Epopée, Recueil Ouvert : Section 2. L'épopée, problèmes de définition I - Traits et caractéristiques

Raúl Marrero-Fente

Origines d’une étiologie cubaine dans Espejo de paciencia (1608) de Silvestre de Balboa

Résumé

Cet article examine la construction d’une étiologie ou fable des origines par Silvestre de Balboa dans Espejo de paciencia (1608). Tout en reprenant les topoi de la mythologie classique, Balboa attribue à la nature cubaine une nouvelle valeur symbolique qui nous permet de percevoir le paysage depuis un point de vue insulaire, marquant la différence avec le paysage européen.

Abstract

“Origins of a cuban etiology in Espejo de paciencia (1608) by Silvestre de Balboa”
This paper considers the construction of an etiology, or fable of the origins, by Silvestre de Balboa in Espejo de paciencia (1608). From the use of classical mythology, Balboa attributes to the Cuban nature a new symbolic value that let us see the landscape from a native insular point of view, marking the difference with the European landscape.
 

Texte intégral

Ce texte est la traduction d’un article de la Revista Épicas, revue du Centro Internacional e Multidisciplinar de Estudos Épicos (CIMEEP, Brésil), associé de longue date du Projet Épopée (voir ici-même les présentations par sa directrice, Christina Ramalho, dans Le Recueil ouvert [En ligne], volumes 2018 et 2019.
Traduction du brésilien, finalisée et annotée à partir d’une base DeepL par Aude Plagnard, maîtresse de conférence à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 et Camille Thermes, Université Grenoble Alpes, UMR 5316, Litt&Arts

  • 1 [N.d.É. Article paru sous le titre “Orígenes de una etiologia cubana en Esp...

Introduction1

  • 2 Sur le poème de Silvestre de Balboa, voir les études référencées en bibliog...

1Espejo de paciencia de Silvestre de Balboa (Gran Canaria, 1563, Cuba - 1649 ?) est un poème écrit en 1608 pour commémorer l’enlèvement et la libération de l’évêque de Cuba fray Juan de las Cabezas Altamirano, le 29 avril 1604, près du village de Bayamo à Cuba2. Le poème comporte deux chants. Le premier raconte l’enlèvement de l’évêque Cabeza par des pirates français et sa captivité. Il se termine par la libération de l’évêque après le paiement d’une rançon importante. Mais alors même qu’ils ont payé la rançon, les habitants préparent secrètement une embuscade et viennent à bout des pirates. Dans ce combat, un esclave africain, Salvador Golomón, tue le chef, Gilberto Girón, et pour cette raison, dans le poème, Silvestre de Balboa demande son émancipation. Cette scène est la première représentation littéraire d’un esclave africain dans la littérature cubaine.

  • 3 Société savante fondée à la fin du XVIIIe siècle à Cuba, sur le modèle de l...

  • 4 Sur les caractéristiques du genre de la poésie épique coloniale en Amérique...

2Ce poème est la première œuvre connue de la littérature cubaine. Après avoir été perdu pendant deux siècles, il a été redécouvert en 1836 par le critique littéraire José Antonio Echevarría dans la bibliothèque de la Sociedad de Amigos del País3 à La Havane. La première édition complète a été publiée au XXe siècle. Dans cet article, j’examine la représentation de la nature cubaine dans le poème de Balboa, et l’appropriation par le poète du genre bucolique pour créer une étiologie du monde cubain qui renouvelle les modèles de la poésie épique coloniale hispano-américaine4.

I. Sous le signe de l’Amérique : une corne d’abondance tropicale

3La dernière section du chant I de l’Espejo de paciencia raconte comment des êtres mythologiques offrent une corne d’abondance tropicale à l’évêque Cabezas Altamirano. Le genre bucolique sert de cadre à l’épisode, constitué de huitains. Contrairement aux modèles de Garcilaso de la Vega, Alonso de Ercilla, Gabriel Lobo Lasso et Pedro de Oña, cette scène typique de la tradition bucolique ne comporte pas d’éléments de la lyrique amoureuse car le personnage principal est un membre de l’autorité religieuse, mais les topoi de la description de la nature sont repris.

  • 5 Garcilaso de la Vega (1501 ? - 1536), est un poète majeur du Siècle d’Or es...

  • 6 [N.d. É : Nous ne traduisons pas les termes qui relèvent du vocabulaire amé...

4La scène commence par un locus amoenus (Curtius, p. 207) à travers plusieurs motifs : celui des “herbes vertes, et de fleurs émaillées”(Baboa, p. 110) de tradition garcilasienne5 (Balboa, p. 110), celui de la montagne habitée par diverses espèces d’êtres mythologiques, celui de l’accueil des silènes, satyres, faunes et sylvains qui font la première offrande, et celui de la corne d’abondance (tropicale ici, on va le voir). Puis les nymphes sortent et font leur offrande mêlant animaux, plantes, fleurs, fruits et légumes : perroquets, fleurs de café, maïs, tabac, mameyes6, ananas, figues de barbarie, avocats, bananes, mamones et tomates. Les hamadryades et quatre dryades apparaissent et présentent une offrande de fruits, de plantes, de fleurs et d’arbres : siguas, macaguas, pitajayas, birijí et jaguas. Elles sont suivies par les naïades, et leur don de fruits de la mer : jiguagua, dajao, lisa, crevettes, biajacas et guabinas. Viennent ensuite les éphédryades,et les limoniades qui donnent les jicoteas de Masabo ; puis vient l’acclamation des centaures et des sagittaires ; enfin, les oréades offrent les iguanes, les canards et les jutías. La section se termine par un moment musical, l’un des traits du genre bucolique.

5Bien que Balboa suive les conventions du locus amoenus, il n’y a pas de liste d’arbres, comme dans les poèmes de Lobo Lasso et d’Oña. Mais il mentionne des divinités associées aux arbres, aux fontaines, aux étangs, aux montagnes, aux jungles et aux forêts, offrant une nouvelle interprétation du motif de la forêt amoenus (voir Osuna, p. 377-407 ; Oña, p. 187). Pour la critique Lola González, le poème de Balboa s’écarte de la tradition épique du Nouveau Monde car, contrairement à d’autres modèles, notamment celui d’Ercilla dans La Araucana, il montre une prédilection pour la nature américaine (González, p. 13), alors que dans la tradition bucolique virgilienne, les poètes préfèrent la description de la nature dictée par les canons classiques, même s’ils sont actualisés à la Renaissance. Lola González souligne également la particularité de Balboa de représenter la nature au sein d’un bucolisme pastoral, bien qu’il suive le “canon descriptif de l’époque” (González, p. 16). Parmi les allusions à la nature, González met en avant celles de nature thématique, et signale les influences bien connues de Garcilaso, Barahona et Cairasco. Mais elle précise que, malgré le respect des conventions du sujet, Balboa introduit une note réaliste dans ces descriptions de la nature. González réfute ainsi la thèse de José María Chacón y Calvo, depuis laquelle on le considérait comme un poème où il était peu question de la nature insulaire.

6Pour González, le traitement de la nature chez Balboa peut être considéré comme la création d’une “nouvelle jungle mixte”, dans le style de celles recueillies par la rhétorique médiévale, qui apporte une nouveauté extraordinaire à l’épopée coloniale, et constitue l’originalité majeure du poème de Balboa :

L’image du paysage dans Espejo de paciencia fait appel à plusieurs sens : la vue (couleurs des fleurs et des fruits), l’odorat (odeurs des fleurs et des fruits), et l’ouïe (chant des nymphes et musique des faunes). Cette description de la nature constitue un renouvellement du sujet dans la poésie épique coloniale : contrairement à Ercilla, Lobo Lasso et Oña, le paysage décrit par Balboa insère des fleurs, des plantes, des fruits, des arbres, et des animaux de la nature insulaire. C’est un paysage réaliste en raison de cette description de la nature, et en même temps, c’est un paysage merveilleux en raison de la présence d’êtres mythologiques. Ce paysage mixte est une nouveauté de Balboa, absente de la Primera parte de las Elegías de varones ilustres de Indias, de Juan de Castellanos (Madrid 1589), car ce dernier sépare la corne d’abondance tropicale et les êtres mythologiques en deux chants différents. On peut noter également que c’est un locus amoenus incultus car il s’agit d’une nature sauvage qui n’a pas été modifiée par l’agriculture et qui représente le thème de la richesse des tropiques, par le biais du symbole de la corne d’abondance (González, p. 19).

7Contrairement au chant XVII de La Araucana, qui introduit la scène merveilleuse par le biais du rêve du poète, dans l’œuvre de Balboa l’évêque apparaît de lui-même, sans l’aide d’aucune ressource surnaturelle. Balboa emploie l’anticipation adjectivale du nom : “las verdes yerbas y esmaltadas flores”, faisant allusion aux vers de La Araucana (Ercilla, p. 510) et aux épithètes bien connues des églogues garcilasiennes et du bucolisme pétrarquien (Lerner, p. 206). L’arrivée de l’évêque est similaire à celle de Hernán Cortés dans le chant XI de Mexicana de Lobo Lasso de la Vega, par le fait qu’elle reprend l’action interrompue à la fin du chant précédent :

el ancho prado, verde y florecido,
de diversos matices esmaltado,
con apacible Céfiro enviaba,
que suave a toda parte respiraba.
(Lobo, p. 313)

La grande prairie, verte et fleurie,
aux teintes variées et émaillées,
avec douceur le Zéphyr envoyait,
qui adoucit partout où il respire.

On le retrouve également dans le Arauco domado de Pedro de Oña :

En todo tiempo el rico y fértil prado
está de yerva y flores guarnescido,
las cuales muestran siempre su vestido.
(Oña, p. 191)

À chaque instant, la prairie riche et fertile
est ornée d’herbes et de fleurs
qui montrent toujours leur robe.
Comme le souligne Avalle-Ar
ce,

La naturaleza descrita no corresponde a la circunstancia real del poeta, a su Chile natal, sino que viene directamente de la tradición literaria. En el Arauco domado los cánones poéticos desplazan la realidad física...Los prados que transitan araucanos y españoles son de neto garcilasismo, poetizados de espaldas a la realidad física, con la tradición literaria obsesivamente ante los ojos. (Avalle-Arce, p. 73)

La nature décrite ne correspond pas au contexte réel auquel le poète se rapporte, son Chili natal, mais provient directement de la tradition littéraire. Dans l’Arauco domado, les canons poétiques déplacent la réalité physique… Les prairies que traversent les Araucaniens et les Espagnols sont clairement garcilasiennes, poétisées loin de la réalité physique et obsessionnellement rattachées à la tradition littéraire poétisées par une écriture tournant le dos à la réalité physique et gardant obsessionnellement la tradition littéraire sous les yeux.

La strophe de Balboa fait allusion aux “propriétés magiques que possèdent certains éléments de la nature” (Vega, p. 473)et aux effets thérapeutiques du paysage agréable (Vega, p. 473). L’animisme relevé par Rafael Lapesa est présent chez Balboa, qui utilise un “estilo enumerativo” (Lara, p. 246) (“style énumératif”)pour donner à la flore et à la faune locales une nouvelle importance poétique, un peu comme dans la poésie de Barahona de Soto, où “la cornucopia enmarcada en un bodegón poético de frutas y animales”(Lara, p. 251) organise une “cortejo frutal.”(Lara, p. 258) (“la corne d’abondance encadrée dans une nature morte poétique de fruits et d’animaux" organise une “procession fruitée”) à la tête de laquelle se trouvent des silènes, des satyres, des faunes et des sylvains. Les êtres mythologiques de Balboa rappellent le Quatrième Chant de l’Élégie I de la Primera parte de las Elegías de varones ilustres de Indias de Juan de Castellanos, lorsque les Espagnols décrivent les premiers Indiens d’Amérique dans les îles Lucayan. Castellanos compare les habitants des Amériques aux êtres de la mythologie classique ; Balboa ne mentionne pas les Indiens, et ne montre comme habitants de la campagne cubaine que des êtres mythologiques.

8La scène bucolique de Balboa n’est pas un ornement : l’évêque en fait partie, il y est intégré et les personnages mythologiques lui adressent les présents de la terre. Là encore, on peut dire que « les termes énumérés dessinent les dimensions réelles du paysage et font allusion à une géographie, sinon réelle, du moins cohérente avec le jeu entre fiction et monde réel » (Roses, p. 286) qui lui-même suit Garcilaso dans Elegía I, vv. 169 : “Satyres, faunes, nymphes, dont la vie/se déroule sans colère » (Vega p. 100) et Égloga 2, vv. 1157 : “sátiros y silvanos soltá todos.” (Vega, p. 194). Motif imité par Juan de Castellanos : “Oui ce sont des styres, des sylvains,/et elles ce sont des nymphes d’Aristeo/Ou ce sont les faunes lascifs et lubriques ;” (Castellanos, p. 34), répété dans Lobo Lasso : “Satyres faunes, nymphes champêtres” (Lobo, p. 132) et dans Pedro de Oña : “poursuivies par des satyres et des faunes” (Oña, p. 192), mais dans ceux-ci il n’y a aucune interaction entre le personnage principal et les personnages mythologiques. Dans le poème de Balboa, la scène peut être considérée comme une allégorie de la subordination des symboles païens au christianisme et un exemple de bucolisme chrétien. La scène fait allusion au modèle classique des Métamorphoses, 1. 193-194 : “Je règne sur les demi-dieux, les divinités des champs, Nymphes, Faunes, Satyres et Sylvains habitants des montagnes”. Balboa inclut également les sylvains, qui dans la mythologie classique étaient des divinités des champs et des forêts, protectrices des récoltes (Horace, Epodos 2.22). Les satyres et les nymphes sont les dieux dits mineurs et étaient mortels, contrairement aux dieux de l’Olympe qui étaient immortels (Ruiz de Elvira, p. 94). Comme le souligne Vicente Cristóbal, les divinités sauvages sont les patrons du genre bucolique (Cristóbal, p. 87-104.) Le poème de Balboa appartient au genre pastoral, mais le nombre de nymphes et leur ordre dans le poème sont différents. Et, bien qu’il existe de nombreux textes poétiques que Balboa a pu imiter, nous ne sommes pas certains qu’il les connaissaient, à l’exception du poème de Juan de Castellanos, avec lequel il partage une similarité textuelle évidente. Dans le poème de Balboa, la scène peut être considérée comme une allégorie de la subordination des symboles païens au christianisme, constituant ainsi un exemple de bucolisme chrétien.

9La scène de l’accueil de l’évêque combine deux passages du poème de Castellanos : la référence à des êtres mythologiques dans l’Elegía II et la scène de l’énumération des fruits tropicaux dans l’Elegía XIV. Castellanos modifie le locus classique de l’endroit agréable en y incorporant la nature américaine, à travers la scène de la corne d’abondance tropicale qui présente une énumération de la flore et de la faune de l’île de Margarita :

Ay muchos higos, uvas, y melones,
Dignísimos de ver mesas de reyes,
Pitahayas, guanábanas, anones,
Guayabas, y guaraes, y mameyes :
Hay chica, cotuprises, y mamones,
Piñas, curibijuris, caracueyes,
Con otros muchos mas que se desechan
E indios naturales aprovechan.
(Castellanos, p. 294)

Il y a beaucoup de figues, de raisins et de melons,
Dignes de voir les tables des rois,
Des pitahayas, des guanábanas, des anones,
Des goyaves, desguaraes et mameyes :
Il y a des chicas, des cotuprises, et des mamones,
Des ananas, des curibijuris, des caracueyes,
Et bien d’autres encore qui sont en surabondance
Et dont les Indiens bénéficient.

Le premier vers commence par la référence à trois fruits (figues, raisins, melons), conformément aux préceptes classiques des modèles de paysages idylliques de la poésie bucolique. Ce trope est rapidement remplacé par l’incorporation d’une douzaine de fruits américains (pitahayas, guanábanas, anones, goyaves, guaraes, mameyes, chica, cotuprises, mamones, ananas, curibijures, caracueyes) sous forme de catalogue, ou d’échantillon de la richesse du lieu.

10L’influence des classiques latins chez Balboa est médiatisée par la contaminatio des modèles de Garcilaso, Barahona, Sannazaro et Castellanos entre autres. Cette dette s’exprime à travers des clichés bucoliques structurés qui assemblent l’épisode de l’évêque et des êtres mythologiques, “enchâssés dans une présentation du paysage, mis en valeur jusqu’à constituer un locus amoenus”, situé “dans un cadre familier au poète”. (Cristóbal, p. 96) Balboa suit également le renouvellement de Barahona qui consiste à “nous présenter des nymphes qui chantent et non des bergers”, à l’imitation de l’Égloga III de Garcilaso (Cristóbal, p. 96) et présente des centaures qui “deux par deux chantent seuls ;” (Balboa, p. 113). Balboa introduit ainsi “le motif du pouvoir magique de la musique sur la nature” de Virgile Égloga 8.1-5 et de Garcilaso Égloga 1.4-6 (Cristóbal, p. 97).

11Balboa, comme Garcilaso, relie le paysage à la tradition classique et à la mythologie mais il donne une nouvelle dimension à la description de la nature lorsqu’il ajoute la flore et la faune des tropiques. De cette façon, la rencontre de l’évêque et des êtres mythologiques prend un nouveau sens grâce à la conjonction de la richesse des éléments de la tradition classique et du référent concret américain. Balboa donne un nouveau répertoire du motif de la corne d’abondance, incorporant une nouvelle liste d’espèces végétales, ainsi que des fruits et des animaux, chacun d’entre eux étant lié à des caractéristiques sensorielles (couleur, odeur, goût, toucher), actualisant le thème classique. Nous sommes en présence d’un catalogue arboricole de plantes, légumes et animaux endémiques de l’Amérique. Balboa utilise la mythologie et la profusion verbale pour décrire la nature située dans un “petit coin géographique réduit” près des champs de Yara (Fernandez, p. 231). Il existe également chez Balboa “une poétique de l’intensification”, dont l’objectif est de parvenir à la “recréation d’une nature prodigue et sensorielle” (Fernandez, p. 231) exprimée comme une “accumulation” dans laquelle la tradition bucolique se décline selon la variété des arbres, des plantes et des fruits, ainsi que les fables mythologiques que symbolisent les personnages des nymphes et des faunes. Chez Balboa, l’insistance sur les caractéristiques physiques de la nature prédomine à travers les “nuances visuelles” de la corne d’abondance à fonction descriptive et picturale. (Fernandez, p. 235). L’ “instrumentalisation de la nature” est l’axe central de la composition de Balboa, car les éléments naturels servent de base à l’argumentatio de l’offrande tropicale faite par les êtres mythologiques. De cette façon, Balboa concentre l’attention du passage sur la distribution des fruits, déplaçant l’importance des êtres mythologiques, qui apparaissent silencieux. Il est nécessaire de préciser que l’offrande de la corne d’abondance sert d’allégorie réparatrice. Au-delà des clés d’interprétation politique, Balboa modifie également le sujet car il inclut des éléments descriptifs locaux en plus des éléments mythologiques classiques. Il crée ainsi une nouvelle étiologie à partir de la nature américaine, renouvelant le symbolisme originel de la mythologie classique. Cette nouvelle étiologie ne provient pas de la mythologie classique ou du symbolisme végétal car la liste des arbres et des plantes tropicales qui apparaît dans l’Espejo de paciencia n’existe pas en Europe. Balboa instrumentalise la nature cubaine avec le langage de la poésie épique à partir d’un vérisme qui trace ou imite la réalité. De cette façon, le poète donne corps à une étiologie, dans laquelle la nature acquiert un rôle fondamental dans la définition de ce qui est compris comme cubain. Nous sommes devant une construction poétique qui prend racine dans son environnement géographique.

II. La poésie épique à la lumière des chroniques des Indes 

  • 7 [N. d. É. En linguistique, signifie : un mot qui donne une indication sur l...

12Les clés d’interprétation de la nature américaine n’apparaissent pas dans la mythologie classique mais chez les chroniqueurs des Indes, fondateurs du discours sur le merveilleux américain. Cette idée du lien entre le poème de Balboa et les textes des chroniques des Indes a été suggérée par Lola González, notamment avec le Sumario de la Natural Historia de las Indias de Gonzalo Fernández de Oviedo (González, p. 19). Dans les textes des chroniques des Indes, notamment chez Anglería, Las Casas, Fernández de Oviedo et Gómara, nous trouvons les récits de la nouvelle mythologie américaine. L’imitation garcilasienne, support de la structure générale du passage, apparaît contaminée par l’imitation du poème de Juan de Castellanos, modèle épique immédiat de Balboa, qui élève la nature américaine à la catégorie de mythe universel similaire aux modèles classiques. Parmi les éléments novateurs de Balboa figurent l’incorporation des nymphes et des faunes dans la corne d’abondance tropicale et la représentation de cette dernière (qui implique subordination et travail), ainsi que la flore et la faune dans toute leur variété sensorielle. Ces segments descriptifs imposent une vision réaliste du paysage, exprimée par des éléments locatifs7 ayant une référence concrète, et déplaçant ainsi la conventionnalité du paysage bucolique des modèles virgilien et garcilasien.

  • 8 “[le] paysage bucolique comme fond ou cadre s’accroît […] jusqu’à fonder sa...

13Comme le souligne Juan Montero, entre 1560 et 1580, la publication d’églogues profanes et religieuses a augmenté, “puisque le traitement religieux du genre a gagné un terrain considérable dans ces années-là et jusqu’à la fin du siècle.” (Montero, p. 201). La description de la nature dans le poème de Balboa s’inscrit également dans cette tendance religieuse du genre bucolique, mise en évidence par Antonio Prieto, dans laquelle “[el] paisaje bucólico en cuanto fondo o marco se acrecienta ... hasta fundamentar su novedad...con una percepción sensorial de la naturaleza que enfatiza sus dones en la misma sonoridad del vocablo que los designa.”8 (Prieto, p. 699). Ce passage est le plus célèbre du poème en raison de la richesse des descriptions et du mélange des mondes classique et insulaire, qui mettent en évidence la nouveauté de la culture américaine. La complexité des modèles relevés ne doit pas être comprise comme une série de connexions superficielles, mais comme le résultat de la tendance inclusive de l’épopée, qui cherche à représenter une vision encyclopédique de la culture qui la produit. (Beissinger, Tylus et Wofford, p. 2) Ce caractère inclusif apparaît à travers l’utilisation de diverses ressources issues de la tradition littéraire européenne, qui coexistent avec la culture locale, exprimée à travers une mythologie et une nature hétérogènes. C’est cette tendance qui permet à la poésie épique d’établir des liens entre différentes cultures. Ainsi, dans le poème de Balboa, l’hétérogénéité culturelle est l’un des modes d’échange entre la culture européenne et la culture locale.

14Le passage commence par la mention de trois fruits : guanábanas, jijiras et caimitos, imitant les préceptes classiques du paysage dans la poésie bucolique :

Unos le llaman padre, y otros hijo ;
y alegres, de rodillas, con sus manos
le ofrecen frutas con graciosos ritos,
guanábanas, gegiras y caimitos.
Vinieron de los pastos las napeas,
y al hombro trae cada una un pisitaco,
y entre cada tres de ellas dos bateas
de flores olorosas de navaco.
(...)
Bajaron de los árboles en naguas
las bellas amadríades hermosas,
con frutas de siguapas y macaguas
y muchas pitajayas olorosas.
De virijí cargadas y de jaguas
salieron de los bosques cuatro diosas,
Dríades de valor y fundamento,
que dieron al Pastor grande contento.
(...)
Luego de los estanques del contorno
vienen las lumníades tan hermosas,
que casi en el donaire y rico adorno
quisieron parecer celestes diosas ;
y por regaladísimo soborno
le traen al buen obispo, entre otras cosas,
de aquellas hicoteas de Masabo
que no las tengo y siempre las alabo.
(Balboa, pp. 110-113)

Certains l’appellent père, d’autres fils ;
et joyeusement, à genoux, de leurs mains
en des cérémonies gracieuses, ils lui offrent des fruits :
guanábanas, gegiras et caimitos.
Les nymphes sont venues des pâturages,
(et) sur leurs épaules, chacune porte un pisitaco,
et entre chaque groupes de trois, deux radeaux
de fleurs odorantes de navaco.
(...)
Elles sont descendues des arbres en naguas,
les belles hamadryades,
avec des fruits de siguapas et macaguas,
et de nombreuses pitajayas parfumées.
De virijí et de jaguas chargées,
sont sorties des forêts quatre déesses,
Dryades sages et courageuses
qui ont donné au Berger une grande joie.
(…)
Puis des bassins environnants
Les lumniades arrivent, si belles,
Que, dans leur grâce et leur riche parure,
Elles sembleraient des déesses célestes.
Et en guise de cadeau très généreux
elles apportent au bon évêque, parmi tant d’autres choses,
de ces hicoteas de Masabo
que je n’ai pas et que je loue toujours.

La nouveauté ici est qu’il s’agit de fleurs et de fruits américains, incorporés sous la forme d’un catalogue ou d’un échantillon de la richesse du lieu. La nature américaine fait irruption dans le poème, à travers la ressource de la corne d’abondance tropicale. Ce motif a été modifié par Balboa à partir de son expérience de vie à Cuba. Le résultat est une scène qui imite les modèles classiques et de la Renaissance avec la marque différenciatrice d’un double registre : d’une part, il y a une lecture cultivée savante qui privilégie la valeur sonore du vers sur sa valeur signifiante (Lara, p. 247), suivant la tradition de la poésie épique classique – cette primauté pour “l’exotisme sonore” (Lara, p. 249) associe dans l’énumération les lexiques indigène et castillan – et d’autre part, il y a une lecture sensorielle, d’un lecteur qui reconnaît la réalité américaine décrite dans le poème. En somme, Balboa se situe comme un observateur et un traducteur privilégié, capable d’utiliser les codes culturels européens et de les accorder à la réalité américaine. Cette expérience singulière d’un Espagnol vivant en Amérique est saisie dans les vers qui décrivent la corne d’abondance tropicale, motif inséré dans la pastorale qui encadre les scènes bucoliques de la rencontre de l’évêque avec les êtres mythologiques.

15Conformément aux modèles d’imitation poétique, Balboa utilise le vocabulaire local pour décrire la faune et la flore abondantes de la nature américaine. La présente de cette dernière s’inscrit dans une tradition modèle. La présence de la flore et de la faune insulaires dans le poème s’inscrit dans une tradition modèle qui cherche à renouveler la description du paysage idéal à partir du genre de l’églogue bucolique classique de Théocrite et de Virgile, transformé par l’églogue de la Renaissance de Garcilaso. Parmi les changements les plus significatifs figurent l’utilisation de lexiques américains et les descriptions cumulatives qui, par leur réitération, cherchent à insister sur l’abondance et la richesse des terres américaines. En d’autres termes, Balboa crée une image différente du paysage, calquée sur les normes du genre de l’églogue bucolique classique et de la Renaissance, où la faune, la flore et les fruits tropicaux prennent corps de façon très concrète.Les éléments locaux du paysage dans le poème de Balboa sont organisés au moyen d’un lexique indigéniste imprégné de la poésie classique et de la Renaissance de la poésie classique et de la Renaissance, et donnent lieu à une étiologie, c’est-à-dire à une fable fondatrice. Cette étiologie américaine, calquée sur le motif de la corne d’abondance tropicale de l’imitation des Métamorphoses d’Ovide et de la poésie de Garcilaso, a pour fonction de construire un récit fondateur sur les lieux géographiques importants, les arbres, les fleurs et les fruits américains. Cela explique la relation entre les étiologies et la description du paysage, et d’une manière particulière, celles-ci soulèvent la question de l’interprétation de ce paysage(Wofford, p. 242). La transformation des conventions rhétoriques de la description du paysage dans les vers que nous commentons est la principale innovation de Balboa. L’auteur réussit à présenter au lecteur un paysage différent de celui de la tradition littéraire européenne, une tâche qu’il accomplit notamment grâce à l’utilisation d’un lexique indigène pour nommer les fruits. Selon Michael Woods, le motif de la corne d’abondance insiste sur la préciosité et la préférence pour le détail de la description, au moyen de trois ressources (Woods, p. 99-102). D’abord, il y a l’idée que le poète s’intéresse réellement au sujet. Ensuite, la nécessité de procéder à des énumérations amplificatrices pour démontrer l’abondance et la richesse de la nature est ce qui amène l’emploi de descriptions cumulatives. C’est pourquoi Balboa inclut les strophes de la corne d’abondance avec un échantillonnage de fruits, de légumes et d’animaux aux délicieuses connotations gastronomiques. Ce catalogue, ainsi que l’inventaire des arbres et des plantes insulaires, sur le modèle de la tradition ovidienne, donnent une vision territorialisée, car ils sont associés au monde américain tel que représenté dans le poème, et présentés comme des produits endémiques de la zone géographique décrite. Cette vision territorialisée révèle la relation étroite du poète avec la nature américaine, et constitue une marque importante de différenciation des descriptions du paysage par Balboa. Troisièmement, la préciosité des descriptions permet de focaliser l’attention sur les détails, et leur capacité à étonner. C’est la réalisation la plus importante du renouvellement du motif classique de la corne d’abondance tropicale dans le poème. Balboa révèle une nouvelle sensibilité poétique envers le paysage et la nature américaine dans laquelle, malgré les conventions venues des modèles d’imitation poétique (Théocrite, Ovide, Virgile, Garcilaso, Camões, Ercilla, Castellanos), l’auteur privilégie l’utilisation d’un lexique indigène comme ressource pour mettre en évidence la différence entre les éléments locatifs américains et européens. Balboa décrit poétiquement le paysage, les fleurs, la faune, les fruits et d’autres aspects de la nature américaine comme une nouvelle réalité, littérairement représentée comme une merveille car elle n’a pas d’équivalent dans la réalité européenne. En ce sens, l’œuvre de Balboa s’inscrit dans la tradition des chroniques de la conquête de l’Amérique qui présentent le Nouveau Monde comme une merveille.

16En suivant les modèles de l’imitation poétique, Balboa préfère utiliser le vocabulaire de la faune et de la flore insulaires afin de prendre de la distance avec ses modèles européens et de trouver un nouvel espace poétique à partir duquel la voix poétique parvient à se différencier de ses prédécesseurs. À la première lecture, cette imitation peut apparaître comme une continuation de la tradition poétique du genre bucolique. Mais une lecture plus attentive nous permet de voir qu’il y a aussi une recherche de différenciation de la subjectivité poétique. Autrement dit, la présence de la faune et de la flore insulaires dans le poème s’inscrit dans une tradition qui cherche à renouveler la description du paysage bucolique idéal par l’inclusion d’éléments de la nature américaine. En ce sens, Balboa se fait l’héritier du bucolisme européen, qui a une forte valeur symbolique. Cependant il est nécessaire de préciser que le symbolisme du poème de Balboa ne peut être pleinement compris depuis la perspective européenne de l’époque, car il n’existe pas dans la tradition des modèles épiques un champ de référence qui inclut ces nouveaux scénarios américains et le vocabulaire nécessaire pour les définir. Parmi les changements les plus significatifs, on peut noter, entre autres, la multiplication des descriptions de fruits tropicaux. Ainsi, Balboa parvient, malgré l’exotisme et l’étrangeté de sa description, à présenter une vision d’un paysage poétique conforme aux normes du genre de l’églogue où la faune, la flore et les fruits tropicaux atteignent une visualisation presque corporelle. Les référents locaux du paysage dans le poème de Balboa sont organisés autour des champs de Yara, mais dans le passage de l’offrande à l’évêque Cabezas, nous trouvons également des allusions à d’autres régions de l’île. L’aspect le plus significatif de la modification de Balboa est que le plan de la réalité décrite dépasse, dans sa richesse, les contours des modèles littéraires européens. Il est nécessaire d’insister sur le fait que l’une des fonctions des étiologies dans les poèmes épiques est de relater l’origine de lieux géographiques, d’arbres, de fleurs et de fruits importants. Dans ce sens, Susanne Wofford souligne que les étiologies ont à voir avec la description du paysage dans le poème, elles soulèvent la question de savoir comment ce paysage doit être interprété (Wofford, p. 242). Dans le poème de Balboa, la nature américaine apparaît comme un élément prédominant face aux conventions littéraires. Cette innovation passe par l’évocation de la flore et de la faune tropicales, qui se manifestent par une nature hétérogène à double sens. D’abord parce qu’elles sont autochtones, ensuite en raison de la langue qui désigne cette flore et cette faune, elle-même composée de mots spécifiquement américains.

17Cette énumération extensive des fruits et des animaux a également pour fonction de souligner l’authenticité des faits relatés dans le poème. Il s’agit d’un procédé typique de la poésie de l’époque, qui a atteint son développement maximal au XVIIe siècle. Selon Michael Woods, le motif de la corne d’abondance se caractérise par sa préciosité et sa description détaillée, à partir de deux moments (Woods, p. 100). D’abord, en donnant l’impression que le poète est captivé par son sujet. Cela explique l’accent mis par Balboa sur l’émotion, personnifiée par l’accueil des satyres, nymphes, faunes et hommages sylvestres à l’évêque. Balboa présente ces êtres mythologiques dans une intimité avec l’évêque Cabezas Altamirano qui oscille entre des sentiments de dévotion chrétienne et une atmosphère païenne, avec des scènes d’adoration qui incluent l’offrande de produits autochtones Ensuite, la nécessité de procéder à des énumérations plus étendues pour démontrer la richesse de la nature donne lieu à de multiples descriptions. Ainsi, nous voyons la scène de la corne d’abondance dans le poème de Balboa qui montre en succession rapide une liste de fruits, de légumes et d’animaux aux délicieuses connotations gastronomiques : guanábanas, caimitos, mameyes, ananas, avocats, bananes, mamones, tomates, dajao, mulet, crevettes, biajacas, guabinas, jicoteas, iguanes, canards et hutias. La préciosité des descriptions nous permet de concentrer notre attention sur les détails et leur capacité à étonner. La plus grande valeur du recours à la corne d’abondance chez Balboa est sa capacité à représenter le nouveau avec le connu, dans un mélange qui implique nécessairement une prise de conscience de la différence entre la nature européenne et la nature américaine, depuis le point de vue de l’Amérique. Cette position de la voix poétique révèle une sensibilité envers le paysage et la nature insulaires dans laquelle, malgré les conventions des modèles d’imitation poétique, Balboa maintient la séparation des éléments américains et européens, qui apparaissent ensemble, mais sans se confondre. La scène des Hamadryades en naguas est particulièrement remarquable ici : l’image poétique est créée par une superposition de deux réalités opposées, et où la présence du vocabulaire indigène sert de signe de différence entre l’américain et l’ibérique. Cette superposition est réalisée au moyen de la comparaison avec les hamadryades, qui vise à mettre en évidence les éléments différenciant les deux réalités. D’une part, les hamadryades rappellent la tradition poétique européenne, tandis que les fleurs et les fruits américains, nommés au moyen d’un vocabulaire indigène, représentent la réalité américaine :

Bajaron de los árboles en naguas
las bellas amadríades hermosas,
con frutas de siguapas y macaguas
y muchas pitajayas olorosas
.

Elles sont descendues des arbres en naguas,
les belles hamadryades
avec des fruits de siguapas et macaguas,
et de nombreuses pitajayas parfumées.

Conclusion

  • 9 “habiller les nymphes de ‘naguas’, en plus de privilégier l’Américain en le...

18Ce renouvellement du thème du paysage dans Balboa apparaît également dans l’imitation du motif du jardin édénique, qui a une longue histoire depuis l’Arcadie classique, transposition poétique d’un paradis terrestre comme lieu de bonheur et de vie sereine. La description de la nature insulaire comme un jardin édénique suit les conventions d’une source de repos et de satisfaction (Giamatti, p. 179). Contrairement aux jardins de la tradition littéraire classique (Virgile, Enéide, VI ; Bucoliques, III) et de la Renaissance (Arioste, Orlando furioso, X ; Camões, Os Lusíadas, IX), Balboa introduit une innovation importante, car “vestir a las ninfas con ‘naguas’, aparte de privilegiar lo americano al colocarlo como signo junto a lo culto y a lo clásico, ‘cubaniza’ a las ninfas, las hace tangibles y las coloca del lado americano”9 (Goergen, p. 78). Dans l’imitation de Balboa, le jardin est emblématique d’une valorisation éthique suivant le précepte horatien des admonitions et les préceptes de l’épopée chrétienne du Tasse. L’inclusion de figures mythologiques dans le cadre américain est un dispositif adopté par Balboa pour se conformer aux normes du genre ; mais il met en évidence le conflit causé par l’appropriation de la machinerie mythologique, suivant les préceptes du Tasse cherchant à subordonner la machinerie mythologique païenne aux besoins de l’épopée chrétienne.

Notes

1 [N.d.É. Article paru sous le titre “Orígenes de una etiologia cubana en Espejo de paciencia (1608) de Silvestre de Balboa”, dans : Revista Épicas. Ano 5, N. 9, Jun 2021, p. XXX. ISSN 2527-080-X.. Une version anglaise de ce travail a été publiée dans "Classical Epyllion and Tropical Cornucopia in Silvestre de Balboa’s Espejo de paciencia". L’essor de la poésie hispano-américaine (1500-1700). Eds. Rodrigo Cacho et Imogen Choi. Oxford : Legenda, 2019. 239-252.]

2 Sur le poème de Silvestre de Balboa, voir les études référencées en bibliographies de Saínz, Goergen, Marrero-Fente, et Cruz-Taura.

3 Société savante fondée à la fin du XVIIIe siècle à Cuba, sur le modèle de la société espagnole du même nom (1765).

4 Sur les caractéristiques du genre de la poésie épique coloniale en Amérique espagnole, voir Marrero-Fente (2017).

5 Garcilaso de la Vega (1501 ? - 1536), est un poète majeur du Siècle d’Or espagnol. Imitateur de Virgile, il est perçu comme le premier héritier castillan de la littérature bucolique antique.

6 [N.d. É : Nous ne traduisons pas les termes qui relèvent du vocabulaire amérindien. L’article insiste sur la vision insulaire du poème, volontairement détachée d’une vision européenne. Les termes ne sont donc pas traduits en espagnol dans la version originale, et désignent la plupart du temps des végétaux et des animaux endémiques ou particulièrement présents en Amérique Centrale. Par exemple, le “jijira” est le fruit du jacquier, le “mamey” désigne le fruit aussi appelé “abricot des Antilles”, les “mamones” sont les fruits de quenettier, proches du litchi et très présents en Amérique Centrale, les “jutías” sont des petits rongeurs endémiques des caraïbes, etc.]

7 [N. d. É. En linguistique, signifie : un mot qui donne une indication sur le lieu.]

8 “[le] paysage bucolique comme fond ou cadre s’accroît […] jusqu’à fonder sa nouveauté […] sur une perception sensorielle de la nature qui souligne ses dons dans la sonorité même du mot qui les désigne.”

9 “habiller les nymphes de ‘naguas’, en plus de privilégier l’Américain en le plaçant comme signe à côté du cultivé et du classique, ‘cubanise’ les nymphes, les rend concrètes et les place du côté américain.”

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Pour citer ce document

Raúl Marrero-Fente, «Origines d’une étiologie cubaine dans Espejo de paciencia (1608) de Silvestre de Balboa», Le Recueil Ouvert [En ligne], mis à jour le : 09/11/2023, URL : http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble-alpes.fr/revues/projet-epopee/353-origines-d-une-etiologie-cubaine-dans-espejo-de-paciencia-1608-de-silvestre-de-balboa

Quelques mots à propos de :  Raúl  Marrero-Fente

Raúl Marrero-Fente University of Minnesota/CIMEEP, docteur en littératures hispaniques de l’Université du Massachusetts (1997), est professeur de littérature et de droit hispaniques à l’Uuniversité du Minnesota, États-Unis.