissance du trope passe par l’étape intermédiaire de la comparaison (« tel que je vous voi »), qui fonctionne comme embrayeur du discours tropologique ; la préparation est en revanche brève et brutale dans le surgissement de Phèdre dans le rôle d’Ariane – le parallèle entre les deux étant réduit à la mention du lien sororal et au bousculement sans ménagement de l’une par l’autre (« Mais non, dans ce dessein je l’aurais devancée […] / C’est moi, Prince, c’est moi, etc. »)

38Pour le dire autrement, ce moi-là qui s’élance avec le héros perd de son évidence tropologique, et chaque fois qu’il le rencontre, le lecteur a à produire un exercice volontaire de réflexion et une ascèse de remémoration du principe de substitution.

393. Troisième règle pragmatique (faible fréquence et espacement), elle est systématiquement bafouée : mieux, l’accumulation à faible distance des tropes est à même de paralyser tout effort raisonné de remplacement du littéral par le figuré, à moins d’une ascèse et d’une discipline hors du commun, non naturel, ou, ce qui revient au même, d’un protocole de lecture artificiel tel que celui que nous avons accrédité dans le premier mouvement de cet exposé. Autrement dit, la production naturelle du sens travaille à coudre ensemble sans ménagement tous les sens littéraux, jusqu’à entendre, comme le pauvre Hyppolite, que « Phèdre au labyrinthe avec [lui] descendue / Se serait avec [lui] retrouvée ou perdue ».

40Ajoutons une ultime infraction, présente dans ce dernier, qui nous fera retrouver la problématique de la syllepse : à savoir l’impossibilité de lire Ariane à la place de « Moi », puisqu’au demeurant le Moi s’altère ici dans une troisième personne grammaticale explicitement nommée « Phèdre ». Ce faisant Racine enfreint les règles pragmatiques renforcées qui président à l’instauration des syllepses.

  • 18 Voir sur ces deux points L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des scien...

41Pour le dire autrement, si la syllepse propose une coexistence brutale, sans espacement, du littéral et du figuré, elle devra être fortement canalisée dans une construction grammaticale en deux temps et en deux temps seulement, où l’on passe du sens 1 au sens 2 ; et surtout, l’embrayage du sens figuré doit être facilité d’abord par le recours à un sens figuré d’usage – le texte jouant ainsi sur un automatisme de traduction18.

42Or, que fait avec nous Racine (et que dit Phèdre) ? Non seulement le sens figuré est loin d’être commun, mais le texte opère maint aller-retour entre littéral et figuré, tant et si bien qu’à la place d’une splendide construction à deux membres distincts, on se retrouve face à un montage monstrueux, face à une superposition anarchique de « Vous » littéral et de « Vous » en tant que représentant Thésée, de» Moi » littéral et de Moi en tant que figurant Ariane. Outre le cas précédemment signalé concernant la rencontre improbable sur un bateau entre le père et le fils, deux autres exemples suffiront :

431. collage du sens littéral de « vous » comme « vous, Prince », et usage du sens figuré de « Vous » pour « Vous, figurant Thésée » dans ces vers-ci :

C’est moi, Prince [vous, Prince], c’est moi, dont l’utile secours / Vous eût [à vous, en tant que vous êtes là pour Thésée] du Labyrinthe enseigné les détours.

442. collage du sens littéral de « Moi, la Reine » et du sens figuré de « Moi, à la place d’Ariane », précisément dans les mêmes vers :

C’est moi [moi qui vous parle], Prince, c’est moi, dont l’utile secours [à la place du secours d’Ariane] / Vous eût du Labyrinthe enseigné les détours.

45Non seulement il y a « attelage » douteux, mais l’équivoque est renforcée par le retour et le rappel du littéral après l’usage du figuré (alors que dans la syllepse classique, il y a une seule et unique convocation de l’un et l’autre sens). Ce faisant, Racine bafoue la logique de la comparaison, laquelle suppose une dynamique de réflexion sans possible retour en arrière.

46Car la comparaison n’est pas ici uniquement à comprendre comme forme grammaticale : dans les rhétoriques classiques, qui s’adossent systématiquement jusqu’au XIXe siècle inclus à des topiques, c’est-à-dire à des traités portant sur les différents modes de raisonnement persuasif, la comparaison est plus qu’une construction grammaticale (et bien plus qu’une figure d’ornement) : elle est un des lieux rhétoriques communs aux trois espèces, c’est-à-dire un des modes fondamentaux d’enchaînement raisonné de la preuve – ce qui exclut les retours en arrière et les récurrences en boucle.

Raisonner sur les images : une logique de la traduction

47Ce que mettent en évidence tous les cas d’abus et de mésusage des tropes que nous avons rencontré dans trois siècles de rhétorique, c’est l’importance de la constitution par assemblage du sens littéral : alors même que la description dominante de la figure la présente sous l’égide de la substitution et du détour, comme si le sens littéral du signe était immédiatement et sans réflexion mis entre parenthèses, évacué, transparent, nos exemples – au premier rang desquels la magnifique interprétation d’Hyppolite -, soulignent la résistance du littéral et, dans le meilleur des cas (quand le trope est lisible), son évacuation raisonnée. Nous le savons depuis les grandes études de Barthes et de Genette, il reste toujours du Lion dans la métaphore « Vous êtes mon Lion superbe et généreux » (Hernani) ou comme le dit Bouhours au XVIIe siècle sur la même métaphore, mais sans Victor Hugo :

  • 19 Bouhours, op. cit., Premier Dialogue.

Tout cela se doit entendre dans un bon sens, répartit Eudoxe. Le figuré n’est pas faux, et la métaphore a sa vérité aussi bien que la fiction. […] Quand Homère dit qu’Achille va comme un lion, c’est une comparaison : mais quand il dit du même héros, ce Lion s’élançait, c’est une métaphore. Dans la comparaison le héros ressemble au lion ; dans la métaphore le héros est un lion. […] ; mais il n’y a pas plus de fausseté dans l’une que dans l’autre. Ces idées métaphoriques ne trompent personne : on sait ce qu’elles signifient pour peu que l’on ait d’intelligence ; et il faudrait être bien grossier pour prendre les choses à la lettre.19

48Confusion « pour ainsi dire » du Lion avec Achille, mais sans « piège » : le sens littéral, Achille devenu lion, est tout aussi « grossier » que l’esprit qui pourrait s’y arrêter (s’en contenter). Arrêtons-nous y cependant : Achille devenu lion, c’est bien cette idée, cette représentation que l’imagination a identifié par application du sens littéral de la figure à son support. Même dans ce cas d’une métaphore usuelle, aisément traduisible, la lecture selon l’analyse de l’ancienne rhétorique, fait l’hypothèse d’une présentation littérale de la signification. Nous ne saurions parler ici d’« hyper – littéralisme » dans la mesure où, selon la rhétorique, le littéralisme n’a rien « d’hyper », il est à la fois l’étape première, rudimentaire et commune dans l’appréhension du sens. Aucune figure trope n’y échappe, et la simplicité, la proximité ou le caractère usuel du rapport qu’elle présente entre sens littéral et sens figuré ne sert qu’à abréger l’étape intermédiaire du littéralisme : qu’un rhétoricien se penche sur la plus simple des métaphores, « Ce lion » pour « Achille », et la littéralité de l’image « Achille est vraiment un lion » est mise à nu. Ajoutons qu’il s’agit bien de la faculté d’imagination qui est ici à l’œuvre dans ce travail de présentation des significations littérales ; d’autres exemples nous le confirment :

  • 20 Fontanier, op. cit., p. 194.

Comme le mot flamme se trouve joint au mot tête par la copulative et, il faut reconnaître que l’objet en est présenté comme quelque chose, non seulement d’aussi physique qu’une tête, mais d’aussi capable d’être couronné, et couronné de la même manière. Or, quoi de plus absurde ?20

  • 21 Ibid., p. 190.

Les cheveux légèrement agités ont quelque chose d’analogue à ce mouvement d’ondulation appelé onde. On peut donc désigner métaphoriquement cette ressemblance par le même nom, et dire, Des cheveux en ondes, ou Des ondes de cheveux. Mais qu’est-ce que les cheveux peuvent offrir d’analogue à l’onde prise dans le sens d’eau ? Or, ce n’est que dans l’onde prise dans ce dernier sens que l’on peut tremper ses mains. On ne peut donc pas les tremper dans des ondes de cheveux, qui ne sont pas de l’eau, ou quelque chose de liquide. Quoi de plus absurde que […] un bras prêté à un cœur ? C’est cependant ce qu’a dit le grand Corneille. […] Rodogune : A ce cœur qu’il vous laisse osez prêter un bras.21

49Toute la stratégie d’accord figural sera de calculer l’arrêt sur image : et ce calcul peut bien évidemment être pragmatique, par insertion de marques contextuelles, confer Lamy :

  • 22 Op. cit., L.II, ch. IV.

Un trope doit être précédé de choses qui empêchent de prendre le change ; et la suite du discours doit faire connaître qu’il ne faut pas s’arrêter à l’idée naturelle qu’il présente.22

50Mais ces règles d’usage ne changement finalement rien à la donne fondamentale de la lecture figurale pour les rhétoriciens : à savoir que le processus passe naturellement par l’image littérale, en attente d’un rebond et d’une révision ultérieurs.

51La théorisation classique de la figure va alors intégrer dans le déroulement d’un raisonnement logique de type comparatif cette étape où règne la faculté de produire une image, où règne l’imagination.

52Rappelons avec la Logique de Port-Royal, qui ne la renie pas, comment fonctionne la probation par comparaison :

  • 23 A. Arnauld et P. Nicole, La Logique ou L’Art de penser, éd. L. Marin, Pari...

On prouve que ce qui convient ou ne convient pas à une chose égale ou semblable, convient ou ne convient pas à une autre chose à qui elle égale ou semblable.23

53Tout le calcul de la comparaison, pour paraphraser cette citation, repose sur l’appréhension comparée de convenance, celui qui cherche à (se) persuader mettant en avant la part de convenance (ou de disconvenance). Mais convenance de quoi avec quoi ?

54Il nous faut aller dans un corpus un peu plus extérieur, celui du philosophe Hume, pour approfondir ce dernier point.

55Dans sa réflexion sur l’imagination, Hume met en avant deux idées intéressantes pour notre sujet, l’une, bien connue, selon laquelle imaginer quelque chose, c’est imaginer que la chose existe :

  • 24 D. Hume, Traité de la nature humaine, éd. et trad. A. Leroy, Paris, Aubier...

Il n’y a pas d’impression ni d’idée d’aucune sorte, dont nous avons conscience ou mémoire, que nous ne concevions comme existante. […] L’idée d’existence s’identifie alors exactement à l’idée de ce que nous concevons comme existant. Réfléchir à quelque chose simplement et y réfléchir comme à une existence sont deux actes qui ne diffèrent en rien l’un de l’autre. […] Tout ce que nous concevons, nous le concevons comme existant. […] Tout objet, qui se présente, doit nécessairement exister.24

56Et la seconde idée, c’est qu’il convient de distinguer entre existence et existence « extérieure », et que la ligne de partage entre les deux s’opère grâce à la notion de croyance ; car les images emportant notre croyance intègrent le champ de notre actualité (« les idées du jugement ») tandis que les images s’y dérobant sont rejetées dans le champ de la fiction :

  • 25 Id., Enquête sur l’entendement humain (1758), éd. M. Beyssade (trad. A. Le...

En philosophie, nous ne pouvons aller plus loin que l’affirmation suivante : la croyance, c’est quelque chose de senti par l’esprit qui distingue les idées du jugement des fictions de l’imagination. Cela leur donne plus de poids et d’influence ; les fait paraître de plus grande importance ; les renforce dans l’esprit et en fait le principe directeur de nos actions.25

57Et c’est bien la croyance qui emporte le jugement d’« existence extérieure », pour reprendre l’expression de Hume

  • 26 Id., Traité de la nature humaine, op. cit., IV, 2

Cette hypothèse, cette idée d’une existence continue acquiert de la force et de la vivacité grâce au souvenir de ces impressions détachées et de cette tendance à admettre leur identité, qu’elles suscitent en nous ; or, d’après notre raisonnement précédent, l’essence même de la croyance consiste dans la force et la vivacité de la conception.26

58Or, comment opère la croyance ? Hume met en avant une opération de jugement, d’évaluation par comparaison des images avec notre univers de croyance :

  • 27 Id., Enquête sur l’entendement humain, op. cit., V, 2.

Admettons alors […] et accordons que le sentiment de croyance n’est rien qu’une conception plus intense et plus stable que celle qui accompagne les pures fictions de l’imagination, et que cette manière de concevoir naît d’une conjonction coutumière de l’objet avec quelque chose de présent à la mémoire et aux sens. […] Nous avons déjà observé que la nature a établi des connexions entre les idées particulières et qu’une idée, dès qu’elle apparaît à nos pensées, introduit sa corrélative et porte notre attention vers elle par un mouvement doux et insensible. Ces principes de connexion ou d’association, nous les avons réduits à trois, la ressemblance, la contiguïté et la causalité.27

59Tirons de cet excursus philosophiques plusieurs points qui nous serviront de bilan.

601. Dans l’ancienne rhétorique, la production du sens s’appuie naturellement sur l’imagination, en ce qu’elle produit des représentations imaginaire.

612. Ces images s’intègrent dans une logique de validation ou d’invalidation, qui répond à leur capacité à s’imposer comme existantes.

623. Entre alors en jeu une logique de validation qui discrimine les images en fictions et en significations actuelles, par un test comparatif, par un raisonnement de comparaison des images avec l’ensemble du contexte, autrement dit notre monde actuel.

63Une couronne sur une flamme, des bras greffés sur un cœur, un lion dans la peau d’Achille, Pyrrhus souffrant de brûlures, autant d’images qui ne parviennent pas à tisser des liens et à faire sens avec l’ensemble de notre monde. Et le décret, le jugement logique de fictionnalité vient sanctionner la conclusion du raisonnement. La fiction, en tant qu’imagination, passe ici par ce balancement douteux pendant lequel sa part d’actualité, son rapport à notre monde a été sérieusement envisagé et questionné.

64Bien évidemment, les rapports entre images et monde actuel sont le plus souvent bien plus forts, plus riches et plus complexes que les montages burlesques prisés par les rhétoriciens : comme l’écrit Hume,

  • 28 Ibid., V, 2.

[L’imagination humaine] peut feindre une suite d’événements avec toute l’apparence de la réalité, elle peut leur attribuer un temps et un lieu particuliers, les concevoir comme existants et les dépeindre avec toutes les circonstances qui appartiennent à un fait historique auquel elle croit avec la plus grande certitude.28

65Le testing comparatif devra aller bien plus loin dans l’évaluation des connexions, en mettant en avant d’autres critères (et Hume suggère ceux de leur cohérence et de leur continuité, de leur constance). Si les esprits les plus grossiers ne peuvent confondre un lion avec Achille, il n’en va pas de même pour les fictions les plus raffinées.

66Et nous retrouvons, au terme de notre parcours, l’erreur fatale d’Hyppolite : qu’il soit passé par l’étape inévitable du littéralisme, le contexte pragmatique défectueux l’y poussait. Mais il est bel et bien coupable et peut à bon droit rougir : coupable d’un jugement logique défectueux, alors même qu’il possédait une connaissance claire du contexte (« Madame, oubliez-vous / Que Thésée est mon père, et qu’il est votre époux ? »). Voilà précisément le savoir avec lequel eût dû être logiquement connectée l’image forte et troublante de la déclaration amoureuse : la disconvenance évidente eût suffi, dans le monde des rhétoriciens, à susciter un impératif de reformulation et d’explicitation du sens figuré.

67Mais Hyppolite n’est pas un rhétoricien, il n’a pas traduit la fiction, il a actualisé un scénario contrefactuel. Sans doute avec Phèdre au labyrinthe descendue, son aptitude à lire les figures se s’est pas retrouvée mais perdue.

Notes

1 Boileau, Traité du Sublime traduit du grec de Longin, dans Œuvres complètes de Boileau-Despréaux, publiée par P. Chéron, Paris, Garnier Frères, s.d., ch. XXVII, p. 266.

2 Racine, La Thébaïde (1664), dans id., Théâtre complet, éd. J.-P. Collinet, Gallimard, Folio Classique, t. I, 1982, V, 4, v. 1427-1428.

3 Fontanier, Les Figures du discours (1830), Paris, Champs Flammarion, 1977, p. 193.

4 Dumarsais, Des Tropes ou des différents sens (1730, 1757), Paris, Flammarion, 1988, pp. 145-146.

5 Bouhours, La Manière de bien penser dans les ouvrages d’esprit, Paris, 1687, Premier Dialogue.

6 Fontanier, op. cit.,, p. 105 sq.

7 Dumarsais, op. cit., p. 145.

8 Racine, Phèdre, II, 6, v. 627-673.

9 Fontanier, op. cit., pp. 127-128.

10 Ibid.

11 Bouhours, op. cit., Quatrième Dialogue.

12 B. Lamy, La Rhétorique ou L’Art de parler (1675, 1715), éd. Ch. Noille-Clauzade, Paris, H. Champion, 1998, L. II, ch. IV.

13 Fontanier, op. cit., pp. 183-184.

14 B. Lamy, ibid.

15 Ibid.

16 Fontanier, op. cit., pp. 200-201

17 Ibid., p. 202.

18 Voir sur ces deux points L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société de gens de lettres (1715-1772) , Beauzée, article SYLLEPSE.

19 Bouhours, op. cit., Premier Dialogue.

20 Fontanier, op. cit., p. 194.

21 Ibid., p. 190.

22 Op. cit., L.II, ch. IV.

23 A. Arnauld et P. Nicole, La Logique ou L’Art de penser, éd. L. Marin, Paris, Flammarion, 1970, pp. 302-303.

24 D. Hume, Traité de la nature humaine, éd. et trad. A. Leroy, Paris, Aubier, 1983, IV, 2.

25 Id., Enquête sur l’entendement humain (1758), éd. M. Beyssade (trad. A. Leroy), Paris, Garnier-Flammarion, 1983, V., 2.

26 Id., Traité de la nature humaine, op. cit., IV, 2

27 Id., Enquête sur l’entendement humain, op. cit., V, 2.

28 Ibid., V, 2.

Pour citer ce document

Christine Noille, «Faut-il traduire la fiction ? De la résistance des figures en général et de leur oubli», La Réserve [En ligne], La Réserve, Livraison du 05 novembre 2015, mis à jour le : 26/11/2015, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/reserve/177-faut-il-traduire-la-fiction-de-la-resistance-des-figures-en-general-et-de-leur-oubli.

Quelques mots à propos de :  Christine  Noille

Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – RARE Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution

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