La Réserve : Archives Jean-Yves Vialleton
Éloge de Climanthe : le motif du miroir comme emblème de l’œuvre chez Honoré d’Urfé
Initialement paru dans : D. Denis dir., Lire L’Astrée, Paris, PUPS, coll. « Lettres françaises », 2008, p. 125-133
Texte intégral
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1 Les Épîtres morales et amoureuses…, Paris, G. Robinot, 1619 ; Genève, Slatk...
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2 Maxime Gaume trouve une source chez Ficin, même si ce dernier ne parle ni d...
1L’Astrée n’est pas la seule œuvre d’Honoré d’Urfé dans laquelle le miroir est présent. Un passage des Épîtres morales décrit une montagne de miroirs se reflétant dans une rivière, elle-même reflétée par une colline de miroirs1. L’auteur des lettres invite Agathon à « cabaliser » avec lui et lui explique que le faîte de la montagne représente la perfection divine, la rivière le monde matériel et la colline nos âmes. Le passage est forcément souvent cité pour argumenter l’idée généralement reçue d’un Urfé néo-platonicien2. En tout cas, on a là l’image et le texte d’un emblème. Le titre, le motto, est absent, mais la présence de deux speculæ speculatæ fait entrevoir une speculatio qui tourne autour de speculum, le miroir, specula, le promontoire, species, l’Idée platonicienne.
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3 M. Gaume, op. cit., p. 246.
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4 Cité ibid., p. 270.
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5 Ce miroir merveilleux existe dans la littérature médiévale (Énéas) : J. Fra...
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6 Le Jugement sur l’Amédéide, cité par M. Gaume, op. cit., p. 268 sq.
2Dans livre de La Savoysiade consacré à Mélusine se trouve aussi un miroir3, mais il ne figure pas le reflet obscur et dégradé de l’authenticité originelle, il permet au contraire une vision surhumaine, dans le temps et dans l’espace. Il permet de prédire que Bérold fondera la maison de Savoie. Reliant ainsi les grands dont le texte fait l’éloge et les héros de la fable qu’il faut « grandement louer », selon l’expression d’Urfé dans Le Jugement sur l’Amédéide4, il réalise la conjonction de deux tâches épidictiques, conjonction qui est la définition même du genre épique depuis l’Énéide. Il permet aussi d’observer tout ce qui se fait dans le monde5. Là encore, il est l’analogue de l’épopée, qui montre, toujours selon Urfé, l’univers entier en le réduisant à la taille de la mémoire du lecteur6.
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7 La Sylvanire, éd. L. Giavarini, Toulouse, SLC, 2001, III, 7, v. 5447 sq.
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8 Sous-titre de la pièce, repris en capitales au v. 7692, c’est Alciron qui p...
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9 III, 5, v. 5236-5243.
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10 V, 3, v. 7522-7523.
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11 M. Gaume, op. cit., p. 82, cite l’Histoire des poisons de Rondelet, Deux l...
3Le miroir joue un rôle majeur dans La Sylvanire. Le miroir d’Alciron que Tirinte donne comme cadeau amoureux à Silvanire7 et qui fait de celle-ci une « morte vive »8 en la plongeant dans un sommeil pareil à la mort, permet à l’histoire des amours de Silvanire et d’Aglante de trouver ce qu’Aristote appelle sa « péripétie » : ce qui apparaît d’abord comme le pire des malheurs pour les amants, la mort de la jeune fille empoisonnée par le miroir, amène en réalité le dénouement heureux, l’union des amants et le triomphe de l’Amour sur la Fortune. Le pouvoir du miroir n’y est pas un « enchantement », mais relève de la « magie naturelle », c’est-à-dire de la science, plus particulièrement de la pharmacopée minérale et animale9. La « glace du miroir » est faite d’une « pierre Menphitique » qui assoupit les sens quand on la touche. Bien plus, cette pierre est imprégnée d’une drogue qui agit sans contact : un simple regard et vous « perd[ez] le sentiment/ Tout ainsi qu’au trépas »10. Cette drogue est une « quintessence » de torpille, poisson qui paralyse le bras même si on ne le touche qu’avec un bâton. La décharge électrique produite par la torpille est bien connue et souvent mentionnée11. Le passage de référence est dans Pline (XIII, 31 et 34-35). C’est ce passage que cite Blaise de Vigenère dans le commentaire de sa traduction des Images de Philostrate pour expliquer l’emblème des deux palmiers se penchant l’un vers l’autre : ceux-ci représentent le penchant du mâle pour la femelle par « communication secrète de lui à elle ». Cet emblème est utilisé dans le frontispice de la première édition illustrée de Daphnis et Chloé de Longus en 1626 (Paris, T. Du Bray). En somme, la tromperie tentée par le rival est un « artifice », mais qui se fonde sur le même phénomène naturel que celui qui assemble les amants : le « miracle de l’amour » ne se réalise qu’aidé par la « magie naturelle ».
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12 S. Kevorkian, Thématique de l’Astrée, Paris, H. Champion, 1991. Y sont sig...
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13 L’Astrée, I, 3, p. 100.
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14 III, 7, p. 380.
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15 IV, 5, p. 250-251.
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16 III, 7, p. 356.
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17 Ligdamon tend à Sylvie le miroir qu’elle porte à sa ceinture et elle demeu...
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18 II, 4, p. 146 et p. 148-149. Il est précisé qu’on prend la « peau du renar...
4Dans L’Astrée, le miroir apparaît comme métaphore (appliquée au Lignon : I, 5), mais surtout comme objet utilisé par les personnages12. Le miroir sert bien sûr à se parer. Galathée s’habille « le mieux à son avantage, que son miroir lui avait conseillé »13. Clarine apporte un miroir à la narratrice, Chriséide, pour qu’elle puisse obtenir la victoire dans le combat d’amour14. Deux poèmes sont consacrés au miroir de toilette, sonnets dont la juxtaposition n’est pas sans évoquer elle-même la figure du double15. Il permet même de cacher ses défauts, comme Hylas qui met de la « poudre de Cypre » sur ses cheveux « trop dorés », c’est-à-dire roux16. Un petit miroir peut servir à dire la vérité par ruse, celui qu’on tend à la femme aimée pour lui révéler l’amour qu’on a pour elle alors qu’il est impossible de prononcer son nom, miroir qui en même temps montre à la femme ce qu’elle est vraiment17. Dans un récit d’Hylas, on fait fabriquer de façon machiavélique18 un miroir de ceinture à l’intérieur duquel on cache un portrait, miroir qu’on fait parvenir à Dorinde pour faire croire à Périandre qu’elle en aime un autre.
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19 C’est pour qu’ils améliorent leur caractère que Socrate selon Diogène Laër...
5Les miroirs de L’Astrée ne sont pas les même que ceux des Épîtres morales ni de La Savoysiade. Ils peuvent être indifféremment du côté de la vérité sans médiation du langage ou de la tromperie. Ils n’entrent pas non plus dans la tradition morale qui fait du miroir l’emblème du « souci de soi » par lequel on parvient à la sagesse19. Ce qui fait l’unité de ces occurrences très diverses, c’est la beauté et l’amour. Les miroirs de L’Astrée en cela s’intègrent dans une autre tradition, majeure, la tradition ovidienne : Ovide dans les Remedia amoris faisait du miroir un attribut de Vénus.
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20 Sur l’hydromancie et la catoptromancie : J. Baltrušaitis, op. cit., chap. ...
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21 I, 2, p. 447 sq.
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22 Épître familière du sieur Mairet, dans La Querelle du Cid, éd. J.-M. Civar...
6Mais il y a bien sûr dans L’Astrée, un miroir majeur, celui de la fontaine de la Vérité d’amour. Il reprend le motif courant de l’image de l’être aimé apparaissant par magie dans un miroir ou dans l’eau claire d’une source20 et l’apparition des deux visages des amants évoque ces objets galants anciens qui juxtaposaient à l’image de l’être aimé un petit miroir. La suite et la fin du roman proposées par Baro donnent à ce miroir un rôle crucial : elles en font le sujet même de l’histoire, puisqu’au dénouement chacun peut enfin, en se penchant sur le « cristal liquide », apprendre qui il aime et s’il est aimé. La fontaine s’inscrit dans une autre tradition majeure de l’histoire des symboliques du miroir, la tradition apocalyptique : le miroir obscur devient enfin clair et les temps sont achevés. Le passage où saint Paul (I Cor. 13, 12-13) évoque la vision « dans un miroir, en énigme » est le « lieu » par excellence de cette tradition. Mais plusieurs éléments nous invitent à nous déprendre de la fascination que peut exercer la fin proposée par Baro. Géographiquement, la fontaine d’amour n’est pas au centre comme dans le Roman de la Rose, elle est dans un bosquet du palais d’Isoure, sur la rive droite, rive où se multiplient les images artificielles. Que l’on puisse à nouveau consulter la fontaine à la fin de l’histoire ne constitue pas un retour à la Nature et à l’originel. La levée de l’« enchantement » ne permet en effet que de revenir à un « enchantement » antérieur : on sait que la fontaine est une fontaine-tombeau construite par un magicien. Qui plus est, cette fontaine de vérité d’amour n’a pas toujours dit la vérité : Mandrague a su la truquer, ce qui a abouti à la mort de Damon puis de Fortune21, épisode raconté en image (« tableau » de marbre noir) comme dans un roman hellénistique ou un récit sophistique. Or toute une tradition médiévale fait de l’abolition et non du triomphe de l’enchantement un dénouement attendu et l’aboutissement naturel de la réussite de l’épreuve. Rompre la glace de l’illusion est d’ailleurs une locution proverbiale au XVIIe siècle : un polémiste de la Querelle du Cid s’adresse à Corneille en lui disant que « les observations de Mr de Scudéry ont rompu trop tôt pour vous la brillante glace qui faisait l’enchantement de votre Cid »22.
7Il y a encore un autre miroir important dans L’Astrée, c’est celui qui figure dans le dispositif d’illusion par lequel Climanthe déguisé en prêtre d’Hécate essaie de manipuler Galathée. Climanthe est un trompeur, mais il fait à Galathée, si l’on y pense, la même promesse que celle que tient le miroir de la fontaine d’amour, et même en mieux : il lui promet qu’en allant sur le lieu qu’il lui désigne, elle verra l’amant qui fera son bonheur non en image, mais en vérité.
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23 Le Roman de la Rose, éd. A. Strubel, Paris, LGF, coll. Le Livre de poche, ...
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24 Marot et Claude Fauchet, cités dans P.-Y. Badel, Le Roman de la Rose au XI...
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25 Bibliothèque française, Paris, Compagnie des libraires du Palais, 1664, p....
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26 Épître dédicatoire à François Ier de la traduction du premier livre des Mé...
8Le roman semble s’organiser autour de deux miroirs, l’un relevant du merveilleux, l’autre de la simple technique. C’est en somme comme si Urfé avait voulu unifier les deux parties du Roman de la Rose, celle de Guillaume de Lorris qui met au centre de son espace une merveilleuse fontaine-miroir et celle de Jean de Meun qui ne veut recourir qu’à la raison et au savoir et s’intéresse beaucoup à l’optique23. La postérité moderne du Roman de la Rose est telle qu’on a pu y voir la naissance de la littérature française. En effet, très tôt, on bâtit la biographie de ses auteurs, c’est-à-dire leur légende ; on publie des éditions commentées. Chacun des deux auteurs du texte est au XVIe siècle donné comme « notre Ennius français »24. C’est faire d’eux les pères fondateurs de la littérature française, c’est aussi appeler à reprendre leur tâche pour les dépasser : Ennius est la figure du génie qui invente, mais encore grossier, face à un Virgile qui le suit, mais le dépasse en « politesse ». Honoré d’Urfé avait repris la tentative de Ronsard d’être un nouveau Virgile en composant une épopée, bien que savoyarde, plus française et moderne que celle de Ronsard, car puisant dans le fonds celtique et dans la « fable » moderne, c’est-à-dire dans ce que nous appelons le folklore. Une autre voie pour devenir le Virgile français s’offrait là. Sorel mentionne Le Roman de la Rose dans sa Bibliothèque française, dans le chapitre IX sur les fables et allégories et les différentes sortes de romans, là où figure aussi L’Astrée. Le chapitre est un répertoire en même temps que l’histoire d’un genre : selon Sorel, après l’âge des « métamorphoses » vient celui des livres qui au lieu de « paraphraser » les fables des anciens en inventent de nouvelles et forment quelque chose comme des encyclopédies morales, qui font des « personnages non seulement de toutes les facultés de l’âme, et de toutes les passions et habitudes, mais de tous les genres de fortune »25, en somme des romans qui seraient des machines à exposer la diversité du même. Quand Marot fait l’éloge des Métamorphoses, il dit que c’est « la plus belles » des antiquités « tant pour la grande douceur du style, que pour le grand nombre des propos tombant de l’un en l’autre par liaison si artificielle, qu’il semble, que tout ne soit, qu’un »26. L’œuvre visée ici est celle qui offre par l’artifice la même diversité réjouissante que la Nature, ce caractère « agréablement varié » que louera Boileau dans L’Astrée. Le genus dicendi visé n’est plus celui de l’épopée. C’est le genre moyen, celui de la douceur et non plus de la fureur. La « métamorphose » et le recueil de « fables » s’opposent à l’épopée, comme l’élégie à la tragédie.
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27 I, 1, p. 15.
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28 B. Yon, « Honoré d’Urfé ou le conseiller des vrais Amants », Littératures ...
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29 On sait que c’est en se jetant à l’eau que Sappho, selon la légende, se su...
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30 I, 5, p. 157-158 et p. 171-172 ; I, 9, p. 366.
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31 La notion de matriarcat existe bien avant Bachofen. Hérodote avait décrit ...
9S’il est difficile de juger du rôle de la fontaine de Vérité d’amour à cause de l’absence de dénouement, il est facile en revanche de voir l’importance du miroir de Climanthe : il fonde carrément l’intrigue. Dès le premier livre, on nous dit que l’arrivée de Galathée s’explique par un lieu qu’elle a vu dans un miroir27, mais on ne sait rien d’autre. Ce miroir permet une énigme initiale, selon un procédé hérité du roman grec. Bernard Yon appelle la rupture d’Astrée et de Céladon et le saut de celui-ci dans le Lignon la « cellule de base » du roman28. Mais, si cette « fausse mort » n’est pas qu’un obstacle parmi d’autres dans les amours d’Astrée et de Céladon (avant, il y a l’opposition parentale ; après, le serment rompu par Céladon-Alexis ; on pourrait en imaginer bien d’autres), c’est qu’elle fait se rencontrer Céladon et Galathée. En articulant un suicide saphique29 et un amour dans un autre monde, d’Urfé met en communication les deux rives. L’énigme est éclaircie plus tard, par plusieurs séquences successives30, où nous est expliqué le stratagème de Climanthe au profit de Polémas. Nous comprenons alors que ce ne sont pas seulement les deux rives qui ont été mises en communication, mais trois mondes. La chaîne pastorale de Polémas aimant Galathée qui aime Céladon relie dans une même intrigue le monde des bergers, celui des nymphes et celui des guerriers. Les amours d’Astrée et de Céladon disent la concordia discors entre le masculin et le féminin. Mais le Lignon sépare le monde en deux, en ajoutant à ce monde des bergers un monde lui-même divisé selon l’opposition du masculin et du féminin. Au monde clos de la retraite des bergers, de la rive gauche, s’ajoutent ainsi le monde ouvert des Nymphes, avec le palais d’Isoure et ses jardins, et au loin celui des chevaliers, du château (Marcilly) et de la ville (Montverdun), des héros et des armes de tout l’Occident. À la société sans état ou plutôt instituée « contre l’état » s’ajoute l’état matriarcal31 et l’état patriarcal, opposés comme s’opposent la verveine de Vénus et le laurier d’Apollon.
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32 M. Gaume, op. cit., p. 83.
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33 J. Baltrušaitis, op cit., p. 220.
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34 Notamment par Corneille Agrippa et Cardan ; on le retrouve ensuite dans de...
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35 C’est notamment l’étymologie retenue par Scaliger, passage cité par St. Ma...
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36 D. Denis, Le Parnasse galant. Institution d’une catégorie littéraire, Pari...
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37 Hermogène, Ideai, II, 4.
10La ruse ratée de Climanthe est un exercice de fausse magie, c’est-à-dire une « magie naturelle » qui se fait passer pour surnaturelle. Il se déguise en prêtre d’Hécate et aménage dans son faux ermitage un temple rustique, qui est en fait un dispositif optique. Maxime Gaume y a vu une marque de la formation jésuite d’Urfé32 et de fait le dispositif est décrit dans des traités jésuites. Mais le livre de Jurgis Baltrušaitis sur le miroir nous apprend qu’il s’agit d’un dispositif ancien et très connu. Ce dispositif est décrit dans le De speculis faussement attribué à Euclide et dans les Propositions d’Héron d’Alexandrie attribuées au XVIe siècle à Ptolémée33. On y précise que l’image doit être éclairée par une fenêtre latérale. Urfé fait justement arriver de la lumière par un des côtés, par hasard mais au bon moment. L’idée que l’imago puisse être plutôt qu’une sculpture une peinture (tabula depicta) apparaît dans l’Optique de Vitellion (livre V, section 56) du XIIIe siècle. Ces procédés sont présents dans les compilations médiévales et ils sont largement diffusés à la Renaissance34. Mais Urfé en livre une version singulière. Au miroir et à l’image, il ajoute un effet de feu d’artifice initial, lumen figurant le numen d’Hécate, déesse infernale. On a donc un dispositif ternaire. Le « papier peint » représente un locus amoenus, situé sur la rive des nymphes, celle des jardins et des peintures, et c’est lui même une petite peinture. Dans le savoir de l’époque, « petite image » était le sens étymologique du mot idylle35. La peinture est l’image du style moyen, quand on le pense non comme un style intermédiaire peu orné comme dans la tradition cicéronienne, mais comme le style de la séduction par la grâce et l’enjouement, comme dans la tradition hellénistique (Hermogène, Démétrius) sur laquelle s’appuyait Guarini pour défendre le genre moderne de la tragi-comédie, tradition dans laquelle s’inscrira plus tard dans le siècle, comme l’a montré Delphine Denis, la galanterie36. C’est le style associé à la poésie, à l’élégie, à Sappho. Quand on recourt, dit Hermogène, à l’ethos non pas naïf mais intensifié par la saveur (glykytès, suavitas) et au plaisant (hèdonen), on énonce ce qui fait plaisir aux sens sans pour autant être honteux (beauté des paysages, diversité des plantes, variété des cours d’eau), toutes les pensées concernant l’amour, le bruit des feuillages, les ondes, le sommeil. Hermogène conseille d’utiliser des mythes ou des récits proches du mythe, mais de les répandre par petits morceaux pour éviter la platitude. Il recommande aussi l’enchâssement de textes poétiques dans la prose37.
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38 Commentum Terenti, V, 1 et V, 4.
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39 L’Institution oratoire, I, 6, 41 et VIII, 2, 1.
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40 I, 1, passim ; II, 1 ; II, 3, p. 106 ; II, 7, p. 296. Voir M. Gaume, op. c...
11Le panneau se reflète dans un miroir très transparent. La comédie, genre associé au style simple, est speculum (Donat38). La perspicuitas est une qualité du style simple, elle est aussi la vertu fondamentale de la prose, qui doit éviter les mots obscurs, comme le sont les archaïsmes des vers sacrés (Quintilien39). Hors du dispositif, ce miroir ne tromperait pas : il lui faut être un « miroir brillant, sans tache et bien centré », comme celui qui doit servir de modèle à l’historien opposé au poète selon Lucien dans Comment écrire l’histoire. On comprend alors le rôle du crin de cheval permettant de déclencher du feu et de la fumée et d’effrayer, avant que le miroir ne s’éclaircisse et ne reflète la petite peinture : il représente le style élevé, pensé comme style de la terribilità, celui des dieux infernaux et de la guerre. La ruse de Climanthe permet involontairement d’articuler trois mondes, le dispositif qu’il utilise figure les trois styles. Il n’est donc pas étonnant que le Lignon soit si « inconstant », comme on l’a souvent remarqué, et dès le premier livre. Il est tantôt une rivière tempérée et « délectable », tantôt une « onde claire et nette », tantôt furieux comme un torrent, « glorieux et chargé de dépouilles » comme un guerrier40.
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41 Depuis A. Cioranescu (Vie de Jacques Amyot d’après des documents inédits, ...
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42 Il affirme dans son Traité de l’origine des romans que « Longus, que ceux-...
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43 M. Gaume, op. cit., p. 519 et p. 543, repris par Fr. Lestringant, article ...
12C’est grâce à la ruse ratée de Climanthe que L’Astrée n’est pas une élégie narrative bucolique, une « fable bocagère », mais bien une « pastorale », si l’on conçoit la notion telle qu’elle apparaît en français, c’est-à-dire avec les traductions de l’unique exemple de poimenika, le Daphnis et Chloé41. Dans le roman de Longus, il y a en effet trois lieux dans l’île de Lesbos : le monde naturel des bergers entre en contact avec le monde urbain, celui agressif de la ville de Méthymne puis celui voluptueux de Mytilène. À la fin du roman, l’art se joint à la nature : Chloé avec ses nouveaux habits fait voir « ce qu’est la beauté quand s’y ajoute la parure » et une noce villageoise unit les bergers et les gens de la ville comme elle unit enfin le corps des deux amants. Huet donne comme modèle premier de L’Astrée le roman de Longus42. Les recherches modernes en multipliant l’identification des sources de L’Astrée ont semblé le réfuter43. Mais c’est qu’on a peut-être confondu les sources de la matière de l’œuvre et la source de sa « conception ».
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44 R. Aulotte, Amyot et Plutarque. La traduction des Moralia au XVIIe siècle,...
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45 Histoire des pastorales et bocagères amours de Daphnis et Chloé…, Paris, A...
13Vers 1600, le roman grec de Longus n’était pas encore un petit roman licencieux. C’était d’abord un chef d’œuvre de la prose française : l’achat d’un manuscrit par François Ier permet que le livre soit imprimé pour la première fois dans une traduction française, avant même son édition en grec ; elle l’est par Amyot. Or Amyot, c’est celui qui surpasse tous les autres « pour la naïveté et pureté du langage » (Montaigne), celui qui est perçu et qui se revendique lui-même pour la prose française comme le pendant de ce qu’est Ronsard pour la poésie44. Une contrefaçon paraît juste après la mort d’Amyot : l’avis au lecteur vente la marchandise en expliquant que tous les termes vieillis ont été corrigés, pour plus de clarté et de « politesse »45.
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46 L’auteur est nommé Longus Sophista dans les pages de titre des éditions de...
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47 E. Henein, Protée romancier. Le déguisement dans l’Astrée d’Honoré d’Urfé,...
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48 Les Épîtres morales et amoureuses…, éd. citée, non paginé, deuxième partie...
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49 Gorgias, Éloge d’Hélène, 14 (même rapport entre pouvoir de la parole et tá...
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50 Les Épîtres morales, éd. citée, I, 4, p. 26-27 (dialogue sur les « fables ...
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51 M. L. Godard, Études sur les Épîtres morales d’H. d’Urfé, Washington DC, U...
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52 De audiendis poetis, 15 D ; De gloria Atheniensium, 348 C.
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53 Sur l’intérêt pour les sophistes au début du siècle, voir le chapitre sur ...
14Mais le roman de Longus était aussi le roman d’un « sophiste »46. On a beaucoup parlé du néo-platonisme d’Honoré d’Urfé. Le passage déjà cité des Épîtres morales est souvent lu en ce sens. On l’a même utilisé pour tenter d’éclairer L’Astrée : « Parce que Les Épîtres morales mettent la connaissance sous le signe du miroir, les personnages de L’Astrée apprennent que voir n’est pas savoir »47. Mais dans les Épîtres, l’image a une application étroite : elle ne dit pas une vision du monde, mais constitue un point de détail dans un développement concernant les seules âmes jeunes qui se laissent transporter d’amour. Surtout, dans son avis « Au lecteur », Urfé nous met lui-même en garde sur le mode d’emploi de son livre48. Les épîtres ne cherchent pas à énoncer une « doctrine », elles ne visent pas la vérité, ce qui peut relever du « jugement » du lecteur, fournir objet à « dispute », elles visent à « guérir », ce ne sont que diverses « receptes » pour « soulager par [l]a plume ». Elles ne visent pas l’universel abstrait, mais la pratique adaptée au particulier « car selon la disposition des corps, il faut user de différents remèdes ». Le thème du philosophe-médecin est courant dans la philosophie antique, en particulier dans la tradition stoïcienne. Mais les mots employés par Urfé semblent renvoyer à quelque chose de plus précis : ils reprennent un passage de l’Éloge d’Hélène par le sophiste Gorgias49. Parce qu’on lui attribue la technique rhétorique permettant de faire paraître grand ce qui est petit et petit ce qui est grand, de « faire paraître à nos yeux les choses autrement qu’elles ne sont en effet »50, Gorgias est souvent convoqué dans les réflexions sur le miroir et la peinture. Dans les Moralia, traduits par Amyot et très pratiqués par Urfé51, Plutarque rapporte deux fois52 la définition donnée par Gorgias de l’art comme le lieu où celui qui trompe est le meilleur et celui qui se laisse tromper celui qui a raison, citation qui connaît au XVIe et au début XVIIe siècle, un grand succès53.
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54 S. Poli, « Mensonge et littérature », dans Le miroir et l’image, Gênes, Un...
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55 V, 3, v. 7449 sq.
15Il n’est pas sûr qu’il y ait une « philosophie » de l’œuvre d’Urfé, si les « philosophèmes » ont une dimension d’abord générique. Il y a cependant peut-être une référence philosophique pour la manière dont il essaie de penser en général la fiction : on connaît son insistance sur la poésie pensée comme mensonge54 et sur le rôle qu’y joue le plaisir comme « médecine douce ». Cette référence serait la sophistique, selon laquelle la parole ne dit pas la vérité, mais fait mieux : elle suscite toutes les émotions, elle peut même guérir du chagrin, comme le faisait le sophiste Antiphon. Dans cette hypothèse, il ne faudrait pas hésiter à voir dans l’ambivalent poison qui imprègne le miroir donné à Silvanire l’ambivalent phármacon par lequel les sophistes imageaient la puissance de leur parole. Dans La Silvanire, Alcidor nous dit comment il s’est procuré ce miroir : il l’a pris au « grand artisan d’erreur et de mensonge », un certain Climanthe55.
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56 C. Ginzburg, Occhiali di legno. Nove riflessioni sulla distanza, Milan, 19...
16Climanthe dans L’Astrée est modelé sur la figure de l’imposteur religieux au service des passions déréglées des hommes de pouvoir, figure créée par le sophiste Critias, qui servira à critiquer le paganisme et la sorcellerie, mais qui se retournera plus tard contre le christianisme lui-même56. C’est un vilain trompeur, et qui échoue. Pourtant il crée un chaos d’où ne pourra que sortir l’amour, parce que seront mises en harmonie les faces opposées de la vie, parce que naîtra une concordia discors où trois ne feront plus qu’un. Par là il accomplit sur terre, et Honoré d’Urfé dans son roman, ce qu’Adamas ne promet qu’aux Cieux. Voilà, je crois, ce qui permet de faire l’éloge de Climanthe et en même temps de se proposer, sur la question de L’Astrée comme roman anti-platonicien, un nouveau jeu.
Notes
1 Les Épîtres morales et amoureuses…, Paris, G. Robinot, 1619 ; Genève, Slatkine Reprints, 1973, liv. II, épître 4, p. 233-235.
2 Maxime Gaume trouve une source chez Ficin, même si ce dernier ne parle ni de montagne ni de rivière : Les Inspirations et les Sources de l’œuvre d’Honoré d’Urfé, Saint-Etienne, Centre d’Études Foréziennes, 1977, p. 443. Mais la chaîne des reflets est un motif courant chez les Pères de l’Église après Plotin : S. Melchior-Bonnet, Histoire du Miroir, Paris, Imago, 1994, p. 121.
3 M. Gaume, op. cit., p. 246.
4 Cité ibid., p. 270.
5 Ce miroir merveilleux existe dans la littérature médiévale (Énéas) : J. Frappier, « Variations sur le thème du miroir, de Bernard de Ventadour à Maurice Scève », CAIEF, XI, mai 1959, p. 134-158 ; M. Gaume, op. cit., p. 146. C’est une légende rattachée aux légendes arabes du IXe siècle concernant le phare d’Alexandrie, qui se combinent avec celle du miroir ardent de Pythagore : J. Baltrušaitis, Essai sur une légende scientifique. Le Miroir, révélations, science-fiction et fallacies, Paris, Elmayan/Seuil, 1978, chap. VI. Mais on la trouve déjà dans l’Histoire véritable de Lucien (26), œuvre dont on sait l’importance dans l’histoire de la fiction au tournant des XVIe et XVIIe siècles : le palais du roi contient un miroir dans un puits qui permet d’écouter et de voir le monde entier.
6 Le Jugement sur l’Amédéide, cité par M. Gaume, op. cit., p. 268 sq.
7 La Sylvanire, éd. L. Giavarini, Toulouse, SLC, 2001, III, 7, v. 5447 sq.
8 Sous-titre de la pièce, repris en capitales au v. 7692, c’est Alciron qui parle.
9 III, 5, v. 5236-5243.
10 V, 3, v. 7522-7523.
11 M. Gaume, op. cit., p. 82, cite l’Histoire des poisons de Rondelet, Deux livres des venins de Grévin et quelques vers de Belleau. L’édition procurée par L. Giavarini donne les Haliuetiques d’Oppien comme source de Grévin et cite un passage de Du Bartas (p. 144-145) ; l’introduction en fait une figure du far stupir mariniste (p. LVI). Montaigne parle aussi de la torpille (Les Essais, II, 12).
12 S. Kevorkian, Thématique de l’Astrée, Paris, H. Champion, 1991. Y sont signalés dix occurrences dans les parties I à III et six dans la partie IV.
13 L’Astrée, I, 3, p. 100.
14 III, 7, p. 380.
15 IV, 5, p. 250-251.
16 III, 7, p. 356.
17 Ligdamon tend à Sylvie le miroir qu’elle porte à sa ceinture et elle demeure « ravie à se considérer dans sa simplicité, en colère contre lui, mais beaucoup contre elle-même. » (I, 5, p. 78).
18 II, 4, p. 146 et p. 148-149. Il est précisé qu’on prend la « peau du renard où défaillait la peau du lion ».
19 C’est pour qu’ils améliorent leur caractère que Socrate selon Diogène Laërce (II, 33) invite les jeunes gens à se mirer. C’est pour réfréner ses passions que Sénèque invite à se mirer le coléreux (De ira, II, 36).
20 Sur l’hydromancie et la catoptromancie : J. Baltrušaitis, op. cit., chap. IX, (notamment l’anecdote sur la cour d’Henri IV, p. 208). Pour la culture populaire : P. Sébillot, Le Folklore de France, Paris, E. Guilmoto, 1904-1907, t. II, « La mer et les eux douces », chapitre « Sources et fontaines ».
21 I, 2, p. 447 sq.
22 Épître familière du sieur Mairet, dans La Querelle du Cid, éd. J.-M. Civardi, Paris, H. Champion, 2004, p. 802.
23 Le Roman de la Rose, éd. A. Strubel, Paris, LGF, coll. Le Livre de poche, coll. Lettres gothiques, 1992, v. 18040-18517.
24 Marot et Claude Fauchet, cités dans P.-Y. Badel, Le Roman de la Rose au XIVe siècle. Étude de réception de l’œuvre, Genève, Droz, 1980, p. 493.
25 Bibliothèque française, Paris, Compagnie des libraires du Palais, 1664, p. 150.
26 Épître dédicatoire à François Ier de la traduction du premier livre des Métamorphoses d’Ovide.
27 I, 1, p. 15.
28 B. Yon, « Honoré d’Urfé ou le conseiller des vrais Amants », Littératures classiques, 15, 1991, p. 59-67 (p. 61 pour l’expression citée).
29 On sait que c’est en se jetant à l’eau que Sappho, selon la légende, se suicide par désespoir amoureux (voir Ovide, Héroïdes, XV). Sur la signification de cette référence : J. Dejean, Fictions of Sappho : 1546-1937, 1989, trad. française par Fr. Lecercle, Sapho : les fictions du désir : 1546-1937, Paris, Hachette, 1994.
30 I, 5, p. 157-158 et p. 171-172 ; I, 9, p. 366.
31 La notion de matriarcat existe bien avant Bachofen. Hérodote avait décrit les mœurs des Amazones et des Lyciens et, avec la découverte du Nouveau Monde, le rapprochement est fait entre ces mœurs et celles de certains peuples amérindiens (par exemple les Iroquois) : M. Hodgen, Early Anthropology in the Sixteenth and Seventeenth Centuries, Philadelphie Pa., 1964 ; G. Comti Odorsio, « Matriarcato e Patriarchalismo nel pensiero di Hobbes e Locke », dans I. Magli éd., Matriarca e poter delle donne, Milan, 1978.
32 M. Gaume, op. cit., p. 83.
33 J. Baltrušaitis, op cit., p. 220.
34 Notamment par Corneille Agrippa et Cardan ; on le retrouve ensuite dans des traités d’optique, comme celui de Risner (1606) : voir J. Baltrušaitis, op. cit., chap. IX, p. 215 sq.
35 C’est notamment l’étymologie retenue par Scaliger, passage cité par St. Macé, L’Éden perdu : la pastorale dans la poésie française de l’âge baroque, Paris, H. Champion, 2002, p. 112, note 81.
36 D. Denis, Le Parnasse galant. Institution d’une catégorie littéraire, Paris, H. Champion, 2001, p. 312-338.
37 Hermogène, Ideai, II, 4.
38 Commentum Terenti, V, 1 et V, 4.
39 L’Institution oratoire, I, 6, 41 et VIII, 2, 1.
40 I, 1, passim ; II, 1 ; II, 3, p. 106 ; II, 7, p. 296. Voir M. Gaume, op. cit., p. 180, qui renvoie à un article en allemand sur les qualifications du Lignon dans la note 24.
41 Depuis A. Cioranescu (Vie de Jacques Amyot d’après des documents inédits, Paris, Droz, 1941), on a eu tendance à sous-estimer l’influence qu’eut ce roman avant le XVIIIe siècle. Sur la fortune de ce texte, voir J. R. Vieillefond, introduction à Longus, Pastorales, Paris, Les Belles Lettres, coll. CUF, 1987, p. LIX-LXXI ; Fr. Lestringant, « Les amours pastorales de Daphnis et Chloé : fortune d’une traduction de J. Amyot », dans Fortunes de Jacques Amyot, Paris, Nizet, 1986, p. 237-257 ; L. Plazenet, L’Ébahissement et la Délectation. Réception comparée et poétiques du roman grec en France et en Angleterre aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, Champion, 1997, p. 115-121 ; id., « Jacques Amyot and the greek novel : the invention of the french novel », dans G. Sandy dir., The classical heritage in France, Leyde/Boston/Cologne, Brill, 2002, p. 237-280 ; G. Barber, Daphnis and Chloe : the markets and metamorphoses of an unknown bestseller, Londres, The British Library, coll. The Panizzi Lectures, 1998.
42 Il affirme dans son Traité de l’origine des romans que « Longus, que ceux-ci [les écrivains modernes] ont vraisemblablement imité, est le premier modèle des uns et des autres » (Paris, J. Mariette, 1711, p. 127 ; éd. C. Esmein, dans Poétiques du roman. Scudéry, Huet, Du Plaisir et autres textes théoriques et critiques du XVIIe siècle sur le genre romanesque, Paris, Champion, 2004, p. 493).
43 M. Gaume, op. cit., p. 519 et p. 543, repris par Fr. Lestringant, article cité, p. 250.
44 R. Aulotte, Amyot et Plutarque. La traduction des Moralia au XVIIe siècle, Genève, Droz, 1965. La conclusion (p. 321-322) s’intitule « Amyot, le Ronsard de notre prose ». Citation d’Amyot p. 322. R. Aulotte note une désaffection pour la prose d’Amyot après les années 1630 et précise que ceux qui continuent à la défendre ensuite sont les mêmes que ceux qui continuent à défendre la poésie de Ronsard (par exemple Guillaume Colletet, cité p. 323). L. Plazenet montre cependant une continuité du lien entre les traductions du roman grec et la recherche d’un atticisme français, de Henri II jusqu’à l’époque de Richelieu (ouvr. cité, p. 84-93 et p. 223-229).
45 Histoire des pastorales et bocagères amours de Daphnis et Chloé…, Paris, Antoine du Breuil, 1594, réimpression en 1596, 1609. Huet refuse en 1670 de louer la simplicité et l’agrément du style de Longus, mais il précise que c’est contre « la plupart des Savants des derniers siècles » (éd. C. Esmein citée, p. 492) ; en revanche, en 1711, il loue ce style comme « simple, aisé, naturel, concis et sans obscurité » (Mariette, 1711, p. 123-124).
46 L’auteur est nommé Longus Sophista dans les pages de titre des éditions de 1601 (Heidelberg) et 1605 (Hanovre, éd. G. Jungerman). Dans son Traité de l’origine des romans, Huet trouve dans les Pastorales « le caractère de Sophiste » (éd. C. Esmein citée, p. 492-493).
47 E. Henein, Protée romancier. Le déguisement dans l’Astrée d’Honoré d’Urfé, Fasano/Paris, Schena/Nizet, 1996, p. 14-15 et p. 408.
48 Les Épîtres morales et amoureuses…, éd. citée, non paginé, deuxième partie du cahier ã.
49 Gorgias, Éloge d’Hélène, 14 (même rapport entre pouvoir de la parole et táxis des drogues qu’entre táxis des drogues et phúsis du corps), dans B. Cassin, L’Effet sophistique, Paris, Gallimard, 1995, p. 146.
50 Les Épîtres morales, éd. citée, I, 4, p. 26-27 (dialogue sur les « fables de nos romans »).
51 M. L. Godard, Études sur les Épîtres morales d’H. d’Urfé, Washington DC, Université catholique d’Amérique, coll. Studies in Romance languages and literatures, vol. VII, 1933, rééd. New York, AMS Press, 1969, p. 144 sq.
52 De audiendis poetis, 15 D ; De gloria Atheniensium, 348 C.
53 Sur l’intérêt pour les sophistes au début du siècle, voir le chapitre sur la « sophistique sacrée » dans M. Fumaroli, L’Âge de l’éloquence, rhétorique et « res literaria » de La Renaissance au seuil de l’époque classique, Genève, Droz, 1980, en particulier les pages sur le Theatrum Veterum Rhetorum […] du P. de Cressoles « contemporain de d’Urfé » (p. 305). Sur Amour comme sophista, voir p. 304 et note 187. Cet intérêt est un héritage paradoxal de ce qu’on appelle le néo-platonisme, c’est-à-dire de l’hellénisme florentin.
54 S. Poli, « Mensonge et littérature », dans Le miroir et l’image, Gênes, Université de Gênes, 1982.
55 V, 3, v. 7449 sq.
56 C. Ginzburg, Occhiali di legno. Nove riflessioni sulla distanza, Milan, 1998, trad. française À distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, Gallimard, 2001, p. 37-72.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Jean-Yves Vialleton
Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – RARE Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution