Epopée, Recueil Ouvert : Section 3. L'épopée, problèmes de définition II - Marges et limites
Les modèles européens au prisme du régionalisme ou la réinvention singulière de l’épopée dans Memorial de Maria Moura (1992), de Rachel de Queiroz
Résumé
Cet article propose d’interroger le recours au registre épique et la densité des références intertextuelles dans Memorial de Maria Moura (1992) de Rachel de Queiroz, en le replaçant dans le contexte de sa parution. Alors que le Brésil, à peine sorti de la dictature, fait face à une intense crise politique et alors qu’elle est attaquée pour sa proximité avec le régime militaire, Rachel de Queiroz crée une “épopée refondatrice” : à un moment où le régionalisme est en passe de disparaître de la scène littéraire brésilienne, elle choisit de revenir à la région afin d’interroger les possibilités qui s’ouvrent à la nation et afin de réaffirmer la singularité de sa plume, en réinventant le lieu de son énonciation à travers la déterritorialisation des modèles européens.
Abstract
This article aims to analyze the use of the epic as well as the numerous intertextual references in Rachel de Queiroz’ novel Memorial de Maria Moura (1992), by recasting the book in the context of its publication. As Brazil faced a political crisis of major proportions, little after the end of the military dictatorship, and as the writer was facing scrutiny over her proximity with the military regime, she chose to write a “refounding epic” : regionalism was about to disappear from the Brazilian literary scene, and yet she chose to turn back to the region in order to rethink the nation’s political options and to reaffirm her own singularity as a writer, recreating the place from which she writes, through the deterritorialization of european models.
Texte intégral
Introduction
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1 Le terme désigne quelqu’un originaire de l’état du Ceará, dans le Nord-Est ...
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2 En 1964, le président, João Goulart, surnommé “Jango”, est renversé par un ...
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3 Au XIXe siècle, le mot sertão désigne, au sens large, tout l’intérieur des ...
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4 Le Nordeste est l’une des cinq régions brésiliennes, il regroupe neuf états...
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5 Le terme cordel désigne des récits populaires, en vers rimés, hérités le pl...
1En 1992, quand paraît Memorial de Maria Moura, l’écrivaine et journaliste cearense1 Rachel de Queiroz, alors âgée de quatre-vingts deux ans, occupe une place ambivalente dans le panthéon des lettres nationales, entre reconnaissance institutionnelle et oubli critique, notamment à cause de son soutien au coup d’état militaire de 1964 et de sa collaboration avec la dictature2. Cette épopée romanesque est le dernier livre de fiction publié par Rachel de Queiroz : elle retrace la trajectoire de Maria Moura, une orpheline qui, au XIXe siècle, après avoir tué son beau-père et mis le feu à la maison maternelle pour se protéger, devient le chef d’une troupe de bandits de grand chemin. Avec sa bande, elle traverse le sertão3 du Ceará pour fonder une communauté de hors-la-loi, dans la Serra dos Padres, des terres ancestrales léguées par son père. Elle fait bâtir une forteresse, baptisée Casa Forte, depuis laquelle elle exerce son pouvoir, mais, après une trahison amoureuse, elle se lance dans une dernière expédition, suicidaire, qui s’apparente à un départ en guerre. Le roman mêle des éléments de l’histoire et de la culture du Nordeste4 à un fonds culturel européen : il dialogue notamment avec la chanson de geste et la figure de la donzelle-guerrière, toutes deux présentes dans la culture régionale, qui a assimilé une partie de cet héritage épique grâce à la littérature orale et aux feuillets de cordel5. S’y ajoutent des références spécifiques à l’écrivaine, notamment la reine Élisabeth Ire d’Angleterre, dont la biographie sert de modèle à l’intrigue, après avoir été mélangée à des sources mythologiques et à des personnages historiques du Nordeste.
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6 Notamment de son roman précédent, Dôra, Doralina (1975).
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7 Le roman omet toute référence historique précise, mais quelques éléments de...
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8 Le Brésil perd brièvement le statut de colonie pendant les invasions napolé...
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9 Hélio Pólvora déclare au sujet de Dôra, Doralina que “o longo hiato apresen...
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10 “As três Rachéis”, entretien avec Rachel de Queiroz, Cadernos da literatur...
2Le livre rappelle à certains égards les œuvres précédentes de Rachel de Queiroz, avec ses personnages féminins indépendants, qui cherchent à échapper à la sphère domestique6. Néanmoins, au sein d’une production romanesque caractérisée par des intrigues plus ou moins contemporaines et réalistes, il y a quelque chose d’incongru dans ce texte, avec son foisonnement de références à des figures historiques et légendaires et avec une intrigue qui est située dans le contexte du Brésil impérial, après l’indépendance7, à un moment crucial pour la construction de l’identité nationale8. Il se singularise aussi par sa construction : si la critique a reproché à Rachel de Queiroz la structure trop linéaire de son roman précédent9, le Memorial se construit au contraire de façon complexe et polyphonique, dans un entrelacs de voix mêlant des plans temporels distincts : trois personnages, Marialva, le Beato Romano et Maria Moura, narrent leur traversée du sertão jusqu’à la Casa Forte et les péripéties rencontrées sur leur chemin. Alors même que la romancière déclare “Eu sou a pessoa menos épica do mundo”10 (“Je suis la personne la moins épique au monde”), les exploits de Maria Moura, le thème de la traversée, de la conquête du territoire et de la fondation de la communauté, le mélange des plans historiques et merveilleux rapprochent implicitement le roman du registre épique.
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11 Premier président élu au suffrage universel direct après la fin de la dict...
3Il faut interroger le choix apparemment étonnant de ce registre, ainsi que le foisonnement intertextuel de cette geste romanesque et son dialogue avec la culture régionale et européenne, à l’aune du contexte particulier de sa parution, qui n’a été que peu analysé par la critique. En effet, au début des années 1990, le Brésil, tout juste sorti de la dictature, fait face à une intense crise politique. Fernando Collor de Melo, ancien gouverneur du petit état d’Alagoas, se fait élire président en 1989, lors des premières élections au suffrage universel direct après la fin de la dictature. Sa victoire est fortement liée au soutien des médias et à une campagne au ton moraliste dans laquelle il s’était présenté comme un homme providentiel, qui allait moderniser le pays et éradiquer la corruption. Sa présidence ne dure que deux ans, puisqu’il est destitué à la fin de l’année 1992 : elle est marquée par une grande instabilité économique et politique, avec une inflation vertigineuse, l’épisode catastrophique de la confiscation des épargnes et des dépôts bancaires en 1990 et d’immenses scandales de corruption11. Un an avant la parution du roman, lorsqu’elle est interrogée au sujet du gouvernement Collor, Rachel de Queiroz reconnaît l’importance de cette crise, en déclarant : “acho a hora muito aflitiva, muito dramática que nós estamos atravessando” (“je trouve que la période que nous traversons est très inquiétante, très dramatique”). Par ailleurs, c’est un moment où se pose de façon aiguë la question de la mémoire de la dictature et l’écrivaine fait l’objet de critiques virulentes à cause de sa proximité avec les militaires, lesquelles ne s’atténuent qu’à la fin des années 90. Le recours à l’épique est peut-être une façon pour Rachel de Queiroz de penser ce moment de crise que traverse le pays, tout en interrogeant sa place dans le champ de la littérature brésilienne des années 1990.
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12 Cette construction est étudiée en détail dans A invenção do Nordeste e out...
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13 Blake, Stanley E., The Vigorous Core of Our Nationality: Race and Regional...
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14 Goyet, Florence, “L’épopée refondatrice : extension et déplacement du conc...
4Il n’est pas anodin non plus que dans ce dernier roman Rachel de Queiroz revienne une fois de plus à sa terre natale, dont elle disait que c’était le lieu où s’enracinait son écriture : le Nordeste, région qui s’est construite dans l’imaginaire national12 tout à la fois comme un espace où serait préservé un esprit national authentique, mais aussi comme “a social, racial, and political ‘other’ that was contrasted with the supposedly more developed regions and populations of southern Brasil”13 (“un ‘autre’ social, racial, politique, que l’on compare à les régions et les populations du Sud-Est supposément plus développées”). Située dans cet espace ambivalent, la geste de Maria Moura s’apparente à une “épopée refondatrice”14, pour reprendre le concept de Florence Goyet. Si l’intrigue se déroule à une période de construction nationale, c’est peut-être précisément imaginer une refondation de la nation à partir de la région, en lui redonnant une place centrale qu’elle n’a plus dans l’imaginaire national. À cette ambition collective et projective de refondation d’un “nous” de la communauté nationale, s’ajoute aussi celle, individuelle, de la romancière : retrouver un lieu d’énonciation, à partir d’une réinvention de la région où se mêlent la familiarité des références locales et l’altérité des références européennes, déterritorialisées dans le Nordeste.
I. L’épique du Nordeste et la voix singulière de la romancière
1. Créer un lieu d’énonciation stratégique dans un contexte trouble
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15 Le terme est utilisé explicitement par Caio Fernando Abreu au cours de l’e...
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16 Buarque de Hollanda, Heloísa “O éthos Rachel”, Cadernos da literatura bras...
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17 Pendant l’Estado Novo, elle est emprisonnée à deux reprises et placée sous...
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18 Le tournant conservateur de l’autrice a lieu pendant les années 1950-1960 ...
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19 Rachel de Queiroz continue à écrire ses chroniques journalistiques et à so...
5En 1992, Rachel de Queiroz jouit du statut ambigu de célébrité littéraire et d’écrivaine réactionnaire15. Première femme à entrer dans l’Académie brésilienne de lettres, journaliste de renom, traductrice prolifique, dramaturge et grande romancière du Nordeste, elle est encore peu étudiée dans le milieu académique des années 1990. Selon Heloísa Buarque de Hollanda, la mise à l’écart de l’écrivaine, liée à sa trajectoire politique, commence à la fin des années 1960, au moment où s’élabore au Brésil un corpus d’œuvres académiques16. Après avoir été communiste dans sa jeunesse17, Rachel de Queiroz soutient le coup d’état militaire de 196418 et la dictature qui s’ensuit, en poursuivant son activité journalistique même aux pires heures de la censure, avec des chroniques volontiers pamphlétaires19.
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20 Néanmoins, le fait qu’elle participe à cette émission culturelle suffit à ...
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21 Santanna Guerellus, Natália de, Como um Castelo de cartas : culturas polít...
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22 Le coup d’État militaire de 1964 a souvent été justifié par l’idée que Joã...
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23 Elle minimise les exactions des militaires pendant cette première période ...
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24 Deux thèses et un mémoire de master en histoire au sujet des chroniques jo...
6Au moment où commence l’ouverture du régime et pendant les années qui suivent sa chute, cela lui vaut les foudres des milieux intellectuels, si bien que dans un entretien qu’elle accorde à l’émission “Roda Viva”, en 1991, la romancière se plaint d’être la cible constante d’une patrouille idéologique (toute relative, eu égard au prestige de l’émission qui lui est dédiée). Au cours de cet entretien, après avoir expliqué son soutien au coup d’état militaire, elle est ouvertement critiquée par Caio Fernando Abreu, l’un des écrivains qui mènent l’entretien, qui déclare : “estou me sentindo extremamente constrangido de estar na posição de render homenagem a um tipo de ideologia que profundamente desprezo”20 (“je me sens extrêmement embarrassé d’être dans une situation où je rends hommage à un type d’idéologie que je méprise profondément”). L’historienne Natália de Santanna Guerellus souligne le ton accusateur des questions adressées à l’écrivaine dans les interviews de la fin des années 1970 jusqu’au début des années 199021. Rachel de Queiroz élabore une stratégie pour y répondre, en justifiant son soutien au coup d’état par l’idée que le président élu, João Goulart, surnommé “Jango”, représenterait une menace communiste22. Elle minimise ses liens avec le pouvoir pendant la dictature et affirme à plusieurs reprises qu’elle aurait cessé de soutenir le régime à partir du départ de Humberto de Alencar Castelo Branco23 (ces affirmations ont depuis été contredites par des études portant sur ses chroniques politiques après 196424).
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25 Dans les années 1920, un nouveau régionalisme nordestino se configure auto...
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26 Alfredo Bosi, História concisa da literatura brasileira [1970], São Paulo,...
7En outre, à mesure que le régionalisme perd sa place dans la production littéraire brésilienne, les œuvres de la romancière commencent à être perçues comme les expressions d’une vision politique conservatrice, qui valoriserait une sociabilité communautaire et idéaliserait des formes de pouvoir oligarchiques. Dès 1970, dans História concisa da literatura brasileira, Alfredo Bosi fait de Queiroz l’héritière du régionalisme traditionaliste de Gilberto Freyre25, teinté d’une “nostalgie du bon vieux temps”26. L’écrivaine reste attachée au courant régionaliste, dont elle se revendique ouvertement, en dépit de l’hétérogénéité des espaces et sujets qu’elle aborde dans ses romans. Au cours de l’entretien dans “Roda Viva”, elle se montre néanmoins consciente de ne plus être en phase avec la littérature brésilienne contemporaine. Quand on lui demande si elle estime que le cycle régionaliste est terminé, elle répond :
27 Émission “Roda Viva” avec Rachel de Queiroz, diffusée sur la TV Cultura le...
“Bem, que eu saiba quase todos já morremos, restam eu e Jorge [Amado] daquela onda de 30, […] porque o grande, dentre nós, sobrevivente que era Adonias Filho acabou de morrer […] ficamos Jorge [Amado], eu, que somos os remanescentes, ainda agarrados ao velho osso, ainda agarrados ao Nordeste. Não creio que a gente saia dessa27.”
“Eh bien, que je sache nous sommes presque tous morts, il ne reste plus que moi et Jorge [Amado] de cette vague des années 30, […] parce que le plus grand d’entre nous, le survivant, Adonias Filho, vient de mourir […] il ne reste plus que Jorge [Amado] et moi, qui sommes les vestiges, encore en train de ronger le vieil os, encore accrochés au Nordeste. Je ne crois pas que nous en sortions.”
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28 Son premier roman, O Quinze (1930) (traduit en français par L’année de la ...
Le ton mélancolique et légèrement ironique avec lequel elle répond à la question, en se décrivant, avec Jorge Amado, comme la survivante d’une génération éteinte, fait des deux écrivains les vestiges d’une époque révolue. Tout en prononçant ce constat désabusé, elle affirme l’impossibilité de faire autrement, de sortir du Nordeste, c’est-à-dire d’écrire sur autre chose que sur la région. La question qu’elle pose ainsi est donc bien celle de sa situation dans le champ littéraire brésilien, surtout après un hiatus de près de dix-sept ans sans publier de roman : quelle voix peut adopter en 1992 une écrivaine qui a fait ses débuts sur la scène littéraire en 1930 et qui s’est fait connaître grâce au régionalisme28 ?
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29 Márcia Cavendish Wanderley parle d’un essor de la “métafiction historiogr...
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30 “As três Rachéis”, art. cit., p. 24.
8Dans ce contexte, où elle est la cible de nombreuses critiques et où elle prononce elle-même son obsolescence, le choix d’écrire la geste d’une donzelle-guerrière dans le sertão du XIXe siècle ne semble pas anodin. Il est peut-être lié à une stratégie éditoriale. Márcia Cavendish Wanderley et Sandra Reimão notent un essor des romans à thème historique dans la fiction brésilienne à partir des années 1980 et elles placent toutes deux Memorial de Maria Moura parmi des publications qui s’inspirent de l’histoire ancienne du pays29. Le roman ne prétend pas, néanmoins, narrer des faits historiques : ses sources très hétérogènes, entre l’Angleterre élisabéthaine, les figures de donzelles-guerrières, les chansons de geste et le banditisme social du Nordeste, et l’absence quasi totale de références temporelles précises l’éloignent cependant de cette veine. Il n’est pas impossible, néanmoins, que Rachel de Queiroz ait profité d’un moment éditorial pour retrouver une place au sein des parutions contemporaines, alors qu’elle n’a pas publié de roman depuis 1975. Son approche pragmatique du rapport entre l’écrivain et ses lecteurs tend à corroborer cette hypothèse : à João Cabral de Melo Neto, qui déplore l’oubli dans lequel est tombé le roman du Nordeste, elle répond en 1997 que c’est à l’écrivain de se plier aux lecteurs et à “o que o momento literário quer”30 (“ce que veut le moment littéraire”).
9L’épopée romanesque de Maria Moura remporte un franc succès : l’œuvre est acclamée par la critique et, après son adaptation à la télévision deux années plus tard, elle entre dans la liste des best-sellers nationaux, devenant l’un des cent livres les plus vendus des années 199031. Le succès populaire du roman se double d’un regain d’intérêt académique pour son œuvre et les études universitaires sur l’écrivaine se multiplient à partir des années 2000. Reçu comme une œuvre féministe mettant en scène une héroïne épique, le Memorial contribue à renouveler les approches critiques de la romancière et devient son œuvre la plus étudiée après son premier roman, O Quinze. Le succès immédiat du Memorial, son adaptation à la télévision, rappellent l’un des critères de l’“épopée refondatrice” selon Florence Goyet : sa popularité, intimement liée au plaisir qu’elle suscite chez les lecteurs. Elle note que la popularité est le signe “non pas tant qu’une œuvre a trouvé son public […] mais bien qu’un public a trouvé un livre, l’œuvre qui correspond à ce dont il a besoin”32 : avec le Memorial, Rachel de Queiroz a peut-être réussi à saisir un moment littéraire et à donner au lectorat brésilien une œuvre tout à la fois politique et divertissante, dont il aurait besoin à un moment de crise.
2. Le Nordeste du XIXe siècle : un lieu propice pour repenser la nation ?
10En choisissant de situer le geste de Maria Moura dans une période et dans un lieu reculé du Nordeste, Rachel de Queiroz contribue à l’image qu’elle construit au fil de ses entretiens et qui n’a que peu de rapport avec sa place réelle dans le champ des lettres brésiliennes : celle d’une écrivaine en marge du monde lettré. Elle résume sa position ainsi :
33 Queiroz, Rachel de, in Buarque de Hollanda, Heloísa “O éthos Rachel”, art....
“[O meu approach] é o da mulher totalmente integrada na vida nordestina. […] Eu não sou uma pessoa deslocada, sou aquela que não sai de lá mesmo quando sai. Essa diferença eu me reservo e cobro dos outros quando me confundem com a tropa geral dos literatos, eu me isolo disso33.”
“[Mon approche] est celle de la femme totalement intégrée dans la vie nordestina. […] Je ne suis pas une personne déplacée, je suis celle qui ne sort pas de là-bas même quand elle en sort. Cette différence, je me la réserve et je l’exige des autres quand ils me confondent avec la cohorte des lettrés, je me mets à l’écart de tout cela.”
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34 Adjectif qui désigne ce qui se rattache au sertão.
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35 Rachel de Queiroz écrit les poèmes l’année de la parution du premier numér...
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36 Queiroz, Rachel de, “Aos Novos do Sul”, Mandacaru, Rio de Janeiro, IMS, 20...
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37 Ibid., p. 63.
11Sous la plume de Rachel, sa situation en tant qu’écrivaine et le lieu auquel elle se rattache se confondent. Le Nordeste semble donc avoir une fonction stratégique : il lui permet de revendiquer sa différence avec “a tropa dos literatos” (“la cohorte des lettrés”), c’est-à-dire la singularité de sa plume. Le retour à l’espace sertanejo34 auquel on l’a tant associée, et auquel elle ne s’est pourtant pas limitée, est peut-être une façon de la réaffirmer. Il témoigne également de l’intention de repenser la place de la région au sein de la nation. En effet, la génération des romanciers du Nordeste de 1930, dont fait partie Rachel de Queiroz, revendiquait l’idée que la région était le lieu d’où pourrait émerger une nouvelle identité nationale : la région révèlerait la nation, comme lieu primitif où l’esprit national aurait trouvé sa plus pure expression. Dans sa jeunesse, Rachel de Queiroz reprend à son compte cette rhétorique : dans un poème s’adressant aux modernistes du Sud (“Aos Novos do Sul”)35, l’écrivaine déclare que son texte est une contribution à la “grande harmonia nacional”36 (“grande harmonie nationale”), qu’ils cherchent à atteindre “no afã de despirem o o Brasil da velha e surrada casaca europeia, de o fazerem vestir uma roupa mais nossa, feita do algodão da terra”37 (“afin de dévêtir le Brésil de son vieux manteau européen élimé, pour l’habiller d’un vêtement qui nous appartienne davantage, fait du coton de la terre”). Le Nordeste serait à ses yeux l’un des lieux où pourrait s’esquisser l’esprit de cette jeune nation, matière authentique pour l’écriture : c’est le “coton de la terre”, humble et tellurique, dans lequel elle propose de tailler un nouvel habit.
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38 Ibid., p. 48.
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39 Le type de l’indien donne naissance au courant indianiste, dont l’auteur c...
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40 Mérian, Jean-Yves, “La construction d’un imaginaire sur le sertão : le rom...
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41 Muniz de Albuquerque Jr., Durval, op. cit., p. 54.
12Le fait qu’elle situe l’épopée de Maria Moura au XIXe siècle semble confirmer l’idée que ce roman épique ferait du Nordeste le lieu propice pour refonder la nation au moment de sa crise. En effet, le XIXe siècle est un moment où se construit le nationalisme brésilien et où la région apparaît déjà comme l’un des lieux où pourrait s’inventer une culture véritablement nationale38. Le régionalisme se développe dans la littérature brésilienne avec le romantisme : à défaut de pouvoir contempler un Moyen Âge brésilien, comme les écrivains romantiques européens, les auteurs brésiliens cherchent des types nationaux pour donner au pays des origines mythiques, en prenant d’abord pour objet l’indien, puis le sertanejo, l’homme du sertão39. Dans la littérature du XIXe, le sertão est un espace mythique, perçu comme “la matrice, le lieu par excellence où réside la source première de la vie brésilienne, où l’on trouve les racines de sa personnalité et de son identité nationale”40. Loin des métropoles, situées sur les côtes, le sertanejo serait un type brésilien plus authentique car libre des influences étrangères41 ; ce type met aussi en évidence une dichotomie récurrente qui partage le Brésil entre le littoral, moderne et urbain, et l’intérieur des terres, traditionnel et rural.
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42 Il est d’ailleurs l’un des aïeux de Rachel de Queiroz.
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43 Concession de terres accordée par la couronne portugaise.
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44 Le personnage rêve d’ailleurs de rivaliser avec un autre bastion du pouvoi...
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45 Cette union est représentée à la fin du roman par la relation entre Ceci, ...
13L’épopée sertaneja de Rachel de Queiroz s’inscrit en partie dans le prolongement de cet imaginaire et de l’ambition fondatrice des écrivains romantiques, comme le montre la présence discrète de l’intertexte de O Guarani (1875) de José de Alencar42. La Casa Forte, la forteresse érigée par la protagoniste, horizon de sa quête et de la traversée des autres personnages, rappelle en effet la maison du fidalgo portugais Dom Antônio de Mariz dans O Guarani (1857), de José de Alencar. Dom Antônio la fait édifier dans un lieu reculé, une sesmaria43 attribuée par Mem de Sá ; Maria Moura fait construire sa forteresse dans l’espace mythique et isolé de la Serra dos Padres, une sesmaria héritée de la fidalga Brites. La maison de Dom Mariz est entourée de murailles et comparée à un château féodal, lieu de refuge et d’asile. Entourée d’une palissade qui rappelle les premières installations des colons dans l’intérieur des terres, la Casa Forte fonctionne aussi selon une logique féodale : les hommes, soumis à une discipline militaire, donnent le butin de leurs pillages à Maria Moura et lui jurent loyauté et, en échange, elle leur fournit les armes et la protection, dans un rapport qui rappelle celui des vassaux et des suzerains44. L’ambition de José de Alencar est de construire une épopée nationale : les personnages héroïques rejouent la fondation du peuple brésilien, dont il imagine l’origine dans l’union harmonieuse entre le colon portugais et l’indien45. L’allusion au roman d’Alencar et le contexte dans lequel Rachel de Queiroz situe sa geste pourraient donc corroborer l’idée d’une épopée refondatrice moderne, permettant à la romancière de réinventer son écriture et son lieu d’énonciation, notamment à travers la déterritorialisation des modèles européens.
II. Déterritorialiser les modèles européens
1. Reine anglaise, cangaceira, matriarche et donzelle-guerrière : Maria Moura, une héroïne hybride
14Le Memorial de Maria Moura débute par une étrange dédicace à la reine Élisabeth Ire d’Angleterre : “A S. M. ELISABETH I, Rainha da Inglaterra (1533-1603), pela inspiração” (“À S. M. Élisabeth I, Reine d’Angleterre (1533-1603) pour l’inspiration”). Accompagnée de la mention de ses dates de naissance et de mort, qui en soulignent l’anachronisme, cette dédicace est un clin d’œil espiègle au lecteur, invité à chercher dans l’univers fictif du sertão du XIXe siècle des similitudes avec l’histoire de la souveraine anglaise du XVIe, qui se trouve ainsi déterritorialisée, dans l’espace et dans le temps. L’histoire de la reine sert en effet de trame à une grande partie de l’intrigue : comme la souveraine anglaise, Maria Moura revendique l’héritage paternel et occupe une place de pouvoir habituellement réservée aux hommes, elle refuse de se marier pour ne pas abdiquer de son pouvoir et elle n’a pas d’enfants. Élisabeth a deux favoris : Robert Dudley, puis le jeune comte d’Essex, à la fin de sa vie, qui la trahit et qu’elle fait exécuter ; de même, Maria Moura, d’abord proche de son conseiller Duarte, le délaisse pour le jeune Cirino, qui la trahit et qu’elle fait exécuter. Le règne d’Élisabeth Ie est un moment de construction historique de la nation anglaise, qui correspond aux débuts de l’Empire britannique et de l’expansion coloniale. À l’image de la reine anglaise, Maria Moura a pour ambition d’étendre son pouvoir à travers la conquête du territoire : elle rêve de voir s’étendre ses terres à perte de vue et s’imagine que la Casa Forte remplacera la Casa da Torre d’Ávila, bastion du pouvoir au Nordeste depuis l’époque coloniale, dont elle note le déclin. Déplacée dans l’espace et dans le temps pour servir de structure à la geste épique queirozienne, l’histoire d’Élisabeth Ire fait aussi l’objet d’une hybridation culturelle singulière, expliquée par la romancière :
“[A] primeira grande seca registrada oficialmente aconteceu em Pernambuco em 1602. Nesta seca, uma mulher chamada Maria de Oliveira tornou-se conhecida, porque juntamente com os filhos e uns cabras, saiu assaltando fazendas. Pois eu fiquei com essa mulher na cabeça. Uma mulher que saía com os filhos e um bando de homens assaltando fazendas — era a “Lampiona” da época, pensei. Ao mesmo tempo eu sempre admirei muito a rainha Elisabeth I da Inglaterra, que morreu no início do século XVII (...) A certa altura, eu pensei : “Essas mulheres se parecem de algum modo”. E comecei a misturar as duas.”
“La première grande sécheresse dont on ait un registre officiel a eu lieu dans le Pernambuco en 1602. Pendant cette sécheresse, une femme nommée Maria de Oliveira est devenue célèbre, parce qu’avec ses fils et quelques hommes, elle s’est mise à piller des fermes. Eh bien, cette femme est restée dans mon esprit. Une femme qui se mettait avec ses fils et un groupe d’hommes à piller des fermes — c’était la “Lampiona” de l’époque, je me suis dit. En même temps j’ai toujours beaucoup admiré la reine Élisabeth Ire d’Angleterre, morte au début du XVIIe siècle. […] À un moment donné je me suis dit : “D’une certaine façon ces femmes se ressemblent”. Et j’ai commencé à les mélanger.”
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46 Les cangaceiros sont des bandits de grand chemin dans le Nordeste. Ils fon...
Deux références se mêlent à l’histoire d’Élisabeth dans le discours de Rachel de Queiroz : une figure historique du XVIIe siècle, Maria de Oliveira, et une figure historique du XXe siècle, le cangaceiro46 Lampião, qu’elle féminise en Lampiona. Quelques précisions s’imposent ici : bandit de grand chemin et figure légendaire du Nordeste, Lampião devient après sa mort l’emblème d’une révolte sociale brutalement réprimée par l’État. Or, sa compagne, tout aussi célèbre que lui, surnommée Maria Bonita, s’appelait Maria Gomes de Oliveira, (ce que Rachel de Queiroz savait sans doute, puisqu’elle écrit en 1953 une pièce au sujet du cangaceiro) : Maria de Oliveira et Maria Bonita se superposent ainsi, par l’intermédiaire de Lampião, rajoutant une strate supplémentaire au feuilletage intertextuel du Memorial.
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47 Buarque de Hollanda, Heloísa et Queiroz, Rachel de, “Matriarcas do Ceará :...
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48 On en trouve la trace dans Macunaíma (1928) de Mário de Andrade, grand rom...
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49 Queiroz, Rachel de, Carnet de notes pour Memorial de Maria Moura, s/l, s/d...
15Par ailleurs, la Maria de Oliveira mentionnée par l’écrivaine, cette Lampiona du début du XVIIe siècle, évoque d’autres figures légendaires qui intéressent la romancière à la même période et qui font partie de la mémoire régionale : les matriarches du Ceará, Bárbara de Alencar Araripe, Dona Federalina de Lavras et Maria Macedo, au sujet desquelles elle publie un article avec Heloísa Buarque de Hollanda en 1990. Grandes propriétaires terriennes, souvent veuves, ces femmes auraient assumé la place de leur mari et conquis un espace de pouvoir au-delà de la sphère domestique. Réputées pour leur cruauté et leurs exploits sexuels, elles s’affranchissent des modèles féminins traditionnels, comme le notent les deux autrices ; elles ne correspondent pas pour autant à un idéal d’émancipation, dans la mesure où le pouvoir arbitraire et violent qu’elles exercent n’échappent pas au “modelo patriarcal no seu pior estilo”47 (“modèle patriarcal de la pire espèce”). Il est possible que Rachel de Queiroz ait vu une parenté entre ces figures et les Amazones, qui ont souvent été associées au Nouveau Monde à partir des Grandes Découvertes et dont l’histoire s’est mêlée à la mythologie des indiens du Brésil48. Dans les archives de l’écrivaine, se trouvent des notes pour un roman qui se serait intitulé As Amazonas49 et qui est sans doute devenu le Memorial. L’intrigue ébauchée dans ces notes aurait porté sur une communauté de femmes, une veuve et ses filles, fonctionnant de façon matriarcale et fondée sur l’exploitation des hommes, utilisés pour procréer et travailler ; leur cruauté et leur liberté sexuelle rappelle celles des matriarches. Pour créer son personnage épique, Rachel de Queiroz semble mêler l’indépendance et le pouvoir oligarchique des matriarches au caractère guerrier des Amazones et à l’inversion sexuelle qu’elles sont censées représenter dans l’Antiquité : comparée à Saint-Georges guerrier, toujours juchée sur son cheval Tyran et refusant de se soumettre aux hommes, Maria Moura se trouve ainsi à la croisée de ces imaginaires historiques et légendaires.
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50 Voir à ce sujet : Matos Vilalva, Walnice Aparecida, “A problemática da con...
16À ces sources explicitement revendiquées par la romancière, s’ajoute aussi la référence plus diffuse à la figure de la donzelle-guerrière, proche des Amazones, et que l’on trouve dans l’Antiquité et dans les épopées chevaleresques de la fin du Moyen Âge : Camille, dans l’Enéide, Bradamante et Marphise dans le Roland Furieux de l’Arioste, Britomart dans La Reine des Fées de Spenser, Clorinde, dans La Jérusalem délivrée du Tasse. Selon Walnice Nogueira Galvão, l’histoire des donzelles-guerrières suit une trame récurrente : elles se coupent les cheveux, se travestissent en homme pour faire la guerre et leur sexe finit par être dévoilé au moment de leur mort au combat. Cette figure est amplement diffusée dans le Nordeste à travers l’héritage de la littérature orale portugaise transmise par la littérature de cordel ; elle semble inspirer de façon plus ou moins explicite certains romans régionaux qui précèdent l’épopée de Maria Moura, comme Dona Guidinha do Poço ou Luzia-Homem. Sa réécriture la plus célèbre est sans doute Diadorim, dans la grande fresque épique de Guimarães Rosa, Grande Sertão : Veredas. Diadorim, dont tombe amoureux Riobaldo, est une femme travestie en homme, qui rejoint un groupe de cangaceiros afin de venger son père : Riobaldo ne découvre son secret qu’après sa mort, tout comme Achille ne découvre le sexe de l’Amazone Penthésilée qu’après l’avoir tuée, ou comme Tancrède, dans La Jérusalem délivrée, qui découvre qu’il a tué Clorinde au combat. Le personnage de Maria Moura s’inspire, en effet, de l’imaginaire des donzelles-guerrières50 : en particulier lorsqu’elle performe devant ses hommes l’inversion des rôles de genre en se coupant les cheveux, en s’habillant avec les vêtements de son père et en s’appropriant son arme afin de défendre son héritage.
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51 Voir, par exemple, l’article de Martins, Wilson, “Rachel de Queiroz em per...
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52 À ce sujet voir l’article très éclairant de Schpun, Mônica Raísa, “Lé com ...
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53 Plus largement, aussi, sur sa place exceptionnelle dans le panthéon des le...
17À travers ce feuilletage très complexe de références, dont la critique a souligné l’opacité51, Rachel de Queiroz semble pousser à son comble la déterritorialisation des modèles européens, tout en rappelant la puissance d’inventivité de la culture régionale et nationale. L’histoire d’Élisabeth Ie, les gestes des donzelles-guerrières et le mythe des Amazones sont rapprochés de la culture régionale et réinterprétés pour servir une réflexion ambivalente sur le pouvoir féminin et sur la tentation autoritaire. Tout en s’affranchissant de la tutelle masculine et en refusant le mariage, Maria Moura ne réinvente pas, en effet, la structure sociale du Nordeste : elle semble plutôt s’inscrire dans le prolongement des oligarchies locales, dont elle ne remet pas en cause le fonctionnement. Elle fonde son pouvoir sur la violence et sur l’exploitation des hommes, comme les matriarches et comme les Amazones, elle maintient les femmes qui l’entourent dans la sphère domestique à laquelle elle a échappé et, bien qu’elle soit opposée à l’esclavage, les frontières raciales et sociales ne sont jamais abolies52 (elle ne peut envisager d’épouser Duarte, son favori, qui est le fils illégitime de son oncle et d’une esclave affranchie). La romancière suggère ainsi qu’en fondant la Casa Forte Maria Moura ne fait que refonder la Casa Grande, l’habitation des maîtres. Le texte semble donc aboutir à une impasse, signalant l’impuissance à penser de nouveaux modèles politiques, ce qui ne peut manquer de faire penser à la crise dans laquelle le pays est enlisé à l’époque de la parution, qui témoigne d’un échec à renouveler la politique nationale et à modifier en profondeur les structures profondément inégalitaires de la société brésilienne. Peut-être est-ce aussi une façon, du point de vue singulier de la romancière, de s’interroger sur les limites de la logique oligarchique qu’elle a pu défendre, sur ses dérives autoritaires, aussi bien que sur les difficultés qu’elle éprouve à la dépasser53.
2. Chanson de geste et imaginaire médiéval
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54 Queiroz, Maria Isaura de, Os Cangaceiros, São Paulo, Livraria Duas Cidades...
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55 França Bastos, Raísa, “Sur les pas de Raymond Cantel : de l’Europe carolin...
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56 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 363.
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57 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 381.
18Le roman revendique également l’héritage de la chanson de geste par l’intermédiaire des allusions au cordel : il est mis au service d’un imaginaire anachronique du sertão comme espace féodal. En faisant référence à Lampião et au cangaço, Rachel de Queiroz renforce le lien entre le roman et l’épopée médiévale. En effet, le cangaceiro appartient au cycle héroïque moderne de la littérature de cordel : selon Maria Isaura de Queiroz, c’est la légende carolingienne qui est la matrice des cordéis consacrés aux exploits de Lampião et des cangaceiros, qui auraient eux-mêmes servi de matière pour la formation d’une épopée nationale54. Dans les cordéis, Lampião, souvent comparé à Roland ou à Charlemagne, est un personnage épique au destin hors du commun55. Or, c’est précisément l’histoire de Charlemagne qui est la seule référence littéraire de la protagoniste. Quand son amant Cirino fait allusion à une histoire sentimentale lue dans un roman, Maria Moura lui déclare qu’elle n’en a jamais lu et que son père qui lui a appris à lire dans Vida do Imperador Carlos Magno e os Doze Pares de França (La Vie de l’Empereur Charlemagne et des Douze Pairs de France), présenté comme l’histoire vraie du “maior rei do mundo”56 (“plus grand roi du monde”57). Ce dialogue entre Maria Moura et Cirino suggère le rejet d’un roman sentimental au profit de la geste médiévale : il s’agit, évidemment, de subvertir les stéréotypes de genre, puisque c’est la femme qui revendique l’héritage de l’épopée guerrière et l’homme qui défend le roman sentimental.
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58 Queiroz, Maria Isaura de, op. cit., p. 37.
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59 França Bastos, Raísa, art. cit.
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60 Pour plus de précisions sur la transmission de la légende carolingienne vo...
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61 Queiroz, Maria Isaura de, op. cit., p. 37.
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62 Nogueira Galvão, Walnice, As Formas do Falso: um estudo sobre a ambiguidad...
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63 “As três Rachéis”, art. cit., p. 24.
19L’histoire de Charlemagne met en évidence l’anachronisme volontaire du Memorial. Pendant longtemps, la Vie de Charlemagne aurait été, avec la Bible, l’un des seuls livres diffusés dans le monde rural brésilien58 : il serait “l’ancêtre commun”59 du cycle héroïque ancien dans les feuillets de cordel60. Le succès de la légende carolingienne s’expliquerait, selon Maria Isaura de Queiroz, par le fait qu’elle serait perçue comme une image de l’ordre social du sertão, dans lequel “os grandes chefes das parentelas não estão longe de se acreditar outros tantos pequenos Carlos Magno, rodeados de seus pares”61 (“les grands chefs de clan ne sont pas loin de croire qu’ils sont d’autres petits Charlemagne, entourés de leurs pairs”). L’importance de cet imaginaire féodal est aussi soulignée par Walnice Nogueira Galvão, qui souligne que les intellectuels brésiliens ont eu tendance à “representar o sertão como um universo feudal” (“représenter le sertão comme un univers féodal”)62. La quête de Maria Moura n’échappe pas à cet imaginaire médiéval, pas plus que sa forteresse : comme on l’a noté, la Casa Forte, tout en étant décrite comme les premières implantations coloniales, fonctionne selon une logique féodale. L’écrivaine multiplie ainsi les décalages temporels, interprétant le Brésil contemporain au prisme de ces anachronismes successifs. Elle déclarait en 1997 que le Brésil contemporain est encore d’une certaine façon “relíquia do Brasil Império”63 [“un vestige du Brésil Impérial”] : or, le Brésil Impérial où se déroule la geste de Maria Moura est lui-même le vestige du Brésil colonial et la survivance d’un Moyen-Âge européen, comme si l’épopée de Maria Moura remontait le cours du temps pour montrer la permanence anachronique de formes de domination ancestrales, héritées de la colonisation européenne, dont la nation n’aurait jamais pu s’affranchir.
203. Traversées épiques du sertão : repenser l’histoire de la colonisation ?
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64 L’histoire date du XIVe siècle et est amplement diffusée en Europe ; elle ...
21Le roman se structure, on l’a vu, autour de trois traversées du sertão, qui correspondent à trois voix distinctes au sein du roman : celle de Maria Moura, celle de sa cousine Marialva et celle du prêtre José Maria, rebaptisé Beato Romano ; ces trois lignes narratives permettent de multiplier les récits secondaires au sein de la trame principale, rappelant le foisonnement narratif du genre épique. L’histoire de Marialva, inspirée de celle de Maguelonne et Pierre de Provence64, fonctionne comme un contrepoint à celle de Maria Moura : enfermée par ses frères, elle est délivrée par le saltimbanque Valentim, qui l’enlève et l’épouse. Cependant, une fois arrivée avec lui à la Casa Forte, la voix de Marialva disparaît du roman, alors que celle de Maria Moura devient de plus en plus présente, comme si la polyphonie se résorbait en monologisme et que la geste guerrière était la seule issue possible du roman.
22Dans cette structure tripartite, les péripéties de Maria Moura et du Padre José Maria, alias Beato Romano rappellent le plus l’intertexte épique ; elles semblent interroger toutes deux les origines de la communauté nationale. Après une liaison avec une femme de sa paroisse, tuée par son mari à la découverte de l’adultère, le Prêtre José Maria est forcé à prendre la fuite de crainte d’être lui-même assassiné. Juché sur son cheval, Venin, il s’enfonce dans l’intérieur des terres qui sont pour lui une terra incognita : sa longue et “sofrida odisséia” (“douloureuse odyssée”) dans le sertão s’assimile aux années d’errance d’Ulysse. Il déclare ainsi :
65 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura [1992], Rio de Janeiro, Editor...
“Em frente, todos os caminhos para mim eram um mistério […] aquele grande sertão, diante de mim, nunca vi mapa que o retratasse. Era como se eu avançasse por sobre as águas do mar. Tudo igual, sem horizonte65.”
66 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, trad. Cécile Tricoire [1995], Paris, Méta...
“Devant moi, tous les chemins étaient mystérieux […] de cet immense sertão, je n’avais jamais vu aucune carte. C’était comme si j’avançais sur la mer, de vague en vague, toutes les mêmes, à l’infini66.”
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67 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 316.
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68 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 332.
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69 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 315.
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70 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 331.
23Au cours de cette navigation métaphorique dans une mer inconnue, il s’éloigne de plus en plus de la civilisation : à chaque étape de son voyage, une mésaventure le force à reprendre la route. Il arrive un jour dans un lieu étrange, qui évoque de façon très allusive l’histoire d’Ulysse et de Circé : c’est un petit village très isolé, dont le nom, Bruxa, ou “as Bruxa” selon les habitants du coin, se traduit littéralement par sorcière, comme si le Beato débarquait, lui aussi, dans l’île inquiétante d’une magicienne. Il parle d’ailleurs de son arrivée comme d’un naufrage dans une île déserte : “Às vezes parecia que eu tinha naufragado numa ilha deserta, no meio de carinhosos selvagens, pagãos”67 (“Parfois il me semblait que j’avais fait naufrage sur une île déserte, au milieu de bons sauvages, de païens”)68. Le prêtre joue à l’évidence le rôle du colonisateur, Père Jésuite amenant la civilisation dans une contrée nouvelle qu’il juge primitive. Avec un regard curieux et méprisant, il note minutieusement les coutumes de cette communauté étrange où il n’existe ni école, ni argent, ni religion. Leur portugais est décrit comme une langue dégradée et quasiment incompréhensible dont il dit, en reproduisant les préjugés des colons, qu’il est “até pior que o saido da boca dos indios mansos ou dos negros de senzala”69 (“pire que celui qui sortait de la bouche des Indiens baptisés et des nègres de senzala”)70.
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71 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 280.
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72 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 295.
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73 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 315.
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74 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 331.
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75 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 315.
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76 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 331.
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77 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 291 : “Cau era K...
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78 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 317.
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79 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 333.
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80 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 317.
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81 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 333.
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82 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 290.
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83 Ibid., p. 191 ; Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 202.
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84 Dans le Nordeste, le beato est une figure de dévotion populaire. II s’agit...
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85 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 385.
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86 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 403.
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87 En 1893, un groupe de sertanejos organise une communauté armée dont le che...
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88 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 492.
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89 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 516.
24Or, ce village étrange et primitif est un lieu où tous les habitants sont blancs et blonds, où “não se via um pretinho, um caboclo, um mulato”71 (“on ne voyait pas un négrillon, pas un métis, pas un mulâtre”72). Quand le prêtre cherche à éduquer les enfants, c’est lui-même qui se transforme, en s’habillant presque comme eux, en parlant comme eux, como eles, “naquela algaravia impossível de reproduzir”73 (“dans ce charabia impossible à reproduire”74) et jusque “a [sua] pele de homem branco”75 (“[s]a peau d’homme blanc”76) se met à roussir comme la leur. Le prêtre découvre bientôt que Bruxa est la déformation de Prússia, le nom d’une propriété fondée par un allemand, et que les prénoms étranges des enfants sont le résultat de la déformation de prénoms allemands77. Le texte subvertit les rapports entre colons et colonisés en inversant la perception de l’altérité raciale : ce sont les européens qui sont ici découverts. Néanmoins, ce qui est inquiétant dans la rencontre entre le prêtre et cette communauté n’est pas l’altérité mais plutôt l’homogénéité dans laquelle le prêtre est lui-même absorbé en devenant comme eux : les habitants du village pratiquent l’inceste et le prêtre observe que dans ce lieu “não só se perdia cedo a memória, também se morria cedo”78 (“non seulement on perdait tôt la mémoire, mais on mourait tôt”79), où naissent “muita criança defeituosa, ‘criança boba’”80 (“beaucoup d’enfants anormaux, un peu zinzins”81). L’héritage européen, dégradé et rejeté, est figuré par les documents que laisse à ses descendants l’ancêtre allemand, fondateur de la communauté. À part une Bible en lettres gothiques, il ne reste que quelques papiers, dont un où est annoncée la mort du père de l’ancêtre et dans lequel il est sommé de se rendre au consulat : il y trouve l’inscription “Gehem Zum Tefeul !”82 (qu’on peut traduire par “Allez en enfer”). Seule occurrence directe de la langue allemande dans le texte, cette phrase non traduite démystifie l’héritage culturel européen de façon parodique, tout en indiquant la rupture avec celui-ci. Le prêtre ne tarde pas à fuir ce lieu, perçu comme un espace de déchéance morale et intellectuelle : l’Europe, isolée dans son homogénéité, est rejetée, abandonnée au profit de l’espace hétérogène de la Casa Forte de Maria Moura, qu’il ne tarde pas à rejoindre. Après avoir été prêtre jésuite découvreur de “bons sauvages”, qui connaissait les cartes de Portugal, de France et de la Terre Sainte83, mais pour qui le sertão était un lieu inconnu, il devient Beato84, faisant ainsi une traversée symbolique de l’Europe au Nordeste : il abandonne définitivement l’Église pour se rapprocher d’une religion plus proche de la dévotion populaire et du messianisme, dont le Nordeste connaît de nombreux avatars. Vêtu d’une simarre, le Beato ne se sépare plus de son “bordão, que era um grande cacete de madeira de jucá, o castão enrolado num C”85 (“son bâton de pèlerin, un grand gourdin en bois de yucca, avec le pommeau recourbé en C”86) : cet objet, ainsi que son apparence physique, évoquent la figure historique d’Antonio Conselheiro, surnommé le Pèlerin ”, beato mystique à la tête de Canudos87, dont la résistance contre le gouvernement rappelle aussi le caractère antiétatique de la communauté de Maria Moura. Ayant quitté les oripeaux du prêtre jésuite pour s’incarner en beato, il suit Maria Moura dans sa dernière expédition, en tant que “capelão de sua tropa”88 (“chapelain de [sa] troupe”89), revenant en dernière instance à l’héritage médiéval au moment où la geste est relancée.
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90 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 260 ; Memorial de Maria Mour...
25Quant à la trajectoire de Maria Moura jusqu’à la Serra dos Padres, elle est orientée par une ambition fondatrice, celle de la construction d’une communauté. Cet espace est lié aux origines coloniales du pays et aux conflits entre colonisateurs et colonisés : ancienne sesmaria, elle a ensuite été occupée par des indiens après le départ des Jésuites au XVIIe siècle. Son itinéraire jusqu’à ce lieu est tout à la fois une Iliade et une Odyssée : départ en guerre et retour à une maison natale imaginaire, celle de son père, où elle rêve de s’enraciner. Habile manipulatrice, elle dispose d’une intelligence semblable à la mètis d’Ulysse, qui lui permet de vaincre ses adversaires par la ruse, alors qu’elle est en position de faiblesse face à eux. Cependant, l’objectif de sa quête semble facilement atteint : nul combat spectaculaire ne vient signifier son triomphe et la conquête de la Serra dos Padres, qu’elle prépare comme un départ en guerre, ne demande aucun effort. Quand Maria Moura l’atteint avec sa bande, elle rencontre trois habitants qui vivent en marge de la civilisation : la veuve Jove et son fils, mais aussi un homme seul, Seu Luca. Le fils de Jove se nomme Pagão, Païen, et Seu Luca dit qu’il est devenu semblable à un indien90 : face à ces personnages, Maria Moura joue le rôle de colonisatrice, en accaparant le territoire et en proclamant elle-même sa légitimité, comme le firent les colons. Sa conquête n’est donc pas subversive, mais rejoue des structures de domination ancestrales en refondant un pouvoir oligarchique, comme si elle signalait que le pays s’enlisait dans une histoire qu’il ne cessait de répéter.
Conclusion
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91 Goyet, Florence, art. cit.
26Profondément pessimiste, l’épopée refondatrice de Rachel de Queroz ne parvient pas à imaginer un renouvellement politique pour la communauté nationale. Le sertão de Rachel de Queiroz, s’il est une métaphore de la nation, évoque surtout un univers écartelé par la violence, dans lequel les structures de pouvoir oligarchiques, héritées de la colonisation, résistent à toute tentative de renversement. Les fractures entre les classes sociales, entre les races, entre les genres ne sont jamais comblées ; Maria Moura n’est pas la femme providentielle qui parviendra à refonder une communauté nationale, elle est la continuation mélancolique d’une histoire qui ne cesse de se répéter. Pour reprendre les catégories proposées par Florence Goyet, le suspens dans lequel est laissé le roman est peut-être le signe de ce travail épique inachevé des épopées modernes, “produisant la déconstruction, mais non la reconstruction”91. Cette déconstruction est aussi celle des modèles européens : si la refondation politique échoue, la refondation poétique est au contraire productive. Formidable machine intertextuelle, l’épopée mélancolique de Rachel de Queiroz réinvente l’écriture de la romancière à la fin de sa carrière. Érudite et singulière, cette geste réaffirme la puissance créative du régionalisme, en déterritorialisant les références européennes et en réactivant la mémoire de l’histoire et de la culture sertanejas. Tout en proclamant une dernière fois sa différence, Rachel de Queiroz produit un texte tout à la fois contemporain et anachronique, couronnement d’une longue carrière littéraire, dont il réoriente en grande partie la perception.
Notes
1 Le terme désigne quelqu’un originaire de l’état du Ceará, dans le Nord-Est du Brésil.
2 En 1964, le président, João Goulart, surnommé “Jango”, est renversé par un coup d’état militaire. Le Brésil devient une dictature civile-militaire jusqu’en 1985.
3 Au XIXe siècle, le mot sertão désigne, au sens large, tout l’intérieur des terres brésiliennes, à la fois dans le Nord et dans le Sud ; au cours du XXe siècle, le mot deviendra de plus en plus étroitement associé au Nordeste, aux terres semi-arides de l’intérieur (Muniz de Albuquerque Jr., Durval, A invenção do Nordeste e outras artes, Recife/São Paulo, Fundação Joaquim Nabuco/Editora Massangana/Cortez Editora, 1999, p. 117).
4 Le Nordeste est l’une des cinq régions brésiliennes, il regroupe neuf états situés dans le Nord-Est du pays. Le mot lui-même n’émerge qu’en 1919 pour désigner la région, qui prend les contours actuels de façon institutionnelle en 1969 (Ibid., p. 68).
5 Le terme cordel désigne des récits populaires, en vers rimés, hérités le plus souvent de la littérature orale, imprimés sur des feuillets et suspendus à des ficelles pour être vendus à très bas prix. La littérature de cordel est très populaire dans le Nordeste. De nombreux cordéis s’inspirent de récits venus de l’Europe médiévale, en particulier de la légende carolingienne.
6 Notamment de son roman précédent, Dôra, Doralina (1975).
7 Le roman omet toute référence historique précise, mais quelques éléments de détail permettent de situer approximativement l’intrigue dans cette période : une référence aux billets de banque imprimés et sans images, qui datent de 1833, la mention du déclin de la Casa da Torre d’Ávila, forteresse qui fut le centre du pouvoir dans le Nord-Est du Brésil pendant plusieurs siècles mais qui est abandonnée à partir de 1835, et enfin l’allusion à une guerre dans le Sud du pays, vraisemblablement la Guerre de Cisplatine (1825-1828). L’indétermination de cette dernière mention peut cependant brouiller les pistes, car sous le règne de Dom Pedro II, le Brésil connaît trois autres guerres qui l’opposent à des pays du Sud de l’Amérique Latine (la guerre de la Plata entre 1851 et 1852, la guerre de l’Uruguay entre 1864 et 1865, la guerre du Paraguay, entre 1864 et 1870).
8 Le Brésil perd brièvement le statut de colonie pendant les invasions napoléoniennes : en 1808, la cour portugaise fuit Napoléon et s’installe à Rio de Janeiro qui devient alors capitale du royaume portugais. En 1821, quand la cour rentre à Lisbonne, le fils du roi Dom João VI, Dom Pedro I, devient le prince régent du pays. Il proclame l’indépendance en septembre 1822, devient empereur en octobre et fait rédiger la première constitution brésilienne en 1824. Le Brésil est un Empire jusqu’à la destitution de son fils, Dom Pedro II, en 1889.
9 Hélio Pólvora déclare au sujet de Dôra, Doralina que “o longo hiato apresenta a autora defasada em relação a certas conquistas estruturais que o nosso romance absorveu a partir do ciclo nordestino, o qual ela ajudou a fundar com O Quinze (1930)” [“Le long hiatus met en évidence un déphasage de l’autrice par rapport aux acquis structurels que le roman a intégrés à partir du cycle nordestino, qu’elle a contribué à fonder avec O Quinze (1930)”]. (Pólvora, Hélio, “Dôra, Doralina”, Jornal do Brasil, Rio de Janeiro, 26 mars 1975 in Cadernos da literatura Brasileira, n° 4, Instituto Moreira Salles, 1997, p. 123).
10 “As três Rachéis”, entretien avec Rachel de Queiroz, Cadernos da literatura brasileira, op. cit., p. 23.
11 Premier président élu au suffrage universel direct après la fin de la dictature. Sa présidence est une période de grande instabilité économique et politique : elle est marquée par la confiscation des épargnes et des dépôts bancaires en 1990, une inflation vertigineuse et des scandales de corruption qui commencent à émerger au début de l’année 1991, qui débouchent sur le processus d’impeachment. Le président est écarté du pouvoir en octobre 1992 et renonce en décembre 1992.
12 Cette construction est étudiée en détail dans A invenção do Nordeste e outras artes (op. cit.) : le chercheur Durval Muniz de Albuquerque Jr. y retrace l’histoire du Nordeste dans l’imaginaire national, en montrant comment la région se construit à partir des discours institutionnels, politiques, artistiques et littéraires. En adoptant une démarche proche de celle d’Edward Saïd dans L’Orientalisme, il montre que cette construction régionale est relationnelle et oppose le Nordeste au Sul et au Sudeste, faisant progressivement de la région une marge au sein de la nation.
13 Blake, Stanley E., The Vigorous Core of Our Nationality: Race and Regional Identity in Northeastern Brazil, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2011, p. vii.
14 Goyet, Florence, “L’épopée refondatrice : extension et déplacement du concept d’épopée”, Le Recueil Ouvert [En ligne],volume 2016 – Extension de la pensée épique.
15 Le terme est utilisé explicitement par Caio Fernando Abreu au cours de l’entretien que Rachel de Queiroz accorde à l’émission Roda-Viva en 1991. Il rapporte à l’écrivaine une anecdote, au sujet de ses orientations politiques contradictoires : “E o meu pai dizia assim : ‘Não leia essa mulher, ela é comunista’. E depois, anos mais tarde, na faculdade, já em 67, 68, eu andava com um livro seu embaixo do braço, acho que era O quinze. E um colega meu disse assim : ‘Não leia essa mulher, ela é uma reacionária’.” [“Et mon père me disait : “Ne lis pas cette femme, c’est une communiste”. Et après, quinze ans plus tard, à l’université, en 67, 68, je me promenais avec un de vos livres sous le bras, je pense que c’était O Quinze. Et un collègue me dit ainsi : ‘Ne lis pas cette femme, c’est une réactionnaire’.”]
16 Buarque de Hollanda, Heloísa “O éthos Rachel”, Cadernos da literatura brasileira, op. cit., p. 104.
17 Pendant l’Estado Novo, elle est emprisonnée à deux reprises et placée sous surveillance.
18 Le tournant conservateur de l’autrice a lieu pendant les années 1950-1960 ; dans les années qui précèdent le coup d’État, Rachel de Queiroz tient un salon fréquenté par des intellectuels et des hommes politiques de droite et d’extrême-droite, ainsi que par des militaires haut gradés, parmi lesquels se trouvait le maréchal Humberto de Alencar Castelo Branco, son cousin éloigné, qui deviendra le premier président de la dictature militaire. Elle profite de son influence en tant que journaliste pour diffuser le sentiment anti-communiste
19 Rachel de Queiroz continue à écrire ses chroniques journalistiques et à soutenir les militaires pendant les “années de plomb” (1968-1974), qui commencent avec l’AI-5, décret émis par le général Costa e Silva, qui donne le pouvoir législatif à l’exécutif, institutionnalise la censure, interdit les réunions politiques, suspend l’habeas corpus et instaure la répression des opposants. Celle-ci s’intensifie pendant le gouvernement du général Gastarrázu Médici (1969-1974).
20 Néanmoins, le fait qu’elle participe à cette émission culturelle suffit à démentir en partie la position qu’elle s’attribue.
21 Santanna Guerellus, Natália de, Como um Castelo de cartas : culturas políticas e a trajetória de Rachel de Queiroz (1910-1964), thèse de doctorat en histoire sous la direction de Soihet, Rachel, Niterói, Universidade Federal Fluminense, 2015, p. 58. URL : http://www.historia.uff.br/stricto/td/1774.pdf. Dernier accès le 23 mars 2019.
22 Le coup d’État militaire de 1964 a souvent été justifié par l’idée que João Goulart, le président élu, représenterait une menace communiste. En déclarant qu’elle s’opposait à Jango plutôt qu’en affirmant qu’elle soutenait les militaires, Rachel de Queiroz reprend à son compte cette rhétorique conservatrice, que l’on voit ressurgir aujourd’hui dans le débat politique brésilien, avec un révisionnisme historique qui cherche à réhabiliter la dictature, en niant ses crimes ou en les présentant comme un mal nécessaire dans une guerre contre le communisme. Émission “Roda Viva” avec Rachel de Queiroz, diffusée sur la TV Cultura le 1er juillet 1991. Transcription disponible dans les archives de l’émission, numérisées par la FAPESP. URL : http://www.rodaviva.fapesp.br/materia/407/entrevistados/rachel_de_queiroz_1991.htm. Dernier accès le 1er avril 2019.
23 Elle minimise les exactions des militaires pendant cette première période de la dictature, en niant, par exemple, la torture ou la répression. Elle reprend donc une distinction courante entre les militaires du courant modéré (linha moderada), autour de Castelo Branco, qui verraient dans le régime militaire un moment transitoire avant le retour à la démocratie, des militaires du courant radical (linha dura), partisans de la prolongation du régime militaire et de son durcissement, initié par Costa e Silva. Cette distinction est désormais contestée, notamment parce que Castelo Branco a pris de nombreuses mesures antidémocratiques : il ferme le Congrès, dissout des partis politiques, instaure le SNI (Serviço Nacional de Informação) et commence la répression.
24 Deux thèses et un mémoire de master en histoire au sujet des chroniques journalistiques de Rachel de Queiroz ont montré récemment l’ampleur de son soutien au régime militaire, en dépit des quelques critiques qu’elle a parfois adressées au gouvernement : Santanna Guerellus, Natália de, op. cit. ; França dos Santos Ferreira, Raquel, A “Última Página” de O Cruzeiro : crônicas e escrita política de Rachel de Queiroz no pós-64, thèse de doctorat en histoire sous la direction de Martins Venancio, Giselle, Niterói, Universidade Federal Fluminense, 2015, URL : http://www.historia.uff.br/stricto/td/1744.pdf, dernier accès le 10 avril 2019 ; Coelho Mendes, Fernanda, A “fiadora do governo” : Rachel de Queiroz na revista O Cruzeiro (1960-1975), mémoire de master sous la direction de Grinberg, Lúcia, Rio de Janeiro, UNIRIO, 2017, URL : http://www.unirio.br/cch/escoladehistoria/dissertacao_fernanda-mendes-1, dernier accès le 3 avril 2019.
25 Dans les années 1920, un nouveau régionalisme nordestino se configure autour du sociologue Gilberto Freyre, à un moment où le déséquilibre économique entre les régions s’accentue et le Sudeste affirme son hégémonie culturelle ; il s’agit de revendiquer une place pour la région dans la construction de l’identité nationale, conçue comme la somme des particularismes locaux. Freyre organise en 1926 le premier Congrès Régionaliste de Recife, réunissant des intellectuels de la région ; le congrès cherche à justifier a posteriori le découpage spatial qui institue le Nordeste, en lui donnant une épaisseur culturelle, à travers la revendication des traditions et coutumes liées à un passé rural, pré-capitaliste. Cet espace archaïque, figé dans le passé colonial, s’oppose imaginairement au Sud et en particulier à São Paulo, fer de lance de l’industrie et de la modernité, vers lequel le centre économique du pays s’est progressivement déplacé. Le modernisme de São Paulo est également visé par ce régionalisme : au-delà de la rivalité notoire qui opposait Freyre à Mário de Andrade, figure centrale du modernisme, les régionalistes des années 1920 jugeaient le modernisme élitiste et trop proche des influences étrangères, dans la mesure où le désir d’affirmation nationale des modernistes s’accompagne aussi d’un esprit d’émulation des avant-gardes européennes. Contrairement à l’affirmation d’Alfredo Bosi qui l’inscrit dans la droite lignée de Freyre, Rachel de Queiroz est très admirative des modernistes et cherche à réconcilier modernisme et régionalisme.
26 Alfredo Bosi, História concisa da literatura brasileira [1970], São Paulo, Editora Cultrix, 1994, p. 396 : “nostalgia do bom tempo antigo”. Je traduis.
27 Émission “Roda Viva” avec Rachel de Queiroz, diffusée sur la TV Cultura le 1er juillet 1991. Transcription disponible dans les archives de l’émission, numérisées par la FAPESP. URL : http://www.rodaviva.fapesp.br/materia/407/entrevistados/rachel_de_queiroz_1991.htm. Dernier accès le 1er avril 2019.
28 Son premier roman, O Quinze (1930) (traduit en français par L’année de la grande sécheresse puis La Terre de grand soif), inaugure, en effet, le cycle du régionalisme des années 30, en racontant l’histoire des populations forcées à l’exode par la sécheresse et parquées dans des camps de concentration à Fortaleza, la capitale du Ceará ; ses romans ultérieurs s’éloignent des thématiques régionalistes, avec des intrigues réalistes, qui ne se limitent pas aux frontières géographiques du sertão et dressent le portrait complexe d’une nation et d’une région en pleine modernisation.
29 Márcia Cavendish Wanderley parle d’un essor de la “métafiction historiographique”, selon les termes de Linda Hutcheon, parmi les écrivaines en particulier et place Rachel de Queiroz aux côtés d’Ana Miranda, Maria José de Queiroz, Esther Regina Largman, Rita Ribeiro, Heloísa Maranhão et Maria Lucia Garcia Pallares (Cavendish Wanderley, Márcia, Mulheres : Prosa De Ficção No Brasil, 1964-2010, Rio De Janeiro, Ibis Libris/FAPERJ, 2011, p. 56). Un article de Sandra Reimão souligne le succès des romans historiques dans les années 1990-2000, qui ne se limitent pas aux ouvrages écrits par des femmes, avec des best-sellers d’inspiration historique publiés par José Roberto Torero, Jorge Amado et Jô Soares (Reimão, Sandra, “Os best-sellers de ficção no Brasil – 1990/2000”, in Jorge, Carlos J. F. (éd.) et Zurbach, Christine. (éd.). Estudos Literários/ Estudos Culturais, vol. 1 (2001), p. 1-15. L’article a été mis en ligne sur le site du centre de recherches “Livro e outras midias” de l’Université de São Paulo, avec une pagination différente. URL : http://livroseoutrasmidias.org/papers/os-best-sellers-de-ficcao-no-brasil.pdf).
30 “As três Rachéis”, art. cit., p. 24.
31 Reimão, Sandra, art. cit., p. 14.
32 Goyet, Florence, art. cit.
33 Queiroz, Rachel de, in Buarque de Hollanda, Heloísa “O éthos Rachel”, art. cit., p. 114.
34 Adjectif qui désigne ce qui se rattache au sertão.
35 Rachel de Queiroz écrit les poèmes l’année de la parution du premier numéro de la Revista de Antropofagia où est publié le “Manifesto antropofágico” [Manifeste anthropophage] d’Oswald de Andrade, l’une des principales figures du modernisme : composé de 51 aphorismes, ce manifeste est une revendication d’autonomie de la littérature brésilienne qui veut s’affranchir du modèle lusitain et européen, en opposant au mythe du bon sauvage le modèle de l’anthropophage, qui dévore littéralement et symboliquement le colonisateur.
36 Queiroz, Rachel de, “Aos Novos do Sul”, Mandacaru, Rio de Janeiro, IMS, 2010, p. 64. Les poèmes, écrits en 1928, n’ont été publiés qu’à titre posthume.
37 Ibid., p. 63.
38 Ibid., p. 48.
39 Le type de l’indien donne naissance au courant indianiste, dont l’auteur cearense José de Alencar, de la même famille que Rachel de Queiroz, est le plus grand représentant avec ses romans O Guarani (1857) et Iracema (1865). , décrit de façon idéalisée par le même auteur dans O Sertanejo (1875).
40 Mérian, Jean-Yves, “La construction d’un imaginaire sur le sertão : le roman réaliste du Nord (1890-1905)”, in Olivieri-Godet, Rita et Wrege-Rassier, Luciana (éd.), João Guimarães Rosa : mémoire et imaginaire du sertão-monde, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 222.
41 Muniz de Albuquerque Jr., Durval, op. cit., p. 54.
42 Il est d’ailleurs l’un des aïeux de Rachel de Queiroz.
43 Concession de terres accordée par la couronne portugaise.
44 Le personnage rêve d’ailleurs de rivaliser avec un autre bastion du pouvoir au Nordeste, dont l’organisation est elle aussi médiévale, la Casa da Torre d’Ávila.
45 Cette union est représentée à la fin du roman par la relation entre Ceci, la fille de Dom Antônio de Mariz, et l’indien Peri.
46 Les cangaceiros sont des bandits de grand chemin dans le Nordeste. Ils font partie du cangaço, une forme de banditisme social qui émerge au Brésil dès le XVIIIe siècle et se développe à la fin du XIXe et début du XXe. Il prend fin dans les années 1930 quand Getúlio Vargas fait arrêter, exécuter et décapiter le cangaceiro Lampião et sa bande.
47 Buarque de Hollanda, Heloísa et Queiroz, Rachel de, “Matriarcas do Ceará : D. Fideralina de Lavra”, Papéis Avulsos, n° 24, Rio de Janeiro, Coordenação Interdisciplinar de Estudos Culturais (CIEC/ECO/UFRJ), 1990. URL : www.heloisabuarquedehollanda.com.br/ ?p =667. Dernier accès le 30 mars 2019.
48 On en trouve la trace dans Macunaíma (1928) de Mário de Andrade, grand roman sur le mélange culturel et ethnique qui constitue la nation brésilienne. Dans ce roman que l’auteur qualifiait de rhapsodie, à la manière de l’Iliade ou de l’Odyssée, Macunaíma est l’amant de la reine Ci mère-de-la-forêt, souveraine des Icamiabas, un peuple d’indiennes guerrières, qui ont été assimilées aux Amazones.
49 Queiroz, Rachel de, Carnet de notes pour Memorial de Maria Moura, s/l, s/d, Arquivo IEB – USP, Acervo Rachel de Queiroz, caisse n° 1 (non catalogué, consulté le 1er septembre 2016).
50 Voir à ce sujet : Matos Vilalva, Walnice Aparecida, “A problemática da condição jagunça em Memorial de Maria Moura”, Polifonia, vol. 17, n° 22, 2010, p. 75-85. URL : http://periodicoscientificos.ufmt.br/ojs/index.php/polifonia/article/view/17. Dernier accès 30 mars 2019.
51 Voir, par exemple, l’article de Martins, Wilson, “Rachel de Queiroz em perspectiva”, in Cadernos da literatura brasileira, op. cit., p. 69-86.
52 À ce sujet voir l’article très éclairant de Schpun, Mônica Raísa, “Lé com lé, cré com cré ? Fronteiras móveis e imutáveis em Memorial de Maria Moura”, in Chiappini, Lígia et Bresciani, Maria Stella (éd.), Literatura e cultura no Brasil : identidade e fronteiras, São Paulo, Cortez Editora, 2002, p. 177-186.
53 Plus largement, aussi, sur sa place exceptionnelle dans le panthéon des lettres nationales, qui la distingue de celle de ses consœurs : si Rachel de Queiroz a réussi à se frayer un chemin dans le champ littéraire brésilien des années 1930 et qu’elle intègre le canon, tel n’est pas forcément le cas d’autres écrivaines de la même période. À ce sujet, voir Manera, Giulia, Femmes écrivains et représentation du féminin dans le “romance de 30” au Brésil, thèse de doctorat sous la direction de Muzart Fonseca, Idelette et Rios Pinheiros Passos, Cleusa, co-tutelle Université Paris Nanterre/Universidade de São Paulo, 2016.
54 Queiroz, Maria Isaura de, Os Cangaceiros, São Paulo, Livraria Duas Cidades, 1977, p. 213.
55 França Bastos, Raísa, “Sur les pas de Raymond Cantel : de l’Europe carolingienne au Brésil contemporain”, Escritural, n° 10, juin 2018. URL : http://www.mshs.univ-poitiers.fr/crla/contenidos/ESCRITURAL/ESCRITURAL10/ESCRITURAL_10_SITIO/PAGES/11_Bastos.html#a10. Dernier accès le 10 avril 2019.
56 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 363.
57 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 381.
58 Queiroz, Maria Isaura de, op. cit., p. 37.
59 França Bastos, Raísa, art. cit.
60 Pour plus de précisions sur la transmission de la légende carolingienne voir ibid.
61 Queiroz, Maria Isaura de, op. cit., p. 37.
62 Nogueira Galvão, Walnice, As Formas do Falso: um estudo sobre a ambiguidade no Grande Sertão: Veredas, São Paulo, Editora Perspectiva, 1972, p. 12.
63 “As três Rachéis”, art. cit., p. 24.
64 L’histoire date du XIVe siècle et est amplement diffusée en Europe ; elle est particulièrement populaire dans le cordel. Pierre de Provence s’enfuit avec la belle Maguelonne, dont il est amoureux. Pendant leur fuite, les amants sont séparés et vivent de nombreuses péripéties avant de se retrouver et se marier.
65 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura [1992], Rio de Janeiro, Editora José Olympio, 2005, 17e édition, p. 191.
66 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, trad. Cécile Tricoire [1995], Paris, Métailié, 2003, p. 202.
67 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 316.
68 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 332.
69 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 315.
70 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 331.
71 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 280.
72 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 295.
73 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 315.
74 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 331.
75 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 315.
76 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 331.
77 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 291 : “Cau era Karl, Rana, Hanna, Vico, Viktor, Joseph, Zefe. E Franco Franz” (Maria Moura, op. cit., p. 306 : “Cau c’était Karl ; Rana, Hanna ; Vico, Viktor ; Zefe, Joseph. Et Franco, Franz”).
78 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 317.
79 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 333.
80 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit.., p. 317.
81 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 333.
82 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 290.
83 Ibid., p. 191 ; Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 202.
84 Dans le Nordeste, le beato est une figure de dévotion populaire. II s’agit d’hommes ou femmes qui, sans disposer d’un sacerdoce, prêchent dans le sertão, en mélangeant souvent le christianisme à des croyances et des superstitions populaires et en faisant parfois des prophéties. Ils vivent de la charité des croyants.
85 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 385.
86 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 403.
87 En 1893, un groupe de sertanejos organise une communauté armée dont le chef est le beato Antonio Mendes Maciel, dit Antônio Conselheiro, qui s’oppose à la République par fidélité à l’Empire. Inquiet de la croissance de cette communauté, le gouvernement envoie l’armée qui, après plusieurs expéditions infructueuses, décime Canudos en 1897. Os Sertões [Hautes-Terres], la fresque de Euclides da Cunha, à mi-chemin entre le reportage et la littérature, prend pour objet cette bataille dont il a témoigné en tant que correspondant de guerre.
88 Queiroz, Rachel de, Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 492.
89 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 516.
90 Queiroz, Rachel de, Maria Moura, op. cit., p. 260 ; Memorial de Maria Moura, op. cit., p. 248.
91 Goyet, Florence, art. cit.
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Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Julie Brugier
Université Paris Nanterre
Ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Lyon et agrégée de lettres modernes, Julie Brugier est doctorante en littérature comparée à l’Université Paris Nanterre. Elle prépare une thèse au sein du Centre de recherches en littérature et poétique comparées, sous la direction de Camille Dumoulié, intitulée : “Communauté et marginalité dans l’œuvre romanesque de Maryse Condé, William Faulkner et Rachel de Queiroz”. Les liens entre la communauté et les récits de fondation épique sont l’un des aspects de ce travail de recherche, ayant donné lieu à deux articles : “Maria Moura : de l’ambivalence d’une héroïne épique brésilienne”, Revista Épicas, vol. 1, n° 1, août 2017 [https://docs.wixstatic.com/ugd/ccf9af_35538715fc2843dfb38ca8eeabc18174.pdf] ; “‘L’épique erratique et trouble’ : William Faulkner et Rachel de Queiroz, migrations de l’épique dans le Sud des Etats-Unis et le Nord-Est du Brésil”, Actes du 41e Congrès de la Société Française de Littérature Générale et Comparée (à paraître).