La Réserve : Archives Bernard Roukhomovsky

Bernard Roukhomovsky

« Nous sentons un monde au-dedans de nous » : un avatar du petit monde au siècle des Lumières

Initialement paru dans : Recherches & Travaux, n° 61, « Le Moi, le monde », oct. 2002, p. 77-91

Texte intégral

 
 

Il serait utile de chercher si les formes que donne à son nid un oiseau qui n’a jamais vu de nid n’ont pas quelque analogie avec sa constitution intérieure.
Je serais porté à croire qu’il est des idées qui nous viennent de nos formes intérieures1.

Joseph Joubert
 
 
 

  • 2 Ibid., p. 591.

  • 3 Ce n’est pas un hasard, après tout, si Joubert a pensé l’espace intérieur e...

1« Il y a au-dedans de nous un monde. C’est l’âme. Ce qui se passe dans ce monde est ce qu’on aime le plus à voir et à savoir. C’est là ce qu’il faut peindre. » (Joubert) 2. Telle est la conviction qui, depuis Montaigne au moins, inspire toutes les explorations de l’espace intérieur — que ces explorations ressortissent à l’écriture de soi, à la réflexion morale ou à la littérature spirituelle. D’emblée, sachons prendre l’explorateur au mot : il y a au-dedans de nous un monde — et ce n’est pas peu dire 3.

  • 4 Jean-Pierre Camus, Traité de la Réformation intérieure, Paris, S. Huré, 163...

  • 5 Pour reprendre les formules « classiques » de M. Foucault.

2Longtemps conçu sur le modèle de l’autre (celui du dehors) et comme sa réplique, ce « monde » du dedans lui est toujours en quelque façon comparable, ou comparé : « Ceux qui discourent des choses naturelles, peut-on lire chez Jean-Pierre Camus, distinguent la sphère de l’air en trois Régions, mettant en la plus basse les brouillards, les pluies, les nuages […], en la seconde ils logent un air plus épuré, mais ils disent que la troisième est si subtile que les météores n’y peuvent avoir accès […]. Nous pourrons nous représenter en l’Ame quelque chose de semblable […] » 4. Il est entendu qu’à l’âge classique et, a fortiori, au siècle des Lumières, l’idée du monde intérieur n’est pas (n’est plus) réductible au paradigme du petit monde (c’est-à-dire à l’idée d’une correspondance entre la structure du monde physique et l’économie de l’espace intérieur), puisque celui-ci relève d’un « savoir des similitudes » ou d’un « âge du semblable » 5 désormais révolus. Est-ce à dire, pour autant, qu’elle en est rigoureusement dissociable, qu’elle ne le fait en rien revivre ? Est-ce à dire que le paradigme du petit monde a cessé de marquer, fût-ce de manière résiduelle, l’imaginaire de l’espace intérieur ?

  • 6 R. Mauzi, dans sa thèse capitale sur L’Idée du bonheur au XVIIIe siècle (Ar...

  • 7 La Conversation avec soi-même, Liège, Bassompierre, 1762.

3Rien n’est moins sûr. Sans vouloir ici trancher la question (ni d’ailleurs le pouvoir dans les limites de cette brève étude), je voudrais m’interroger sur les structures et les figures du monde intérieur chez Louis-Antoine Caraccioli (1721-1803) 6, dont la production surabondante s’inscrit à la jonction de la réflexion morale et de la spiritualité, et plus particulièrement dans La Conversation avec soi-même 7, qui fournit, me semble-t-il, un exemple intéressant de réactivation — ou plutôt, comme on le verra, de récupération — de l’image du petit monde, dans un dispositif de représentation topographique de la vie intérieure conforme aux modèles élaborés par la tradition spirituelle.

1. Etat des lieux : la désintégration du petit monde à l’âge classique

4Mais au fait, que reste-t-il du petit monde au siècle des Lumières ? Il n’est pas inutile, pour esquisser un sommaire état des lieux, de revenir brièvement en arrière.

5En 1664, Marin Cureau de La Chambre publiait, pour parachever l’œuvre entreprise à travers ses Charactères des Passions (1640-1662) et son Art de connaître les hommes (1659), un ouvrage intitulé Le Système de l’âme, et il justifiait ainsi, dans sa Préface, « un titre si extraordinaire » :

[…] après avoir remarqué que les Astronomes en faisant le Système du Monde, qui n’est autre chose que l’ordre et la disposition qu’ils donnent à tous les corps dont le Monde est composé ; n’examinent point la nature de ces corps-là, et ne cherchent que leur situation, leur figure, leur grandeur et leurs mouvements, j’ai cru que je pouvais emprunter d’eux ce terme-là, puisque j’avais les mêmes visées pour le regard de l’Ame. […] Quoi qu’il en soit, le mot de Système convient aussi justement à l’ordre et à la disposition de ses Facultés, qu’à celle des corps qui composent le Monde. Ne sont-ce pas les parties de l’Ame ? Ne peut-on pas même dire que c’en sont les Astres, dont les situations sont diverses, et les mouvements différents. 8

  • 9 Cf. V. Jullien, « Silences cosmologiques », XVIIe siècle, n° 207, 2000, p. ...

Tardif avatar d’une « logique de la ressemblance » désormais disqualifiée, tardive efflorescence de l’épistémè préclassique, cet essai de microcosmographie n’est pas « extraordinaire » en soi, il s’en faut de beaucoup. On peut comprendre, en revanche, que son titre (et c’est bien de cela qu’il s’agit) puisse être reçu comme tel dans une conjoncture scientifique et philosophique marquée par le débat sur le « système du monde » (le mot de « système » prenant en ce contexte le sens d’« hypothèse » 9). Il est remarquable que Cureau énonce le problème du « système de l’âme » (c’est-à-dire le problème de sa configuration, de son économie) en des termes comparables à ceux dans lesquels se trouvait posé celui du système du monde : il en est, déclare-t-il, de tous les systèmes de l’âme « comme de ceux des astronomes, qui sont tous bons pourvu qu’ils rendent raison de tous les phénomènes, et qu’ils ne choquent point la religion ni l’expérience ».

  • 10 A. Koyré, Du monde clos à l’univers infini, Gallimard, 1973.

  • 11  L. van Delft, « Le “petit monde” : cosmographie, anatomie et écriture mor...

  • 12 La Rochefoucauld, Réflexions morales ou sentences et maximes, 1665, maxime 3.

  • 13 Pascal, Pensées, « Disproportion de l’homme », fragment 230 (éd. Sellier)....

  • 14 Ibid., « Diversité », fragment 99. Lignes célèbres à rapprocher des lignes...

6Aussi bien ce parallèle entre le débat sur le modèle de l’âme et le débat sur le modèle du monde n’est-il pas ici sans traduire l’intuition d’une incidence bien réelle de celui-ci sur celui-là, c’est-à-dire de l’impact des reconfigurations successives de l’imago mundi (le passage « du monde clos à l’univers infini » 10) sur la morphologie du monde intérieur — ou à tout le moins de la concomitance entre l’avènement d’une nouvelle image du monde et l’émergence d’une nouvelle anthropologie : de fait, et comme le constate L. van Delft, « l’“éclatement” du macrocosme se répercute au plan du moi. […] Au dehors, on découvre le Nouveau Monde et la nouvelle configuration de l’univers, au dedans on décèle à présent, avec un émerveillement traversé d’inquiétude, une structure non moins complexe. » 11 Dans le temps même où Cureau publie son Système de l’âme, les Maximes sont sur le point de paraître et de répandre l’idée que, « Quelque découverte que l’on ait faite dans le pays de l’amour-propre, il reste bien encore des terres inconnues » 12. Cette déclaration programmatique (en ce qu’elle enferme un portrait du moraliste en défricheur de nouveaux mondes), La Rochefoucauld la reformule en 1671 : « Quelque découverte que l’on ait faite dans le pays de l’amour-propre, il y reste encore bien des terres inconnues ». Surenchère significative : naguère circonscrites à la périphérie de la carte du cœur (de la Carte de Tendre par exemple), les terres inconnues s’y multiplient désormais, imposant une révision de l’ancienne cartographie morale. Au vertigineux procès de différenciation infinie que Pascal fait subir aux espaces intérieurs de l’infiniment petit (à ce « raccourci d’atome » où il fait voir « une infinité d’univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre » 13) répond le procès d’analyse infinie que dans des termes comparables il fait subir au sujet : « Un homme est un suppôt ; mais, si on l’anatomise, sera-ce la tête, le cœur, les veines, chaque veine, chaque portion de veine, le sang, chaque humeur du sang ?… » 14.

  • 15 Ainsi François Lamy dans son traité De la connaissance de soi-même, Paris,...

7L’habitude de penser le monde intérieur sur le modèle de l’univers physique et comme à son image (de le penser précisément comme petit monde) semble survivre à cet éclatement puisque la description du premier continue de se nourrir (voire de se soutenir) de références au second et que la fortune de la métaphore cosmographique ou géographique — véritable topos du genre moral — ne se dément pas (la maxime 3 de La Rochefoucauld n’est que le plus célèbre des exemples innombrables que l’on pourrait produire 15). Cette apparence de continuité ne peut masquer le fait que le rapport entre les deux mondes — l’espace intérieur et son ancien paradigme — a changé radicalement de nature. Chez Cureau de La Chambre, ce rapport se conçoit encore comme similitude et comme proportion. La nature de ce rapport avait été pourtant redéfinie beaucoup plus tôt, et notamment en 1630 par La Mothe Le Vayer :

  • 16 F. La Mothe Le Vayer, De la vie privée, in Dialogues faits à l’imitation d...

Et croyez-vous qu’il ne se trouve pas tous les jours au globe intellectuel des lieux non encore défrichés ni cultivés, comme nous en voyons paraître au matériel, qui n’ont été vus ni habités jusqu’ici de personne […]. C’est une des correspondances et un des rapports qui se trouve le plus véritable du grand au petit monde16

La nouvelle donne scientifique et les nouveaux horizons de la réflexion anthropologique conduisent donc à substituer à l’ancienne correspondance (quitte à conserver le vocable) ce qui n’est plus en fait qu’une simple comparaison : le grand monde et le petit ne sont plus guère comparables qu’en ceci, qu’ils sont l’un comme l’autre saturés d’inconnu — voire d’inconnaissable — et que l’un comme l’autre ils se dérobent à tout essai de modélisation systématique. Triple désintégration, donc : celles, concomitantes, du grand monde et du petit, mais celle aussi du socle épistémologique (le « savoir des similitudes ») sur la base duquel celui-ci se laissait concevoir comme « abrégé » de celui-là.

  • 17 Selon le mot de L. van Delft, article cité, p. 215.

8Du petit monde, il ne reste donc, à la fin de l’âge classique, que des débris — éléments résiduels détachés de l’ensemble organique au sein duquel ils faisaient corps. Est-ce à dire qu’il touche alors « à la fin de sa carrière » 17 ?

2. Une reconstitution du petit monde : anatomie d’un bricolage

9Ce serait oublier que les débris ne sont jamais perdus pour tout le monde — et ceci vaut en particulier pour ce qui concerne l’histoire des modèles de l’espace intérieur. Ils ne sont jamais perdus pour quiconque est un peu bricoleur — et tel est bien le cas de Louis-Antoine Caraccioli : ses œuvres innombrables, à commencer par la Conversation avec soi-même, portent la marque de son éclectisme.

10La désintégration du petit monde tout au long du Grand Siècle aboutit logiquement à la transformation d’un paradigme millénaire en un magasin de figures et de motifs, récupérables et recomposables à la demande. Aussi bien la figure et l’idée du monde intérieur ne sont-elles pas construites, chez Caraccioli, sur les débris du petit monde, mais avec ses débris :

  • 18 L.-A. Caraccioli, La Conversation avec soi-même, p. 19..

A mesure que nous conversons intérieurement, nous sentons un monde au-dedans de nous, semblable à celui que nous habitons. Il roule en soi des plaisirs, et plus souvent des chagrins et des projets. 18

  • 19  Ibid., Préface, p. XV.

Le motif du monde intérieur est co-extensif à l’idée de la conversation intérieure, puisque celle-ci consiste précisément à « rentrer en soi-même » pour « s’approfondir », c’est-à-dire à se détourner d’un monde (extérieur et matériel) pour en investir ou pour en découvrir un autre (intérieur et spirituel). Et ce monde « au-dedans de nous » se conçoit bel et bien sur le modèle du petit monde, puisqu’il est avec le monde extérieur dans un double rapport de similitude et d’opposition. Un rapport de similitude : ce monde n’est-il pas à ce point « semblable à celui que nous habitons » qu’il en reproduit le mouvement gravitationnel et « roule en soi » plaisirs, chagrins et projets, de la même façon que « dans l’immensité de Dieu […] le monde entier roule sans cesse » 19 ? La logique de la ressemblance, fût-elle d’un autre temps, et, avec elle, l’image millénaire du parvus mundus, travaillent ici visiblement la représentation de l’espace intérieur :

  • 20 Ibid., p. 64.

Chaque homme […] n’est-il pas un véritable abrégé de l’univers ? Ne renferme-t-il pas au-dedans de soi, des montagnes qu’il faut abaisser, des inégalités qu’il faut aplanir, et des limites où il faut s’arrêter ? Il arrive dans l’ordre moral les mêmes révolutions qu’en l’ordre physique : ici, ce sont des obscurcissements formés par les passions, qui nous retracent des éclipses ; là, des soulèvements d’une volonté rebelle, qui ressemblent à des tremblements. Tantôt notre imagination s’allume et s’éteint comme un volcan, et tantôt nos désirs, tels des vents impétueux, se déchaînent avec fureur. 20

  • 21 Sur la possibilité (ou l’impossibilité) de transposer le modèle newtonien ...

  • 22 Sénac de Meilhan. Considérations sur l’esprit et les mœurs, Londres, 1787,...

  • 23 Ordre que Caraccioli, faisant sienne une argumentation traditionnelle de l...

  • 24 Voir à ce sujet R. Mauzi, op. cit., p. 544-546..

  • 25 La Conversation avec soi-même, p. 64.

  • 26 Ibid..

La logique de la ressemblance se déploie d’autant plus facilement qu’elle se nourrit d’un imaginaire scientifique dominé par la diffusion de la physique newtonienne. Avancer qu’« il arrive dans l’ordre moral les mêmes révolutions que dans l’ordre physique », c’est rêver de l’existence de lois universellement opératoires (comme le sont dans l’ordre physique les lois de Newton 21), susceptibles de rendre raison tout à la fois de tous les phénomènes de la nature et de tous les mouvements du monde intérieur : ceux qui s’emploient à découvrir les principes de la vie morale en progressant dans la connaissance de l’homme et des ressorts qui le font agir ne sont-ils pas du moins, comme le proclame un Sénac de Meilhan, des « Newtons du monde moral » 22 ? Et l’idée prend corps, dans un siècle épris de rationalité, d’une correspondance entre l’ordre de l’univers, ordre éclatant et pleinement intelligible 23, et l’ordre secret d’une âme bien faite 24 : alors que « la vue d’un jardin planté confusément » nous renvoie l’image de « ce désordre intérieur dans lequel nous vivons » 25 tant que nous négligeons de rentrer en nous-mêmes (c’est dire qu’une âme qui a su dominer le désordre intérieur est un jardin à la française), alors que le « tableau mouvant » de ce désordre « nous représente un informe chaos, tel que le monde fut dans son premier jour » 26,

  • 27 Ibid.

Chaque homme trouve dans ce vaste univers le modèle d’un ordre invariable, qu’il doit observer en lui-même. Le soleil qui n’interrompt jamais sa course, ces saisons qui se suivent avec tant d’harmonie, cette terre qui germe et fleurit tour à tour, cette mer qui ne passe point ses limites, instruisent les mortels comme ils doivent se régler. Toutes ces créatures ont leur langage, qui prêche l’amour de l’ordre, et qui en fait connaître la nécessité. […] Que serait le monde à nos yeux sans cette liaison de parties et sans cet ensemble qui en constitue la beauté ! 27

  • 28 L.-A. Caraccioli, L’Univers énigmatique, nouvelle édition revue et corrigé...

11En tant qu’il est petit monde et pourvu qu’il soit en ordre, le monde du dedans est la réplique de celui du dehors. Mais la relation du microcosme au macrocosme est faite à la fois de similitudes et d’oppositions (en quoi le parvus mundus est aussi mundus inversus). C’est à deux titres au moins que le monde intérieur s’oppose à l’autre, c’est à deux titres au moins qu’il l’emporte en dignité sur celui-ci. Première opposition — et c’est un lieu commun de la description du petit monde : « le monde que chacun de nous porte en soi-même, ce monde qui veut et ne veut pas, qui imagine, qui combine, qui dispute, qui raisonne, qui juge, est bien plus admirable » que l’autre (ce « monde merveilleux » dont « nous sommes tous citoyens ») du seul fait qu’il enferme l’équivalent d’un monde dans un petit espace, un univers en réduction (« Quel assemblage de pensées et de projets, d’espérances et de désirs, de craintes et d’affections, d’idées et de perceptions dans le petit espace d’un crâne ! ») 28. Ce petit monde est d’ailleurs d’autant plus « admirable » qu’il enferme l’équivalent d’un monde dans les deux sens du terme, c’est-à-dire qu’il est non seulement l’abrégé de l’univers mais encore (et l’on entrevoit ici la main du bricoleur) celui de la société des gens du monde (qui précisément se nomme alors « le monde ») — une « petite société concentrée au fond de notre être » :

  • 29 La Conversation avec soi-même, Préface, p. IX. Voir aussi La Jouissance de...

La Conversation suppose au moins, deux personnes qui discourent ensemble, et qui tantôt sont d’accord, et tantôt en opposition : or, comme nous éprouvons en nous-même un Je ne sais quoi, qui tantôt nous conseille et tantôt nous reprend, qui tantôt veut et tantôt ne veut pas, nous pouvons sans contredit, converser intérieurement. Le spectacle de l’homme, c’est-à-dire, d’un être tout spirituel d’une part, et tout matériel de l’autre, nous présente des pensées et des affections, des idées et des perceptions, des désirs et des besoins, des vertus et des passions, dont l’union ou l’opposition forme dans chacun de nous, l’abrégé d’un monde et l’emblème de toutes les sociétés29

Mais si la conversation avec soi-même forme ainsi la réplique (rapport de similitude) de la conversation des gens du monde (le concert des voix intérieures étant ici réglé par la même exigence de diversité harmonieuse qui règle le fonctionnement de la sociabilité mondaine), il s’agit toutefois d’une réplique inversée (rapport d’opposition) :

  • 30 Ibid., Préface, p. XI.

La Conversation avec soi-même, bien différente de ces entretiens où l’on ne discourt que de la pluie et du beau temps, que des modes et des vanités, rappelle l’homme à son origine, et lui fait entrevoir toute son excellence et toutes ses facultés. 30

  • 31 Ibid., p. 12.

Tout au rebours du commerce du monde, « le commerce avec notre âme anticipe cet heureux moment où, loin du monde et des frivolités, nous contemplerons l’Etre par excellence. La conversation intérieure devient une sécrétion de la matière et de l’esprit : on renvoie l’un à son centre, vers l’Eternel et l’infini ; on laisse l’autre à sa place, au milieu des ténèbres et de la corruption. » 31 Voilà qui nous conduit à la seconde opposition — qui intéresse de plus près la problématique de l’espace intérieur en contexte spirituel ou mystique : le petit monde « au-dedans de nous » s’oppose au monde naturel en ce qu’il est polarisé par la vie spirituelle (il a du moins vocation à l’être) quand celui-ci l’est par la vie matérielle.

12La conversation intérieure est un exercice éminemment spirituel.

3. L’uni-divers intérieur : réminiscences salésiennes

  • 32 M. Bergamo, L’Anatomie de l’âme. De François de Sales à Fénelon, Grenoble,...

13C’est pourquoi la topographie de l’espace intérieur s’inscrit, chez Caraccioli, dans le sillage de ces « anatomies de l’âme », si finement étudiées par M. Bergamo 32, que nous devons aux maîtres spirituels du dix-septième siècle.

  • 33  Essais, II, XVII, éd. P. Villey, PUF, 1988 (Quadrige), p. 658.

  • 34  Ibid., p. 656.

  • 35  Ibid., p. 657.

  • 36 Ibid., II, VI, p. 378.

14Sans doute, dira-t-on, c’est un autre modèle qui d’entrée de jeu se trouve convoqué, puisque la formule titulaire retenue par l’auteur — la Conversation avec soi-même — est probablement calquée sur la formule montaignienne de l’entretien avec soi-même. Et sans doute il n’est pas interdit de voir, dans le mouvement gravitationnel (évoqué ci-dessus) du monde intérieur chez Caraccioli, le souvenir de cette gravitation interne (« Je me roule en moi-même » 33) qui reproduit et relaye, chez Montaigne, « le roulement céleste » 34 dans le moment même où il « replie [s]a vue au dedans » 35. La convergence, cependant, demeure assez superficielle. Montaigne, on le sait, ne vient jamais à bout de « la profondeur opaque de ses replis internes » mais s’essaye encore et toujours à la « pénétrer » 36 ; au rebours, la « conversation avec soi-même » a vocation à résorber toutes les zones d’ombre de l’espace intérieur :

  • 37 Ibid., p. 12.

Il ne pouvait y avoir parmi les mortels de plus heureuses découvertes que celles qu’on fait dans son cœur. Ce labyrinthe, inexplicable à la plupart des hommes, se développe à mesure qu’on converse avec soi : on en pénètre toutes les issues, on en connaît toutes les sinuosités37

  • 38 Ibid., III, II, p. 805.

  • 39 Ibid. , II, I, p. 337.

Alors que, chez Montaigne, la forme du monde et la forme du moi se dessinent à travers les figures de la fluidité (« Je ne peins pas l’être. Je peins le passage » 38) et, concomitamment, de la dislocation (« Nous sommes tous de lopins » 39), la conversation intérieure est au contraire, chez Caraccioli, ce qui permet au moi d’échapper au tropisme de l’écoulement et de l’émiettement :

  • 40 La Conversation avec soi-même, p. 94. Par l’exercice de la conversation in...

Quelle différence entre l’homme qui ne s’attache qu’à des dehors, et celui qui rentre souvent en lui-même ! L’un se croit un centre où tout doit aboutir, l’autre une source qui doit couler de toutes parts40

  • 41 « Saint Augustin avait une telle idée de cette science [la conversation in...

Ce n’est donc pas dans l’univers multipolaire et discontinu des Essais que, pour l’essentiel, il convient de chercher les modèles qui structurent l’imaginaire de l’intériorité dans la Conversation avec soi-même. Aussi (et c’est un bricolage de plus), ce n’est pas un hasard si cette formule titulaire, à consonance montaignienne, est le plus souvent remplacée, dans le corps de l’ouvrage, par une reformulation concurrente — la conversation intérieure — qui entre en résonance avec la littérature spirituelle : avec son paradigme augustinien 41 (notamment avec la figure de l’homme intérieur) et plus encore, comme on va le voir, avec la spiritualité salésienne.

  • 42 La Conversation avec soi-même, p. 64.

  • 43 Ibid., p. 12.

  • 44 Ibid., p. 64.

  • 45 B. Papasogli, « L’idée de monde intérieur : “Il se fait un monde nouveau d...

15De fait, il n’est rien de plus étranger à la multipolarité que la configuration du monde intérieur dans la Conversation avec soi-même. C’est au contraire un monde éminemment centré (ou recentré, précisément, par l’exercice de la conversation intérieure, qui a vocation à nous préserver de « tout le ravage qu’excite dans notre propre cœur la dissipation qui nous entraîne çà et là » 42) : à l’image de l’univers, qui tout entier s’ordonne autour de « Dieu, centre universel » 43, le monde intérieur s’ordonne autour d’un centre unique, la « lumière intérieure » 44, avatar du soleil intérieur cher aux maîtres de la littérature spirituelle — ce centre de l’âme où Dieu se rend présent à l’homme. Il s’agit là d’une structure fondamentale de l’imaginaire de l’espace intérieur en contexte mystique. D’où vient que les mystiques du siècle précédent, B. Papasogli l’a montré, se trouvaient pleinement en accord avec l’héliocentrisme copernicien dans la mesure où celui-ci « se rapprochait des exigences expressives d’une spiritualité qui invitait l’homme à rentrer en soi pour trouver Dieu » 45. Il est permis de penser que l’imaginaire scientifique du siècle des Lumières fournissait à leurs successeurs un modèle non moins accommodable à de semblables exigences (même s’il se prêtait, en d’autres contextes et sous d’autres plumes, à des usages radicalement différents, voire opposés) : dans un univers infini (certes), un système solaire fortement centralisé, nettement délimité et fortement hiérarchisé — avatar newtonien de l’imago mundi. La spécificité, toutefois, du régime mystique de l’espace intérieur, est que l’infini s’y loge au centre (et non pas au-delà des confins). La conversation intérieure se conçoit précisément comme une progression vers ce centre du « monde au-dedans de nous » où l’âme s’unit à Dieu :

  • 46 La Conversation avec soi-même, p. 127.

Nous trouvons donc, au-dedans de nous, des moyens d’entretenir avec Dieu une sainte familiarité. Plus on en approche, et plus on désire s’unir intimement à lui. Quel beau spectacle, qu’une âme élevée jusqu’à l’Etre incréé ! C’est un prisme qui réunit en soi toutes les couleurs ; un cristal qui recueille dans un seul point tous les rayons, et qui rassemble ce qui peut échauffer, embellir, éclairer. 46

  • 47 Ibid., p. 12.

  • 48 J.-P. Camus, op. cit., chap. IV. Sur cette caractéristique de la spiritual...

Or une affinité remarquable avec la spiritualité salésienne se fait jour à ce point. C’est que ce mouvement centripète, dans la mesure où ce centre « au-dedans de nous » est le foyer de la transcendance intérieure, se conçoit simultanément comme un mouvement ascendant (l’âme s’élève jusqu’à l’Etre incréé) : « On dirait que celui qui aime à vivre au-dedans de soi se trouve sur une éminence, et qu’il aperçoit l’univers sous ses pieds. » 47 La progression vers l’intérieur est dans le même temps progression vers le sommet, c’est-à-dire vers ce point que, dans son Traité de la Réformation intérieure, Jean-Pierre Camus désignait concurremment comme « firmament de l’âme » et comme « centre de l’âme » 48.

  • 49 Ibid., p. 25.

  • 50 Ibid., p. 30-31.

  • 51 « Lorsqu’elle [l’âme] semble se diversifier en mille modifications différe...

  • 52 François de Sales, Traité de l’amour de Dieu (I, 1), cité par B. Papasogli...

Si le centre et le sommet entrent ainsi, chez Caraccioli, dans un rapport d’équivalence, c’est aussi comme figures de l’unité dont la diversité procède et dans laquelle en retour elle se résorbe. Semblable au « cristal qui recueille dans un seul point tous les rayons », au « prisme qui réunit en soi toutes les couleurs », l’espace intérieur est un univers dans le sens salésien du terme : « comme qui dirait un et divers, c’est-à-dire unique en sa diversité, et divers en son unité » 49 ; c’est que « Dieu qui est un, ayant réduit toutes choses à l’unité, afin que par là leur multiplicité disposée par un bel ordre se termine en lui, […] n’a pas manqué d’établir en l’Ame ce que nous voyons être aux corps et naturels et politiques » 50. Le monde intérieur est un petit monde en ceci que, diversité réductible à (déductible de) l’unité 51, il reflète à la fois l’ordre de la nature et l’ordre politique — et plus précisément l’ordre monarchique : « Ainsi, […] parmi l’innumérable multitude et variété d’actions, mouvements, sentiments, inclinations, habitudes, passions, facultés et puissances qui sont en l’homme, Dieu a établi une naturelle monarchie en la volonté, qui commande et domine sur tout ce qui se trouve en ce petit monde. » 52 Autres temps, autres mots — mais à ceci près Caraccioli ne dit pas autre chose :

  • 53 La Conversation avec soi-même, p. 19.

A mesure que nous conversons intérieurement, nous sentons un monde au-dedans de nous, semblable à celui que nous habitons. Il roule en soi des plaisirs, et plus souvent des chagrins et des projets. C’est comme un Etat despotique, où l’âme commande aux passions et aux sens : elle a le droit le plus absolu sur eux, et il arrive cependant qu’ils viennent à bout de changer son gouvernement en Aristocratie. Ils usurpent l’autorité, ils mettent le désordre dans le centre même de la paix. 53

  • 54 Ibid., p. 64.

  • 55 La Jouissance de soi-même, p. 4.

Il appartient à « notre Moi » de n’être pas « la proie de nos passions, lui qui doit les tenir en esclavage, et se faire respecter en Souverain » ; à notre âme, « cette âme destinée pour commander en souveraine », il importe de n’être pas « ignominieusement traitée par nos passions, et comme asservie à un misérable corps, qui n’est que son sujet. » 54 ; c’est alors que, « comme d’un trône inaccessible aux révolutions et aux vicissitudes, […] elle se multiplie sans se diviser ». 55 On pourrait ici multiplier les exemples, tant il est vrai que le modèle monarchique de l’espace intérieur, lesté de réminiscences salésiennes, affleure presque continûment dans la Conversation avec soi-même.

 

16Le modèle monarchique emblématise, au reste, le processus unificateur qui sous-tend à deux niveaux au moins la représentation du monde intérieur chez notre moraliste. Qui sous-tend, tout d’abord, le contenu de la représentation — autrement dit l’idée que la diversité des voix intérieures peut (doit) être dominée, peut (doit) être résorbée, sans déchet, dans l’harmonieuse unité du Moi. Qui sous-tend, d’autre part, le modus operandi de la représentation — qui se construit, comme on l’a vu, par unification de matériaux disparates habilement recomposés. Ce qui se recompose, sous la plume d’un « petit moraliste » du siècle des Lumières, c’est une représentation foncièrement unitaire de l’espace intérieur — représentation dont le motif du petit monde, opportunément « récupéré », est en partie dépositaire.

17Les pages de Caraccioli mériteraient sans doute d’être prises en compte au titre d’une réflexion de plus large portée sur les dispositifs de figuration de l’espace intérieur. On pourrait en particulier se demander — en considérant la question sur la longue durée — dans quelle mesure, en même temps qu’elle se donne à voir, allégoriquement ou métaphoriquement, dans la forme du monde, la configuration de l’espace intérieur se donne à lire, concurremment, dans la forme du discours auquel elle donne lieu — question qui engage en particulier la dimension figurative de la dispositio et qui pourrait se révéler particulièrement intéressante (et particulièrement délicate) dans le cadre d’une poétique des formes de l’analyse morale.

18Je me bornerai pour finir, histoire de verser une pièce (une de plus) à ce volumineux dossier, à revenir sur ce qui permet d’opposer l’obscur théoricien de la Conversation avec soi-même au maître en « l’art de conférer ». Alors que, chez Montaigne, la forme parcellaire du sujet se dessine dans la dispositio singulière — multipolaire et disloquée — de ce « fagotage de tant de pièces diverses » que sont les Essais, symétriquement chez Caraccioli, le choix du discours continu et le refus explicite de la composition morcelée (dans « ce livre […] tout est lié, parce que tout y est vrai, et que toutes les vérités, enchaînées les unes dans les autres, forment une échelle merveilleuse », avertit la Préface) répond à l’évidence au processus unificateur de la conversation avec soi-même et forme l’empreinte d’une conception fortement unifiée du monde intérieur :

  • 56 La Conversation avec soi-même, Préface, p. XV. « Quand on ne converse pas ...

Nos pensées n’existent et ne se succèdent qu’à pure perte, si nous n’avons l’attention de les lier ensemble, et d’en faire un tout qui raisonne, qui combine, qui calcule, et qui nous guide selon les différentes circonstances ; et c’est là cette opération que nous appelons, Conversation avec soi-même56

Notes

1 Carnets, éd. A. Beaunier, NRF, 1938, p. 49.

2 Ibid., p. 591.

3 Ce n’est pas un hasard, après tout, si Joubert a pensé l’espace intérieur en termes de cosmologie, s’il a voulu que « [s]es pensées se succédassent dans [son] livre comme les astres dans le ciel » (ibid., p. 263). Sur la cosmologie de Joubert, voir G. Poulet, La distance intérieure, Plon, 1952, chap. IV.

4 Jean-Pierre Camus, Traité de la Réformation intérieure, Paris, S. Huré, 1631, p. 35.

5 Pour reprendre les formules « classiques » de M. Foucault.

6 R. Mauzi, dans sa thèse capitale sur L’Idée du bonheur au XVIIIe siècle (Armand Colin, 1969), a consacré quelques pages à la pensée morale de ce littérateur éclectique et prolifique « qui incarne à merveille le compromis entre l’esprit chrétien et l’esprit du monde » (p. 195).

7 La Conversation avec soi-même, Liège, Bassompierre, 1762.

8   Cureau de La Chambre, Le Système de l’âme, Paris, Jacques d’Allin, 1664. Lignes à rapprocher du frontispice, qui représente une allégorie de l’âme tenant un miroir à la main « parce qu’elle-même est un miroir où tout ce qui est dans l’Univers est représenté ».

9 Cf. V. Jullien, « Silences cosmologiques », XVIIe siècle, n° 207, 2000, p. 236.

10 A. Koyré, Du monde clos à l’univers infini, Gallimard, 1973.

11  L. van Delft, « Le “petit monde” : cosmographie, anatomie et écriture moraliste », Littératures classiques, 22, 1994, p. 233.

12 La Rochefoucauld, Réflexions morales ou sentences et maximes, 1665, maxime 3.

13 Pascal, Pensées, « Disproportion de l’homme », fragment 230 (éd. Sellier). Voir l’analyse de G. Poulet, in Les Métamorphoses du cercle, Plon, 1961, p. 58-63.

14 Ibid., « Diversité », fragment 99. Lignes célèbres à rapprocher des lignes non moins célèbres du fragment 230 : « […] qu’un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ses jambes, du sang dans ses veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttes […] ». Sur ce procès de différenciation infinie, voir l’analyse de L. Marin, in La Critique du discours, Minuit, 1975, chapitre 4.

15 Ainsi François Lamy dans son traité De la connaissance de soi-même, Paris, Pralard, 1697, t. III, Dessein général : « [Le] cœur est d’une si vaste étendue, il y a tant de terres et de mers à découvrir, dans ces terres tant de chemins détournés, tant de recoins, tant de faux-fuyants, tant de labyrinthes embarrassés et embarrassants ; dans ces mers tant d’orages et de tempêtes, tant d’écueils et tant d’abîmes inconnus […], qu’il y aurait de la témérité à entreprendre d’en faire une carte exacte. »

16 F. La Mothe Le Vayer, De la vie privée, in Dialogues faits à l’imitation des anciens, [1671], Fayard, 1988, p. 147-148.

17 Selon le mot de L. van Delft, article cité, p. 215.

18 L.-A. Caraccioli, La Conversation avec soi-même, p. 19..

19  Ibid., Préface, p. XV.

20 Ibid., p. 64.

21 Sur la possibilité (ou l’impossibilité) de transposer le modèle newtonien dans le domaine de l’analyse morale, voir Vauvenargues, « Sur la morale et la physique », Œuvres, éd. D.-L. Gilbert, Furne et Cie, 1857, p. 111.

22 Sénac de Meilhan. Considérations sur l’esprit et les mœurs, Londres, 1787, p. 13.

23 Ordre que Caraccioli, faisant sienne une argumentation traditionnelle de l’apologétique, célèbre par ailleurs comme trace visible de la volonté divine.

24 Voir à ce sujet R. Mauzi, op. cit., p. 544-546..

25 La Conversation avec soi-même, p. 64.

26 Ibid..

27 Ibid.

28 L.-A. Caraccioli, L’Univers énigmatique, nouvelle édition revue et corrigée par l’auteur, Liège, Bassompierre et Bruxelles, J. van den Berghen, 1762, p. 7. Voir aussi La Conversation avec soi-même, Préface, p. IX : « Que de trésors renfermés dans l’essence de ce soi-même dont nous allons parler ! Combien de moyens de nous entretenir avec nous, quand nous savons nous approfondir et nous analyser !

29 La Conversation avec soi-même, Préface, p. IX. Voir aussi La Jouissance de soi-même, Liège, Bassompierre, 1767, p. 237 : « si l’on savait user de soi-même, on se sentirait capable de se multiplier au point de trouver au fond de son âme de quoi établir une conversation. […] On éprouverait que notre imagination est le bel esprit de la petite société concentrée au fond de notre être, que la mémoire fournit aux récits et aux anecdotes, et que la volonté nous y applique. On éprouverait que les espérances, les désirs, et les projets viennent tour à tour, et quelquefois tous ensemble grossir notre société interne, l’interrompre ou la prolonger, l’animer ou la refroidir, l’inquiéter ou la réjouir. »

30 Ibid., Préface, p. XI.

31 Ibid., p. 12.

32 M. Bergamo, L’Anatomie de l’âme. De François de Sales à Fénelon, Grenoble, J. Million, 1994.

33  Essais, II, XVII, éd. P. Villey, PUF, 1988 (Quadrige), p. 658.

34  Ibid., p. 656.

35  Ibid., p. 657.

36 Ibid., II, VI, p. 378.

37 Ibid., p. 12.

38 Ibid., III, II, p. 805.

39 Ibid. , II, I, p. 337.

40 La Conversation avec soi-même, p. 94. Par l’exercice de la conversation intérieure, le moi se ramasse en son centre : nous ne vivons plus d’autre existence que celle de l’âme, une « existence [qui] se fixe sur le point immuable de l’éternité » (La jouissance de soi-même, p. 4) :

41 « Saint Augustin avait une telle idée de cette science [la conversation intérieure] qu’il l’annonçait comme faisant tout le mérite de l’homme. Il en pouvait sans doute mieux parler qu’un autre, lui qui se peignit aux yeux de l’Univers aussi naturellement qu’il se connaissait. » (Ibid., p. 27).

42 La Conversation avec soi-même, p. 64.

43 Ibid., p. 12.

44 Ibid., p. 64.

45 B. Papasogli, « L’idée de monde intérieur : “Il se fait un monde nouveau dans l’homme” », Littératures classiques, 22, 1994, p. 251.

46 La Conversation avec soi-même, p. 127.

47 Ibid., p. 12.

48 J.-P. Camus, op. cit., chap. IV. Sur cette caractéristique de la spiritualité salésienne, voir aussi B. Papasogli, article cité, p. 251.

49 Ibid., p. 25.

50 Ibid., p. 30-31.

51 « Lorsqu’elle [l’âme] semble se diversifier en mille modifications différentes, son essence toujours simple, enfin toujours la même, n’en peut être altérée » (La Jouissance de soi-même, p. 4).

52 François de Sales, Traité de l’amour de Dieu (I, 1), cité par B. Papasogli, article cité, p. 242.

53 La Conversation avec soi-même, p. 19.

54 Ibid., p. 64.

55 La Jouissance de soi-même, p. 4.

56 La Conversation avec soi-même, Préface, p. XV. « Quand on ne converse pas avec soi-même » il advient que « les pensées errent à l’aventure, sans aucune connexion » (Ibid., p. 64).

Annexes

 

Frontispice du Traité de la Réformation intérieure de Jean-Pierre Camus (1631)

Image 10000000000000F6000000D40FB91623.jpg

 

Frontispice du Système de l’âme de Cureau de La Chambre (1664)
(Cliché Bibliothèque Municipale de Grenoble)

Image 1000000000000135000001C00338FFD5.jpg

Pour citer ce document

Bernard Roukhomovsky, «« Nous sentons un monde au-dedans de nous » : un avatar du petit monde au siècle des Lumières», La Réserve [En ligne], La Réserve, Archives Bernard Roukhomovsky, mis à jour le : 01/11/2017, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/reserve/370--nous-sentons-un-monde-au-dedans-de-nous-un-avatar-du-petit-monde-au-siecle-des-lumieres.

Quelques mots à propos de :  Bernard  Roukhomovsky

Université Grenoble Alpes (2002 : Université Stendhal Grenoble 3)

Du même auteur

Archives en open access dans La Réserve