Epopée, Recueil Ouvert : Section 3. L'épopée, problèmes de définition II - Marges et limites

Christina Ramalho

As Marinhas, de Neide Archanjo : traditions épiques réiventées

Résumé

L’article traite du poème As marinhas (1984), de la poétesse brésilienne Neide Archanjo, en soulignant le recours au mélange créatif de référents provenant de la tradition épique occidentale, et en particulier tirés des Lusiades (Os Lusíadas), de l’Odyssée, de Message (Mensagem) et de L’invention d’Orphée (Invenção de Orfeu). Le langage métaphorique, avec lequel est présenté l’héroïsme ambigu incarné par une femme, ainsi que les aspects de la “brésilianité” du poème sont également le cœur de cet article. En naviguant sur l’océan historique et mythologique, dans une “barque de papier” métalinguistique - la poésie même - le sujet épique accompagne l’équipage de Cabral vers le Brésil jusqu’à parvenir au XXe siècle, dans un voyage symbolique et allégorique, qui permet à As marinhas de transgresser l’espace et le temps, en rendant contemporaines des expériences éparses, reliées par l’expérience de la navigation (que ce soit sur mer ou sur terre).

Abstract

The article deals with the poem As marinhas (1984), by the Brazilian poet Neide Archanjo, highlighting the use of the creative mixture of referents from the Western epic tradition, and in particular from The Lusiads (Os Lusíadas), Odyssey, Message (Mensagem) and The Invention of Orpheus (Invenção de Orfeu). The metaphorical language, with which is presented the ambiguous heroism embodied by a woman, as well as aspects of the “Brazilianity” of the poem are also the heart of this article. By navigating the historical and mythological ocean, in a metalinguistic “paper boat” - poetry itself - the epic subject accompanies the crew of Cabral to Brazil until reaching the twentieth century, in a symbolic and allegorical journey, which allows As marinhas to transgress space and time, making contemporary experiences scattered, connected by the experience of navigation (whether at sea or on land).

Texte intégral

  • 1 Texte originellement publié en portugais, sous le titre “As marinhas, de Ne...

Introduction1

    

  • 2 ARCHANJO, Neide. As Marinhas. Rio de Janeiro : Salamandra, 1984, p. 27

Não canto rios
cascatas cachoeiras regatos.
Canto o mar
.2

  • 3 Sauf mention contraire, les traductions sont de notre fait.

Je ne chante pas les fleuves
les cascades les chutes d’eau les ruisseaux.
Je chante l’océan.3

  • 4 ARCHANJO, Neide. As Marinhas. Rio de Janeiro : Salamandra, 1984, p. 66

Navegação de quem nada sabe de mar
e das peregrinações/
de quem acompanha aviões
debaixo de céus tropicais e busca naus
galés deuses helênicos
que já não habitam
nenhum ponto deste Atlântico
4

Navigation de qui ne sait rien de l’océan
et des pèlerinages/
de qui accompagne les avions
sous des cieux tropicaux et cherche des navires
galères dieux helléniques
qui n’habitent plus
aucun point de cet Atlantique

  • 5 Ibidem, p. 77

Olhai-nos, lusitanos, nós que somos
vossa fantasia e aventura edificada
achamento de um mundo novo
foz atlântica enfim reencontrada.
5

Regardez-nous, lusitaniens, nous qui sommes
votre fantasme et aventure édifiée
découverte d’un monde nouveau
embouchure atlantique enfin retrouvée.

  • 6 Épopée post-moderne de 2 341 vers répartis en quatre chants (Chant I, 126 v...

  • 7 Née à São Paulo, Neide Archanjo est diplômée en Droit et Psychologie. Actue...

  • 8 Double instance d’énonciation du genre épique, en lien avec la présence sim...

1As marinhas6, poème épique composé par Neide Archanjo7, publié en 1984 et réédité en 2001, indique une filiation explicite de l’auctorialité féminine avec la production épique : dans diverses déclarations, l’autrice a révélé avoir cherché, avec ce texte, à s’exprimer sur le mode épique à propos du désir de l’aventure maritime, imprégné dans la subjectivité des Brésiliens, par les voies de la contamination culturelle portugaise. Écrit au Portugal, à l’occasion d’une bourse-prix de la fondation Calouste-Gulbenkian, le poème, formellement, est constitué de vers libres et livre une invocation syncrético-chrétienne insérée dans le chant III. Dans celui-ci, le je lyrique/narrat.eur.rice8 se lance dans un voyage vers les profondeurs de l’océan, pénétrant dans des métaphores maritimes et entremêlant son identité avec des identités mythiques et historiques d’autres navigateurs (comme Ulysse ou Vasco de Gama). En se projetant tantôt dans l’océan mythique, tantôt dans l’océan historique, le JLN construit une identité hybride, bisexuelle, en recourant pour ce faire à l’expression subjective lyrique elle-même, que la référence à d’autres poètes, poèmes et mythe lui apporte.

2Ainsi, en réunissant une proposition épique, un environnement esthétique post-moderne, un questionnement sur l’identité - qui contourne les points de vue masculin et féminin quant au lyrisme amoureux – et une posture intéressante en ce qui concerne les interrelations culturelles luso-brésiliennes, le poème offre au lecteur un “océan” de possibilité de lectures et réflexions sur la condition de l’être humain face à la postmodernité chaotique.

3Dans cet article, nous présenterons la façon dont, en termes épiques, le poème a été conçu et structuré, mais soulignerons aussi deux aspects fondamentaux qui démontrent, d’un côté comment la tradition épique a été réinventée pour que se crée un nouvel héroïsme, qu’incarne la figure de la femme, et, de l’autre, comment la question de la “brésilianité” est rendue présente dans l’œuvre.

I. Autour du poème

  • 9 Sur l’expérience postmoderne, voir HUTCHEON, Linda. Poética do pós-modernis...

  • 10 Toutes les citations sont tirées de l’édition de 1984.

4Le poème porte, dès sa présentation, l’intention épique de l’autrice ; mais sa conception littéraire postmoderne9 s’affiche comme définitive à partir de la strophe : “Não tenho ainda/ a linha d’água do poema/ nem encontrei/ o conhecimento socrático de mim mesma./ Apenas sei o que me falta :/ um grande mar sereno/ onde o coração pudesse mergulhar em paz” (Canto II - Litorais, p. 35)10 (“Je n’ai pas encore/ la ligne d’eau du poème/ ni n’ai trouvé/ la connaissance socratique de moi-même./ Je sais seulement ce qui me manque :/ un grand océan serein/ où le cœur pourrait plonger en paix.”) Voilà ici l’être humain postmoderne, écrasé par la conscience de ne pas avoir d’identité et prêt à vivre le chaos, comme forme de sauvetage d’un état d’équilibre.

5Dans de nombreux autres passages du poème, le JLN souligne la nécessité d’établir pour soi-même une identité et, en même temps, la conscience du chaos régnant dans le monde réel : “e nada pressentia o advento destes séculos/ onde o homem está sozinho/ sem o Verbo/ em meio às palavras que o consomem” (p. 26) (“et rien ne prédisait la venue de ces siècles/ où l’homme est seul/ sans le Verbe/ au milieu des mots qui le consument”), “quando o sol nela se mistura/ fazendo o poeta ali encontrar a eternidade” (p. 27) (“quand le soleil se méle à elle/ faisant rencontrer, là, l’éternité au poète”), “Não há novas terras nem um novo oceano/ o que há é este domingo aflito/ que me põe dentro de mim mesma” (p. 43) (“Il n’y a pas de nouvelles terres ni de nouvel océan/ ce qu’il y a c’est ce dimanche angoissé/ qui me met à l’intérieur de moi-même”), “Há uma biografia pessoal e coletiva/ em algum lugar perdida na memória/ procuro aí” (p. 49) (“Il y a une biographie personnelle et collective/ dans un lieu perdu dans la mémoire/ je cherche de ce côté-ci”), “Ah, mundo inicial a que assisto/ desta esquina do planeta/ eu, selvagem, mulher silvestre/ manuelinamente descoberta” (p. 71) (“Ah, monde originel duquel je suis témoin/ depuis cet angle de la planète/ moi, sauvage, femme sylvestre/ découverte sous Manuel Ier”), “Daqui da margem da consciência/ ninguém se move/ temendo que o planeta arda/ em novo apocalipse” (p. 83) (“Depuis la marge de la conscience/ personne ne bouge/ craignant que la planète ne brûle/ dans une nouvelle apocalypse”), “Expondo-me ao suicídio brando/ de estar sempre incompleta” (p. 86) (“En m’exposant au doux suicide/ de toujours être incomplète”), “há coisas que adiam meu inteiro estar no mundo” (p. 88) (“il y a des choses qui retardent mon être entier dans le monde”) et “Às vezes/ freqüentemente às vezes/ quero um reino/ que não existe/ senão debaixo da minha pele” (p. 105) (“parfois/ fréquemment parfois/ je veux un royaume/ qui n’existe pas/ sinon sous ma propre peau”).

6Pour la formation de la matière épique, il suffira que cet être angoissé, portant la voix du JLN, se projette dans le monde, disposé à expérimenter le chaos, en se reliant avec les fragments du réel qui configureront le plan historique de l’épopée. Le plan merveilleux apparaît quand ce JLN réalise son expérience mythique au travers de l’expression subjective de l’espace lyrique.

7Les dimensions réelle et mythique seront diluées dans l’océan, qui est, dans le poème, une métonymie du “monde” : “Terra : ¾ de água. Escapar como ?” (p. 38). (“Terre ¾ d’eau. Échapper comment ?”). En se projetant tantôt dans l’océan mythique, tantôt dans l’océan historique, le JLN construit son identité, en recourant pour ce faire à une expression subjective et lyrique propre, que les références à d’autres poètes et poèmes permettent. Ces poètes et poèmes sont eux aussi insérés dans l’océan, ou, plus précisément, l’océan est agent, il élabore le matériel épique, tandis que le poème est un instrument pour l’expression subjective lyrique du je. Nous pouvons retrouver le champ sémantique de l’“océan mythique” dans des passages tels que : “O mar não é acidente geográfico. É essa carne verde-azulada/ pele/ cujas escamas brilham/ quando o sol nela se mistura/ fazendo o poeta ali reencontrar a eternidade” (p. 27), (“la mer n’est pas un accident géographique. Elle est cette chair vert-bleu/ peau/ dont les écailles brillent/ quand le soleil se mêle à elle/ faisant rencontrer, là, l’éternité au poète.”) “Do mastro diviso ao longe/ Proteu e Tristão fantásticos/ trabalhando sobre as ondas/ em movimentos e ruídos cornucópicos/ a colorir o som dos peixes” (p. 62) (“Depuis le mât j’aperçois au loin/ Protée et Tristan fantastiques/ travaillant sur les ondes/ dans des gestes et des bruits débordants/ à colorier les sons des poissons”), “por mares e cardumes/ que tão longe vão/ que chegam a alcançar/ as costas da minha nostalgia” (p. 63) (“à travers les mers et les bancs de poisson/ qui vont si loin/ qu’ils parviennent à atteindre/ les côtes de ma nostalgie”), “O mar/ magna medusa/ devora o pedaço de rocha/ ao nosso redor” (“La mer/ grande méduse/ dévore le bout de roche/ autour de nous”) (p. 126), “Ondas azulam/ o grande corpo que respira./ Entre elas/ ainda/ Ulisses marinha” (p. 146) (“ Les ondes bleuissent/ le grand corps qui respire./ Entre elles/ encore/ Ulysse navigue”). Ainsi, l’océan de la mythologie classique et des références épiques classiques est réinventé et mêlé à l’océan de l’expansionnisme portugais jusqu’à devenir l’océan mythique du Brésil même, le JLN assistant à sa découverte en accompagnant la flotte de Cabral à son arrivée sur les terres qui deviendront le Brésil.

8Ce même océan mythique dans lequel le JLN fait émerger son expression subjective lyrique, et où émergent aussi les mythes épiques, comme Sébastien Ier, Ulysse, Achille, Iara, Hélène, Pénélope et d’autres, se transforme cependant en océan historique pour accueillir les histoires de conquêtes et découvertes et pour servir de référentiel de réalité pour le JLN. Cet “océan historique” se rencontre dans des passages tels que : “Era uma vez um povo/ que olhava para o mar” (p. 50) (“Il était une fois un peuple/ qui regardait la mer”), “Neste momento a formosa nau de um mercador/ viaja pelo Atlântico” (p. 52) (“À ce moment-là la belle nef d’un marchand/ navique sur l’Atlantique”) , “No mar profundo desde Lisboa até a Índia/ dela a todo Oriente e Ocidente/ naus e galeões aviões de carga e gente/ cujos olhos ainda brilham acordados/ dormem capturados sem nem sequer saber/ quão profundas águas atravessaram” (p. 52) (“Sur les profondeurs de l’océan de Lisbonne jusqu’à l’Inde/ de celle-ci jusqu’à tout l’Orient et l’Occident/ nefs et galions avions de cargaison et personnes/ dont les yeux brillent encore éveillés/ dorment sans même savoir/ quelles profondes eaux ils ont traversées”), “Entre lágrimas e medo/ vigiam-lhe a memória/ cinco séculos atlânticos” (p. 59) (“Entre larmes et peur/ clarifiaient sa mémoire/ cinq siècles atlantiques”), “de Aquém e de Além-Mar em África/ Senhores da Guiné/ da Conquista Navegação e Comércio/ da Etiópia Arábia Pérsia Índia” (p. 59) (“de la mer d’en deçà et de celle d’au-delà en Afrique/ Seigneurs de Guinée/ de la Conquête Navigation et Commerce : de l’Éthiopie Arabie Perse Inde”), “Deixa-me ver os 477 navios/ os 24.000 homens e os 6.000 nautas/ que Afonso, o Africano/ pôs nas águas portuguesas” (p. 68) (“Laisse-moi voir les 477 navires/ les 24000 hommes et les 6000 marins/ qu’Alphonse, l’Africain/ a mis sur les eaux portugaises”), “no ilhéu da Coroa Vermelha/ em Porto Seguro/ Bahia - Brasil/ no dia vinte e seis de abril/ dos anos mil e quinhentos/ da idade de Pentecostes” (p. 71) (“sur l’îlot da Coroa Vermelha/ À Porto Seguro/ Bahia – Brésil/ au jour vingt-six d’avril/ des années mil cinq cent/ de la période de Pentecôte”).

9Et le référentiel de réalité du XXe siècle, dans lequel s’insère le JLN, peut être perçu dans les vers tels que ceux de la seconde épigraphe qui ouvre ce texte, et dans d’autres tels que : “Estou aqui/ numa das esquinas do planeta/ entre o Mediterraneu e o Oceanus Atlanticus/ nestas costas/...” (p.70) (“Je suis là dans un des recoins de la planète/ entre la Méditerranée et l’Océan Atlanticus/ sur ces côtes/…”) ou dans “Lembro : era verão em Nova Iorque/ e eu nem sabia/ que tudo aquilo era um mar/ era uma ilha” (pág. 102) (“Je me souviens : c’était l’été à New York/ et je ne savais même pas/ que tout cela était un océan/ était une île”). Ainsi, projeté dans l’océan mythico-historique, qui intègre le passé historique au présent, contemporain à sa propre voix, le JLN agence sa double condition existentielle et légitime dans le matériau épique.

10La temporalité implicite du poème est, dès lors, un autre point qui mérite réflexion. Au sein du poème, un chemin parallèle entre les dimensions mythique et réelle se présente. À plusieurs endroits, As marinhas dévoile son inscription dans la temporalité et les problématiques postmodernes (il s’agit de fait d’une œuvre de 1984), marquée, comme nous l’avons vu, par la conscience aiguë de l’expérience chaotique. “A manhã passa/ debaixo do som oco/ dos tenistas na praia/ engenheiros e claros” (p. 37) (“La matinée passe/ sous le son creux/ des joueurs de tennis sur la plage/ ingénieurs et hommes blancs”), “Então sento-me no dia/ como se sentasse na cadeira ” (p. 39) (“Alors je m’assois dans la journée/ comme si je m’étais assise dans le fauteuil”) , “Não há novas terras nem um novo oceano/ o que há é este domingo aflito/ que me põe dentro de mim mesma” (p. 43) (“Il n’y a pas de nouvelles terres ni de nouvel océan/ ce qu’il y a c’est ce dimanche angoissé/ qui me met à l’intérieur de moi-même”), “Porque o assoalho marítimo se movimenta/ e a manhã se multiplica/ escrevo” (p. 87) (“Parce que le plancher maritime se meut/ et la matinée se multiplie/ j’écris”), “Neste começo de noite/ em que os cachorros latem lá fora/...” (p. 140) (“En ce début de nuit/ où les chiens aboyent au loin dehors”). Le récit n’obéit pas, dans cette optique, à une séquence temporelle. La temporalité fragmentée est implicite dans l’expression subjective lyrique, qui permet au Je d’expérimenter les fragments du monde simultanément, en englobant diverses périodes de l’histoire, dans un voyage d’un seul jour.

11Il faut également étudier la forme choisie par l’autrice pour agencer les plans merveilleux et historique dans la structure du poème. Divisé en quatre chants, ce qui en souligne l’intention épique, le poème a été articulé dans son entier à partir de la figure métonymique de la mer.

  • 11 En portugais, le titre “Preamar” signifie à la fois “marée haute”, “pré-me...

12Le chant I s’intitule “Preamar11” et fait référence au choix de la mer comme moyen d’articulation des plans historique et merveilleux. En tant que représentation du monde, réel et mythique, la mer renferme toutes les métaphores que la poésie peut faire naître. C’est pourquoi, également dans “Preamar”, l’autrice désigne la poésie comme instrument pour la navigation épique de cette mer métonymique et métaphorique : “A poesia dorme nos pomares de água/ à espera de instrumentos/ navios plumas cavalos/ perdida entre sentimentos azuis/ e coisas amarelas” (p. 27) (“La poésie dort dans les vergers de l’eau/ dans l’attente d’instruments/ navires plumes chevaux/ perdue entre des sentiments bleus/ et des choses jaunes”).

13Dans le chant II – “Litorais”, (“Littoraux”) – le je, lui aussi métonymique, en tant que synthèse de l’être humain angoissé face à l’incompréhension du monde, se prépare pour se jeter à la mer, mythique et historique, en s’emparant, pour ce faire, du verbe : “Os dedos seguram o lápis como um leme/ e o papel, água lisa e limpa,/ espera os ventos” (p. 38) (“Les doigts tiennent le crayon comme un gouvernail/ et le papier, eau lisse et nette,/ attend les vents”). En se faisant accompagner par Fernando Pessoa, et récupérant, de cette manière, l’image de Mensagem, épopée de ce dernier, le JLN renvoie sa trajectoire à la liste des trajectoires épiques et prend une identité métonymique : “fazendo vir à tona um rosto coletivo/ uma pessoa plural/ na qual estávamos incluídos nós/ e a nossa pequena solidão” (p. 43) (“faisant surgir à la surface un visage collectif/ une personne plurielle/ dans laquelle nous étions inclus/ et notre petite solitude”).

  • 12 Ici l’autrice mêle deux héros des navigations portugaises : Vasco de Gama,...

14Le chant III se divise en trois parties : “Oceânico” (“Océanique”), “Cais da agonia” (“Quais d’agonie”) et “Linha de flutuação” (“Ligne de flottaison”) le JLN expérimente les deux plans que comporte l’océan : le plan historique, qui inclut les voyages et conquêtes faites au travers de l’océan, et le plan merveilleux, qui comprend les éléments mythiques entourant ces conquêtes et voyages. C’est “Océanique” parce qu’on se réfère au sens le plus profond de la mer. En se projetant, alternativement, dans la mer historique et dans la mer merveilleuse, le JLN établit une relation avec le monde : “E ouvindo meu lamento/ esgarçado azul entre as areias/ vieram Vasco Cabral12 e o próprio Infante/ assinalar a navegação/ rosa lacrada sobre este meu peito” (p. 66) (“Et entendant ma lamentation/ déchirure bleue entre les sables/ vinrent Vasco Cabral et l’Infant lui-même/ pour signaler la navigation/ rose cachetée sur mon sein”) et permet la réalisation de la matière épique. Dans “Quais d’agonie”, le JLN peint la tristesse de la ville et formule ses interrogations concernant le monde : “Ele sabe que na desordem/ desses lugares extremos/.../ há uma solidão babilônica/ vulgar e tangível” (p. 89). (“Il sait que dans le désordre/ de ces lieux extrêmes/ .../ il y a une solitude babylonienne/ vulgaire et palpable”.) Dans “Mas ausente de mim mesma/ sou apenas/ partícula d’água na massa espessa/ que nos repele” (p. 92) (“Plus absente de moi-même/ je suis seulement/ une particule d’eau dans la masse épaisse/ qui nous repousse”), le JLN est déjà intégré à la mer, à la recherche d’une identité perdue. Enfin, dans “Ligne de flottaison”, il s’inscrit dans l’océan lyrique et métaphorique, comme s’il plongeait en lui-même : “E saio em busca desse reino/ enfiando-me nos mares/ dobrando cabos e tormentas/ perdendo-me nas rotas/ de um cone sombreado” (p. 105) (“Et je sors à la recherche de ce royaume/ en me faufilant dans les mers/ dépassant caps et tempêtes/ me perdant sur les routes/ d’un sombre cône alluvial”).

  • 13 voir le point 4 de ce texte.

15Le chant IV comporte également trois parties : “País de Circe” (“Pays de Circé”), “Ilhas idílicas” (“Îles idylliques”) et “Mar aberto” (“Mer ouverte”). “Pays de Circé”, qui se réfère à l’Odyssée, parle de la mer mythique contrôlée par Circé, avec laquelle le JLN s’assimile : “Sorvo a criatura/ que estremece/...” (p. 115) (“J’aspire la créature/ qui tremble/ …”). Et dans “Îles idylliques, il fait son voyage lyrique, ─ en prenant une identité double, masculine et féminine, se liant amoureusement à un être de nature indéfinie ─, qui rend possible la relation de l’être avec le monde : “Estou debaixo do olhar/ de um ser/ que neste momento/ é meu ponto de ligação/ com o universo” (p. 139) (“Je suis sous le regard/ d’un être/ qui en ce moment/ est mon point de liaison/ avec l’univers”). Le voyage sur mer a favorisé la relation du je avec le monde, mais n’a pas fourni de réponses, ni n’a établi un lien définitif : “E não me decifras./ E não te devoro” (p. 140) (“Et tu ne me déchiffres pas./ Et je ne te dévore pas”). “Mer ouverte” achève le poème en laissant ouvertes les réponses recherchées durant le voyage : “Nunca soubemos bem/ cretenses/ fenícios/.../portugueses e seus filhos/ que coisa é o mar” (p. 147) (“Jamais nous n’avons vraiment su / Crétois/ Phéniciens/ …/ Portugais et leurs fils/ ce que c’est que l’océan”). En même temps, l’identité historique du je, marquée par la brésilianité revisitée13, est rétablie. En découle la légitimité du héros et du matériau épique, insérant le poème dans le parcours épique brésilien et occidental.

  • 14 Terme crée par Anazildo Vasconcelos da Silva. Voir A semiotização literári...

16Sur la conception du poème, il faut encore souligner le recours à l’ “hétéro-référence épico-lyrique”14, à propos de la présence de référents divers dans le corps du poème de Archanjo et sur le sens que les liens entre ces référents créent.

II. L’hétéro-référence épico-lyrique

17Le poème d’Archanjo comporte un large spectre de références extraites de la tradition épique occidentale et brésilienne, de même que des référents culturels divers. Tous ces référents, néanmoins, plus que de simplement souligner l’intentionnalité épique de l’autrice, consolideront le profil inédit de l’héroïsme travaillé dans l’œuvre et la “brésilianité” même du poème, comme nous le verrons plus loin. Commençons par étudier l’invocation du poème.

  • 15 Sur les formes d’invocation, voir RAMALHO, Christina. Poemas épicos : estr...

18L’invocation syncrético-chrétienne15 (insérée au chant III, dans la partie intitulée “Océanique”) à Notre Dame de la conception des Navigateurs/ Oshun, suivie d’une invocation païenne, faite à Uiara, figure mythique brésilienne, exemplifie le recours à l’hétéro-référence poétique, ou, plus précisément, met en exergue la construction hybride qui insère dans son répertoire référentiel des univers culturels distincts, imbriqués et reliés, afin de créer un nouveau sens. Observons :

  • 16 Invocation triple et syncrétique (chrétienne, afro-brésilienne et indigène...

  • 17 Êtres élémentaires, femmes de l’eau (rivières, fontaines, etc.).

  • 18 Une sorte de palmier. Tupi. Utilisé comme nom des femmes.

  • 19 Ce mot vient de la langue Kimbundu (ka’lunga), que signifie “ mer ”, mais ...

  • 20 Sirènes.

Senhora Conceição16
Senhora dos Navegantes
ouvi meu apelo enclausurado
em torno destas dunas
e fazei cantar o coro de Oxum
vossas sereias
mágico lamento a me espinhar
sob a oferenda que espalhei
saudando as estrelas-guias
as ondinas17 e os indaiás18
os calungas19 e os tarimás20
enfunada procissão que abre agora
esta estrada de mar.
Oh, bela Uiara,
vem coberta de esperança
que preciso contornar o labirinto
e entrar no vosso reino
rosácea azul brilhante
onde há centenas de milhões de anos
fez-se a vida
onde sentada em seu mistério
a eterna mãe me espera
marinha água cintilante (p. 61).

Notre-Dame de la Conception
Notre Dame des Navigateurs
entendez mon appel captif
près de ces dunes
et faites chanter le refrain d’Oxum
vos sirènes
lamentation magique pour me piquer
sur l’offrande que j’ai épandue
en saluant les étoiles-guides
les ondines et les indaiás
les calungas et les tarimás
procession agacée qui ouvre maintenant
cette route de mer.
Oh, belle Uiara,
viens couverte d’espérance
car je dois contourner le labyrinthe
pour entrer dans votre royaume
rosace bleu brillant
où depuis des centaines de millions d’années
se crée la vie
où assise dans son mystère
la mère éternelle m’attend
eau marine scintillante

  • 21 Sur les formes de proposition épique, voir RAMALHO, Christina. Poemas épic...

  • 22 Traduction française tirée de l’édition Pléiade, Pessoa, p. 1014.

19De la même manière, explicitant l’intention littéraire épique, se détache une sorte de proposition21, dans laquelle l’autrice cite des vers de Jorge de Lima et de Fernando Pessoa. Il est intéressant de constater que les vers choisis par la poètesse dialoguent entre eux ou donnent lieu à un échange sémantique : “Chamo as coisas com os versos que eu quiser/os mistérios, os medos, os três reinos,/e esse reino que eu vim reiniciar” (Jorge de Lima) “Je nomme les choses avec les vers que je veux/ les mystères, les peurs, les trois royaumes,/ et ce royaume que je suis venu recommencer” et “E é para além do mar a ansiada Ilha” (Fernando Pessoa) “L’île, tant désirée, est au-delà des mers”22. Cet échange sémantique intervient au moment où le passage tiré de L’invention d’Orphée, de Jorge de Lima, se réfère sémantiquement à la matière épique de Message, de Fernando Pessoa, c’est-à-dire la rédemption du royaume du Portugal à travers Don Sébastien ; tandis que le passage tiré de Message se réfère sémantiquement à la matière épique de l’Invention d’Orphée, dans laquelle l’Île est une métaphore qui sous-tend le mythe de la création. Ainsi, proposant un dialogue entre deux poètes qui la précèdent chronologiquement dans le parcours épique, Neide Archanjo établit également un dialogue avec son propre poème, dans lequel l’océan mythique, présent tant dans Message, que dans l’Invention d’Orphée, sera le lien entre le poète et le poème lors du processus de création littéraire. C’est dans ce dialogue triple que la proposition demeure, implicite.

20Tout au long du poème, d’autres formes de référence apparaissent, telles que des citations d’auteurs épiques (Pessoa, page 42 ; Camões, page 50 ; Jorge de Lima, page 79) ; des citation d’héros, des personnages, des figures mythologiques et muses d’autres épopées (Don Diniz, page 53 ; Don Sébastien, page 56 ; Protée et Tristan, page 62, Achille, Agamemnon, Ménélas, Hélène, page 65 ; Vasco, Cabral, page 66, et de nombreux autres) ; et, en outre, le JLN se fait accompagner, durant son voyage maritime, par ces personnages épiques.

21Notons, d’un autre côté, en ce qui concerne la contextualisation géographico-historique, la mention d’épisodes historiques et de localités géographiques. Les grandes navigations portugaises sont le point de départ à des réflexions implicites au sein des métonymies et métaphores qui constituent la conscience culturelle de l’être qui “doit naviguer”.

22Sur le plan du présent, les références construisent une modernité chaotique, dont la TV, le supermarché, le peignoir de nylon de la grosse voisine (page 138) sont autant de signes expressifs.

23As marinhas, ainsi, transgresse espace et temps en rendant des épisodes disparates proches, inter-reliées par l’expérience de la navigation (que celle-ci soit maritime ou terrestre).

III. Autour de l’héroïsme épique.

24Le héros épique est celui qui combine les dimensions réelle et mythique de la matière épique, c’est-à-dire qu’une double condition, sur le plan historique et sur le plan merveilleux, lui permet d’intégrer les deux plans, constituant dès lors l’épopée (SILVA & RAMALHO, 2007). Ces caractéristiques connaissent, parallèlement à la conception littéraire qui les influence, des évolutions égales aux évolutions des modèles épiques mêmes. Il est ainsi possible de dessiner le profil du héros épique classique, du héros épique de la Renaissance, du héros moderne et post-moderne.

  • 23 J’ai traité cette question dans la thèse de Doctorat Vozes épicas : histór...

25La figure du héros dans As Marinhas, est, par-dessus tout, polémique. Et ce constat est dû au fait que l‘œuvre a été écrite par une poétesse. L’auctorialité féminine dans les épopées est rare et cette réalité est facilement explicable23. Dans la structure de l’épopée, la figure du héros est très importante, puisque c’est lui qui, agissant dans la dimension réelle et dans la dimension mythique simultanément, les fait fusionner, rendant possible la formation de la matière épique, base de toute épopée. Mais, le plus intéressant est de se demander qui serait ce héros, c’est-à-dire : quel serait le profil de ce héros, en prenant en compte, évidemment, le modèle épique auquel il est lié ?

26Le héros épique classique, être humain et mortel, avec des attributs généreux et un caractère spécifique, parvenait à se projeter dans le plan merveilleux, au travers de grandes actions sur le plan historique, gagnant ainsi l’adhérence mythique qui le caractérisait comme héros. La figure du héros était directement reliée à la figure de l’homme, associée à la masculinité, à la force physique, au courage et à la noblesse de caractère. Même les héros par nature, c’est-à-dire, ceux qui ont reçu génétiquement la condition héroïque, étant fils d’un être divin et d’un être mortel, possédaient une complexion masculine spécifique au héros classique. En contrepoint par rapport à la figure du héros, la figure de la femme avait un rôle défini dans deux dimensions parallèles ; ou bien elles étaient des déesses et des muses, agissant dans la dimension mythique, ou bien elles étaient femmes, mortelles, agissant dans la dimension réelle. Dans chacune de ces deux dimensions, sa fonction était de contribuer à l’héroïsme de l’homme, que ce soit par une influence positive ou par une influence négative : au travers de l’amour comme de la haine, les figures féminines servaient d’instrument pour la formation du héros. Existait également la figure féminine de la muse inspiratrice qui agissait sur le poète, racontait au travers de ce dernier le parcours du héros. Avec le temps, la femme aussi, être humain mortel, gagna le titre de muse en tant qu’inspiratrice du sentiment amoureux chez le héros. Existent ainsi dans la figure féminine la muse inspiratrice du poète, comme la muse inspiratrice du héros.

27Dans le modèle épique de la Renaissance, le type du héros reste pratiquement le même, ce qui change est son action dans la dimension mythique. Pour gagner l’adhérence mythique, le héros va recevoir l’aide du poète qui, au travers d’épisodes lyriques, créés littérairement, rend possible la transfiguration mythique du héros, ce qui légitime sa double condition existentielle. Le profil masculin, comme nous l’avons déjà dit, reste néanmoins le même, tout comme le rôle bien défini de la femme dans l’épopée.

  • 24 Il y a d’autre poétesses. Néanmoins, leurs productions n’étaient même pas ...

  • 25 Voir MEIRELES, Cecilia. Romanceiro da Inconfidência. Rio de Janeiro : Agui...

28Dans le modèle épique moderne, le processus de formation du héros est inversé. Une structure mythique vide est projetée sur le plan historique, où le héros construit sa double condition existentielle. Pour des raisons de tradition épique, le héros est construit et projeté dans une figure masculine. Nous pouvons citer à titre d’exemple : Don Sébastien (mythe de la rédemption dans A Mensagem), Cobra Norato (mythe de la séduction dans Cobra Norato de Raul Bopp), l’être humain (mythe de la création dans Invenção de Orfeu), entre autres. Il n’y a pas, dans la construction moderniste du héros épique, les mêmes prérequis que dans les modèles antérieurs. Il y a cependant une adéquation purement référentielle à l’archétype sémantique du héros, c’est-à-dire que le héros est, par tradition littéraire et même historique, un homme. De la même manière, les muses continueront à être des entités qui inspirent les poètes, ou, parfois, ce seront des femmes réelles qui inspirent les héros. L’unique poétesse qui écrivit un poème épique moderne rentrant dans le canon24 de la littérature brésilienne est Cecília Meireles25. Et le héros de son Romanceiro da Inconfidência est un homme – Tiradentes.

29Avec l’avènement de la postmodernité, une nouvelle conception du héros apparaît : le héros est l’être mythique représenté par un Je métonymique, impersonnalisé, qui, au travers de son expression subjective, se met en relation avec le monde réel chaotique du présent, dans une véritable mission héroïque (SILVA & RAMALHO, 2007). L’être qui se confronte au chaos de la postmodernité porte déjà en lui la dimension mythique, il ne reste qu’à rétablir sa condition historique. La voix du héros postmoderne est assumée par la première personne de l’énonciation lyrique, ce qui explique que l’épopée postmoderne est essentiellement lyrique. Néanmoins, lorsque la première personne de l’énonciation cache une poétesse, une série de contrepoints surgissent entre l’expression subjective du je lyrique et les voix de la tradition épique en ce qui concerne la figure du héros. Ainsi, ayant pour caractéristique la référence à d’autres constructions poétiques, le poème postmoderne, épique ou non, réalise un dialogue voilé avec d’autres expressions subjectives.

30Dans As marinhas l’être se retrouve d’abord face à sa propre solitude devant un monde chaotique : “O mundo apenas começava/ e nada pressentia o advento destes séculos/ onde o homem está sozinho/ sem o Verbo/ em meio às palavras que o consomem” (p. 26) (“Le monde commençait à peine/ et rien ne prédisait ce qui adviendrait dans ces siècles/ où l’homme est seul/ sans le Verbe/ au milieu des mots qui le consument”). C’est par le Verbe, dans sa manifestation poétique, que l’être, récupérant l’expression subjective du Je dans la mer mythique, rendra vivants les fragments du réel, en y intégrant les deux dimensions de la matière épique et réalisant ainsi l’épopée. Dans le chant II – Littoraux – la poétesse révèle son identité féminine et poétique en se laissant accompagner par Fernando Pessoa, et prête à se jeter dans la mer et dans le poème. Dans le même chant, dans : “fazendo vir à tona um rosto coletivo/ uma pessoa plural/ na qual estávamos incluídos nós/ e a nossa pequena solidão” (p. 43) (“en faisant surgir un visage collectif/ une personne plurielle/ dans laquelle nous étions inclus nous/ et notre petite solitude”), la poétesse réaffirme l’existence d’un je métonymique s’appropriant l’angoisse existentielle de l’être humain, qui transforme l’être individuel en être collectif.

31Dans Océanique (chant III), une biographie personnelle et collective/ dans un lieu, perdue dans la mémoire qui doit être recherchée dans la carte et dans la boussole du rêve, est mise en évidence. C’est-à-dire qu’au travers de l’intégration entre l’expression subjective et l’identité historique, le Je navigateur et la poétesse, unis, construiront une biographie. Dans “Océanique”, nous rencontrons même une troisième personne de l’énonciation, qui narre des faits historiques à propos de la mer mythique, et qui se confond avec la première personne de l’énonciation qui témoigne de ces faits et les vit, se projetant dans ceux-ci. Dans “Vozes desgarradas passam pela aurora./ A partida se apresenta e nela choram/ mães esposas irmãs que os julgam/ já perdidos nos vastos oceanos” (p. 51) (“Des voix déchirées passent dans l’aurore. / Elles pleurent dans le départ qui se présente/ les mères épouses sœurs qui les voient/ déjà perdus dans les vastes océans.”), nous percevons la construction classique du héros épique, implicite dans l’image de l’être masculin projeté dans la mer mythique, tandis que les mères, les épouses et les sœurs pleurent sur le bord du quai. La femme était, dès lors, à la marge de l’aventure héroïque, comme c’était le cas dans Les Lusiades, de Camões. Le passage suivant va dans le même sens : “perdida como Helena entre os troianos/ noiva amaríssima/ ah, louco amor sem lume iluminado/ Eu sei dessa mulher/ feita de morte e tragédia/ a que deu sete voltas à vida e ao mar/ A que cindiu ao meio/ tempos deuses reinos/ e barcos e homens/…” (p. 65) (“perdue comme Hélène parmi les Troyens/ fiancée amère/ ah, fol amour illuminé sans feu/ Je connais cette femme/ faite de mort et de tragédie/ celle qui fit sept fois le tour de la vie et de la mer/ Celle qui divisa en deux/ les temps les dieux les royaumes/ et les navires et les hommes/ …”), quand le JLN se projette dans la figure féminine d’Hélène, en mettant en avant sa dimension héroïque, même si cette dimension est une construction du JLN et pas de la tradition épique. Consciente de ce que cette condition héroïque n’est pas le fruit de la tradition épique, la poétesse se demande : “Que notícias temos nós/ da tua alma e do teu corpo/ espelhos onde se acenderam/ todos os negrumes ?” (p. 66) (“Quelles nouvelles avons-nous/ de ton âme et de ton corps/ miroirs où s’allumèrent/ toutes les noirceurs ?”).

32En se déployant, donc, dans la mer mythique au travers du JLN, la voix féminine passe outre l’identité construite par la tradition patriarcale et vient se confondre avec la voix du Je héroïque, traditionnellement masculine : “Infantas silenciosas/ que passais por estes chãos/ bem desejo acordar/ vossas pálpebras/ suaves e conventuais/ (debaixo das violetas)/ para voluptuosamente vos beijar” (p.55) (“Infantes silencieuses/ qui passez par ces lieux/ je désire bien éveiller/ vos paupières/ douces et religieuses/ (sous les violettes)/ pour vous baiser voluptueusement”).

33En prenant en charge l’instance lyrique, le JLN soumet ainsi, pour mieux transgresser ensuite, la voix féminine de la poétesse à la voix masculine de la tradition épique littéraire. Cette soumission initiale suit une logique, puisque l’aventure héroïque était interdite à la femme. À partir de là, une troisième personne prend de nouveau en charge la narration historique, et c’est seulement lorsqu’est rappelé l’état initial de l’être avant le voyage que la voix de la poétesse se présente comme féminine : “A nostalgia com que vos contemplo/ terra minha é imensa/ debruçada que estou/ aqui onde a terra se acaba/ e o mar começa” (p. 60) (“La nostalgie avec laquelle je vous contemple / ma terre est immense/ penchée que je suis/ ici où la terre se termine/ et où commence la mer”). L’identité première du je, même si cette identité est affaiblie par sa relation défaillante avec le monde réel, est celle d’une femme brésilienne, éloignée de sa réalité ; tandis que l’expression subjective du je lyrique est influencée par une identité masculine liée à la tradition épique. Cela se retrouve également dans : “Do alto dos rochedos/ esse Brasil me acena/ gritando saudades amores/…/ O grande hospício da América Latina me chama./ Será que eu serei o dono desta festa ?” (p. 63) (“Du haut des rochers/ ce Brésil me salue/ criant des saudades des amours/…/ Le grand hospice de l’Amérique latine m’appelle./ Je serais donc l’hôte de cette fête ?”). Le terme “dono”, transposé dans le poème depuis un autre discours, n’obtient pas l’adhésion de la voix féminine, c’est-à-dire que, le vers étant une expression subjective du JLN devant une proposition d’expérience du monde réel, l’identité féminine de la poétesse reste voilée. Reste alors une problématique : ce voile est-il intentionnel ou bien est-il seulement la conséquence naturelle de l’absence d’un espace pour la manifestation d’un Je lyrique héroïque féminin ? Certains passages, à défaut de répondre à cette question, peuvent du moins éclairer certains aspects de cette dualité entre la voix de la poétesse et la voix du Je lyrique face à la condition épique du héros.

34À la page 79, dans “Océanique”, le JLN se réfère à la figure du poète épique brésilien Jorge de Lima. Au travers de cette mention, est une nouvelle fois mis en évidence le caractère traditionnellement masculin du héros, ici héros moderne, en pleine réalisation métalinguistique et littéraire. Dans “Quais de l’Agonie” (p. 83 à 93), le JLN manifeste à nouveau sa perplexité face à la réalité chaotique. À cet endroit, la voix féminine s’exprime : “Continuamos nosso passeio pela praia/…/ numa procissão monumental/ desenho exato do semblante deste século/…/expondo-me ao suicídio brando/ de estar sempre incompleta/…/ é uma sombra de figuras a me vigiar/ princesa descomposta/ nos altos andares cuja escada/ não conduz ao palácio/…” (“Nous continuons notre balade sur la plage/…/ en une procession monumentale/ dessin exact du visage de ce siècle/…/ m’exposant au doux suicide/ d’être toujours incomplète/…/ c’est une ombre de figures me surveillant/ princesse défaite/ dans les hauts étages dont les escaliers/ ne conduisent pas au palais/…”). Parler du quai c’est retourner à l’état initial, réaffirmer la recherche d’identité.

35Dans “Pays de Circé” (chant IV), le JLN répète le parcours du héros qui se laisse séduire par l’étrange figure de Circé : “Sibila a criatura/ e viscosa me encarcera” (p. 114) (“La créature siffle/ et visqueuse m’emprisonne”), mais la relation entre le JLN et la créature de la mer mythique est établie à partir d’une vision traditionnelle du héros séduit par la figure magique telle qu’elle apparaîtra avec Ulysse : “Em remoinhos/ sobe o desejo/ leito feroz/ feroz bruxedo compartilhado ao largo (p. 114) (“Dans des volutes/ le désir monte/ lit féroce/ sort féroce partagé au large”) La femme sur le quai, métaphorise l’emprisonnement, tandis que l’autre, dans la mer, libère l’expérience héroïque du voyage.

  • 26 Référence à l’épisode d’Inês de Castro dans Les Lusiades. Inês de Castro e...

36C’est néanmoins dans la partie “Îles Idylliques”, dans le chant IV, que la figure du héros acquiert une identité ouvertement duelle quant à la voix masculine et la voix féminine. Dans la mesure où l’épisode lyrique vécu par le je est influencé par la tradition épique, il lui faudrait vivre les relations amoureuses à partir du point de vue masculin. Néanmoins, la femme libérée de l’emprisonnement au travers de l’autre, intègre et rend plein ce je, yin et yang, homme et femme, en incarnant tantôt une identité féminine, tantôt une identité masculine : “Tua presença irreal/ agora presença/ é figo maduro/ que colho/ entre o contorno rouco dos teus seio/ e a cabeleira que ondula/ quase mel quase perfume/ roçando a pele dura. ” (p. 122) (Ta présence irréelle/ présence maintenant/ est une figue mûre/ que je cueille/ entre les contours rauques de tes seins/ et la chevelure qui ondule/ presque miel presque parfum/ effleurant la peau dure”) ; “viajamos no vazio/ como dois monges” (p. 122) (“nous voyageons dans le vide/ comme deux moines”) ; “És/ um jovem deus/ ou quem sabe uma menina hindu” (p. 125) (“Tu es/ un jeune dieu/ ou qui sait une jeune fille hindoue”) ; “…/ vou penetrando/ a madrugada dos teus verdes/ como chuva/ ou/ insônia” (p. 126) (“…/ je pénètre peu à peu/ l’aube de tes yeux verts/ comme pluie/ ou/ insomnie”) ; “Posta em sossego26/ debruça o olhar/ sobre o livro/ lendo os mesmos versos/ que eu leio” (p. 128) (“Au calme/ elle penche le regard/ sur le livre/ lisant les mêmes vers/ que je lis”) ; “…/ na cama desfeita/ tua imagem me surpreendia/ cravando um punhal doce/ no meio do meu corpo/ onde o desejo renascia” (p. 129) (“…/ dans le lit défait/ ton image me surprenait/ enfonçant un doux poignard/ au milieu de mon corps/ où le désir renaissait”) ; “Atende-me/ (quem quer que sejas) (p. 130) (“Réponds-moi/ (qui que tu sois)”) ; “…/ encontro uma ninfa/ de fulvos cabelos/…./ que me acolhe e exerce comigo/ os trabalhos agrestes do amor./ E vamos juntas pressentidas/ pelo rio e pela tarde iluminada./ Caule e flor somos./ Mais nada” (p. 129) (“…/ je rencontre une nymphe/ aux cheveux cuivrés/ …/ qui m’accueille et pratique avec moi/ les rudes travaux de l’amour./ Et nous allons toutes deux senties/ par le fleuve et par le soir illuminé./ Nous sommes fleur et tige./ C’est tout”) ; “Passa pelo poema/ um herói Adidas” (p. 131) (“Passe par le poème/ un héros Adidas”) ; “Ama solto/ como um tigre/(água que me cerca/ por todos os lados)” (p. 132) (“Il aime librement/ comme un tigre/ (l’eau qui m’entoure/ de toutes parts)”) ; “…/ se me olhas/ simplesmente desinteressada/ e num gesto muito teu/ tiras da sacola Peg Pag/ uma maça dourada/ que mordes/ de estalo/ e que deixa/ entre os lábios e os dentes/ um espaço de desejo/ preenchido vorazmente/ pela fruta/ não pelo meu beijo ?” (p. 132/133) (“…/ Si tu me regardes/ simplement désintéressée/ et dans un geste qui te ressemble beaucoup/ tu tires du sac Peg Pag/ une pomme dorée/ que tu mords/ en la croquant/ et qui laisse/ entre les lèvres et les dents/ un espace de désir/ rempli avidement/ par le fruit/ et pas par mon baiser ?”) ; “Amo-te/ descendo sobre mim/…/ E o fundo sombrio/ do meu corpo/ ama teus dedos loucos” (p. 134) (“Je t’aime/ en descendant en moi/…/ Et le fond sombre/ de mon corps/ aime tes doigts fous”) et “…/ na moldura de uma tela de Hopper/ o enigma permanece” (p. 140) (“…/ dans le cadre d’une toile de Hopper/ demeure l’énigme”). Tous ces passages sont des exemples de l’hétérogénéité de cet être qui se construit au travers de la conciliation lyrique des antithèses, mais, dans les deux derniers vers, il est clair que l’ambiguïté n’a pas seulement été intentionnelle, mais qu’elle résulte bien d’une relation énigmatique du JLN avec l’idylle amoureuse : “e não me decifras./ E não te devoro” (p. 140) (“et tu ne me déchiffres pas. / Et je ne te dévore pas”).

37Il faut encore souligner que, à la page 130, dans “encontro uma ninfa/ de fulvos cabelos/…/ que me acolhe e exerce comigo/ os trabalhos agrestes do amor” (“je rencontre une nymphe/ aux cheveux cuivrés/ …/ qui m’accueille et pratique avec moi/ les rudes travaux de l’amour”), surgit un personnage qui passe outre son “papel social” (“rôle social”) : la nymphe. Dans la relation amoureuse avec le JLN, la figure de la nymphe rompt les barrières de la sexualité et impose une conscience critique quant à cette sexualité. À la page 131 également, dans les strophes qui font allusion au “héros Adidas”, le lecteur perçoit un ton ironique qui porte une critique implicite du vide dans lequel l’identité masculine est projetée dans la modernité. Ainsi, l’identité du sujet héroïque intègre à la fois des profils classiques des épopées canoniques (Ulysse, Circé, Inês de Castro, dieux, nymphes, etc.) et des images actualisées et déconstruites du masculin.

38En voyageant parmi les références de la tradition épique et en se mêlant avec des héroïsmes divers, marqués par un érotisme ambigu, bisexuel, le JLN est donc entouré d’une structure symbolique qui lui permet d’expérimenter la tradition dans laquelle il évolue, tout en rompant les bases patriarcales qui la définissent. Et toute cette expérience symbolique prend place au milieu de la force placentaire de l’élément maritime. Dans cette perspective, nous mentionnons ce que Raïssa Cavalcanti nomme les “symboles du centre”

A entrada na dimensão simbólica provoca a transformação da consciência, eleva a percepção e torna possível a emergência da realidade psíquica oculta e desconhecida. O alcance do sentido transcendental do símbolo e a participação vívida e emocional na experiência que ele oferece, por sua vez, transmutam a consciência racional em consciência intuitiva. Os símbolos sempre causam a expansão da consciência para além da ilusão da dualidade, para a percepção da unidade e da integração entre todas as coisas.

L’entrée dans la dimension symbolique provoque la transformation de la conscience, élève la perception et rend possible l’émergence de la réalité psychique occulte et inconnue. L’atteinte du sens transcendantal du symbole et la participation vécue et émotionnelle à l’expérience qu’il offre transmutent néanmoins la conscience rationnelle en conscience intuitive. Les symboles provoquent toujours l’expansion de la conscience au-delà de l’illusion de la dualité, jusqu’à la perception de l’unité et de l’intégration entre toutes les choses (2008, p. 9).

39D’un autre côté, en termes de structuration et d’interconnexions entre les référents épiques choisis par Archanjo, nous pouvons noter une stratégie allégorique qui, pour elle seulement, dialogue également avec les éléments allégoriques des Lusiades. Rappelons ce que Clécio Quesado affirme à propos de l’épopée de Camões :

As alegorias d’Os Lusíadas são os momentos em que mais explicitamente e em síntese aparecem os suportes ideológicos em que se fundamenta o poema. Através delas se manifesta a contradição (e a coexistência harmônica) entre a postura do narrador épico comprometido com a ideologia expansionista e a do pensador humanista que a questiona e denuncia. Ao longo do curso narrativo do poema, elas representam o processo de afirmação histórica e geográfica do homem, decantado como o dominador do espaço (Terra – Mar - Céu) e do tempo (passado – presente – futuro) no seu caminho de transespacialização.

Les allégories des Lusiades sont le moment dans lequel apparaissent les supports idéologiques qui fondent le poème de la manière la plus explicite et synthétique. Au travers de celles-ci se manifeste la contradiction (et la coexistence harmonieuse) entre la posture du narrateur épique engagé avec l’idéologie expansionniste et celle du penseur humaniste qui la questione et la dénonce. Tout au long du cours narratif du poème, elles représentent le processus d’affirmation historique et géographique de l’homme, célébré comme le maître de l’espace (Terre – Mer – Ciel) et du temps (passé – présent – futur) dans son parcours de trans-spacialisation (1978, p. 28).

40Quesado a étudié la valeur allégorique des épisodes “Sonho de D. Manuel” (“Rêve de Don Manuel”), “Velho do Restelo” (“Le Vieux de Restelo”), “Gigante Adamastor” (“Le Géant Adamastor”) et “Ilha dos Amores” (“Ile des Amours”) en soulignant les images allégoriques mises en relation avec trois compositions spécifiques significatives : l’allégorie de la Carence (“Rêve de Don Manuel”), l’allégorie de l’Épreuve (“Le Vieux de Restelo” et “Le Géant Adamastor”) et l’allégorie de la Conquête (“Ile des Amours”), entre lesquelles les injonctions et les contradictions de l’expansionnisme portugais ont été problématisées de implicitement.

41Nous rencontrons un procédé similaire dans “Pays de Circé” et “Îles idylliques”, où l’expérience lyrico-érotico-amoureuse vécue, respectivement, par Ulysse, dans l’Odyssée, et par Vasco de Gama et les navigateurs portugais, dans Les Lusiades, est réinventée à partir d’une perspective, comme nous l’avons vu, symbolique, trans-spatiale et trans-temporelle.

42Dans la dernière partie du poème, sur le chemin du retour, le JLN se retrouve à nouveau face à la solitude : “Nenhum deus a me fazer companhia/ ou qualquer humano” (p. 144) (“Aucun dieu pour me tenir compagnie/ ou n’importe quel humain”), mais l’océan reste mythique : “Ondas azulam/ o grande corpo que respira./ Entre elas/ ainda/ Ulisses marinha” (p. 146) (“Les ondes bleuissent/ le grand corps qui respire./ Entre elles/ encore/ Ulysse navigue”). Le poème est fait et le JLN continue à plonger, autant dans la mer mythique que dans ses questionnements : “Quem tece meu retorno/ por este mar/ de lodo e seda ?” (p. 146) (“Qui tisse mon retour/ dans cette mer/ de vase et soie ?”) ou “Nunca soubemos bem/ cretenses/.../portugueses e seus filhos/ que coisa é o mar” (p. 147) (“Jamais nous n’avons vraiment su/ Crétois/…/ Portugais et leurs enfants/ ce que c’est que la mer”).

43Dans As marinhas, nous pouvons dès lors observer la construction d’une héroïne épique. La poétesse cite Hélène et Pénélope plusieurs fois, en essayant d’insuffler dans ces personnages un caractère plus proche du héros que celui des simples adjuvants dans la trajectoire épique ; elle projette un JLN ambivalent qui vit l’idylle sans se soumettre totalement à la voix masculine, en créant un espace pour la manifestation du je féminin, bien que l’archétype masculin du héros reste présent dans divers passages du poème. Néanmoins, cette soumission est bien plus due aux conditions historiques propres, qui sont rapportées par le JLN, qu’à une véritable aliénation passive de la voix féminine. Pour toutes ces raisons, il est intéressant de montrer le caractère innovant de l’approche ambivalente, en ce qui concerne le genre, que le/la héros/héroïne reçoit au fil du poème, et il est également important de souligner qu’ouvrir un espace aux manifestations du discours épique, dans lesquels le système de l’héroïne s’impose comme possible face au système de la tradition épique, c’est donner une nouvelle voix à la femme, un nouveau moyen d’exprimer son identité.

IV. À propos de la brésilianité

44Débattre de l’intégration ou de l’aliénation de la brésilianité dans une épopée nationale est, sans aucun doute, un sujet important, principalement du fait de la nécessité qu’a toute culture ayant enduré un processus de colonisation de développer une conscience critique qui permette de construire une individualité nationale. Dans le même temps, néanmoins, le récit épique occidental apporte avec lui une série d’éléments qui projettent le poète qui écrit une épopée dans un champ sémantique chargé de signes universels. Dans cette optique, l’épopée acquiert une dimension double : elle doit être à la fois nationale et universelle. La question de la nationalité a cependant un caractère englobant, qui ne sera pas discuté ici. Il faut savoir que, en construisant l’harmonie historico-culturelle du Brésil avec le monde, le poème épique national pourra ou non transmettre une vision critique de la nationalité, ou porter une conscience littéraire de la nationalité comme medium de cette harmonie. Lorsqu’il est composé à partir de cette conscience littéraire de la nationalité pour réaliser l’épopée, le poème intègre la brésilianité dans le texte ; lorsque tel n’est pas le cas, c’est-à-dire quand il part de l’universel pour analyser le national, le poème aliène la brésilianité dans le texte. À ce propos, voyons ce que dit Silva :

O que importa acompanhar na análise particular da obra, é o desenvolvimento de uma consciência literária da nacionalidade, mediadora dessa sintonia, de que dependerá a integração da brasilidade. A brasilidade poderá estar, de acordo com a ótica cultural estruturante do relato épico, integrada ou alienada. Quando a estruturação do relato épico se fizer com a adoção da ótica cultural do colonizador, a sintonia histórico-cultural se fará sem a mediação da consciência literária de nacionalidade, e a brasilidade estará alienada. Caso contrário, se a ótica cultural estruturante do relato épico é a do colonizado, a mediação da consciência literária integrará a brasilidade.

Ce qui doit être pris en compte dans l’analyse particulière de l’œuvre, c’est le développement de la conscience littéraire de la nationalité, moyen de cette harmonie, de laquelle dépendra l’intégration de la brésilianité. La brésilianité pourra être, selon une optique culturelle structurante du récit épique, intégrée ou aliénée. Lorsque la structuration du récit épique se fait en adoptant l’optique culturelle du colonisateur, l’harmonie historico-culturelle se fera sans qu’intervienne la conscience littéraire de la nationalité, et la brésilianité sera aliénée. Dans le cas contraire, si l’optique culturelle structurant le récit épique est celle du colonisé, la médiation de la conscience littéraire intègrera la brésilianité. (1987, p. 12)

45La conscience critique est une caractéristique très individuelle. Certains poètes et certaines poétesses ont un grand sens critique et des préoccupations sociales qui circulent dans leurs textes littéraires. D’autres, toutefois, font preuve de sensibilités plus égocentriques, de préoccupations philosophico-existentielles de dimension plus universalisante, voire même, établissent un espace lyrique de création particulier, dans lequel le social ne se manifeste pas de manière latente.

46Bien évidemment, plus un poète ou une poétesse est critique, plus grande sera sa tendance à incorporer la conscience littéraire nationale comme moyen permettant de faire advenir l’harmonie historico-culturelle du Brésil avec le monde. Cela ne veut pas dire pour autant qu’un poète ou une poétesse moins rattaché.e à la réalité historico-sociale nationale ne puisse pas intégrer la brésilianité dans son texte littéraire. Il y aura toujours des éléments qui trahiront l’appartenance à la brésilianité. Ce qui importe est d’analyser l’optique culturelle qui a structuré la réalisation du texte et distinguer à partir de là le positionnement du poète ou de la poétesse à propos de la brésilianité.

47La question de la brésilianité dans l’épopée postmoderne requiert, pour que l’analyse soit pertinente, des attentions particulières répondant aux caractéristiques propres du héros postmoderne. Le héros/ l’héroïne postmoderne, dans la mesure où il/ elle peut vivre dans le chaos, et se réintégrer, au travers de ce vécu, dans le monde historique et réel, extrait des fragments de la réalité historique. Ces fragments n’obéissent cependant pas à une logique géographique et chronologique, c’est pourquoi ils peuvent endosser des identités variées, nationales et universelles. Du fait de cette fragmentation, il est parfois difficile de discerner à quel point intervient la conscience littéraire nationale. Le chaos de la postmodernité est un chaos universel par nature, mais des fragments qui peignent les réalités sociales spécifiques à diverses nations se trouvent au sein de ce chaos, et ces réalités ont souvent bien peu à voir avec les autres types de réalités, et vice versa. En établissant les fragments particuliers de sa réalité nationale au niveau de la réalité universelle, le poète ou la poétesse postmoderne intègre le national à l’universel.

48L’optique culturelle structurant le poème au niveau de la relation colonisateur/ colonisé est elle aussi difficile à définir, car elle est également fragmentée. Le JLN, être perdu dans le monde, s’approprie l’optique du colonisé et du colonisateur, simultanément ou alternativement. Ainsi, pour discerner la présence de la brésilianité dans l’œuvre, il faut appréhender dans quelle mesure l’une des optiques s’impose par rapport à l’autre.

49Dans As Marinhas, le JLN ayant une nature profondément lyrique et vivant son “mal-être dans le monde” dans un espace lyrique de création particularisé et projeté géographiquement et historiquement dans la mer mythique, les fragments de chaos sont extrêmement universels. Néanmoins, il serait trop rapide de dire que la poétesse part de l’universel pour aller vers le national en aliénant pour cela la brésilianité, et il faut s’intéresser à d’autres éléments pour discerner la présence de cette brésilianité dans le texte.

50Dans le Chant I, “Preamar”, le poème débute sur les vers : “O planeta d’água gira/ e com ele gira o mar” (“La planète d’eau tourne/ et avec elle tourne la mer”. Dans ces vers, nous pouvons voir que le voyage poétique commence sémantiquement à partir d’une conception universelle de la planète Terre, dans laquelle la mer, l’océan est le grand élément structurel, l’élément constitutif prépondérant. Dans le chant II, “Littoraux”, à la page 42, le JLN cite l’océan Atlantique ou, plus précisément, au sein de la mer universelle, le Je se situe géographiquement dans l’océan Atlantique.

51Dans le chant III (partie I), “Océanique”, la mer dont il est question est la mer portugaise : “Era uma vez um povo/ que olhava para o mar” (p. 50) (“Il était une fois un peuple/ qui regardait la mer”). La référence historique s’arrête sur les voyages maritimes portugais à la recherche de l’Inde : “No mar profundo desde Lisboa até a Índia/ dela a todo Oriente e Ocidente/...” (p. 52) (“Sur les profondeurs de l’océan de Lisbonne jusqu’à l’Inde/ de celle-ci jusqu’à tout l’Orient et l’Occident”), et le Brésil surgit en tant que nouvelle terre à conquérir : “e o Brasil, amada pátria, surge nu/ carregado de sumos ouro espanto/ sol poderoso onde se banha o poema/ este que escrevo contemplando opostamente/ a Terra de Vera Cruz assim nomeada” (p. 59) (“et le Brésil, chère patrie, surgit nu/ chargé de jus or merveilleux/ puissant soleil dans lequel se baigne le poème/ celui que j’écris en contemplant à l’opposé/ la Terre de Vera Cruz ainsi nommée”).

52Dans ce passage, nous pouvons observer que la poétesse s’approprie le point de vue du colonisateur, même si sa conscience lyrique reste attachée à la patrie brésilienne, objet de son amour. Elle contemple la mer brésilienne comme le ferait un colonisateur portugais arrivant, mais le sentiment qui l’unit à la mer brésilienne est un sentiment nationaliste : “A nostalgia com que vos contemplo/ terra minha é imensa/ debruçada que estou/ aqui onde a terra se acaba/ e o mar começa” (p. 60) (“La nostalgie avec laquelle je vous contemple / ma terre est immense/ penchée que je suis/ ici où la terre se termine/ et où commence la mer”. En s’appropriant la mer brésilienne, le poème conte la formation de son peuple mixte : “Outros rostos a esses se juntaram/ negros vermelhos amarelos pardos/ emigrantes do sal dos mares/ coincidência coletiva a formar/ nós, os brasileiros” (p. 63) (“D’autres visages se joignirent à ceux-ci/ noirs rouges jaunes gris/ émigrants du sel des mers/ coïncidence collective à former/ nous, les Brésiliens”). Le “nous” intègre le JLN à la nationalité brésilienne.

53Mais le Brésil de la postmodernité est également évoqué de manière critique dans ces vers :

Do alto dos rochedos
esse Brasil me acena
gritando saudades amores
ensolarados orixás
bancarrotas financeiras
convulsões abraçadas
a surtos e moratórias cordiais
e paticumbuns nacionais.
O grande hospício da América Latina me chama.
Será que eu serei o
dono desta festa ? (p. 63)

Du haut des rochers
ce Brésil me salue
criant des saudades des amours
des orixás ensoleillés
des banqueroutes financières
convulsions embrassées
à des épidémies et moratoires cordiaux
et des paticumbuns nationaux
Le grand hospice de l’Amérique latine m’appelle.
Je serais donc l’hôte de cette fête ?

Ce passage met ainsi en exergue une vision critique de la patrie, mais le point de vue structurant cette critique reste flou : qui appelle l’Amérique latine une folle, la brésilienne/ latino-américaine qui la critique ou bien le JLN influencé par le regard portugais et européen ?

54Nous pouvons formuler de nouvelles considérations à partir de “Anseio por vós águas infindas do meu país/ muito graciosas e exóticas/ que enxaguais heróis nacionais” (p. 64) (“J’ai soif de vous eaux sans fin de mon pays/ très drôles et exotiques/ qui rincent les héros nationaux”), où le poème, au travers des adjectifs utilisés, semble être structuré par l’optique du colonisateur. Néanmoins, même dans “Océanique”, le JLN porte son identité personnelle et patriotique : “eu, selvagem mulher silvestre/ manuelinamente descoberta/ no painel da primeira missa/ rezada por um franciscano/ no ilhéu da Coroa Vermelha/ em Porto Seguro/ Bahia- Brasil” (p. 71) (“moi, sauvage, femme sylvestre/ manuelinamente découverte/ sur le tableau de la première messe/ récitée par un franciscain/ sur l’îlot da Coroa Vermelha/ À Porto Seguro/ Bahia – Brésil”) et “E, todavia,/ no cadinho transparente/ que o Atlântico molha e amplia/ meu país brilha” (p. 78) (“Et, toujours/ dans le creuset transparent/ que l’Atlantique mouille et agrandit/ mon pays brille”). À la fin d’ “Atlantique”, le point de vue culturel structurant est celui du colonisé, juste après que Jorge de Lima, poète brésilien, auteur de L’invention d’Orphée, a été loué en tant que mentor d’une patrie inventée, qui est la patrie aimée elle-même : “Depois ele suspende/ a mão divina/ marejada de palavras/ a mão que inventa/ a pátria amada/ e oceânico repousa/ em absoluta solidão transfigurado” (p. 79) (“Ensuite il suspend/ sa main divine/ gonflée de mots/ la main qui invente/ la patrie aimée/ et l’océanique est posé/ transfiguré en solitude absolue”).

55Dans le chant III (partie 2), “Quais de l’agonie”, la conscience littéraire a un caractère universel : “E a cidade não tem fim/ nem direção nem mares/ é uma soma de figuras a me vigiar” (p. 86) (“Et la ville n’a pas de fin/ ni de direction ni de mers/ c’est une somme de figures qui me surveillent”) ; “há coisas que adiam/ o meu inteiro estar no mundo” (p. 88) (“il y a des choses qui retardent/ mon être entier dans le monde”) ; “Podem brotar maravilhas/ nestas poéticas sodomas/ cidades de telhados assombrosos/ de onde alguém alça vôo/ à procura de brilhos interiores/ viagens que não há” (“Des merveilles peuvent jaillir/ dans ces sodomes poétiques/ villes de toits sombres/ desquels quelqu’un vole jusqu’au sommet/ à la recherche d’éclats intérieurs/ voyages qu’il n’y a pas”) ; et dans le chant III (partie 3), “Ligne de flottaison”, le JLN erre dans le monde, cite Venise et New York (p.101), les Indes (p.104), mais sa quête concerne son identité : “Do outro lado do mar/ afastado de mim/ há um continente azul/ a resgatar” (“De l’autre côté de la mer/ loin de moi/ il y a un continent bleu/ à sauver”). La poétesse, même plongée dans un plan lyrique bien particulier, fait ressortir des indices de sa nationalité et, par la force lyrique du sentiment qui l’unit à sa patrie, par la nécessité même d’établir une identité, elle intègre la brésilianité à son texte.

56Dans le chant IV (partie 1), “Pays de Circé”, le poème parle d’un pays mythique, sans dimension universelle ou nationale. C’est l’espace lyrique du je projeté dans le merveilleux. Dans la partie 2 “Iles idylliques”, des références à la vie moderne apparaissent dans des passages tels que : “Esse divino atleta move-se/ a vitamina de abacate/ filé com fritas/ ou hambúguer salada” (p. 131) (“Ce divin athlète se déplace/ la vitamine d’avocat/ filet avec des frites/ ou hamburger salade”) ; “tiras da sacola Peg Pag” (p. 132) (“tu tires du sac Peg Pag”) ; “A gorda senhora/ da casa ao lado/ vestiu o penhoar de náilon/ ligou a TV/...” (p. 138) (“La grosse dame/ de la maison d’à côté/ a revêtu son peignoir de nylon/ allumé la TV/…”, ces références n’ont pas de caractère national, mais ont seulement pour fonction de situer le je dans la modernité. Dans la troisième partie, “Mer ouverte”, avec la fermeture du poème, la poétesse incarne l’être universel. Le vers “portugais et leurs fils” évoque l’idée d’un brésil “fils” du Portugal mais, dans le même temps, les “fils” du Portugal font partie de l’être universel en relation avec la mer.

57Ainsi, nous pouvons conclure que, bien que certains passages adoptent le point de vue culturel structurant du colonisateur, le JLN dit entre les lignes à quelle nationalité il est lié et attribue à un poète épique brésilien (Jorge de Lima) le pouvoir de l’invention de la patrie aimée. Ainsi, l’optique culturelle du colonisateur est un moyen pour la poétesse d’insérer l’épique national dans le parcours épique occidental.

Conclusion

58As marinhas, en réalisant la pulsion migratoire duelle – car historico-collective et mythico-individuelle – se traduit comme une épopée du sujet culturel hybride, aux multiples facettes, qui se situe à l’intersection des races, cultures et expériences individuelles, qui ne lui permettront pas d’accéder à une plongée définitive. Le JLN du poème, qui se présente explicitement comme femme, symbolise le sujet qui a conquis le droit au plongeon, le droit de naviguer. Mais le chemin suivi, pour permettre l’insertion épique de ce sujet femme dans le corps de la tradition épique occidentale, ne pourrait s’empêcher de revisiter et réinventer cette même tradition. Pour cette raison,

Sem odisseias ou heroísmos
naturalmente pois
torna-se absolutamente necessário
inventar qualquer coisa infinda
que nos arranque da calçada
do passeio público
desta amurada
do pequeno ou do grande cais
e que prontamente
nos arremesse ao mar (p. 33).

Sans odyssées ou héroïsmes
naturellement donc
il devient absolument nécessaire
d’inventer n’importe quoi d’infini
qui nous arrache de la chaussée
de la promenade publique
de cette rambarde
du petit ou du grand quai
et qui rapidement
nous rejette à la mer

59Odyssée, Les Lusiades, Message et Invention d’Orphée, entre autres références d’ordre littéraire et culturel, sont, donc, amalgamés dans le poème pour lui conférer une substance épique et, en même temps, deviennent des ingrédients pour la composition d’une matière épique propre, inventive et particulière, qui part de l’expérience subjective commune et quotidienne d’une femme qui écrit et qui se transforme, dans la fusion entre le réel et le mythique, à partir du voyage métalinguistique dans l’épique.

60Pour conclure, nous pouvons dire que, dans As marinhas, Neide Archanjo fait de l’expérience maritime un jeu de miroirs, dans lequel le je s’abstrait de lui-même pour expérimenter l’autre jusqu’à l’arrivée dans le port sûr de la terre, moment où l’identité est retrouvée dans une nouvelle perspective : celle de la conscience de l’incomplétude et du désir de maintenir vifs les questionnements qui mènent à la connaissance propre qui en découle. Dans l’interpénétration des contraires, la totalité de l’être simultanément brésilien, portugais, femme et homme se révèle.

Notes

1 Texte originellement publié en portugais, sous le titre “As marinhas, de Neide Archanjo : une plongée luso-brésilienne”, dans le livre Refazendo nós, dirigé par Izabel Brandão et Zahidé Muzart (Florianópolis/Santa Cruz do sul : Ed. Mulheres ; EDUNISC, 2003, p. 199-224). La présente version comprend quelques modifications et ajouts.

2 ARCHANJO, Neide. As Marinhas. Rio de Janeiro : Salamandra, 1984, p. 27

3 Sauf mention contraire, les traductions sont de notre fait.

4 ARCHANJO, Neide. As Marinhas. Rio de Janeiro : Salamandra, 1984, p. 66

5 Ibidem, p. 77

6 Épopée post-moderne de 2 341 vers répartis en quatre chants (Chant I, 126 vers ; Chant II, 251 vers ; Chant III, 1309 vers ; Chant IV, 655 vers), elle a pour matière épique la mer, avec une mise en avant des navigateurs portugais, de leur arrivée au Brésil, ainsi que de la mer comme espace épique et lyrique.

7 Née à São Paulo, Neide Archanjo est diplômée en Droit et Psychologie. Actuellement établie à Rio de Janeiro, elle a travaillé comme conseillère de la Fundação Biblioteca Nacional et comme membre du comité de rédaction du magazine Poesia sempre. Activiste et engagée dans la diffusion de la culture brésilienne, elle est considérée par les critiques comme un des auteurs les plus importants de la génération des années 1960. Ses poèmes sont publiés dans des anthologies nationales et internationales. Parmi ses publications les plus importantes, citons : Primeiros ofícios da memória. São Paulo: Massao Ohno, 1964; Poesia na praça (poesia). São Paulo: Ed. IIIa Palma, 1970; Quixote tango e foxtrote. São Paulo: Ed. do Escritor, 1975; As marinhas. Rio de Janeiro : Salamandra, 1984 ; Poesia 1964 a 1984 (recueil de son œuvre poétique). Rio de Janeiro : Ed. Guanabara, 1987 ; Tudo é sempre agora. São Paulo : Ed. Maltese, 1994 ; Epifanias. Rio de Janeiro : Record, 1999 ; Todas as horas e antes. São Paulo : A Girafa Editora, 2004.

8 Double instance d’énonciation du genre épique, en lien avec la présence simultanée d’aspects lyriques et d’aspects narratifs. Nous le nommerons désormais JLN. Voir SILVA, Anazildo Vasconcelos da ; RAMALHO, Christina. História da epopeia brasileira. vol. 1 . Rio de Janeiro : Garamond, 2007.

9 Sur l’expérience postmoderne, voir HUTCHEON, Linda. Poética do pós-modernismo. Rio de Janeiro : Imago, 1991.

10 Toutes les citations sont tirées de l’édition de 1984.

11 En portugais, le titre “Preamar” signifie à la fois “marée haute”, “pré-mer” et “pré-aimer”. (Note des traducteurs).

12 Ici l’autrice mêle deux héros des navigations portugaises : Vasco de Gama, qui parvint aux Indes, et Pedro Álvares Cabral, qui parvint au Brésil.

13 voir le point 4 de ce texte.

14 Terme crée par Anazildo Vasconcelos da Silva. Voir A semiotização literária do discurso (1984).

15 Sur les formes d’invocation, voir RAMALHO, Christina. Poemas épicos : estratégias de leitura. Rio de Janeiro : UAPÊ, 2013 ou RAMALHO, Christina. « Poèmes épiques brésiliens : stratégies de lecture ». In : Le Recueil Ouvert [En ligne], volume 2015 – Journée d’études du REARE.

16 Invocation triple et syncrétique (chrétienne, afro-brésilienne et indigène) qui est insérée dans le Chant III, sous la rubrique "Oceanic", la Notre-Dame de Conception ou Notre-Dame des Navigateurs, Oxum, une figure de la mythologie afro-brésiliene, et Iara, figure mythique indigène du Brésil.

17 Êtres élémentaires, femmes de l’eau (rivières, fontaines, etc.).

18 Une sorte de palmier. Tupi. Utilisé comme nom des femmes.

19 Ce mot vient de la langue Kimbundu (ka’lunga), que signifie “ mer ”, mais cela peut vouloir dire “ esprit ”.

20 Sirènes.

21 Sur les formes de proposition épique, voir RAMALHO, Christina. Poemas épicos : estratégias de leitura. Rio de Janeiro : UAPÊ, 2013 ou RAMALHO, Christina. « Poèmes épiques brésiliens : stratégies de lecture ». In : Le Recueil Ouvert [En ligne], volume 2015 – Journée d’études du REARE.

22 Traduction française tirée de l’édition Pléiade, Pessoa, p. 1014.

23 J’ai traité cette question dans la thèse de Doctorat Vozes épicas : história e mito segundo as mulheres. Rio de Janeiro : UFRJ, 2004, 825 p. (Voix épiques : histoire et mythe selon les femmes).

24 Il y a d’autre poétesses. Néanmoins, leurs productions n’étaient même pas mentionnées dans les histoires de la Littérature Brésilienne jusqu’à il y a peu de temps.

25 Voir MEIRELES, Cecilia. Romanceiro da Inconfidência. Rio de Janeiro : Aguilar, 1977.

26 Référence à l’épisode d’Inês de Castro dans Les Lusiades. Inês de Castro est également présente dans Message et l’Invention d’Orphée, œuvres auxquelles Archanjo fait aussi référence.

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SILVA & RAMALHO, História da epopeia brasileira, vol. 1. Rio de Janeiro : Garamond, 2007.

Pour citer ce document

Christina Ramalho, «As Marinhas, de Neide Archanjo : traditions épiques réiventées», Le Recueil Ouvert [En ligne], mis à jour le : 09/11/2023, URL : http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble-alpes.fr/revues/projet-epopee/328-as-marinhas-de-neide-archanjo-traditions-epiques-reiventees

Quelques mots à propos de :  Christina  Ramalho

Christina Bielinski Ramalho est professeur de Didactique et de Littératures en langue portugaise à l’Université Fédérale de Sergipe. Elle est docteure en Sciences de la littérature à l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (2004). Elle a réalisé des travaux post-doctoraux en Études cap-verdiennes (USP/FAPESP, 2012) et en Études épiques (Université Clérmont-Auvergne, 2017). Elle est l’auteure de plusieurs livres, dont Elas escrevem o épico [Elles écrivent l’épique] (2005), História de epopeia brasileira [Histoire de l’épopée brésilienne] (en collaboration avec Anazildo Vasconcelos da Silva, 2007 e 2015), Poemas épicos : estratégias de leitura [Poèmes épiques : stratégies de lecture] (2013). A cabeça calva de Deus, de Corsino Fortes : o epos de uma nação solar no cosmos da épica universal [A cabeça calva de Deus, de Corsino Fortes : l’epos d’une nation solaire dans le cosmos de l’épopée universelle] (2015).