La Réserve : Livraison du 08 novembre 2015
L’autre, le moi et le savoir de l’Histoire : lecture croisée de Nous autres d’Eugène Zamiatine et de W ou le souvenir d’enfance de Georges Perec
Initialement paru dans : Jacques Berchtold (dir.), Europe : Regards sur l’utopie, 2011
Texte intégral
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1 Ecrit en 1920 Nous autres met en scène, en empruntant la forme du journal i...
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2 Droit qu’il obtint. Il mourut à Paris en 1937.
1Nous autres d’Eugène Zamiatine1 et W ou le souvenir d’enfance de Georges Perec : le rapprochement peut surprendre. Sans entrer dans le débat sur la pertinence d’un parallèle entre le nazisme et le communisme, on peut opposer la complexité structurelle et générique de W ou le souvenir d’enfance, où s’enchevêtrent autobiographie, roman d’aventures et utopie, à la narration linéaire (intercalée) et à l’unité générique qui caractérise Nous autres. On peut aussi rappeler le caractère rétrospectif de W, qui permet de classer l’étrange livre de Perec dans la catégorie des témoignages sur les camps nazi, et le caractère prospectif de celui de Zamiatine, qui imagine un futur du communisme soviétique, ce qui vaut à Nous autres de figurer dans les ouvrages sur la littérature de science-fiction et d’anticipation. De là à reconnaître à W une gravité sans commune mesure et à nier tout sérieux à Nous, il n’y a qu’un pas. Le franchir serait oublier les conséquences que chaque livre eut sur la vie de son auteur : si l’écriture de W a eu des vertus thérapeutiques pour Perec, Nous valut à Zamiatine une radicalisation de l’ostracisme dont il était victime depuis quelques temps déjà, et qui l’a finalement poussé à demander à Staline le droit de quitter l’URSS2.
2Dès lors qu’on est prêt à prendre Nous au sérieux, quitte à mettre entre parenthèses les allures un peu datées de cette société entièrement machiniste et collectiviste, des similitudes se dessinent entre le roman de Zamiatine et celui de Perec. Elles tiennent à l’évidence à la convocation, dans les deux œuvres, d’un intertexte utopique au service de la critique d’un régime totalitaire. Un procédé dont Zamiatine peut se vanter d’être l’inventeur, puisque Huxley comme Orwell liront Nous avant d’écrire Le meilleur des mondes et 1984. Mais en dépit de l’absence d’une filiation aussi directe, la parenté entre Nous et W est à certains égards plus forte encore, puisque les deux textes (W en partie du moins) sont des anti-utopies au sens le plus strict du terme. Tous deux empruntent, pour le dénoncer, le discours même de l’utopie : tous deux proposent des descriptions de communautés imaginaires, mal situées dans l’espace et le temps, closes sur elles-mêmes et coupées du monde, régies par un système politique et social inédit, présenté d’emblée comme parfait et exemplaire.
3 « Но ведь это будет производная от нашей жизни »
Ces notes seront un produit de notre vie, de la vie mathématiquement parfaite de l’Etat (16)3
3s’exclame au début de son journal D-503, les « joues en feu », alors que le narrateur anonyme qui nous décrit W n’envisage pas qu’on puisse ne pas partager son enthousiasme :
4 Toutes les citations sont tirées de W ou le souvenir d’enfance, Paris, Gall...
qui ne serait enthousiasmé par cette discipline audacieuse, par ces prouesses quotidiennes, cette lutte au coude à coude (96)4
4C’est seulement au fil du texte que l’enthousiasme initial des énonciateurs craquelle, comme malgré eux, et que l’Etat Unique de Zamiatine et l’île W de Perec révèlent leur véritable et monstrueux visage. L’organisation de ces deux univers repose (apparemment) sur une même inflation de règles et de lois, un même constructivisme forcené et une même confiance aveugle en la raison : les Tables des Heures qui règlent à la minute près l’emploi du temps de chaque citoyen de l’Etat Unique trouvent un écho dans l’organisation mathématique qui (au premier abord du moins) ne laisse rien au hasard dans le système des compétitions à W.
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5 Cioran, Histoire et utopie, Paris, Gallimard, 1960, p. 110.
5On le voit, les points de convergence entre Nous autres et W ou le souvenir d’enfance existent, pour peu qu’on y prête attention. Loin de moi l’intention d’en conclure à quelque parenté entre le communisme et le nazisme, question que je laisserai de côté. Je voudrais aborder les deux textes « du côté de la littérature » et non « du coté de l’Histoire » et montrer comment il est possible de lire ensemble Nous et W, afin d’y découvrir les mutations d’un même questionnement qui plonge ses racines directement dans l’intertexte utopique pour interroger la notion d’altérité. L’utopie est par essence « hostile à l’anomalie, au difforme, à l’irrégulier, elle tend à l’affermissement de l’homogène, du type, de la répétition et de l’orthodoxie » écrit par exemple Cioran5. Ni Zamiatine, ni Perec près d’un demi-siècle plus tard (un demi-siècle chargé d’Histoire), n’oublient le postulat de l’homogénéité utopique. Bien au contraire, ils en font le point névralgique de leur réflexion, autour duquel s’organisent les autres enjeux.
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6 Leonid Heller a montré à quel point les aspects visuels de l’Etat Unique pr...
6Chez Zamiatine le postulat de l’homogénéité frappe d’emblée. L’Etat Unique est homogène jusque dans son chromatisme : seul trois couleurs y ont droit de cité (le bleu du ciel et des uniformes, le jaune du soleil et des plaques portant le numéro personnel de chaque citoyen, le rose de la chair). Toutes les constructions, immeubles et chaussées, sont en verre, et toutes les lignes sont droites6. Les hommes, tous semblables (sont autorisés à procréer seulement les citoyens pourvus de caractéristiques physiques précises qui définissent la « Norme Maternelle »), tous vêtus du même « unif », y répètent à l’infini les mêmes actions, tous ensemble :
7 « В один и тот же час единомиллионно начинаем работу -- единомиллионно конч...
A la même heure et à la même minute, nous, des millions à la fois, nous commençons notre travail et le finissons avec le même ensemble. Fondus en un seul corps aux millions de mains, nous portons la cuiller à la bouche à la seconde fixée par les Tables ; tous au même instant, nous allons nous promener, nous nous rendons à l’auditorium, à la salle des exercices de Taylor, nous nous abandonnons au sommeil... (26)7
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8 La question de l’altérité chez Zamiatine est étudiée, dans une perspective ...
7Nulle place dans cet univers pour l’altérité, quelle qu’elle fût, pensée dissidente, touche de couleur inattendue, ou simple imprévu. L’altérité existe pourtant, sous une forme absolue, mais elle a été entièrement reléguée au delà du Mur Vert, qui entoure l’Etat Unique et qu’il est interdit aux citoyens de franchir. Au delà du Mur Vert, ainsi que pourra le constater D-503 entraîné par la belle rebelle I-330, des hommes sauvages (les « Mefi »), tous différents, poilus et chevelus, vivent nus, dans un univers aux formes biscornues. Le monde des Méfi est à l’extrême opposé, à tous points de vue, de celui de l’Etat Unique : là domine la technique ; ici, la nature ; là, le bleu ciel ; ici le vert végétal ; là, les formes géométriques ; ici, les formes naturelles ; là, l’ordre ; ici, l’anarchie. L’autre est donc doublement autre en quelque sorte, puisque son altérité réside aussi dans son ouverture à l’altérité, dans la place qu’il laisse aux différences, irrégularités et anomalies. C’est un peu comme si pour atteindre l’uniformité absolue, l’Etat Unique avait évacué l’altérité au dehors, l’avait refoulée hors de ses limites, car sa stratégie consiste à séparer, disjoindre, radicaliser les oppositions8. Voilà pourtant qui le rend vulnérable. Une révolte se prépare, des brèches se creusent peu à peu dans le Mur Vert et l’Etat Unique voit son homogénéité menacée : le ciel est désormais secoué de crampes violettes, des branches aux feuilles vertes, ambrées et pourpres jonchent les chaussées de verre, des oiseaux volent dans le ciel... Pour se défendre, l’Etat Unique intensifie sa logique du refoulement de l’altérité subversive en édifiant un mur d’ondes à haute tension. C’est sur cette information que se termine la dernière note de D-503.
8Sur W, au premier abord, le principe d’homogénéité n’apparaît pas avec autant d’évidence. Mais le premier abord est trompeur. Car lorsqu’il lit, dans le premier chapitre de la fiction W, qu’à W « le Sport et la vie se confondent en un même magnifique effort », que « le Sport [y] gouverne », où qu’il y a « façonné au plus profond les relations sociales et les aspirations individuelles » (95), le lecteur ignore encore à quel point il faut prendre ces propositions à la lettre. En effet, à W, le sport n’est plus une activité délimitée dans l’espace et le temps, juste un peu plus appréciée que dans le monde normal. L’idéal sportif sous-tend l’urbanisme géométrique et répétitif de W : des villages analogues, tous administrés à l’identique, y forment des quadrilatères centrés autour d’un Stade Central où ont lieu les Jeux (104). L’idéal sportif gouverne la vie des hommes : tous vêtus des mêmes tenues rayées, ils s’y livrent sans fin aux mêmes entraînements et compétitions absurdes, conformément à une organisation qui ne laisse rien au hasard. A W rien n’existe en dehors du sport. Rien n’existe, non plus, en dehors de W : pas de contre modèle sous le signe de la différence de l’autre côté d’un Mur Vert. L’altérité a-t-elle été refoulée plus efficacement à W que dans l’Etat Unique ? Pas exactement : toute l’astuce du système W consiste à avoir réintégré l’anomalie et l’irrégularité, c’est-à-dire son exact opposé. A W en effet, la loi et l’organisation ne règnent qu’en apparence. Le système obéit en réalité à une logique inverse, que le lecteur comprend peu à peu, et qui à l’approche de la fin du livre finit par être érigée en système, le système W, une subtile combinaison de formalisme et de violence. Cette logique est celle du retournement inopiné des situations, du renversement inattendu des rôles, du reniement imprévisible d’une loi soi-disant immuable :
L’apparente générosité des règles qui déterminent l’accession aux postes officiels se heurte chaque fois au bon plaisir de la Hiérarchie : ce qu’un Chronométreur suggère, un Arbitre peut le refuser ; ce qu’un Arbitre promet, un Juge peut l’interdire ; ce qu’un Juge propose, un Directeur en dispose ; ce qu’un Directeur concède, un autre peut le nier. Les grands Officiels ont tout pouvoir ; ils peuvent laisser faire, comme ils peuvent interdire ; ils peuvent entériner le choix du hasard ou lui préférer un hasard de leur choix ; ils peuvent décider, et revenir à tout instant sur leur décision. (209/210)
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9 La question de la frontière chez Perec est étudiée par Muriel Philibert, da...
9La désorganisation systématique n’a pas simplement pour objectif de multiplier à l’infini les occasions de réprimer. En redonnant droit de cité à l’irrégulier, à l’imprévu, à l’anomalie, autrement dit à tout ce que l’Etat Unique s’efforçait de nier et de refouler, elle intègre les dysfonctionnements dans le système. Elle les érige en système. Dès lors ils cessent d’être des dysfonctionnements et perdent tout potentiel subversif. Or en dévorant son autre, le système W dissout la notion même de frontière9. C’est un peu comme si la frontière qui séparait l’Etat Unique des hommes sauvages, ainsi que le monde des sauvages lui-même, avaient été absorbés pas l’Etat Unique. La perversion de la loi fait partie d’un plus vaste programme d’abolition des différences. Ainsi, à W même la séparation entre Officiels et Athlètes est « d’autant plus marquée, qu’elle n’est pas absolument infranchissable » (207). Cette absence de frontières, on la retrouve jusque dans les Maisons d’Enfant où grandissent les futurs athlètes : l’intérieur y est une « chambre unique, immense et sans cloisons, tout à la fois dortoir, salle de jeux, salle à manger » et les garçons et les filles y vivent dans une « promiscuité entière et heureuse » (188). Elle s’insinue dans le texte lui-même, non plus polysémique mais précisément réversible, puisque les différents éléments de l’allégorie peuvent faire allusion, en même temps, à deux composantes différentes du nazisme, au IIIe Reich comme à l’univers concentrationnaire : l’idéal sportif renvoie à la fois à l’idéal du surhomme et à la vie éreintante dans les camps ; les Olympiades, aux jeux olympiques de Berlin en 1936 comme au sadisme des SS ; les Athlètes W, aux « Dieux du stade » et aux corps squelettiques des Häftlinge ; le W au dos des uniformes, à la croix gammée et à l’étoile juive... Tout est susceptible de se retourner en son contraire, et le lecteur perd pied dans le texte tout comme l’Athlète perd ses repères à W.
10Si le système W est plus subtile et plus efficace que celui de l’Etat Unique, l’image de la machine révèle leur profonde parenté. Construction de pièces interchangeables vouée à la répétition infinie de la même action, la machine comme modèle d’organisation sociale devient broyeuse d’individus.
10 « Каждое утро, с шестиколесной точностью, в один и тот же час и в одну и т...
Tous les matins, avec une exactitude de machines, à la même heure et à la même minute, nous, des millions, nous nous levons comme un seul numéro.(26)10
11explique avec fierté D-503. Cette formidable machine est pourtant de la même espèce que la machine, au sens propre, du Bienfaiteur, qui permet, sous les yeux de tous le numéros, de transformer les « hérétiques » en gouttes d’eau. On retrouve chez Perec l’image de la machine, à la différence près qu’à W, elle n’existe plus au sens propre. Elle ne se donne plus en spectacle. Elle est devenue invisible parce qu’elle est partout, parce que rien n’existe en dehors d’elle, parce qu’elle est le système W, « machine énorme dont chaque rouage participe, avec une efficacité implacable, à l’anéantissement systématique des hommes » (220).
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11 « тонкая, резкая, упрямо-гибкая, как хлыст », « совсем другая, вся из окру...
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12 « Мы все были разные... »
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13 « лохматыи »
12On peut lire Nous autres comme le récit de la découverte de l’altérité, qui date, pour D-503, de sa première rencontre avec la rebelle I-330. Cette rencontre, loin de provoquer chez D-503 un repli sur ses sentiments, a pour premier effet de modifier son regard sur ses semblables, en révélant, comme par magie les différences : alors même qu’il vient de dire à I-330 que « nous sommes tous tellement semblables », D-503 s’arrête au milieu de sa phrase, car subitement I-330 lui apparaît « fine, tranchante, souple comme une cravache », alors que son amie O-90 qui se tient à ses côtés est décidément « tout à fait différente, toute en rondeurs »11(21). « Nous étions tous différents... »12 se voit-il finalement forcé de conclure. Dès lors c’est aussi le regard de D sur lui-même qui devient différent, puisqu’il ne peut plus ignorer l’autre qui se cache au fond de lui-même, l’homme « velu »13, l’homme ancien, sauvage, capable d’aimer et de sentir, impossible à faire coïncider avec l’homme nouveau qu’il a toujours pensé être :
14 « Я -- перед зеркалом. И первый раз в жизни -- именно так первый раз в жиз...
Je suis devant un miroir et, pour la première fois de ma vie, je dis bien, pour la première fois de ma vie, je me vois clairement, distinctement, consciemment, et me regarde avec étonnement, comme si j’étais « lui », un autre. Il est là : les sourcils froncés et noirs, dessinés suivant une droite, au milieu, il porte comme une cicatrice, une ride verticale — je ne me rappelle plus si je l’avais avant [...] Il semble que je n’aie jamais su ce qu’il y avait, de l’autre côté, qui semble à la fois si proche et infiniment loin. Je me regarde, je le regarde, et sais que cet étranger aux sourcils en ligne droite m’est inconnu. Je le rencontre pour la première fois. Le vrai moi, ce n’est pas lui.14 (69/70)
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15 Ce « nous » a également une portée satirique et renvoie au projet des poèt...
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16 « Понимаете : даже мысли. Это потому, что никто не "один", но "один из". М...
13Voilà qui nous invite à comprendre que l’opération de refoulement de l’altérité par l’Etat Unique relève du refoulement au sens psychanalytique du terme : l’altérité est bien toujours là, cachée, toujours susceptible de se manifester. La tactique de l’Etat Unique ne réussit donc qu’à moitié. Chassé par la porte l’autre revient par la fenêtre, provoquant chez l’individu une division douloureuse. On aurait pourtant tort de penser que l’ignorance de l’altérité était plus favorable à la construction de l’identité. Simplement, l’Etat Unique, en s’efforçant de dissimuler l’existence même de l’autre, a rendu ce retour plus violent. Sans cet autre cependant, l’individu est non plus divisé mais totalement dissout dans le collectif, le « nous »15 indéterminé qui donne son titre au roman et qui indifférencie tous les « numéros » de l’Etat Unique, en les faisant parler d’une seule voix. C’est au nom de ce « nous » que D-503 prétend parler au début de son journal, soucieux qu’il est de dire ce que « nous pensons », car « les idées se ressemblent […] parce que personne n’est « un », mais « un parmi », « un de » »16 (21). Mais déjà à ce moment-là, avant même de rencontrer I-330, D-503 a des difficultés à tenir son programme : entre « nous » et « je » sa plume hésite, la chronique objective de l’Etat Unique dispute la place à l’effusion lyrique que D-503 ne peut contenir. Finalement, la prise de conscience que l’autre existe, en soi comme au-dehors, bien que douloureuse, permet l’affirmation du « je » au détriment du « nous ». Le héros-narrateur de Zamiatine apprend que l’absence de l’autre le prive d’existence : c’est la découverte de l’autre qui permet de se voir « clairement, distinctement, consciemment » pour la première fois. Nous est avant tout l’histoire d’un échec, celui d’une énonciation collective et objective placée sous le signe du même, débordée par l’individuel et le subjectif, placés sous le signe de l’autre. Et c’est bien l’expérience de l’altérité, aussi bien au-dehors de soi qu’au-dedans, qui permet au « je » d’exister.
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17 Paul-Laurent Assoun, « Le trauma à la lettre. L’inhumain de l’enfance », i...
14A première vue les enjeux de l’écriture perecquienne peuvent sembler bien différents et plus complexes. Ils relèvent le double défi d’une écriture de soi liée à une amnésie provoquée par l’Histoire. Le défi sera relevé grâce à l’écriture elle-même, non seulement véhicule mais aussi moyen du souvenir17. La question de l’écriture de soi chez Perec, volontiers commentée, ne doit pourtant pas masquer la relation serrée entre l’invention d’une écriture donnant accès au trauma et la question de la frontière-productrice de différences. Si l’enjeu de l’écriture est de se construire, de trouver l’« étai » qui permette d’être, c’est-à-dire l’enfance, « point de départ, coordonnées à partir desquelles les axes de [sa] vie pourront trouver leur sens » (25/26), dans sa quête du sens unificateur, Perec se heurte non pas tant à l’absence des souvenirs qu’à leur fragmentation. Des souvenirs en vrac, images mentales, photos, et documents hétéroclites, qui restent comme morts et ne permettent pas au récit autobiographique de s’enclencher, à une écriture liée de se mettre en place :
Désormais, les souvenirs existent, fugaces ou tenaces, futiles ou pesants, mais rien ne les rassemble. Ils sont comme cette écriture non liée, faite de lettres isolées incapables de se souder entre elles pour former un mot […] (97)
15Cette dispersion mimée par le texte lui-même, fragmenté sur le plan typographique, générique et énonciatif, s’écrit aussi à même le corps, au moyen des nombreux souvenir de fractures, réelles ou fantasmées, dont Perec nous fait part. Or, cette dispersion est aussi celle des corps des Athlètes W que l’enfant Perec dessine dans ses cahiers, corps aux jambes séparés des troncs, aux bras séparés des torses, aux mains n’assurant aucune prise. Et l’histoire de Perec est bien à l’image de ces corps :
Ce qui caractérise cette époque c’est avant tout son absence de repères : les souvenirs sont des morceaux de vie arrachés au vide. Nulle amarre. Rien ne les ancre, rien ne les fixe. Presque rien ne les entérine. Nulle chronologie sinon celle que j’ai, au fil du temps, arbitrairement reconstituée : du temps passait. Il y avait des saisons. On faisait du ski ou les foins. Il n’y avait ni commencement ni fin. Il n’y avait plus de passé, et pendant très longtemps il n’eut pas non plus d’avenir ; simplement ça durait. On était là. Ça se passait dans un lieu qui était loin, mais personne n’aurait très exactement pu dire loin d’où c’était, peut-être loin simplement de Villard-de-Lans. De temps en temps, on changeait de lieu, on allait dans une autre pension ou dans une autre famille. Les choses et les lieux n’avaient pas de noms ou en avaient plusieurs ; les gens n’avaient pas de visage. (98)
16La fragmentation est ici indissociable de l’indifférenciation, celle-là même qui caractérise la monde « sans frontières » de W. Il n’y a rien d’étonnant à ce que l’univers de l’enfance de Perec présente les mêmes symptômes que l’île W, car le tableau de W n’est pas seulement une transposition imaginaire des camps de concentration, mais aussi une autobiographie précoce et cryptée, un tableau donc du monde au temps du nazisme, et pas seulement du monde nazi. L’indifférenciation confuse concerne aussi le monde qui résiste, ainsi que l’indiquent les lignes qui suivent l’extrait ci-dessus :
Une fois, c’était une tante, et la fois d’après c’était une autre tante. Ou bien une grand-mère. Un jour on rencontrait sa cousine et l’on avait presque oublié que l’on avait une cousine. Ensuite on ne rencontrait plus personne […] On attendait que le hasard fasse revenir la tante ou, sinon cette tante-là, l’autre tante, en fin de compte, on se fichait pas mal de savoir laquelle des deux tantes c’était et même on se fichait qu’il y ait des tantes ou qu’il n’y en ait pas. (98/99)
17Le système W opère bien au-delà des limites qu’on penserait être les siennes. Il opère bien au-delà parce qu’il ne connaît pas de limites, il est sans limites. Et la dispersion des souvenirs a partie liée avec l’absence de limites propre au système W, qui en même temps qu’il dissout les frontières, interdit tout ancrage stable, point de départ nécessaire pour une trajectoire cohérente. Chez Perec comme chez Zamiatine, il s’agit pour le « je » de trouver sa voix. Comme le « je » de D-503 s’oppose à la rhétorique collectiviste envisagée initialement par le narrateur, le « je » autobiographique s’oppose chez Perec à la voix impersonnelle et anonyme de la fiction W. Dans Nous comme dans W le parti pris énonciatif initial est progressivement miné : alors que le « je » supplante le « nous » chez le premier, la neutralité ethnographique ne tarde pas à se brouiller chez le second pour laisser libre cours à la dénonciation, puis à l’indignation, en même temps que, dans les chapitres autobiographiques, une écriture liée se met en place.
18Chez Perec la machine sans limites a envahi le monde répandant la confusion à l’infini. Il n’en reste pas moins que Nous autres comme W ou le souvenir d’enfance disent la nécessité des frontières séparant le même de l’autre, la nécessité de frontières reconnues comme telles, qui deviennent alors jalons (axes, coordonnées...) en même temps que lieu d’échange : la négation de l’altérité, qu’elle consiste en un refoulement pur et simple (chez Zamiatine) ou bien en une plus subtile et plus destructrice résorption (chez Perec), est incompatible avec l’existence de l’individu.
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19Chez Perec l’indifférenciation entretient une relation étroite avec le temps : des souvenirs suspendus dans le vide, un temps qui ne fait que durer, sans passé et sans avenir, nulle chronologie. Ne doit-on pas voir là l’envers (l’enfer !) de l’atemporalité de l’utopie, qui n’est autre qu’une répétition du même, un affermissement de l’homogène, dans le temps ? Voilà peut-être pourquoi chez Perec, en même temps que le « je » s’affirme contre une voix anonyme, l’Histoire mine lentement le temps utopique et l’a priori descriptif du texte. Latente d’abord, présente sous forme d’indices seulement, elle affleure insidieusement pour éclater au grand jour, et son irruption même dans un univers figé constitue un défi à l’affirmation de l’homogène, du type, de la répétition.
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18 Cette concurrence entre l’entropie (répétition du même) et la révolution (...
20Chez Zamiatine l’Etat Unique est certes d’abord menacé par l’altérité, elle-même placée sous le signe du difforme et de l’irrégulier, c’est-à-dire par les hommes sauvages qui vivent au-delà du Mur Vert. Mais le danger représenté par les Mefi doit être aussi compris comme la menace d’une nouvelle révolution — selon les dires d’I-330 — dans un monde où la dernière révolution est censée avoir eu lieu, comme une ouverture sur l’inconnu dans un univers qui prétend avoir éliminé l’imprévisible. Il est donc menace de l’Histoire dans un monde figé, c’est-à-dire espoir de vie, car la répétition du même est identifiée par Zamiatine au principe de l’entropie synonyme de mort18. Le monde de Zamiatine serait donc susceptible d’être sauvé par l’Histoire alors que celui de Perec aurait déjà été taillé en pièces par la grande H de l’Histoire ? Voilà qui semble constituer une différence radicale. Pourtant, chez Perec, la connaissance de l’Histoire, elle, est libératrice. Le lecteur de W ou le souvenir d’enfance découvre progressivement et à son rythme, au fil des allusions et indices qui évoquent indirectement la réalité des camps, la vérité d’abord dissimulée de W, avant que l’auteur ne la lui assène brutalement dans les dernières lignes du dernier chapitre de la « fiction W »
Celui qui pénétrera un jour dans la Forteresse n’y trouvera d’abord qu’une succession de pièces vides, longues et grises. […] il faudra qu’il poursuive longtemps son chemin avant de découvrir, enfouis dans les profondeurs du sol, les vestiges souterrains d’un monde qu’il croira avoir oublié : des tas de dents d’or, d’alliances, de lunettes, des milliers et des milliers de vêtements en tas, des fichiers poussiéreux, des stocks de savon de mauvaise qualité... (219)
21Mais le lecteur n’est pas le seul à apprendre l’Histoire. Sa trajectoire est à l’image de celle de l’enfant Perec lui-même. Dans W ou le souvenir d’enfance l’enfance est placée sous le signe — on l’a vu — de l’indifférenciation et de l’ignorance de l’Histoire comme de l’historicité, sans que l’absence de chronologie soit jamais assimilée à un âge d’or. Le passage de l’ignorance au savoir est raconté de façon cryptée au chapitre XXX consacré à l’enfance de l’enfant W, qui « ignore presque tout du monde où il va vivre » (187) jusqu’au jour où, adolescent, il est transporté en hélicoptère de la Maison d’Enfants au village des Athlètes et découvre avec stupeur « un spectacle assez terrifiant » (190). Nul doute : c’est bien l’Histoire que découvre l’enfant W, tout comme l’enfant Perec quelques pages plus loin en allant voir avec sa tante une exposition sur les camps de concentration (215). Mais la visite de l’exposition ne fait l’objet que d’une mention rapide et l’on ne peut en comprendre le poids qu’en la rapportant au chapitre sur l’enfant W, où le choc peut se dire plus facilement car par transposition. Cette découverte est certes douloureuse, car l’Histoire est bien armée d’une hache : l’enfant W passe alors six mois enchaîné et bâillonné. Elle n’en est pas moins — elle en est peut-être d’autant plus — libératrice. Car il y a sur l’île W un obstacle qualifié d’« infranchissable » : celui qui sépare le monde de l’enfance placé sous le signe de l’ignorance et de l’indifférenciation, de celui des adultes sous le signe du savoir de l’Histoire. Telle est la seule frontière que le système W n’est pas parvenu à neutraliser. Voilà pourquoi W périt non pas sous les coups d’une altérité envahissante — cette menace à été, on l’a vu, savamment déjouée — mais sous l’effet du savoir de l’Histoire, qui est pourtant aussi savoir de l’altérité puisqu’il met fin au temps indifférencié et confus de l’enfance : si le sens de W, grâce au jeu des allusions apparaît progressivement au lecteur, c’est au moment même où il est clairement formulé dans le texte, que le système W est définitivement relégué dans le passé et son échec affirmé, au moment où une vérité historique rentrée qui cherche depuis longtemps à se manifester jaillit au grand jour, dans les dernières lignes du livre.
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19 Sur les référents historiques dans Nous autres, voir Leonid Heller, « Zamj...
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20 Ibid..
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21 « Последней -- нет, революции – бесконечны ».
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22 « Последняя -- это для детей »
22L’idée des vertus de la connaissance de l’Histoire est aussi déjà présente chez Zamiatine. Le lecteur de Nous, lui aussi, découvre peu à peu que l’univers a priori imaginaire que les « notes » futuristes de D-503, saturées de néologismes, déroulent sous ses yeux, renvoient au monde réel19 : il comprend alors que la tour de Tatline se cache derrière la Tour Accumulatrice, il reconnaît les poètes du Proletkult derrière le projet de supprimer le « je » de l’énonciation poétique, il identifie le Bienfaiteur comme un avatar de Lénine, interprète les allusions aux auteurs des odes à la gloire du Bienfaiteur ou à ceux qui mettent en vers les condamnations à mort20. Le « déguisement » de l’Histoire ne s’explique nullement par une tentative de contourner la censure, car il n’est manifestement pas fait pour tromper qui que ce soit. Il est bien plutôt destiné à faire partager la découverte de l’Histoire au lecteur, à la lui faire vivre, éprouver sur sa peau, comme le réussit si bien Perec. Les brèches qui se creusent dans le Mur Vert, sont un peu à l’image du travail corrosif mais bienfaisant de l’Histoire dans le texte. Et là encore l’initiation du lecteur à l’Histoire et à l’historicité trouve un équivalent dans la trajectoire du héros, qui va, lui aussi, de l’ignorance vers le savoir. Si I-330 a d’abord permis à D-503 de découvrir que « nous sommes tous différents », il lui revient aussi d’enseigner à son amant que contrairement à ce qu’il a toujours pensé « il n’y a pas de dernière révolution »21 (177), que le dogme en vigueur selon lequel la révolution qui a donné naissance à l’Etat Unique était la dernière, est une absurdité démentie par les mathématiques qui, elles, ne connaissent pas de « dernier chiffre ». I-330 révèle la non répétition du même dans l’espace comme dans le temps à un D-503 qui a jusque-là vécu hors du temps tel un enfant, tel l’enfant Perec, dans un bonheur factice. « La dernière [révolution], c’est pour les enfants »22 (177), dit I-330 à D-503. Douloureuse, puisqu’elle entraîne des idées suicidaires, la découverte des différences et de l’Histoire coïncide pour D-503 avec l’émergence de la conscience.
23Perec et Zamiatine s’en prennent tous deux au rêve d’un monde hors du temps. Un rêve qui n’est autre qu’un refus de l’Histoire et de l’historicité. Contre les enchantement fallacieux, source de blessures infligées par la grande hache de l’Histoire, un seul remède : la savoir de l’Histoire. Voilà sans doute l’essence de l’anti-utopisme de Perec et de Zamiatine, et de l’anti-utopisme tout court. Voilà pourquoi l’anti-utopie est toujours une écriture de l’Histoire.
24Il est donc possible de lire Nous autres d’Eugène Zamiatine et W ou le souvenir d’enfance de Georges Perec, malgré le demi-siècle d’Histoire qui les sépare, comme deux variations autour d’un même postulat de l’utopie. Il ne s’agit certes pas de nier la spécificité de chacune des deux œuvres, ni des questionnements d’ordre esthétique qu’elles proposent et qui les inscrivent dans des contextes particuliers. On peut toutefois aussi mettre au jour une sorte de principe commun, qui est inséparable de leur dimension anti-utopique et qui leur vient de l’utopie, ou du moins d’une lecture semblable de l’utopie. Les deux textes examinent les stratégies de refoulement de l’altérité, de l’irrégularité, de l’anomalie, dont dépend le maintien du système. Tous deux interrogent la relation entre la frontière-productrice de différences et l’affirmation de l’individu. Dans les deux textes surtout, la question de l’altérité ouvre sur l’Histoire, dont le savoir est lui-même essentiellement anti-utopique. En dépit des différences manifestes entre les deux œuvres, ce qui est chez Perec est déjà, ne serait-ce qu’en germe, présent chez Zamiatine. On peut alors poser la question du sens profond de cette transposition modernisante de l’utopie qui consiste à la mettre au service de la dénonciation d’un régime totalitaire. Un sens dont Nous et W peuvent fournir la clé grâce à la relation très étroite qu’ils entretiennent tous deux avec leur source. Leur propos n’est sans doute pas de montrer que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Il n’est pas de dénoncer les dangers du constructivisme et d’une confiance aveugle en la raison. Encore moins de proposer un autre modèle. Ni même de faire le deuil d’une forme idéale de gouvernement. En observant les mutation d’un même questionnement de Zamiatine à Perec, on se rend surtout compte à quel point ces deux textes, en convoquant l’intertexte utopique, et parce qu’ils le convoquent, entreprennent une réflexion intemporelle, en même temps qu’étroitement liée à l’Histoire, une réflexion foncièrement politique, dans la mesure où elle engage la relation du même à l’autre, faisant ainsi écho à Hannah Arendt :
23 Hannah Arendt, La Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1961,...
[La] pluralité est spécifiquement la condition — non seulement la conditio sine qua non, mais encore la conditio per quam — de toute vie politique.23
Notes
1 Ecrit en 1920 Nous autres met en scène, en empruntant la forme du journal intime (présenté comme une série de notes) rédigé par un certain D-503, ingénieur de son état, une société imaginaire, L’Etat Unique, entièrement collectiviste qui, bien qu’elle fasse écho à une vision wellsienne d’une modernité rationnelle et machiniste, constitue une satire manifeste des projets du bolchevisme et tout particulièrement des théories de Gastev et des poètes du Proletkult. D-503, après avoir rencontré l’amour en la personne d’I-330, prend peu à peu conscience de l’aliénation dans laquelle il se trouve et se révolte, ce qui le conduira à subir une suppression, au moyen des rayons X, du centre de l’imagination dans le cerveau. Les citations de ce roman renvoient à l’édition suivante : Nous autres, trad. de B. Cauvet-Duhamel, Paris, Gallimard, 1971, L’Imaginaire. En russe : Евгений Замятин, Мы [Nous], New York, Издательство имени Чехова 1952 (1920). Les références données en notes renvoient toujours à ces deux éditions.
2 Droit qu’il obtint. Il mourut à Paris en 1937.
3 « Но ведь это будет производная от нашей жизни »
4 Toutes les citations sont tirées de W ou le souvenir d’enfance, Paris, Gallimard, 1975, L’Imaginaire.
5 Cioran, Histoire et utopie, Paris, Gallimard, 1960, p. 110.
6 Leonid Heller a montré à quel point les aspects visuels de l’Etat Unique prennent acte des expériences picturales des avant-gardes russes. Voir Leonid Heller, « La prose de Zamjatin et l’avant-garde russe. », in Cahiers du monde russe et soviétique, vol. XXIV, n° 3, 1983, p. 217-239.
7 « В один и тот же час единомиллионно начинаем работу -- единомиллионно кончаем. И, сливаясь в единое, миллионнорукое тело, в одну и ту же, назначенную Скрижалью, секунду, мы подносим ложки ко рту и в одну и ту же секунду выходим на прогулку и идем в аудиториум, в зал Тэйлоровских экзерсисов, отходим ко сну... »
8 La question de l’altérité chez Zamiatine est étudiée, dans une perspective différente par Laurence Dahan-Gaida, dans « Le ‘tiers-instruit’ : figures de l’hétérogène chez Musil et chez Zamiatine », in Michel Collomb (éd) Figures de l’hétérogène / actes du XXVIIe congrès de la Société française de littérature générale et comparée, Montpellier, Université Paul-Valéry, 1998, pp. 23-43.
9 La question de la frontière chez Perec est étudiée par Muriel Philibert, dans Kafka et Perec : clôture et lignes de fuite, Fontenay-aux-Roses, École normale supérieure de Fontenay-St-Cloud, 1993.
10 « Каждое утро, с шестиколесной точностью, в один и тот же час и в одну и ту же минуту мы, миллионы, встаем как один. » »
11 « тонкая, резкая, упрямо-гибкая, как хлыст », « совсем другая, вся из окружностей ».
12 « Мы все были разные... »
13 « лохматыи »
14 « Я -- перед зеркалом. И первый раз в жизни -- именно так первый раз в жизни -- вижу себя ясно, отчетливо, сознательно -- с изумлением вижу себя, как кого-то "его". Вот я -- он : черные, прочерченные по прямой брови ; и между ними -- как шрам -- вертикальная морщина (не знаю, была ли она раньше). […] оказывается, я никогда не знал, что там. И из "там" (это "там" одновременно и здесь, и бесконечно далеко) -- из "там" я гляжу на себя -- на него и твердо знаю : он -- с прочерченными по прямой бровями -- посторонний, чужой мне, я встретился с ним первый раз в жизни. А я настоящий, я -- не -- он... »
15 Ce « nous » a également une portée satirique et renvoie au projet des poètes du Proletkult d’éliminer le « je » de la poésie.
16 « Понимаете : даже мысли. Это потому, что никто не "один", но "один из". Мы так одинаковы... »
17 Paul-Laurent Assoun, « Le trauma à la lettre. L’inhumain de l’enfance », in Arsac, L., Assoun, P.-L., Baillon J.-F. (et al), Analyses et réflexions sur Perec, W ou le souvenir d’enfance, Paris, Ellipses, 1997, pp. 85-95.
18 Cette concurrence entre l’entropie (répétition du même) et la révolution (confrontation avec l’autre) est ailleurs érigée par Zamiatine en principe métaphysique régissant le monde. Voir Zamiatine, « Littérature, révolution et entropie », in Le Métier littéraire, trad. par Françoise Monat, Lausanne, L’age d’homme, 1990.
19 Sur les référents historiques dans Nous autres, voir Leonid Heller, « Zamjatin : Prophète ou témoin ? Nous autres et les réalités de son époque », Cahiers du monde russe et soviétique, vol. XXII, n° 2-3, 1981, p. 137-165.
20 Ibid..
21 « Последней -- нет, революции – бесконечны ».
22 « Последняя -- это для детей »
23 Hannah Arendt, La Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1961, p. 42.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Anna Saignes
Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts - ÉCRIRE