La Réserve : Livraison du 17 novembre 2015
La vérité en crise dans les Mémoires sur Napoléon de Stendhal
Initialement paru dans : Le Sens du passé, pour une nouvelle approche théorique des Mémoires, de Commynes à nos jours, Marc Hersant, Jean-Louis Jeannelle, Damien Zanone dir., La Licorne, Poitiers, 2012
Texte intégral
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1 Vie de Henry Brulard, Œuvres intimes, Victor Del Litto éd., Paris, Gallimar...
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2 OI, II, p. 537. Pour une recension plus complète des lectures mémorialistes...
1« Les épinards et Saint-Simon ont été mes seuls goûts durables »1, constate, en forme de boutade, le narrateur de la Vie de Henry Brulard. Stendhal fut en effet un lecteur passionné de Mémoires : adolescent, il se plonge dans ceux du duc de Saint-Simon, du Cardinal de Retz, de Mme de Caylus ou du chevalier de Grammont et, plus tard, à mesure qu’ils paraissent, ceux de Mme Roland, du comte de Ségur, du maréchal Gouvion-Saint-Cyr et de bien d’autres encore, emportent son enthousiasme : il « adore ce genre d’écrits »2.
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3 Les références sont à l’édition des Mémoires sur Napoléon que j’ai proposée...
2En 1836-1837, il écrit lui-même des Mémoires sur Napoléon, inachevés, et, peu après, les Mémoires d’un Touriste (publiés en 1838), journal de voyage d’un marchand de fer fictif qui sillonne les routes de France tout en couchant sur le papier des observations et des réflexions sur les mœurs des provinces françaises. Des Mémoires traditionnels, cette dernière production retient le caractère spontané d’un point de vue sur l’époque contemporaine à travers des rencontres imprévues, des anecdotes et des portraits. Pour ce qui est des Mémoires sur Napoléon, ils s’écrivent dans une perspective plus historique que sociologique, où le narrateur, engagé à plus d’un titre dans la période qu’il raconte, sans en être toutefois l’acteur principal, voudrait contribuer par son récit à établir la vérité au sujet du « plus grand homme qui ait paru depuis César » (MN, 257)3. Mais cette vérité, que seul le regard surplombant de l’histoire pourra découvrir pleinement, s’obtient provisoirement par la confrontation de témoignages qui apportent chacun un éclairage partiel sur la période napoléonienne. Le mémorialiste ne se contente donc pas de faire entendre sa voix mais il multiplie les échos qui viennent résonner dans son récit composite. Il laissera place aux historiens contemporains (principalement à Jomini et à Thiers, dont l’Histoire de la Révolution française venait de paraître en 1824), à des mémorialistes contemporains de Napoléon, au Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases, et à Napoléon lui-même dont il recopie des lettres ou des extraits de Mémoires. Si la présence à l’événement est une posture essentielle chez de nombreux mémorialistes, elle se décline d’une manière originale dans les Mémoires sur Napoléon où le « j’ai vu » se combine à un « j’ai lu », entre subjectivité assumée et intertextualité. Nous verrons ainsi comment l’obsession de vérité qui habite le texte se manifeste de manière tout à fait singulière, par le recours au témoignage mais aussi à travers une polyphonie, dans l’exigence d’un style sobre et vrai, afin de déjouer « le mensonge qui court » (MN, 251) et l’hypocrisie qui fleurit pendant la Monarchie de Juillet. En un temps d’âpre concurrence où l’on voit se multiplier les témoignages authentiques ou fabriqués sur le « héros du XIXe siècle », Stendhal entend bien poser sa voix dans ce concert foisonnant mais parfois discordant des souvenirs sur Napoléon, à l’écart des « engouements, qui se détruisent l’un l’autre, comme une onde de la mer effaçant l’onde qui la précédait » (MN, 250).
3Dès la préface des Mémoires sur Napoléon, l’auteur prévient le lecteur que son récit ne s’inscrira pas dans la longue durée d’une histoire totalisante mais dans le temps rapide de l’événement à couleur individuelle : « Je ne prétends nullement écrire l’histoire de France de 1794 à 1815 et je ne parlerai que le moins possible des événements généraux » (MN, 249) pose d’emblée le narrateur dans le « Premier projet de préface » (1836). Cet avertissement est répété dans le « deuxième projet de préface » de 1837 : « J’ai surtout admis ces récits, parce que mon but est de faire connaître l’homme extraordinaire. Quant à écrire l’histoire de 1800 à 1815, je n’y ai aucune prétention » (MN, 254). L’intention est bien claire : la vérité qui se dégagera de l’ouvrage ne sera donc pas, celle, surplombante, distante et sans doute plus complète de l’histoire, mais celle, transitoire et fragile, des Mémoires, plus proche cependant de la réalité parce qu’elle est l’expression d’une expérience singulière :
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4 Il s’agit de Pierre Daru, cousin de sa famille, qui l’introduit dans l’admi...
4L’écrivain de 1860 aura donc beaucoup d’avantages ; toutes les sottises que le temps détruit ne seront pas arrivées jusqu’à lui ; mais il lui manquera le mérite inappréciable d’avoir connu son héros, d’en avoir entendu parler trois ou quatre heures de chaque journée. J’étais employé à sa cour, j’y ai vécu ; je publie ma vie dans l’intimité d’un des ministres les plus influents4. C’est à ces titres que j’ose élever la voix et présenter un petit abrégé provisoire, qui pourra être lu jusqu’à ce que paraisse la véritable histoire, vers 1860 ou 1880. (MN, 252)
5L’histoire récente se pense comme témoignage portant la « mémoire vive » (Paul Ricœur) de l’expérience vécue avant que la mémoire collective ne la sclérose en mythe : la proximité avec l’événement autorise aussi une certaine forme de vérité. Le narrateur des Mémoires donne ainsi l’illusion de faire lire le monde en direct mais cette authenticité est flottante car elle dépend de la mémoire lacunaire et de la subjectivité particulière d’un individu. Le temps des Mémoires selon Stendhal est ce temps immergé dans le présent, en attente du futur accompli ou du passé recomposé de l’Histoire. Le discours préfaciel distingue donc nettement le « temps des Mémoires » et le « temps de l’histoire » dont Damien Zanone analyse ainsi les enjeux :
5 Damien Zanone, Écrire son temps. Les Mémoires en France de 1815 à 1848, Lyo...
Les mémorialistes ne s’exceptent pas de leurs contemporains : eux aussi sont impatients de l’histoire de leur époque et veulent la connaître sous forme narrée ; eux aussi partagent la conviction qu’il faut cependant l’attendre, qu’elle ne pourra se dire pleinement que lorsque son temps sera venu. L’histoire contemporaine est à la fois impossible et nécessaire : c’est l’aporie qu’engendre le « temps de l’histoire » comme mythe de la connaissance. Les Mémoires trouvent une issue à cette contradiction : entre le temps des événements et le temps de l’histoire, ils s’immiscent et installent un temps de la mémoire.5
6Pourtant, ce que l’auteur des Mémoires médite de donner à lire au lecteur, ce n’est pas tout à fait le récit d’une expérience particulière : Henri Beyle n’a pas approché Napoléon de manière intime, à la façon de certains mémorialistes de l’Empire, mais seulement par l’intermédiaire de l’un de ses ministres, Pierre Daru, cousin de sa famille, qui le prend sous sa protection dès son arrivée à Paris en 1799 et lui ouvre un peu plus tard une carrière dans l’administration impériale ; ce que nous avons là s’apparente davantage à une biographie historique censée retracer toute la vie de Napoléon mais qui croise en certains points de contact la vie du narrateur. On verra que ce projet de biographie tournera court et présentera seulement de cette « vie » un choix, une sélection : Stendhal racontera la vie du grand homme jusqu’à la chute de Venise en 1797, contrairement à la Vie de Napoléon, inachevée elle aussi, qui, en 1817-1818, couvrait le récit de vie, de la naissance de Napoléon jusqu’à la fin de son règne, les Cent Jours et les séjours à l’île d’Elbe et sur l’île de Sainte-Hélène compris. Il donnait ainsi, dans ce premier ouvrage sur Napoléon, toutes les informations dont on pouvait disposer en 1817-1818, la bataille de Waterloo mise à part qui fera l’objet d’un traitement romanesque particulier dans La Chartreuse de Parme. Le récit des Mémoires sur Napoléon est donc, à proprement parler, intermédiaire, situé entre Mémoires et histoire. Des Mémoires, il possède une grande proximité avec la période narrée, l’effective participation du narrateur sinon au premier cercle des intimes de Bonaparte puis de Napoléon, du moins aux rouages de son administration et à ses plus grandes campagnes militaires. De l’Histoire, il retient l’ambition d’une certaine objectivité et d’une reconstruction des événements à partir de documents insérés dans le cours de la narration : plus distant et plus synthétique que des Mémoires traditionnels qui saisissent l’événement tel qu’il a été vécu directement, tendant donc vers le « temps de l’histoire », mais encore trop proche des circonstances et des passions qui leur sont attachées, pour être vraiment un récit historique.
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6 Philippe Forest, Le Siècle des nuages, Paris, Gallimard, 2010, p. 189.
7En attendant que l’institution historiographique ne vienne donner un récit officiel des événements, une « image trop sensée du monde »6, l’écriture propose de saisir l’incertitude vivante et vibrante du présent. Le voisinage avec le « grand homme » est gage de vérité et Stendhal mesure l’urgence à établir une bonne version des faits pour contribuer au « temps de l’Histoire » tel qu’il se figera dans la mémoire des hommes. Avant qu’il ne soit trop tard, avant que les témoins ne disparaissent, il convient de préparer la conservation du temps vécu, la mémoire individuelle étant au service de la future mémoire collective. C’est donc d’un véritable devoir de mémoire que le narrateur, témoin privilégié, se sent investi au seuil du texte :
J’espérais que quelqu’un de ceux qui ont vu Napoléon se chargerait de raconter sa vie. J’ai attendu pendant vingt ans. Mais enfin, voyant que ce grand homme reste de plus en plus inconnu, je n’ai pas voulu mourir sans dire l’opinion qu’avaient eue de lui quelques-uns de ses compagnons d’armes […]. (MN, 257)
8Le paratexte des différentes préfaces et le premier chapitre des Mémoires sur Napoléon réfléchissent méthodologiquement à la place du sujet - à la « place du nominatif » comme l’écrit Stendhal dans une note marginale du 1er avril 1837 (MN, p. 708). Qu’importe finalement qu’il ait été intime ou pas de Napoléon et à quel degré, ce qui compte, c’est le présupposé participatif qui est méthodologique et épistémologique. Stendhal parle de lui pour servir l’histoire et le moi est là comme principe légitimant pour donner des garanties au lecteur :
La préface d’un livre historique en est une partie nécessaire ; elle répond à cette question : Quel est cet homme qui vient me faire des récits ? C’est pour répondre à cette question que je me permets les détails suivants :
Je vis pour la première fois le général Bonaparte deux jours après son passage du mont Saint-Bernard ; c’était au fort de Bard (mai 1800) [...]. Huit ou dix jours après la bataille de Marengo, je fus admis dans sa loge à la Scala* [...]. J’étais à l’entrée de Napoléon à Berlin en 1806, en Silésie en 1813. J’ai eu l’occasion de voir Napoléon à toutes ces époques et je puis me moquer, en sûreté de conscience, de bien des mensonges. (MN, 255)
9Et Mérimée lui fait une bien mauvaise querelle qui lui écrit, après avoir lu clandestinement le brouillon des Mémoires, en avril 1837 :
Il y a dans cette préface un manque complet de méthode. […] Pourquoi parler d’abord de l’avantage d’avoir connu Napoléon lorsque vous dites quelques pages plus bas que cette connaissance se réduit à l’avoir vu quatre fois, que, de ces quatre fois, il ne vous parla que trois fois, et de ces trois fois une fois pour dire des bêtises ? (MN, 699).
10En effet, ce n’est pas la situation référentielle qui importe dans un tel projet mais la position de vérité, de crédibilité du narrateur à travers le pacte de confiance qu’il établit avec son lecteur.
11Le moment de l’énonciation, très nettement figuré et souvent daté, s’inscrit donc dans sa proximité avec l’événement et dit le privilège de l’expérience personnelle sur l’histoire « véritable ». Ce n’est donc qu’apparemment que la position toute subjective et individuelle de l’auteur de Mémoires entre en conflit avec la quête d’objectivité de l’histoire. En effet, ce que le mémorialiste perd en objectivité, il le gagne en authenticité et la vérité indécise qu’il produit, faite de la surface plate des poussières de l’expérience, est plus fiable que celle, implacable et décalée, des historiens. La position de témoin oculaire que Stendhal ne se lasse pas de rappeler au début de son texte est un outil méthodologique destiné à éloigner le risque de fiction, de mensonge ou de mauvaise foi que même - et peut-être surtout - les plus proches compagnons de Napoléon encourent. Lui, se situe à bonne distance, critique quand il le faut, admiratif la plupart du temps, afin de produire un récit impartial :
L’écrivain qui a vu l’entrée de Napoléon à Berlin le 27 octobre 1806, qui l’a vu à Wagram, qui l’a vu marchant un bâton à la main, dans la retraite de Russie, qui l’a vu au Conseil d’État, s’il a le courage de dire la vérité sur tout, même contre son héros, a donc quelque avantage. (MN, 251)
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7 « La gloire qu’il a acquise sous celui [le nom] de Bonaparte me semble bien...
12Mais, pour garantir cette vérité, il faut qu’il y ait accord entre le sujet racontant et l’objet raconté. Stendhal privilégie l’époque des campagnes d’Italie parce qu’elle représente la période « la plus pure »7 de la carrière de Napoléon : elle vaut exemplairement et résume à elle seule la vérité de Napoléon, c’est-à-dire le moment où il incarnait encore l’énergie révolutionnaire et les vertus républicaines :
J’ai cru devoir donner beaucoup de développements à la campagne d’Italie de 1796 et 1797. C’était le début de Napoléon. Suivant moi, elle fait mieux connaître qu’aucune autre et son génie militaire et son caractère. Si l’on veut considérer l’exiguïté des moyens, la magnifique défense de l’Autriche, et la défiance de soi-même qu’a toujours l’homme qui débute, quelque grand qu’on veuille le supposer, on trouvera que c’est peut-être la plus belle campagne de Napoléon. (MN, 252-253)
13Or, en 1796-1797, le narrateur n’était pas en Italie - il n’a rejoint l’armée d’Italie qu’en 1800 - mais son expérience ultérieure dans ce pays et ailleurs, dans d’autres campagnes, celles d’Allemagne ou de Russie, sous le commandement du même homme, l’autorise à en parler ; il compense son absence physique par une connaissance décalée du terrain mais objectivement valide :
J’ai eu l’occasion d’étudier sur les lieux la campagne d’Italie ; le régiment dans lequel je servais en 1800 s’était arrêté à Cherasco, Lodi, Crema, Castiglione, Goïto, Padoue, Vicence, etc. J’ai visité avec tout l’enthousiasme d’un jeune homme, et seulement après la campagne de 1796, presque tous les champs de bataille de Napoléon ; je les parcourais avec les soldats qui avaient combattu sous ses ordres et des jeunes gens du pays enthousiastes de sa gloire. (MN, 253)
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8 « Je logeais par billet de logement, chez les plus chauds patriotes ; par e...
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9 « Il fut notre seule religion » (MN, 258).
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10 Extrait de la missive de Bonaparte au Directoire exécutif, le 20 Vendémiai...
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11 À preuve, ces quelques phrases de la main de Stendhal en marge d’un exempl...
14Il y était « presque » : et dans ce presque résonnent tous les récits des soldats de Bonaparte recueillis plus tard, mais sur les lieux mêmes de l’action8. L’imagination supplée au reste : le mémorialiste connaît le cadre des opérations, il connaît les faits dont il parle pour en avoir lu et entendu de nombreux récits et son écriture se présente comme la synthèse d’une expérience réelle et d’un savoir différé. Ce qui compte, c’est que cette période emporte l’enthousiasme du narrateur, qu’il l’écrive avec passion : « Enfin, en 1797, écrit-il, on pouvait aimer [Napoléon] avec passion et sans restriction ; il n’avait point encore volé la liberté à son pays ; rien d’aussi grand n’avait paru depuis des siècles » (MN, 253)9 ; pleinement convaincu de la nécessité historique de son héros, il se sent avec lui en empathie totale : la participation défaillante se compense par une adhésion sans failles. Affectivement et intellectuellement, postures indissociables chez Stendhal, cette figure du jeune général en chef commandant glorieusement l’armée d’Italie est élue entre toutes. En effet, dans les Mémoires sur Napoléon, Stendhal présente la campagne d’Italie non pas comme une guerre de conquête (contrairement à ce que le Directoire voulait qu’elle fût) mais comme une guerre politique destinée à propager les idées révolutionnaires. « Je n’oublie rien » fait savoir Bonaparte au Directoire exécutif, « de ce qui peut donner de l’énergie à cette immense population, et tourner les esprits en notre faveur » (MN, 461)10 ; et aux Milanais, au lendemain de la bataille de Castiglione, il annonce : « Chaque jour votre peuple se rend davantage digne de la liberté. Il acquiert chaque jour de l’énergie […] Recevez le témoignage de ma satisfaction et du vœu sincère que fait le peuple français pour vous voir libres et heureux » (MN, 349). C’est ainsi en tout cas que Stendhal le présente : fidèle aux idéaux révolutionnaires alors qu’à l’intérieur, en France, tout se délite dans la corruption. Au delà de cette période exceptionnelle, présentée comme un miracle de l’histoire, le récit s’interrompt à la Chute de Venise, en 1797. Une délimitation s’impose d’elle-même dans le cours du travail : conforme à ses admirations, Stendhal élit comme héros de l’histoire Bonaparte et non Napoléon, définissant ainsi un moment propice et exclusif de l’histoire11. Et malgré une esquisse intitulée « Expédition d’Égypte », l’écriture ne peut se poursuivre lorsqu’il excède ces limites, limites chronologiques parce que limites affectives autant qu’idéologiques. Les Mémoires, qui ne s’engagent, au nom du sujet qui parle, qu’à raconter une relation à l’événement, ne visent aucune écriture globalisante. Sans une fusion complète du narrateur avec le contenu de son récit, celui-ci ne peut que s’épuiser et mourir dans son inachèvement :
12 « Ici donc finissent les temps héroïques de Napoléon. Je me rappelle fort ...
À l’occupation de Venise en mai 1797, finit la partie poétique et parfaitement noble de la vie de Napoléon. Désormais, pour sa conservation personnelle, il dut se résigner à des mesures et à des démarches, sans doute fort légitimes, mais qui ne peuvent plus être l’objet d’un enthousiasme passionné. Ces mesures reflètent, en partie, la bassesse du Directoire. (MN, 571)12
15Stendhal ne peut écrire que d’enthousiasme, l’enthousiasme valant sincérité et la sincérité ici étant vérité ; la passion est paradoxalement la garantie d’un discours vrai, une manière d’adhérer sans arrière-pensée, de se donner à l’homme et à son récit dans un même élan : « Ce moment est le plus beau de l’histoire moderne » (MN, 284).
16En Italie, Bonaparte était l’homme de la situation, réalisant la conjonction idéale entre un temps, un lieu et un tempérament. Là fut sa vérité qui est admirable, vérité qui contamine nécessairement le récit. L’impartialité n’est donc pas neutralité mais concordance entre les événements et les convictions du narrateur.
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13 Folio 1, tome II note a :
« A Messieurs de la police.
Messieurs, on ne parl...
17Le point de vue hagiographique se double donc d’un point de vue politique : Napoléon est encore plus admirable quand on le compare aux régimes qui lui ont succédé. La comparaison vaut raison, elle vaut aussi prise de position politique : « Mon but est de faire connaître cet homme extraordinaire que j’aimais de son vivant, que j’estime maintenant de tout le mépris que m’inspire ce qui est venu après lui » (MN, 249). Les éléments que Stendhal choisit pour restituer la geste napoléonienne vont dans le sens de cette affection admirative et ils sont en continuité idéologique avec l’engagement voilé annoncé à la fin du « second projet de préface de 1837 » (engagement voilé parce que Stendhal écrit toujours sous la menace de la censure13, qu’il cache ses opinions et qu’on doit souvent les comprendre à mi-mot : on peut lire par exemple sur le manuscrit, à plusieurs reprises, au crayon, barrant la page, des auto-exhortations telles que : « Prudence ») :
Quant à moi, je désire le maintien pur et simple de ce qui est. Mais ma religion politique ne m’empêchera pas de comprendre celle de Danton, de Sieyès, de Mirabeau et de Napoléon, véritables fondateurs de la France actuelle, grands hommes sans lesquels la France de 1837 ne serait pas ce qu’elle est. (MN, 256)
18En écrivant ces Mémoires, l’auteur a conscience de donner sa dernière chance de vérité à l’histoire de la fin de la révolution. En effet, le mythe de Napoléon est en train de se construire et figera pour la postérité la figure du grand homme. Certains écrivains voient dans la construction de ce mythe une opportunité pour se faire valoir : peu leur importe la vérité, ils n’ont rien à défendre sinon une aubaine qui peut leur rapporter argent et gloire faciles grâce à cette écriture à la mode que sont les Mémoires. Les années 1836-37 sont vécues par Stendhal comme crise de la vérité :
L’art de mentir a fait de rudes progrès depuis quelques années. […] Avant 1810, quand un écrivain mentait, c’était par l’effet d’une passion qui se trahissait d’elle-même et qu’il était facile d’apercevoir. Depuis 1812, et surtout depuis 1830, l’on ment de sang-froid pour arriver à une place. (MN, 251)
19Mais, pour atteindre à la vérité, véritable obsession qui parcourt le texte, le seul récit personnel, même s’il est passionné, ne suffit pas. Il faut qu’il soit informé, nourri d’autres témoignages. Le premier niveau de vérité des souvenirs est donc renforcé par des matériaux allogènes. Comment alors concilier l’utilisation du document et l’écriture au présent ? La méthode stendhalienne est en cela originale. Par une scénographie reposant sur le principe de la variation et de la variété, elle fait alterner deux types d’écriture : un récit liant les sources composites et un récit où le document parle de lui-même.
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14 Voir Catherine Mariette, « La notion de « récit raisonnable » dans les Mém...
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15 « Le rédacteur des Mémoires attribués à Bourrienne et rédigés sur quelques...
20Stendhal distingue en effet deux types d’utilisation des sources : celle qui consiste à prendre des faits dans les ouvrages des mémorialistes et des historiens récents et à les fondre en un récit homogène qu’il appelle le « récit raisonnable »14, et celle qui restitue à l’état brut la parole même de Napoléon. Pour le « récit raisonnable », le narrateur puise dans l’Histoire de la Révolution de Thiers (volumes 8 et 9), dans la Vie politique et militaire de Napoléon de Jomini, mais aussi dans les Mémoires de Gouvion Saint-Cyr et ceux du comte Lavalette, de Bertrand de Molleville, de Bourrienne15, de Rovigo et de Fauche-Borel :
Pour moi, je prends dans quatre ou cinq auteurs différents, quatre ou cinq petits faits ; au lieu de les résumer par une phrase générale, dans laquelle je pourrais glisser des nuances mensongères, je raconte ces petits faits, en employant, autant que possible, les paroles mêmes des auteurs originaux. (MN, 251)
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16 Xavier Bourdenet a très bien analysé ce phénomène d’« histoire polyphoniqu...
21Le moyen d’atteindre à cette vérité, c’est la compilation16. Le caractère unique de l’événement historique se voit ainsi objectivé, dédoublé, difracté en plusieurs points de vue qui viennent se réunir en un seul récit, celui du narrateur ; c’est là que vient se former une proto-histoire, première étape d’un travail historique à venir. Mais la seconde voix, celle de Napoléon, vient donner du relief au récit. Elle se manifeste par de larges citations des Mémoires de Napoléon, écrits par Montholon et Gourgaud, dictés par l’Empereur, du Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases et des Œuvres de Napoléon Bonaparte parues en quatre volumes in 8° en 1821 (à partir desquelles Stendhal copie des lettres de Napoléon au Directoire évoquant la situation de l’armée d’Italie et demandant des troupes et de l’argent). On a ainsi un récit général des événements, assorti parfois d’un commentaire du narrateur, et des tableaux de bataille reproduisant les propos de l’Empereur, en prise directe sur l’événement. Dans le premier projet de préface de 1836, Stendhal explique ce dispositif :
17 « Comment se priver volontairement de récits si passionnés et faits par l’...
Pour les faits de guerre, je copierai souvent Napoléon ; c’est un moyen de le faire connaître.
D’ailleurs le même homme qui a fait a raconté. Quel bonheur pour la curiosité des siècles à venir !
Qui oserait après Napoléon faire le récit de la bataille d’Arcole ?
Toutefois, tout occupé de son récit il était plein de son sujet, et supposant, comme les gens passionnés, que tout le monde devait le comprendre à demi-mot, quelquefois il est obscur. Alors on a placé, avant l’admirable récit de Napoléon, les éclaircissements nécessaires. L’auteur les a trouvés dans ses souvenirs. (MN, 249)17
22Le récit n’évite donc pas la redondance : il la recherche même. On peut ainsi avoir jusqu’à trois versions du même récit de bataille ; celle de Rivoli par exemple se décline sous trois modes différents : le récit raisonnable, une copie de Jomini et une autre copie presque textuelle du Mémorial de Sainte-Hélène qui raconte les minutes stratégiques de la bataille jusque dans ses plus infimes détails. Au lieu de lasser, cette accumulation permet la compréhension de l’intrigue par vagues successives et creuse l’événement par une structure à la fois linéaire et cyclique. Sur une note marginale du manuscrit, on peut lire :
Le tome second relié doit commencer par :
1° Récit raisonnable de la marche de flanc sur Plaisance. Passage du Pô, Fombio et Lodi.
2° Récit des mêmes choses par Napoléon. (MN, 715, note b)
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18 Jacques Le Goff parle, pour le XIXe siècle, de la spécificité d’un « disco...
23Le lecteur avance ainsi, en raccommodant les points de vue successifs et la recollection de toutes ces voix, de tous ces témoignages, donne des éclairages divers sur l’événement sans qu’aucune causalité n’apparaisse formellement. La parataxe, la succession, la juxtaposition tiennent lieu de confrontation et montrent un temps vertigineux encore ouvert aux interrogations multiples. Si Stendhal choisit la narration commentée plutôt que l’explication18, c’est que le travail d’interprétation esquissé par le récit raisonnable reste à accomplir par le lecteur et par l’historien.
24Dans une note marginale de 1837, Stendhal décrit son travail comme une enquête qui, de recoupements en confirmations, cerne la vérité de l’information :
Le public n’a accordé aucune confiance aux publications de M. Fauche-Borel et Bourrienne, de ce dernier surtout. Quand je cite un fait publié par ces écrivains, c’est que je l’ai trouvé dans des Mémoires manuscrits ou qu’il m’a été confirmé par des personnes qui se trouvaient auprès du général Bonaparte de 1797 à 1802. 11 février 1837. (MN, 732)
25En répartissant la parole entre les acteurs et les commentateurs de l’histoire, en sélectionnant les matériaux, Stendhal donne à la vérité une chance de se manifester. Mais cet assemblage s’accompagne d’une véritable réflexion sur l’écriture de l’histoire. Dans la préface, s’élabore le mythe d’une écriture claire, sobre, qui émanerait directement du réel et débusquerait la vérité derrière la rhétorique emphatique, la copia :
Un homme a eu l’occasion d’entrevoir Napoléon à Saint-Cloud, à Marengo, à Moscou ; maintenant il écrit sa vie, sans nulle prétention au beau style. Cet homme déteste l’emphase, cousine germaine de l’hypocrisie, le vice à la mode au XIXe siècle. (MN, 249)
26Étant donné que chaque fait est présenté à travers une subjectivité et que chacun peut être suspecté de partialité, ou d’obscurité, l’auteur prend ce qu’il y a de meilleur dans chacune des sources qu’il consulte et la somme de ces éléments est égale à la vérité. Il existe bien une morale de l’écriture, qui passe par la sobriété : le beau style, selon Stendhal, serait suspect de mensonge, la littérarité susceptible de fausser l’exposé factuel. Stendhal, dans ses notes préparatoires aux Mémoires sur Napoléon, « traduit » Thiers avant de l’incorporer à son texte :
19 Mémoires sur Napoléon, Victor Del Litto et Ernest Abravanel dir., « Cercle...
Copier pour les joindre au manuscrit de la première campagne ; ensuite purger la blague de mauvais ton, le coloris de 1/3 [Thiers]. […] p. 237, 238 : Au lieu de « deux généraux célèbres », mettre : Jourdan et Moreau […] ; p. 238, 239 : Par des combats sérieux, au lieu de la blague : » de géants ». […] p. 240, 41, 42, 43 : Quel style ! « Le long du littoral » pour éviter le long de la mer trop vulgaire pour les épiciers partridges […] Ôter « désespoir » ; toutefois ces mots reposent les sots, mais diminuent la sympathie des âmes élevées.19
27Paradoxalement, l’écriture historique, telle qu’elle se présente encore au XIXe siècle, fait obstacle à la lecture des faits. Pour garantir la coïncidence entre le fait et l’écriture, aucune rhétorique visible ne doit faire écran entre la réalité et son compte rendu. L’écriture historiographique stendhalienne se voudrait factuelle, absorption directe du réel, sans qu’aucun effet d’esthétisation ne vienne obscurcir cet idéal de transparence :
L’art de mentir fleurit surtout à l’aide du beau style académique et des périphrases commandées, dit-on, par l’élégance. […] Il me semble que j’aurai toujours le courage de choisir le mot inélégant, lorsqu’il donnera une nuance d’idée de plus. (MN, 252)
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20 Stendhal, Lettres de Paris, par le petit-neveu de Grimm, in Paris-Londres,...
28La crise de la vérité est donc contemporaine d’une crise du langage : « La Révolution entre dans la littérature »20 et « les vieilles recettes pour créer des beautés littéraires qui plaisent ne font plus l’affaire » écrit Stendhal en 1825 :
21 Ibid., p. 246.
D’ici à la fin des deux ou trois années à venir, toutes les vielles niaiseries littéraires vont périr dans une Saint-Barthélémy générale. La Révolution est sur le point de produire son effet sur la littérature.21
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22 Ibid. On doit au général de Ségur l’Histoire de Napoléon et de la grande a...
29Et il montre que les « hommes de talent » qui vont renouveler l’écriture de l’histoire ne sont plus des « hommes de lettres » mais des hommes que leur situation militaire ou politique a contraints à écrire. La nécessité de témoigner, et les changements politiques qui leur laisse le loisir de le faire, ont permis au général de Ségur, à M. Daru, à M. de Barante, préfet sous Napoléon, ou à M. Fain, secrétaire du cabinet de l’Empereur, sinon de révéler l’immédiate actualité, du moins d’écrire l’histoire en fonction de leurs repères personnels et non plus selon les « idées qui convenaient fort bien à la société telle qu’elle était en 1786 »22.
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23 « J’observe à nouveau que la vérité tout entière sur Bonaparte ne peut guè...
30Déjà, dans les années 1817-1818, Stendhal s’était essayé à l’écriture d’une Vie de Napoléon, impossible récit, prématuré - puisqu’il s’écrit alors que Napoléon dépérit sur les rochers désolés de Sainte-Hélène - et provisoire, le biographe ne pouvant encore disposer de sources mémorielles suffisantes pour établir « la vérité tout entière sur Bonaparte »23 :
24 Ibid., p. 73.
Chaque année qui va suivre va fournir de nouvelles lumières. Des personnages célèbres mourront ; on publiera leurs mémoires. Ce qui suit est l’extrait de ce qu’on sait le 1er février 1818. D’ici à cinquante ans, il faudra refaire l’histoire de Napoléon tous les ans, à mesure que paraîtront les mémoires de Fouché, Lucien, Réal, Regnault, Caulaincourt, Sieyès, Le Brun, etc., etc.24
31Dans les années 1836-1837, les écrits dont le biographe espérait la publication ont vu le jour et celui-ci dispose d’un matériau dont il se sert pour construire les Mémoires sur Napoléon. Pour Stendhal, le sens du mot « Mémoires » dans le titre dit l’accueil provisoire de faits, proches de leur moment d’émergence, avant que les historiens ne s’en emparent de manière définitive : c’est pour cela que le mémorialiste fait entendre plusieurs voix. La polyphonie garantit, par la multiplicité de ses facettes, la vérité. Le texte est alors une chambre d’échos qui fond dans un « je » unique le bruissement de toutes les voix contemporaines. Paul Ricœur, lorsqu’il dénonce l’illusion de la parfaite objectivité historique, reprend cette pensée d’une histoire essentiellement subjective :
25 Paul Ricœur, « Histoire de la philosophie et historicité », L’Histoire et ...
La méthode historique ne peut être qu’une méthode inexacte… L’Histoire veut être objective, et elle ne peut pas l’être. Elle veut faire revivre et elle ne peut que reconstruire. Elle veut rendre les choses contemporaines, mais en même temps, il lui faut restituer la distance et la profondeur de l’éloignement historique25.
32C’est cette tension, cet effort aigu de restitution que me semblent réaliser les Mémoires sur Napoléon. Une telle entreprise est originale dans le contexte de la nouvelle écriture de l’histoire telle qu’elle s’est mise en œuvre depuis la Restauration. Cherchant à s’en justifier, à l’expliquer, et même à se l’expliquer, Stendhal définit une méthode : la compilation comme épistémologie donne une nouvelle architecture aux mémoires, afin de dénouer la crise de vérité qui menace.
Notes
1 Vie de Henry Brulard, Œuvres intimes, Victor Del Litto éd., Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1982, t. II, p. 931 (que nous noterons désormais OI, II, suivi du n° de la page).
2 OI, II, p. 537. Pour une recension plus complète des lectures mémorialistes de Stendhal, voir Brigitte Diaz, « Mémoires du monde, mémoires de soi. Stendhal lecteur de mémoires », L’Année Stendhal, n° 3, Paris, Klincksieck, 1999, pp. 139-156.
3 Les références sont à l’édition des Mémoires sur Napoléon que j’ai proposée en 1998 aux éditions Stock sous le titre Napoléon (qui contient également Vie de Napoléon). On les désignera ainsi : MN, suivi du n° de la page.
4 Il s’agit de Pierre Daru, cousin de sa famille, qui l’introduit dans l’administration napoléonienne.
5 Damien Zanone, Écrire son temps. Les Mémoires en France de 1815 à 1848, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2006, p. 158.
6 Philippe Forest, Le Siècle des nuages, Paris, Gallimard, 2010, p. 189.
7 « La gloire qu’il a acquise sous celui [le nom] de Bonaparte me semble bien plus pure » (MN, 256).
8 « Je logeais par billet de logement, chez les plus chauds patriotes ; par exemple, chez un chanoine de Reggio, qui m’apprit toute l’histoire contemporaine du pays. Je supplie donc le lecteur de ne pas s’effrayer du nombre de pages occupé par la campagne d’Italie ; j’ai vu celles d’Allemagne et de Moscou, mais j’en parlerai en moins de mots. » (MN, 253). Le récit est donc proportionnel à l’admiration que le mémorialiste porte à son héros.
9 « Il fut notre seule religion » (MN, 258).
10 Extrait de la missive de Bonaparte au Directoire exécutif, le 20 Vendémiaire an V (11 octobre 1796) inséré dans les MN (461), cité par Hélène Spengler Imaginaire et écriture de l’énergie dans l’œuvre de Stendhal : « La Révolution entre dans la littérature », thèse soutenue à l’Université Stendhal, Grenoble, octobre 2006, p. 197. Pour une approche très détaillée de ce moment d’énergie exemplaire aux yeux de Stendhal, voir tout spécialement le chapitre 4 de cette thèse : « Grandeur et décadence d’un virtuoso : Napoléon Bonaparte ou les « flux et reflux d’énergie ».
11 À preuve, ces quelques phrases de la main de Stendhal en marge d’un exemplaire annoté des Mémoires d’un Touriste ayant appartenu au comte Primoli :
12 « Ici donc finissent les temps héroïques de Napoléon. Je me rappelle fort bien l’enthousiasme dont sa jeune gloire remplissait toutes les âmes généreuses. Nos idées de liberté n’étaient pas éclairées par une expérience des filouteries récentes comme aujourd’hui. » (MN, 618).
13 Folio 1, tome II note a :
« A Messieurs de la police.
Messieurs, on ne parle ici que des choses arrivées avant la mort de Napoléon, mai 1821. Rien, absolument, n’est relatif à ce qui s’est passé depuis 1830 [ …]. » (MN, 716).
14 Voir Catherine Mariette, « La notion de « récit raisonnable » dans les Mémoires sur la vie de Napoléon de Stendhal », Année Stendhal, n° 2, Paris, Klincksieck, 1998.
15 « Le rédacteur des Mémoires attribués à Bourrienne et rédigés sur quelques notes, a menti autant qu’il a pu » (MN, 327).
16 Xavier Bourdenet a très bien analysé ce phénomène d’« histoire polyphonique » dans les biographies de Stendhal, au chapitre 2 de sa thèse, « Ô dix-neuvième siècle ! » Historicité du roman stendhalien : Armance, Le Rouge et le Noir, Lucien Leuwen, soutenue à l’Université de Franche-Comté, le 24 juin 2004, Pierre Laforgue dir., (volume 1, p. 148-152).
17 « Comment se priver volontairement de récits si passionnés et faits par l’homme qui a agi ? » (MN, 254).
18 Jacques Le Goff parle, pour le XIXe siècle, de la spécificité d’un « discours narratif en prose avec effet d’explication », Histoire et mémoire, [1977], Paris, Gallimard, « Folio », 1988, p. 203.
19 Mémoires sur Napoléon, Victor Del Litto et Ernest Abravanel dir., « Cercle du bibliophile », Genève, 1970, p. 317-318.
20 Stendhal, Lettres de Paris, par le petit-neveu de Grimm, in Paris-Londres, Renée Dénier éd., Paris, Stock, 1997, p. 245.
21 Ibid., p. 246.
22 Ibid. On doit au général de Ségur l’Histoire de Napoléon et de la grande armée pendant l’année 1812 (1824), à M. Daru l’Histoire de Venise (1819), à M. de Barante l’Histoire des ducs de Bourgogne (1824-1826) et au baron Fain deux fragments historiques Manuscrits de 1814 et Manuscrits de 1813 (1823-1825).
23 « J’observe à nouveau que la vérité tout entière sur Bonaparte ne peut guère être connue que dans cent ans. » Vie de Napoléon in Napoléon, op.cit., p. 13.
24 Ibid., p. 73.
25 Paul Ricœur, « Histoire de la philosophie et historicité », L’Histoire et ses interprétations. Entretiens autour d’Arnold Toynbee, Raymond Aron dir., Mouton, Paris-La Haye, 1961, p. 226.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Catherine Mariette
Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – Charnières