Epopée, Recueil Ouvert : Section 3. L'épopée, problèmes de définition II - Marges et limites
Doguicimi ou la belle Aude d’Abomey : ellipses épiques et greffes lyriques
Résumé
Le roman historique du Dahoméen Paul Hazoumé, Doguicimi, paru en 1938 aux éditions Maisonneuve et Larose, est présenté dans la préface de Georges Hardy comme un “document” consacré à l’évolution du contact interculturel entre la France et l’Afrique. Traitant par la bande des rapports entre royaumes esclavagistes et négriers, ce texte se présente comme une épopée paradoxale caractérisée par l’ellipse de la geste militaire précoloniale et par la valorisation concomitante d’un personnage marginal et isolé. Nous aimerions à ce titre lire Doguicimi comme un roman de “l’écart épique”, reléguant à la marge les héros et les champs de bataille pour placer au cœur du propos le discours anachronique et proliférant d’une héroïne condamnée au solipsisme lyrique.
Abstract
Title : “Doguicimi or the Lovely Aude in Abomey : epic gaps and lyrical grafts”
Paul Hazoumé’s historical novel, Doguicimi, published in 1938 (Maisonneuve et Larose), is presented in the preface by Georges Hardy as a "document" devoted to the evolution of intercultural contacts between France and Africa. Incidentally addressing the relationship between the slave traders and the African kingdoms that provided the slaves, the novel presents itself as a paradoxical epic tale, characterized by the ellipse of pre-colonial military campains and the valorization of an isolated feminine figure. We therefore propose to read Doguicimi as a novel of "the epic gap", which marginalizes the heroes and the battlefield to underline the anachronistic and proliferating speech of a feminine character condemned to lyrical solipsism.
Texte intégral
Mais Aude morte égale son amant.
Dans le sépulcre elle dort fièrement,
Et Charles pleure encor cette pucelle
Qui fut sans tache ainsi qu’un diamant,
Et brave cœur et gente demoiselle.
Théodore de Banville, “La Belle Aude”, in Les Exilés
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1 Paul Hazoumé, Doguicimi, Paris, Maisonneuve et Larose, 1978, [1938].
1Comme la belle Aude trépassée en apprenant la funeste issue de la bataille de Roncevaux, Doguicimi est une figure des marges épiques : épouse reléguée loin du champ de bataille, elle est vouée à une vaine attente et à l’horizon d’une mort mimétique, qui la conduit à accepter de se faire enterrer vivante lorsqu’elle acquiert la certitude que son époux, le prince Toffa, est tombé sous les coups de l’ennemi. Plus que par les faits ou par les mots, ce serait par sa mort que la belle “égale son amant”, démontrant dans la seule intensité de son dernier soupir l’intransigeance de sa foi et l’exemplarité de sa vertu. Étayé par la fin commune de ces héroïnes fidèles, pleurées qui par Charlemagne, qui par le puissant roi Guézo (1818-1858), le rapprochement de la Doguicimi de Paul Hazoumé1 et de la Chanson de Roland est suggéré par René Maran dans plusieurs comptes-rendus élogieux :
2 René Maran, “Doguicimi”, in La Dépêche de Toulouse, (1938), coupure sans ré...
Je m’en voudrais, l’espace qu’il me faudrait me faisant malheureusement défaut, de résumer plus avant ce chef-d’œuvre. Car c’en est un, on peut me croire sur parole, et qui tient de l’Iliade et qui tient de la Chanson de Roland2.
3 René Maran, “Les écrivains français de couleur”, Ms. sans date, Bibliothèqu...
Les plus nobles sentiments humains l’enrichissent. La mort de Doguicimi passe de loin en beauté, en dépit de sa tragique horreur, celle de la belle Aude, la fiancée de Roland3.
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4 Sur ce point, René Maran est rejoint par Richard Bjornson, qui, dans la pré...
2L’enjeu de ce couronnement posthume est d’autant plus significatif dans Doguicimi que les premiers chapitres, relatant le départ des soldats à la guerre, font de Toffa un homme courroucé, persuadé de la duplicité des femmes : en acceptant de le suivre dans la mort, sans que ce suicide soit en rien dicté parè la coutume, Doguicimi impose un démenti à cette scène liminaire de querelle domestique et rétablit sa réputation de “gente demoiselle”. La comparaison établie par René Maran mérite cependant avant tout l’intérêt dans la mesure où elle consacre Doguicimi non pas seulement au rang de classique de la littérature mondiale4, mais surtout au panthéon des grands textes épiques, et plus encore des épopées de la haute lutte. À en croire ce rapprochement, il ne s’agirait pas d’un texte de la construction de soi et de la quête des siens – comme peuvent l’être l’Odyssée ou l’Énéide – mais bien d’une œuvre de combat, mettant en scène le sacrifice de ceux qui se dévouent à la protection de leur pays. Suivre la piste de René Maran en lisant Doguicimi comme une épopée nous conduira pourtant d’abord à en désigner les leurres et les fausses pistes : reléguant à la marge les conflits précoloniaux qui règnent au Dahomey, Paul Hazoumé livre en effet un roman du « travail épique », dont le huis clos permet la mise en scène d’une héroïne solitaire, transformée en vecteur d’un discours sur le colonialisme complexe et anachronique.
I. Doguicimi, une épopée seconde ?
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5 Voir à ces sujet Véronique Campion Vincent, “L’image du Dahomey dans la pre...
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6 Voir Yambo Ouologuem, Le Devoir de violence, Paris, Éditions du Seuil, 1968.
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7 Voir à ce sujet Martine Balard, Dahomey 1930 : mission catholique et culte ...
3Le choix de Maran, qui associe également Doguicimi au Chaka de Thomas Mofolo, s’explique au premier abord aisément : l’intrigue du roman, située sous le règne du puissant roi Guézo (1818-1858), débute en effet avec la déclaration d’une guerre qui oppose le royaume d’Abomey au peuple voisin des Mahinous. L’examen de la table des matières confirme l’importance des sujets guerriers : débutant par une succession de trois chapitres respectivement intitulés “Un projet de guerre”, “Les responsables de la guerre” et “La défaite dahoméenne”, le roman se clôt sur de nouvelles notes belliqueuses avec “La guerre de revanche contre Hounjroto” et “La victoire dahoméenne”. Le lecteur devine ainsi d’emblée les méandres d’une campagne qui dure et se scinde en deux temps : la guerre contre l’ennemi mahi met à l’épreuve l’endurance des troupes dahoméennes et la cohésion d’une cour que divisent les intrigues et les ambitions. Elle se solde surtout par la disparition du prince Toffa, mis à mort après une longue captivité sans que les efforts et les stratagèmes déployés pour le délivrer aient pu porter leurs fruits. Il serait tentant d’en déduire que Doguicimi constitue bel et bien un récit de la guerre, qui place au centre de son intrigue la construction militaire du royaume d’Abomey et la soumission progressive des peuples environnants : il faudrait alors lire ce texte méconnu comme une épopée impériale proche à bien des égards de celle que propose Thomas Mofolo. Les enjeux d’une telle fresque seraient d’autant plus larges que le royaume d’Abomey apparaît à la fois comme le lieu topique de la sauvagerie5 et comme le berceau d’un lourd clivage historique : si les descriptions des explorateurs européens s’attardent à loisir sur la pratique des sacrifices humains et sur l’horreur de rites volontiers présentés comme tortionnaires, l’histoire de l’essor d’Abomey va aussi de pair avec la mise en place d’un système de traite esclavagiste, alimenté par les prisonniers des champs des bataille. Le traitement littéraire de l’apogée du royaume aurait donc pu constituer le prétexte d’une réflexion sur le lien transatlantique ou anticiper de quelques décennies sur l’interrogation des responsabilités africaines dans la traite que propose Yambo Ouologuem avec le Devoir de Violence6. Le roman que l’auteur choisit de consacrer au royaume d’Abomey contribuerait dans ce cas à la restitution d’une histoire précoloniale, voire à la construction d’une conscience nationale fédérée par un récit commun. C’est bien ce que suggère, dans ses correspondances, le Révérend Père Francis Aupiais7, soutien indéfectible d’Hazoumé, dont il a été durant plusieurs années le mentor :
8 Lettre de Francis Aupiais à Paul Hazoumé, datée du 5 janvier 1934, voir Fra...
Tu as raison de travailler à ton Roman auquel je pense souvent, quand j’enseigne l’histoire romaine à mes élèves, car les Dahoméens auraient mérité d’avoir un Romulus comme les habitants de Rome, ou un Clovis comme les Francs8.
4Le projet d’écriture que trace Aupiais pour son élève invite à la conception d’une épopée ou à tout le moins d’un roman national susceptible d’alimenter la constitution de l’identité dahoméenne. Si une telle entreprise peut apparaître comme le ferment précoce d’une pensée postcoloniale soucieuse de réhabiliter l’histoire glorieuse du continent et de favoriser l’émergence d’une conscience nationale, les linéaments que dessine la lettre d’Aupiais cantonnent pourtant l’œuvre à un impératif mimétique qui aboutit à reconduire et à réinterpréter les schémas occidentaux. L’assimilation de Doguicimi à une Chanson de Roland dahoméenne prête d’ailleurs le flanc à une critique similaire : faut-il donc réduire l’œuvre d’Hazoumé à un simple travail d’adaptation et de réécriture, tributaire de modèles épiques européens ?
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9 Adrien Huannou, “Paul Hazoumé”, in Littératures francophones. Dix-neuf clas...
5La perception la plus courante du positionnement de Paul Hazoumé tendrait à confirmer cette hypothèse qui fait du texte une “épopée seconde” soupçonnée de pécher par manque d’authenticité : la proximité qu’entretient l’auteur avec les missionnaires et le zèle qu’il met à une tâche ethnographique qu’il n’hésite pas à placer au service de la domination occidentale, justifient qu’on lui fasse régulièrement grief d’avoir manifesté trop de complaisance envers l’entreprise coloniale. Le relatif oubli auquel se voit aujourd’hui condamnée une œuvre mal intégrée, malgré les recommandations de René Maran, au bastion des “classiques”, s’explique partiellement par cette réception biaisée, qui fait d’Hazoumé le tenant d’une assimilation confinant à l’asservissement : collaborant régulièrement à La Reconnaissance africaine, une revue lancée par Aupiais et adossée à la construction d’une nouvelle église à Porto-Novo, Hazoumé signe ainsi dans le premier numéro un texte adressé à “nos cousins d’Abomey”, dans lequel il invite à faire table rase des anciennes rancunes et à accepter les avantages d’une paix des vainqueurs. Plus encore, l’accueil élogieux que l’institution coloniale réserve à Doguicimi, roman récompensé par plusieurs prix au rang desquels on retiendra celui de l’Académie Française, corrobore l’idée d’une plume appliquée et servile – plus prompte à répondre aux attentes du lectorat occidental qu’à proposer une relecture potentiellement transgressive de l’histoire locale. Pour Adrien Huannou, Hazoumé reste ainsi assimilable à un “partisan de la colonisation”, voire au “nègre des ethnologues9“, suspecté d’avoir livré au colon les secrets de l’initiation. Une lecture rapide de Doguicimi confirme a priori ce diagnostic : l’ouvrage se clôt en effet sur un éloge de l’œuvre de civilisation entreprise par le colon au Dahomey et sur l’espoir d’une paix qui ne se conçoit pas autrement que sous le drapeau français. S’adressant à l’héroïne défunte, Hazoumé lui prête ainsi une célébration de la colonisation française :
10 Doguicimi, op.cit., p. 510.
Nul doute que tu ne te réjouisses donc de voir que là où la diplomatie des Glincis avait été inopérante, le drapeau français devait, un demi-siècle plus tard, réussir pleinement, c’est-à-dire faire régner au Dahomey la paix, la liberté et l’humanité10.
6Virant de la narration à la propagande, le propos oppose la menace d’une domination anglaise placée sous le signe de la proverbiale cupidité des “Glincis”, à l’indubitable bénéfice qu’il faudrait retirer de la colonisation française – sans cette fois que l’auteur recoure à l’ancrage que fournirait une appellation locale : il y aurait donc, dans cette seule note conclusive, une double reddition, manifeste à la fois dans l’onomastique et dans l’éloge consenti de l’empire français. Si cette conclusion a beaucoup focalisé l’attention de la critique et a évidemment contribué à renforcer le portrait d’un Hazoumé colonial, il faut cependant souligner qu’elle apparaît à bien des égards comme une apostille isolée : elle contraste notamment avec la teneur du roman, dont l’intrigue se situe bien en amont de la conquête française du royaume, achevée en 1894 à la suite de la victoire du colonel Alfred Dodds sur les troupes du roi Béhanzin. S’arrêter sur cette clôture de l’épilogue revient donc à considérer que Doguicimi s’achève sur une ellipse, au prix de laquelle la guerre coloniale et la défaite de Béhanzin condamné à l’exil se trouveraient soustraits à l’attention du lecteur. La mort de Doguicimi, en d’autres termes, permettrait de couper court à l’histoire en passant sous silence la chute et la résistance du royaume, ponctuellement annoncés par l’héroïne sous forme de prophétie.
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11 Voir Georg Lukács, Le Roman historique, Paris, Payot et Rivages, 2000, p. ...
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12 Voir la préface de Georges Hardy : “Si l’on se rappelle qu’il ne s’agit pa...
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13 Voir Florence Goyet, Penser sans concept : fonction de l’épopée guerrière,...
7Sans reconduire d’emblée l’accusation de colonialisme qui entrave la lecture des textes de Paul Hazoumé, nous aimerions partir ici de ce vide dans la représentation d’une guerre coloniale occultée pour interroger le statut épique du roman. L’hypothèse d’une guerre coloniale escamotée, dont il faudrait chercher dans le texte les traces dissimulées, conduit à ce titre au constat d’un double décalage. Le premier écart tient à la mise en avant d’un conflit local, dont il semble au premier abord qu’il n’implique en rien la présence européenne : si une interprétation sommaire peut laisser croire à la dénonciation d’un désordre précolonial, une lecture attentive n’en permet pas moins de relever que l’origine du conflit se situe néanmoins dans un crime commis par les Mahinous à l’encontre des alliés européens du royaume d’Abomey. Il est donc possible de lire la guerre de Doguicimi comme une conséquence précoce de la rencontre entre les civilisations et comme un propos oblique ou détourné au sujet des guerres coloniales. La seconde subversion tient moins à l’anachronisme, dont Georg Lukács faisait précisément l’une des conditions du roman historique11, qu’à la forme même prise par le récit : le récit, dont le paratexte souligne à plusieurs reprises la vocation documentaire12, déjoue en effet toutes les attentes en s’attachant non pas à une figure guerrière, propre à porter une narration épique, mais à un personnage féminin cantonné aux murs du palais – à une figure, somme toute, “de l’arrière”. Il y aurait là une forme de paradoxe : subissant une position sociale marginale qui la place à l’écart de la communauté, Doguicimi captive ne saurait être considérée ni comme une héroïne ni même comme la voix d’un peuple auquel elle ne s’assimile pas, suscitant la haine et la jalousie de ses contemporains. Si le roman peut être rapproché de la Chanson de Roland, ainsi que le suggère René Maran, Paul Hazoumé ne consigne donc ni l’épopée d’un impérialisme africain, ni la chronique immédiatement reconnaissable d’une guerre coloniale où s’affrontent les croyances et les héros. En déportant l’attention du sort du prince Toffa vers la destinée de son épouse Doguicimi, il introduit au cœur du texte un “travail épique”, compris, au sens où le définit Florence Goyet13, comme une pensée de la crise, et ici plus spécialement, de la crise coloniale : plus que dans la transitivité d’un récit de guerre, cette réflexion politique et identitaire se manifeste dans un glissement qui conduit à placer au cœur du texte l’expression lyrique d’une individualité isolée.
II. L’Iliade du Dahomey, guerre coloniale ?
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14 Voir Eleni Coundouriotis, Claiming history. Colonialism, Ethnography, and ...
8Si Doguicimi est un roman de guerre, ce dernier ne donne du conflit qu’une représentation paradoxale et lacunaire, marquée par l’abondance des procédés d’ellipse et de substitution. Comme nous le signalions d’emblée, la nature paradoxale du conflit mis en scène par Hazoumé tient d’abord au rôle qu’y jouent les Européens, dont la présence différée semble constituer dans le texte un leitmotiv discret. Dans l’analyse qu’elle en offre au prisme de la théorie postcoloniale, Eleni Coundouriotis s’arrête ainsi sur l’épisode tardif d’un rendez-vous manqué entre Guézo et une délégation anglaise, venue à Abomey pour prêcher la paix, la conversion à la religion chrétienne et l’abandon de pratiques aussi barbares que le sacrifice humain14 : la rencontre tourne néanmoins au carnage quand l’indélicatesse de ses hôtes, peu respectueux des coutumes locales, conduit Guézo à couper court aux négociations et à immoler les trente jeunes filles qui avaient été désignées pour le service des ambassadeurs occidentaux. Selon Eleni Coundouriotis, ce déchaînement de violence répond avant tout à l’incapacité des émissaires européens à entendre et à prendre au sérieux la parole de Guézo, que le texte d’Hazoumé s’emploierait donc à réhabiliter. On ajoutera que ce rendez-vous manqué avec l’Occident ne constitue pas le seul indice d’une présence européenne dans le texte. De fait, le roman s’ouvre sur les débats qui agitent les courtisans au sujet de l’opportunité d’une guerre de revanche menée au nom de l’allié européen. Le roi Guézo, qui se trouve à l’initiative du projet, s’exprime ainsi en ces termes :
15 Doguicimi, op.cit., p. 34.
“Il est temps, vous en conviendrez […] d’aller venger nos amis, les Blancs, massacrés à Kinglo. Je ferai expier ce crime à tous les Mahinous en commençant par ceux de Hounjroto que le rapport de Boya Alowé, originaire de ce pays, rendait responsables du meurtre des Blancs. Je dois le trône, en partie, à un des leurs. Mes trois premières guerres ont été entreprises pour rendre hommage à mes ancêtres. La quatrième doit venger la mémoire de nos amis d’outre-mer si lâchement massacrés à Kinglo, afin de donner à nos peuples l’exemple de la reconnaissance envers nos bienfaiteurs15.”
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16 Voir à ce sujet Paul Hazoumé, Le Pacte de Sang au Dahomey, Paris, Institut...
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17 Voir Pierre Vinclair, De l'épopée et du roman : essai d'énergétique compar...
9Le point de départ du drame que constitue Doguicimi réside donc dans une alliance conclue entre le roi d’Abomey et des “Blancs” que Toffa assimile, sur un ton bien plus polémique, à des négriers. Argumentant en faveur d’une campagne qui n’a pas l’aval des oracles et divise la cour, Guézo s’érige au rang de chroniqueur de son propre règne : faisant pendant à la généalogie des rois d’Abomey que récite dans les premières pages du roman le crieur Déguénon Fonfi, il assigne à son trône une double origine, à la fois dahoméenne et européenne, en rappelant le rôle qu’a joué dans sa consécration le trafiquant d’esclaves Francisco Félix de Sousa, dit Chacha. Ce dernier a en effet soutenu Guézo contre son demi-frère, Adandozan, volontiers présenté dans la tradition dahoméenne comme un monarque cruel et meurtrier : scellée par un pacte de sang16, l’alliance de Guézo avec l’esclavagiste Chacha apparaît dès lors comme l’une des pierres angulaires du royaume et justifie l’engagement d’une campagne militaire, dans laquelle le royaume d’Abomey fait figure de protecteur légitime pour des aventuriers occidentaux privés de tout appui étatique. Pourtant bien qu’elle soit décisive dans le premier chapitre du roman, cette présence des “Blancs” se dissipe entièrement dans les cinq cent pages qui suivent : si l’on excepte la rencontre malheureuse avec la délégation anglaise, le texte se détourne du foyer que constitue cette alliance. C’est pourtant à partir de la disparition de ces personnages anonymes que se tisse le “travail épique” d’un roman17 qui se lit à bien des égards comme une réflexion sur les modalités et les conditions d’un dialogue interculturel : la lutte contre les Mahinous, coupables d’avoir mis à mort des esclavagistes, constitue à ce titre comme le revers implicite de la guerre coloniale. Georges Hardy, qui préface la première édition de Doguicimi en tant que directeur honoraire de l’École Coloniale, ne s’y trompe pas, lui qui présente d’emblée le roman comme une réflexion sur les relations entre la France et le Dahomey :
18 Doguicimi, op. cit., p. 10.
C’est cet honnête homme, ce grand laborieux, ce bon Français, qui se propose maintenant de nous faire connaître comment le heurt, dans les relations de la France et du Dahomey, a fait place au rapprochement et d’étudier à fond un de ces problèmes de contact qui correspondent à l’un des aspects les plus intéressants de notre temps18.
10L’éloge de l’assimilé transformé en “bon Français” voisine ainsi avec une lecture sélective qui fait de Doguicimi une étude de la pacification des rapports entre colons et colonisés. Si une telle interprétation peut surprendre au regard du thème principal du roman et de la faible place qu’y occupent en définitive les Européens – et plus encore les Français, il n’en demeure pas moins vrai que Paul Hazoumé offre dans ces pages le récit d’une guerre menée au nom de l’alliance contractée avec les “Blancs”. La représentation de ce conflit n’est cependant pas sans poser problème tant, de même que les esclavagistes qui ont constitué son premier ferment, il se voit soumis à un processus récurrent d’occultation. Le choix d’ancrer la narration autour du personnage de l’épouse esseulée, ou plus largement de la situer presque exclusivement dans l’enceinte de la cour d’Abomey, conduit en effet à ne réserver qu’une portion minime du roman à la description des scènes de bataille. Dans ce huis clos propice à tous les complots, l’accent est mis sur les débats qui précèdent et suivent la débâcle des troupes d’Abomey – et notamment sur les considérations touchant à la “légitimité” de la guerre menée pour laver l’honneur de l’allié blanc. Le désastre de la première campagne, qui n’avait pas la faveur des dieux, est ainsi perçu comme le gage d’une erreur d’appréciation – voire d’une mauvaise alliance qui autoriserait une lecture plus critique de la présence occidentale. Toffa appelait ainsi dès les premières pages à la méfiance contre les esclavagistes et développait l’idée d’un front commun africain :
19 Doguicimi, op.cit., p. 58.
Danhomênous, notre honneur nous défend de nous poser en vengeurs de la mémoire des Blancs massacrés à Kinglo. Il nous commande, au contraire, d’oublier, pour un moment, notre ressentiment contre les Mahinous et les Nagonous, de nous rappeler la part de responsabilité des Blancs dans l’infortune de la vénérable reine-mère et d’aller exterminer tous les Troncs-blancs qui résident à Gléhoué.19
Sa captivité et sa mort de Toffa constituent à ce titre un point d’achoppement de l’interprétation : s’agit-il de faire taire une voix dissidente ou de créer une figure héroïque dont la lucidité confine au don prophétique ? Le récit de sa mort semble a priori en faire un héros voué à incarner mieux que tout autre l’idéal du courage dahoméen :
20 Doguicimi, op. cit., p. 473-474.
L’ennemi nous était cinq fois supérieur en nombre. Sa poudre épuisée, Toffa saisit son sabre et fonça sur les assaillants, nous le suivîmes. […] Autour de Toffa, les Danhomênous tombaient un à un. Il resta bientôt seul face aux ennemis. Il en faisait un tel carnage que la panique s’empara d’eux soudain. Mais, juste au moment où ils montraient le talon, l’arme du prince le trahit : elle manqua un des fuyards et s’enfonça profondément dans le tronc de l’arbre au pied duquel nous combattions. Les Mahinous, devenus forts par le désarmement de cette furie, s’en rendirent maîtres […] L’espoir d’obtenir de mon frère [Toffa] le secret des grigris qui l’avaient rendu invulnérable aux armes “mahi” fit que Cotovi, le frère du roi qu’on dit avoir été tué dans cette guerre, se l’adjugea avec un autre lot de captifs dans lequel je comptais. […] Supplications, astuces, menaces, rien ne permit au chef “mahi” de sortir de son dédain Toffa qui était résolu à ne confectionner aucun de ses grigris à la vile bête de montagne. Gbéjiga, le frère cadet de Cotovi, promit alors de triompher de l’obstination de Toffa et imagina, dans ce but, toutes sortes de tortures pour arracher au prince son secret. […] Révolté par les tourments de Gbéjiga que son échec humiliait, Toffa le blessa à mort un après-midi. Nous fûmes attirés au chevet du mourant par les alarmes des femmes et des enfants. Trois Mahinous maîtrisaient Toffa qu’ils avaient désarmé avec beaucoup de difficultés. Cotovi arriva ; il ne s’informa pas des circonstances du meurtre, mais fonça sur le prince et l’égorgea20.
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21 La comparaison entre Doguicimi et une pièce de théâtre classique, dont ell...
Par sa rage au combat, par la puissance de sa charge héroïque – et jusque dans le motif de l’arbre au pied duquel il s’abat, Toffa s’apparente à la figure de Roland et le meurtrier qui l’a pris en traître essuie, comme Ganelon les foudres de Charlemagne, la colère du roi Guézo. Pourtant, le prince subit simultanément un saisissant processus d’effacement textuel : apparaissant dans les premiers chapitres pour appeler ses contemporains à la méfiance et pour agonir de son mépris misogyne la malheureuse Doguicimi, il disparaît ensuite définitivement du texte et n’y ressurgit qu’à l’occasion du récit de sa mort. Celle-ci n’est d’ailleurs pas directement racontée par l’auteur, mais fait l’objet d’un récit second, intégré au roman par le biais d’une tirade narrative qu’on pourrait rapprocher des dispositifs du théâtre classique. Par son mode de narration, la mort de Toffa, relatée par l’un de ses uniques témoins, s’apparente donc autant à celle d’Hippolyte21 qu’à celle de Roland : peu soucieuse du détail, la description de ses derniers instants se cantonne à la mention de vagues sévices et livre du trépas du héros un tableau distant, sobre et stylisé. Tout comme son corps, dont seule la tête a pu être ramenée à Abomey, les faits et gestes de Toffa sont voués à la disparition.
11L’importance de ce dispositif “d’écart épique” transparaît également de façon particulièrement claire au début du troisième chapitre du roman, à l’occasion de l’épisode de la déroute dahoméenne. Dans ce passage pourtant décisif pour la suite du récit, Hazoumé semble en effet se refuser à entrer dans le combat, préférant rester à la marge et confondre son point de vue avec celui d’un observateur distant, pris au dépourvu par la mauvaise tournure des événements :
Un récadère vint annoncer que Possou a fait déjà plus de huit cents prisonniers et qu’il les rassemblait à Soponta, le premier village “dassa” qu’on rencontrait en partant de Hounjroto pour Agbomê.
- Qui peut douter maintenant de la victoire ? lança Migan confiant.
Ivre de joie, la reine reprit sa chanson avec plus de chaleur encore.
Quelle folie abuse ces immondes bêtes de montagne ?
Insensées, pensez-vous pouvoir vaincre de (sic) Danhomê ?
Le Danhomê de Houégbaja est un rocher :
Quel pied le peut heurter sans se meurtrir ?
Le Danhomê de Houégbaja, cet éblouissant soleil au zénith,
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Dans son exaltation, elle n’entendait pas le soldat qui, arrivé en coup de vent, disait essoufflé : “L’ennemi vient d’enrayer l’offensive de Gaou et de capturer la moitié de nos soldats, il talonne les débris de notre armée. Les Danhomênous ne résistent à la poussée des Mahinous que pour donner au Maître de l’Univers le temps de décamper et d’être hors d’atteinte de ces immondes bêtes de montagne.
22 Paul Hazoumé, Doguicimi, op. cit., p. 100-101.
“…Qu’aucun regard ne peut…” continuait la chanteuse, quand un coup d’éventail, qui lui fut asséné sur la figure, lui refoula le dernier mot dans la gorge et l’éveilla à la triste réalité. Le désarroi était général dans le camp. Guézo ordonna de n’emporter que ce qu’on avait sur soi et qui pourrait servir en cas d’attaque22.
12Tout comme la victoire, qu’annonçait un messager pourvu du symbole royal de la récade, la déroute n’est perçue que de loin, à travers la transmission ou l’interruption d’une parole. Il nous semble à cet égard particulièrement significatif que le tournant du combat se manifeste dans la rupture brutale d’un chant qui exalte la grandeur du royaume, et dont l’énonciation revient à une figure féminine maintenue dans une position périphérique, à l’écart du champ de bataille.
13Le propre de la guerre que donne à lire Doguicimi nous semble donc résider dans ce jeu de perpétuel décalage en vertu duquel le conflit colonial se transforme en jeu d’alliance précolonial et le combat en autant de récits ou de chants brisés. Le choix d’une héroïne éponyme qui, contrairement à la reine chanteuse, ne quitte pas l’enceinte d’Abomey, renforce encore la complexité de cette construction, qui concilie le “travail épique” d’une période de crise et la mise en exergue de l’individu marginal.
III. Greffes lyriques de Doguicimi : nul n’est prophète en son pays
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23 Voir également à ce sujet Pierre Vinclair, De l’épopée et du roman. Essai ...
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24 Voir Paul Hazoumé, “Héroïsme d’une Amazone dahoméenne”, La Reconnaissance ...
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25 Voir Paul Hazoumé, “Journal de voyage de Cotonou à Dassa-Zoumé”, La Reconn...
14La rupture du poème déclamé par la reine pourrait fonctionner comme une maquette de l’œuvre, qui joue sur la poursuite et l’interruption d’une parole : Doguicimi se placerait alors sous le signe du “dernier mot refoulé dans la gorge”, qui résonne sur la scène de la débâcle dahoméenne. La focalisation sur le personnage de Doguicimi constitue à ce titre l’indice le plus patent de ce que nous avons qualifié “d’écart épique” – sans pour autant remettre en cause la possibilité de lire le roman comme une épopée23. La marginalité de cette figure éponyme excède en effet de loin celle de la reine isolée sur le champ de bataille : non contente d’être une femme, considérée avec mépris comme un être “à sept paires de côtes” indigne de la confiance de son époux, Doguicimi n’est ni une princesse ni une guerrière Amazone, comme celle dont Hazoumé avait proposé le portrait glorieux dans les pages de La Reconnaissance Africaine24. Bien plus, Doguicimi, faite prisonnière lors d’un des raids menés par l’armée dahoméenne, se rapproche d’un autre portrait féminin esquissé par Hazoumé dans les pages du bulletin : celui de sa mère, elle aussi enlevée à son village et victime des manifestations de l’impérialisme d’Abomey25. Au désavantage que constitue son sexe, son âge encore tendre, et son origine plébéienne, Doguicimi ajoute enfin celui de ne pas avoir eu d’enfants, ce qui exclut la possibilité d’une consécration familiale, et lui vaut le dédain de ses co-épouses. Le personnage éponyme, autour duquel se concentre l’essentiel de l’intrigue du roman, se situe ainsi dans une position d’extrême marginalité qui prévient d’emblée son rattachement au panthéon épique d’un héroïsme dahoméen, dont on a vu, dans le cas de Toffa, qu’il faisait l’objet d’une stylisation qui confine à l’ellipse.
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26 “Alde respunt : “Cist moz mei est estranges/ Ne placet Deu ne ses seinz ne...
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27 Voir Doguicimi, op. cit.,p. 71 : “Ils ne cessaient de louer aussi la sagac...
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28 Sur l’importance et la variété du champ discursif occupé par Doguicimi, no...
15Il faudrait en d’autres termes aller jusqu’au bout de la comparaison entre Doguicimi et la belle Aude que suggère René Maran, en reconnaissant une homologie structurelle entre ces deux figures des marges épiques, vouées à ne constituer qu’un occasionnel surplus narratif, voire même une épisodique greffe lyrique. Pourtant, là où le chagrin et la mort d’Aude n’occupent que quelques vers dans La Chanson de Roland26, les cinq cents pages de Doguicimi sont presque entièrement consacrées à l’attente, à l’angoisse et à l’agonie de l’épouse abandonnée : plus qu’au modèle de la chanson de geste elle-même, qui ne réserve qu’une place congrue au désespoir amoureux, ce serait donc à la préciosité des vers de Théodore de Banville qu’il faudrait rattacher le roman de Paul Hazoumé. “L’écart épique”, dont on a vu qu’il se manifestait à travers un refus du combat et un effacement de l’héroïsme guerrier, se situe également dans ce primat accordé à une figure lyrique, destinée par son nom à “se distinguer27“ sur un arrière-plan martial partiellement estompé. Deux caractéristiques nous semblent à ce titre confirmer la possibilité d’une qualification lyrique du personnage éponyme féminin. La première et la plus évidente tient à la fonction essentiellement discursive qu’exerce Doguicimi, dont la parole se coule successivement dans les formes de la supplique, de l’accusation, du chant d’amour et de la menace28 : loin de l’action ou même de la narration, son domaine de prédilection est celui du commentaire, de la glose ou de l’expression d’une intériorité inquiète et passionnée. L’analyse de René Maran, qui refuse de reconnaître à Doguicimi une qualité poétique, dont il impute l’absence au pli ethnographique qu’aurait acquis son auteur, mérite donc à notre sens d’être reconsidérée :
29 René Maran, op. cit.
Le seul reproche qu’on puisse faire au très beau roman de Paul Hazoumé, ce n’est ni son extraordinaire richesse, ni l’étrangeté de ce qu’il décrit, mais son manque de poésie. Peintre appliqué, il peint avec fidélité, avec minutie ce qu’il voit, ce qu’il sait et, dans une certaine mesure, ce qu’il sent. Malheureusement pour lui ses peintures les mieux venues, les plus achevées sont privées de ce rien mystérieux et rayonnant qui, partant du cœur, parle au cœur et l’anime29.
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30 Voir notamment à ce sujet Marlène-Michèle Biton, L’art des bas-reliefs d’A...
16Il ne s’agit nullement ici de prendre le relai d’une critique de goût qui renvoie trop vite Hazoumé aux travers d’une plume documentaire et descriptive, mais simplement de nuancer ce déni de lyrisme qui cantonne l’œuvre “appliquée” à la superficialité assumée des tapisseries et des bas-reliefs caractéristiques du royaume d’Abomey30. Il nous semble au contraire qu’en plaçant au cœur du roman un personnage non seulement imaginaire, mais encore marginal et esseulé, Hazoumé favorise le déploiement d’une profondeur lyrique, comprise à la fois comme exigence poétique et comme exploration d’une identité idiosyncrasique. Doguicimi donne ainsi lieu à l’expression d’une subjectivité inquiète, d’autant plus singulière que l’isolement de l’épouse abandonnée empêche d’en faire l’incarnation ou la représentante d’un peuple dahoméen. L’ancrage paradoxal qu’offre à la fresque historique son personnage éponyme tend dès lors à éclairer la critique du roman que propose Déborah Lifchitz, en soulignant à la fois sa forme essentiellement descriptive – et par conséquent peu narrative – et la relative absence du “peuple” :
31 Déborah Lifchitz, Hazoumé (Paul), Doguicimi, in Journal de la Société des ...
Ce livre donne l’atmosphère exacte de la vie à Abomey, il y a un siècle à peu près, et en particulier les usages de la cour du roi Guézo. L’auteur décrit en détail les grandes cérémonies et les fêtes du temps de ce roi, fêtes immuablement fixées par la tradition et les oracles. Et on peut se rendre compte, d’après ce livre, que c’est la tradition et les oracles qui étaient les vrais souverains d’Abomey à cette époque. D’ailleurs le seul reproche qu’on puisse faire à l’auteur, c’est de n’avoir pas fait une place plus grande à la vie et aux usages du peuple et d’avoir parlé surtout de la cour royale. Mais le sujet du livre l’exigeait probablement ainsi31.
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32 Voir Doguicimi, op. cit., p. 70 : “Un pagne de velours rosé lui couvrait l...
17De cette élision du “peuple”, il ne nous semble pas qu’il faille déduire l’hypothèse d’un roman élitiste ou même d’une épopée de la noblesse dahoméenne – d’autant que les origines plébéiennes du personnage éponyme sont clairement soulignées32. Bien plus, le propre de Doguicimi nous semble être de faire voisiner l’horizon collectif de l’épopée avec l’enfermement solipsiste d’un individu d’exception, dont les positions anachroniquement francophiles pourraient bien faire un avatar de l’auteur.
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33 La perte de pouvoir de la dynastie et la mort de Béhanzin en exil comptent...
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34 Nous empruntons l’expression à Elara Bertho qui en fait la caractéristique...
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35 Là encore, une lecture du texte au prisme des gender studies, pour anachro...
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36 Il semble intéressant ici de mentionner la combinaison du prophétisme et d...
18L’isolement lyrique de Doguicimi empêche pourtant de la considérer comme une figure proprement prophétique, capable d’exercer par sa parole une influence sur ses pairs et ses contemporains. Si elle prédit l’avenir en annonçant le sort des descendants de Guézo33, l’épouse délaissée de Toffa est loin de susciter l’adhésion populaire ou même l’incrédulité qui caractériserait un “complexe de Cassandre34“ : jetée au cachot et ignorée par les dignitaires de la cour, elle se voit cantonnée à l’exercice d’une parole solitaire et emmurée. Doguicimi, par conséquent, n’est pas prophète en son pays, pour la bonne raison qu’elle ne trouve ni auditoire, ni interlocuteur. Certes, les traitements qu’elle se voit infligés peuvent conduire à la rapprocher d’un imaginaire religieux : comme le Christ, elle est présentée à la foule qui exige son châtiment, comme lui elle est fustigée35 avant de consentir à sa propre mise à mort. L’intertexte biblique est assurément présent dans la valorisation de ce personnage incompris, mais il se manifeste essentiellement dans une posture martyrologique, dont l’absence de tout horizon de réception – public, disciples ou simples auditeurs – semble condamner d’emblée la vanité36. À moins de supposer une rétribution eschatologique, le martyr sans prophétie – autrement dit sans traces – de Doguicimi serait un récit largement déceptif sans l’intervention finale d’un auteur devenu deus ex machina : le rôle de l’épilogue réside largement dans cette réhabilitation posthume de l’héroïne et dans l’intérêt rétrospectivement accordé à sa parole méconnue. Son “sacrifice” doit-il dès lors se lire comme le préalable nécessaire à l’étrange “résurrection” que constituerait l’entreprise coloniale ? La joie posthume prêtée à Doguicimi dans les dernières lignes de l’épilogue corrobore cette déconcertante lecture qui ferait de la colonisation une forme de Jugement Dernier réhabilitant les Justes par la voix de l’écrivain assimilé, et désignant après coup les héros méprisés d’une guerre coloniale anachronique.
Conclusion
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37 Voir par exemple Kimberlé Crenshaw, “Mapping the Margins: Intersectionalit...
19Partir de la réception du roman par la critique et de comparaison de la mort de Doguicimi avec celle de la belle Aude suggérée René Maran permet ainsi de mettre en évidence la spécificité du texte hazouméen : tout en entendant livrer un propos que la préface de Georges Hardy assimile à une réflexion sur le contact interculturel, Hazoumé aborde l’épopée du royaume d’Abomey par le prisme d’un double détournement. Les éléments fondateurs de l’épopée que sont le combat et le héros valeureux se trouvent soumis à un processus de réduction et de mise à distance, qui autorise la valorisation de figures marginales, situées “à l’arrière” plus que sur la ligne de front. Placée à la confluence d’un personnage historique comme l’Amazone Tata Ajachè et d’une mémoire familiale qu’Hazoumé rattache au souvenir maternel, Doguicimi nous apparaît dès lors comme la manifestation d’un “écart épique” : le primat que lui accorde le roman conduit en effet à l’inversion de la structure de la chanson de geste qui ne dédiait à la belle Aude que quelques vers et focalisait l’attention sur l’héroïsme du chevalier au combat. La valorisation inattendue d’un personnage féminin et marginal – qu’on pourrait anachroniquement dire soumis aux contraintes de l’intersectionnalité37 – ouvre ainsi dans le tissu épique une brèche discursive, où affluent les “mots ravalés dans la gorge” et où s’exprime une indissoluble singularité. Bien que ses origines plébéiennes soient fortement affirmées, Doguicimi n’est pas une femme du peuple, au sens où rien ne la rattache à des contemporains dont elle anticipe et prédit en vain l’avenir colonial. Enfermée dans un isolement dramatique qui la contraint souvent au monologue, exilée en son propre pays, elle se fait le vecteur d’une parole lyrique qui encourt le risque du solipsisme : à trop être celle qui “dans le sépulcre […] dort fièrement”, elle se détache d’un peuple épique dont sa parole offusque le récit glorieux. Ce positionnement explique sans doute pour partie que le roman n’ait pas trouvé le même écho que le Chaka de Thomas Mofolo. Pour autant, Doguicimi n’en agit pas moins, dans sa marginalité, comme le rouage d’un “travail épique” qui fait de l’individu isolé le lieu d’une anticipation anachronique des guerres coloniales et des problématiques identitaires qui en résultent. Francophile avant l’heure, Doguicimi, en féministe contrariée, n’égale pas son époux : prenant le contrepied du héros épique qu’il aurait pu être, elle l’égare au labyrinthe d’une parole complexe et inaccessible à ses contemporains. D’elle on pourrait donc dire ce que murmurait la belle Aude avant de s’évanouir : “Cist moz mei est estranges” – “ce discours m’est étranger”.
Notes
1 Paul Hazoumé, Doguicimi, Paris, Maisonneuve et Larose, 1978, [1938].
2 René Maran, “Doguicimi”, in La Dépêche de Toulouse, (1938), coupure sans références, Dakar Res. 10331, cité in Michel Fabre “De Batouala à Doguicimi, René Maran et les premiers romans africains”, in Véronique Porra, János Riesz et Alain Ricard (éd.), Semper aliquid novi, Littérature comparée et littératures d’Afrique, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1990, p. 247.
3 René Maran, “Les écrivains français de couleur”, Ms. sans date, Bibliothèque de l’université de Dakar, p. 6-7, cité in Véronique Porra, János Riesz et Alain Ricard (éd.), Semper aliquid novi, Littérature comparée et littératures d’Afrique, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1990, p. 247.
4 Sur ce point, René Maran est rejoint par Richard Bjornson, qui, dans la préface de la traduction américaine du roman, le compare à Don Quichotte et Moby Dick. Voir Paul Hazoumé, Doguicimi : the first Dahomean novel, Washington, Three Continents Press, 1989.
5 Voir à ces sujet Véronique Campion Vincent, “L’image du Dahomey dans la presse française (1890-1895) : les sacrifices humains”, Cahiers d’études africaines, vol. 7, n° 25, 1967, p. 27-58.
6 Voir Yambo Ouologuem, Le Devoir de violence, Paris, Éditions du Seuil, 1968.
7 Voir à ce sujet Martine Balard, Dahomey 1930 : mission catholique et culte vodoun. L’œuvre de Francis Aupiais (1877-1945), missionnaire et ethnographe, Paris, L’Harmattan, 1999.
8 Lettre de Francis Aupiais à Paul Hazoumé, datée du 5 janvier 1934, voir Francis Aupiais, Lettres à Paul Hazoumé, Rome, Publications de la Société des Missions Africaines, collection Sankofa, vol. n°12, 2018, p. 108, édition établie par Pierre Saulnier.
9 Adrien Huannou, “Paul Hazoumé”, in Littératures francophones. Dix-neuf classiques, Paris, Clef, 1994, p. 115.
10 Doguicimi, op.cit., p. 510.
11 Voir Georg Lukács, Le Roman historique, Paris, Payot et Rivages, 2000, p. 56 : “Sans une relation sentie avec le présent, une figuration de l’histoire est impossible. Mais cette relation historique, dans le cas d’un art historique réellement grand, ne consiste pas à faire allusions aux événements contemporains […], mais à faire revivre le passé comme la pré-histoire du présent, à donner une vie poétique à des forces historiques, sociales et humaines qui, au cours d’une longue évolution, ont fait de notre vie actuelle ce qu’elle est”.
12 Voir la préface de Georges Hardy : “Si l’on se rappelle qu’il ne s’agit pas ici d’événements très reculés dans le passé ni d’habitudes entièrement disparues, on conviendra sans doute que cette méthode est plus près que toute autre de la vérité et qu’elle garde la valeur d’un intelligent ‘‘reportage’’”, Doguicimi, op.cit., p. 11.
13 Voir Florence Goyet, Penser sans concept : fonction de l’épopée guerrière, Paris, Champion, 2006.
14 Voir Eleni Coundouriotis, Claiming history. Colonialism, Ethnography, and the Novel, Columbia University Press, 1999.
15 Doguicimi, op.cit., p. 34.
16 Voir à ce sujet Paul Hazoumé, Le Pacte de Sang au Dahomey, Paris, Institut d’Ethnologie, 1937.
17 Voir Pierre Vinclair, De l'épopée et du roman : essai d'énergétique comparée, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015 pour qui une “énergie épique” peut exister dans des romans dont l’”économie rhétorique” serait proprement épique.
18 Doguicimi, op. cit., p. 10.
19 Doguicimi, op.cit., p. 58.
20 Doguicimi, op. cit., p. 473-474.
21 La comparaison entre Doguicimi et une pièce de théâtre classique, dont elle partagerait le goût pour le huis clos, a déjà été énoncée à plusieurs reprises par la critique. Voir notamment Josias Semujanga, Dynamiques des genres dans le roman africain. Éléments de poétique transculturelle, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 44 et Robert Pageard, Littérature négro-africaine d’expression française, 4e éd. revue et augmentée, Paris, L’École, 1979, p. 59.
22 Paul Hazoumé, Doguicimi, op. cit., p. 100-101.
23 Voir également à ce sujet Pierre Vinclair, De l’épopée et du roman. Essai d’énergétique comparée, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.
24 Voir Paul Hazoumé, “Héroïsme d’une Amazone dahoméenne”, La Reconnaissance africaine, Porto-Novo, n°1-2-3 (août-octobre 1925).
25 Voir Paul Hazoumé, “Journal de voyage de Cotonou à Dassa-Zoumé”, La Reconnaissance Africaine, Porto-Novo, n°13, 14, 16, 19, 20, 22, 27, 29 (mars-novembre 1926).
26 “Alde respunt : “Cist moz mei est estranges/ Ne placet Deu ne ses seinz ne ses angles/Après Rollant que jo vive remaigne !”/ Pert la culur, chiet as piez Carlemagne,/ Sempres est morte. Deus ait mercit de l’anme !”, laisse CCLXXIII, v. 3717-3721. Voir aussi à ce sujet Jules Horrent, La Chanson de Roland dans les littératures française et espagnole au Moyen-Âge, Paris, Les Belles Lettres, 1951, p. 206 : “La mort d’Aude est impressionnante. À peine engagée, l’action se dénoue tragiquement. La brièveté est pour beaucoup dans cette réussite, mais aussi la justesse psychologique, la simplicité primitive de la narration, son expression tantôt heurtée, tantôt en demi-teintes, toujours efficace. […] La Chanson de Roland est une geste politique et religieuse ; le frémissement de l’amour n’y trouve point de place ; l’amour d’Aude est tellement absolu qu’il ne modifie pas le ton général : c’est un éclair fulgurant”.
27 Voir Doguicimi, op. cit.,p. 71 : “Ils ne cessaient de louer aussi la sagacité de Toffa qui, en bon connaisseur de l’âme humaine, laquelle, selon une expression chère au prince, s’extériorisait, très souvent, chez les êtres à sept paires de côtes, avait donné à cette femme, le jour même où il l’avait épousée, le doux nom de Doguicimi signifiant : “Distinguez-moi”, et qui seul servait désormais à la désigner”.
28 Sur l’importance et la variété du champ discursif occupé par Doguicimi, nous nous permettons de renvoyer à une autre analyse que nous avons eu l’occasion de mener : voir Ninon Chavoz, “‘‘Qu’on se garde d’y voir un roman colonial’’ : storytelling colonial et discours emmurés dans Doguicimi de Paul Hazoumé”, Face au storytelling du dominant : pratiques contre-narratives au prisme du genre et du fait colonial, Paris, Classiques Garnier, à paraître.
29 René Maran, op. cit.
30 Voir notamment à ce sujet Marlène-Michèle Biton, L’art des bas-reliefs d’Abomey, Paris, L’Harmattan, 2000.
31 Déborah Lifchitz, Hazoumé (Paul), Doguicimi, in Journal de la Société des Africanistes, 1938, tome 8, fascicule 2, p. 212-213.
32 Voir Doguicimi, op. cit., p. 70 : “Un pagne de velours rosé lui couvrait les seins sans en celer, toutefois, l’exubérant développement qui indiquait son origine plébéienne, ce qui contrastait quelque peu avec la noblesse de ses gestes et de ses sentiments. Venue de l’autre côté des Marais à Agbomê en compagnie d’autres jeunes filles recrutées pour le Palais, elle fut distinguée il y a deux saisons sèches, dans un lot où Toffa choisit une épouse, sur l’ordre du roi Guézo, la veille de la grande fête des ancêtres”.
33 La perte de pouvoir de la dynastie et la mort de Béhanzin en exil comptent parmi les événements qu’annonce Doguicimi : “Tu nourris l’espoir de voir ta postérité régner toujours sur le Danhomê. En expiation de ses crimes, ce pays tombera de la plus haute puissance à la plus basse servitude. Il aura beau posséder la puissance du lion, ton successeur finira par trouver, lui aussi, des gens qui lui limeront les dents et lui rogneront les griffes au point qu’il ne lui restera du félin que le marcher majestueux. Quant à ton petit-fils, il pourra être aussi féroce que le requin. Il ne terrifiera pas longtemps son peuple et ses voisins : il finira par être chassé de son pays et il traînera misérablement sa vie loin des siens.”, Doguicimi, op.cit., p. 108. Si elle s’appuie largement sur la rhétorique chrétienne du “châtiment”, la parole de Doguicimi n’en demeure pas moins ancrée dans la tradition dahoméenne des symboles royaux, telle que la représente à l’orée du roman Déguénon Fonfi. Le lion est en effet le symbole dynastique de Glèlé, successeur de Guézo, tandis que Béhanzin a comme insigne le requin.
34 Nous empruntons l’expression à Elara Bertho qui en fait la caractéristique du héros clairvoyant, mais incapable d’entraver le cours de l’histoire coloniale. Voir Elara Bertho, Mémoire postcoloniale et figures de résistants africains dans la littérature et dans les arts. Nehanda, Samori, Sarraounia comme héros culturels, thèse soutenue le 25 novembre 2016.
35 Là encore, une lecture du texte au prisme des gender studies, pour anachronique qu’elle soit, ne nous semble pas dépourvue d’intérêt. La mise à l’épreuve du corps féminin dans Doguicimi pourrait par exemple être rapprochée de la représentation contemporaine qu’en propose Hemley Boum lorsqu’elle décrit dans Les Maquisards le supplice imposé – par la main du colon cette fois – à une résistante proche du maquis de Mpodol. Voir Hemley Boum, Les Maquisards, Paris, La Cheminante, 2016.
36 Il semble intéressant ici de mentionner la combinaison du prophétisme et du martyr qu’étudie Maria Janion dans sa réflexion sur l’applicabilité des études postcoloniales au cas de la Pologne. Selon elle, le développement d’un “prophétisme martyr” en Pologne naît d’une situation paradoxale, fondée sur la coexistence d’un complexe d’infériorité dû à la colonisation du pays et d’un complexe de supériorité qu’entretiennent dans l’imaginaire national des fictions colonialistes. Voir Maria Janion, Niesamowita Slowianszczyzna, Varsovie, Wydawnictwo Literackie, 2016. La situation du Dahomey colonisé, ressassant les gloires du passé colonial du royaume d’Abomey, se rapproche à bien des égards du schéma identifié par Maria Janion.
37 Voir par exemple Kimberlé Crenshaw, “Mapping the Margins: Intersectionality, Identity Politics, and Violence against Women of Color”, Stanford Law Review, 1991, vol. 43, no 6, p. 1241–1299.
Bibliographie
Balard, Martine, Dahomey 1930 : mission catholique et culte vodoun. L’œuvre de Francis Aupiais (1877-1945), missionnaire et ethnographe, Paris, L’Harmattan, 1999.
Bertho, Elara, Mémoire postcoloniale et figures de résistants africains dans la littérature et dans les arts. Nehanda, Samori, Sarraounia comme héros culturels, thèse soutenue le 25 novembre 2016.
Biton, Marlène-Michèle, L’art des bas-reliefs d’Abomey, Paris, L’Harmattan, 2000.
Boum, Hemley, Les Maquisards, Paris, La Cheminante, 2016.
Campion Vincent, Véronique, “L’image du Dahomey dans la presse française (1890-1895) : les sacrifices humains”, Cahiers d’études africaines, vol. 7, n° 25, 1967, p. 27-58.
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Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Ninon Chavoz
Ancienne élève de l’École Normale Supérieure et agrégée de lettres modernes, Ninon Chavoz prépare une thèse consacrée aux tentations encyclopédiques dans l’espace francophone africain sous la direction de Xavier Garnier (Université Paris 3/ THALIM).