Epopée, Recueil Ouvert : Présentations

Cyril Vettorato

Introduction. Altérités épiques : les œuvres extra-européennes face aux modèles venus d’Europe (2019)

Texte intégral

  • 1 David Adams, Colonial Odysseys: Empire and Epic in the Modernist Novel, Ith...

1Les deux dernières décennies ont vu un net regain d’intérêt critique pour l’épique au sein des littératures du XXe siècle, dans le sillage des multiples évolutions ayant marqué la discipline sur le plan de ses corpus comme de ses méthodes1. Ces évolutions, parfois résumées de manière quelque peu hâtive comme un “retour de l’Histoire” après le règne du textualisme, ont permis de rendre compte de la persistance d’une ambition collective au sein d’une partie des littératures de la modernité, notamment (mais pas exclusivement) dans les espaces supposés “périphériques” ou “minoritaires”, en dehors (mais de moins en moins loin) de l’Europe. Les perspectives “postcoloniales”, “mondiales” et “connectées” ont permis de mettre en lumière ce phénomène qui, davantage qu’une persistance, serait bien plutôt une actualité de l’épique dans une littérature qui se pense désormais à l’échelle mondiale.

2Sans nous inscrire pleinement dans aucun de ces paradigmes critiques mais en épousant certains de leurs constats, nous souhaitons ici faire valoir les apports de la littérature comparée, en montrant comment l’altérité qui se trouve au cœur des œuvres peut constituer l’une des clés essentielles de cette présence épique au vingtième siècle, en particulier dans les corpus émergents issus du monde extra-européen. Si une part de conflit peut s’exprimer dans les relations avec le canon culturel et littéraire européen, nous verrons comment l’accueil de “l’épopée des autres” au sein de la sienne propre ne saurait se résumer à un processus binaire de rejet ou d’adhésion, mais constitue un enjeu central pour penser les problématiques de la modernité à partir de ces littératures extra-européennes. Cette introduction sera l’occasion de poser un certain nombre de questions théoriques et méthodologiques préalables, qui nous amèneront à proposer d’associer des éléments d’anthropologie historique à la théorie de la traduction pour éviter un certain nombre d’impasses critiques dans l’approche de ces corpus.

Repenser l’altérité de l’épique dans la modernité

  • 2 Saulo Neiva, op. cit., p. 5 et p. 18.

  • 3 John Whittier-Ferguson, “Ezra Pound, T.S. Eliot, and the modern epic”, The ...

  • 4 Kathy Lou Schultz, The Afro-Modernist Epic and Literary History: Tolson, Hu...

  • 5 Inès Cazalas et Delphine Rumeau (dir.), Épopées postcoloniales, poétiques t...

  • 6 Georg Lukács, La théorie du roman (1920), Jean Clairevoye, Paris, Gallimard...

  • 7 Derek Walcott, Omeros, Londres, Faber & Faber, 1990. Mahmoud Darwich, “Onze...

  • 8 Patrick Beurard-Valdoye, Flache d’Europe aimants garde-fous, Paris, Flammar...

3Y aurait-il donc, contrairement à une certaine idée reçue, une forte compatibilité de l’épique et de la littérature moderne ? Il semblerait que oui, et c’est en nous tournant vers les œuvres du vingtième siècle et vers les efforts de leurs exégètes que nous en trouvons les gages les plus probants. Delphine Rumeau a richement déployé les enjeux de cette étiquette générique chez les poètes des Amériques que sont Édouard Glissant, Pablo Neruda et Walt Whitman, et, au-delà même du “Nouveau monde”, Saulo Neiva a rappelé dans son avant-propos au volume Désirs & débris d’épopée au XXe siècle à quelle fréquence elle avait pu surgir au siècle dernier sous la plume des critiques comme des poètes eux-mêmes – tels Nazim Hikmet, Nikos Kazantzakis, Fernando Pessoa, Saint-John-Perse, ou encore Carl Spitteler2. Parmi les spécialistes des littératures anglophones, l’idée d’une inspiration néo-épique au sein de la poésie moderne (T.S. Eliot, Ezra Pound, William Carlos Williams3) fait depuis longtemps l’objet de travaux nombreux, et Kathy Lou Schultz a présenté la fortune qu’a pu rencontrer cette veine poétique parmi les écrivains de la diaspora africaine (Amiri Baraka, Langston Hughes, Melvin B. Tolson)4. Dans un volume consacré aux Épopées postcoloniales, Inès Cazalas et Delphine Rumeau explorent les enjeux de cette réhabilitation de l’épique dans les littératures issues de territoires anciennement colonisés, que ce soit dans le roman, la poésie ou même l’essai5. Autant de travaux qui donnent définitivement tort à Lukács lorsqu’il affirme que pour trouver sa place au sein de la modernité, l’épopée a dû donner naissance au roman, genre apparenté à elle mais plus adapté à “un temps où la totalité extensive de la vie n’est plus donnée de manière immédiate6”. Dans un monde de la complexité et de la pluralité, le genre épique n’aurait eu d’autre choix que de rejoindre le musée des reliques d’un temps oublié. Une telle idée est sans doute devenue plus difficile encore à défendre depuis la première moitié des années 1990, qui a vu la parution successive de textes consciemment inscrits dans la veine épique aussi importants que l’Omeros de Derek Walcott (1990), les Onze astres sur l’épilogue andalou de Mahmoud Darwich (1992) et Wise, Why’s, Y’s d’Amiri Baraka (1995)7. Même l’actualité littéraire la plus récente nous conforte dans cette idée, avec la publication en 2019 de deux efforts d’élaboration poétiques d’une épopée européenne : Flache d’Europe aimants garde-fous de Patrick Beurard-Valdoye et Nous, l’Europe de Laurent Gaudé8.

  • 9 C’est l’argument déjà développé par Alastair Fowler en 1971 dans son articl...

4Considérer l’épique comme incompatible avec la profonde pluralité (culturelle, sociale, philosophique, politique) du monde moderne, ce serait négliger la capacité des écrivains à penser la problématicité de leur propre époque non en donnant miraculeusement naissance à des formes nouvelles parfaitement adaptées à elle, mais en habitant les formes qui sont à leur disposition d’une manière qui fasse résonner, en tant que telle, cette problématicité. Si altérité il y a entre l’épique et la modernité, alors celle-ci prend moins la forme d’une exclusion (ou une extinction) que d’un appel d’air interprétatif et créatif. Sans doute souffrons-nous toujours de l’influence d’un paradigme évolutionniste appliqué aux genres littéraires, qui ne saurait rendre justice à ce qu’il y a de sauts et de gambades dans la liberté créatrice. Il ne s’agirait pas de concevoir la modernité comme un absolu qui s’imposerait aux écrivains, pour ainsi dire “du dehors”, limitant au préalable l’éventail des décisions créatives qui sont à leur disposition. Le dépassement réel ou supposé d’une étiquette générique par l’histoire littéraire ne signifie pas que celle-ci ne conserve pas une forme de valeur heuristique, toujours actualisable dans l’esprit des auteurs comme des lecteurs9. Si tel ou tel genre peut certes traverser des périodes de plénitude et des phases de remise en question, il ne “meurt” jamais tant que son idée demeure disponible et opératoire dans l’esprit des créateurs potentiels, toujours prêts à s’emparer de formes et de pratiques passées pour penser leur propre place dans le monde en les réinterprétant.

  • 10 Charles Taylor, “Two Theories of Modernity”, Alternative Modernities, édit...

5C’est pourquoi il nous semble salutaire d’inscrire notre réflexion sur l’épique dans une conception “culturelle” de la modernité, à l’instar de celle proposée par Charles Taylor10. Cette vision ancrée de la modernité peut constituer un moyen d’échapper aux impasses de l’historicisme idéaliste pour montrer comment la modernité est toujours un “faire” plutôt qu’un “être”, et se produit de façon spécifique dans des contextes multiples plutôt que de représenter un irrépressible mouvement vers la “raison” et l’abandon des traditions. De même que les religions monothéistes ont produit leurs paganismes comme autant de figures d’une altérité essentielle, définitoire, la modernité comme expérience de l’histoire a produit ses “traditions” non d’un seul coup, par une supposée coupure nette dans le flux du temps, mais de façon continue et toujours renouvelée, qu’il s’agisse de la phase “classique” des histoires européennes ou de la phase “primitive” projetée sur leurs territoires périphériques. Les œuvres d’inspiration épique qui nous occupent ne doivent en aucun cas être comprises comme des anomalies prémodernes égarées dans une époque adverse, mais comme autant de mises en jeu symboliques de l’articulation du moment moderne à un “autre” radical, selon des modalités différentes selon les lieux et les contextes. Dans cette optique, rien ne décrit mieux une culture que les modalités de la présence de ses “autres” en elle.

  • 11 Peter Burke, Popular Culture in Early Modern Europe (1978), Aldershot, Sco...

6Au sein du champ qui est le nôtre, cette idée nous paraît des plus fructueuses dans la mesure où elle nous aide à comprendre l’historicité si particulière, non linéaire et d’une certaine manière, antihistorique, de la chose littéraire : tout comme l’on n’a jamais autant nommé l’être “classique” de l’époque classique (comme moment supposé de l’ordre, de l’unité du monde) qu’au moment de s’en distinguer à l’époque romantique et moderne, peut-être n’a-t-on jamais autant produit de discours sur l’épique traditionnel, mythique et holistique qu’au moment (et dans le geste) de son dépassement moderne. Cette hypothèse anthropologique rejoint celle de Peter Burke sur l’apparition et la valorisation de l’idée de culture populaire dans l’Europe du 18e siècle comme phénomène accompagnant la disparition de celle-ci comme paradigme culturel concret11. L’écriture consigne et interprète un monde ressenti comme perdu (et dont la parfaite unité reflète davantage la nostalgie ressentie dans le présent que ses caractéristiques réelles). L’écrivain moderne n’a de cesse de produire son “avant”, qu’il soit chronologique ou anthropologique, qu’il soit placé sous le signe de la nostalgie ou de la récusation. L’importance, fût-elle purement quantitative, des corpus d’inspiration épique au vingtième siècle ne devrait guère nous surprendre : il s’agit toujours de mettre en jeu (et à l’épreuve) au sein d’œuvres littéraires les catégories dont nous avons hérité, et de nous mirer dans la problématicité de cette confrontation. L’altérité qui marque l’épique au vingtième siècle serait donc plutôt une auto-altérité, altérité de soi-même dans les matériaux de la “tradition” et déplacement des figures de l’altérité présente au sein des corpus classiques dans la confrontation à eux.

7Un postulat particulièrement illuminant sur ce point nous semble être celui d’Edward Mozejko, aux yeux duquel ce qui fait le moment moderne en littérature n’est pas une position chronologique, mais bien davantage une hésitation constante dans la relation établie avec les matériaux hérités du passé (intertextualité épique, religieuse, mythique), tantôt traités comme lointains mais “essentiels”, animées par une forme de vie qui doit être respectée, tantôt comme des objets vides et sans vitalité, reliquats négligeables des incarnations passées de la société. La production de l’épique “traditionnel” comme autre se jouerait le long de cet axe paradigmatique, où il rejoindrait une multitude d’autres figures de l’altérité. L’un des enjeux de cette livraison du Recueil ouvert sera de mobiliser la référence épique pour proposer une compréhension de l’écriture moderne et mondiale qui donnerait à la question de l’altérité sa juste place. Cela implique un déplacement de paradigme, d’une compréhension historiciste de la modernité littéraire à une hypothèse qui nous tirerait davantage du côté d’une anthropologie historique, dans laquelle les formes ne seraient pas des “réponses” aux questions des hommes mais des moyens d’investigation ambivalents, animés par des courants complexes d’investissement et de désinvestissement. Tout en héritant de manière problématique des figures de l’altérité inscrites dans les textes épiques du passé, les auteurs modernes inscrivent au cœur des leurs de multiples figures de l’autre, avec sa langue et ses textes – présence qui s’articule de manière à l’invention d’une voix (epos) et d’un “nous” projectif.

L’autre en soi-même : absorber, traduire, interpréter

  • 12 Judith Labarthe, L’épopée, Paris, Armand Colin, 2006, p. 96-98.

  • 13 Pierre Frantz, “Introduction”, L’épique : fins et confins, Besançon, PUFC,...

8C’est tout le paradoxe de la grande fortune qu’a connu le genre épique au sein de la discipline comparatiste : genre associé à l’idée de destin collectif d’un groupe humain déterminé, qu’il s’agisse d’une cité-état, d’un empire, d’une communauté de croyants, d’une nation ou de toute autre forme de collectivité, l’épopée prend toute son ampleur comme objet intellectuel lorsqu’on la pense au pluriel. Si l’épique est le lieu d’interrogation et de mise en présence d’un “nous”, il est aussi celui de la confrontation à de multiples “autres” linguistiques, culturels ou historiques ; et s’il met volontiers en scène les ancêtres et les récits hérités du passé collectif, le dialogue avec et l’importation d’éléments épiques venus d’ailleurs y est également un recours fréquent depuis fort longtemps, bien avant que les courants critiques de la fin du 20e siècle ne mettent à la mode la réflexion sur le “mondial” et le “transnational”. Le rapport d’imitation créative et d’émulation qui relie Virgile à Homère est bien connu, et l’on sait combien la circulation de chants épiques dans l’espace a pu venir fertiliser des espaces littéraires multiples au Moyen-Âge, comme l’illustrent les périples de la chanson de geste médiévale dans les Flandres, les pays scandinaves, en Europe centrale et au Proche-Orient12. L’histoire moderne de l’épopée en Europe, elle, peut se comprendre comme une série de relectures et d’actualisations des classiques grecs et romains à partir de positions nouvelles, chrétiennes d’abord – Pierre Frantz ne disait-il pas que l’épopée de l’Europe renaissante était un “syncrétisme” entre culture antique et christianisme13 - puis séculière et nationale. Au seuil de ce volume sur la modernité, il est dès lors indispensable d’évoquer la fonction classique de cette relation aux modèles venus d’un autre temps et d’autres lieux pour réfléchir à nouveaux frais aux bouleversements qu’elle a traversés au cours des trois derniers siècle et aux outils théoriques susceptibles de nous donner prise sur elle.

  • 14 Frank Greiner et Jean-Claude Ternaux (dir.), L’épopée et ses modèles de la...

  • 15 Ibid., p. 16.

9Ni “même” ni “autre”, le modèle classique est le moyen d’une invention de soi par imprégnation. Tout comme l’épopée est imitation, moyen de célébrer les actions louables des héros du passé, le poète épique lui-même est à l’époque renaissante un imitateur, il “écrit avec” (et en premier lieu bien sûr, avec Homère et Virgile14). Cette pensée de l’imprégnation (ou hexis), empruntée entre autres aux écrits de Quintilien (livre X de l’Institution oratoire), se retrouve au XVIe siècle dans les écrits de nombreux humanistes comme Giulio Camillo, Érasme et Marco Girolamo Vida. Cette pensée de l’imprégnation a été abondamment analysée par Terence Cave dans Cornucopia : figures de l’abondance au XVIe siècle. À la frontière de la philologie et de l’anthropologie, Cave démontre que les penseurs français de la Renaissance se sont beaucoup interrogés sur la question de la nature de l’écriture : que ce soit de façon théorique chez les penseurs humanistes ou par une pratique d’écriture chez Rabelais, Ronsard et Montaigne, cette réflexion se déploie à travers une série d’images récurrentes de natures diverses (alimentaires, économiques, sexuelles) qui placent symboliquement l’écriture au cœur d’un circuit d’échange et d’absorption. Pour les humanistes, il n’y a aucune contradiction entre imitation et originalité : l’“autre en soi” permet d’inventer l’epos, dans la fidélité la plus rigoureuse comme dans la prise de distance volontiers ironique voire farcesque courante chez les Italiens comme l’Arioste, Matteo Maria Boiardo ou Luigi Pulci15.

  • 16 Pierre Frantz, op. cit., p. 162.

  • 17 Ibid., p. 5.

  • 18 Sur l’épopée de l’âge classique, voir le prochain volume du Recueil ouvert...

10Ce qui se joue dans le sillage des Lumières et du premier romantisme, ce n’est pas une mort de l’épique comme genre obsolète aux portes de la modernité, mais une redéfinition des enjeux et des formes de cette présence de l’altérité épique en soi. Le contexte intellectuel des Lumières est marqué par une mise en cause de la supériorité de l’antique par rapport au présent comme de la figure du héros classique, peu à peu remplacé par le “grand homme16”. La veine épique ne disparaît pas au 18e siècle (en témoigne l’admiration des contemporains pour Homère, Virgile, Milton, ou encore Torquato Tasso) mais les bases intellectuelles de la nouvelle épopée (post)romantique se bâtissent petit à petit, sous l’effet d’évolutions culturelles, intellectuelles et sociales : les Lumières mettent en place “un regard anthropologique sur l’épique” qui font que le romantisme “ne pourra ressusciter l’épopée sans effet de pastiche17” ; l’idée romantique de l’épique comme une poésie “naïve”, conséquence de (et réaction à) la remise en question critique de ses bases par les Lumières, va faire déplacer et complexifier le rapport de l’epos avec ses modèles ; la nature de cette relation d’altérité se transforme en même temps que les processus par lesquels s’établit la singularité du sujet18.

  • 19 Cédric Chauvin, Référence épique et modernité, Paris, Honoré Champion, 201...

  • 20 Joan London, Gilgamesh, Londres, Atlantic Books, 2003, p. 106.

11De l’autre côté de cette révolution romantique du rapport à l’ “épopée des autres”, apparaît un geste créatif-interprétatif paradoxal, qui dans le même mouvement repousse l’épique dans un passé lointain et l’actualise. L’écrivain postromantique et moderne marque par son effort de mise en relation avec l’épopée du passé son refus que celle-ci soit réduite à un simple document illustrant un contexte donné ; c’est le paradoxe que résume bien Cédric Chauvin lorsqu’il écrit que “la modernité semble désigner en l’épopée son autre : or le fait de la situer apparemment, selon la façon documentale, dans un ailleurs temporel trahit en réalité une mise en continuité historique qui relie le présent au passé de l’épopée19.” Le jeu d’individuation et de distinction postromantique fait de l’autre un verso de soi-même, l’embrasse en le tenant à distance. L’épopée des autres n’est plus un modèle au sens classique mais l’objet d’un investissement et d’une investigation ; elle pose la question de la possibilité d’exister collectivement pour le “nous”. Ainsi de la référence à l’épopée africaine du Dausi chez Ezra Pound, des modèles homériques au sein de l’Ulysses de Joyce, figures d’une unité traditionnelle devenue impossible. On peut mentionner également le jeu de réécriture du Paradise Lost (1667) de John Milton entrepris par la poétesse irakienne Nazik Al-Malaïka en 1945 dans sa Tragédie de la vie (Ma’sât al-hayât), où le chef-d’œuvre britannique incarne un idéal à atteindre dans des temps troublés où les hommes ne font plus communauté ; on citera aussi le roman Gilgamesh (2001) de l’Australienne Joan London où les échos avec la grande épopée sumérienne interrogent la condition humaine et le besoin de dresser des récits contre le chaos rencontré “au cœur du maelstrom [du] monde moderne”, dans l’Europe de 193920. Avec l’essor de l’épopée moderne au XXe siècle, cette part d’altérité intime qu’incarne l’épopée des autres en soi-même se rapproche de plus en plus d’un travail exploratoire et interprétatif que le texte littéraire s’autorise à présenter en tant que tel. L’autre comme point d’interrogation nourrit le questionnement sur soi-même et l’invention de soi au sein du poème. Sa présence, que ce soit sous la forme de fragments, de citations ou d’autres méthodes intertextuelles (réécriture, parodie, montage), interroge la capacité du poète (néo)épique à fédérer une communauté autour de la parole.

  • 21 Gianfranco Folena, Traduire en langue vulgaire, Paris, éd. Rue d’Ulm, 2018...

  • 22 Ibid. p. 9.

  • 23 Kadhim Jihad Hassan, La Part de l’étranger. La traduction de la poésie dan...

12Pour éclairer ce processus complexe d’interprétation-création, un détour par le paradigme critique de la traduction peut s’avérer des plus précieux. La traduction est en effet un “écrire avec”, un travail à la fois créatif et habité par un “autre” essentiel. En tant que telle, elle est également un geste interprétatif et un geste axiologique, qui crée du sens et de la valeur de façon performative, participant à la formation des canons. On suivra Gianfranco Folena lorsqu’il indique que le geste de traduction, qu’il soit pris au sens strictement linguistique ou de façon plus large comme confrontation à l’autre et comme démarche d’accueil de l’autre en soi, est toujours présent dans les moments littéraires conçus comme les plus “fondateurs21”. Le sens même qu’attribuent les sociétés à la traduction est d’ailleurs profondément culturel et historique : aux périodes de crise (crise humaniste, crise rationaliste du 18e siècle) on trouve plutôt des périodes d’ouverture vers l’étranger, généralement suivies de périodes de traductions “naturalisantes22”. Pour rendre plus concret le phénomène décrit par Folena, un exemple stimulant nous est fourni par Kadhim Jihad Hassan lorsqu’il étudie dans La Part de l’étranger la première traduction de l’Iliade en arabe, au 19e siècle, sous la plume de Sulaymân al-Bustânî, montrant que celle-ci s’accompagne d’un effort d’arabisation culturelle typique du contexte plus général de la Nahda (ou “renaissance arabe”) : bien plus que d’être fidèle au texte homérique, il s’agit de s’interroger sur les points communs entre tradition arabe et européenne, et d’enrichir la première d’un grand texte fondateur susceptible de devenir à son tour un “classique” et de stimuler la création épique en arabe23

  • 24 Alexandra Lianeri et Vanda Zajko, “Still Being Read after so Many Years: R...

  • 25 Ibid. p. 20. “translation typically ascribes value to the source, yet subv...

  • 26 “asks of a text not what it is but what it can become”. Clive Scott, The w...

13La théorie récente de la traduction peut nous aider à penser le chanter-avec de l’écriture épique propre à notre littérature moderne et mondiale, en nous permettant de concevoir une forme d’écriture fondée sur le principe de l’“identité comme changement” (“identity as change”) défendue par Alexandra Lianeri et Vanda Zajko dans un ouvrage collectif d’une indéniable ambition24. On a souvent caractérisé le “grand texte” épique par sa capacité à continuer de parler à des lecteurs dont la culture et la langue sont devenues très différentes ; or le paradigme de la traduction comme création interprétative montre qu’identité et pluralité se rejoignent dans l’acte d’écrire : c’est en suscitant en permanence un désir de traduire et de réécrire, c’est par une multitude de gestes d’appropriation toujours un peu plus décalés que le classique survit (“généralement, la traduction attribue de la valeur au texte source mais elle le subvertit25”, écrivent Lianeri et Zajko). Ce paradigme nous aide à penser le rapport moderne à “l’épopée de l’autre” car loin d’enfermer textes et cultures dans des relations fixes et prévisibles, elle fait entrer cette altérité sur le terrain du devenir. On pourrait emprunter à ce titre sa belle formule à Clive Scott pour dire que ce chanter-avec épique, comme la traduction, “pose au texte non pas la question de ce qu’il est, mais de ce qu’il peut devenir26”.

Les œuvres extra-européennes face aux modèles venus d’Europe

14Les articles qui composent cette livraison du Recueil ouvert s’interrogeront sur cette manière de faire figurer l’“autre” et ses épopées au sein de textes extra-européens du XXe siècle, non pas de manière statique, à la façon d’une simple citation censée l’exemplifier, mais sur un mode dynamique et, au sens étymologique de ce terme, poétique : comme manière de créer, d’inventer un lieu d’énonciation pour soi-même en manipulant un matériau épique venu d’Europe.

15Dans son article “L’épopée de l’ambivalence : Meghanādabadh Kābya de M. M. Dutt”, Elena Langlais part d’un exemple précis de texte épique moderne, l’œuvre poétique de Michael Madhusudan Dutt intitulée Le Poème du Meurtre de Meghanāda (1861), pour montrer comment son auteur y fait dialoguer les sources homérique et virgilienne avec l’épopée mythologique sanskrite du Rāmāyaṇa. Cette présence de l’“autre” européen au sein d’une œuvre bengalie, tout en s’articulant à l’expérience coloniale et à la façon dont elle colore les types de positionnements face aux canons culturels, déjoue toute réduction binaire pour montrer la complexité et l’imprévisibilité des relations qui s’établissent entre le chant épique et ses “autres” intérieurs.

16Eve de Dampierre présente dans son texte intitulé “Faire résonner le chant des autres : quelques réflexions sur le “lyrisme épique” de Mahmoud Darwich” un cas particulièrement éloquent d’incorporation de l’épopée des autres au sein de la parole poétique moderne. En repartant du qualificatif de “lyrique-épique” proposé par Yannis Ritsos pour qualifier le style du poète palestinien, Eve de Dampierre explore les enjeux de l’épique dans la poésie tardive de Darwich, entre inscription dans une tradition arabe et réécriture de l’Odyssée d’Homère. Si l’altérité, dans cette poésie, est toujours marquée d’une forme de gravité associée à la figure de l’ennemi et de l’envahisseur, elle transcende les catégories identitaires pour proposer une “épopée des Troyens” offerte à tous les perdants de l’histoire.

17L’article de Françoise Palleau-Papin, “Sesshu Foster, aède de Los Angeles”, examine l’œuvre de ce poète issu des quartiers populaires d’East L.A., habités en majorités par des immigrés hispaniques et leurs descendants. Son travail se donne pour ambition d’inventer une forme nouvelle, politique et polyphonique, pour conjuguer les ambitions collectives de l’épique avec un refus de l’exclusion. Ceci passe par un effort plurilingue qui fait du poème une chambre d’écho pour les voix des figures de l’altérité que l’épopée nationale et monolingue relègue dans ses marges, mais aussi par l’établissement d’un dialogue créatif avec des modèles épiques du passé comme la poésie de Walt Whitman.

18Dans un numéro consacré à la dynamique complexe entre identité et altérité au sein des écritures épiques du vingtième siècle, il était important de donner au Brésil une place de choix : géant littéraire de moins en moins (mais toujours trop) méconnu en France, le pays sud-américain a conféré une place de choix à ces thématiques depuis les premiers temps de sa littérature nationale. Trois articles s’y intéresseront. Dans un premier, intitulé “As marinhas, de Neide Archanjo : traditions épiques réinventées”, Christina Ramalho se penche sur cette œuvre singulière publiée en 1984 et dans laquelle la poétesse originaire de São Paulo compose un voyage allégorique où la question de l’identité brésilienne est explorée au travers d’une esthétique du fragment et de la citation épique.

19Julie Brugier consacre pour sa part son étude au régionalisme brésilien, qui traverse à sa façon des questions similaires. Dans “Les modèles européens au prisme du régionalisme ou la réinvention singulière de l’épopée dans Memorial de Maria Moura (1992), de Rachel de Queiroz”, elle étudie la manière dont la romancière brésilienne fait jouer entre elles les échelles régionale, nationale et mondiale pour imaginer une “épopée refondatrice” dans un temps de crise. Julie Brugier aborde en particulier la “déterritorialisation” d’éléments empruntés à des épopées européennes antiques (Énéide), médiévales et renaissantes (Roland Furieux, La Reine des Fées, La Jérusalem délivrée) dans le roman nordestin de Rachel de Queiroz.

20Enfin, l’article de Beate Langenbruch “‘Les Douze Pairs de France viennent de Belém au Pará…’ : héritages et mutations de l’épique français dans la culture populaire brésilienne” examine l’héritage de l’épopée médiévale française au Brésil, en particulier dans un certain nombre de formes dramatiques et dans le cordel carolingien. Ce cas de figure constitue un exemple captivant de matière épique européenne qui a trouvé dans le “Nouveau monde” un terrain nouveau, donnant aux poètes l’occasion de jouer avec les décalages qu’introduisent cette forme de localité paradoxale.

21Cette livraison du Recueil Ouvert contient également, comme à l’accoutumée, des articles hors-dossier voués à poursuivre l’état des lieux de la recherche épique mené dans les livraisons précédentes, et des présentations de thèses et travaux en cours.

État des lieux de la recherche

22Tristan Mauffrey introduit dans son article un certain nombre de travaux récents qui permettent d’envisager le comparatisme entre Grèce antique et Chine d’une manière qui évite les écueils d’un certain essentialisme binaire. Partant de publications d’Alexander Beecroft en particulier, et de la manière dont ce dernier s’approprie les notions de littérature mondiale et d’écologie, Tristan Mauffrey s’interroge sur les lectures de ces grands textes épiques et/ou canoniques que ces notions rendent possibles, à l’inverse d’autres travaux qui les abordent du point de vue d’une monumentalité posée a priori.

23Andrea Ghidoni, sous le titre “Chansons de geste où épopée ? Tendances récentes et nouveaux développements “anthropo-littéraires” dans l’étude de l’épopée romane”, présente une série d’études récentes et très récentes (2016-2018) qui reprennent et poursuivent l’interrogation fondatrice de Daniel Poirion sur le statut épique de la chanson de geste. Ces réflexions sur la notion d’épique et sur la chanson de geste mobilisent des outils variés, critiques et anthropologiques, qui posent tous la question théorique des contours du genre épique lui-même.

Thèses et Projets de recherche en cours

24Léo-Paul Blaise présente son travail en cours dans un article intitulé “L’invention de l’histoire poétique de Dagobert. Un cycle épique mérovingien a-t-il été possible au XIVe siècle ?”. Consacré à l’ensemble de chansons de gestes du XIVe siècle qu’on désigne communément par le terme de “cycle de Dagobert”, cette thèse soulève des questions à la fois méthodologiques et théoriques sur la possibilité même de constituer cet ensemble en “cycle” et sur les enseignements de cette réflexion sur le plan de l’histoire et du rapport au temps.

25Fernando de Mendonça et Christina Ramalho présentent leur “Cartographie des oeuvres épiques” ce projet qui vise à réaliser une planisphère de la production épique mondiale ancienne et moderne. Ce travail sera réalisé par le CIMEEP (Centre international et multidisciplinaire d’études épiques, Université fédérale de Sergipe), en partenariat avec le Réseau Euro-Africain de Recherches sur les Épopées (REARE), le Projet Épopée et le Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique (CELIS).

Notes

1 David Adams, Colonial Odysseys: Empire and Epic in the Modernist Novel, Ithaca, Cornell University Press, 2003. Saulo Neiva (dir.), Désirs & débris d’épopée au XXe siècle, Berne, Peter Lang, 2009. Delphine Rumeau, Chants du Nouveau Monde. Épopée et modernité, Paris, Classiques Garnier, 2009.

2 Saulo Neiva, op. cit., p. 5 et p. 18.

3 John Whittier-Ferguson, “Ezra Pound, T.S. Eliot, and the modern epic”, The Cambridge Companion to the Epic, édit. C. Bates, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 211-233.

4 Kathy Lou Schultz, The Afro-Modernist Epic and Literary History: Tolson, Hughes, Baraka, New York, Palgrave Macmillan, 2013.

5 Inès Cazalas et Delphine Rumeau (dir.), Épopées postcoloniales, poétiques transatlantiques, Paris, Classiques Garnier, “Littérature, histoire, politique”, 2020. Merci à Inès Cazalas et Delphine Rumeau de m’avoir donné accès à ce volume avant sa parution.

6 Georg Lukács, La théorie du roman (1920), Jean Clairevoye, Paris, Gallimard, Tel, 1968, p. 49.

7 Derek Walcott, Omeros, Londres, Faber & Faber, 1990. Mahmoud Darwich, “Onze astres” (sélection), La terre nous est étroite et autres poèmes. 1966-1999, trad. Elias Sanbar, Paris, Poésie/Gallimard, 2000, p. 264-310. Amiri Baraka, Wise Why’s Y’s, Chicago, Third World Press, 1995.

8 Patrick Beurard-Valdoye, Flache d’Europe aimants garde-fous, Paris, Flammarion, 2019. Laurent Gaudé, Nous, l’Europe. Banquet des peuples, Arles, Actes Sud, 2019.

9 C’est l’argument déjà développé par Alastair Fowler en 1971 dans son article souvent cité “The Life and Death of Literary Forms”, New Literary History vol. 2, n° 2, hiver 1971, p. 204

10 Charles Taylor, “Two Theories of Modernity”, Alternative Modernities, édit. Dilip P. Gaonkar, Durham, Duke University Press, 2001, p. 193.

11 Peter Burke, Popular Culture in Early Modern Europe (1978), Aldershot, Scolar Press, 1994, p. 3.

12 Judith Labarthe, L’épopée, Paris, Armand Colin, 2006, p. 96-98.

13 Pierre Frantz, “Introduction”, L’épique : fins et confins, Besançon, PUFC, 2000, p. 3.

14 Frank Greiner et Jean-Claude Ternaux (dir.), L’épopée et ses modèles de la Renaissance aux Lumières, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 10-12.

15 Ibid., p. 16.

16 Pierre Frantz, op. cit., p. 162.

17 Ibid., p. 5.

18 Sur l’épopée de l’âge classique, voir le prochain volume du Recueil ouvert (2020) qui élargira cette réflexion en se penchant sur les rapports entre cultures populaires et cultures savantes.

19 Cédric Chauvin, Référence épique et modernité, Paris, Honoré Champion, 2012, p. 46.

20 Joan London, Gilgamesh, Londres, Atlantic Books, 2003, p. 106.

21 Gianfranco Folena, Traduire en langue vulgaire, Paris, éd. Rue d’Ulm, 2018, p. 7.

22 Ibid. p. 9.

23 Kadhim Jihad Hassan, La Part de l’étranger. La traduction de la poésie dans la culture arabe, Arles, Actes Sud, 2007, p. 192-226.

24 Alexandra Lianeri et Vanda Zajko, “Still Being Read after so Many Years: Rethinking the Classic through Translation”, Alexandra Lianeri et Vanda Zajko (dir.), Translation and the Classic. Identity as Change in the History of Culture, Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 1-23.

25 Ibid. p. 20. “translation typically ascribes value to the source, yet subvert it”. Je traduis.

26 “asks of a text not what it is but what it can become”. Clive Scott, The work of literary translation, Cambridge, Cambridge University Press, 2018, p. 220. Notre traduction.

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Pour citer ce document

Cyril Vettorato, «Introduction. Altérités épiques : les œuvres extra-européennes face aux modèles venus d’Europe (2019)», Le Recueil Ouvert [En ligne], mis à jour le : 29/10/2023, URL : http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble-alpes.fr/revues/projet-epopee/318-introduction-alterites-epiques-les-oeuvres-extra-europeennes-face-aux-modeles-venus-d-europe-2019

Quelques mots à propos de :  Cyril  Vettorato

Cyril Vettorato est maître de conférences en littératures comparées à l’Université Paris Diderot et directeur du groupe de recherche en ethnopoétique (GREP). Ses travaux portent sur la poésie contemporaine de la diaspora africaine aux États-Unis, au Brésil et dans la Caraïbe, en particulier du point de vue des rapports entre l'écrit et l'oral. Il est l’auteur d’Un monde où l’on clashe (2008) et de Poésie moderne et oralité dans les Amériques noires (2018).