La Réserve : Livraison du 09 janvier 2016
Rimbaud, Thiers, Pétain & les autres : halte à la falsification !
Initialement paru sous le titre « Arrêtons de falsifier Rimbaud & l’Histoire » dans Boxon n° 21 et sur le site Le Journal d’un homme moderne, Lyon, 2007 ; version remaniée et augmentée dans Europe n° 966, 2009, version définitive dans J.-B. Bobillot, News from the Poetic front, Le Clou dans le fer, 2011.
Texte intégral
à Steve Murphy
1Écrire, discourir à propos de Rimbaud, est quasi immanquablement le prétexte, délibéré ou ingénu, à parler de tout autre chose : un rorschach idéologique.
Rimbaud refait, tous refaits…
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1 Rimbaud, Tradition et modernité [Bertrand Marchal éd.], Éd. InterUniversita...
Ainsi, sous couleur d’observations strictement formelles (et d’ailleurs, incroyablement confuses), touchant au rôle de Rimbaud dans « l’évolution de la versification française », André Guyaux s’était-il livré, jadis, à une condamnation sans nuances et sans appel de tout ce qui, dans la poésie — voire, dans la littérature et les arts du siècle qui a suivi (le XXe) —, relève de l’esprit d’expérimentation ou, si l’on veut, d’« avant-garde » — c’est-à-dire, de cette négativité créatrice qui est (fut ?) le propre de la modernité1 : « On peut même se demander si Rimbaud n’a pas accordé aux formes, à l’originalité des formes, à la créativité formelle, une confiance excessive, s’il n’a pas été un précurseur de l’utopie formaliste qui oblitère si souvent l’expression poétique au XXe siècle. » Qu’il l’ait été, qui le niera ? À quoi bon se le demander ? À moins de céder aux sirènes claudéliennes, qui trouvent tant d’oreilles complaisantes ! Que le résultat ne soit qu’hermétisme et inintelligibilité gratuites (ah, la gratuité : cette tare, ce péché mortel à l’aune du Marché !), on a déjà entendu ça — et on voit bien (ce) qui est visé…
La manœuvre, en fait (aussi expéditive que régressive et, là encore, tellement consensuelle !), consiste à refouler le travail du signifiant, que Rimbaud place d’emblée sous le double signe du matérialisme et du risque le plus extrême — « qu’il crève dans son bondissement » —, au profit (le profit : clé de voûte du Marché…) d’une idéaliste et confortable mise en forme du signifié ; à gommer toute espèce de rupture, de trouée, de transgression, bref : toute espèce d’écriture par laquelle adviendrait, parmi les turbulences de la langue, « l’inconnu ! », soit : ce que celle-ci — puissamment aidée par la surveillance idéologique exercée, de toutes parts, sur l’« horrible » travail du véritable « auteur, créateur, poète », clairement distinct des « fonctionnaires », des « écrivains » — a pour fonction, éminemment aliénante, de ne pas laisser se dire.
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2 Ceux qui merdRent, P.O.L., 1991.
Si Rimbaud, malgré toutes les tentatives réductionnistes, ne peut décidément pas apparaître comme poétiquement correct, il faudrait que ce fût là son tort, sa lourde responsabilité : son erreur historique autant qu’esthétique ? — Eh bien, non ! C’est là sa plus grande gloire, qui fait de lui, suivant la formule-titre de Christian Prigent, l’un, et non des moindres, de « ceux qui merdRent2 » : c’est, bien évidemment, ce Rimbaud-là qui est visé par la phrase de Guyaux, et qui fut, en 1991, le grand absent des célébrations du Centenaire (« les années Rimbaud »…)
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3 « Rimbaud dans une Pléiade sans étoiles », La Quinzaine littéraire n° 988, ...
Curieusement, d’ailleurs, tant de ressentiment antimoderne à l’égard du jeune poète de Charleville s’accompagne d’une égale sévérité, quant à un compulsif « esprit de velléité » qui l’aurait conduit à « chang[er] de forme comme de veste, au tournant de chaque saison » : on se demande alors par quel miracle (ou par quelle diablerie) il parvint à inoculer aussi massivement (et durablement) le poison de l’illisibilité à la poésie de tout un siècle ! Or c’est le même Guyaux à qui, naguère, échut l’auréolante tâche d’établir une n-ième édition des « œuvres complètes » de ce dangereux velléitaire : la troisième (destinée, hélas ! comme les autres, à faire référence) dans la si prestigieuse « Bibliothèque de la Pléiade » — cœur, de longtemps dévitalisé, du dispositif spectaculaire-marchand de l’édition française ! Édition, aussitôt et pointilleusement étrillée par Jean-Jacques Lefrère dans un article d’une rare et salutaire virulence3 : c’est, pour le coup, la Pléiade de trop…
2Une convergence de publications de nature différente en a fourni, à l’orée de ce siècle, de convergents symptômes : — le livre, résolument personnel, de Marcelin Pleynet : Rimbaud en son temps / situation (Gallimard, coll. « L’Infini », 2005) ; — plusieurs commentaires accompagnant la révélation d’une brève prose, signée Jean Baudry, retrouvée par hasard et attribuable sans grand risque d’erreur à Rimbaud lui-même : « Le rêve de Bismarck » (La Quinzaine littéraire, 16-31 mai 2008 ; Le Figaro littéraire, 22 mai 2008 ; mais aussi, l’émission télévisée Ce soir ou jamais, FR3, 19 mai 2008).
3Pourquoi, en effet, sur le plateau de Ce soir ou jamais, Jean-Jacques Lefrère s’étonne-t-il de la tonalité « patriotique finalement » de ce texte de Rimbaud, « que l’on va découvrir communard dans peu de temps » ? Pourquoi Marc-Édouard Nabe l’interrompt-il, aussitôt, d’un : « Patriotique, non, pas forcément, ce n’est pas parce qu’il attaque Bismarck qu’il défendra forcément la France », que ne laisse pas de nuancer son interlocuteur, hasardant que « c’est assez inattendu quand même » ? Pourquoi serait-il nécessairement incongru — vaguement sacrilège, même — d’affirmer, ou seulement de supposer, que le jeune poète de Charleville, le révolté, le déjà « voyou », le futur « voyant », bientôt « communard », ait pu, à un moment donné de son existence et de l’Histoire, faire profession de patriotisme ?
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4 Déniera-t-on, à ce titre, au général de Gaulle en 1940, « une certaine luci...
4Car, si les deux invités de Frédéric Taddeï divergent dans leurs manières de réagir à pareil soupçon, ils sont en revanche parfaitement d’accord pour en exonérer, a priori, Rimbaud. À la question, point si naïve, de l’animateur : « Pourquoi êtes-vous si sûr(s) qu’il ne défend pas sa patrie ? », Nabe répond en effet, approuvé par Lefrère : « parce que quelques semaines après il parlera de “patrouillotisme” et qu’il y a un certain cynisme, une certaine lucidité politique chez Rimbaud, qu’on ne peut pas nier ». Or si l’on ne peut que souscrire à cette dernière remarque, par quelle obscure logique « une certaine lucidité politique » exclurait-elle, par principe, tout patriotisme4 ? Surtout — erreur étonnante de la part de deux grands connaisseurs de Rimbaud, et notamment, de son plus pointilleux biographe —, ce n’est pas « quelques semaines après », mais avant, qu’il parlait de « patrouillotisme ».
5Ça ne veut pas rien dire.
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6Paru le 25 novembre 1870, dans Le Progrès des Ardennes, « Le Rêve de Bismarck », composé peu de temps après « Le Dormeur du Val » (daté d’« octobre 1870 »), est bien postérieur à la fameuse lettre dénonçant le « patrouillotisme » des « épiciers retraités qui revêtent l’uniforme » (datée du « 25 août [18]70 »). Entre les deux, rien de moins que : 1) la défaite de Sedan, le 2 septembre, scellant la fin de l’Empire, et : 2) la proclamation de la République, le 4 septembre, à Paris, mais aussi à Lyon et à Marseille, puis dans d’autres villes, suivie de l’organisation de la Défense : événements majeurs auxquels, devant les caméras, nul ne fit allusion. Ils ne pouvaient pourtant rester sans conséquences, — non sur les opinions politiques de Rimbaud, républicain de longue date, ou son mépris des « Ventres » (lettre du 25 août) comme des « Assis » (poème de datation incertaine, de toute évidence plus tardif), — mais sur le sens qu’il attribuait à cette guerre et l’attitude qu’il lui convenait d’adopter face à la situation, en tous points inédite, ainsi créée : s’il voyait d’un bon œil les armées prussiennes mettre à genoux le régime impérial, il n’en va plus de même lorsqu’elles menacent la République.
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5 Rimbaud tel que je l’ai connu, Mercure de France, 1963. Cf., sur ce point, ...
7Au témoignage de Georges Izambard5, son illustre élève en effet lui aurait remis, dès le 18 juillet 1870, « le sonnet Aux morts de Valmy, qu’il avait perpétré la veille ». Que le sonnet « Morts de Quatre-vingt-douze… » (très symboliquement daté de « Mazas, 3 septembre 1870 ») n’en soit qu’une nouvelle mouture, ou un poème tout à fait différent — ou que la mémoire de l’ancien professeur l’ait trahi (il en fait d’ailleurs l’aveu quelquefois) —, son dernier vers comme son épigraphe ne s’en réfèrent pas moins, sur le mode polémique, à la déclaration cyniquement « patrouillotique » du bonapartiste Paul de Cassagnac, parue dans Le Pays, le 16 juillet. Ce qu’il ne saurait admettre, en juillet pas plus qu’en septembre, c’est la confiscation, au profit ou au secours du IInd Empire menacé — né, comme le Ier, d’un coup d’État abolissant la République, sous couleur de la pérenniser —, de l’authentique patriotisme des défenseurs de la Révolution, « pâles du baiser fort de la liberté », dont il se réclame à son tour : — non au sens (romantique) de l’irrationnel et viscéral enracinement dans un sol, un peuple, une culture, légitimant une mainmise aristocratique et religieuse et un nationalisme volontiers belliqueux ; — mais au sens (celui des Lumières, celui de la Marseillaise, qui y est explicitement citée) d’une association libre et raisonnée de citoyens égaux en droit, contraints de défendre chèrement ces valeurs émancipatrices, face à toutes les monarchies de l’Europe très-chrétienne, qui prétendent les éradiquer.
« La Marseillaise » I :
C’est bien ce que signifie la formule : « enfants de la Patrie », c’est-à-dire : de la République (potentiellement universelle). Contrairement à une idée reçue, et tenace, le texte de la Marseillaise — se distinguant en cela de beaucoup d’hymnes nationaux de par le monde — ne comporte aucune mention d’une France ou d’un peuple français supérieur(e), par nature, aux autres nations ou aux autres peuples, belliqueuse à leur égard ou menacée en tant que telle par des nations ou des peuples ennemis.
À vrai dire, je préfèrerais qu’on pût se passer de drapeaux et d’hymnes nationaux, et je ne sais s’il faut enseigner et faire chanter la Marseillaise dans les écoles, et l’entonner dans les stades : mais, n’est-il pas affligeant que les Français ne sachent même plus y reconnaître cet élan émancipateur et ces valeurs républicaines dont ils sont, historiquement, responsables devant l’Humanité ? Serge Gainsbourg l’avait bien compris, ce ne sont pas tant « les paroles » qui ont pris des rides, que « la musique »…
« La Marseillaise » II :
Les « féroces soldats / [qui] viennent jusque dans vos bras / Égorger vos fils, vos compagnes » ne sont pas présentés comme des étrangers, représentants d’autres nations ou d’autres peuples et haïssables pour cela, mais bien comme les bras armés « de la tyrannie », à « l’étendard sanglant », venus en son nom (et payés par elle, ces « cohortes étrangères » n’étant que des « phalanges mercenaires ») étouffer tout germe de « Liberté, Liberté chérie » : tel est Bismarck, aux yeux de Rimbaud, dès lors qu’il poursuit la guerre, non plus contre la France impériale, mais contre la République ; tel était Napoléon III, tel sera Thiers, indifféremment — qui obtint aisément de Bismarck la libération des soldats français prisonniers, afin de disposer des effectifs suffisants en vue de l’écrasement de la Commune (prélude au rétablissement de la monarchie).
Enfin, s’il faut « Qu’un sang impur / Abreuve nos sillons » (ces sillons que, précisément, Rimbaud évoque dans « Morts de Quatre-vingt-douze… »), ce n’est pas par nationalisme ou xénophobie sanguinaires, mais par renversement ironiquement contestataire de la prétention des seuls aristocrates à la légitimité (et à la transmission), par le « sang » — d’autant mieux assurée(s) que le sang en question est, censément, plus « pur » : c’est-à-dire, à la fois, de plus ancienne et illustre origine, et non « mêlé » ; d’où, le savant calcul des « quartiers de noblesse », l’opprobre accablant les « bâtards », le mépris de la noblesse « d’épée » pour la noblesse « de robe », etc.
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6 Telle la séquence où Arthur [Leonardo DiCaprio] est censé raconter à Paul [...
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7 Cf., sur ce point, Jean-François Laurent, « Le Dormeur du Val ou la chair m...
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8 « Nature » est alors un autre nom de la République — en d’autres termes, de...
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9 Significativement, les deux mots sont isolés en tête de vers…
8Semblablement, « Le Dormeur du Val » — loin d’être cette aimable vignette pacifiste6 que l’on s’obstine encore, trop souvent, à y voir — doit-il se lire comme une allégorie appelant à la reconquête républicaine7 : ce « soldat jeune », qui « a deux trous rouges au côté droit », n’est autre qu’un parmi ce « million de Christs aux yeux sombres et doux » précédemment glorifiés dans « Morts de Quatre-vingt-douze… » et que, souligne Rimbaud, « Nous […] laissions dormir avec la République ». Christ républicain, donc, qui « dort » lui aussi, mais qui ne manquera pas de ressusciter, et eux avec lui8. Il le sait, et c’est pourquoi il peut paraître si « Tranquille » dans sa mort, comme étaient « Calmes9 » les soldats de Valmy, de Fleurus et d’Italie. Il est plus qu’hasardeux, dès lors, de mettre en doute le patriotisme (en ce sens, qui est le seul recevable) de Rimbaud, durant toute cette période ; et il n’est pas moins hasardeux d’interpréter l’attitude de l’auteur du « Rêve de Bismarck » comme la réaction pour ainsi dire naturelle, suivant Nabe, d’un « enfant du nord-est, non pas qui défend sa patrie mais qui se défend contre l’envahisseur » — bref : d’un Barrès à rebours, à mi-chemin entre Bastions de l’Est et Culte du Moi…
« La Marseillaise » III :
Verlaine dans Les Poètes maudits, ne qualifiait-il pas « Les Corbeaux » de « chose patriotique, mais patriotique bien » ? (Je souligne.) Et, dans « Les Mains de Jeanne-Marie », Rimbaud n’écrit-il pas : « Leur chair chante des Marseillaises / Et jamais les Eleisons ! » — opposant, sans appel, la fierté patriotique (celle des Communards, justement, et en l’occurrence des Communardes) à la soumission religieuse, dont il exhibe les effets désastreux et dénonce profiteurs et complices dans « Les Pauvres à l’église » ? Semblablement, le 16 mai 1871, la cérémonie précédant et légitimant la démolition de la colonne Vendôme, stigmate de l’oppression impériale, commença-t-elle aux accents de la Marseillaise — chant du sursaut patriotique (c’est-à-dire, républicain) et non hymne de l’enracinement et de l’agressivité nationalistes (ou « cantique d’État », selon le mot résumant de Jules Vallès qui, dans L’Insurgé, en dénonçait le détournement « patrouillotique », par le régime impérial qui l’avait longtemps interdite).
Allons plus loin : et si, à un siècle de distance, la Marseillaise n’était autre que la première mouture de l’Internationale ? N’est-ce pas sous le coup terrible de la « Semaine sanglante » qu’Eugène Pottier, membre élu de la Commune de Paris pour le IIe arrondissement (dont il fut maire jusqu’au 28 mai), et futur exilé, en écrivit secrètement le texte (en juin ?), mis en musique quelques années plus tard (1888) par Pierre Degeyter — mais destiné d’abord, par son auteur, à être chanté sur celle de Rouget de Lisle ? Née aux accents patriotiques de la Marseillaise — en voie de confiscation par ses adversaires et bourreaux —, la Commune exhalait en mourant ceux, prolétariens, de l’Internationale…
« La Marseillaise » IV :
Maurice Barrès, adversaire déclaré de la citoyenneté abstraite issue des Lumières, théoricien de l’« enracinement » et du « nationalisme français » (opposés au « cosmopolitisme »), et maître-penseur de la Ligue de la Patrie française, dont l’appellation même entérinait la tragique substitution de l’acception nationaliste et antirépublicaine du mot « Patrie », à sa prime acception républicaine et universaliste : ainsi, s’opposait-elle point par point à la Ligue des Droits de l’Homme — comme si Droits de l’Homme et Patrie n’étaient pas, fondamentalement, deux expressions d’un seul et même principe !
C’est dans ce contexte (entre la dégradation de Dreyfus et la publication de « J’accuse… ! ») que, pour la première fois, lors du XIVe congrès national du Parti Ouvrier Français, à Lille (juillet 1896), militants de gauche prolétariens internationalistes et nationalistes droitiers xénophobes et volontiers antisémites s’affrontèrent en chantant, ceux-là l’Internationale, ceux-ci la Marseillaise — ainsi confisquée et falsifiée, hélas ! durablement : il en alla de même au printemps 1968. (Ils ne sont d’ailleurs pas à une falsification et à une confiscation près : le mouvement d’extrême-droite de Jean-Marie Le Pen n’a-t-il pas usurpé l’appellation de « Front national » qui avait été, durant la Seconde Guerre Mondiale, celle de l’organisation de résistance dépendant du Parti Communiste Français ?)
Mais, l’Internationale ne devait-elle pas à son tour, quelques décennies plus tard (1944), être bannie, en prélude à Yalta, au profit d’un hymne franchement nationaliste, par ceux-là mêmes qui aux yeux du monde apparaissaient encore (et, depuis Stalingrad, plus que jamais) comme l’avant-garde des « prolétaires de tous les pays » : les dirigeants de l’Union soviétique ?
9« “Tout est français, c’est-à-dire haïssable au suprême degré”, écrit Rimbaud l’année même où naît la IIIe République », écrit Pleynet en un temps où agonise la Ve. Que l’État ait préempté et acheté la lettre à Paul Demeny, abusivement dite « du Voyant », où apparaît cette phrase, « pour la somme de trois millions trois cent mille francs », est à ses yeux un tel scandale qu’il la dit adjugée « à l’État français » : l’auteur, bien sûr, est trop avisé pour ne pas savoir que l’État français n’est pas la République française, et, si lapsus il y a — et combien révélateur —, il est parfaitement délibéré, et assumé.
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10 Ce qu’Étiemble, déjà, rétorquait à Cocteau affirmant (pour d’autres raison...
10Au paragraphe suivant, donc, par la grâce de la métonymie, surgit tout armé… Philippe Pétain qui, « né en 1856, est un exact contemporain de Rimbaud. » À quoi l’on rétorquera aisément que : 1) Arthur Rimbaud, né en 1854, n’est qu’un approximatif contemporain de Pétain10 ; et surtout que : 2) exact ou approximatif, on ne voit vraiment pas ce que ça prouve ! En fait, cette suggestion par les dates n’a qu’une fonction de transition, amenant au paragraphe suivant et à ces affirmations décisives :
Qu’est-ce que vise Rimbaud lorsqu’il écrit : « Tout est français, c’est-à-dire haïssable au suprême degré… », lors de la constitution de la IIIe République : régime, né en 1870 de la répression sanglante de la Commune de Paris, et le plus long de toute l’histoire de ce pays, la France, puisqu’il dure jusqu’à sa conversion en un régime de collaboration avec les nazis, par un maréchal de France, Philippe Pétain, en 1940.
11à quoi l’on rétorquera tout aussi aisément que : 1) la France a connu bien d’autres régimes, sous l’Ancien, qui ont duré bien plus longtemps ;
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11 « Née de la défaite des armées de l’Empire », tel fut le mot de Jules Ferry.
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12 Suite au « pacte de Bordeaux ».
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13 C’est, très exactement : « Adolphe Thiers, à la tête d’un gouvernement rép...
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14 Bourgeoise et affairiste, mais sachant manier les symboles, cette Républiq...
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15 C’est, d’Édouard Drumont à Jacques Doriot, la tradition antisémite françai...
12mais surtout que : 2) si comme on peut le penser la IIIe République est née en 1870 (plus précisément, le 4 septembre), ce n’est pas « de la répression sanglante de la Commune de Paris » (qui n’avait pas encore eu lieu !), mais de l’effondrement programmé du IInd Empire11, à la grande satisfaction de Rimbaud et des Républicains — tel, justement, Émile Jacoby, fondateur et directeur du Progrès des Ardennes — qui y virent une bonne occasion de rétablir enfin, et cette fois durablement, le régime auquel ils aspiraient ; que : 3) le nouveau pouvoir installé à Versailles12 sous la houlette de Thiers, que soutient activement la monarchie prussienne victorieuse avec laquelle il s’est empressé de négocier l’armistice, et qui procède à « la répression sanglante de la Commune de Paris » (21-29 mai 1871), n’est aucunement la République13, qui précisément s’est incarnée, sous deux formes concurrentes — l’une, insurrectionnnelle et révolutionnaire, aussitôt diabolisée, l’autre, légaliste et bientôt qualifiée d’« opportuniste14 » —, dans la Commune de Paris assiégée autant que dans la résistance aux armées d’invasion, tentée par Gambetta ; que, par conséquent : 4) ce n’est pas la République, mais les ennemis de la République qui ont procédé à « la répression sanglante de la Commune de Paris », c’est-à-dire, en bonne logique, à la répression sanglante de la République ou du moins, d’une de ses incarnations, comme l’ont très bien vu Rimbaud et les Républicains15 ; que : 5) ce sont toujours les ennemis de la République — monarchistes et bonapartistes au coude à coude, catholiques et antisémites de tout poil — qui feront tout pour en retarder l’établissement définitif (l’amendement Wallon, officialisant la République, ne fut voté qu’à une voix de majorité, le 30 janvier 1875) et, une fois instaurée durablement, pour la renverser (crise boulangiste, affaire Dreyfus, 6 février, etc.) ;
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16 La « commune de Bordeaux », prologue de la « Révolution nationale »…
13que : 6) ils y parviendront enfin, à la faveur de la défaite et de la débâcle de mai-juin 1940, en contraignant — non sans pressions et manœuvres d’intimidation en tout genre, voire par la force16 — le pouvoir légal, préalablement infiltré et circonvenu, à se défaire de ses éléments républicains et opposés à l’armistice (démission de Paul Raynaud), bientôt accusés de désertion et de trahison (arrestation de Georges Mandel, Pierre Mendès-France, Jean Zay…), et à accepter puis, par le « vote » du 10 juillet, à introniser aux plus hautes fonctions ceux qui allaient aussitôt le liquider (11 juillet : abrogation de l’amendement Wallon), au profit d’un État auto-proclamé français (« …un maréchal de France, Philippe Pétain… », alors ambassadeur à Madrid et admirateur déclaré de Franco), plus qu’aligné sur les positions de l’Allemagne hitlérienne à laquelle il s’empressa de faire allégeance (3 octobre : promulgation du premier « statut des Juifs ») ; et que, par conséquent : 7) ce n’est pas la République, mais les ennemis de toujours de la République qui ont procédé, non pas à « sa conversion en », mais à sa liquidation au profit d’« un régime de collaboration avec les nazis » : l’« étrange défaite » résultait, pour une large part, d’un « choix de la défaite » qui était un choix politique.
« La Marseillaise » V :
Ennemis de toujours de la république, censément… juive, comme le souligne opportunément — et opportunistement — la réédition, par Flammarion, en 1941 (année du second « statut des Juifs »), de La France juive, l’inusable best-seller (depuis 1886) de Drumont : sur ce plan-là, aussi, la continuité est manifeste ! Non moins conséquent, Denoël, qui publie Les Décombres de Rebatet en 1942, n’oublie pas de rééditer, la même année, L’École des cadavres (1938) de Céline — lequel publie, également en 1942, Les beaux draps, mais cette fois, aux Nouvelles Éditions Françaises…
Si dans un premier temps, l’État français s’accommoda de la Marseillaise — mais écourtée, voire réduite aux seuls « couplets du Maréchal », et épurée de ses intentions et de ses significations premières —, il y adjoignit bientôt et y substitua, progressivement, le plus conforme Maréchal, nous voilà ! d’André Montagard et Charles Courtioux ; puis, la Résistance (communiste autant que gaulliste) se l’étant (ré)approprié, entonner l’hymne de Rouget de Lisle devint passible du peloton d’exécution : à l’initiative, certes, de l’Occupant — mais avec l’assentiment du même Maréchal, dont les omniprésents portraits s’adornaient volontiers de cette interrogation qui avait tout d’une sommation : « Êtes-vous plus français que lui ? »
Assurément, ce patriotisme-là, « haïssable au suprême degré », n’est pas celui de Rimbaud, lequel n’est pas non plus celui d’un de Gaulle plus familier, gageons-le, de La Colline inspirée que de La France juive, et moins du « Bateau ivre » que des Mémoires d’Outre-tombe…
14Mais la question demeure : « Qu’est-ce que vise Rimbaud lorsqu’il écrit : “Tout est français, c’est-à-dire haïssable au suprême degré…” » Or, Pleynet ne peut l’ignorer, dans le long paragraphe échevelé de la très-fameuse lettre du 15 mai 1871, où se lit cette condamnation, ce n’est pas la République — qui justement s’incarnait héroïquement dans la Commune, comme Rimbaud le souligne en proposant, dès l’ouverture, son « Chant de guerre Parisien » à l’attention de Paul Demeny —, c’est Musset qui est visé. Musset ! l’auteur de l’impayable Rolla ; Musset : « quatorze fois exécrable pour nous » ; Musset, qui exécrait Voltaire et l’esprit des Lumières ; Musset… et à travers lui ce Romantisme français qui avait eu pour désastreux effet de promouvoir à satiété la « poésie subjective », cette poésie « horriblement fadasse » (lettre du 13 mai, à Izambard) qui ne saurait prétendre à aucune universalité — tout le contraire, donc, de cette « intelligence universelle » qui « a toujours jeté ses idées, naturellement ». Car telle est bien, aux yeux de Rimbaud, la pierre de touche : « On savourera longtemps la poésie française, mais en France. » Soit : pas à Paris. Ni, par là-même, à l’étranger…
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17 Je souligne.
15Il y a d’ailleurs, on l’a vu, belle lurette que Gérald Schaeffer l’avait très clairement indiqué : « “Parisien” s’oppose à “français” comme “exemplaire, universel” à “limité, mesquin” » ; mais aussi, en particulier, comme « républicain, communard » à « bonapartiste, monarchiste » : « français », dans le contexte historique, se glosant par « rural, versaillais ». (« Majorité rurale, honte de la France ! » s’était exclamé le républicain Gaston Crémieux, lors de la première réunion de l’Assemblée nouvellement élue). Bref, non sans quelque injustice au regard des faits (Gambetta lui-même n’allait-il pas bientôt miser sur « l’avenir républicain des provinces et des campagnes » ?), est « parisien » ce qui est fidèle aux idéaux de 89, voire de 92 et de 93 — c’est-à-dire, en définitive, aux Lumières —, « français » ce qui les refuse ou les trahit : dans « Morts de Quatre-vingt-douze… », les Christs de Valmy et d’ailleurs « bris[aient] le joug qui pèse / Sur l’âme et sur le front de toute humanité17 » ; dans « Chant de guerre Parisien », s’opposent frontalement « les Ruraux » (« Thiers et Picard »), qui sont les agresseurs, et « la Grand ville » (« nous »), qui est la victime. Semblablement déjà, dans « Le Rêve de Bismarck », le terrible chancelier pouvait-il laisser, sans crainte, errer de ville en ville « son petit index crochu » sur la carte de France ; mais, qu’il l’arrête à ce « vilain point noir » qui s’avèrera être Paris, et « le bonhomme » se prépare un réveil douloureux, et bien peu glorieux, le nez « plongé dans le fourneau ardent » de sa propre pipe !…
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16La véritable question qui se poserait, alors, serait celle-ci : est-ce tant d’ignorance historique qui entraîne pareille confusion idéologique, ou est-ce pour les besoins de sa cause idéologique que l’auteur n’hésite pas à manipuler l’Histoire ? Certes, il y a République et République, et celle de Léon Gambetta n’est pas plus celle d’Auguste Blanqui que celle de Charles de Gaulle n’est celle de Pierre Mendès-France ; de même, il y a plusieurs manières d’être antirépublicain.
Responsabilités ?
Insistons-y : il ne s’agit pas, bien sûr, d’exonérer béatement la République et ses représentants de toutes les errances et de tous les crimes qui ponctuent son Histoire, des lâchetés, abandons et autres trahisons dont les uns ou les autres se sont rendus coupables, bien souvent en son nom (y compris, la participation active de certains à la répression de 48 comme à celle de 71, ou le manque de combativité, voire le soulagement plus ou moins honteux de beaucoup, face au coup d’État de Napoléon III comme à celui de Pétain) ; mais par quel obscur ressentiment antirépublicain, fallacieusement prêté à Rimbaud, peut-on imputer à la République elle-même les crimes que ses ennemis ont perpétrés contre elle — et ce qui est le fait des hommes, les plus médiocres comme les plus ambitieux, aux institutions et, à travers elles, au principe dont elles se soutiennent ?
Tout au long de son discours du 16 juillet 1995 au Vélodrome d’Hiver, Jacques Chirac, Président de la République nouvellement élu, s’il fit sensation en reconnaissant (malgré le durable veto gaullo-mitterrandien) que « la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français », semble s’ingénier (comme le fera, plus elliptiquement, Pleynet) à maintenir une prudente et consensuelle ambiguïté entre, — d’une part : l’identification de l’État français au seul « État de Vichy » et à ses « autorités », — d’autre part : à « la France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme » (et donc, de la République et de la démocratie…), — d’autre part encore : à « Nous », c’est-à-dire : à « toute la France », sans distinction de régime, de classe, d’opinion, d’origine, d’époque même, etc. : cette « France […], droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie », et qui, affirme-t-il (non sans se contredire), « n’a jamais été à Vichy » ! L’intention pouvait paraître louable, et fut largement saluée comme telle ; n’aboutissait-elle pas, pourtant, insidieusement, à gommer ou du moins, à atténuer considérablement la responsabilité, en cette affaire, des droites plus ou moins extrêmes, antirépublicaines ou républicaines par défaut (ou dépit), toutes assez unanimement nationalistes, xénophobes et antisémites — pour la répartir, d’autant plus également, entre les diverses composantes de cette France mythique (« une certaine idée de la France ») qui, censément, les transcende… et l’en exonérer à la fois ?
La question ne se pose plus lorsque Nicolas Sarkozy, Président de la République nouvellement élu, déclare sans autre forme de procès, en manière d’introduction plus idéologique qu’historique à son discours d’Épinal (référence gaullienne…) du 12 juillet 2007, que les « terribles défaillances » de 1914-1917, de 1940 et de 1958, s’expliquent pareillement et exclusivement par les « vices de fonctionnement d’un régime depuis longtemps organisé pour que nul ne puisse réellement gouverner » (je souligne), à savoir : la IIIe République — et en particulier, implicitement, le Front populaire —, puis la IVe, soit : la République parlementaire et son inévitable corollaire : le suffrage universel, ou, en d’autres termes : le très-vilipendé « régime des partis » (que de Gaulle ne prisait guère plus que Pétain). Nulle allusion, en revanche, au pouvoir de nuisance — et au long travail de déconsidération et de désagrégation du pacte républicain — d’idéologues tels que Drumont, Barrès ou Maurras, Pétain lui-même, Doriot, d’innombrables ligues et autres organisations droitières, voire plus ou moins ouvertement fascistes (et galvanisées par la mobilisation contre Dreyfus, Jaurès, Blum, de Gaulle, Mendès-France…), ou des activistes de l’« Algérie française » (dont de Gaulle s’attira la haine) : seules « les institutions » — celles de la République —, non les hommes — en l’occurrence, les ennemis de toujours de la République, ainsi mis hors de cause —, devraient être tenues pour responsables de ces attentats répétés contre la cohésion et la continuité nationales ! Mais (s’en étonnera-t-on ?) qu’il s’agisse de la Commune ou, pire encore ! des « événements » de mai 1968 — attentats, non moins, quoique d’un autre ordre, perpétrés contre lesdites cohésion et continuité — , il en va alors tout autrement et ce sont bien, sans le moindre doute affleurant, « communards » et « soixante-huitards » qu’il conviendrait de blâmer, non les institutions — celles du défunt IInd Empire ou du Gouvernement provisoire de M. Thiers ? celles de la France éternelle ? celles, en tout cas, de la Ve République : « les meilleures qu[e la France] ait jamais connues », seules capables, assure-t-il (non sans arrière-pensées), de « sout[enir] la volonté politique, [de] renforce[r] l’autorité de l’État »…
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18 Cf., sur ce point, Jean Birnbaum, Les Maoccidents, Stock, 2009.
Lui-même ex-» soixante-huitard », Jean-Claude Milner ne dit d’ailleurs pas autre chose, respectivement, dans Les penchants criminels de l’Europe démocratique (2003) et Le Juif de savoir (2006) : prétendant faire de la Shoah l’ultime et exclusive conséquence, non de l’irrationnel Volksgeist des Romantiques (comme le faisait, non sans un lucide déchirement, Victor Klemperer dans LTI, la langue du IIIe Reich, publié dès 1947), mais de la démocratie issue du rationalisme critique des Lumières, ne réserve-t-il pas ses sarcasmes, tant au « Juif assimilé » — c’est-à-dire, républicain — qu’au « Juif révolutionnaire » (qu’il fut), en se réclamant, pour cela, de… Maurras ? Opportune surenchère que le même Président, pourfendeur (s’il en est) de « l’esprit de 1968 », devait avaliser publiquement, le 15 avril 2009, en décorant de la Légion d’Honneur son paradoxal ami, André Glucksmann, porte-voix médiatique des positions de son ancien camarade de la Gauche prolétarienne18…
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19 Dès le 7 septembre, Blanqui n’avait-il pas lancé le premier numéro de La P...
17Mais, ne nous y trompons pas, c’est bien à Thiers, comme un peu plus tôt à Badinguet, que le jeune rebelle de Charleville — plus « communeux » que « papiste », n’en déplaise à Philippe Sollers — réserve ses traits les plus acérés, et non à Gambetta (même s’il préfère Blanqui) : lui du moins, ne se trompe pas de cibles. De la lettre épinglant le « patrouillotisme » au patriotisme parisien (c’est-à-dire républicain) du « Rêve de Bismarck », puis aux déclarations enflammées, épistolaires ou poétiques, d’adhésion à la Commune — aucun revirement, aucun hiatus ; fidèle à ses primes convictions, Rimbaud dans tous les cas réagit en républicain, c’est-à-dire en patriote (au sens de 92), et modifie son attitude en fonction des circonstances et, principalement, de ces deux événements diversement favorables au rétablissement d’une République, elle-même d’une nature différente de l’un à l’autre : la débâcle impériale, immédiatement suivie de la proclamation de la République et d’un « gouvernement de la Défense nationale », puis la sécession parisienne, qui d’emblée avait identifié la poursuite de la guerre à l’affrontement ultime, — non entre deux nations, — mais entre monarchismes féodaux et démocratie républicaine19.
Un certain mépris…
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20 Les deux, chez Gallimard ; le premier, en poche, dans la collection « Foli...
2005 : Sollers réédite ses Illuminations / à travers les textes sacrés (Gallimard, coll. « Folio »). La même année, donc, que le Rimbaud en son temps de Pleynet20 : coup double, dont l’intention stratégique est explicitement confirmée par l’abondance, chez Pleynet, à propos de Rimbaud, de citations de Sollers ou de références (à Studio, plutôt qu’à Illuminations), visant à le présenter comme le maître incontestable, et incontesté, en matière de rimbaldologie ! En revanche, Sollers ne mentionne pas Pleynet… d’ailleurs, il ne mentionne personne, signifiant par là que c’est bien lui, le maître. C’est — joli bouclage autoréférentiel — Pleynet lui-même qui renvoie à Risset citant la lettre que Sollers envoya jadis à Pleynet, à propos du manuscrit de son premier recueil : Provisoires amants des nègres. Note de bas de page point anodine, puisqu’elle suffit à légitimer la démarche d’appropriation à l’œuvre, d’un bout à l’autre, dans Rimbaud en son temps : inaugural, ledit recueil en effet se donnait déjà, explicitement, comme une lecture d’Une saison en enfer…
Et pourquoi, chez l’un comme chez l’autre, ce besoin quasi compulsif de clamer sa différenciation en renvoyant toutes les autres tentatives d’interprétation, de lecture, d’approche, à néant ? Sollers, en cette besogne, est le plus radical, ou caricatural : « On a déjà beaucoup écrit de lui [Rimbaud], direz-vous, des bibliothèques entières, de quoi décourager plusieurs vies de chercheurs, ficheurs, fouineurs, fouilleurs, charmants (et très utiles) grignoteurs de feuillets jaunis — mais le plus souvent pour masquer ce qu’il a dit, ou, ce qui revient au même, pour s’interroger sur son silence ; jamais, ou si peu, sur ce qu’il a écrit. » Soit ; mais cette condescendance… et pourquoi faire silence, à son tour, sur ce « si peu » — alors que le « beaucoup » est nommément identifié : Hugo ( ?), Mallarmé (« si peu », pourtant !), Verlaine, Claudel, Breton (bien sûr…), ou caractérisé : « voyant, voyou, névrosé, aliéné, enivré, mauvais sang et mauvais français […] ; ardennais, abyssin, alchimiste, matérialiste, coupable, pervers, et enfin papiste (pour les uns), communard (pour les autres) » (et dans cette énumération, il nous refait le coup d’Étiemble !…) — sinon, au moins implicitement (ou par défaut), pour le réduire à soi, s’en attribuer indûment tout le mérite ?
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21 Rimbaud : projets et réalisations, Champion, 1983.
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22 Le premier Rimbaud ou l’apprentissagae de la subversion, Presses Univ. de ...
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23 « Te voilà, c’est la force ». Essai sur Une saison en enfer de Rimbaud, Cl...
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24 Notamment, dans la revue Parade sauvage ou émanant de plusieurs de ses col...
Il faut évidemment ignorer « beaucoup » : de Pierre Brunel mettant en lumière le « projet anti-chrétien » de Rimbaud21 ou Steve Murphy sa combativité matérialiste, prolétarienne et athée22 à, plus récemment, Yann Frémy s’attachant avec une belle constance à la question de l’énergie et de ses métamorphoses dans la Saison et les « proses évangéliques23 » — sans parler de maintes autres publications24, qui ont profondément reconfiguré l’idée que nous pouvons nous faire aujourd’hui de l’œuvre comme de la personne même de Rimbaud — pour oser se contenter d’une assertion telle que : « En vérité, Rimbaud ne cesse de penser au Christ » (merci, on avait remarqué…), ou pour demander, en guise d’argument : « Qui a lu ces trois textes peu étudiés, les Proses évangéliques ? » Réponse attendue : personne ; ou en d’autres termes : Sollers — qui va vous en livrer, sur le champ, la teneur, l’ultime vérité : « Et c’est peut-être dans les Proses évangéliques que Rimbaud approche au plus près l’illumination. Écoutons-le : » (ainsi soit-il !) Et de citer (les citations sont longues, très longues !...) Et de citer les passages de Matthieu et de Marc qui en sont les probables hypotextes (les seuls ?) Mais le sens d’un texte, quel qu’il soit — celui, en l’occurrence et tout particulièrement, de Rimbaud — n’est aucunement déterminé par celui de ses hypotextes, fussent-ils « évangéliques ».
Insistons-y : débusquer Banville, Hugo, Lamartine, Glatigny, Coppée sous Rimbaud, voire Michelet ou les Évangiles, comme nous sommes quelques-uns à le faire, ce n’est pas (comme le voulut de toute sa mauvaise foi Étiemble) rabattre Rimbaud (cet incorrigible copieur…) sur Coppée, Lamartine, Hugo, Banville, Glatigny, Marc ou Matthieu — cibles plutôt que sources, ou opportuns catalyseurs (comme il put, un temps, espérer que le seraient personnellement Izambard, Demeny, Verlaine…), bientôt dépassés, et rejetés ; c’est, dans chacun des cas, ouvrir davantage encore « le texte de Rimbaud » à d’inaperçus effets de sens, potentiellement illimités. Voilà comment, par parti-pris anti-universitaire, anti-philologique ou anti-tout ce qu’on voudra, on finit par en revenir aux vieilles lunes d’une conception toute mimétique, et mécanique, des « sources », délaissée depuis belle lurette dans tous les travaux critiques un tantinet sérieux (et, l’avouerai-je ? je sais qu’il en est beaucoup, universitaires ou non, qui ne le sont guère…) Tout cela, en fin de compte, pour n’y voir — ce que c’est aussi, bien sûr — qu’une allégorie (une parabole) du passage-éclair de Rimbaud à Paris, où progresse inéluctablement l’incroyance, qu’il baptise étrangement : « nihilisme »…
18On s’est gaussé, à juste titre, naguère ou déjà jadis (1991), d’une entreprise de captation de Rimbaud (et de cette formule devenue slogan : « changer la vie ») menée, Jack Lang en tête, par un gouvernement socialiste en panne d’imagination ; cette fois, c’est d’une véritable falsification qu’il s’agit, ourdie par une ex-avant-garde auto-proclamée et ralliée, où le même Rimbaud se trouve enrôlé (malgré qu’il en ait écrit) dans une bien méchante entreprise, sous la sombre bannière du ressentiment : à une époque — la nôtre — où de gauche comme de droite (pas forcément extrêmes) c’est le principe même de (la) République qui se voit plus ou moins sournoisement, voire plus ou moins ouvertement, remis en cause, on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité de concevoir et de publier un tel livre, qui — ce n’est pas le moindre, ni le moins pernicieux, de ses paradoxes — prétend compromettre ce Rimbaud-là dans une vague de dénigrement, pour le moins irresponsable, de cette République-ci, ou de ce qu’il en reste.
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25 L’année précédente, Félicien Champsaur avait publié Dinah Samuel, fameux r...
19Dans sa lettre de Harar du 6 mai 188325, Rimbaud constate :
Vous me parlez des nouvelles politiques, si vous saviez comme ça m’est indifférent. Plus de 2 ans que je n’ai pas touché un journal. Tous ces débats me sont incompréhensibles à présent.
20À l’instar de Baudelaire après l’écrasement de l’insurrection populaire de juin 1848 et le coup d’État du 2 décembre 1851, Rimbaud, après la « Semaine sanglante » et les années de retour à l’« Ordre moral » — au sortir des accès de dérision « zutistes » et des grandes imprécations rageuses qui s’échelonnent de « Paris se repeuple » ou du « Bateau ivre » à « Qu’est-ce pour nous, mon cœur… » —, se retrouvait de plus en plus « dépolitiqué » : et, à la différence cette fois de son illustre prédécesseur, « trop artiste » sans doute pour cela, — passées Une saison en enfer et une liasse d’Illuminations — il se retrouva finalement, non moins, dépoétiqué.
21Le « nous », donc, le cédait au « je » qui, lui au moins, « y [était] toujours ». Mais un « je », qui allait lui-même en rabattre de ses prétentions au « dégagement », de ses « sophismes », de ses « enchantements » : de ses croyances (qui n’étaient plus déjà les « bonnes croyances » dont il s’était ouvert dans sa première lettre à Banville) ; un « je », brutalement confronté — mais, ne l’avait-il pas toujours été ? — à « la réalité rugueuse à étreindre » (Une saison : « Alchimie du verbe », « Adieu ») …Et à apprendre : si l’« Adieu » à la poésie comme à la politique se fait à retardement, et en plusieurs temps — à la différence encore de Baudelaire qui s’en remettait à l’antimoderne Joseph de Maistre, l’auteur des « Corbeaux », des « Premières Communions » et de « Ce qu’on dit au Poète à propos de fleurs », mais aussi de « Villes », de « Démocratie » ou de « Métropolitain », le « philomathe » impénitent se faisant « négociant » et explorateur n’est-il pas, à maints égards et dans tous les sens, « en avant » de la République positiviste et anticléricale de Littré et Gambetta ? —, il sera définitif ; mais le poète païen de « Credo in unam… » (« le Credo des poètes », avait-il insinué à Banville) ne baisse pas, pour autant, la garde, sur ce qui demeure la plus inébranlable de ses convictions : ce matérialisme athée, radical et ombrageux, directement issu des Lumières, qui lui fait dénoncer tous les « faux cieux » chrétiens ou même parnassiens (y compris ceux des Fêtes galantes).
22Ainsi, dans « Bonne pensée du matin » ; ainsi encore, dans « L’Éternité », où « la mer allée / Avec le soleil » compose une extase sensible, matérielle, immanente, qui se substitue à la félicité promise, mais toujours différée, par le christianisme. À moins qu’il ne faille y entendre le peuple (« la mer ») allé avec la République ou la Révolution issue des Lumières (« le soleil ») : extase politique cette fois, point incompatible d’ailleurs avec la précédente — « éternité » n’étant plus le nom d’une alternative transcendante au temps d’ici-bas (temps vécu et temps historique), mais d’une sortie émancipatrice hors des pièges de l’Histoire (aliénation sociale et religieuse)…
23Matérialisme athée, qui constitue l’assise philosophique de son républicanisme démocratique (autant que de son anti-Romantisme). Ce qu’il marquait, on ne peut plus nettement, dans ces deux vers des « Poètes de sept ans » :
Il n’aimait pas Dieu ; mais les hommes, qu’au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
24Mais aussi bien, deux ans plus tard, dans « Matin » (Une saison) :
Quand irons-nous, par delà les grèves et les monts, saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition, adorer — les premiers ! — Noël sur la terre !
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26 Marcel Gauchet, Le Désenchantement du monde, Gallimard, 1985. L’œuvre de B...
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27 Jürgen Habermas, « La Modernité : un projet inachevé », Critique n° 413, M...
25Tirer — comme le fit, en tout état de cause, Rimbaud — toutes les conclusions philosophiques, existentielles ou esthétiques et toutes les conséquences pratiques, en particulier politiques, du désenchantement du monde rendu possible, paradoxalement, par le christianisme comme « religion de la sortie de la religion26 », et démasquer, dans tous les discours d’époque — fussent-ils poétiques —, les procédés (idéologiques) qui n’ont d’autre objet (ou effet) que de le nier ou de le masquer, n’a rien de « nihiliste » : c’est, tout au contraire — fût-ce dans l’absolue négativité —, se situer résolument « en avant » de ce « projet (perpétuellement) inachevé27 » : les Lumières, la modernité… Le locuteur de « Mauvais sang » ne se dit-il pas d’une de ces familles « qui tiennent tout de la Déclaration des Droits de l’Homme » ? Continuité, toujours : dépolitication, — dépoétication, même —, définitives, mais en surface. Ou, mieux, en négatif : au point que certains (et en premier lieu, André Breton) n’hésitent pas à y reconnaître les criants symptômes d’un engagement poétique — et, par là-même, politique — plus radical encore, si ce n’est absolu… — D’où, l’appel « à une (nouvelle) raison » (dans le poème d’Illuminations, portant ce titre). Sollers s’interroge : « S’agit-il de rejeter la nôtre ? » Et il répond, à juste titre :
Nullement. Il s’agit de l’ouvrir, non seulement à un dépassement d’elle-même, mais encore à une aventure qui, dès lors, ne se conçoit pas sans un « nouvel amour ».
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28 Cf., sur ce point, Jean-Paul Jouary, Diderot et la matière vivante, Messid...
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29 Réponse à la question : « Qu’est-ce que “les Lumières” ? » (1784).
26— Ainsi, le jeune Diderot demandait-il d’« élargir Dieu28 » : il ne lui fallut pas longtemps pour devenir l’un des plus farouches tenants du matérialisme athée. — « Dieu est-Il mort ? » demande Sollers, « À demi vivant ? À naître ? » Et d’ajouter : « Et si ces trois questions n’en formaient qu’une seule ? » Soit. Mais à condition d’entendre : — La société occidentale (de tradition judéo-chrétienne) a-t-elle enfin compris que le sens de l’aventure humaine ne s’écrit pas Ailleurs, mais s’élabore ici-bas, par le faire et le dire humains ? Car telle est, fondamentalement, la question de la modernité : « On ne part pas. — Reprenons les chemins d’ici », lit-on encore dans « Mauvais sang » ; et, dans « Délires I » : « La vraie vie est absente » — et non, comme on le va répétant, « ailleurs »… Ou, en termes kantiens29 : — Est-elle enfin passée de l’enfance à l’âge adulte ? Est-elle en train de le faire ? Sur le point de le faire ? Un enfant déniaisé ne dira pas : « Le Père Noël est mort », mais : — Je ne crois plus au Père Noël. Il est grand temps que les intellectuels parisiens déniaisés disent, il est grand temps pour nous, occidentaux déniaisés (« désenchantés »), de dire : — Nous ne croyons plus en Dieu ; ou : Nous vivons dans une société débarrassée de toute Transcendance, et non plus : « Dieu est mort » (ou pas). Ni, comme on nous le va ressassant : « Comment “réenchanter” le monde ? » — Merci, on a déjà donné ! Et : « je croyais à tous les enchantements », déplore rétrospectivement le locuteur d’« Alchimie du verbe ». — Mais : Comment réapprendre à vivre, et à vivre ensemble, dans un monde enfin désenchanté ? C’est-à-dire : adulte, sans tutelle…
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30 Je souligne.
27C’est bien, s’il en est un, le sens qui se dégage, non seulement de l’œuvre (« Le Bateau ivre », évoquant les griseries, les stupeurs, les réveils douloureux que réserve l’expérience de « la liberté libre », trop « âpre » déjà pour Ophélie), mais de la vie de Rimbaud : ce véritable martyr du matérialisme athée qui jusqu’à ses derniers jours, tant qu’il le put, repoussa tout réconfort religieux, toute pensée apaisante d’un quelconque au-delà, alors que tout — les pires souffrances et le pire désespoir — l’y poussait. N’avait-il pas prévenu, dès sa lettre d’Aden du 15 janvier 188530 :
Enfin, le plus probable, c’est qu’on va plutôt où l’on ne veut pas, et qu’on fait plutôt ce qu’on ne voudrait pas faire, et qu’on vit et décède tout autrement qu’on ne le voudrait jamais, sans espoir d’aucune espèce de compensation.
28Sans doute est-ce là — secret ultime et longtemps su (et tu) de cette « blessure éternelle et profonde » (« Les Sœurs de charité ») dont se tourmentent tous les « misérables qui, femme ou idée, ne trouveront pas la Sœur de charité » — ce qu’il signifiait déjà, plus ou moins obscurément (et, pour ainsi dire, en mineur), à l’intention de Paul Demeny, dans sa lettre du 17 avril 1871 : « Ne sachant rien de ce qu’il faut savoir, résolu à ne rien faire de ce qu’il faut faire, je suis condamné, dès toujours, pour jamais. » Rien de mystique, on le voit, dans cette damnation-là, fût-ce « à l’état sauvage »…
Intellectuels français, encore un effort !…
Notes
1 Rimbaud, Tradition et modernité [Bertrand Marchal éd.], Éd. InterUniversitaires, Mont-de-Marsan, 1992.
2 Ceux qui merdRent, P.O.L., 1991.
3 « Rimbaud dans une Pléiade sans étoiles », La Quinzaine littéraire n° 988, du 16 au 31 mars 2009.
4 Déniera-t-on, à ce titre, au général de Gaulle en 1940, « une certaine lucidité politique » ?
5 Rimbaud tel que je l’ai connu, Mercure de France, 1963. Cf., sur ce point, Murphy dans Rimbaud, Œuvres complètes I, Honoré Champion, 1999.
6 Telle la séquence où Arthur [Leonardo DiCaprio] est censé raconter à Paul [David Thewlis] sa découverte du soldat tué, et la soudaine inspiration qui s’ensuivit, dans Total eclipse, film d’Agnieszka Holland (1995)…
7 Cf., sur ce point, Jean-François Laurent, « Le Dormeur du Val ou la chair meurtrie qui se fait verbe poétique », Parade sauvage « Rimbaud “à la loupe” », Charleville, 1990, relu par Murphy, Rimbaud et la ménagerie impériale, Presses Univ. de Lyon / CNRS, 1991.
8 « Nature » est alors un autre nom de la République — en d’autres termes, de « la Patrie » dont il est un des « enfants » —, à laquelle cette pietà impie confère les vertus ordinairement attribuées à la Vierge-mère. « L’iconographie révolutionnaire, rappelle Murphy, contient de nombreux enfants et nourrissons, qui représentent l’avenir de la Révolution. L’insistance avec laquelle on les met en scène s’accroît nettement lorsque l’existence de la Révolution se révèle précaire. Marianne meurt, mais son enfant est là pour la venger et pour assurer la relève. »
9 Significativement, les deux mots sont isolés en tête de vers…
10 Ce qu’Étiemble, déjà, rétorquait à Cocteau affirmant (pour d’autres raisons) : « Au fond, le Maréchal n’est pas tellement vieux. Réfléchissez, il a exactement l’âge de Rimbaud. » Et de conclure : « or Rimbaud, il s’en faut de deux ans, n’a pas l’âge de Pétain » (« Éléments fabuleux dans la vie de Rimbaud », Parade Sauvage n° 5, 1988.) L’exact contemporain de Pétain, s’il en faut un, c’est… Freud !
11 « Née de la défaite des armées de l’Empire », tel fut le mot de Jules Ferry.
12 Suite au « pacte de Bordeaux ».
13 C’est, très exactement : « Adolphe Thiers, à la tête d’un gouvernement républicain dominé par les monarchistes […] avec la complicité contre-révolutionnaire des légitimistes et des bonapartistes […] et lui-même considéré comme le représentant par excellence de l’Orléanisme déguisé en républicanisme. » (Murphy, Rimbaud et la Commune, Classiques Garnier, 2010.)
14 Bourgeoise et affairiste, mais sachant manier les symboles, cette République-là ne se confondra bientôt plus avec l’autre, et les tenants d’une République sociale — ou d’une « Sociale » tout court — verront en elle « l’ennemi », tout autant que « le cléricalisme » : mais Rimbaud, alors, n’y sera plus…
15 C’est, d’Édouard Drumont à Jacques Doriot, la tradition antisémite française la plus virulente, qui « célébrait les braves communards, victimes de la “République juive” » : cf., sur ce point, Michel Winock, La Fièvre hexagonale, Calmann-Lévy, 1986. (Doriot n’alla-t-il pas, sous l’Occupation, jusqu’à reprendre, pour son journal offensivement collaborationniste, le titre de celui de Jules Vallès : Le Cri du peuple ?)
16 La « commune de Bordeaux », prologue de la « Révolution nationale »…
17 Je souligne.
18 Cf., sur ce point, Jean Birnbaum, Les Maoccidents, Stock, 2009.
19 Dès le 7 septembre, Blanqui n’avait-il pas lancé le premier numéro de La Patrie en danger, daté du 21 fructidor an LXXVIII ?
20 Les deux, chez Gallimard ; le premier, en poche, dans la collection « Folio ».
21 Rimbaud : projets et réalisations, Champion, 1983.
22 Le premier Rimbaud ou l’apprentissagae de la subversion, Presses Univ. de Lyon / CNRS, 1990.
23 « Te voilà, c’est la force ». Essai sur Une saison en enfer de Rimbaud, Classiques Garnier, 2010, issu d’une thèse de doctorat soutenue en 2003.
24 Notamment, dans la revue Parade sauvage ou émanant de plusieurs de ses collaborateurs habituels ou occasionnels…
25 L’année précédente, Félicien Champsaur avait publié Dinah Samuel, fameux roman à clés où Rimbaud était évoqué (et cité) sous le nom d’Arthur Cimber. L’un des personnages, dont le modèle est Maupassant, y déclare : « nous apprécierons, en dehors de toute sentimentalité, comme Herbert Spencer, le patriotisme qui est à l’État ce que l’égoïsme est à l’individu » — témoignant ainsi d’un funeste glissement sémantique, que prétendait légitimer l’application indue de la théorie darwinienne aux sociétés humaines, au profit d’un capitalisme triomphant, bien décidé à s’affranchir de tous les scrupules altruistes…
26 Marcel Gauchet, Le Désenchantement du monde, Gallimard, 1985. L’œuvre de Baudelaire, « poète catholique » envers et contre tous, en constitue — cela n’a pas échappé à Rimbaud — un moment crucial.
27 Jürgen Habermas, « La Modernité : un projet inachevé », Critique n° 413, Minuit, 1981.
28 Cf., sur ce point, Jean-Paul Jouary, Diderot et la matière vivante, Messidor / Éditions sociales, 1992.
29 Réponse à la question : « Qu’est-ce que “les Lumières” ? » (1784).
30 Je souligne.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Jean-Pierre Bobillot
Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – ÉCRIRE