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Barbara Michel

Réflexion socio-anthropologique sur l’origine philosophique du concept de représentation

Initialement paru dans: Florent Gaudez dir. Figures de l’altérité. Comment peut-on être socio-anthropologue aujourd’hui ? Autour de Jean-Olivier Majastre, L’Harmattan, 2010, p. 287-313

Texte intégral


« Notre héritage n’est précédé d’aucun testament. » (R. Char)

  • 1 Non seulement le concept concerne peu ou prou la philosophie toute entière,...

1Très tôt Jean-Olivier Majastre a attiré mon attention sur la nécessité d’étudier les représentations sociales. En effet, pour qui veut étudier le concept de représentation et ses différents usages, une difficulté apparaît clairement. Nous avons affaire à un concept expansionniste, globalisant, voire totalitaire1.

  • 2 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 18.

« Ni la théorie, ni la critique philosophique des représentations n’ont eu d’efficacité. Au contraire, plus s’accentuait la critique philosophique, plus les représentations ont affirmé leur puissance »2.

  • 3 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 15.

2Il ne s’agit pas de retracer toute une histoire de l’émergence et de la formation du concept en philosophie. Mais de retravailler le concept de représentation pour mieux le situer et pour cerner ses limites. La pensée conceptuelle semble à beaucoup vaine et ennuyeuse... « Mais que veulent-ils ? Des évidences, des faits constatables ou du discours ? » Pour H. Lefebvre, il y a une crise de la pensée conceptuelle. Il ne s’agit pas de « sauver le concept ». « Pourquoi le concept (Marx oppose représentation idéologique et concept) serait-il capable d’atteindre l’absolu, comme le prétend à tort Hegel, de dépasser le représenté et la représentation vers la présence totale, à travers toutes ces figures de la conscience ? »3

  • 4 « On dénoncera l'anthropomorphisme permanent des philosophes qui traitent d...

  • 5 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 22.

3Henri Lefebvre propose une piste qui nous autorise à prendre pensées et auteurs philosophiques comme des indices4 d’une conception des représentations. « On sait déjà que ce concept a une histoire philosophique complexe, surtout depuis Kant ; on pourrait la résumer en la rattachant à la philosophie entière »5.

4Le philosophe s’empare des représentations, en cours, à son époque au lieu de participer à leur maintien, à leur circulation, à leur influence, il les réfute, les critique.

  • 6 H. Lefebvre, La présence et l'absence, p. 139.

« Le moment critique devient essentiel, le philosophe plus ou moins lucidement, envisage de dépasser les représentations (opinion, ouï-dire, sens commun). Il veut sortir de cet ensemble d’erreurs, d’illusions, d’apparences, pour parvenir au dire-vrai ; croyant créer ou découvrir une vérité absolue (même négative : les sceptiques), il produit de nouvelles représentations, après les avoir engendrées selon une genèse et une généalogie qui lui échappe partiellement selon des présuppositions et lois qu’il méconnaît, il les lance dans la circulation par des écrits plus ou moins hermétiques et inaccessibles aux gens de la pratique et du quotidien… »6

5L’histoire de la philosophie peut permettre de saisir les différentes manières de concevoir les représentations, leurs enchaînements et leurs fragmentations. L’élaboration de concept (comme celui de vérité) accompagnée de la critique qui la relativise peut être envisagée comme des analyseurs du possible des représentations.

6Il est évidemment hors de question de présenter ici l’histoire philosophique du concept, il faut se contenter de quelques jalons grossiers.

  • 7 « Le philosophe cherche sa voie entre les autres domaines et secteurs (art,...

7Il s’agit ainsi de prendre la philosophie comme indice grossissant, comme caricature, voire comme parodie des représentations sociales7. Les représentations philosophiques ne possèdent pas une extra-territorialité parmi les représentations, au contraire, elles restituent et permettent de saisir dans un effet grossissant les autres représentations.

8Nous allons être schématiques, ce qui nous intéresse, c’est d’éclairer des positions possibles en sociologie, qui découlent plus ou moins implicitement de courants philosophiques. Trois courants philosophiques ont, me semble-t-il, construit le concept de représentation et reflètent trois positions sociologiques courantes à propos des représentations sociales. Il s’agit de la thèse idéaliste qui draine le courant positiviste de la sociologie, de la réponse Berkeleyenne qui entraîne l’empirisme sociologique (et le courant constructiviste) et de la thèse matérialiste (marxiste ou pas). Notre tentative d’analyser les représentations découle de l’examen de ces trois courants philosophiques.

  • 8 Le réalisme vulgaire, c'est-à-dire la réalité est donnée dans la perception...

  • 9 C'est toute la question du langage qui est discuté, jusqu'à la parole... Qu...

  • 10 Les actes permettent-ils de supposer ou non l'existence de la matérialité ...

  • 11 Le sensible réintroduit la subjectivité et par là pose la question de nos ...

9Quelle est la réalité du monde sensible ? La question ainsi naïvement posée ouvre sur le problème du rapport entre la pensée et le réel et entre la pensée et l’illusion. Les traditions philosophiques remettent en question ce qu’on peut appeler « le réalisme vulgaire »8, du sens commun qui fait « une évidence » de la réalité sensible. Quels sont les liens entre la connaissance, le sentir et la réalité ? Comment se trame l’esprit, la vie et la matière ? Trois positions au moins, pour combattre « le réalisme vulgaire » sont possibles, elles lient très différemment croire, savoir et pouvoir (ou agir) mais en même temps elles construisent des représentations qui nouent, renouent et dénouent les liens possibles entre des mots9, des actes10 et du sensible11.

10Pour le sociologue, ces liaisons sont d’une importance capitale car elles installent des théories qui expliquent en définitive l’ordre social, l’action sociale et le changement social à son tour et elles déterminent des positions sociologiques.

1. La thèse idéaliste

  • 12 Les trois courants, que nous proposons, sont dans l'histoire de la philoso...

11Plusieurs types d’idéalisme12 vont se succéder, ce qui nous intéresse ici c’est l’épure de l’attitude idéaliste. La position idéaliste développe que « la Réalité » existe et même qu’elle est première, mais qu’elle n’est pas accessible sans la médiation de l’esprit pour l’approcher. Les représentations se construisent à partir d’une idée de la réalité, une des conséquences sera de discuter comment la réalité influence plus ou moins directement les représentations, comment les représentations peuvent être le plus proche possible de la réalité. Simplement, « il n’y a pas de fumée sans feu », la représentation (fumée) est là pour prouver l’existence de la « Réalité » (feu). L’existence de la réalité est un postulat indémontrable, seule la représentation permet de l’approcher. Un modèle de « la réalité scientifique » propose de travailler sur la représentation comme adéquation à un discours sur le réel. La représentation reflète le réel comme copie la plus exacte possible.

12Comme nous ne pouvons nous faire qu’une idée (représentation) de la réalité externe, l’idée remplace la chose (l’objet). Ainsi, la Réalité, mais derrière la Vérité, existe, mais nous n’y avons accès que par une idée, une référence idéale, d’où une conséquence : les représentations seront des doubles imaginés, pâles copies de la Réalité, approximation de la Vérité.

  • 13 Platon cherche à échapper à ce qu'il appelle la doxa (opinion et représent...

  • 14 H. Arendt, La vie de l'esprit, Paris, P.U.F., 1981, p. 22.

« Si pour Platon13, c’est un axiome que l’œil invisible de l’âme est un organe fait pour contempler une vérité invisible en toute certitude de connaissance, c’en devient pour Descartes -la fameuse nuit de la « révélation »- qu’il existe « une analogie entre l’ordre des raisons mathématiques et l’ordre des effets de la nature » (obscurcis par les phénomènes et les perceptions fautives) ; c’est-à-dire entre les lois de la pensée discursive au niveau le plus élevé et le plus abstrait et celles qui régissent ce qui se cachent, dans la nature, derrière la simple apparence. »14

  • 15 Pour Descartes la pensée de Dieu s'identifie à l'existence divine. Descart...

  • 16 « Descartes identifie hardiment l'être et la pensée. Pas de faille, pas de...

  • 17 Chez Malebranche, la théorie des idées représentatives trouvent sa forme l...

13Ainsi Descartes15 va identifier le réel à l’intelligible pour que la Raison puisse gouverner le « cogito ergo sum » (Penser = Être)16, développer une théorie des idées représentatives17. L’esprit ne connaît pas directement les objets réels mais seulement des idées manifestées à partir de signes. Chez Descartes « représenter » paraît signifier à la fois tenir la place de l’objet et le rendre présent à la pensée ou plus exactement présenter à l’esprit un certain contenu déterminé, que le sens commun ne distingue pas de l’objet lui-même. Le savoir n’a rien d’absolu, ou d’inconditionnel, c’est une vaste métaphore, mais rien non plus ne permet alors de conclure à sa fausseté d’où la pratique du doute méthodologique.

  • 18 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 122. « E...

« On peut dire que Descartes a construit le cadre général du logos européen, les principales représentations de la nature et de la société : l’espace mental et l’efficacité, l’ordre et la mesure, la quantification et la logique mathématique. »18

  • 19 L. Marin, La critique du discours, Paris, Minuit, 1975, p. 27.

  • 20 La logique ou l'Art de penser contenant outre les règles communes plusieur...

  • 21 L. Marin, La critique du discours, Paris, Minuit, 1975. 29-30. »C'est au f...

14Comme rien n’est plus difficile que de distinguer le vrai du faux dans les sciences comme dans les conduites, « la logique de Port-Royal » va placer « le centre de gravité de sa description réflexive dans le jugement, et non dans le raisonnement »19. « La principale application qu’on devrait avoir serait de former son jugement et de le rendre aussi exact qu’il peut être. »20 L. Marin analyse, « L’art de penser » de la logique de Port-Royal, comme un des grands modèles (car complexe et signifiant) de « l’idéologie de la représentation ». Il relève l’ambiguïté entre centre, le jugement et fondement, la conception. « Si le centre c’est le jugement, le fondement c’est le concept, l’idée. (...) Juger se distingue radicalement de concevoir, mais il n’est possible de juger qu’auparavant l’esprit n’ait conçu. (...) Dans tous les cas, on constate un décalage à l’intérieur du modèle représentatif, une non-correspondance entre l’exprimé et le pensé, le dit et le conçu, le mot, la phrase, le discours d’une part, le concept, le jugement et le raisonnement d’autre part : le langage ne représente pas la pensée dans une parfaite transparence ; il ne s’efface pas devant elle en le communiquant, mais il abrège, efface ce que la pensée élabore. Les formes expressives, à quelque niveau que ce soit, refusent de se laisser oublier et manifestent une relative autonomie. »21

  • 22 L. Goldman, Introduction à la philosophie de Kant, Paris, Gallimard, 1967....

15Kant distingue deux types d’activité de l’esprit, la raison et l’intellect. La raison est « besoin urgent » de penser, elle a un souci de l’inconnaissable, c’est-à-dire des invisibles. Il y a une incapacité de l’esprit à pouvoir connaître avec certitude certains sujets comme Dieu, la liberté ou l’immortalité et à les soumettre à une vérification. La raison est affaire de significations et non pas de vérités. En revanche, l’intellect développe un « désir de savoir » qui est tourné vers la connaissance (donc le visible). Kant poursuit ainsi l’idéal cartésien de la certitude mais déclenche aussi l’idéalisme allemand22, « la phénoménologie de l’esprit » de Hegel.

  • 23 B. Péquignot, Pour une critique de la raison anthropologique, Paris, L'Har...

« L’homme comme figure discursive est donc né dans ce temps qui est marqué par l’œuvre de E. Kant, commence avec la mise en question de la représentation se représentant elle-même, et aboutit à la dispersion objective des savoirs positifs du XIXe. »23

  • 24 Durkheim, le social existe, c'est une réalité, il existe en dehors des ind...

16Tout le courant de la sociologie évolutionniste, positiviste24et une partie de la sociologie fonctionnaliste dérive d’une position idéaliste.

17Dans la position idéaliste, le sociologue étudie les représentations sociales comme un voile qui recouvre l’organisation sociale, conçue par lui comme ordre social premier où l’action d’une collectivité vise à maintenir et faire évoluer l’ordre social (conçu comme seul changement). Le faire social pourra être expliqué par la représentation que le sociologue construit au plus près de la réalité grâce à ses idées.

18Ph. Ariès construit ainsi une représentation sociale de « la bonne mort », il existe des vécus de bonne mort d’après lui, il prend l’exemple du « laboureur sentant venir sa mort prochaine » qui fait venir à son chevet toute la famille. Comme le laboureur maîtrise le spectacle qu’il donne de sa mort de part en part (pardon, dernières volontés, etc.), Ariès interprète la mort du laboureur comme la bonne forme de mort, entourée des siens, avec un rôle à jouer pour le mourant, comparée à la mort escamotée dans les hôpitaux. Dans cet exemple la pratique sociale est première, c’est elle qui permet d’expliquer les représentations sociales qui éclairent et collent au faire social.

19Le faire est originel, aussi la position idéaliste telle les hommes sont violents, des bandes d’assassins et de tueurs à partir de cette idée de l’humain, toute une série de représentations de l’humanité comme vouée au malheur et à l’échec vont se développer, de la métaphore hobbesienne, « l’homme est un loup pour l’homme » à la vision kantienne de l’homme comme « être social asocial » dominé par de puissants instincts et des intérêts égoïstes. Les représentations sociales recouvrent la brutalité de nos pratiques, le sociologue a pour tâche de mettre à nu, de démystifier tous ces voiles qui cachent la violence première mais la révèlent aussi grâce à l’analyse raisonnante du sociologue. Aussi les scènes de violence dans les média seront interprétées dans la position idéaliste comme écran de fumée qui cache et révèle le feu de violence qui couve. La mission du sociologue est celle de dévoiler du « faire » sous ces représentations. Il trouve un noyau dur de la réalité ainsi mise à nu. Dans quel but ? Pour faire changer les pratiques ou les représentations ?

20La caricature du raisonnement sociologique idéaliste est la suivante : le sociologue part d’un idéal, la bonne mort, l’homme violent, la famille comme cellule de base de la société, l’évolution sociale, etc., à partir de l’image idéale qu’il se fait, il construit un modèle de réalité qu’il compare aux représentations sociales d’une société. Il décide alors de trier les représentations qui sont proches de son modèle comme plus réelles et de traiter celles qui s’en éloignent comme illusoires, comme habillages trompeurs. Je retrouve ce type de raisonnement, très souvent à l’œuvre chez les apprentis sociologues que sont les étudiants... comme si la position idéaliste était très ancrée comme manière de penser.

21Y aurait-il un modèle complexe de la représentation classique construit par une double opération simultanée de répétition et de substitution entre la chose et l’idée par la médiation de signe ? Comme si l’idée était la chose (c’est à dire la chose dans l’esprit) mais cette représentation ne pourrait s’effectuer que par le relais d’une autre chose qui représente à son tour la première pour le second ?

  • 25 L. Marin, De la représentation, Paris, Seuil/Gallimard, 1994, pp. 31-32.

« Si donc l’idée est la chose dans l’esprit, le signe est l’idée pour lui, l’idée en tant que pensable et pensée, c’est-à-dire communicable et communiquée. La répétition représentative est une face d’une opération dont la substitution est l’autre. Il n’y a répétition que pour une substitution et substitution que par la répétition. On aura reconnu dans cette conjonction l’indissoluble et nécessaire conjonction de la pensée et du langage, de l’idée et du mot et, à travers le mot et le langage, de la pensée et de l’être caractéristique de la métaphysique dite « classique » ; conjonction d’autant plus nécessaire et indissoluble qu’elle assure, par une opération seconde d’abstraction, la parfaite distinctions des deux plans et des deux domaines. (...) Que ce modèle du fonctionnement du signe pour l’esprit dans son rapport au monde soit un modèle idéal et que les esprits se heurtent aux obstacles de la confusion, de l’épaisseur et de l’opacité du langage n’a point d’importance théorique, car loin d’engager à une révision et à une restructuration du modèle pour lui permettre de rendre intelligible la pratique signifiante réelle, par un glissement dont on rencontre la justification théorique, c’est-à-dire théologique, chez les penseurs idéologues « classiques », le modèle explicatif devient paradigme normatif, la loi de fonctionnement, principe moral et religieux, la structure théorique, instance de refoulement et de censure. Il est significatif que ce procès de déplacement du modèle à la norme s’exerce sur la matérialité du langage, ... »25

22Ainsi Bourdieu pose le problème de la réification de la théorie à propos de l’anthropologie structurale qui opère une réduction des pratiques signifiantes à l’exécution d’un modèle et d’un programme construits théoriquement qui représente et se substitue à « la réalité ».

  • 26 G. Berkeley (1685-1753), Évêque anglican, philosophe, physicien, s'efforce...

2. La thèse berkeleyenne26

23La thèse berkeleyenne prend le contre-pied de la position platonicienne, la réalité n’est pas première, elle n’existe pas ; c’est nous qui par nos représentations construisons de part en part la réalité. Berkeley va contester l’existence d’idées générales. D’après lui toutes nos représentations sont issues de nos expériences singulières. Rien ne permet de généraliser ces expériences particulières, la généralité n’existe que dans « les noms » c’est-à-dire les mots.

24Au « cogito ergo sum » de Descartes, Berkeley répond « être, c’est paraître », c’est-à-dire les sensations, les perceptions sont premières. Seules les représentations existent, elles sont issues de l’expérience, la réalité est illusion nécessaire ou pas (selon les auteurs s’inscrivant dans cette tradition). Les représentations entraînent des pratiques et à partir de là elles font exister une réalité, contrairement à la position idéaliste et matérialiste.

  • 27 Berkeley, Principes de la connaissance humaine, Introduction,

« Je ne sais si d’autres personnes ont cette admirable faculté d’abstraire leurs idées : pour moi, je trouve que j’ai la faculté d’imaginer ou de me représenter les idées des choses particulières que j’ai perçues, de les combiner et de les séparer de diverses manières. »27

25Si l’être et le paraître coïncident, l’existence devient affaire d’apparence. Les humains existent parce qu’ils sont sujets percevants et perçus. La suprématie des apparences combat l’idée de l’être (vrai) caché par des formes extérieures.

  • 28 Berkeley, Principes de la connaissance humaine, Part. 1

« Nos pensées, nos sentiments, les idées forgées par notre imagination n’existent pas hors de l’intelligence, chacun l’accordera. Il me semble non moins évident que les sensations variées ou idées imprimées dans les sens, quel que soit leur mélange ou leur combinaison ne peuvent exister autrement que dans une intelligence qui les perçoit (...) La table sur laquelle j’écris, je dis qu’elle existe ; c’est-à-dire, je la vois et je la touche. (...) Car ce que l’on dit de l’existence absolue de choses non pensantes, sans rapport à une perception qu’on en prendrait, c’est pour moi complètement inintelligible. Leur existence cesse d’être perçue ; il est impossible qu’elles aient une existence hors des intelligences ou choses qui les perçoivent. »28

  • 29 A. Portman, La forme animale, trad. G. Rémy, Paris, Seuil, 1961, p. 17.

26L’apparence, la forme perçue est première : « Ce n’est pas ce qu’est une chose, mais la façon dont elle paraît qui doit orienter la recherche. »29 La prédominance de l’apparence exprime alors l’idée selon laquelle seul ce qui se montre par des formes sensibles accède à de l’existence. En plus du besoin de se montrer, les hommes se présentent aussi, en paroles et en actes et indiquent par là comment ils entendent paraître et ce qui, à leur avis, est digne ou non d’être vu.

  • 30 H. Arendt, La vie de l'esprit, Paris, P.U.F., 1981, p. 52.

27« Se présenter diffère de se montrer par le choix conscient et actif de l’image offerte ; quand l’être vivant se montre, il n’a d’autres alternatives que de faire voir les propriétés qui sont les siennes. »30 Toute la tradition empirique s’appuie sur ce constat où la réalité n’est plus essentielle puisque tout ce qui paraît est fait pour être reçu. Cela ouvre au problème de l’inséparabilité de l’objectivité et de la subjectivité. Certains iront plus loin dans l’interprétation berkeleyenne en posant la réalité comme simulation ou comme comédie. Si l’apparence n’est qu’un semblant, la question de l’intentionnalité du semblant devient centrale.

28Dans la tradition de Berkeley, l’action et le changement social sont le résultat de représentations sociales qui sont antérieures au faire. Les représentations sociales, œuvres de pensées ou de savoirs théoriques, sont supposées être intentionnelles (ou quasi-intentionnelles) ou au contraire non-intentionnelles.

  • 31 Je n'insiste pas sur cet aspect mais il me semble qu'il y a là une piste d...

29Dans la pensée naïve positive, il suffit qu’intentionnellement, je me représente les choses que je désire pour qu’elles adviennent comme je les ai conçues. C’est ce que j’appelle l’exploitation spiritualiste de la tradition de Berkeley. Si cela prête à sourire par la crédulité mise en jeu, il semble pourtant qu’un très grand nombre de nos contemporains pensent ainsi pouvoir maîtriser leur vécu quotidien31.

30Ainsi l’explication de représentations sociales aux aspirations égalitaires précède la Révolution Française. Il faut pour que se fasse la Révolution Française qu’il y ait eu la philosophie des Lumières avec Rousseau, Voltaire, Diderot, Montesquieu et d’Alembert... Les représentations philosophiques précèdent le faire de façon quasi-intentionnelle.

31Weber dans « l’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme » se range dans le courant berkeleyen quand il montre comment une religion, c’est-à-dire une représentation de Dieu et du monde humain (les religions protestantes) entraîne sans le vouloir, sans intentionnalité, un système économique quelques siècles plus tard.

  • 32 Ce raisonnement est des plus courants dans la pensée magique, il est très ...

32On retrouve aussi inscrit dans ce courant, toutes les théories américaines des « recettes de cuisine », une certaine forme de pragmatisme et d’empirisme où il n’y a qu’à construire un modèle, appliquer ce modèle et enregistrer si son application est efficace ou non dans l’ordre des pratiques. La cohérence du système de représentations (du modèle) ainsi mis en place assure que ça « marche », ça fonctionne, ça s’applique et ainsi à la rigueur pour ceux qui ne peuvent se passer d’une référence au réel, la réalité se met à exister… Nommer la chose32, c’est-à-dire lui donner une forme, peut faire exister la chose. Une représentation est-elle efficace si elle s’applique et qu’elle est cohérente ?

  • 33 Les situations limites de Garfinkel par exemple ou les théories de l'index...

  • 34 Par exemple Berger et Luckman dans La construction de la réalité sociale, ...

33Le pragmatisme, très influencé par Berkeley, poursuivra si c’est efficace (ça marche, ça fonctionne) alors il n’y a plus besoin d’une référence idéale de la réalité. Dans ce courant, nous trouvons nombres d’auteurs américains contemporains : d’abord l’ethnométhodologie33, puis le courant constructiviste34.

34Si dans la vision idéaliste le paradis existe puisqu’ il y a une idée de paradis, la tradition de Berkeley, dans sa version pragmatique autorise à se représenter une forme de paradis qu’il s’agit de construire, le paradis terrestre devient un possible à créer par nos actes... Dans la vision matérialiste, l’idée de paradis spirituel sert à tromper les humains dans leur combat pour plus de justice sur terre, c’est-à-dire l’idéal permet d’accepter l’inacceptable exploitation des uns par les autres et détourne le faire social d’une construction au mieux dans la société. Dans son épure la position matérialiste est une synthèse de la position idéaliste (la réalité est première) et de la position Berkeleyenne (si on ne se laisse pas tromper par de mauvaises représentations, il est possible d’agir pour améliorer le devenir de la société).

3. La thèse matérialiste

  • 35 Leibniz oppose ainsi l'idéalisme au matérialisme. Spinoza pour atteindre l...

  • 36 « Les propos et projets des philosophes supposaient la pré-existence du Vr...

  • 37 On peut se poser la question à propos des thèses qui annoncent la fin de l...

  • 38 D'un côté la réalité est construite par nos actions dans une longue série ...

  • 39 Une autre difficulté vient s'ajouter à la pluralité des formes de matérial...

35Née des critiques successives portées contre les différentes formes d’idéalisme35, la thèse matérialiste prétend à un noyau dur de la réalité (comme le courant idéaliste36) qu’on ne peut en l’état actuel de nos connaissances que se représenter. La représentation n’est qu’un niveau, une étape, un moment de la connaissance37 qu’il s’agit de dépasser pour enfin arriver à la réalité en devenir38. Les représentations s’installent comme médiations entre du vécu et du conçu, entre un objet et un sujet, entre de l’action et de la pensée, entre de la nature et de l’histoire. La tradition matérialiste est difficile à résumer39 car tantôt par son réductionnisme, elle revient à une position idéaliste (matière ou essence, le présupposé revient au même) ; tantôt par sa volonté de prouver la matière, elle adopte une position empiriste, tantôt elle dialectise les deux termes qu’elles opposent et là plusieurs versions sont possibles.

36Suivant les diverses formes de matérialismes (métaphysique, historique ou dialectique) des propriétés variables vont être attribuées à la matière.

  • 40 Finalement, il semble que ces trois traditions, idéaliste, berkeleyenne et...

  • 41 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 100-101....

37Chez les présocratiques, une forme de matérialisme est déjà à l’œuvre.40 « Que dit Thalès, le premier des philosophes occidental ? Qu’il y a une substance de toute chose, substance que la réflexion découvre alors que les choses ont l’air d’autre chose. Cette substance n’a rien de divin, elle est matérielle, tangible, vivante ou plutôt vitale. C’est l’eau. (...) Le philosophe part d’une opposition triviale, celle de l’humide et du sec, qui n’a plus rien à voir avec celle du divin et du terrestre, ou du fondamental et du phénoménal dans la métaphysique de l’Asie. Le philosophe renforce jusqu’à l’absolu l’opposition courante, mais il la modifie, les choses ne diffèrent que par plus ou moins d’humidité. L’eau, élément générateur produit le cosmos. »41 Par la métonymie, un élément s’identifie à la totalité, par la spéculation surgit un concept et du conçu, de l’essence et de l’identification, par la représentation d’un élément pris à part, comme essence du cosmos, par la généralisation d’un élément représenté, une philosophie se fonde. H. Lefebvre montre comment Thalès « invente » la philosophie.

  • 42 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 101. « D...

« En substituant à la diversité infinie de la nature une unité et une totalité : l’eau. (...) Ainsi pour Thalès, l’un primordial ne se conçoit pas hors du sensible, en deçà ou au-delà de la Nature et de ses « éléments », et pourtant, il dément le sensible, puisque la substance n’est pas partout et toujours évidente. »42

  • 43 L. Sfez, Critique de la communication, Paris, Seuil, 1988, p. 62.

  • 44 « En somme se séparent dans une première fracture deux types de travaux : ...

38L’exemple de la matière-cerveau est éclairante pour saisir une forme relativement simple de la position. En 1796, Cabanis dans son « Histoire physiologique des sensations » lance la formule d’un matérialisme organique du cerveau pour s’opposer à toutes formes d’idéalisme. « Pour se faire une idée juste des opérations de la pensée, il faut considérer le cerveau comme un organe particulier destiné à la produire, de même que l’estomac et les intestins à faire la digestion, le foie à filtrer la bile... Le cerveau digère en quelques sortes les impressions, il fait organiquement la sécrétion de la pensée. » Plus tard, le courant cybernétique, avec son chef de file Wiener imprégné du courant béhavioriste (J.-B. Waston, A.P. Weiss, R.B. Perry) va raffiner la vision matérialiste « réductionniste », mais la base est que la pensée est envisagée comme sécrétion du cerveau. « Déjà, à sa naissance, la première cybernétique proposait deux lectures : une lecture selon la représentation et une lecture selon l’expression. »43 D’un côté l’intelligence artificielle développe une théorie pour reconstruire artificiellement les spécificités du comportement vivant et de l’autre les activités de l’esprit sont identifiées à un calcul logique. Une machine logique et une machine biologique sont mises en place dans la cybernétique (matérialisme mécanique, béhavioriste), le substrat, base de toute entreprise de l’esprit où les représentations mentales, tout comme les comportements ont le même processus logique de connexions neuronales44.

  • 45 R. Aron, Marxismes imaginaires, Paris, Gallimard, 1970, pp. 90-91.

39Une constante s’impose dans la tradition matérialiste : les contingences, les déterminismes expliquent alors le comment de la matière. Dans une vision naïve du matérialisme, les représentations seront déterminées par des causes matérielles externes ou seront tout simplement envisagées comme des opérations du cerveau... Le matérialisme est équivoque car il oscille « entre un réalisme (primat de l’objet, une métaphysique sommaire (le cerveau produit la pensée) et une gnoséologie encore plus sommaire (pensée-reflet) »45.

40On s’aidera du pragmatisme pour trouver des preuves de la matière et par la même se développera le rationalisme kantien. Toutes les traditions matérialistes se veulent « réalistes » pour s’opposer à l’idéalisme condamné. Les choses en soi, les objets externes à l’humain, la matière (substances, éléments ou phénomènes) vont être séparés pour distinguer ce qui relève des lois de la nature extérieures et des conventions de la société. Une conception de la distinction comme civilisatrice est au cœur de la tradition matérialiste. La matérialité du monde naturel est différente de la matérialité du monde social. Il s’agit de reconnaître les choses en soi séparées des sujets humains. Toutes sortes de bases matérielles sont étudiées, celles de la nature qui donnent lieu à des déterminismes de la nature, celles des humains qui donnent lieu à des déterminismes biologiques, historiques, économiques, etc.

  • 46 La notion de besoin est trop vaste pour la développer ici avec la controve...

41Matière, expression de la matière et condition de la relation découpent toutes sortes d’objets ; matière, identité et relation permettent de nombreux tours de passe-passe pour enfin accéder à de la réalité (« vérité-vrai » selon la formule consacrée). Ainsi la réduction de Marx permet de prendre une position anti-marxiste qui prend les bases économiques comme matières réelles, bases réelles car déterminantes et explicatives de tous types de productions humaines. L’économisme est premier parce qu’il y a une visibilité matérielle de ses effets, à partir de là les représentations ne sont que des illusions qui occultent. La théorie des besoins46 économiques (primaires et secondaires) s’appuie sur un biologisme et un psychologisme. Si les humains ne sont pas conscients de leur « vrai besoin », c’est par la tromperie de leur représentation.

  • 47 R. Aron, Marxismes imaginaires, Paris, Gallimard, 1970, p. 31.

42Cette première forme de matérialisme « vulgaire » est critiquée par Sartre. D’abord, il est impossible d’expliquer la conscience, comme si c’était un objet. « On en vient ainsi à une première affirmation : le matérialisme, qui se donnerait comme négation de la conscience ou explication totale de la détermination de la conscience, se réfute lui-même. On ne peut pas ne pas poser d’abord le cogito ou la subjectivité. »47Puis, déclarer que seuls les résultats de la science existent et affirmer qu’il n’y a que la matière, la réalité ou le monde extérieur tels que nous les voyons ou que la science l’analyse mêlent de façon inextricable l’idéalisme au matérialisme. Et enfin les explications en termes de déterminisme simple (comme l’infrastructure matérielle en dernière instance) posent les représentations dans une indécidabilité entre effet ou reflet d’une certaine situation matérielle.

43Au matérialisme « vulgaire » répond un matérialisme dialectique qui va établir une transformation de la matière (nature, histoire) par les actions humaines et parallèlement une transformation des représentations par les actions humaines. Autrement dit, il y a échange dialectique constant entre une réalité matérielle et une représentation de la réalité. La pratique (actions, vécus...) n’existe qu’enrobée de représentations (et d’idéologie), et ces représentations ont des conséquences sur la pratique, et ainsi de suite. Le vécu suscite du conçu, mais le conçu suscite du vécu...

  • 48 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 149.

« La nature première (donnée, immédiate, spontanée) se livre à l’intuition (sensorielle ou intellectuelle) mais se représente à travers la nature seconde (travaillée, acquise et conquise, bref produite). Celui qui veut se représenter la manière dont opère la nature première lui prête des qualités et propriétés de la nature seconde : elle « travaille », elle « produit », elle est artiste, elle a des buts, etc. Cet anthropomorphisme est de règle dans la philosophie. Quant à la nature seconde, on se la représente, à travers la nature première, comme un paysage (la ville, l’urbain), comme le résultat d’un processus « naturel », d’une inspiration ou d’un hasard miraculeux. »48

44Dans la dialectique hégélienne, reprise par le matérialisme dialectique, il ne s’agit plus de faire coïncider l’être et le connaître comme chez Descartes. Ainsi Hegel fait une séparation entre la vie spontanée et la vie réfléchie ; entre le langage et la chose ; entre le vécu et le représenté. A l’Idée s’oppose la Nature, douée d’une existence extérieure, étrangère à la pensée, mais il faudra bien une synthèse qui s’effectuera dans l’esprit qui est pensée consciente d’elle-même.

45Hegel parachève l’idéalisme objectif : la véritable identité du Sujet et de l’objet s’atteint dans l’idée, à la fois sujet (pensant) et objet (pensée), que suit et détermine le concept. Il en résulte une conception de l’unité de l’histoire générale et de la genèse des démarches intellectuelles, (logique et dialectique). « L’histoire et le monde se changent, pour Hegel, en un univers de représentations : de leur genèse, de leur disparition, bref en une phénoménologie.

  • 49 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 129.

« Les représentations sont doublement mortelles : elles tuent en séparant et elles meurent. Tout n’est donc que représenté, sauf la source, l’origine et la fin suprême, l’Idée, qui se manifeste dans toutes les représentations et dans leur destruction. »49

46Marx conserve la dialectique hégélienne, c’est-à-dire qu’il reprend la méthode, renverse l’idéalisme en matérialisme.

  • 50 C. Castoriadis, L'institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975...

« La nature et le sens de la dialectique hégélienne ne peut pas, en effet, changer du fait qu’on appellera désormais « matière » ce que l’on appelait logos ou esprit. (...) Il est complètement indifférent à cet égard de dire que la nature est un moment du logos ou que le logos surgit à une étape donnée de l’évolution de la matière, puisque dans les deux cas les deux entités sont posées d’emblée comme de même essence, à savoir d’essence rationnelle. (...) Une dialectique « non spiritualiste doit être une dialectique « non matérialiste » au sens qu’elle refuse de poser un Être absolu que ce soit comme esprit, comme matière ou comme la totalité déjà donnée en droit de toutes les déterminations possibles. Elle doit éliminer la clôture et l’achèvement, repousser le système complété du monde. Elle doit écarter l’illusion rationaliste, accepter sérieusement l’idée qu’il y a de l’infini et de l’indéfini, admettre, sans pour autant renoncer au travail, que toute détermination rationnelle laisse un résidu non déterminé et non rationnel, que le résidu est tout autant essentiel que ce qui est analysé, que cette nécessité et cette contingence sont continuellement imbriquées l’un dans l’autre, que la nature hors de nous et en nous, est toujours autre chose et plus que ce que la conscience construit. (...) Et c’était là une des intuitions du jeune Marx. »50

  • 51 Feuerbach limite sa critique à la religion, mais il démontre une tendance ...

  • 52 K. Papaioannou, De Marx et du marxisme, Paris, Gallimard, 1983, p. 42.

  • 53 K. Papaioannou, De Marx et du marxisme, Paris, Gallimard, 1983, p. 43.

47Feuerbach qui s’oppose à l’idéalisme hégélien, cherche à montrer qu’il n’y a rien d’autre que l’homme et la nature. « C’est qu’en proclamant la réduction de la théologie et de la philosophie à l’anthropologie, en ramenant tout à l’homme et à son indissoluble unité avec la nature, Feuerbach a fondé le principe même de la critique radicale51 qui exige que l’homme récupère enfin toutes les puissances qu’il projetait en dehors de lui, dans un au-delà fantastique. (...) Le Dieu de la religion n’est autre que l’être générique de l’homme « aliéné », devenu étranger à lui-même, fixé dans une objectivité supra-humaine. »52 Il fonde « le vrai matérialisme et la science réelle en érigeant le rapport social d’homme à homme en principe fondamental de la théorie »53.

  • 54 K. Marx, F. Engels, La Sainte Famille..., Paris, Gallimard, 1982, p. 425.

48Les œuvres du jeune Marx (1844) s’appuieront sur les thèses de Feuerbach pour rejeter l’idéalisme hégélien où l’homme doit nier la nature pour devenir lui-même et où le travail devient une manifestation parmi d’autres de l’esprit. « L’humanisme réel n’a pas de pire ennemi que le spiritualisme ou l’idéalisme spéculatif qui à la place de l’homme réel individuel met la conscience de soi ou de l’esprit. »54

  • 55 K. Papaioannou, De Marx et du marxisme, Gallimard, Paris, 1983, p. 45.

49Pour Feuerbach l’homme et la nature sont dans une même unité, un des premiers fondements de la théorie des « forces productives » de Marx s’appuiera sur le fond humain, purement naturel. « Il est faux de dire que l’homme s’oppose comme sujet à la nature traitée comme objet : c’est là précisément que réside le spiritualisme reproché à Hegel (...) Ce qui s’objective dans le travail, répond Marx, ce n’est pas une force spirituelle, c’est-à-dire une force extérieure à la nature, différente ou même opposée à la nature : c’est la nature elle-même qui se manifeste dans l’acte par lequel l’homme se dresse (apparemment) contre la nature. »55

50Le travail est œuvre des besoins humains et non pas de l’esprit. L’homme se définit et s’ouvre au monde par ses besoins, c’est cela qui le met en rapport avec les profondeurs de la nature. Marx et Engels critiqueront par la suite ce naturalisme naïf. Il n’empêche que ce naturalisme naïf se retrouve dans la notion de besoin et de tous ses avatars actuels, utilisée comme preuve du matérialisme qui sourd de nos jours d’un très grand nombre de raisonnement dans les sciences humaines.

  • 56 K. Marx, Manuscrits de 1844, Éditions sociales, Paris, 1962, p. 87.

  • 57 K. Marx, Manuscrits de 1844, Éditions sociales, Paris, 1962, p. 98.

51L’unité de l’homme et de la nature telle que Marx la conçoit ne se manifeste que dans les actions par lesquelles l’humain se dresse contre la nature et la soumet à sa volonté. C’est-à-dire que la « consubstantialité homme-nature n’est pas immédiate, mais historique et produit par les actions humaines. La lutte contre la nature constitue « le sens de l’histoire » et par là-même l’accomplissement progressif de la nature. Le jeune Marx conteste la légitimité du dualisme nature et histoire, c’est le reproche qu’il adresse aux philosophies aussi bien matérialiste qu’idéaliste. « Ce qui a donné naissance à l’opposition entre la nature et l’histoire, c’est l’exclusion du rapport de l’homme avec la nature. » Au contraire, « La nature produite par l’industrie est la véritable nature anthropologique. »56 Le déterminisme de la nature et les finalités humaines sont une reconstruction de l’univers, dans le sens d’une nouvelle création. « Si la nature est l’objet et l’homme, le sujet, le monde historique créé par l’industrie est un Sujet-Objet où le sujet s’objective en modifiant l’objet et l’objet se subjective en devenant l’élément, un moment de l’action humaine. » La consubstantialité de l’homme et de la nature est une fin, un résultat, une fois le donné naturel reconstruit dans la société désaliénée de l’avenir. « L’hostilité abstraite entre l’esprit et les sens est nécessaire tant que le sens humain pour la nature, le sens humain de la nature, donc aussi le sens naturel de l’homme, n’est pas encore produit par le travail de l’homme. »57

  • 58 K. Marx, Manuscrits de 1844, Paris, Éditions sociales, 1962, p. 85.

« On voit que les oppositions théoriques elles-mêmes ne peuvent être résolues que d’une manière pratique, par l’énergie pratique de l’homme. On voit donc que leur solution n’est aucunement la tâche exclusive de la connaissance, mais une tâche réelle de la vie que la philosophie ne pouvait résoudre précisément parce qu’elle n’y voyait qu’une tâche purement théorique. »58

  • 59 C. Castoriadis, L'institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975...

52Pour Marx le terme de « praxis » permet de montrer une différence entre ce que les humains font et ce qu’ils pensent. Le hiatus entre les mots, milieu où se meut la pensée et les phénomènes, milieu propre à la vie. « La praxis » permet de nouer faire et savoir. « C’est l’intention d’une transformation du réel, guidée par une représentation de sens de cette transformation, prenant en considération les conditions réelles et animant une activité. »59

  • 60 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 132.

« Dès les « Manuscrits de 1844 », Marx déclare son ontologie : les passions, les émotions, les besoins, sont le fondement ontologique autant que la base anthropologique des sociétés humaines. (...) Marx discerne le vécu du conçu. Il cherche d’ailleurs à faire entrer le premier dans le second, par le langage et par le savoir. La morale, la religion, la métaphysique sont des idéologies cohérentes donc relativement systématisées. Elles semblent autonomes ; elles paraissent avoir chacune son histoire propre et son développement autonome. Erreur. Marx propose une genèse ou une génétique des représentations qui les détruit dialectiquement. Ce ne sont que des produits (momentanés). Les hommes développent en même temps que la production et le commerce, les produits de leurs pensées. Donc les représentations et les idéologies rentrent d’après Marx dans un champ pratique de production à la fois unique et diversifié, s’étendant à l’ensemble des représentations, soit systématisées (idéologies) soit vagues et peu cohérentes. (...) Marx pose l’unité dans la production au sens large des représentations (objets, matériels et rapports sociaux des groupes et des classes) et des représentants (sujets, mais également groupes et classes. »60

53Les représentations sociales sont des produits qui ne découlent directement d’aucun des composants de la pratique mais de leur interférence. Ce sont des intermédiaires entre du vécu incertain et du conçu élaboré.

54Dans une tradition marxiste, le sociologue étudie les représentations sociales comme des interprétations du vécu, de la pratique, de la praxis, elles interviennent sans pour autant connaître la réalité, les pratiques et sans les maîtriser. Les représentations sociales font parties des pratiques mais ne s’en distinguent qu’à l’analyse sociologique. De plus les représentations sociales sont sans cesse mouvantes, certaines seront plus cristallisées que d’autres par les institutions sociales, pendant que d’autres seront encore plus fluctuantes.

  • 61 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman,. 177.

« Les contenus inhérents aux formes de rapports sociaux (nature et sexe, vie et mort, corps et esprit, espace et temps, faiblesse et pouvoirs, etc.) donnent lieu à des représentations multiples et diverses, à la fois flottantes et fixes, glissantes et stéréotypées. Ce qui permet de comprendre le caractère paradoxal des représentations ; ce ne sont pas des « faits sociaux » analogues à des choses, car elles ne détiennent pas une consistance propre. Pourtant elles ne peuvent se concevoir comme des « faits psychiques », bien qu’elles motivent les actes, car elles ne surgissent que dans des relations ; elles ne sont pas intérieures au sujet par essence, car elles contribuent à constituer le « sujet » (l’individu social) ; elles le traversent. »61

  • 62 « Ce qui mènerait à analyser par exemple le discours sur la sexualité et n...

55Seraient-elles des « faits de langage » liées aux mots et aux significations ? Dans la tradition marxiste, les représentations ont pour support le langage, mais l’erreur consisterait à n’étudier que le langage (et non les actes) pour les saisir62.

  • 63 Un exemple simpliste illustre cette position sociologique, celle de l'éduc...

56Aussi, pratiques et représentations sociales se déduiraient-elles mutuellement l’une de l’autre.63 La tâche, pour séduisante qu’elle soit, se révèle délicate pour le sociologue, car le niveau de la pratique (mise à part si on l’objectivise et le réifie) est celui du vécu qui n’a jamais été défini (et toute définition qui se voudrait rigoureuse serait encore plus risquée).

  • 64 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman,. 198.

« Le vécu a quelque chose de flou. Ce que lui reproche les cavaliers du savoir et les champions de la scientificité. Lui attribuer des contours, le « cerner » comme on dit, c’est déjà le réduire en l’assimilant au concevable, identifié par hypothèse à la forme conceptuelle. La démarche inverse, qui projette le vécu dans les profondeurs abyssales, n’est pas moins contestable ; elle diffère d’ailleurs peu de la première puisque les théoriciens de l’inconscient en font un concept ! »64

57Ma position méthodologique provisoire d’étudier les systèmes de représentations se justifie, non pas comme théorie aboutie à propos des représentations mais juste comme incapacité (mise à part à adopter une position de démiurge qui sait tout et juge tout de l’extérieur) à étudier sérieusement l’imbroglio probable des pratiques et des représentations dont nous serions pétries.

58La nature produite, « nature seconde », se représente par et à travers les savoirs acquis d’un côté et à travers des représentations confuses qui seraient celles d’une « nature première ». Les représentations d’une « réalité » donnée et d’une « réalité » produite ou « œuvrée » (selon la formule de H. Lefebvre) s’interpénètrent en se représentant l’une, l’autre. Le « produit », l’acquis se représentent comme immédiats et donnés, comme évidences automatiques et la « nature première » comme construite, produite, acquise, (conquise entre autre par les sciences).

  • 65 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p.180.

« Quand à l’histoire, c’est-à-dire la transition, elle donne lieu à toutes les confusions possibles et imaginables. »65

59Les représentations jouent-elles un rôle dans les pratiques ? Pour l’instant, on peut supposer qu’elles s’y insèrent, qu’elles s’y superposent en interprétant, grâce au langage, au discours, la pratique. C’est reconnaître que les représentations font sens plutôt que l’inverse. Les représentations construiraient de l’intelligibilité avec les apparences sensibles par déplacement et transfert, par condensation et symbolisation, par métaphorisation et métonymisation...

60L’inversion de la position hégélienne autorise alors à supposer que l’histoire de la philosophie permet une « phénoménologie des représentations » et rend plus évidente l’étude des représentations sociales.

  • 66 « Considérez ici comme acquis que le conçu (savoir, sciences, connaissance...

  • 67 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman,. 183.

« Au cours de ses péripéties, le vécu attaqué de toutes parts66, réduit par divers procédés, se défend sauvagement. Ce dernier mot doit se prendre littéralement. Le vécu se défend par la révolte, par la spontanéité brute, par la violence contre l’agression permanente. L’analyse dialectique de ce mouvement évite le troisième terme : le perçu, qui emprunte ses matériaux des deux côtés, le vécu et le conçu (la vie et la réflexion). Lucidité mais non pensée, conscience mais se référant au dehors, le perçu joue l’intermédiaire (médiation) entre le conçu et le vécu, mais prend au cours de ce jeu densité et force. C’est dans ce que la psychologie classique nommait (perception) que se saisissent quelques présences, que les absences se ressentent, que les représentations pullulent. »67

61Résumons ces trois traditions par rapport à la réalité.

62L’idéalisme postule la réalité à partir de la représentation de la réalité, pour les berkeleyens tout est construit par les représentations et la réalité surgit après les représentations, le matérialisme combattant l’idéalisme et le spiritualisme va prétendre que la réalité existe dans sa matérialité et les représentations seront soit une série d’illusions de la pensée idéaliste ou spiritualiste, soit un moment de la connaissance pour atteindre la réalité. Le matérialiste opère un tri entre des représentations illusoires et des représentations qui sont preuves de la réalité. Dire qu’il me suffit, pour l’instant, de n’étudier que des systèmes de représentations, sans les référer à de la réalité, c’est chercher à sortir de ces trois courants qui aujourd’hui suite à leur critique ne se retrouvent presque plus autrement que dans la confusion des traditions, ce qui donne l’impression d’une crise, d’un éclatement, d’une pluralité, d’une diversité impossible à réduire.

63Autrement dit, le problème de la représentation fut pendant des siècles une discussion sur le visible et l’invisible (sur le dicible et l’indicible ; sur la présence et l’absence). L’idéalisme pense le visible comme trompeur, l’invisible peut être atteint grâce à une représentation se rapprochant de l’invisible au plus prés, les berkeleyens inversent le problème et prônent que le visible (perçu, percevant) est premier d’où l’idée qu’il n’existe que des représentations intentionnelles ou non, l’invisible devient soit une intuition qu’il faut se représenter pour le visibiliser, soit quelque chose de délaissé. Les matérialistes vont poursuivre le raisonnement en cherchant par tous les moyens à prouver du visible (position réaliste où les représentations deviennent accessoires et sont adéquates ou non adéquates au visible) et l’invisible devient un défi qu’il s’agit par toutes sortes d’actions scientifiques ou politiques de rendre visible, si on n’y parvient pas l’invisible sera de la pure fiction (représentation dogmatique).

64Ma position par rapport au visible et à l’invisible, c’est de les intégrer dans l’analyse des représentations et de ne plus prendre ni le visible, ni l’invisible pour preuve d’autres choses que d’une activité particulière des représentations.

65Ainsi l’ordre social est une représentation de sociologue qui tantôt visibilisera son aspect permanent, arbitraire, etc., tantôt le supposera comme invisibilisé dans ses luttes, conflits et rapports de force, tantôt le présupposera comme ayant une base à occulter pour qu’il se visibilise. L’action sociale sera alors selon les courants, preuve d’une lecture permettant de visibiliser l’ordre, soit de le manifester, soit de le contester. Le changement social, à son tour, jouera, du visible et de l’invisible. Le conscient-inconscient, le manifeste-latent, les coupures de toutes sortes surgiront de la discipline pour finalement rendre compte de ces trois positions et de leur mélange actuel ce qui a pour conséquence de rendre pour le moins confuse notre discipline.

Notes

1 Non seulement le concept concerne peu ou prou la philosophie toute entière, mais encore il est le monopole de la psycho-sociologie. Lorsque nous avons proposé un cours s'intitulant « La construction des représentations sociales » quelques collègues nous ont déclaré : « Mais c'est de la psychologie sociale ! »

2 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 18.

3 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 15.

4 « On dénoncera l'anthropomorphisme permanent des philosophes qui traitent de l'univers comme s'il tournait autour de l'homme et discourent comme si les constellations des idées disposaient du destin… » H. Lefebvre, op. cit., p. 138.

5 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 22.

6 H. Lefebvre, La présence et l'absence, p. 139.

7 « Le philosophe cherche sa voie entre les autres domaines et secteurs (art, science, politique…). Lui aussi va vers ce qui justifie son existence et la consolide. La philosophie ce n'est ni la clé du savoir, ni du pouvoir, ni de l'existence « mondaine », ni d'une vérité transcendante. L'histoire à propos de la philosophie découvre a) sa monumentalité (équivoque) corrélative des autres moments historiques dans lesquels « s'exprimaient » les sociétés, c'est-à-dire s'exerçaient les pouvoirs politiques, religieux, éthiques mais aussi s'organisaient la pratique et la vie quotidienne ; b) son allure d'astrologie laïcisée, quelque peu sophistiquée ; c) son caractère phallocratique, expression ambiguë de la virilité du conçu par rapport au vécu (féminin) ainsi que du pouvoir de l'abstrait par rapport à la vitalité immédiate - expression enfin des relations de dépendances, des modes de domination et des rapports de force maintenus (reproduits) pendant de longs siècles à travers les modes de transgression de projet et ses triades : thèmes -catégories -problèmes » ; « totalité - contradiction - possibilité » H. Lefebvre, La présence et l'absence., p. 141-142.

8 Le réalisme vulgaire, c'est-à-dire la réalité est donnée dans la perception, voire dans la sensation même, considérée comme simple copie du monde extérieur sans aucune transformation. Il suffit alors que nous percevions des objets pour qu'immédiatement ceux-ci nous apparaissent et s'imposent à nos sens, donc existent en dehors et indépendamment de nous.

9 C'est toute la question du langage qui est discuté, jusqu'à la parole... Qu'est-ce que dire ? Quels liens établit-il avec le niveau du faire et du sentir ?

10 Les actes permettent-ils de supposer ou non l'existence de la matérialité ? L'action, le faire, la pratique peuvent-ils ou non se passer d'une référence au réel ?

11 Le sensible réintroduit la subjectivité et par là pose la question de nos points d'accès à ce qui nous entoure. Les cinq sens (vision, ouïe, odorat, tact et goût) nous informent-ils, nous trompent-ils ? Quels rôles jouent le sensible par rapport à l'action et au dire ?

12 Les trois courants, que nous proposons, sont dans l'histoire de la philosophie parfois tous classés comme forme d'idéalisme. L'idéalisme platonicien (d'Aristote à St. Thomas d'Aquin) ; l'idéalisme rationaliste (de Descartes, Malebranche, Leibniz, jusqu'à Kant) ; l'idéalisme empirique (Locke, Berkeley) ; l'idéalisme dialectique (Hegel, Hamelin) ; jusqu'à « l'idéalisme matérialiste », formule pour nous incompréhensible...

13 Platon cherche à échapper à ce qu'il appelle la doxa (opinion et représentation qui ne sont que des apparences communément admises) pour trouver la vérité. « Quoi de plus paradoxal que l'Idée et la sphère des idées, ces absences qui, pour le philosophe, deviennent présences quand il a parcouru l'itinéraire que décrit le Banquet ? Aidé par l'amour, l'initié traverse l'espace des représentations pour le transcender. L'Idée platonicienne ne veut pas re-présenter mais présenter l'absolu virtuellement présent en tout esprit. L'idée de la présence- de la Beauté, de la Vérité- irradie pour Platon les sphères supérieures. Le soleil de l'intelligible resplendit. Pour la première fois l'amour -celui du corps, de l'Idée et du beau à travers des âmes et des corps- prend place dans la philosophie, parmi les médiations. » H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 105.

14 H. Arendt, La vie de l'esprit, Paris, P.U.F., 1981, p. 22.

15 Pour Descartes la pensée de Dieu s'identifie à l'existence divine. Descartes affirme ainsi Dieu existe parce que Son idée est en nous et aussi parce que nous-mêmes qui avons Son idée existons. (Méditations III, Principes I, pp. 20-21)

16 « Descartes identifie hardiment l'être et la pensée. Pas de faille, pas de fissure entre eux. Je pense donc je suis. Être c'est penser. La pensée est. La pensée de l'être c'est l'être. La pensée est identique à soi. Penser, c'est penser. Ce que jamais n'aurait accepté un présocratique car il aurait refusé la confusion entre la nature et la pensée. (...) Quelle capacité réductrice dans ce système ! Le vécu se réduit à la pensée, le vivre à la cogitation ? Cogitation ? C'est-à-dire à la représentation comme d'une chose -res cogitans- du sujet pensant. La pensée pensante se retient dans la réflexion ; la conscience devient réfléchissante : conscience de soi, miroir et reflet adéquat de l'objet. Ce cogito n'en est pas moins la première représentation de l'individu, tel que la bourgeoisie et le rationalisme libéral tentèrent de le réaliser. » H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 121.

17 Chez Malebranche, la théorie des idées représentatives trouvent sa forme la plus extrême puisqu'il appelle idée, à la fois les pensées de l'âme et les perceptions des objets.

18 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 122. « En ce sens dans les réflexions ultérieurs et jusque dans l'idéologie ou la pédagogie, rien qui ne procède de Descartes : l'individualisme et le rationalisme (non sans contradictions), le dogmatisme et le logocentrisme. Rien qui ne livre un combat contre lui et ne prononce sa déchéance : la raison d'État contre le libre examen, l'appel à la nature et à l'intuition contre l'abstraction, la restitution de l'être contre la pure pensée. Ainsi le cartésianisme persiste, inhérent au logos, à travers ses péripéties. La critique du logos comme volonté et représentation n'ose pas toujours s'en prendre à sa racine : la pensée cartésienne. » (pp. 122-123)

19 L. Marin, La critique du discours, Paris, Minuit, 1975, p. 27.

20 La logique ou l'Art de penser contenant outre les règles communes plusieurs observations nouvelles propres à fonder le jugement, 5e édition, Desprez, Paris, 1683, « Premier discours », p. 2, cité par L. Marin, La critique du discours, Paris, Minuit, 1975. 27.

21 L. Marin, La critique du discours, Paris, Minuit, 1975. 29-30. »C'est au fond parce que ce texte, ce livre, cet ouvrage se corrompt lui-même dans ses certitudes et se disperse dans le jeu interne de ses références qu'il fait apparaître, mieux qu'un autre, la représentation des rapports imaginaires que des individus ont des conditions de leur existence, qu'il est mieux qu'un autre le représentant de cette représentation, un index idéologique essentiel. » (p. 34)

22 L. Goldman, Introduction à la philosophie de Kant, Paris, Gallimard, 1967. L'auteur montre comment Kant prépare l'idéalisme allemand.

23 B. Péquignot, Pour une critique de la raison anthropologique, Paris, L'Harmattan, 1990, p. 69. La position idéaliste de Kant va opérer une division entre « les rêveurs de la Raison », (« pauvreté de la raison « et « le scandale de la pensée ») et la construction de raison scientifique. « Ainsi cette naissance produit comme deux figures contradictoires mais solidaires, la rigueur étriquée du comptable ou du statisticien et la rêverie flamboyante du poète romantique. Le partage se fait entre la science dont le mythe va naître au dix-neuvième siècle et la littérature, entre le sérieux objectif raisonnable de la connaissance scientifique et la bohème subjective du poète et de l'artiste. La Science devient une force sociale de gestion et de transformation de l'État, la littérature décrit des états d'âmes d'êtres asociaux. (...) La représentation est ainsi cantonnée à l'expression non réglée d'une subjectivité enfermée en elle-même, tandis que la Science va conquérir le monde en s'appuyant sur la subjectivité de l'homme comme être universel, c'est-à-dire comme Raison. « (B. Péquignot, op. cit., p. 70. Pourtant « rêveurs de la raison » qui révèle un désir de significations ou scientifiques de la raison qui révèle une « volonté de savoir », reposent sur un même fondement idéaliste qui distribue une double représentation de la raison : l'une qui n'est que maquillage de l'esprit et l'autre construite au plus près du réel...

24 Durkheim, le social existe, c'est une réalité, il existe en dehors des individus qui la compose, le sociologue au-dessus de la mêlée humaine grâce à ses connaissances peut seul le décrypter au plus près ; cela entraîne une position de supériorité du sociologue par rapport au sujet-objet étudié.

25 L. Marin, De la représentation, Paris, Seuil/Gallimard, 1994, pp. 31-32.

26 G. Berkeley (1685-1753), Évêque anglican, philosophe, physicien, s'efforce de combattre la philosophie de Locke (1690) des qualités premières inséparables de l'idée de matière (solidité, étendue, forme, nombre, mouvement ou repos). Berkeley ne se dit pas idéaliste même si certains philosophes comme Cuvillier, le classe parmi l'idéalisme empiriciste ; selon les auteurs, ses thèses sont appelées « spiritualisme » ou encore « anti-matérialisme », ou « nominalisme ». Pour moins de confusion, nous préférons le terme de thèse berkeleyenne pour le différencier du courant idéaliste et du courant matérialiste.

27 Berkeley, Principes de la connaissance humaine, Introduction,

28 Berkeley, Principes de la connaissance humaine, Part. 1

29 A. Portman, La forme animale, trad. G. Rémy, Paris, Seuil, 1961, p. 17.

30 H. Arendt, La vie de l'esprit, Paris, P.U.F., 1981, p. 52.

31 Je n'insiste pas sur cet aspect mais il me semble qu'il y a là une piste de recherche à poursuivre qui éclaire tout un pan des représentations quotidiennes à l'œuvre. La pensée positive (PNL, reprogrammation des idées négatives, des doutes et des blocages produits par les pensées) semble un raisonnement très courant comme guide d'actions individuelles mais elle est aussi utilisée comme « bon esprit » à avoir dans les entreprises...Autrement dit si les idées, les représentations précèdent le faire, le vivre, on doit pouvoir agir sur les représentations pour que le monde devient ce que l'on veut ! Certes le raisonnement est quasi-magique décrit dans son épure puisqu'il suffit de choisir des représentations qui sont celles que nous voulons et cela entraînera les changements sociaux que nous croyons bons...

32 Ce raisonnement est des plus courants dans la pensée magique, il est très souvent utilisé. Berkeley l'utilise pour prouver l'existence de Dieu, mais aujourd'hui, face à la montée du racisme, certains arguments développés sont de dire qu'à partir du moment où la loi française utilise des mots comme « race » ou « délits racistes » dans ces textes, elle fait exister le racisme.

33 Les situations limites de Garfinkel par exemple ou les théories de l'indexabilité ou encore les théories conversationnelles de l'ethnométhodologie.

34 Par exemple Berger et Luckman dans La construction de la réalité sociale, mais aussi Schultz dans Le chercheur et le quotidien et l'extrême importance de la typification, nous trouvons aussi l'école de Paolo Alto avec Watzlawich « L'invention de la réalité » ou « Construisez vous-même votre propre malheur » et enfin un certain nombre de cognitivistes tel que Putnam « Les représentations mentales », Fodor ou Denett « Les styles de représentations mentales » ou « La conscience expliquée ».

35 Leibniz oppose ainsi l'idéalisme au matérialisme. Spinoza pour atteindre la substance de l'être (la nature, le corps) cherche à totaliser la séparation sujet-objet, espace-pensée à travers des médiations-représentations. Il étudie les affects comme des modalités de la présence et tente d'unir le corps (comme espace ou étendue limitée) et l'idée de la chose présente (la pensée). (Éthique, III, 18, scolie). Leibniz et Spinoza comptent tous deux sur la notion d'expression pour dépasser les difficultés du cartésianisme. « Être, connaître, agir ou produire sont les espèces de l'expression. (...) C'est en fonction de ce caractère toujours triadique que le concept d'expression ne se laisse rapporter ni à la causalité dans l'être, ni à la représentation dans l'idée, mais les déborde toutes deux. Car à la dyade de la cause et de l'effet, ou à celle de l'idée et de son objet, se joint toujours un troisième terme qui les transforme. (...) De même l'idée représente un objet et d'une certaine manière l'exprime ; mais plus profondément l'idée et son objet expriment quelque chose qui leur est commun, et pourtant propre à chacun : la puissance ou l'absolu sont deux puissances qui sont celles de penser ou de connaître, d'être ou d'agir. Ainsi la représentation se trouve localisée dans un certain rapport extrinsèque de l'idée et de l'objet, chacun bénéficiant pour son compte d'une expressivité par delà la représentation. Bref, partout l'exprimé intervient comme un tiers qui transforme les dualismes. Par-delà la causalité réelle, par-delà la représentation idéelle, on découvre l'exprimé comme le tiers qui rend les distinctions infiniment plus réelles, l'identité infiniment mieux pensée. L'exprimé, c'est le sens : plus profond que le rapport de causalité, plus profond que le rapport de représentation. » G. Deleuze, Spinoza et le problème de l'expression, Paris, Minuit, 1968, pp. 310-311.

36 « Les propos et projets des philosophes supposaient la pré-existence du Vrai, du Beau, du Bien (de la Vérité absolue, de l'Idée, de L'Être, de la Nature, de Dieu) ainsi que la possibilité d'une réalisation de la liberté, ou bien des capacités créatrices, ou du bonheur ou de la joie, ou du plaisir. Après la montée de l'industrie, impliquant l'efficacité pratique du savoir et de la technique, après la formation du prolétariat, il n'est plus possible d'admettre la pré-existence du Vrai. La philosophie apparaît comme illusion et utopie, mais la réflexion qui la prolonge comprend l'utopie et l'intègre. Pour Marx la philosophie comme projet ne peut se réaliser qu'en dépassant la philosophie comme fiction. (...) Réaliser la philosophie et la dépasser vont ensemble. » H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 93-94.

37 On peut se poser la question à propos des thèses qui annoncent la fin de la représentation au profit de la seule présentation, s'il ne s'agit pas d'une suite logique du courant matérialiste qui pense pouvoir atteindre la réalité en dépassant les représentations...

38 D'un côté la réalité est construite par nos actions dans une longue série de processus de transformation (cf. Berkeley) mais de l'autre il y a une existence de la matière indépendante de notre volonté de penser le monde, donc aussi relativement indépendante de nos représentations et de nos actions.

39 Une autre difficulté vient s'ajouter à la pluralité des formes de matérialisme, c'est que le matérialisme semble une de nos représentations sociales très ancrée au XXe siècle, presque une évidence surtout à un certain niveau de généralité. Ainsi pour des scientifiques, des ingénieurs, contester l'évidence de la matière est une monstruosité.

40 Finalement, il semble que ces trois traditions, idéaliste, berkeleyenne et matérialiste si elles se répondent et se répandent différemment selon les siècles, sont à la fois présentes dans l'histoire de la philosophie. Là encore je pourrais changer l'ordre de présentation de ces trois courants car l'intelligibilité du monde par la construction philosophique de la représentation et de son rapport avec une prétendue réalité n'est pas affaire de chronologie. Ce que je cherche à dégager dans cette caricature de la philosophie, ce n'est que des épures de position qui analysent la représentation en l'installant par rapport à un référent changeant. Quand le référent change, le statut de la représentation se transforme aussi.

41 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 100-101. « On sait qu'Héraclite traite le feu comme Thalès l'eau mais de façon plus subtile. Le feu vivifie et consume ; le cycle du temps va du non-feu (le glacé) au feu absolu (le soleil, les incendies, les catastrophes dues au feu, dont celle qui termine chaque grande année). Les êtres chauds sont supérieurs aux êtres froids parce que le feu artiste et créateur travaille en eux. Le feu sacré, foyer, centre, contient la raison (le logos) de la maison, de la cité, de la vie, du cosmos. » (p. 101)

42 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 101. « Depuis lors, les quatre (éléments, points cardinaux, direction de l'espace, etc.) n'ont cessé d'obséder la pensée (cf. Bachelard, Heidegger, etc.). Ajoutez un élément, une direction, un point cardinal (le Haut, le zénith, l'ascension, etc.), vous sacralisez le nombre Cinq. Écartez un ou deux éléments, vous sacralisez le nombre Trois, ou le Deux ou le Un, en tant que dimension (cosmologique-ontologique). L'interprétation symbolique des nombres (Pythagore) traverse la pensée philosophique. L'Orient lointain est unitaire ; le Proche-Orient est dualiste, manichéen ; l'Europe, pour de multiples raisons est triadique. » (p. 102)

43 L. Sfez, Critique de la communication, Paris, Seuil, 1988, p. 62.

44 « En somme se séparent dans une première fracture deux types de travaux : les uns qui se borneront à construire des comportements artificiels, analogues et seulement analogues à ceux qu'on peut observer chez le vivant. Ils supposent que l'ordinateur est capable de se charger de cette réduplication, et visent la fonctionnalité et l'efficience. (Refus alors de prendre la biologie en considération. C'est le cas du « général problem solver de l'IA, qui est chargé d'atteindre des résultats semblables à ceux de l'intelligence naturelle sans que son hardware ait quelque chose de commun avec les réseaux neuronaux du cerveau. Les autres pour qui l'intelligence artificielle se rapproche de plus en plus de la position neurophysiologique et dans leurs derniers essais néo-connexionnistes, embrassent la position de Mc Culloch. » L. Sfez, Critique de la communication, Paris, Seuil, 1988, p. 64.

45 R. Aron, Marxismes imaginaires, Paris, Gallimard, 1970, pp. 90-91.

46 La notion de besoin est trop vaste pour la développer ici avec la controverse qui l'accompagne. La notion de besoin tantôt tirée du côté de la nécessité vitale, tantôt du côté de l'obligation sociale devrait être étudiée comme exemple de la pluralité des formes de matérialisme qui se répondent. Les besoins humains sont tantôt des déterminations biologiques, tantôt une production sociale surchargée idéologiquement et se mélangent avec les représentations (instinct, désir, intérêt, pulsion, etc.). Toute la controverse entre P.H. Chombart de Lauwe et J. Baudrillard devrait être reprise...car si la discussion de la notion est passée de mode chez les sociologues, elle me semble encore très présente dans nos représentations sociales actuelles.

47 R. Aron, Marxismes imaginaires, Paris, Gallimard, 1970, p. 31.

48 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 149.

49 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 129.

50 C. Castoriadis, L'institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975, p. 75.

51 Feuerbach limite sa critique à la religion, mais il démontre une tendance des représentations à s'autonomiser. « Œuvre des humains la religion avec les divinités qu'elle propose se proclame extérieure et supérieure à ceux qui l'ont engendrée. Ensuite Marx a montré non pas tant la primauté générale de l'économique dans le mode de production que le caractère déterminant, c'est-à-dire non dominé, non maîtrisé, de l'économique dans le mode de production capitaliste et la société bourgeoise. (...) Elle indique que l'économique s'est érigé en puissance autonome. » H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 196. La religion, l'économique, la loi, l'état etc. sont des « abstractions concrètes ». C'est-à-dire elles impliquent des représentations qui se représentent et font partie intégrante de leur réalisation. Ces « abstractions concrètes » ont tendance à s'autonomiser et leurs représentations avec. L'éclatement constaté actuellement ne proviendrait-il pas de cette tendance à l'autonomisation que constatent Feuerbach et Marx. « Brisée, éclatée, les éléments de la société « civile », cette société disparaît-elle ? Non. Une puissance tendant elle-même à s'ériger en capacité autonome se montre capable d'imposer une globalité à tout ce qui se disperse (...). L'unité planétaire apparaît mais menacée et impossible au moment où ce possible donne un sens à tout ce qui apparaît et se déploie. » (p. 197)

52 K. Papaioannou, De Marx et du marxisme, Paris, Gallimard, 1983, p. 42.

53 K. Papaioannou, De Marx et du marxisme, Paris, Gallimard, 1983, p. 43.

54 K. Marx, F. Engels, La Sainte Famille..., Paris, Gallimard, 1982, p. 425.

55 K. Papaioannou, De Marx et du marxisme, Gallimard, Paris, 1983, p. 45.

56 K. Marx, Manuscrits de 1844, Éditions sociales, Paris, 1962, p. 87.

57 K. Marx, Manuscrits de 1844, Éditions sociales, Paris, 1962, p. 98.

58 K. Marx, Manuscrits de 1844, Paris, Éditions sociales, 1962, p. 85.

59 C. Castoriadis, L'institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975, p. 106.

60 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 132.

61 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman,. 177.

62 « Ce qui mènerait à analyser par exemple le discours sur la sexualité et non le vécu sexuel, ou encore le discours sur le travail et non le vécu du travail pour le porter au concept. » H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p. 178.

63 Un exemple simpliste illustre cette position sociologique, celle de l'éducation donnée aux petites filles : dans la pratique, on leur offre une poupée pour jouer, parce que les parents ont déjà une représentation de l'éducation à donner à une fillette, du coup dans la pratique ces dernières n'auront pas l'esprit mécanique du Légo et cela suscitera à son tour une autre représentation du monde que celle du mécano et des petits soldats, par la suite le vécu des filles différera de celui des garçons tout comme leurs représentations. Cela me semble un raisonnement courant de sociologue qui analyse la pratique comme issue à la fois des pratiques et des représentations.

64 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman,. 198.

65 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman, 1980, p.180.

66 « Considérez ici comme acquis que le conçu (savoir, sciences, connaissances, emplois légitimes ou abusifs des concepts) tend depuis de longs siècles en Occident à déprécier le vécu, à le réduire, à le traiter en résidu provisoire du connaître. Cette matière informe, ce chaos, cet innommable et innommé, il faudrait l'exterminer, de sorte que la vraie vie ou plutôt la vie vraie se construirait à partir du seul savoir. » H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman,. 197.

67 H. Lefebvre, La présence et l'absence, Paris, Casterman,. 183.

Bibliographie

H. Arendt, La vie de l’esprit, Paris, P.U.F., 1981.

R. Aron, Marxismes imaginaires, Paris, Gallimard, 1970.

C. Castoriadis, L’institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975.

G. Deleuze, Spinoza et le problème de l’expression, Paris, Minuit, 1968.

L. Goldman, Introduction à la philosophie de Kant, Paris, Gallimard, 1967.

L. Marin, La critique du discours, Paris, Minuit, 1975,

L. Marin, De la représentation, Paris, Seuil/Gallimard, 1994.

H. Lefebvre, La présence et l’absence, Paris, Casterman, 1980,

K. Marx, Manuscrits de 1844, Paris, Éditions sociales, 962,

K. Marx, F. Engels, La Sainte Famille..., Paris, Gallimard, 1982, p. 425.

K. Papaioannou, De Marx et du marxisme, Paris, Gallimard, 1983,

B. Péquignot, Pour une critique de la raison anthropologique, Paris, L’Harmattan, 1990.

L. Sfez, Critique de la communication, Paris, Seuil, 1988

Pour citer ce document

Barbara Michel, «Réflexion socio-anthropologique sur l’origine philosophique du concept de représentation», La Réserve [En ligne], La Réserve, Archives Barbara Michel (I), mis à jour le : 12/11/2015, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/reserve/200-reflexion-socio-anthropologique-sur-l-origine-philosophique-du-concept-de-representation.

Quelques mots à propos de :  Barbara  Michel

Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – ISA
En 2010, Barbara Michel était membre du Laboratoire de sociologie CSRPC-ROMA (ex EMC2).

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