La Réserve : Archives Jean-Yves Vialleton
Les anecdotes sur le comédien classique : pour une approche comparative
Initialement paru dans : François Lecercle, Sophie Marchand et Zoé Schweitzer dir., Anecdotes dramatiques, de la Renaissance aux Lumières, Paris, PUPS, coll. « Theatrum mundi », 2012, p. 53‑64
Texte intégral
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1 Pour des exemples, voir les anecdotes rapportées par d’Hannetère, dans Obse...
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2 V. Fournel, Curiosités, op. cit., p. 221-222 ; S. Chaouche, La Scène en con...
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3 Lucien de Samosate, XXXII, « De saltatione », « De la danse », dans Œuvres ...
1Dans les anecdotes concernant les comédiens et les auteurs dramatiques de l’âge classique s’observent souvent le retour de motifs caractéristiques et la reprise avec variation de mêmes schémas. Parmi les exemples les plus frappants d’anecdotes qui semblent construites sur le même modèle, on peut évoquer ces nombreuses anecdotes qu’on pourrait appeler celles de l’illusion parfaite (parce qu’il a pris ce qui se passait sur scène pour la réalité, un spectateur intervient en parole ou en action dans la représentation1) ou encore celles qui attribuent la mort d’un acteur aux efforts qu’il a dû fournir pour tenir son rôle2. Il arrive aussi qu’une anecdote moderne en rappelle une autre, antique. Ainsi les anecdotes qui illustrent ce que Diderot appelle le « paradoxe du comédien » semblent comme trouver leur source, leur « étymon », dans une anecdote sur le coup de folie d’un danseur interprétant le rôle d’Ajax, anecdote rapportée dans le dialogue de Lucien sur la danse3. Lucien nous donne à admirer cette folie par identification (la fureur se transmet au public selon la chaîne dont Platon parle dans Ion) tout en la condamnant au profit d’un jeu maîtrisé (dont un rival du danseur donne l’exemple).
2Je voudrais simplement proposer quelques réflexions sur les problèmes qu’implique ce phénomène pour l’étude des anecdotes dramatiques, mais aussi sur les perspectives qu’il ouvre.
I. L’éternel retour des anecdotes
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4 M. Descotes, Le Public de théâtre et son histoire, Paris, PUF, 1964, p. 59.
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5 Voir aussi Plutarque, « Comparaison d’Aristophane et de Ménandre », 854A-D,
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6 Jean Christian Dumont et Marie Hélène François-Garelli, Le Théâtre à Rome, ...
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7 Outre la contradiction interne des arguments donnés, on peut trouver des ar...
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8 V. Fournel, Curiosités, op. cit., p. 54.
3On peut refuser l’utilisation de l’anecdote comme document historique en rappelant qu’elle constitue une source dont la véracité est douteuse. Il ne me semble pourtant pas que ce soit l’objection majeure : on peut prétendre recouper les anecdotes et, de toute façon, on peut toujours se tirer de ce pas en disant que l’anecdote est au moins « significative ». Bien plus embarrassant est le problème de l’éternel retour de l’anecdote sous différents avatars. Plusieurs anecdotes sur la turbulence du parterre permettent à Maurice Descotes dans l’histoire qu’il nous a donnée du public de théâtre en France d’évoquer le public du début du xviie siècle, comme une « foule à l’état brut »4, avant qu’il ne devienne dans les années 1630 un public d’honnêtes gens. Cette brusque mutation semble indubitable puisqu’elle est signalée par quelques témoignages du xviie siècle. Mais ces témoignages évoquent le passage d’un théâtre licencieux à un théâtre épuré d’abord pour faire l’apologie du théâtre et ils le font sur un schéma antique, celui par lequel Aristote rendait compte de l’évolution de la comédie grecque5 et que les Latins avaient déjà réutilisé dans la légende des origines de leur théâtre6. La mutation du public au début du xviie siècle est pourtant généralement reçue comme un fait incontestable7 et tous les arguments semblent bons pour la prouver. Par exemple, on affirme l’absence des aristocrates dans la salle, mais on donne d’autres arguments qui tout en allant dans le sens d’un public louche contredisent ce premier argument : le chahut causé par les pages, le théâtre comme refuge des libertins (d’après Garasse). On affirme qu’une femme honnête n’aurait pas pu supporter le répertoire de l’Hôtel de Bourgogne du début du siècle, tout en mentionnant que le spectacle des mêmes pièces était donné devant la cour. Mais le problème majeur est que des témoignages du xviiie siècle racontent la même brusque mutation, illustrée d’anecdotes comparables, mais pour une époque plus tardive. Diderot date cette mutation de l’installation de sièges au parterre : avant cela « nos théâtre étaient des lieux de tumulte […] La pièce commençait avec peine, était souvent interrompue8 ». Le motif de la fin de la turbulence du public d’autrefois n’a donc rien d’historique : il est, comme celui du « début de tous mes malheurs » dans l’autobiographie de Jean-Jacques Rousseau, un événement unique et fondateur mais qui revient sans cesse. Des observations analogues pourraient être faites sur la naissance du naturel au théâtre ou sur le remplacement des costumes fantaisistes par des costumes convenant aux personnages.
4Le thème du colloque nous invite à répudier la naïveté épistémologique d’une utilisation des anecdotes comme sources historiques, en proposant une exégèse de ces anecdotes, en tant qu’elles nous diraient quelque chose sur le théâtre. Mais l’éternel retour de l’anecdote sous différents avatars met là encore un obstacle. Comment dégager une « pensée » de l’anecdote quand une des choses qui la caractérise est son ambiguïté tonale et son usage polyvalent ? Les anecdotes de l’illusion parfaite peuvent illustrer, selon une expression de Victor Fournel, la « puissance de réalité prodigieuse » d’une représentation, mais elles peuvent tout à l’inverse dire le ridicule qu’il y a à confondre réalité et fiction. C’est dans cette seconde modalité que l’anecdote apparaît au xviie siècle dans Le Berger extravagant de Sorel (I, III) : Lysis assistant à une pastorale à l’Hôtel de Bourgogne se jette sur la scène pour avertir la bergère du piège qu’on lui tend. Quand au xviie siècle on évoque la turbulence du public d’autrefois, c’est pour se louer que le théâtre ait abandonné sa grossièreté primitive. Mais quand Diderot le fait, c’est au contraire pour regretter que le théâtre soit devenu « froid » (annonçant ceux qui au XXe siècle croient retrouver dans le passé leur rêve d’un théâtre plus libre, et quiqui permettait la « participation » du public).
5L’éternel retour de l’anecdote n’a pas échappé aux anecdotiers eux-mêmes et ils y ont réagi de façons très différentes.
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9 Joseph de la Porte, Jean-Marie Clément, Anecdotes dramatiques […], Paris, V...
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10 Sources : Cicéron, Sur la divinisation, 1 36, 79 et 37, 80 ; II, 66 ; De l...
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11 D’Hannetaire, op. cit., repris dans S. Chaouche, op. cit., n° 28 et n° 76
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12 Ibid., n° 17.
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13 Anecdotes dramatiques, op. cit., troisième partie c’est-à-dire fin du tome...
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14 « Cette maladie des Abdéritains s’est renouvelée de nos jours, dans la Cap...
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15 Sabine Chaouche, La Scène en contrechamp, op. cit., note 116, p. 73-74 (An...
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16 Scudéry (L’Apologie du théâtre, Paris, A. Courbé, 1639, p. 86) couple les ...
6Pour ceux qui pensent qu’on ne peut rien inventer qui n’ait été connu des Anciens, ce retour est naturel. Pour rendre compte d’une émotion théâtrale, rien de plus normal que de la rapprocher de ce que l’Antiquité nous raconte sur les effets merveilleux de certains spectacles. C’est la démarche du Père Rapin louant Mondory dans un jugement souvent repris, par exemple dans la notice consacrée à la Marianne de Tristan L’Hermite dans les Anecdotes dramatiques : « Le P. Rapin assure que l’on ne sortait de la représentation de cette pièce, qu’avec un air rêveur, et qui ressemblait aux effets que produisaient sur l’âme des Spectateurs, les anciennes Tragédies des Grecs »9. Un grand acteur ne peut être alors qu’un nouveau Roscius10. L’antonomase est habituelle, elle sert à désigner Mondory, Montfleury, Baron (dont on dit qu’il la revendiquait lui-même11), comme Garrik12. Elle relie l’acteur qu’elle sert à louer à son imago antique. Dans les Anecdotes dramatiques, les anecdotes antiques sont classées à part13, mais lorsqu’est rapportée l’histoire des Abdéritains fous de théâtre, se prenant tous pour des acteurs, elle est rapprochée de la « théâtromanie » moderne14. Les anecdotes antiques sont même parfois au cœur des discussions théoriques, comme l’a relevé Sabine Chaouche : c’est le cas au milieu du xviiie siècle de l’anecdote du danseur de Lucien15, rapproché traditionnellement de celle d’Ésopus jouant Atrée raconté dans la Vie de Cicéron par Plutarque16
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17 Nouvelle édition complétée, Paris, F. Delaulne, 1729, t. I, premier folio,...
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18 Cicéron, De Officiis, I, § 103 et suiv. (facéties de Plaute, apophtegmes r...
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19 D. de Colonia, De arte rhetorica […] editio nova, Lugduni, apud Andream Pe...
7Certains anecdotiers au contraire ne veulent pas que ce rapprochement soit possible. La préface du Menagiana17 utilise des termes chargés de références antiques : les bons mots y sont par exemple définis sur le modèle des facetiae. Mais elle revendique le « singulier et le nouveau » : « J’espère que le Public me saura gré de ce travail. Il n’y trouvera point de ces apophtegmes tirés des Plutarque, de Diogène Laërce, ou de Stobée ; point de ces fades collections de la seconde ou de la troisième main ». Ce « singulier et nouveau » est aussi un gage de vérité : quand une anecdote rappelle trop telle autre anecdote, elle risque de se dénoncer elle-même comme forgée. L’affirmation du Menagiana (qu’il faut probablement lire comme ce que les psychanalystes appellent une dénégation), en refusant les sources antiques, signale leur existence et indique leur nature, les dits et faits mémorables, qui peuvent relever traditionnellement de la plaisanterie comme du sublime18. Elle nous rappelle par là qu’il est inutile de partir à la recherche d’une poétique formelle de l’anecdote, puisqu’on la trouvera toute faite dans le chapitre de manuel de rhétorique concernant la chrie. La chrie est un des exercices pour débutants indiqué par Hermogène et Aphtonius. Un manuel scolaire du début du xviiie siècle comme celui du Père Dominique de Colonia la range dans les elementa initiaux et la définit comme une commemoratio facti, vel dicti cujuspiam utilis, et memoria digni19.
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20 Chapitre 25, 1460b 32-36.
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21 J. Jehasse, La Renaissance de la critique. L’Essor de l’humanisme érudit d...
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22 Les Caractères, « Des ouvrages de l’esprit », 54.
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23 Anecdotes dramatiques, op. cit., t. II, p. 493.
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24 Édition de 1740, article « Euripide », note K.
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25 Op. cit., p. 224.
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26 E. Kris et O. Kurz, L’Image de l’artiste. Légendes, mythe et magie [1934, ...
8D’autres anecdotiers enfin ont accepté cet éternel retour avec la pleine conscience de ce qu’il pouvait avoir de troublant. Il arrive qu’une histoire contemporaine reprenne une histoire ancienne tout en étant véridique. Le couple Corneille et Racine fait revivre le couple Sophocle et Euripide. Dans la Poétique20, Aristote explique que Sophocle peint les hommes comme ils devraient être et Euripide tels qu’ils sont. Le passage d’Aristote est souvent cité et il est même transformé en « bon mot » de Sophocle lui-même par Camerarius, dans l’édition des tragédies de Sophocle de 1568 par Henri Estienne21. Le jugement de La Bruyère sur les deux dramaturges qui informe la tradition critique postérieure n’en est qu’une transposition22. Mais, fait plus étonnant, la vie elle-même des deux auteurs modernes semble copier celles des deux auteurs antiques. Comme le rappelle les Anecdotes dramatiques, « Sophocle avait d’abord souci du mérite naissant d’Euripide. Ils se brouillèrent depuis. Il se fit dans Athènes deux parties pour ces deux poètes. […] Le temps mit un terme à cette rage »23. Euripide finit par louer son ancien rival, comme le fera Racine dans son discours de l’Académie. L’analogie n’est pas explicitée dans les Anecdotes dramatiques, mais elle l’est dans le dictionnaire de Bayle, que cette analogie trouble24. Ce phénomène est relevé par Victor Fournel qui l’appelle « analogie de destinée »25 et l’est aussi sous le nom d’« actualisation biographique » par Ernst Kris et Otto Kurtz dans leur essai fameux de 1934, L’Image de l’artiste. Légende, mythe et magie26. Les anciennes biographies d’artistes sont une source majeure pour l’histoire de l’art de la Renaissance italienne, mais Kris et Kurtz ont montré que ces textes peuvent aussi être lus autrement. Ils ont constaté que d’une « vie » à l’autre se retrouvent des anecdotes comme faites sur le même modèle et qu’elles se trouvent souvent déjà dans la « littérature artistique » léguée par l’Antiquité, en particulier dans Pline l’Ancien. La littérature artistique selon eux peut être lue comme une légende rendant compte de ce qu’ils appellent l’« "énigme de l’artiste" comme phénomène sociologique ».
II. Familles et étymons
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27 A. Van Gennep, Manuel de folklore français, Bibliographie, rééd. Paris, La...
9La solution aux problèmes qu’on rencontre lorsqu’on entreprend d’étudier l’aecdote dramatique est donc peut être de ranger celle-ci avec les mythes, les légendes, les contes ou les histoires drôles, dans ce que le grand folkloriste Arnold Van Gennep a appelé la « littérature mouvante »27. Il est alors possible d’hériter de méthodes bien éprouvées et propres à faciliter la tâche.
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28 Vies des douze césars, “Vie de Caius Caligula », LVII.
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29 Voir H.-J. Uther, introduction à l’édition Helsinki, Suomalainen Tideakate...
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30 The Greatest Show on Earth, Paramount, 1953.
10On peut imaginer qu’il serait possible de dresser, à la manière des travaux initiés par Annti Aarne pour le conte populaire, un inventaire des motifs récurrents et des anecdotes-types. La mise en série permet de lire tel ou tel trait comme un motif. Une des versions de la mort de Molière (fausse, mais peu importe) lui fait vomir du sang alors qu’il est sur scène. On trouve déjà un vomissement de sang sur scène à propos du mime Lauréolus dans la Vie de Caligula par Suétone28 (il ne faut pas oublier les vies des grands personnages antiques dans la recherche des sources de l’anecdote dramatique : ces « vies » consacrent souvent une section aux spectacles offerts par le personnage). La constitution d’un répertoire d’anecdotes-types rencontrerait certes les mêmes objections théoriques que celles qu’on a pu faire à la classification Aarne-Thompson des contes-types29. Elle aurait en tout cas l’avantage de mettre en série les variantes et de fixer leur datation. Dans les anecdotes de l’illusion parfaite par exemple, le spectateur trompé qui est un « visionnaire ridicule » dans le roman de Sorel devient plus tard un naïf, un jeune homme de province et du Sud, souvent un grenadier commis à la surveillance du théâtre… Elle permettrait aussi de mettre au jour le mythisme d’anecdotes apparemment insignifiantes. De nombreuses anecdotes racontent comment un comédien ou une comédienne sauve la continuité de la représentation, malgré un incident parfois minime, parfois très grave. Ces anecdotes sont banales et beaucoup d’entre elles doivent être véridiques : Maria Casarès racontait comment, dans une sorte de transe, elle avait pu aller jusqu’au bout de son rôle alors qu’elle s’était cassé la jambe au cours de la représentation. Leur force se comprend mieux si on les range avec le motif hollywoodien du spectacle qui a le devoir étrange de continuer envers et contre tout : on se rappelle les clowns cachant leur blessure sous le fard après l’accident de train dans le film de Cecil B. DeMille, Sous le plus grand chapiteau du monde30. Elle se comprend mieux encore si l’on se souvient d’une histoire romaine racontée par Festus. Les armées carthaginoises tentent d’envahir Rome pendant les Jeux apollinaires, les Romains s’en vont aux murailles pour les repousser. Le vieux mime Marcus Pomponius maintient la continuité du jeu en dansant pendant la bataille.
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31 V, 9.
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32 V. Fournel, Curiosités, op. cit., p. 267, à propos des médicaments prévus ...
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33 Livre VIII, 1340a.
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34 Anecdotes dramatiques, op. cit., t. II, p. 493.
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35 H. Prunières, Le Ballet de cour en France avant Benserade et Lully, Paris,...
11Cette démarche exercerait aussi à distinguer avec rigueur des types proches, en s’appuyant seulement sur l’analogie des scénarios et donc sans préjuger de la signification des anecdotes, on l’a vu par nature ambigüe. Victor Fournel rapprochent des anecdotes modernes de l’illusion parfaite de deux anecdotes antiques célèbres, celle de l’apparition des Euménides sur scène dans la dernière pièce de l’Orestie qui provoque l’accouchement des femmes enceinte et de celle de la folie des Abdéritains. Il range ces deux anecdotes antiques dans les « représentations prises au sérieux » parce qu’il ne les distingue pas des « effets produits par la pièce et les acteurs ». Mais elles ne contiennent pas le motif de l’intervention du spectateur dans la représentation qui peut singulariser les anecdotes de l’imitation parfaite, elles contiennent en revanche celui de la réaction physique violente. Il faut donc plutôt ranger les deux anecdotes comme étant du type « effets merveilleux produits sur le public », avec celle que raconte Philostrate dans la Vie d’Apollonius de Tyane31 où le public sort du théâtre « comme si un Dieu s’était manifesté ». Ce type rappelle des anecdotes cinématographiques du xxe siècle, qui sont parfois aussi, comme le remarquaient Victor Fournel à propos de certaines anecdotes théâtrales des « réclames déguisées »32. Il se confond avec un type d’anecdotes concernant les effets de la musique, ce qui rappelle que l’interprétation de la catharsis dans la Poétique s’est faite par recoupement avec ce que dit Aristote de la musique dans le Politique33. L’anecdote selon laquelle « on ne sortait de [l]a pièce des Sept contre Thèbes, qu’avec la fureur de la guerre dans le sein »34 est à rapprocher de celle de la chanson composée en mode phrygien pour les noces du duc de Joyeuses et dont l’audition donne subitement à un gentilhomme l’envie de se battre35.
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36 S. Chaouche, L’Art du comédien. Déclamation et jeu scénique en France à l’...
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37 II, 251, LXI. « Sed ore, vultu, [imitandis moribus,] voce, denique corpore...
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38 A. Ross Curtis, Crispin Ier : la vie et l’œuvre de Raymond Poisson, comédi...
12Un répertoire amènerait aussi à mettre en évidence certains types peu signalés comme tels. Il me semble que c’est le cas des anecdotes de la reconnaissance d’une personne réelle, voire de soi-même, dans le personnage. Les anecdotes sur Molière ne contiennent curieusement pas d’anecdote de l’illusion parfaite (pas de spectateur avertissant Orgon du danger qu’il court) ni d’anecdote où Molière se prend pour son personnage. Les évocations ne Molière-acteur tourne autour de deux aspects : l’expressivité corporelle et le personnage-miroir. On loue le naturel de Molière, mais ce naturel reste étrangement visible. C’est que l’éloge de Molière reprend l’éloge que l’Antiquité faisait des mimes et des danseurs, en tant qu’ils pouvaient donner des modèles à l’orateur. On peut trouver dans les descriptions du jeu de Molière un signe qu’il rompt avec un jeu modelé sur l’actio rhétorique36, mais la description la plus célèbre de ce jeu, par Donneau de Visé en 1673, rappelle beaucoup en réalité un texte de Cicéron : la description du jeu de Sannion dans le De oratore37. Quant au motif du personnage-miroir, il est bien représenté, et revendiqué par Molière lui-même qui fait dire à Mlle Molière dans L’Impromptu : « Pourquoi fait-il de si méchantes pièces que tout Paris va voir et où il peint si bien les gens que chacun s’y connaît ». En 1751, Goldoni fait de Molière un personnage pour lui rendre hommage. Il utilise la vie de Molière par Grimarest, mais ajoute un personnage de dévot hypocrite, Pirlon, qui n’est pas dans sa source et qui lui permet de développer un schéma de la reconnaissance. La servante de Molière fait semblant d’être sensible au charme de Pirlon pour lui dérober ses habits, habits que Molière utilise comme costume pour jouer Tartuffe. Appartient au même type l’anecdote selon laquelle. Colbert devient l’ennemi de Poisson, car il croit reconnaître dans le costume de l’acteur son propre habit et pense que celui-ci le joue38. Le schéma de la reconnaissance est un schéma de la disjonction en ce qu’il est agressif pour un tiers et en ce qu’il opère une duplication. Il s’oppose donc parfaitement à celui de l’illusion parfaite comme à celui de l’acteur se prenant pour son personnage, qui se fondent sur des schémas de la conjonction. Une anecdote de la reconnaissance se trouve dans Pline qui souligne cette duplication en la redoublant : deux consuls se croient joués par deux acteurs jumeaux qui leur ressemblent.
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39 Lucien (trad. citée, p. 19) interprète la légende du Protée égyptien (Odys...
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40 Trad. citée, p. 79.
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41 Trad. citée, p. 35, p. 47.
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42 Trad. citée, p. 79.
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43 Trad. citée, p. 79.
13Le motif du personnage-miroir est lié à la définition traditionnelle de la comédie comme speculum vitae, mais pas exclusivement : on sait que Chéri-Bibi allant au théâtre s’aperçoit qu’Œdipe est « un type dans son genre ». Le motif se trouve dans un texte qui développe en même temps l’anecdote de l’identification de l’acteur à son rôle, et qui en outre suggère des rapprochements avec les êtres mythologiques capables de métamorphoses39, celui de Lucien sur la danse. Le but du danseur est d’obtenir que le spectateur reconnaisse « ses propres sentiments et voie dans le danseur comme un miroir de soi-même, ses passions, ses actions de chaque jour »40. Cela confirme l’intérêt qu’on doit accorder à ce texte. Il est peut-être, comme le traité de Plutarque sur la manière d’expliquer les poètes aux enfants (De audiendis poetis), une source négligée de la pensée classique du théâtre. Lucien justifie la dignité de la danse en la rapprochant de la rhétorique (elle représente caractères et passions41) et surtout en montrant qu’elle n’est pas seulement agréable mais utile. Cet éloge qui vise à justifier la danse face aux pratiques plus sérieuses de la tragédie et de la comédie pourra pourtant servir de source aux défenseurs modernes du théâtre. C’est dans ce texte qu’on trouve la source d’un argument classique bien connu : celui de la légitimité de la représentation de l’amour à condition que l’histoire d’amour finisse mal, ce qui fait de sa représentation non une incitation mais un remède à la passion amoureuse42. Mais surtout on y trouve la justification de la danse comme remède à la mélancolie43 dans un contexte qui donne la clé de ce thème, en l’ancrant non dans la tradition médicale, comme on le fait aujourd’hui généralement, mais dans la philosophie sophistique : Lucien reprend le fameux thème du breuvage d’Hélène, de ce pharmacon dont Gorgias avait fait l’image de la puissance de la parole du sophiste. Revenir aux racines des anecdotes, on le voit, ce n’est pas partir à la quête d’une vaine origine, mais sonder le terrain de la mémoire culturelle. L’anecdote peut être ce qu’est l’humble fleur sauvage pour un géologue, qui grâce à elle devine la nature et de la stratigraphie du sol sur lequel il se promène.
III. Groupes de transformations
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44 Nuits attiques, VI, 5.
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45 Scudéry, L’Apologie, op. cit., p. 86 ; Anecdotes dramatiques, t. II, p. 49...
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46 Cl. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958, p. 253 et ...
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47 D’Hannetaire, dans S. Chaouche, La Scène en contrechamp, op. cit., n° 64.
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48 Grimarest, Vie de M. de Molière [1705], dans Molière, Œuvres, éd. P.-A. To...
14Une approche typologique est cependant insuffisante face à l’infinie variation. Certaines recherches sur la « littérature mouvante » ont essayé non de dégager des types analogiques au-delà des variations, mais de rendre compte du mécanisme de ces variations mêmes. On sait que Claude Lévi-Strauss a pu montrer dans les mythes amérindiens comment sur une même armature pouvait se développer jusqu’à l’épuisement logique un groupe de transformations. Si l’on cultive une tournure d’esprit stucturale, on s’aperçoit que certaines anecdotes dramatiques sont de petits chefs d’œuvre. L’anecdote prise d’Aullu-Gelle44 et souvent rapportée45 de l’acteur Pôlos qui joue sur scène le deuil d’Électre avec l’urne contenant les cendres de son fils mort est un véritable cristal. Dans le monde ordinaire, le fils vivant disparaît et le père lui survit. Sur scène, le fils réapparaît sous une forme désincarné et le père disparaît en incarnant le personnage. Pôlos se transforme en Électre, c’est-à-dire en son parfait contraire : un homme mûr géniteur se transforme en une femme jeune qui, l’étymologie de son nom le dit, ne connaît pas l’acte de procréation. Vue ainsi, l’anecdote peut être comparée à d’autres anecdotes qui semblent à première vue n’avoir rien de commun, mais qui partagent les mêmes « armatures » ou qui entretiennent avec elles des rapports de transformation, inversion ou « double torsion »46. C’est le cas des anecdotes mettant en jeu le retour sur scène d’un objet réel dont on s’était séparé ou de celles où une mère ou un père assistent à une représentation où joue le fils dont ils se sont séparés. Cette dernière situation se trouve dans des anecdotes47, mais on sait que c’est aussi celle qui est à la base de L’Illusion comique de Corneille. Dans l’anecdote de Pôlos, à l’échec de l’engendrement naturel s’oppose la réussite de l’artifice de l’artiste : à l’inverse, mais sur la même armature, Molière meurt quand il reprend des relations sexuelles selon Grimarest48.
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49 E. Kris et O. Kurtz, L’Image de l’artiste, op. cit., p. 96-101 ; nombreux ...
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50 E. Hénin, Ut pictura theatrum : théâtre et peinture de la Renaissance ital...
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51 IV, 7, v. 1274.
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52 D’Hannetaire, dans S. Chaouche, La Scène en contrechamp, op. cit., n° 17 e...
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53 M. Baxandall, Les Humanistes à la découverte de la composition en peinture...
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54 L’Image de l’artiste, op. cit., p. 107.
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55 D’Hannetaire, dans S. Chaouche, La Scène en contrechamp, op. cit., n° 57 ;...
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56 D’Hannetaire, S. Chaouche, La Scène en contrechamp, op. cit., n° 39.
15La démarche visant à élaborer des types oppose les anecdotes où l’acteur s’identifie à son personnage et les anecdotes de l’illusion parfaite. Mais ces deux types appartiennent peut-être pourtant au même groupe de transformation. J’ai cherché en vain dans les anecdotes théâtrales antiques un étymon aux anecdotes de l’illusion parfaite. On ne peut trouver cet étymon que dans les légendes de peintres, où le tableau pris pour la réalité donne lieu à des anecdotes nombreuses et pérennes49. On ne s’étonnera pas de ce recoupement bien connu entre pensée de la peinture et pensée du théâtre50. Certains dramaturges antiques (Euripide, Pacuvius) étaient d’ailleurs, selon leur biographie légendaire, aussi peintres. Rotrou met dans son Saint Genest des motifs venant de la vie des peintres, par exemple l’exploit qui consiste à tromper même un confrère51. Une série d’anecdotes sur Garrick joue sur ce recoupement52. L’important est plutôt de remarquer le trait qui distingue nettement l’illusion picturale parfaite de l’illusion dramatique parfaite. La première sert à faire triompher le peintre ; le tableau devient vivant. Un des stéréotypes de l’éloge classique du tableau, qui vient d’un vers de Virgile et que est déjà chéri par les premiers humanistes53, est de dire que l’être animé qu’il représente semble respirer. Kris et Kurtz ont soutenu la thèse que le groupe d’anecdotes du genre de celle des raisins de Zeuxis remémorait « le pouvoir de l’artiste mythique capable de créer la vie et le mouvement »54. Mais dans les anecdotes concernant le théâtre, l’illusion parfaite s’accompagne d’un danger, souvent d’un risque de mort. Le spectateur ou le partenaire qui prend la fiction pour la réalité blesse ou tue l’acteur, ou bien interrompt la représentation en l’avertissant du danger que ne court que le personnage. En outre, l’agression y prend une valeur inverse de la vie réelle : Mlle Dumesnil frappée par un grenadier qui la prend pour son personnage, Cléopâtre dans Rodogune, remercie celui-ci comme lui ayant offert « l’éloge le plus flatteur » possible55. Dans des anecdotes où l’acteur s’identifie à son personnage, comme dans l’histoire du danseur de Lucien jouant Ajax ou dans celle d’Ésope jouant Atrée, même danger : l’acteur blesse ou tue un comparse ou un spectateur en poussant à sa perfection la représentation. Les anecdotes de la reconnaissance de soi-même peuvent aussi finir tragiquement, quand le spectateur répond violemment à l’agression dont il se croit l’objet56. Au théâtre, la confusion de la fiction et du réel ne consiste pas à faire paraître plus vivant le personnage. L’identification y est à la représentation ce que la mort est à la vie, c’est-à-dire la fin au deux sens du terme, l’aboutissement ultime et en même temps l’inversion. Il n’est pas étonnant qu’on enterre les comédiens dans le costume de leur rôle phare, Gérard Philipe en Rodrigue et Bela Lugosi en Dracula.
16Les énigmes que nous livrent les anecdotes confrontent le théâtre au mystère du rapport entre la nature et l’artifice, entre le monde ordinaire et l’autre monde, entre les vivants et les morts, rapports si fondamentaux qu’un topos comme le théâtre du monde, aussi antique qu’il soit, n’apparaît en comparaison que comme une variante locale. Dans cette perspective, la question de la véracité de l’anecdote est bien sûr sans importance, car ce qui donne sa vérité à l’anecdote est cela même qui donne sa vérité à la vie. La vie n’a que peu de réalité si elle n’est pas inscrite dans la culture qui persiste à lui donner forme et sens par l’éternel retour des histoires qu’elle raconte et des rites qu’elle fait accomplir. On comprend la joie des Romains revenant après la victoire et trouvant le vieux mime qui avait continué à danser : grâce à lui, la Ville était sauvée.
Notes
1 Pour des exemples, voir les anecdotes rapportées par d’Hannetère, dans Observations sur l’art du comédien (2e éd., 1774), recueillies dans S. Chaouche, La Scène en contrechamp. Anecdotes françaises et traditions de jeu au siècle des Lumières, Paris, Champion, 2005, anecdotes n° 56-58 et n° 93, et V. Fournel, Curiosités théâtrales […], nouvelle édition revue, corrigée et très augmentée, Paris, Garnier frères, 1878, chapitre XVIII, « Effets produits par les pièces et les acteurs. Représentations prises au sérieux », p. 261-270.
2 V. Fournel, Curiosités, op. cit., p. 221-222 ; S. Chaouche, La Scène en contrechamp, op. cit., note 284, p. 130-131.
3 Lucien de Samosate, XXXII, « De saltatione », « De la danse », dans Œuvres complètes, trad. É. Chambry, Garnier frères, s.d. [1934], t. II, p. 149-176.
4 M. Descotes, Le Public de théâtre et son histoire, Paris, PUF, 1964, p. 59.
5 Voir aussi Plutarque, « Comparaison d’Aristophane et de Ménandre », 854A-D,
6 Jean Christian Dumont et Marie Hélène François-Garelli, Le Théâtre à Rome, LGF, 1998, coll. « Le Livre de Poche », p. 13-14.
7 Outre la contradiction interne des arguments donnés, on peut trouver des arguments allant à l’encontre (J. Lough, Paris Theater Audiences in the 17th and 18th centuries, Oxford University Press, 1957, p. 43) ou des réfutations récentes des arguments allégués. S. Deierkauf-Holsboer donne différents indices d’une évolution du public vers plus de sophistication. L’un d’eux est le fait qu’après 1622 Robert Guérin s’appelle plutôt Lafleur que Gros-Guillaume. En réalité aucun acte n’utilise les sobriquets comiques et le pseudonyme noble de Lafleur se trouve dans des actes passés entre 1609 et 1618 (A. Howe, H. Jurgens, Écrivains de théâtre, 1600-1649, Documents du Minutier central des notaires de Paris, Archives nationales, 2005, p. 78).
8 V. Fournel, Curiosités, op. cit., p. 54.
9 Joseph de la Porte, Jean-Marie Clément, Anecdotes dramatiques […], Paris, Veuve Duchesnes, 1775, t. I, p. 524.
10 Sources : Cicéron, Sur la divinisation, 1 36, 79 et 37, 80 ; II, 66 ; De la nature des dieux, I, 79 ; Lettres fam., VIII, 1, 2 ; Pour Q. Roscius ; Pour Archios, VIII, 17 ; De l’orateur, I, 59, 251 ; I, 124, 129, 132, 259 ; II, 57, 251 ; III, 26, 102 ; Quintilien, XI, 3, 180 ; Macrobe, Saturnales, III, XIV, 12-14.
11 D’Hannetaire, op. cit., repris dans S. Chaouche, op. cit., n° 28 et n° 76
12 Ibid., n° 17.
13 Anecdotes dramatiques, op. cit., troisième partie c’est-à-dire fin du tome II, section sur les « Anecdotes anciennes et étrangères » (t. II, p. 486-580).
14 « Cette maladie des Abdéritains s’est renouvelée de nos jours, dans la Capitale et dans les Provinces. On ne voit que des théâtres élevés chez les Grands et même les Bourgeois. Au parquet, le Conseiller répète un rôle, la Duchesse à sa toilette, le Marchand dans sa boutique et tous s’agitent avec fureur en déclamant », t. II, p. 494.
15 Sabine Chaouche, La Scène en contrechamp, op. cit., note 116, p. 73-74 (Antoine Riccoboni, discuté dans les Mémoires de Trévoux).
16 Scudéry (L’Apologie du théâtre, Paris, A. Courbé, 1639, p. 86) couple les deux anecdotes et c’est encore ce que fait V. Fournel (Curiosités, op. cit., p. 229-230).
17 Nouvelle édition complétée, Paris, F. Delaulne, 1729, t. I, premier folio, troisième feuille, verso.
18 Cicéron, De Officiis, I, § 103 et suiv. (facéties de Plaute, apophtegmes recueillis par Caton).
19 D. de Colonia, De arte rhetorica […] editio nova, Lugduni, apud Andream Perisse, 1744, p. 44 (première édition 1718).
20 Chapitre 25, 1460b 32-36.
21 J. Jehasse, La Renaissance de la critique. L’Essor de l’humanisme érudit de 1560 à 1614, édition complétée, Paris, Champion, 2002, p. 77.
22 Les Caractères, « Des ouvrages de l’esprit », 54.
23 Anecdotes dramatiques, op. cit., t. II, p. 493.
24 Édition de 1740, article « Euripide », note K.
25 Op. cit., p. 224.
26 E. Kris et O. Kurz, L’Image de l’artiste. Légendes, mythe et magie [1934, 1975], trad. de l’anglais par M. Hechter, Paris, Rivages, coll. « Galerie », 1987.
27 A. Van Gennep, Manuel de folklore français, Bibliographie, rééd. Paris, Laffont, coll. « Bouquins », 1999, p. 520.
28 Vies des douze césars, “Vie de Caius Caligula », LVII.
29 Voir H.-J. Uther, introduction à l’édition Helsinki, Suomalainen Tideakatemia, 2004, de The Types of international folkstales…
30 The Greatest Show on Earth, Paramount, 1953.
31 V, 9.
32 V. Fournel, Curiosités, op. cit., p. 267, à propos des médicaments prévus pour le spectateur qui se sentirait mal devant les horreurs de Gabriel de Vergy, qui nous rappelle la légende hollywoodienne de l’ambulance devant les cinémas où étaient projetés les films dans lesquels Bela Lugosi incarnait Dracula.
33 Livre VIII, 1340a.
34 Anecdotes dramatiques, op. cit., t. II, p. 493.
35 H. Prunières, Le Ballet de cour en France avant Benserade et Lully, Paris, Henri Laurens, 1913, p. 85, note 4 (anecdote « souvent citée »).
36 S. Chaouche, L’Art du comédien. Déclamation et jeu scénique en France à l’âge classique (1629-1680), Paris, Champion, 2001.
37 II, 251, LXI. « Sed ore, vultu, [imitandis moribus,] voce, denique corpore ridetur ipso » Cf. « Il était tout comédien depuis les pieds jusqu’à la tête ; il semblait qu’il eût plusieurs voix ; tout parlait en lui et d’un pas, d’un sourire, d’un clin d’œil et d’un remuement de tête, il faisait concevoir plus de choses qu’un grand parleur n’aurait pu dire en une heure. »
38 A. Ross Curtis, Crispin Ier : la vie et l’œuvre de Raymond Poisson, comédien-poète du xviie siècle, Toronto/ Paris, University of Toronto Press/Paris, Klincksieck, 1972.
39 Lucien (trad. citée, p. 19) interprète la légende du Protée égyptien (Odyssée, IV, 417 ; Georgiques, IV) comme une figure du danseur « homme habile à imiter et capable de prendre toutes les attitudes et de se métamorphoser en toutes choses » (le danseur pouvait aussi mimer des choses inanimés, comme l’eau). Il cite aussi Empousa, sceptre envoyé par Hécate. Le Morphée des Métamorphoses d’Ovide appartient au personnage de ce type, mais lie en outre métamorphose et sommeil (voir par exemple l’épître de l’Antigone de Rotrou, qui fonctionne sur cet intertexte).
40 Trad. citée, p. 79.
41 Trad. citée, p. 35, p. 47.
42 Trad. citée, p. 79.
43 Trad. citée, p. 79.
44 Nuits attiques, VI, 5.
45 Scudéry, L’Apologie, op. cit., p. 86 ; Anecdotes dramatiques, t. II, p. 490. Dans les Curiosités théâtrales de V. Fournel, elle ouvre le chapitre sur les « moyens employés par certains acteurs pour se préparer et s’animer » (op. cit.,p. 255). Sur la tradition de cette anecdote, voir, dans ce volume même, l’article de G. Navaud, p. 00-00.
46 Cl. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958, p. 253 et La Potière jalouse, Paris, Plon, 1985, p. 79.
47 D’Hannetaire, dans S. Chaouche, La Scène en contrechamp, op. cit., n° 64.
48 Grimarest, Vie de M. de Molière [1705], dans Molière, Œuvres, éd. P.-A. Touchard, Paris, Seuil, coll. » L’Intégral », 1964.
49 E. Kris et O. Kurtz, L’Image de l’artiste, op. cit., p. 96-101 ; nombreux exemples modernes dans É. Pommier, Théories du portrait de la Renaissance aux Lumières, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque illustrée des histoires », 1998.
50 E. Hénin, Ut pictura theatrum : théâtre et peinture de la Renaissance italienne au classicisme français, Genève, Droz, 2003.
51 IV, 7, v. 1274.
52 D’Hannetaire, dans S. Chaouche, La Scène en contrechamp, op. cit., n° 17 et 18.
53 M. Baxandall, Les Humanistes à la découverte de la composition en peinture, 1340-1450 [1971], trad. de l’anglais par M. Brock, Paris, Seuil, 1989.
54 L’Image de l’artiste, op. cit., p. 107.
55 D’Hannetaire, dans S. Chaouche, La Scène en contrechamp, op. cit., n° 57 ; Anecdotes dramatiques, p. 346 ; V. Fournel, Curiosités, op. cit, p. 266-267.
56 D’Hannetaire, S. Chaouche, La Scène en contrechamp, op. cit., n° 39.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Jean-Yves Vialleton
Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – RARE Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution