Epopée, Recueil Ouvert : Section 2. L'épopée, problèmes de définition I - Traits et caractéristiques

Jean-Marcel Paquette

Le Ramakien siamois à l’épreuve des théories de l’épopée

Résumé

[Résumé des éditeurs] Jean-Marcel Paquette est l’un des pionniers du renouveau des études sur l’épopée. Dès 1971, il proposait dans les Études littéraires canadiennes une réflexion innovante sur “Épopée et roman : continuité ou discontinuité ?”, et, en 1988, l’une des toutes premières théorisations véritablement comparatistes du genre, qui ne se fondait pas sur l’épopée occidentale seule mais prenait en compte des épopées d’origines géographiques et d’époques très diverses.

Il dégageait alors deux types de critères de l’épique, l’un interne et l’autre externe au matériau narratif.
1. Loin d’être le texte simple et non problématique décrit par Hegel à partir d’Homère, l’épopée présente une pyramide de conflits : guerre extérieure (entre deux peuples : Grecs et Troyens, Francs et Sarrasins...), crise sociale (affrontement entre deux chefs à l’intérieur d’un des camps en présence : Agamemnon et Achille, Roland et Ganelon), conflit interne, en général à l’intérieur du “couple épique” (Roland et Olivier) mais qui peut être également un conflit véritablement intérieur (la délibération d’Hector pour savoir s’il affrontera Achille).
2. Critères anthropologiques : l’épopée est la production d’une époque de “territorialisation”, quand un peuple s’approprie son territoire, en général par la guerre ; elle est le lieu de la “saisie de l’Histoire par l’imaginaire”.
Cette théorisation a été d’une très grande fertilité et a contribué à renouveler et étendre la pensée épique.

Dans le présent article, Jean-Marcel Paquette confronte le Ramakien thaï à cette théorie. Ce texte, dont la nature d’épopée n’est pas évidente au premier abord, peut et doit être considéré comme tel au regard de la théorie qui rend si bien compte de tant d’épopées.
Après une présentation historique des rapports entre le Râmâyana indien et le Ramakien thaï et un résumé du texte, l’article dégage d’abord la structure tripartite d’opposition. Le premier niveau est l’opposition irréductible des Hommes et des Géants (cette opposition étant la réplique d’une structure oppositionnelle déjà présente chez les dieux, entre glorieux et miteux). Un deuxième niveau, à l’intérieur du clan des hommes, oppose Rama et la mégère Kao pour l’enjeu du trône. Le troisième niveau affronte Rama et son demi-frère Lascha par l’intermédiaire de Sita épouse de Rama.
La deuxième partie donne une démonstration relative aux critères externes au matériau narratif : l’auteur y reconstitue les conditions cette fois historiques et anthropologiques ayant permis au Ramakien (né du provignement d’un texte non épique) de s’élever jusqu’à l’épopée. Quatre sont essentielles : la territorialisation (qui explique notamment pourquoi l’épopée naît dans une société guerrière), la saisie par l’imaginaire, le refus d’un style archaïsant et le travail de sortie de crise.
Mobiliser ces critères internes et ces critères externes permet non seulement à J.-M. Paquette de définir l’épopée comme genre, mais aussi d’expliciter la manière dont s’articulent ses premières théories et certaines des thèses contemporaines qui en revendiquent l’influence.

Abstract

The Siamese Ramakien examined in the light of the author’s theories

Jean-Marcel Paquette is one of the pioneers of the new theories of the Epic that emerged after G. Nagy’s and Etiemble’s call for recontextualization ot the genre. In two seminal articles he helped reshape our vision of Epic (“Épopée et roman: continuité ou discontinuité?” in Études littéraires, Quebec Canada, 1971, and the Introduction to the Epic in Typologie des sources du Moyen Age occidental, Brepols, 1988).

In the latter – one of the very first studies based on a corpus of epics from diverse times and cultures –, he defined the genre through two sets of criteria, internal and external:
1. The Epic’s signature is a tripartite structure of oppositions. Epics tell of wars between two peoples (Achaeans and Trojans, Franks and Saracens), they stage the strife between two leaders of one of the two camps (Agamemnon and Achilles, Roland and Oliver), and they also show “internal” conflict, either as a dissension between the members of an epic duo (Roland and Oliver) or as the dilemma faced by one character (Hector’s deliberating whether he should stay and fight Achilles).
2. Anthropological criteria. The Epic is the product of a time of “territorialization”, when a community settles on its territory, generally through war; this is the scene where “imagination seizes history.”

In the present article, after a presentation of the historical relationship between the Indian
Ramayana and the Thai Ramakien, and a summary of the Siamese epic, the author first shows the tripartite structure of oppositions at work in the text. On one level, there is the intractable opposition between Gods and Giants (itself reflecting an oppositional structure among the gods, between the glorious and the shabby). On a second level, one can see the opposition between Rama and the harridan Kao for possession of the throne. The third level sees the opposition of Rama to his half-brother, brought about by Sita, Rama’s wife.
In addition to such internal criteria, the author in a second part shows the presence of the anthropological criteria, external to the narrative material. Thus he recreates both the historical and anthropological conditions which allowed the
Ramakien (albeit born and developed from a non-epic text) to become a true epic. Four of these criteria are to be mentioned: territorialization (which explains why the Epic originates in warrior societies), History tackled through the powers of imagination, archaism (here to be refused) and the resolution of the crisis.
Defining the Epic through these internal and external criteria, J.-M. Paquette also uncovers the point where his own early theories and more recent theses may join.

Texte intégral

  • 1 Râmâyana : en sanskrit ‘le chemin de Râma" dans le sens de l’initiation, co...

  • 2 Graphie française ancienne que nous suivons en lieu du moderne Ayutthaya.

1Le Ramakien est la version proprement siamoise du Râmâyana indien (ca -1000)1. On ne sait rien de l’époque et du lieu où se fit cette transmission ni par laquelle des quelques trois cents versions régionales indiennes. D’anciennes annales du royaume de Sukhothai (XIIIe siècle) font état de bribes de scènes du Râmâyana, sans plus de précision, et le sac de la capitale Ayudhya2 (1767) a emporté tous les secrets des textes et annales ultérieurs à la période de Sukhothaï. Ce dont on est sûr cependant, c’est de l’empressement du fondateur de la nouvelle dynastie (Rama 1er) à redonner à son royaume la mémoire de son épopée en composant sa propre version (1797), qui est celle que nous suivrons ici. Elle a près de 50 000 vers d’une langue très simple et sans volonté d’archaïsme. Son fils, Rama II, en a fait une à son tour, immense, laissée inachevée (avant 1824). Par des raccourcis de narration, elle se prête à des représentations théâtrales. Une autre version, composée par un groupe de princes, fut gravée dans le marbre des colonnes du cloître du Palais Royal lors de la restauration des fresques vers la fin du XIXe siècle.

2L’aire de diffusion et d’influence du Râmâyana indien s’étend, d’Ouest en Est, outre le Siam-Thaïlande, au Népal (Siddhi Ramayan), au Myanmar (Yama Zatdaw), au Yunnan chinois (pays des Taï Leü), au Laos (Phra Lak Phra Ram), au Cambodge (Ramakerti), en Malaisie (Hikayat Seri Rama), aux Philippines (Maharadia Lawana), à Java et Bali (Kakawin Ramayana), à Sumatra (Ramawana Swarnadwipa). Dans tous ces pays, le Râmâyana est à la source d’une culture fondamentale et toujours vivante, autant dans la musique, la danse, le théâtre et la poésie que dans l’imaginaire mythologique le plus quotidien. Cette seule dernière année a vu, en Thaïlande, cinq éditions illustrées pour enfants.

3La version siamoise, dont nous donnons ci-dessous un résumé, diffère largement avec les nombreuses versions indiennes et de l’Asie du Sud-est (voir liste plus haut). Si la trame générale est constante, cette version siamoise n’a de véritable ressemblance de détails (par influence ?) qu’avec la version khmère.

  • 3 Ramakerti : version khmère sans doute reçue directement de l’Inde a haute é...

4La spécificité de cette version siamoise réside dans le rôle exceptionnel accordé par la narration au singe Hanuman, personnage très secondaire de la plupart des versions indiennes ou des adaptations étrangères (sauf la version Ramakerti3). C’est Rama II, dans sa version « théâtrale », qui a en quelque sorte projeté le Singe Blanc sur le devant de la scène, mais la version de Rama 1er lui faisait déjà une place nettement plus importante que toutes les autres.

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5Voici en résumé l’histoire réduite à sa plus simple structure pour les fins que nous nous proposons.

Résumé

6Rama (réincarnation du dieu Vishnu-Naraï) est le fils du roi d’Ayudhya destiné à lui succéder. Il a trois demi-frères, dont des jumeaux, tous issus des trois femmes de son père. La fratrie vit dans l’entente la plus parfaite. Alors qu’il est encore prince, Rama épouse Sita (réincarnation de la déesse Lakmi, épouse de Vishnu). Du vivant même du roi vieillissant, des intrigues de palais (notamment fomentées par la reine Kao, l’une des trois femmes du roi) enlèvent le trône à Rama pour le confier à l’un de ses demi-frères, Bara fils de Kao. Bara entend renoncer au trône que lui propose sa mère, mais Rama, plutôt que de se rebeller ou de se défendre, quitte la cour, entre de lui-même en ermitage dans la forêt où le suivent Sita et son demi-frère Laksha, l’un des jumeaux.

7Pendant ce temps, chez les géants démoniaques de Lanka se prépare une guerre d’extermination contre les hommes descendants et protégés des dieux supérieurs. Leur roi Totsakan (réincarnation d’un dieu inférieur), s’éprend par ouï-dire de Sita, l’enlève et déclenche de la sorte les hostilités attendues.

8Pendant que Totsakan procédait au rapt de Sita dans la forêt, Rama s’en était allé courir une biche d’or créée exprès par Totsakan pour éloigner Rama de la hutte qui servait de demeure au trio : Rama avait cependant commis Laksha à la garde de Sita. Une voix mystérieuse soudain, imitant celle de Rama, laissa bientôt deviner que le chasseur se trouvait en difficulté ; mais Laksha refusait d’obtempérer à la demande de Sita lui enjoignant de rejoindre d’urgence son frère, ne voulant pas manquer à la parole qu’il avait donnée à Rama de ne quitter Sita sous aucun prétexte. Laksha fut contraint à la fin de céder, gagna la forêt profonde alors que Totsakan en profitait pour s’emparer de Sita.

9C’est alors qu’apparaît le singe Hanuman, fils du dieu du vent Vayu et d’une princesse humaine, destiné depuis sa naissance par Shiva à servir d’adjuvant à Rama dans sa reconquête de Sita et dans ses combats contre la gent démoniaque de Lanka. Il se manifeste auprès de Rama et Laksha comme envoyé du dieu Shiva. C’est lui qui lève des armées de singes dans tous les royaumes, prépare les plans des batailles à livrer, se fait secrètement émissaire auprès de Sita pour lui annoncer que Rama viendra bientôt la délivrer.

10S’ensuivent péripéties, sous-épisodes et force combats se terminant par la mort de Totsakan et le rétablissement de Rama comme roi d’Ayudhya.

11Nous nous proposons d’analyser le texte à la lumière des deux critères de l’épique que nous avions dégagés dans notre travail théorique. Nous avions distingué en effet deux types de critères de l’épique, qui nous serviront de balises dans notre analyse du texte : la “pyramide de conflits” — critères internes au texte, rigoureusement repérables dans la factualité même du récit, et le « champ d’émergence » — critères anthropologiques, externes, que nous voyons comme conditions historiques d’apparition de l’épopée.

Analyse I : Une pyramide de conflits

Critère I a : Conflit entre deux entités guerrières

12Parmi les premiers, nous avions allégué, après avoir analysé de nombreux textes considérés comme des épopées, que leur structure interne présentait toujours une construction pyramidale d’opposition binaire à trois niveaux.

13C’est ainsi que nous avons repéré cette constante : dans tout texte épique se présente, contaminant l’ensemble du récit, une macrostructure d’un conflit originel opposant deux entités irréductibles (peuples, cultes, mondes, etc.) C’est de cette manière que les Achéens s’opposent aux Troyens (Iliade), les Chrétiens aux Sarrasins (Chanson de Roland), le royaume de Hrothgart au géant Grendel (Beowulf), etc. Ces forces absolues sont irréconciliables de nature : au terme du récit, l’une doit disparaître. Leur champ d’évolution est le champ de bataille.

14Au regard de ce premier « critère », voyons ce qui se passe dans le Ramakien : la macrostructure d’opposition révèle un conflit entre les Hommes et les Démons, lui-même reflet d’une tension entre dieux supérieurs et dieux inférieurs dont ils sont les réincarnations. Autrement dit, la structure est ici doublée : Hommes/Démons = dieux contre dieux = Vishnu-Rama / Nonduk--Totsakan. Nous pouvons aussi les désigner par leur lieu respectif : Ayudhya / Lanka. Cette structure n’est cependant pas présente dans toutes les versions indiennes, la plupart faisant de Ravana (devenu Totsakan en thaï) le roi des Démons sans origine céleste, Vishnu s’incarnant en Rama uniquement à la demande de certains dieux menacés par le roi des démons. Dans la version siamoise, Nonduk est un dieu inférieur, portier de Shiva et intraitable avec les dieux-visiteurs — d’où son châtiment qui consiste à se réincarner dans un démon à dix têtes et vingt bras.

Critère I b : Conflit social

15Un deuxième niveau vient étager le texte épique. A l’intérieur de l’entité auquel appartient nécessairement le narrateur se produit un état de crise de nature « sociale » entre deux personnages. C’est la tension entre Ganelon et Roland, laquelle conduira à la trahison (Chanson de Roland), c’est la colère d’Achille contre Agamemnon (Iliade), ou les moqueries de Unferth à l’endroit de Beowulf (Beowulf).

16Le texte thaï montre à ce deuxième niveau, une crise caractérisée de succession à la cour d’Ayudhya. L’une des trois femmes du roi régnant, père de Rama, avait jadis sauvé la vie du roi dans une bataille, et le roi lui avait fait la promesse de réaliser un vœu que la rusée se réservait pour plus tard. Le roi, vieilli, étant sur le point d’abdiquer en faveur de Rama, la reine Kao formule enfin son vœu de voir son fils Bara régner à la place de Rama. Le roi, contraint par sa promesse, ne peut qu’obtempérer, et Rama, au lieu de se rebeller, décide de laisser le trône à son frère et de se retirer dans la forêt pour parfaire son état spirituel. L’issue de la crise est certes sans conséquence grave pour la cour — mais la « crise » a quand même eu lieu sous la forme de ce vœu qui doit être exaucé par le roi déchiré entre sa promesse ancienne et son héritier légitime.

Critère I c : Conflit interne

17Le troisième niveau, enfin, se réalise sous la forme de ce qu’il est convenu d’appeler « le couple épique », répandu dans la littérature universelle. Il fait apparaître le personnage principal dans un rapport tendu avec son double. Ce rapport n’est jamais problématique mais se trouve toujours présenté comme une dissension passagère dans la relation des composants-pôles du couple. C’est la querelle dite « de la sonnerie du cor » (Roland et Olivier), la lutte sans motif d’Enkidou contre Gilgamesh dès leur première rencontre avant qu’ils ne deviennent amis inséparables, c’est le refus d’Achille de reprendre les armes malgré les objurgations de son meilleur ami Patrocle.

18Dans le Ramakien, le couple Rama-Laksha est en quelque sorte doublé par le couple Rama-Sita, formant ainsi plutôt trio. Sita sert en quelque sorte de « double » de Rama lorsque celui-ci, égaré dans la forêt, semble appeler à l’aide ; or Laksha, fort de sa parole donnée à Rama de ne point quitter Sita dont il a la garde, refuse de se rendre à la demande de celle-ci qui lui enjoint de partir à la rescousse de Rama. La tension est d’autant plus forte que c’est Sita elle-même qui avait instamment prié Rama de se lancer à la poursuite de la biche d’or. Or, c’est au moment de la réunification du couple de frères, isolé dans la forêt pour la première fois depuis l’orée du texte, que se manifeste le Singe Blanc, comme pour marqué d’un sceau leur réconciliation.

19Du premier au troisième niveau, la narration de tout texte épique passe d’une tension extrême (habituellement symbolisée par une guerre opposant deux camps), à une antinomie de nature « sociale » représentée par un heurt violent entre deux membres du camp auquel se confond le narrateur ; de là on passe au troisième niveau, enchâssé dans les deux premiers, où le couple épique se trouve momentanément en « difficulté », déséquilibrant le couple en favorisant l’émergence du héros solitaire – qui semble être tout le projet de la narration épique. C’est donc Sita qui fait figure ici de personnage « problématique », car la mésentente ne survient pas directement entre Rama et son double Laksha mais par l’intermédiaire de la femme. Sita sera même, par son enlèvement (comme Hélène dans l’Iliade), la cause des affrontements entre Totsakan et Rama.

20Ainsi donc le Ramakien siamois fait apparaître la triple structure de tensions binaires et confirme rétroactivement la validité de la théorie. Chaque texte épique ayant tout de même sa configuration particulière de ce déploiement tripartite, notre épopée se distingue toutefois par la vibration originale du tour donné au couple épique par la diffraction en deux couples formant trio. Il semble que le processus d’héroïcisation marquée du personnage d’Hanuman ne soit pas tout à fait étranger à cette originalité, car il représente le héros accompli, non problématique, mené par la ruse et l’intelligence, débris de son origine divine qui en fait l’égal des « trois » personnages du couple.

Analyse II : Facteurs anthropologiques

  • 4 Penser sans concepts : fonction de l’épopée guerrière, Paris, Honoré Champi...

21Des facteurs externes contribuent à façonner l’épopée et balisent son champ d’émergence dans l’histoire. Notre théorie, élaborée il y a une trentaine d’années, s’est depuis enrichie d’une donnée fondamentale que nous empruntons ici (plus bas) à la brillante thèse de Florence Goyet4.

Critère II a : Territorialisation

22Le premier de ces facteurs réside dans ce que nous avons appelé la territorialisation, phénomène historique extérieur au texte mais qui contribue à sa constitution. Ce processus se présente comme l’instant (parfois bien prolongé) où une ethnie, un clan, un peuple procède à l’appropriation d’un territoire, à sa délimitation, à sa défense. Ces trois modes de maîtrise du sol (appropriation, délimitation, défense) renvoient à une société nécessairement guerrière. Et l’épopée peut justement être considérée comme le récit symbolique de cet instant. Voilà pourquoi l’épopée est toujours la chronique d’une guerre. Et d’une guerre portée en sol étranger, comme pour ne pas souiller la nouvelle terre sacrée (Troie, Roncevaux, Beowulf chez les Danes et non dans le Greatland, etc.). Cette guerre est, dans sa tension aux extrêmes (définition de Clausewitz), la matrice de la forme même de l’épopée dans son déploiement en trois strates d’opposition binaire. Toute narration est fondée, en réalité, sur la « tension », l’acmé — sans ce noyau du paroxysme, si faible soit-il, aucun récit n’a d’existence. Voilà pourquoi non seulement l’épopée est issue de cette situation (appropriation, délimitation, défense) mais elle marque par là son « territoire », qui est d’être première – première dans l’ordre – primordiale. Dans cette primauté même elle s’institue comme texte-fondateur d’une « culture ». Gilgamesh, l’Iliade, la Chanson de Roland, le Beowulf, El Cid campeador, etc. sont des manifestations originelles d’un déploiement historique appelé à se développer (Sumer, Hellade, France, Angleterre, Espagne). Ces textes sont aussi, par cette postérité, tenus pour avoir inauguré son déploiement même. D’où le véritable culte dont sont entourées les épopées dans les cultures qu’elles représentent.

Critère II b : La saisie par l’imaginaire

23De cette position que l’épopée occupe à l’orée d’une culture (territoire linguistique délimité), elle tient de la chronique, des annales, de l’historiographie. Elle ne devient cependant épopée qu’à partir de l’instant où elle investit cette historicité d’une forme d’imaginaire que l’on considère comme res ficta — fiction — le mot est de Jean de Garlande5 qui l’oppose à res gesta renvoyant au fait historique. La bataille de Roncevaux a certainement eu lieu, Roland a peut-être existé, mais c’est seulement avec l’avènement d’Olivier dans l’imaginaire que la narration se cristallise pour faire naître le texte épique.

24Comment alors notre texte s’insère-t-il dans ces notions théoriques correspondant à des faits vérifiables dans l’histoire ?

  • 6 Ville historique du Nord de l’Inde.

25D’abord le fait que dès longtemps avant notre texte, la ville d’Ayodhyâ6 figurant dans le Râmâyana indien avait servi de nom à la fondation d’une nouvelle capitale d’une nouvelle dynastie siamoise ; c’est en 1350 que celui qui s’est donné le nom de Ramathibodi fonde Ayudhya au cœur du Siam. Remarquons que le Râmâyana avait donc dû déjà contaminer la culture siamoise sous sa forme indienne mais n’était par conséquent pas encore une « épopée ». Remarquons aussi que le fondateur de cette nouvelle dynastie, qui règnera jusqu’à la chute de la ville (1767), prend, pour la première fois dans l’histoire des petites royautés siamoises, le nom de Ramathibodi : « Rama le roi », en allusion directe au récit indien qui devient ainsi partiellement siamisé dans l’appellation de sa capitale et le nom de règne du nouveau monarque.

26Malgré le sens du nom en sanskrit, qui signifie « cité imprenable », la ville d’Ayudhya a non seulement été conquise mais entièrement détruite par les Birmans en 1767, sa dynastie éteinte, sa population emmenée en esclavage à la cour birmane, ses trésors pillés et tout le territoire du royaume laissé à l’anarchie. Il a donc fallu reconstituer lot par lot l’ancien royaume et panser les blessures. Ce fut l’œuvre d’un haut fonctionnaire et militaire de l’administration dynastique, du nom de Taksin. En moins d’un an, il avait réussi à réunifier le territoire, à chasser les Birmans d’Ayudhya dévastée et à fonder une nouvelle capitale à Thonburi sur la rive occidentale du Chao Phraya, en face de ce qui est devenu l’actuelle Bangkok. C’est là qu’il fut couronné comme souverain du royaume restauré et qu’il réécrivit quatre épisodes narratifs épars du Ramakien, totalisant à peine deux mille vers (d’ailleurs fort défectueux). Il est curieux de noter que l’un de ces épisodes est inconnu des autres versions (où Hanuman courtise une déesse, emprisonnée dans une grotte par Shiva).

27Bientôt la santé mentale de ce héros-roi sembla chanceler, en raison de longues veilles de méditation qu’il menait le plus souvent sans s’autoriser de la conduite d’un maître. Son état empirant devait le conduire dans des voies inacceptables de violence et d’autodestruction, il fut victime d’un coup d’Etat et exécuté.

28C’est son ami d’enfance, du nom de Chao Phraya Chakri, ancien page de la cour d’Ayudhya devenu général des armées du roi Taksin, qui, rentré d’urgence d’une campagne militaire dirigée contre le Cambodge, se vit offrir le trône à son arrivée à Thonburi. Il poursuivit, étant roi, l’œuvre de consolidation du territoire de son prédécesseur, chassa les Birmans qui se tenaient aux aguets de revanche près des frontières, déménagea la capitale sur la rive orientale du fleuve, jugeant contraire à la stratégie militaire d’avoir établi Thonburi dos au fleuve, position néfaste en cas du retour d’attaques des Birmans. Et c’est là à son tour qu’il réécrivit sa version du Ramakien.

Parenthèse

29Ouvrons une parenthèse, qui ne nous mènera pas trop loin de notre sujet ; elle concerne le nom de Rama 1er. Son nom de règne était en réalité Phra Bhudhayodfa Chulalok, et lui a été conféré par son petit-fils « Rama III ». Il s’était donné à lui-même le nom de Ramathibodi, fondateur, comme on sait, de la ville et de la dynastie d’Ayuthaya. Le nom de « Rama » ne lui fut conféré que rétrospectivement, plus d’un siècle plus tard, par celui qui fut Rama VI (règne 1910-1925) et qui donna ce surnom à ses prédécesseurs mais pour l’usage des étrangers seulement, ce nom n’étant jamais utilisé par les Thaïs. La raison en est qu’une ancienne superstition voulait que l’on ne prononçât jamais le nom de règne d’un roi, qui autrefois même n’était connu qu’à sa mort. Jusqu’à Rama VI, les rois n’étaient connus par les étrangers que sous leur nom de prince héritier : d’où le roi Mongkut (pour Rama IV), et le roi Chulalongkorn (pour Rama V). Autrement, les Thaïs d’hier comme d’aujourd’hui ne dénomment leur roi régnant qu’en l’appelant Phra Chao you hua (« le Seigneur qui veille sur nos têtes »), ou Nay Luang (« Celui du palais intérieur » – le second roi étant « Celui du palais du devant »). Ceci dit pour qu’on ne commette pas l’erreur de croire que le général Chakri se fût décerner à lui-même le nom de « Rama » par association avec l’épopée du Ramakien dont il sera aussi sous peu l’auteur. Quoi qu’il en soit, Rama VI avait sans doute aussi un autre dessein en couronnant ses prédécesseurs et successeurs du titre de « Rama » : consolider enfin le lien de légitimité de la dynastie Chakri avec la dynastie d’Ayudhya par le nom et l’intention de son fondateur Ramathibodi.

30On doit au texte de Rama 1er l’invention d’une scène mi-historique, mi-fictive où Rama voulant récompenser Hanuman pour son assistance indéfectible, bande son arc, tire une flèche qui, là où elle tombera, désignera le royaume dévolu au règne du Grand Singe Blanc. Or, la flèche tombe à « Nopburi » - en fait il s’agit de Lopburi, capitale secondaire d’été des souverains d’Ayudhya. La scène ne sera pas reprise par son fils dans la version « théâtrale » laissée inachevée. Mais depuis lors la ville se mettra à entretenir, en l’honneur du Roi-Singe de la fiction, des bandes de macaques qui se partagent encore aujourd’hui le centre-ville, nourris par les habitants de pyramides de fruits frais. Des danseuses sacrées dansent pour eux à perpétuité. C’est ainsi que la fiction, qui a emprunté à l’histoire, devient à son tour objet de réalité.

31Quant à l’insistance du texte sur la filiation à l’histoire du royaume, il faut savoir que « Rama 1er » donna à sa nouvelle capitale un nom qui ne laisse pas d’être le plus long du monde et qui contient dans son interminable suite de dénominations grandiloquentes l’appellation de Sri Ayudhya. Encore une fois le nom de Bangkok n’est utilisé que par les étrangers en guise du nom thaï qui n’est connu habituellement que par son appellation liminaire : Kreungthep – « Cité des Anges »…

La saisie par l’imaginaire, suite

  • 7 in "Épopée et roman : continuité ou discontinuité ? ", Études littéraires (...

32Pour ce qui est de ce que j’ai appelé ailleurs, en paraphrasant une assertion de Valéry7 « une hésitation entre l’histoire et la fiction », cette aporie est visible dans le texte par les nombreuses implantations géographiques emmêlées aux fantaisies les plus surréelles. Nous avons vu à peine plus haut la question « Lopburi-Hanuman ».

33On peut discuter si le Râmâyana indien est ou non une épopée. Selon notre théorie voulant qu’il n’y ait qu’une épopée par culture, on ne disputerait pas longtemps pour admettre plutôt le Mahabharata comme figure épique de l’Inde. Tel que le Siam le reçoit, le Râmâyana apparaît à strictement parler comme un texte « à croire » comme un discours historique rapportant des faits véritables ; tous les lieux géographiques sont avérés : Ayudhyâ, Mithila, Lanka, etc. Les versions tardives évoquent l’auteur Valmiki pour attester de la véracité des événements et en font parfois, contradictoirement, un personnage qui intervient dans le discours.

34Ce n’est que peu à peu que le texte siamois incorporera des incidents ou des actions nouvelles, telles les aventures amoureuses de Hanuman. De personnage sérieux voire sévère dans le Râmâyana, qui n’a rien des automatismes saccadés du singe, il deviendra, dans son nouvel habitat du Ramakien, une sorte de marionnette drolatique et espiègle. Mais par sa puissance, on se demande s’il n’est pas aussi promu au rang qu’occupe Charlemagne dans La Chanson de Roland, au sommet de la pyramide du camp dont il est en quelque sorte le chef par sa ruse et son intelligence. N’est-il pas fils d’un dieu au milieu de réincarnations de dieux et de déesses ? Rama règne mais ne gouverne pas ; c’est Hanuman, conformément à son rôle dans le Râmâyana, qui mène son roi et ses troupes à la victoire finale de l’un des macro-pôles du conflit et à l’anéantissement de l’autre.

35On pourrait faire l’hypothèse que c’est que c’est avec l’apparition de cet Hanuman typiquement thaï que le long récit « exotique » indien se transforme en miroir de la culture siamoise et que la narration simili-historique d’origine se métamorphose en authentique épopée d’un nouveau peuple-nation. C’est cet avènement, chez Rama 1er comme chez Rama II conjointement, qui fige en quelque sorte le texte dans son statut d’épopée.

Critère II c : Refus du style archaïsant

36Au titre de « première œuvre littéraire » d’une culture, l’épopée est aussi porteuse d’un état très particulier de la langue qui en est le support. Elle semble avancer comme un enfant fait ses premiers pas. Voilà pourquoi le langage épique, à travers les lentilles déformantes du temps, apparaît souvent comme puéril et enfantin. Et ce caractère élémentaire et candide est marqué par des traits que l’on associe à la « primitivité » d’une langue : parataxe, images rares et non complexes (pas de métaphore, par exemple), descriptions tout en extérieur des mouvements intérieurs des personnages (le langage ne pouvant encore servir de « flux de conscience » ou de sonde psychologique), tendance à la démesure des nombres et des gestes, présence de schèmes formulaires, eux-mêmes résidus d’une phase où le canevas de l’épopée devait circuler sous une forme orale.

37Notre texte de 1797 présente une langue remarquablement simple. Le désir de restaurer un texte perdu eût pu donner lieu à une velléité d’archaïsation. Or, il n’en est rien. Et la langue de l’auteur offre tous les traits de sa propre modernité mais dans une syntaxe, une morphologie et un lexique accessible au grand nombre, comme le dessein était « politiquement » de le faire. La prosodie métrique (très particulière en thaïe et marquée surtout par des rimes intérieures) est impeccable, contrairement à celle du roi-barde précédent.

38On peut assurer, sans pouvoir en donner la preuve pour des raisons techniques (connaissance insuffisante de la langue thaïe chez nos lecteurs) que la version « Rama II » est de même qualité – au point que l’on pourrait croire parfois que la version 1797 et celle d’une vingtaine d’années plus tardive sont du même auteur, n’était ces « opérations » pour les besoins de la scène exécutées dans la seconde. Autrement, les traits de « primitivité » que nous avons évoqués plus haut y sont généralement repérables sans qu’il fût nécessaire, de la part des auteurs, d’avoir recours aux archaïsmes de toutes sortes.

Critère II d : Une sortie de crise

  • 8 “La guerre [que l’épopée] décrit est une métaphore qui mime une crise conte...

39Il nous reste à confronter notre texte au critère sans doute le plus difficile à repérer dans la plupart des épopées mais qui éclaire le mieux le champ d’émergence dont l’épopée est le produit. Il s’agit de ce concept mis de l’avant par Florence Goyet qui consiste, pour le texte même, à réfléchir « sans concepts » mais avec des modes symboliques dont le premier est l’existence du texte même. Non seulement il se fait, comme tout texte d’ailleurs, et de toute évidence, quelque peu reflet de la société qui le provoque, mais surtout il en est l’écho d’une actualité particulièrement conflictuelle — dont l’épopée est en quelque sorte la solution élaborée sur le plan de l’imaginaire8.

40Florence Goyet en a fait une démonstration fort subtile et convaincante par l’analyse de l’Iliade, de la Chanson de Roland et du texte conjoint des Hôgen et Heiji monogatari. S’il n’est pas toujours facile d’appliquer ce critère dans le cas de maintes épopées, c’est le plus souvent que certains des textes ressortissent d’un temps ou d’un lieu dont l’histoire nous échappe (à la croisée de quel conflit de légitimation dynastique, par exemple, aurait été composé le Gilgamesh ? Le Dit du Prince Igor ? ou la Saga d’Erik le Rouge ?). Ces pans d’histoire nous seront sans doute toujours inaccessibles ou indéchiffrables.

41Dans le cas de notre Ramakien, le contexte est d’une limpidité irrécusable et appréciable. Le Râmâyana pouvait certes être un apport important à la culture siamoise, mais il ne pouvait « saisir » ses conflits qu’en se transformant.

42Il ne fait aucun doute qu’entre 1767 et le début du XIXe siècle, le royaume siamois est une société en conflits de divers aspects : d’abord le sac de la capitale, que d’aucun parmi les historiens tiennent pour la « fin d’une civilisation » , puis la reconquête du territoire par Taksin, fondant du même coup une nouvelle dynastie dont il sera le seul représentant, le renversement de ce roi et la fondation d’une nouvelles dynastie par le général Chakri (1782) — ces événements, dis-je, font partie de ces bouleversements qui servent de lit au discours épique. Le nouveau roi s’empresse d’écrire (ou de réécrire) le Ramakien (1797).

43Ce fondateur de dynastie n’a vraisemblablement pas participé au coup d’état contre son roi et ami d’enfance, mais il en reste le principal bénéficiaire ; son accession au trône ne laisse pas d’être, pour la population contemporaine, douteuse ou précaire. Le travail de légitimation devient alors nécessaire, d’autant que ce page devenu roi s’autorise désormais d’une mère « royale » (mom, donc elle-même de sang royal) pour justifier son auguste fonction. Par son ouvrage littéraire, il se dresse à la frontière de l’ancienne civilisation qu’il a l’impression de prolonger et d’une nouvelle dont il ne voit pas encore qu’elle va bientôt ouvrir le Siam aux relations et aux affaires internationales, notamment avec l’Occident. C’est son fils qui parachèvera l’œuvre littéraire en la consacrant comme épopée mais c’est son petit-fils (Rama III) qui sera le premier roi-marchand, celui qui fera la richesse du nouveau Siam et de toute la dynastie jusqu’à ce jour… il sera aussi le seul des Chakri à ne pas avoir écrit d’œuvre littéraire.

44De cette triple cause (sac d’Ayudhya, déposition et mort brutale du roi Taksin, accession au trône de « Ramathibodi » avec intention d’implanter une nouvelle dynastie), il ne fait aucun doute que chacune a contribué à sa manière à la préparation du champ d’émergence où allait apparaître le nouveau Ramakien. La première cause agissait comme nécessitant le rétablissement de ce qui avait été perdu (un texte), la seconde comme un voile sur un épisode trouble (un silence), la troisième comme le triomphe de la légitimité (une œuvre).

45De ce texte perdu (Râmâyana sous sa forme indienne), de ce silence qui ne fit que perpétuer une incertitude (une légende veut que Somdet Phrachao Taksin ait survécu, réfugié dans une ville du Sud du royaume), devait naître l’œuvre qui réparait, corrigeait, rétablissait tout.

46Hanuman, le nouveau héros, est symboliquement la nation appelée à devenir désormais l’auxiliaire exclusif de son Roi.

  • 9 Rãmaker. L’amour de Rãm et de Setã, Paris, École Française d’Extrême-Orient...

47Un adage siamois, toujours évoqué jusqu’à nos jours, veut que le socle du pays repose en fait sur trois piliers : le Peuple, le Bouddhisme, le Roi. Or il est tout de même étrange que le bouddhisme n’ait laissé aucune trace perceptible dans le récit du Ramakien. François Bizot, dans l’introduction à son admirable traduction du Rãmaker9 khmer, qui est de toutes les versions de l’Asie du Sud-est la plus proche de la version siamoise, a pu montrer que la récitation du texte se faisait souvent dans des contextes religieux, et que Rama et Sita étaient la rencontre initiatique de l’âme avec sa destination. Mais il est impossible de faire raisonnablement cette lecture dans le texte thaï. La raison en est peut-être que le Râmâyana indien pèse encore de tout son poids sur la tradition culturelle traditionnelle qui amalgame de la plus singulière façon l’hindouisme et le bouddhisme.

Conclusion

48Que conclure sinon que le Ramakien, version siamoise du Râmâyana, est bien une épopée, qui en présente la triple structure conflictuelle typique, mais aussi les traits anthropologiques que sont territorialisation, l’investissement par l’imaginaire d’un matériau historique (qui est ici avéré), la mise en scène d’une sortie de crise. Les "marques de la naissance" ont ici un traitement particulier, qui fait de cette épopée imitative un cas remarquable.

49Il reste néanmoins que le Ramakien siamois est, à notre connaissance, la seule épopée du répertoire universel qui soit née du provignement d’un texte exogène, le Râmâyana, celui-ci, qui plus est, ne répondant pas aux critères du genre épique. Des circonstances historiques et des conditions favorables ont permis au texte thaï de se constituer en une épopée.

Notes

1 Râmâyana : en sanskrit ‘le chemin de Râma" dans le sens de l’initiation, compose vers l’an -1000 par un certain Valmiki. Avec le Mahabarata, l’un des deux poèmes fondateurs de l’hindouisme. Existe plus de 300 versions seulement pour la région Sud.

2 Graphie française ancienne que nous suivons en lieu du moderne Ayutthaya.

3 Ramakerti : version khmère sans doute reçue directement de l’Inde a haute époque et qui aurait été introduite au Siam vers la fin du XIIIe siècle.

4 Penser sans concepts : fonction de l’épopée guerrière, Paris, Honoré Champion, 2006.

5 La distinction se trouve dans Parisiana poetria de arte prosaica, metrica et rhythmica (ca. 1234). Auteur et musicien anglais, il enseigne à Paris au XIIIe siècle.

6 Ville historique du Nord de l’Inde.

7 in "Épopée et roman : continuité ou discontinuité ? ", Études littéraires (Québec), 1971, p. 9-38). La formule de Valéry est : “le poème – cette hésitation prolongée entre le sens et le son”, Œuvres II, Gallimard, La Pléiade, p. 636.

8 “La guerre [que l’épopée] décrit est une métaphore qui mime une crise contemporaine du public pour lui donner les moyens de l’appréhender intellectuellement.”, op. cit., p. 7.

9 Rãmaker. L’amour de Rãm et de Setã, Paris, École Française d’Extrême-Orient, 1989.

Pour citer ce document

Jean-Marcel Paquette, «Le Ramakien siamois à l’épreuve des théories de l’épopée», Le Recueil Ouvert [En ligne], mis à jour le : 09/11/2023, URL : http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble-alpes.fr/revues/projet-epopee/235-le-ramakien-siamois-a-l-epreuve-des-theories-de-l-epopee

Quelques mots à propos de :  Jean-Marcel  Paquette

Après avoir fait sa carrière comme Professeur à l’Université Laval (Québec), est Conseiller spécial de la section de français de l’Université Chulalongkorn (Bangkok).
Né à Montréal (1941), études à l’Université McGill (Montréal) et au Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (Poitiers). Professeur de littérature médiévale à l’université Laval (Québec) de1968 à 2000 ; professeur invité aux universités de Caen (1971), de Paris-XIII (Villetaneuse 1972), de Wroclaw (Pologne 1979), de Augsbourg (Allemagne 1981), de Pécs (Hongrie 1986), de Sofia (Bulgarie 198 ) et de Bangkok (Thaïlande 2001).
Principaux ouvrages liés au sujet :
- “Épopée et roman : continuité ou discontinuité ?”, Études littéraires (Québec), 1971, p. 9-38)
- “L’épopée : problème d’une définition”, Typologie des sources du Moyen Age occidental, Louvain, éditions Brepols, 1988, p. 11-35.
- Sous le signe du singe, Montréal, Québec, éditions de l’Hexagone, 2001 (réécriture du Ramakien siamois).
- Le Ramakien en français, Paris et Pondichéry, Inde, éditions Kailash, 2013.
- Métamorphoses du texte. Essai d’analyse différentielle des sept versions de la Chanson de Roland, Orléans, éditions Paradigme, 2013 (qui contient deux chapitres sur les aspects théoriques de l’épopée et utilisés ici).
L’universitaire mène parallèlement sous le nom de Jean Marcel une carrière d’auteur polygraphe. Voir www.jeanmarcel.info .