La Réserve : Livraison du 17 novembre 2015
Qu’est-ce qu’un roman pour femmes de chambre ?
Initialement paru dans : La Littérature en bas-bleus. Romancières sous la Restauration et la Monarchie de Juillet. Textes réunis par Andrea Del Lungo et Brigitte Louichon, actes du colloque international de Toulouse (mars 2009), Paris, Garnier, 2010, p. 83-102
Texte intégral
À Catherine Coeuré
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1 Voir le livre pionnier de Béatrice Didier, L’écriture-femme, Paris, PUF, co...
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2 V. Joëlle Gleize, « Lectures romanesques », Romantisme n°47, Le Livre et se...
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3 Françoise Parent-Lardeur, Lire à Paris au temps de Balzac. Les cabinets de ...
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4 Roland Chollet, « Le commerce de la lecture à Paris sous la Restauration (A...
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5 Au Chapitre I du Cocu de Paul de Kock, intitulé « Un cabinet de lecture », ...
1On s’intéresse depuis longtemps maintenant à l’écriture femme1, à la femme-auteur, c’est-à-dire au versant créatif de la littérature féminine. Le regard sur la femme-lecteur ou, puisque le mot existe, sur la lectrice, est plus rare et moins documenté, particulièrement dans le champ de la littérature du passé où les archives concernant le lectorat féminin sont assez incertaines. Pendant la Restauration et le début de la Monarchie de Juillet, environ jusqu’en 1836, les cabinets de lecture connaissent un immense succès2 et permettent à toute une nouvelle couche de la population de pratiquer la lecture. Malheureusement, comme le déplore Françoise Parent-Lardeur dans son étude sur les cabinets de lecture à Paris entre 1815 et 1830, « les registres de prêt […] autorisant à situer socialement et culturellement la clientèle »3 n’ont pas été conservés. Seuls demeurent pour cette période les catalogues des livres les plus en vogue et les plus demandés ainsi que les documents destinés à régler les pratiques et les abonnements. Mais ces listes de best-sellers que publient les directeurs de cabinets de lecture sont elles-mêmes peu fiables étant donné que les auteurs « les plus en faveur », selon l’expression de ces commerçants du livre, « ne sont que les romanciers les plus nombreux sur les rayons poussiéreux du cabinet de lecture, ceux qu’on a payés le moins cher »4 : logique économique oblige5. Rien donc de bien précis de ce côté-là.
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6 L’expression est de Walter Benjamin dans Le Flâneur.
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7 Richard Sieburth, « Une idéologie du lisible : le phénomène des Physiologie...
2Où trouver alors des indices concernant la lecture féminine ? dans les textes de l’époque, que ce soient des fictions ou des discours critiques, ou bien encore dans la « littérature panoramique »6 comme les Physiologies ou Les Français peints par eux-mêmes (Paris, Léon Curmer, 1841-1850, 8 vol.), « premiers exemples d’ethnologie urbaine »7.
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8 Il existe, dans de nombreux romans de Sand, une critique du « romanesque » ...
3A travers l’étude de ces documents, je vais tenter d’analyser ces pratiques féminines de la lecture, notamment à travers l’expression, « roman pour femmes de chambre », employée de manière dépréciative sous la plume de nombreux romanciers des années 1830, comme Stendhal, Balzac ou George Sand.8
4Dans son « Projet d’article sur Le Rouge et le Noir » adressé en 1832 au comte Salvagnoli, Stendhal nous conforte dans l’idée bien répandue que la majorité des lecteurs de romans sont des lectrices :
9 « Projet d’article sur Le Rouge et le Noir », Œuvres romanesques complètes,...
La grande occupation des femmes de province en France, c’est de lire des romans. […]
Les hommes ont pris le goût de la chasse et de l’agriculture, et leurs pauvres moitiés ne pouvant faire des romans se consolent en les lisant.
De là l’immense consommation de romans qui a lieu en France. Il n’est guère de femme de province qui ne lise cinq ou six volumes par mois, beaucoup en lisent quinze ou vingt, aussi l’on ne trouve pas de petite ville qui n’ait deux ou trois cabinets de lecture.9
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10 Pigoreau, Petite bibliographie biographico-romancière, Paris, Pigoreau, 18...
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11 V. tout particulièrement Philarète Chasles, « Statistique littéraire et in...
5Le regard que porte ici Stendhal est celui d’un sociologue critique qui observe les profondes mutations de la société française après 1789. La première motivation des lectrices de romans est de remédier à « l’ennui » ; c’est donc le désoeuvrement des femmes qui engendre la « consommation de romans » ; en raccourci, le profond changement des relations entre les hommes et les femmes après 1789 contribue à l’augmentation vertigineuse de la « littérature industrielle » ! Les recensions de la Petite bibliographie biographico-romancière de Pigoreau10, ainsi que de nombreux ouvrages de statistique parus à la fin des années 182011, confirment cet essor de la littérature romanesque.
6Et Stendhal poursuit son analyse en distinguant deux modes de lecture concurrents :
12 Ibid., p. 824.
Toutes les femmes de France lisent des romans, mais toutes n’ont pas le même degré d’éducation, de là, la distinction qui s’est établie entre les romans pour les femmes de chambres (je demande pardon de la crudité de ce mot inventé, je crois, par les libraires) et le roman des salons.
Le roman pour les femmes de chambre est en général imprimé sous format in-12 et chez M . Pigoreau. C’est un libraire de Paris qui, avant la crise commerciale de 1831, avait gagné un demi-million à faire pleurer les beaux yeux de province. Car malgré cette appellation méprisante de roman pour les femmes de chambre, le roman de Pigoreau in-12, où le héros est toujours parfait et d’une beauté ravissante, fait au tour et avec de grands yeux à fleur de tête, est beaucoup plus lu en province que le roman in-8° imprimé chez Levavasseur ou Gosselin, et dont l’auteur recherche le mérite littéraire.12
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13 Ibid., p.825.
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14 Ellen Constans, « Stendhal et le public impossible », in Stendhal l'écriva...
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15 Voir Yves Ansel, « Préface », éd. cit., p. 1147.
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16 Jean Hébrard, « Les nouveaux lecteurs », Histoire de l'édition française t...
7Stendhal repère donc les « exigences opposées »13 des romans à succès (le roman in-12 « pour les femmes de chambre ») et du « roman des salons » qui recouvrent un partage entre deux publics14, deux réseaux d’édition et de distribution (qui devait être théorisé plus tard par Pierre Bourdieu dans Les règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Seuil 1992)15. Il donne l’image d’un « savoir lire »16 qui n’est uniforme ni dans l’espace géographique, ni dans l’espace social. La distinction principale Paris/province établit donc une cartographie des modes de lecture relevant d’une sociologie et d’une anthropologie de la lecture sous la Restauration et au début de la Monarchie de Juillet ; elle est révélatrice de comportements et de réactions spécifiques d’un lectorat nouveau face à la lecture. Mais l’expression « roman pour femmes de chambre » - inventée aux dires de Stendhal « par les libraires » - reste énigmatique : elle semble désigner en ce début du XIXe siècle une catégorie implicitement si connue qu’elle dispense de préciser qui sont véritablement ces femmes de chambre et à quel roman renvoie l’expression.
8La « femme de chambre » est tout d’abord la destinataire du texte qui façonne en retour la nature du récit :
17 Œuvres romanesques, op.cit., p. 824-825.
Dans les romans de femmes de chambre, peu importe que les événements soient absurdes, calculés à point nommé pour faire briller le héros, en un mot ce qu’on appelle par dérision romanesques.
Les petites bourgeoises de province ne demandent à l’auteur que des scènes extraordinaires qui les mettent toutes en larmes ; peu importent les moyens qui les amènent. Les dames de Paris au contraire […] sont sévères en diable pour les événements extra-ordinaires. Dès qu’un événement a l’air d’être amené à point nommé pour faire briller le héros, elles jettent le livre et l’auteur est ridicule à leurs yeux.17
9Le « romanesque » est chez Stendhal, ici, une valeur péjorative, un critère discriminant, comme chez la plupart des écrivains « sérieux » de la période ; ce qui est condamné alors ce sont les excès du romanesque de convention tel que le pratiquent par exemple le roman populaire ou le mélodrame. Les « grands écrivains » du XIXe siècle, ainsi que la plupart de nos critiques contemporains dénigrent cette littérature, dénoncent son insignifiance. Je voudrais pour ma part analyser cette insignifiance qui a eu tant de succès au XIXe siècle.
10Avec ce syntagme « roman pour femmes de chambre », je me trouvais donc devant une expression vague, ne renvoyant à aucune figure particulière, sinon à un comportement de lecture singulier, à aucun corpus précis, sauf sans doute à un certain type de romans populaires, best-sellers de l’époque.
11A la question « qui lisait quoi ? » se greffent de nombreuses interrogations émanant de divers horizons :
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Une première question d’ordre inévitablement sociologique : quelle catégorie sociale de femmes recouvre ce syntagme ?
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une autre, d’ordre générique : les « romans pour femmes de chambre » sont-ils un sous-genre de la littérature romanesque de l’époque ? et surtout quels sont les auteurs de tels livres ?
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une dernière, d’ordre poétique, que je n’aborderai que très succinctement, parce qu’elle a été paradoxalement étudiée, alors même que le corpus « roman pour femmes de chambre » n’a jamais été défini : quels sont les ingrédients propres à cette littérature ?
Qui sont les « femmes de chambre » ?
12Dans Les Français peints par eux-mêmes, à l’article « La femme de chambre », on peut lire :
18 Les Français peints par eux-mêmes, Paris, Philippart, 1861, tome II : « La...
La femme de chambre !….. Il y a dans ce mot je ne sais quoi d’intime, de mystérieux, qui saisit d’abord l’esprit le plus obtus et ranime la curiosité la mieux endormie. À ce nom seul se révèle tout à coup un monde de faits inédits, de pensées et de sentiments enfouis au fond de l’âme, d’histoires toutes parfumées d’amour, imprégnées de sang, touchantes et bouffonnes. -Othello, Géronte, Scapin, Desdemone et Célimène s’y donnent la main.
[…] elle feuillette quelquefois, à la dérobée, les livres laissés sur le somno, et lit le soir dans sa mansarde, ceux que l’amour lui fait passer en contrebande. Elle confond, dans ses citations littéraires, MM. De Lamartine, et Paul de Kock, MM. De Balzac et Pigault-Lebrun […]. La femme de chambre est éminemment sensible et aimante.18
13On le voit, la femme de chambre renvoie d’emblée à une « écologie » romanesque : son seul nom « révèle » un milieu et favorise une plongée dans les clichés de la fiction en ce qu’ils ont de plus spectaculaires et donc de plus conventionnels : pêle-mêle, le goût pour l’extraordinaire (« faits inédits ») - exactement ce que dénonçait Stendhal -, pour l’amour, le sang, se confondent et se superposent sans distinction. L’absence de hiérarchie caractérise ainsi cet environnement romanesque, destiné avant tout à produire un effet, qu’il soit indifféremment comique ou tragique (les références à Molière côtoient sans distinction celles à Shakespeare). Cet effet est décrit dans une sorte de psychologie de la lectrice « femme de chambre » caractérisée par son âme sensible, par sa sentimentalité et pour laquelle la lecture est moins un savoir qu’une source d’émotion. C’est pour cela qu’elle se délecte de romans d’amour et qu’elle sait aimer, comme les héros des romans qu’elle lit. Ainsi stéréotypée, en temps que femme (elle est sensible, ce qui à l’époque est une marque sexuée), elle l’est aussi en tant que domestique, même si elle occupe une place de choix dans l’ordre des « gens de maison ».
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19 Il existe un certain nombre de variantes dans la manière de désigner ces r...
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20 Œuvres romanesques, op.cit., note a., p. 892.
14Comme la « femme-auteur », la « femme-lectrice-de-romans-pour-femmes-de- chambre » est une construction : l’expression marque la différence sexuelle et sociale et par conséquent la différence psychologique et physiologie. Mais en tant que construction imaginaire, en tant que fantasme, il est évident que cette formule, dans la perspective de sociologie de la lecture qui nous intéresse ici, ne désigne évidemment pas les « femmes de chambre » stricto sensu.19 Stendhal avait bien compris le sens de ce spectre social très large que recouvrait l’expression quand il écrit, dans les marginales d’ Armance : « La principale crainte que j’ai eue en écrivant un roman c’est d’être lu par les femmes de chambre et les marquises qui leur ressemblent »20.
15En effet, pour ces femmes, le luxe du temps libre est nécessaire à l’appropriation de la lecture. Concernant les « marquises », cela va de soi. Mais pour les « femmes de chambre » ou leurs consoeurs, il s’agit de dérober à l’activité quotidienne des moments de loisir pour lire. Fritz Nies analyse de manière très précise le rapport entre lecture et cadence de travail chez certaines domestiques au XIXe siècle :
21 Fritz Nies , « La femme-femme et la lecture […], Romantisme, n°47, op.cit....
Mentionnons, par exemple, les diverses catégories de gens de maison, dont on sait qu’ils avaient, dans les milieux de la grande bourgeoisie, une fonction plutôt décorative et qu’on ne les occupait pas de façon permanente. Il y avait ainsi la bonne et la cuisinière mais surtout, à partir de 1840, la concierge et la fille de concierge faisant figure de liseuses acharnées. […] Elles avaient toutes, même pendant leur journée de travail, des temps d’attente répétés dont elles disposaient pour la lecture.21
16Mais ce temps volé pour la lecture peut aussi apprécié de manière très ambiguë : comme pour les « bas-Bleus », les lectrices jouissent le plus souvent d’une bien mauvaise réputation dans l’imaginaire masculin et la « femme littéraire » est parfois encore plus mal considérée que « la femme de lettres ». Dans Le Prisme, appendice des Français peints par eux-mêmes, F. Guichardet « peint » « les Femmes littéraires » en mettant ainsi en garde ceux qui se risqueraient à les épouser :
22 Le Prisme, Album des Français, Encyclopédie morale du XIX e siècle qui est...
Si aux douceurs du mariage, vous ajoutez encore le bonheur de posséder une femme littéraire, vous serez doublement malheureux […]. La femme littéraire doit être placée un peu plus bas que la femme de lettres, entre un livre de ménage, des bas percés et un volume de Spinoza.22
17Sans doute, dans ces moments soustraits aux activités domestiques, la femme prend-elle le goût et l’habitude d’une lecture assidue. Cette hypothèse, en tout cas, vaut bien celle d’une ontologie de la sensibilité prédisposant les femmes à la lecture romanesque.
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23 Émile Cabanon, Un roman pour les cuisinières, [1834], coll. Romantique, Jo...
18En portant le regard du côté de la lecture, c’est-à-dire non seulement de la réception mais aussi de l’écriture « pour » les femmes, c’est-à-dire du côté du narrataire comme femme, on s’intéresse donc à un public mais aussi à une pratique. Les écrivains en sont conscients quand ils construisent, à l’intérieur du texte, une image de leur lectrice. Ainsi, Emile Cabanon dans son Roman pour les cuisinières, paru en 1834, cède-t-il aux stéréotypes de la lectrice sensible23 :
Maintenant, ô mes lectrices, séchez vos larmes, faites taire un moment votre pitié, vos terreurs et vos émotions de tout genre. – Et prêtez attention à ce qui va suivre.
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24 Les Français peints par eux-mêmes, op. cit, p. 19.
19On s’aperçoit, à lire les documents de l’époque, qu’il est question là plutôt d’un fait de société qui concerne ce que Jean Hébrard a appelé les « nouveaux lecteurs » et qui fait référence au brassage social que la Révolution a permis. La « femme de chambre » est devenue un « type » de lectrice (et parfois de lecteurs) dont le mode de lecture et le choix des lectures l’emportent sur les contours réels de celle qui « appartient exclusivement à la maîtresse de maison »24. Le syntagme « roman pour femmes de chambre » désigne alors un comportement face aux livres et surtout un circuit de lecture qui va du domestique (au sens large) à la marquise. Dans Le Diable à Paris, publié entre 1845 et 1846, on peut lire l’anecdote suivante, révélatrice de ce nouvel « espace littéraire » :
25 « Les veuves du diable » (E. Guinot), Le Diable à Paris, Les Parisiennes à...
[…] M. Palémon ressentit une violente migraine, et, voulant rester chez lui, il envoya chercher au cabinet de lecture un roman nouveau.
C’était un in-octavo crasseux qui avait été feuilleté par des milliers de doigts ; -un de ces livres que les femmes du monde, délicates et distinguées, admettent chez elles après qu’il a passé par la mansarde, l’antichambre, le loge du portier, le corps de garde et autres localités fâcheuses ; -car, à Paris,on n’achète pas de livres, on les loue ; toutes les classes de la société sont inscrites sur le registre du cabinet de lecture, le même volume va de la grisette à la marquise, du laquais à la merveilleuse, et ainsi de suite.25
20La mutualisation des livres induit donc un nouveau partage social de la lecture. Françoise Parent-Lardeur note à ce propos :
26 Françoise Parent-Lardeur , op.cit., p. 135.
Il semblerait que dans tous les quartiers – qu’ils soient riches ou populeux- où ils étaient en place, les domestiques avaient un accès encore plus familier à ces officines et à leurs contenus ; le roman emprunté au cabinet de lecture, sur le chemin du marché, disparaissait dans le vaste panier de la cuisinière avec les provisions, mais le plus souvent pour être lu à l’office avant de monter au salon distraire la maîtresse alanguie sur son sofa. Cette pratique devait être si courante qu’un certan type de romans étaient dénommés « romans pour femmes de chambre ».26
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27 Françoise Parent-Lardeur, op.cit., p.134 qui cite, à la même page, un extr...
21Cette circulation du livre ou plutôt cette circularité de la lecture implique un échange entre les différentes classe sociales qui n’est pas seulement matériel mais qui tient lieu d’éducation. Pour les « femmes de chambre », la visite au cabinet de lecture n’est pas une « course » comme les autres, elle est surtout une occasion d’« être contaminées à [leur] tour par la lecture »27, elle est un moyen d’acculturation.
22Cette fréquentation du cabinet de lecture par des couches plus larges de la population féminine au début du XIXe siècle suppose donc déjà en amont un progrès dans l’éducation des femmes. Que la lecture puisse se faire dans le milieu des domestiques est contemporain de la vague d’alphabétisation post-révolutionnaire mais aussi de la nécessité de déchiffrer les lettres reçues du front pour les femmes restées en France pendant les campagnes napoléoniennes, quel que soit le milieu auquel elles appartiennent. Ce déchiffrement nécessite une éducation minimale. C’est ainsi en tout cas que l’explique Léon Gozlan :
28 Léon Gozlan, « Ce que c’est qu’une Parisienne », sous chapitre : « Progrès...
Sous l’Ancien Régime, il n’y avait pas une parisienne sur cent qui sût écrire ; cela s’explique : les pensionnats, institution impériale, n’existaient pas, et les filles de la noblesse et de la grande bourgeoisie seules allaient au couvent, où elles ne recevaient qu’une éducation barbare. Vint la Révolution. Dès lors chaque famille, chaque foyer, prenant une part personnelle aux affaires publiques, la lecture devint une nécessité, une condition d’existence. Quand chacun fut intéressé à savoir si l’ennemi menaçait Verdun ou Metz, chacun eut besoin de lire, avant de se coucher, les papiers publics. L’Empire et ses effrayantes levées d’hommes propagèrent ce besoin de connaître par la voie de l’impression les crises dévorantes du moment, les incidents de la guerre, les progrès de la conquête. Quelle Parisienne n’eut pas à s’enquérir du sort ou d’un père, ou d’un frère, ou d’un fiancé attaché à l’armée d’Italie ou d’Égypte ? Les bulletins de la grande armée ont plus fait pour l’éducation des Parisiennes que tous les livres où les philosophes et les philanthropes du dix-huitième siècle leur recommandent l’instruction. Napoléon a appris à lire aux Parisiennes. Le professeur leur a coûté cher.28
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29 C’est une pratique qui s’exerçait aussi bien à l’atelier : Constance, pers...
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30 Henry Monnier, Le roman chez la portière, (1830) dans Scènes populaires, é...
23Une nouvelle sociabilité de la lecture se met alors en place dans la société post-révolutionnaire : on s’échange les livres ou bien on se les lit à haute voix et cette occupation commune crée de nouveaux liens. Des rencontres spontanées ou réglées s’organisent qui prolongent le rapport premier du texte au lecteur29. On en a un exemple burlesque dans Le roman chez la portière de Henry Monnier : Mme Desjardins, la concierge, fait à quelques-unes de ses amies la lecture à haute voix d’un des romans les plus populaires de l’époque Coelina ou l’enfant du mystère de Ducray-Duminil, devenu dans sa bouche « Coelina ou l’enfant du ministère »30 :
MADAME DESJARDINS
- Ah v’la Mdame Dutillois ! J’m’en vas continuer la lecture d’hier, comme ayant l’haleine la plus forte. Nous en étions que Rosemonde était restée abandonnée avec sa petite… après avoir eu des reproches à se faire. Attendez…. « Le départ précipité… » C’est pas ça que nous avons lu. « Il était monté sur son palefroid… » Nous avons lu ça que la Lyonnaise a dit que c’était un tabouret. « … Cet enfant allait chaque matin cueillir des fleurs pour orner le front de son père… » Nous avons lu ça… -Eh ben ! qu’est-ce que tu fais donc Dodoffe ! tu touches encore la chandelle ; toujours tes mains dans le suif ! c’est joliment toi qui irait cueillir des fleurs pour orner le front à ton papa… - ha ! voilà, voilà ! « Malheureuse mère, dit-» elle, tu es l’assassin de ta propre enfant, pour les sentiments que tu lui as… » V’la un mot que je ne peux pas lire. « I, n, in ; c, u, l… »
LA LYONNAISE
Ça s’entend.
MADAME DESJARDINS
Ça n’a pas le sens commun votre interprétation la Lyonnaise. Que tu lui as…
LA LYONNAISE
Finissez.
MADAME DESJARDINS, épelant
Q, u, é, s, qués.
LA LYONNAISE
Inculquès ! C’est un Espagnol. Nous n’avions pas encore vu celui-là.
31 Ibid., p. 56-57.
MADAME DESJARDINS
N’y a pas plus d’Espagnol là-dedans que dessus la main ; c’est seulement un mot d’auteur.31
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32 Jean Hebrard, op.cit., p. 496.
24Dans la loge de la concierge, on parle autour du livre, on le commente et on le raconte plus qu’on ne le lit. Mais l’important est sans doute que ce discours sur le livre établisse un lien de connivence particulier entre les auditeurs. « L’adhésion immédiate, l’émotion collective l’emportent alors sur le dialogue attentif, la discussion distante » écrit Jean Hebrard.32 Mais ces représentations sont d’autant plus délicates à confronter à la réalité que nous ne possédons sur ces situations que des témoignages lettrés.
Les auteurs pour « femmes de chambre »
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33 Marie Parmentier, Stendhal stratège. Pour une poétique de la lecture, Genè...
25Il n’existe, à proprement parler, aucun corpus constitué de « romans pour femmes de chambre ». D’abord parce que la production et l’appellation de tels romans est limitée dans le temps (première moitié du XIXe siècle) et aussi parce qu’elle ne constitue pas un genre en soi. De plus, si la formule nous est familière, ceux qui l’emploient ne prennent pas la peine de l’expliciter en donnant des noms d’auteurs précis. Que ce soit au XIXe siècle où cette expression semble aller de soi, et dispense de précisions, ou même très récemment, parmi les critiques qui s’intéressent à cette période, l’allusion, l’implicite sont de mise : dans son Stendhal stratège, paru en 2007, Marie Parmentier consacre par exemple tout un chapitre à la poétique des « romans pour femmes de chambre » sans en citer aucun.33
26Pour obscure qu’elle soit devenue, la formule n’est certes pas dénuée d’un certain attrait mystérieux et poétique car ce qui était allusion au XIXe siècle est devenu pour nous énigme.
27Où donc trouver les indices qui nous conduiraient à établir un corpus de type ?
28C’est Stendhal, encore une fois, qui nous met sur la piste :
34 Œuvres romanesques, op.cit., p. 824-825.
Il y a tel auteur qui a fait quatre-vingts volumes de romans imprimés à Paris, dont le nom est dans toutes les bouches, à Toulouse, Marseille, Bayonne, Agen, et que personne absolument ne connaît à Paris. Tel est par exemple M. le baron de La Mothe-Langon, auteur du roman intitulé Monsieur le Préfet et de vingt autres. MM. Paul de Kock, Victor Ducange, etc., seraient aussi inconnus à Paris que M. le baron de la Mothe-Langon, s’ils ne prenaient le parti de faire des drames et des mélodrames avec leurs romans.34
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35 C’est aussi dans ces romans-là que l’on trouve, mises en abyme, les traces...
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36 Par exemple : Le Jésuite, avec Pixérécourt, mélodrame en trois actes (183...
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37 À propos du roman Sœur Anne de Paul de Kock, on peut lire dans La Pandore ...
29Il fallait donc creuser ces traces et les croiser avec ceux des bibliographies, des compte-rendus de journaux de l’époque et des lectures inscrites dans le corps des romans eux-mêmes35. Ce faisant, on s’aperçoit que quelques noms reviennent sans cesse : parmi les plus connus, Le Vicomte d’Arlincourt (la bête noire de Stendhal !) avec 30 rééditions du Solitaire entre 1820 et 1830, Victor Ducange, dont les romans et les mélodrames eurent un grand succès36, Ducray-Duminil, avec Victor ou l’enfant de la forêt et surtout Coelina ou l’enfant du mystère dont la portière d’Henry Monnier faisait la lecture dans sa loge, réimprimé 11 fois entre 1789 et 1825 et mis en scène par Pixérécourt pour 300 représentations, Paul de Kock, qui connut un véritable triomphe littéraire et dont on s’arrache les volumes le jour même de leur sortie37 ; son éditeur Barba va profiter de 1816 à 1827 des recettes énormes que lui vaudront : Monsieur Dupont, Le Barbier de Paris, Jean, La Laitière de Montfermeil, André le Savoyard, Mon voisin Raymond, Gustave ou le mauvais sujet, L’Homme de la nature et l’homme policé, Le Cocu et dont quelques romans seront aussi mis sur la scène du mélodrame.
30Je m’intéresserai plus particulièrement à ces deux derniers auteurs parce qu’ils me semblent représentatifs des deux courants principaux de ce genre de romans : Ducray-Duminil pour le roman populaire noir (auquel appartient aussi L’Étrangère du vicomte d’Arlincourt) et Paul de Kock pour le roman populaire gai (dans le genre de Pigault-Lebrun).
31Les deux succès incontestables de Ducray-Duminil s’apparentent au roman noir : crimes, enlèvements, substitutions d’identité, amours contrariées, victimes poursuivies par des méchants, tout l’attirail du romanesque le plus stéréotypé se retrouve dans ces romans qui ne reculent devant aucune invraisemblance : dans Victor ou l’enfant de la forêt (1797) le romancier moral raconte une histoire « extraordinaire » : son héros se trouve dans la cruelle alternative d’« outrager la voix de la nature » en tuant son véritable père, chef de brigands, ou d’être un monstre d’ingratitude en ne défendant pas son père adoptif qui l’a recueilli et élevé et qui s’apprête à lui donner la main de sa fille Clémence dont il est épris. Tout se termine finalement très bien, par une leçon édifiante : le brigand se repent et les deux jeunes gens peuvent s’unir. La morale de ce roman n’est pas très neuve : tôt ou tard, le vice reçoit sa punition, et la vertu sa récompense.
32Même scénario dans Coelina ou l’enfant du mystère : à un moment donné, l’assassin se repent et s’adresse de véhéments reproches :
Des consolations à toi ! cette faveur n’est réservée qu’à l’innocence : tu ne la goûteras jamais… Les larmes, l’échafaud, voilà le sort qui t’attend et auquel tu ne sauras échapper. Ha si l’on savait ce qu’il en coûte pour cesser d’être vertueux, on verrait bien peu de méchants sur terre !… »
33Quant aux romans de Paul de Kock, ils sont livrés au public sous le titre de « romans populaires illustrés » par l’éditeur Barba. Sous les apparences du « roman gai », la fable racontée par Paul de Kock est, le plus souvent, très conservatrice, très moralisatrice ; la femme adultère ou libertine y est toujours sanctionnée : dans Georgette, l’héroïne est punie de sa vie de débauche, alors même qu’elle s’est repentie. Dans Gustave ou la mauvais sujet, Mme de Berly, est définitivement défigurée par le feu, alors qu’elle tentait de faire évader son amant Gustave. Dans ces romans, le burlesque se mêle à l’édification morale et l’auteur ne voile pas ses intentions pédagogiques :
38 Ellen Constans « Votre argent m’intéresse » L’argent dans les romans de Pa...
Les héros positifs, les jeunes gens prodigues et la femme qu’ils aiment se marient au dénouement. Lui assagi après bien des folies qui l’ont ruiné ou appauvri, elle, auréolée de vertu par une longue attente et/ou les sacrifices qu’elle a dû supporter.38
34De plus, comme dans les romans de Ducray-Duminil, le narrateur ne s’embarrasse pas de la vraisemblance des détails : dans Un mari perdu, Madame Magnifique n’a plus de nouvelles de son mari Dodore Magnifique, parti à Paris depuis quelques mois. Elle arrive à Paris mais elle a oublié le nom de la rue où se trouve l’hôtel garni où loge Dodore. Dans l’omnibus, elle interroge tous les voyageurs ; heureusement, un vieux monsieur lui vient en aide à point nommé :
39 Paul de Kock, Un mari perdu, Barba éd. 1843, p. 21.
-Dans quel quartier logeait-il votre mari, madame ?
-Monsieur, c’était près de la rue St Jacques.
-Fort bien.
-Dans un hôtel garni dont j’ai oublié le nom… mais qui était dans une rue où il y avait un vieil hôtel… très curieux… où l’on va voir des antiquités.
-Attendez, madame !… c’est l’hôtel Cluny, peut-être ?
-Précisément, monsieur, l’hôtel Cluny.39
35Après de longues recherches, Madame Magnifique retrouve monsieur Magnifique, comme par hasard, un jour, au jardin du Luxembourg, au bras d’une femme, qui se trouve être la fille qu’il a eue des années auparavant : cela tombe bien, M. et Mme Magnifique n’avaient jamais pu avoir d’enfants et tout se termine dans les larmes et les bons sentiments.
36Ces ingrédients déjà anciens du roman noir, du roman gai et du roman romanesque du XVIIe siècle sont repris à l’usage d’un lectorat féminin, contribuant à la dégradation du goût et de l’émotion des nouvelles générations de lectrices bourgeoises ou populaires. Ce romanesque sentimental bien pensant se délecte de stéréotypes éculés, dans un style emphatique. Dans une marginale de Lucien Leuwen, Stendhal note : « Style : l’enflure donne un air d’élégance mais il est faux ; ou il n’est vrai que pour Mmes les femmes de chambre ».
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40 Voir la 2e partie du livre de Marie Parmentier (op. cit.) : « To the Femme...
37Ces romans réclament donc un mode de lecture particulier que Vincent Jouve appelle la « lecture participative » parce qu’elle sollicite l’adhésion du lecteur40 et sa « fascination » :
41 Vincent Jouve, Poétique des valeurs, Paris, PUF, coll. « Écriture », 2001,...
Comment un texte s’y prend-il pour favoriser une lecture participative ? Les procédés de l’emprise affective (qui s’attachent à conforter l’autorité du récit) se répartissent en deux champs principaux : les techniques de l’illusion référentielle (qui font oublier le caractère fictionnel du texte) et la densité fantasmatique de certains passages (qui, par l’émotion qu’ils suscitent, contribuent à la fascination du lecteur.41
Conclusion
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42 Christine Planté, op. cit., p.180.
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43 Paul Ginisty, Le Mélodrame, Paris, Louis Michaud, « Bibliothèque théâtrale...
38Comme il y a des auteurs bas-bleus, il existe aussi une catégorie de lectrices « bas-bleus ». Mais de telles lectrices ne lisent pas les romans des Bas-bleus, ni les romans de femmes en général puisque, de manière surprenante et paradoxale, ce sont les hommes qui écrivent majoritairement pour les « femmes de chambre ». Les femmes-écrivains, à ce moment-là, romancières bien nées de l’émigration pour la plupart, afin de légitimer leur écriture, se consacrent à la « prose vertueuse »42 du roman sentimental. Les auteurs qui dénoncent la sensiblerie féminine, leur manque d’esprit, connaissent, eux, précisément, les ressorts romanesques propres à toucher les femmes, à leur faire verser des larmes : ils connaissent la psychologie et la physiologie de leurs lectrices et utilisent tous les moyens et tous les artifices du mélodrame ; plusieurs de ces romans ont d’ailleurs eu une postérité sur la scène : ils sont devenus, grâce notamment à Pixérécourt, « le Corneille du boulevard »43, des mélodrames qui ont favorisé la diffusion, la lecture et la renommée des romans dont ils étaient issus. L’analyse de ces best-sellers montre enfin que le roman, en cette première moitié du XIXe siècle, cherche son nouveau public : encore considéré comme un divertissement, il commence à subir de profondes mutations, comme l’a perçu Stendhal, qui voulait offrir à ses lecteurs et à ses lectrices une autre qualité de lecture romanesque.
Notes
1 Voir le livre pionnier de Béatrice Didier, L’écriture-femme, Paris, PUF, coll. « Écriture », 1981, ainsi que celui de Christine Planté, La Petite sœur de Balzac. Essai sur la femme auteur Seuil, coll. « Libre à elles », 1989.
2 V. Joëlle Gleize, « Lectures romanesques », Romantisme n°47, Le Livre et ses lectures, 1er trimestre 1985, p. 107. À la pratique des cabinets de lecture succèdera l’engouement pour le « feuilleton-roman ». La date de 1836 semble être considérée comme la date-charnière entre ces deux manières d’approcher la lecture de romans pour un lectorat populaire.
3 Françoise Parent-Lardeur, Lire à Paris au temps de Balzac. Les cabinets de lecture à Paris. 1815-1830, éditions de l’école des hautes études en sciences sociales, 1981, p.10. Voir aussi Martyn Lyons, Le Triomphe du livre ; une histoire sociologique de la lecture dans la France du XIXe siècle, Paris, Promodis, Editions du Cercle de la librairie, 1987.
4 Roland Chollet, « Le commerce de la lecture à Paris sous la Restauration (A propos du l’ouvrage de F. Parent-Lardeur) », Romantisme n°47, op.cit., p. 38.
5 Au Chapitre I du Cocu de Paul de Kock, intitulé « Un cabinet de lecture », une lectrice de vingt ans, une couturière « qui a encore un dé à une de ses mains », dévoreuse de romans, s’adresse ainsi à la maîtresse de lecture:
« - Nous voulons du nouveau.
-Du nouveau !…. voilà bien tous les abonnés : il leur semble que le nouveau seul est bon !…et pourtant nous avons d’anciens romans qui sont bien au-dessus des modernes !… […]
-Madame, je ne m’intéresse pas à un héros qui est bossu, a les jambes torses et des loupes sur les yeux ! Fi donc ! parlez-moi d’un beau jeune homme, bien brun… bien fait, d’une belle tournure… A la bonne heure ; on se le représente, on croit le voir… Quand il parle d’amour, on se dit : Je voudrais un amant comme cela…Et ça fait plaisir. […)][la maîtresse de lecture lui tend un ouvrage ancien]
-Est-ce que vous vous moquez de moi, de me donner un roman aussi vieux ?
-Mais qu’importe son âge, puisque je vous dis que c’est bien ?
-Et moi je vous dis que l’âge fait beaucoup ; nous aimons les tableaux de moeurs, les scènes contemporaines. Un roman qui a plus de vingt ans ne peut peindre les mœurs actuelles. » Et elle repart, contente, avec, entre les mains, un volume d’Auguste Picard à défaut du roman de Paul de Kock qu’elle désirait ! (Le Cocu dans Romans populaires illustrés, Paris, Barba éd., S. D., p. 3-4).
Comme ces ouvrages auxquels je fais référence ici n’ont, pour la plupart, pas été réédités depuis le XIXe siècle, je m’autorise à les citer largement.
6 L’expression est de Walter Benjamin dans Le Flâneur.
7 Richard Sieburth, « Une idéologie du lisible : le phénomène des Physiologies », Romantisme n°47, op.cit., p. 40. V. aussi : Les Français peints par eux-mêmes, panorama social du XIXe siècle, Ségolène Le Men, Luce Abelès, Nathalie Preiss-Basset dir., Réunion des Musées Nationaux, 1993.
8 Il existe, dans de nombreux romans de Sand, une critique du « romanesque » comme pourvoyeur d’illusions sur la vie, comme source d’une sentimentalité exacerbée. Indiana raconte comment elle fut victime de cette littérature « pour femmes de chambre » : « C’est que j’étais folle ; c’est que, selon votre expression cynique, j’avais appris la vie dans les romans à l’usage des femmes de chambre, dans ces riantes et puériles fictions où l’on intéresse le cœur au succès de folles entreprises et d’impossibles félicités. » Indiana, éd. Brigitte Diaz, Champion, 2008, p. 252.
9 « Projet d’article sur Le Rouge et le Noir », Œuvres romanesques complètes, tome I, Yves Ansel et Philippe Berthier dir., Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 2005, p. 822 et 824.
10 Pigoreau, Petite bibliographie biographico-romancière, Paris, Pigoreau, 1821-1828.
11 V. tout particulièrement Philarète Chasles, « Statistique littéraire et intellectuelle de la France pendant l’année 1828, Revue de Paris, 1929, T. 7, pp. 191-243.
12 Ibid., p. 824.
13 Ibid., p.825.
14 Ellen Constans, « Stendhal et le public impossible », in Stendhal l'écrivain, la société et le pouvoir, Grenoble, PUG, 1984
15 Voir Yves Ansel, « Préface », éd. cit., p. 1147.
16 Jean Hébrard, « Les nouveaux lecteurs », Histoire de l'édition française t.III, Paris, PROMODIS,1985, p.478.
17 Œuvres romanesques, op.cit., p. 824-825.
18 Les Français peints par eux-mêmes, Paris, Philippart, 1861, tome II : « La femme de chambre » par Auguste de Lacroix p. 18.
19 Il existe un certain nombre de variantes dans la manière de désigner ces romans : « romans pour portières » (V. Henry Monnier, Le roman chez la portière, (1830) éd. Catherine Coeuré, Paris, Flammarion,1973 ; « roman pour cuisinières » (V. Émile Cabanon, Un roman pour les cuisinières (1834), Paris, librairie José Corti, coll. « Romantique », 1962).
20 Œuvres romanesques, op.cit., note a., p. 892.
21 Fritz Nies , « La femme-femme et la lecture […], Romantisme, n°47, op.cit., p. 99.
22 Le Prisme, Album des Français, Encyclopédie morale du XIX e siècle qui est un appendice des Français peints par eux-mêmes (Curmer MDCCCXLI) F. Guichardet « Les Femmes littéraires » , p. 35.
23 Émile Cabanon, Un roman pour les cuisinières, [1834], coll. Romantique, José Corti, 1962, p. 151.
24 Les Français peints par eux-mêmes, op. cit, p. 19.
25 « Les veuves du diable » (E. Guinot), Le Diable à Paris, Les Parisiennes à Paris, Paris, [Hetzel, 1845-1846], Michel Lévy, 1862 , p. 259-260.
26 Françoise Parent-Lardeur , op.cit., p. 135.
27 Françoise Parent-Lardeur, op.cit., p.134 qui cite, à la même page, un extrait du livre de M. de Balisson de Rougemont, Le bonhomme ou Observations sur les moeurs et usages parisiens au commencement du XIXe siècle, Paris, 1840, t. 2, p. 212-213 : « La plupart des livres qui paraissent au salon, s’indigne un maître de maison, finissent par arriver dans l’antichambre ; quelquefois, ils descendent plus bas. Par malheur, tous les domestiques de ma femme ont reçu de l’éducation ; ils lisent couramment et Dieu sait quelle consommation de livres il se fait à la maison ; tout mon revenu s’en va en esprit ».
28 Léon Gozlan, « Ce que c’est qu’une Parisienne », sous chapitre : « Progrès dans l’éducation des Parisiennes » dans Le Diable à Paris, Les Parisiennes à Paris, Paris, Michel Lévy, 1862, p. 12-13.
29 C’est une pratique qui s’exerçait aussi bien à l’atelier : Constance, personnage de grisette abonnée au cabinet de lecture installé au rez-de-chaussée de son logement, ne pratiquait pas autrement : « à l’heure de l’atelier elle sortait de sa poche le bienheureux volume et en lisait quelques pages à ses compagnes, après leur en avoir exposé le sujet avec une concision non dépourvue d’éloquence » (M. J. Brisset, Le cabinet de lecture (1843), tome I p. 62-63, cité par Françoise Parent-Lardeur, op.cit. p. 155). Voir aussi Ellen Constans, Parlez-moi d’amour. Le roman sentimental, Limoges, PULIM, 1999, p. 191.
30 Henry Monnier, Le roman chez la portière, (1830) dans Scènes populaires, éd. Catherine Coeuré, op. cit., p. 49. Voir Françoise Parent-Lardeur, op.cit., p.155 : « pour savoureuse qu’elle soit, cette scène montre, en effet, qu’en milieu populaire, la lecture, comme tout autre forme de loisirs, s’aborde aussi sur le mode collectif ; celui ou elle qui sait lire fait la lecture aux autres ».
31 Ibid., p. 56-57.
32 Jean Hebrard, op.cit., p. 496.
33 Marie Parmentier, Stendhal stratège. Pour une poétique de la lecture, Genève, Droz, 2007. Sur la question, il est difficile de trouver des éléments concrets : Margaret Cohen, dans The sentimental education of the novel, (Princeton University Press, 1999) consacre un passage de son chapitre II aux romans pour femmes de chambre (« novels for chambermaids and salon novels », p. 82-87) pour y déclarer les intentions misogynes de Stendhal dans la Lettre à Salvagnoli mais sans citer aucun nom de romancier de cette catégorie. Françoise Parent-Lardeur note qu’il serait intéressant d’examiner cette production pour « femmes de chambre » sans en définir les contours. Il n’y a, à ma connaissance, qu’Ellen Constans, qui aborde, de loin, mais de manière très intéressante, le problème (« Stendhal et le public impossible », Stendhal : l’écrivain, la société et le pouvoir, Grenoble, PUG, 1984, pp. 33-55).
34 Œuvres romanesques, op.cit., p. 824-825.
35 C’est aussi dans ces romans-là que l’on trouve, mises en abyme, les traces des lectures favorites des « femmes de chambre » : Au chapitre II du roman de Paul de Kock Gustave ou le mauvais sujet, paru en 1821, Lise, ouvrière blanchisseuse, recueille son amant Gustave, habillé en femme à la suite d’aventures qu’il serait trop long de raconter ici ; il doit se tenir caché chez elle pendant qu’elle va lui chercher des vêtements d’hommes :
« Mais que ferai-je pour me désennuyer ? » demande Gustave .
« Fouillez dans cette armoire lui répond Lise, vous trouverez des livres… et qui sont joliment amusants : Jean Sbogar ; Faublas ; Mon Oncle Thomas ; Victor ; Mon voisin Raymond »
La bibliothèque de cette grisette contient donc les livres de Charles Nodier (Jean Sbogar, 1818), de Jean-Baptiste Louvray de Couvray (Les amours du chevalier de Faublas, 1797), de Pigault-Lebrun (Mon oncle Thomas, 1818), de Ducray-Duminil (Victor ou l’enfant de la forêt, 1796) et de Paul de Kock lui-même (Mon voisin Raymond). Cette liste est très allusive ; sans doute renvoyait-elle de manière évidente et très claire à des romans qui résonnaient familièrement aux oreilles des lecteurs de Paul de Kock.
36 Par exemple : Le Jésuite, avec Pixérécourt, mélodrame en trois actes (1830) ; et parmi les romans, Isaurine (1830, 5 vol. in-12) ; Valentine ou le Pasteur d'Uzès (1820).
37 À propos du roman Sœur Anne de Paul de Kock, on peut lire dans La Pandore du 2 février 1825 : « C’est l’ouvrage en vogue on se l’arrache dans les cabinets de lecture, et le libraire Barba ne peut suffire aux demandes qui lui sont faites. Une seconde édition va bientôt paraître. » (Cité par Françoise Parent-Lardeur, op. cit., p. 173).
38 Ellen Constans « Votre argent m’intéresse » L’argent dans les romans de Paul de Kock » , Romantisme, vol. 16, n°53, 1986, p. 80.
39 Paul de Kock, Un mari perdu, Barba éd. 1843, p. 21.
40 Voir la 2e partie du livre de Marie Parmentier (op. cit.) : « To the Femmes de chambre ».
41 Vincent Jouve, Poétique des valeurs, Paris, PUF, coll. « Écriture », 2001, p. 145.
42 Christine Planté, op. cit., p.180.
43 Paul Ginisty, Le Mélodrame, Paris, Louis Michaud, « Bibliothèque théâtrale illustrée », S.D., p. 53.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Catherine Mariette
Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – Charnières