Epopée, Recueil Ouvert : Section 2. L'épopée, problèmes de définition I - Traits et caractéristiques

Monire Akbarpouran

Le Destan de Köroğlu : permanences et mutations d’une tradition épique à travers le thème de la rébellion

Résumé

Descendance et transmission du pouvoir sont au cœur de la tradition épique turque. L’analyse contrastée de deux textes essentiels va nous permettre de voir que l’épopée peut être véritable vecteur de changement social. À travers Koroğlu la tradition orale turque fournit en effet un véritable “travail épique”, qui permet au public de visualiser les enjeux de la crise sociale et politique profonde où se trouve la communauté et de proposer finalement une solution politique nouvelle, en opposition radicale avec ce qui est décrit dans le Livre de Dede Korkut, plus ancien de trois ou quatre siècles.

Abstract

English title: The Epic of Köroğlu: Continuities and Transformations of an Epic Tradition through the Theme of Rebellion
Descent and the transmission of power are at the heart of the Turkish epic tradition. The contrasting analysis of two essential texts will allow us to see that the epic can be a true vector of social change. Through Koroğlu, the Turkish oral tradition indeed provides a true "epic work" that allows the audience to visualize the stakes of the deep social and political crisis in which the community finds itself and ultimately propose a new political solution, in radical opposition to what is described in the Book of Dede Korkut, which is three or four centuries older.

Texte intégral

Introduction

  • 1 Louis Bazin et Altan Gokalp, Le Livre de Dede Korkut. Récit de la geste ogh...

On n’a pas un fils en recueillant celui d’un étranger : devenu grand, il vous lâche et s’en va, sans un mot de reconnaissance1.

1Le thème de l’infertilité est l’un des thèmes clés de la littérature orale turque et fonctionne comme un élément problématique dans la tradition épique. Dans cette tradition composée d’une dizaine d’épopées, la plupart des héros épiques vivent, d’une manière ou l’autre, l’angoisse de ne pas avoir un bon descendant et, par conséquent, la relation père-fils joue un rôle souvent décisif dans l’organisation de l’intrigue.

  • 2 Görogli, Emir Görogli, Koroğlu, .کوروغلو

  • 3 À l’instar de Florence Goyet, par “travail épique” nous entendons une “conf...

2S’inscrit dans cette perspective la curieuse transgression du cycle épique Koroğlu2 qui procure une nouvelle solution à l’ancien problème de l’infertilité : il permet à son héros éponyme d’adopter un garçon ; il chérit cette relation au point de préférer le fils adoptif au fils biologique du héros. C’est un phénomène sans précédent et une transgression radicale par rapport au passé – tradition bien exemplifiée par une épopée plus ancienne, le Livre de Dede Korkut, mise par écrit trois à quatre siècles avant Koroğlu, dans les mêmes territoires. Il ne s’agit pas d’une évolution anodine, mais d’un changement social radical derrière lequel se profile un travail épique3. Aussi, établir une comparaison entre les deux cycles épiques, fruits de deux époques différentes nous permet-il de percevoir les permanences et les mutations du genre épique chez les Oghuz.

3Après une courte présentation de la tradition épique où s’inscrivent ces deux cycles, nous entreprendrons l’examen comparatif du thème de l’infertilité et l’adoption. Nous nous attarderons ensuite sur les crises sociales auxquelles notre corpus épique cherche à apporter une solution. Nous expliquerons dans cette étape comment d’autres transgressions rejoignent celle de l’adoption pour faire de l’épopée Koroğlu un éloge de la rébellion bien à l’encontre de sa prédécesseuse qui prônait la soumission.

I. Les Oghuz et leur tradition épique

  • 4 Elle se composait de 22 tribus au XIe siècle. Atalay, 1998, p. 55-58. La ma...

4Oghouze ou Oghuz est le nom d’une très grande confédération tribale4 qui appartenait à la grande famille des peuples turcs. Les Oghuz vivaient au nord de la mer Aral. Au cours des X-XIIe siècles, ils ont migré vers le sud et l’ouest ; et après s’être convertis à l’islam, ils ont fondé des États, des empires, puis des nations. Les Qarakhanides (840-1212), les Ghaznévides (962 -1187), les Saldjûqide (1037-194), les Qara Qoyunlu (1375 à 1468), les Aq Qoyunlu (1378-1508), les Séfévides (1501-1736), les Ottomans (1299-1922), les Afsharides (1736 -1749) et les Kadjars (1786-1925) sont les dynasties les plus importantes créées par ces migrants dans de nouveaux territoires.

A. Le goût des récitations et le voyage d’une épopée

  • 5 L’“oghuznamé” est un genre narratif consacré à l’histoire mythique et épiqu...

  • 6 Non seulement Le Livre des Rois de Ferdowsi est commandité par le roi ghazn...

5D’après les témoignages historiques, les Oghouzes appréciaient vivement la tradition de récitation orale : ils avaient des oghuznamé ; ils adoraient écouter le récit d’Abu Muslim5. Ils encourageaient également la tradition du Shahname persan6. Le Livre de Dede Korkut s’inscrit très clairement dans la tradition des oguznamé, aussi bien que dans l’esprit des Turcomans (dénomination qui a remplacé celle d’oghuz dans le processus d’islamisation) qui ont été intéressés par la notion de la guerre sainte contre les Byzantins et les Géorgiens en Anatolie.

  • 7 Irène Mélikoff, De l’épopée au mythe : Itinéraire turcologique, Istanbul, I...

  • 8 Il y a les légendes associées au personnage de Dede Korkut chez les Kazakhs...

6Le manuscrit le plus ancien qui nous est parvenu de cette œuvre date du XVe siècle et a probablement été recopié à Tabriz, en Iran7. Bien que les éléments culturels en fassent un héritage commun aux Turcs oghuz, voire à tous les peuples turcs, les noms propres de lieux qui le balisent couvrent l’Anatolie orientale, l’Azerbaïdjan, l’Asie Centrale et le Turkestan8. Cette cartographie illustre bien les grandes migrations des Turcomans oghuz de l’est vers l’ouest, jusqu’en Anatolie, en Syrie, etc.

  • 9 Ilgar Alikulu kasumov, “Genesis of epos “Koroglu””, Вопросы крымскотатарско...

  • 10 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, “ Koroğlu (Paris nüsxəsi)”, Baku, Şərq-...

  • 11 Sur cette traduction voir Lise Sabourin, “George Sand, Œuvres complètes, 1...

7Quant au cycle épique Koroğlu, lui aussi s’ancre dans la tradition orale turque et présente de nombreuses affinités avec les autres destan turcs9. Contrairement au Livre de Dede Korkut qui ne fait plus partie du répertoire, Koroğlu est toujours récité. Son manuscrit le plus ancien, connu sous le nom du manuscrit de Paris, date de 1832 : un diplomate polonais, A. Chodzk, l’a consigné à Tabriz à partir de la récitation d’un ashiq (le récitant turc)10. Fascinée par la version anglaise, George Sand le traduit en français en 1843 ; mais la réception par le public français est un échec11.

  • 12 Pour une perspective sur la structure commune des versions appartenante au...

  • 13 Dursun Yildirim, “Köroğlu Destanı’nın Orta Asya Rivayetleri”, Köroğlu Semi...

8Comme c’était le cas pour le Livre de Dede Korkut, faute de preuves écrites, les estimations sur la date de création de Koroğlu sont controversées : des éléments tout à fait archaïques côtoient des éléments plutôt récents, dans une harmonie propre aux ouvrages créés et transmis au sein de la tradition orale. Les discussions sur la date de création de Koroğlu s’intègrent dans les débats autour de l’originalité et de l’antériorité de diverses versions. En effet, Koroğlu transcende clairement l’aire Oghuz et les innombrables versions de ces divers récits se regroupent en deux variantes principales : variante occidentale et variante orientale12. En 1983, Dursun Yildirim et Fikret Türkmen ont établi l’idée de regroupement des versions en deux grandes familles et en 1997, Ali Berat Alptekin détermine la mer caspienne comme la frontière géographique entre les aires culturelles où ces deux variantes se sont développées13.

B. Koroğlu : flottement entre les versions et les genres

  • 14 İsa Özkan, “Köroğlu Destanı’nda Kahraman ve Atının Doğuşu ile İlgili Motif...

  • 15 Metin Ekici, “Anadolu sahasi Köroğlu kollarinin isim ve tasnif meselesi”, ...

9Le destan de Koroğlu comporte 366 ou 700 “récits” (kol ou qol – littéralement, “bras”). Les ashiq Azerbaijanais ont recours au nombre sacré de 777 pour parler de leur abondance14. Pourtant les études comparées ont montré qu’il s’agit d’un nombre beaucoup plus limité de récits : il s’agit souvent soit d’une présentation en plusieurs fragments à la suite de transformations passées – fragments considérés comme des récits autonomes dans certaines régions –, soit d’une ramification : certains récits en engendrant d’autres par la voie de divisions et de recompositions15.

  • 16 Les versions provenues de l’Azerbaijan iranienne (nord-ouest) sont considé...

  • 17 Les versions ouzbeks comportent deux groupes bien distincts : à Khwarezm, ...

10La variante occidentale se compose des versions azerbaidjanaise (iranienne), géorgienne, arménienne, anatolienne, caucasienne et d’autres versions provenant d’Irak, de la Bulgarie et de Crimée tandis que la variante orientale comporte les versions ouïgoure, kazakh, kirghiz16, ouzbek, turkmène, tadjik et afghane17. Les spécialistes de l’épopée turque ont beaucoup discuté la question de l’antériorité de chacune de ces variantes. En 1931, Pertev Naili Boratav considère les versions ouzbek ou turkmène comme les originales et établit l’idée que quelques faits et personnages historiques se sont ajouté aux récits originaux apportés lors des migrations des Turcs de l’Asie centrale :

  • 18 Pertev Naili Boratav, Köroğlu Destanı, Istanbul, Adam, 1984[1931], p.139 (...

Ce récit s’est, ultérieurement, enrichi en Anatolie et Azerbaijan, surtout [grâce] aux conflits turco-iraniens. D’autre part, les conflits de même nature, (les combats Kızılbaş-Türkmen, Ouzbek) ont enrichi la version turkmène (et la versions ouzbek)18.

  • 19 Faruk Sümer, Türk Cumhuriyetlerini Meydana Getiren Eller ve Türk Destanlar...

  • 20 Respectivement dans Faruk Sümer, Safevi devletinin kuruluşu ve gelişmesind...

11Dans les années qui suivent, Faruk Sümer et Ilhan Başgoz et Judith M Wilks19 donnent beaucoup plus de poids à ces faits historiques. Selon l’historien Faruk Sümer, les Kizilbash (les Turcomans de tendances chiites) d’Anatolie ont emporté le destan de Koroğlu – créé à partir du XVIIe siècle en Anatolie – en Iran et à travers l’Iran, puis il s’est propagé chez les Turkmènes. Sümer montre également que certains récits de Koroğlu se sont formés autour du personnage de Shah Abbas I, le roi séfévide (Iran et Azerbaïdjan)20.

  • 21 Dursun Yıldırım, Türk Bitiği, Ankara, Akçağ, 1998, p. 278-279; Metin Ekici...

  • 22 Pour une liste des éléments mythiques dans la version turkmène voir Handan...

  • 23 Judith M Wilks, 2001, op. cit., p. 312 ; Agaverdi Khalil, “Oğuz Türklerind...

12Aujourd’hui, beaucoup de spécialistes comme Dursun Yildirim ou Mehmet Ekici sont convaincus de voir dans les deux variantes les métamorphoses d’une tradition plus ancienne ayant voyagé avec les migrants de l’est vers l’ouest21. Ce qui renforce cette théorie, c’est l’existence de thèmes archaïques, l’abondance des mythes et des références au mysticisme soufi dans la variante orientale22, tandis que la variante occidentale s’avère plus historique et plus sécularisée. Wilks considère l’augmentation du nombre des éléments surnaturels dans les versions orientales, postérieures aux versions occidentales selon elle, comme “un signe de la désintégration de la texture héroïque-épique du destan et le début de sa transformation en un roman folklorique”. Khalil Agaverdi, le chercheur azerbaïdjanais, reconnaît une évolution du mythe à l’épopée, mieux accomplie dans les versions occidentales, alors que certains turcologues comme Ismet Çetin qualifient les mêmes éléments de traces d’une époque mythiques, antérieure à la folklorisation du destan en ouest et dans une perspective qui apprécie le réalisme23.

13D’ailleurs, ces changements thématiques sont parallèles à des changements d’ordre formel. Dans les versions occidentales, la proportion des parties en prose semble être beaucoup plus élevée, ce qui fait que Karl Reichl a du mal à les accepter comme épiques : “la forme prédominante est prosimétrique, et il y a une prédilection pour l’amour et les romans d’aventure. Le héros principal de leurs romans d’aventures est Koroğlu24”. En ce qui concerne Boratav, la diversité des versions l’emmènent à hésiter entre les deux genres de la littérature orale turque hikaye et destan. Il faut admettre avec Judith M Wilks qu’une tradition héroïque aussi répandue et multiforme que Koroğlu ne s’est jamais vraiment intégrée dans une seule catégorie, et que pour l’étudier il faut avoir recours à des “formules plus flexibles25”. Dans le cadre de cette étude, nous le considérerons comme épique, du fait qu’elle accomplit un “travail épique26”.

II. L’adoption, une transgression fondamentale

  • 27 Naciye Yildiz, “Türk destanlarinda" çocuksuzluk"”, dans Milli Folklor, ann...

  • 28 Dans les versions occidentales, aucune des versions que j’ai lues ne s’att...

14L’infertilité est l’un des thèmes clés des épopées et des récits folkloriques turcs : le héros qui n’a pas de fils se sent extrêmement fragile et humilié et finit par solliciter les éléments surnaturels afin d’en avoir un27. Les grands héros se distinguent déjà par une naissance où le surnaturel intervient. La naissance de Koroğlu dans les variantes orientales28 en est un exemple ; il naît de la tombe de sa mère morte. Pourtant, l’infertilité de Koroğlu, lui-même ne connaît pas le même dénoument : il n’a pas d’autre choix que d’adopter ; et cependant dans Le Livre de Dede Korkut, l’adoption s’avère comme la plus grande des erreurs. Comment interpréter cette transgression ?

A. Le héros turc et son descendant mâle

  • 29 Louis Bazin et Altan Gokalp, op. cit., p.61-64.

  • 30 Rezan Karakaş, “Dede Korkut Hikâyelerinde “Tutsaklıktan Kurtarma Motifi” v...

  • 31 Pour plus d’informations voir Monire Akbarpouran, 2014, op. cit.

15Le Livre de Dede Korkut offre plusieurs types de récits où les héros éprouvent la souffrance de ne pas avoir un descendant mâle. Dans le premier récit, le Khan qui n’a aucun enfant est gravement humilié par sa communauté : on lui fait comprendre qu’on va le maudire, puisque Dieu l’a ainsi maudit. Il accuse et menace sa femme et celle-ci lui donne un conseil traditionnel qui se rencontre également dans le récit de la naissance de Koroğlu dans la version d’Ashiq Ali Kerimi : il organise une cérémonie, et donne à manger aux assistants. Eux, prient Dieu de lui donner un fils. Le vœu se réalise, un fils, Eyvaz, lui naît29. Mais cette angoisse ne touche pas à sa fin avec la naissance de l’enfant ; il faut veiller à ce qu’il ait une série de vertus nécessaires pour succéder à son père. Le Livre de Dede Korkut reprend ce motif sous divers schémas : le fils est accusé de révolte contre son père ou de viol contre les coutumes ancestrales, le père et le fils s’affrontent, ils ne se reconnaissent pas. Par la suite cependant, le père se bat pour libérer son fils captif, puis c’est le fils qui se bat pour libérer son père, captif à son tour30 ; le fils accomplit un fait héroïque et s’affirme, le père organise le mariage de son fils31.

  • 32 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p.115-128 ; Hümmet Elizade, “...

  • 33 Pour le thème de la captivité dans les versions anatoliennes voir Mehmet A...

  • 34 Halil İbrahim Şahin, Türkmen Destanları ve Destancılık Geleneği, Universit...

  • 35 Arap Reyhan, p.274, p.360.

16Les motifs communs à ces deux cycles épiques sont nombreux. Comme c’est le cas pour les pères et les fils dans le Livre de Dede Korkut, Koroğlu et Eyvaz se libèrent l’un et l’autre de la captivité des ennemis. Dans la version azerbaidjanaise – pour ne pas nous limiter à un exemple des versions occidentale –, le kol d’Alep met en scène la captivité d’Eyvaz en Alep (en Syrie) et les peines que Koroğlu se donne pour le libérer32. Parallèlement, dans un autre kol, Eyvaz est le seul des hommes de Koroğlu qui se sente vraiment responsable et l’aide quand celui-ci est assiégé dans une église en Anatolie ottomane33. Dans la version Turkmène, il existe un kol intitulé “libération d’Övez34” et dans le kol qui s’appèle “Reyhan l’arabe”, c’est Övez [Eyvaz] qui libère le héros. Dans cet épisode, un autre motif cher au Livre de Dede Korkut se présente : c’est au père d’apprendre à son fils à combattre et Görogli [Koroğlu] n’a pas assumé son devoir. Il le fait alors qu’il a les mains encore attachées, quand Övez le retrouve en captivité. Même le thème de la jalousie des braves du père et leur complot contre son fils y trouvent son équivalent35.

17L’existence de tous ces épisodes dans Koroğlu appuie notre théorie de voir dans Koroğlu une nouvelle configuration des éléments traditionnels de la manière d’accueillir la nouveauté : on adopte un fils, et même on tolère le fils révolté.

  • 36 Filiz Kirbaşoğlu, “Köroğlu’nun doğuşu varyantlarinda köroğlu ve kirat’in o...

  • 37 Metin Ekici, 2004, op. cit., p.170 et p.233 ; Hümmet Elizade, “Koroğlunun ...

  • 38 Dans le manuscrit de Paris, il est missionné par son père pour ramener de ...

  • 39 Halil İbrahim Şahin, op. cit., p. 335.

18Dans Koroğlu, le récit déclare clairement l’impuissance sexuelle du héros. Dans la version ouzbek, au début de sa carrière de guerrier, l’explication est différente : le père a rencontré Khizir, celui-ci lui aurait donné le choix entre avoir un garçon ou avoir un cheval extraordinaire et il aurait choisi le cheval36. Dans les versions kazakh et turkmène, des Kirklar (des figures de saints associées aux mysticismes turcs) lui apparaissent et lui donnent l’occasion de faire trois vœux. Il les consacre tous les trois à s’offrir une longue vie de guerrier invincible. Quand il se rappelle le fait qu’il n’a pas d’enfant et qu’il en a envie, il est déjà trop tard. Dans la variante occidentale, cependant, il a perdu sa puissance sexuelle à force de guerroyer sans arrêt pendant plusieurs jours37 ou à la suite de la malédiction jetée par son père ou un autre aîné38. De toute façon, la solution choisie, c’est d’adopter le fils d’un autre homme. Dans les deux variantes, il y des versions qui mettent en scène le rituel de l’adoption : la femme de Koroğlu/Görogli – Agayunus dans la version ouzbek et Nigar dans la version azerbaïdjanaise – font entrer Eyvaz par le col de leurs robes pour qu’il renaisse d’elles39.

  • 40 Louis Bazin et Altan Gokalp, op. cit., p.181-192 ; voir Monire Akbarpouran...

19La transformation entre les deux moments de la tradition est plus que claire. Dans le Livre de Dede Korkut l’adoption est la pire des erreurs. Non seulement le prologue du Livre le proscrit à l’aide d’un énoncé de type proverbial, mais un récit met en scène la catastrophe qu’elle cause : fruit du viol d’une fée par un berger, l’enfant adopté s’avère un monstre et se met à dévorer les gens de la tribu40. Dans Koroğlu, au contraire, Eyvaz devient véritablement son fils, son appui principal et son successeur. Que le récit mette en scène les difficultés au début ne fait que renforcer l’effet de la carrière héroïque et du statut de sauveur de son père, prêt à être un bon chef.

  • 41 Territoire de Köroğlu. D’autres versions : Şanbil, Çamlıbel, Çandıbil, Çam...

20De même, et là encore l’effet est puissant, la relation hiérarchique – extrêmement rigide – entre le père et le fils dans le Livre de Dede Korkut fait place dans Koroğlu à une solidarité colorée de forte affection : si Dirse khan dans Dede Korkut n’hésite pas à tuer son fils (accusé à tort par ses hommes de révolte), Koroğlu, lui, défend la cause d’Eyvaz contre ses braves, alors même que cette fois, il y a bien eu trahison. Cette scène existe dans la variante orientale aussi : Övez profite de la faiblesse et de la mauvaise santé de Koroğlu après une guerre sévère afin de le quitter et de se mettre au service de Yusuf shah, et il organise une expédition à Çamlıbel41. Koroğlu l’emporte. Mais son action suivante est très parlante dans le cadre que nous considérons : au lieu de le punir, il le reprend avec lui, et fait même de lui le chef de son armée. Ce qui se passe ici est essentiel : c’est un nouveau type d’union qui s’impose – une union politique puissamment renouvelée : rompant avec les unions tribales, on voit apparaître une union fondée sur les valeurs partagées et les buts communs.

B. L’union sacrée : l’enfant par le sperme et l’enfant par la voie

  • 42 Il s’agit de Ayvaz, Övez, Havazḫan, Avaz Han, Avazxan, Evez, Gavaz, Ivaz H...

21Fuzuli Bayat va dans notre sens quand il soutient que le personnage d’Eyvaz aurait eu comme prototype un personnage historique de très haut statut sociopolitique associé aux anciennes cérémonies des Oghuz42.

  • 43 Dans la version turkmène il s’appelle “Övez Öykelän”.

  • 44 voir Goyet, Penser sans concepts, op. cit., passim. Sur le rôle des versio...

22Eyvaz est bien en effet un héros essentiel, seulement dépassé par Koroğlu. Les deux variantes multiplient les kol où il s’affirme comme un héros à la hauteur de son père : le kol qui raconte comment Koroğlu le reprend auprès de lui et en fait le chef de ses hommes, le kol où il boude et quitte le camp de son père43, le kol où il est captif – et Koroğlu se hâte à son secours, le kol où lui se précipite pour libérer Koroğlu et celui qui raconte la fin de Koroğlu et affirme la succession. Les homologies dans de nombreuses versions redoublent le récit en y introduisant de subtiles modifications. Les diverses configurations narratives qui se concurrencent dans une tradition orale donnent au public l’occasion de choisir celles qui lui conviennent le mieux. Comme F. Goyet le souligne dans Penser sans concepts, la multiplication des récits joue un rôle fondamental et permet le “travail épique”. Les variations font jouer sous les yeux du public toutes les potentialités d’une situation, elles lui permettent de visualiser en profondeur les conséquences de chacun des choix opérés par les héros. L’épopée est le genre qui permet à une communauté de trouver des solutions politiques à des moments de crise tellement profonds que l’on ne sait littéralement plus que faire ni “à quel saint se vouer”. L’épopée met en scène chacune des possibilités qui s’offre à la communauté. Elle les suit à travers les récits – le récit principal et des récits secondaires qui peuvent être très longs – et elle montre toutes les conséquences de chacune des options politiques possibles. Goyet l’a montré à propos d’Agamamnon, Achille et Hector – dont les conduites opposées proposent chacun une façon de sortir de la crise ouverte par le chaos dans leur camp, et par l’épidémie. C’est l’un des rôles du parallèle, outil essentiel de l’épopée44.

  • 45 Hesenḫan, Hasan khan.

23La comparaison entre les récits autour du personnage d’Eyvaz dans les deux groupes de versions sera plus significative si nous observons surtout le parallélisme qui existe au sein d’un même groupe de récits et entre lui et l’autre fils : si dans les version orientales le récit le préfère à un autre fils qui n’est lui aussi qu’un fils adoptif – Er Hasan45 –, dans les variantes occidentales c’est malgré l’existence d’un fils biologique retrouvé, Hasan khan, que Eyvaz hérite de Çamlıbel.

  • 46 Halil İbrahim Şahin, op. cit., p.132.

  • 47 Reyhan Gökben Saluk, op. cit., p.46-47.

  • 48 Une version recueillie dans la ville de Qazax d’Azerbaijan : Hümmet Elizad...

  • 49 Esma Şimşek, “Çukurova Yöresi Sözlü Halk Kültüründe Köroğlu Hikâyeleri ve ...

24Dans la version turkmène, un vieux sage (ou un derviche) vient au camp de Görogli/ Koroğlu, lui donnant un avertissement puis un conseil : il lui rappelle que “l’homme qui n’a pas d’enfant ressemble à un arbre sans fruit”, et le renseigne sur l’existence d’un garçon, Övez, digne d’être le sien ; il disparaît par la suite46. Dans la variante ouïgoure, c’est le prophète mystique Khidir qui aide l’émir Görogli à trouver cet enfant et à le ramener dans son camp47 : il s’agit donc d’un choix sanctifié. En ce qui concerne la version occidentale, c’est le récitant de Koroğlu qui se charge de la tâche de trouver, pour son maitre, un fils digne de lui48. Dans une des versions anatolienne (version de Çukurova) c’est le motif du rêve sacré qui est mis en œuvre : Koroğlu rêve d’un jeune garçon qui le prend dans les bras et lui dit : “tu es mon père, je suis ton fils, tu me récupéreras”49. La comparaison des types qui s’engagent dans le choix d’Eyvaz atteste une sécularisation dans les versions occidentales, pourtant la différence la plus significative entre l’adoption d’Eyvaz dans les deux variantes ne réside pas là, mais dans le fait que les versions occidentales font de Hasan khan le fils biologique de Koroğlu dont il ignorait l’existence.

  • 50 Atekeh Rasmi et Sakineh Rasmi, “مقایسه نبرد پدر و پسر در داستان‌های رستم و...

25Ce récit est à comparer à celui de Rostam et Sohrâb dans les Livre des Rois de Ferdowsi : Comme Rostam, Koroğlu épouse une femme amoureuse de lui ; il reste un moment chez elle, puis la quitte pour rejoindre ses hommes tandis que la femme est enceinte. Les deux braves, père et fils, se rencontreront pour la première fois dans un combat singulier, où ils ne se reconnaissent pas. Le père qui l’emporte est sur le point de tuer le fils. Pourtant, contrairement à Rostam qui tue son fils, Koroğlu le relâche à la suite de l’intervention de Nigar, sa femme50, et Hasan khan rejoint alors le camp de son père. Autrement dit, au lieu de s’affirmer comme l’héritier et successeur de son père, il se contente du statut de simple chevalier. C’est donc au détriment de son fils biologique que Koroğlu chérit Ayvaz/Eyvaz et le choisit comme successeur.

  • 51 Mustafa Arslan, “Köroğlu Destanının Türkmen Benzer Metninde Genç Kahramanl...

  • 52 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p. 209.

26Un élément essentiel, à retenir dans l’analyse du parallélisme qui existe entre ces deux fils, c’est qu’Eyvaz s’avère souvent associé à l’idée d’une altérité : dans la version turkmène Er Hasan et Koroğlu sont turkmènes tandis qu’Eyvaz est d’une autre ethnie51. Dans les versions anatoliennes et azerbaïdjanaises, Eyvaz appartient soit à la tribu Tekké Turkmène (raison pour laquelle ce kol s’intitule l’expédition Turkmene (Turkmen seferi), soit à l’ethnie arménienne52.

27Cependant, dans les deux variantes, Ayvaz s’impose comme descendant sans la moindre rivalité avec son frère. D’où vient cette consistance et comment expliquer la passivité extrême de Hasan Khan ou Er Hasan devant la préférence hors pair du père pour Ayvaz/Eyvaz ? Ne serait-ce pas cette préférence confirmée et évidente qui se traduit par le fait que Hasan Khan est marginalisé — jusqu’à parfois sa suppression dans certaines configurations narratives ? Si l’on adopte l’hypothèse que la variante orientale serait une variante dont l’ancêtre a immigré vers l’ouest et a pris à la suite d’innombrables récitations orales la forme qui nous est parvenue, comment expliquer le remplacement de l’idée d’un fils adoptif marginalisé et décrit comme un monstre (dans Dede Korkut) par une narration où c’est le fils biologique qui est presque supprimé ?

  • 53 EIr, “Homosexuality III. in Persian Literature”, Encyclopædia Iranica, XII...

  • 54 S. Jabir Raza, “Mahmud's Ayaz in history”, dans Proceedings of the Indian ...

  • 55 Reyhan Gökben Saluk, op. cit., p.83. Ne pas confondre cet Ayaz avec Ayvaz ...

28Dans le manuscrit de Paris, le personnage d’Eyvaz oscille entre le fils de Koroğlu et le caractère du sãqî (ساقی – bien aimé). En effet, la littérature classique persane développe une conception particulière de l’amour qui conjugue l’image du bien-aimé – esclave et échanson – à l’image de l’amour mystique qui existe entre les sufis adultes et les jeunes initiés53. L’amour légendaire du Mahmoud, le roi ghaznavide, pour son esclave Ayaz incarne cette conception de l’amour54. Les références à cet amour abondent dans la littérature persane classique et certains turcologues associent le personnage d’Eyvaz à Ayaz55. Il est vrai qu’Eyvaz assure la fonction de saqi dans les festins de Koroğlu. Le manuscrit de Paris met un accent considérable sur la beauté d’Eyvaz, tandis que dans d’autres versions cette beauté est plutôt en équilibre avec les vertus guerrières : dans la version où c’est le récitant de Koroğlu qui découvre Eyvaz, il est déjà présenté comme un brave. Puisque le récitant ne cesse de réciter des poèmes en l’honneur de Koroğlu, les gens de Tekké Turkmène lui demandent de faire des louanges à leur propre brave qui est Eyvaz.

  • 56 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p.160. Dans le kol de l’enlèv...

  • 57 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p.127. Dans le contexte tradi...

29D’ailleurs, si le manuscrit de Paris met en scène Eyvaz en tant que saqi, le dénouement du récit témoigne d’un changement de statut : Eyvaz boude et quitte Çamlıbel à la suite du comportement irrespectueux de Nezer Jalali, un invité de Koroğlu, quand Eyvaz lui servait du vin. “Tu m’as adopté comme fils, c’est ainsi qu’on prend soin de son fils ?56” dit-il, avant de partir. C’est à la suite de ce conflit qu’il cherche un ennemi juré de Koroğlu et essaie de planifier avec lui un assaut contre Koroğlu : puisqu’il est l’appui principal de Koroğlu, s’il s’allie à son ennemi celui-ci succombera très facilement. Pourtant, Koroğlu l’emporte et pardonne à Eyvaz, qui s’est rendu à lui au milieu du combat. Du reste, quand Eyvaz sauve Koroğlu assiégé, Koroğlu confirme que celui-ci a assuré son devoir de fils : “tu m’a remboursé ce que tu avais mangé chez moi, maintenant, je réalise que je ne suis pas sans descendant57”.

  • 58 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p. 213.

  • 59 Il est maintenant évident que dans la traduction anglaise, Chodzko a appor...

30Malgré cela, les hésitations continuent : dans le kol connu sous le nom de “la fin de Koroğlu”, il affirme toujours avoir deux rêves non-réalisés : “je n’ai pas eu d’enfant et je n’ai pas fait le pèlerinage de la Mecque58”, alors même que, lors de son départ, il choisit Eyvaz comme son successeur et que le conseil le plus sérieux qu’il adresse à ses hommes est de prendre soin de lui ! Ainsi s’écartant de l’idée d’un aide sacré choisi par les éléments mythiques et mystiques, et s’éloignant de l’image de saqi, ce manuscrit donne à Eyvaz le rôle d’un bon guerrier et d’un successeur adéquat. Si malgré tous les problèmes qu’elle pose59 nous proposons d’attribuer à cette version la même valeur qu’aux versions consignées dans une époque plus récente, c’est que nous pouvons la considérer comme l’une des configurations narratives à travers lesquelles l’épopée pose le problème de la filiation et à une question beaucoup plus fondamentale : à qui faire confiance comme son aide et son compagnon véritable, dans un monde où les relations tribales ne sont plus fiables ?

  • 60 Irène Mélikoff, Hadji Bektach: un mythe et ses avatars: genèse et évolutio...

31La réflexion de l’épopée à travers la narration peut dans ce cas être rapprochée d’un élément historique, celui du contexte conflictuel qui a surgi après la mort de Haci Bektash Veli, grand saint soufi (XIVe siècle) né en Asie Centrale et mort en Anatolie : les kizilbash supposaient l’existence d’un fils biologique du saint qu’ils acceptaient comme son successeur. Un autre groupe (les bektashi), quant à lui, refusait l’idée d’une filiation charnelle, et affirmait que le saint ne pouvait pas avoir d’enfant biologique mais seulement un enfant spirituel60.

  • 61 Hüseyin Subhi Erdem, “Philosophical Background of Justice and Freedom Conc...

32Ainsi, le cycle de Koroğlu développe-t-il l’idée d’une adoption très heureuse sous deux configurations différentes : les variantes orientales l’inscrivent au sein d’une vision mythique et mystique ; les variantes occidentales recourent à d’autres notions comme le devoir “du pain et du sel”, l’engagement dans un groupe en dehors de relations tribales et, finalement la classe sociale. La loyauté et la compassion qui unissent Koroğlu et Eyvaz s’ancrent dans leur combat contre l’injustice, et la vengeance y règne comme une notion clé61.

III. L’éloge de la rebellion : une nouvelle conception de la justice et de l’héroïsme

  • 62 Brave révolté qui, un peu comme Robin des Bois quitte sa ville ou village ...

  • 63 Rüstem Rüstemzade, Köroğlu Neveleri, Bakou, Azerneshr, 1967.

  • 64 Sevtap Yazar, “Köroğlu Anlatmalari İle Kaçak Anlatmalari Üzerine Karşilaşt...

33Ce qui unit Koroğlu et son fils adoptif dans les variantes occidentales, c’est leur combat contre les seigneurs et les féodaux. Dans les variantes orientales, il y des destan au nom d’Eyvaz, au même titre qu’au nom de Koroğlu, tandis que les variantes occidentales mettent en scène une dizaine de braves révoltés – les qaçaq ou qoçaq62 – qui dans leurs révoltes se réfèrerent à Koroğlu et que le folkloriste azerbaijanais Rüstem Rüstemzade présente comme des descendants de Koroğlu63. C’est tout un culte du rebelle qui se met en œuvre64.

  • 65 Zalim, ظالم

  • 66 Hanlar et paşalar.

  • 67 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit.,p.24.

34Nous avons vu que dans le manuscrit de Paris, un marchand assume la fonction du vieux sage mystique dans l’adoption ou l’enlèvement d’Eyvaz. En effet, dans certaines versions occidentales, le type du marchand revêt une importance considérable. Ce motif s’associe au motif de la caravane qui se trouve, à son tour, au centre de l’idée de la carrière héroïque de Koroğlu : aux caravanes qui traversent Çamlıbel, son territoire, il fait payer une grande somme d’argent ou confisque une partie de leurs marchandises. C’est un révolté renommé, qui se vante toujours d’être l’assassin des injustes et des oppresseurs65, et de semer la terreur au sein de la classe dirigeante66. Une fois qu’il s’est dressé contre l’injustice et au nom de la vengeance, il obtient une épée et un cheval magiques et s’affirme comme le chef par excellence. Il rassemble 777 braves et fonde toute une communauté, une ville où vivent 8000 familles67 ! Cette communauté se définit par la rébellion, et les opprimés de la société s’y précipitent. Quel est le problème auquel le cycle épique apporte cette solution sans précédent ?

A. Les migrations et les tentatives du pouvoir

  • 68 Louis Bazin et Altan Gokalp, op. cit, p.229-237.

  • 69 Louis Bazin et Altan Gokalp, op. cit, p.66-67.

  • 70 Monire Akbarpouran, “Vers l’étude du “travail épique” dans le Livre de Ded...

35Dans le Livre de Dede Korkut, un récit se consacre à la rébellion d’une partie de la confédération tribale contre le khan suprême qui les a humiliés sans raison. Ici le jeune héros meurt en martyr sous la main des révoltés, et le récit se clôt sur la punition sévère des révoltés et leur soumission68. Dans le même livre, les hommes d’un brave accusent le jeune fils de leur maitre d’irrespect et de rébellion, et le père tente de le tuer sans aucune hésitation69. En admettant que le Livre de Dede Korkut mette les valeurs tribales des Turcomans nomades au service de l’empire ottoman70, pourrait-on aller jusqu’à dire que Koroğlu occidental encourage ces mêmes couches populaires à se révolter contre les chefs d’origine turcomane pour s’unir avec d’autres couches populaires ?

  • 71 Dursun Yıldırım,1998, op. cit., p. 278-279.

  • 72 Fuzuli Bayat, “Köroglu’nun kurtarıcı kahraman tipinden adaleti koruyan kah...

36Dursun Yildirim soutient l’idée que les deux groupes de versions se sont formées au XVIe siècle71 et Fuzuli Bayat établit qu’il s’agissait de l’actualisation d’une tradition épique préexistante. D’après lui, à cette époque, Koroğlu, qui avait accompli sa transformation et s’était adapté à la nouvelle conception de l’héroïsme – qui mettait au pinacle le type du héros-soufi –, a gagné une place importante dans l’institution d’ashiqliq qui se met en place à ce moment : la réorganisation des récitants traditionnels du corpus épique dans une sorte de confrérie soufie72. Les révoltes jalalis, les guerres des Kizilbash séfévides contre les Ottomans, les Ouzbek et les Turkmènes, sont des événements historiques qui trouvent leurs reflets directs dans Koroğlu : dans les versions orientales, c’est contre les kizilbash que Görogli se bat et dans les versions azerbaidjanaises et anatoliennes, il se dresse contre les gouverneurs locaux et la classe dirigeante.

  • 73 Les Turcomans nomades constituaient un pouvoir redoutable qu’il fallait to...

  • 74 Le vizir iranien d’Alp Arsalan Seldjoukide, Nizâm al-Mulk évoque les Turco...

  • 75 Ce roman épique qui raconte la révolte d’Abu Muslim contre le Khalif sunni...

  • 76 Irene Mélikoff, Türk - İran Epik Geleneği İçinde Horasan Teberdarı, Ebü Mü...

37En effet, les Turcomans nomades étaient des guerriers hors pairs dont la puissance servait de support à tous les rois et les gouverneurs d’origine turque : ils s’appuyaient sur eux pour arriver au pouvoir, ainsi que pour lutter contre les ennemis extérieurs73. Mais après avoir établi un État, ils causaient souvent des ennuis à leurs chefs une fois que ceux-ci s’étaient détournés de la vie tribale et des coutumes ancestrales74. Déjà aux X-XIIIe siècles, installés au Grand Khorassan (en Asie Centrale), ces Turcomans conjuguaient leur croyances chamaniques, préislamiques, avec une vision profondément mystique de l’Islam où abondaient les tendances shiites et alevies. Irene Mélikoff repère dans le roman épique d’Abu Muslim al-Khurasani75 d’innombrables éléments mystiques provenant des croyances préislamiques turques. Elle montre également comment dans les cercles mystiques où cet ouvrage était apprécié et raconté, les dede et les baba turcomans ont remplacé les bardes-chamans archaïques, en même temps que les récitations mystiques se substituaient aux récitations traditionnelles76. Au XIII-XIVe siècles, ces Turcomans continuent leurs immigrations vers l’ouest et se chargent de la guerre sainte contre Byzance et ses alliés.

  • 77 Ahmet Taşğın, “Bir Beden İki Baş : Osmanlı–Safevî Sahasında Marifetten Tar...

  • 78 Ahmet Yaşar Ocak, Babaı̂ler isyanı : alevı̂ tarihsel altyapısı yahut Anado...

  • 79 H. Erdem Cipa, The Making of Selim: Succession, Legitimacy, and Memory in ...

38L’examen de l’organisation sociale du territoire seldjoukide du XIIIe siècle, en Anatolie, nous fait voir le rôle religieux, social, voire politique des dede et des baba turcomans. Annexant les territoires des principautés qui l’entourent et devenant progressivement un véritable État, l’Empire ottoman se gère de manière de plus en plus bureaucratique et encourage ainsi le changement de la mode de vie chez les Turcomans : ils quittent les établissements soufis pour occuper les postes administratifs et l’État et les Turcomans s’assimilent de plus en plus, ce qui donne à l’Empire ottoman l’occasion d’élaborer et de propager sa propre vision du soufisme77. Les Ottomans se mettent ainsi à engager de braves guerriers qui savaient tout à fait incorporer la notion de guerre sainte et la concilier avec leur propre conception de la vie. Les derviches et les soufis participent largement à la colonisation des territoires chrétiens : par les guerres et l’enthousiasmes que leurs cercles et leurs enseignements créent chez les guerriers turcomans ; par leurs installations sur place ; par leur conception extrêmement adoucie de l’Islam folklorique qui pouvait bel et bien admettre les nouveaux convertis et partager les saints chrétiens et les saints musulmans avec les chrétiens. Pourtant, la contradiction entre la haute classe et les Turcomans semi-nomades perdure. Cette contradiction trouve sa résonance dans la révolte des babas78 et finit par conférer au sultan ottoman le statut du gazi ; et celui du khan suprême ; et celui de l’empereur ; et celui du khalife et du soufi79.

  • 80 Sur le lien entre les kizilbash et le Turcomans voir Vatan Özgül, “Kızılba...

  • 81 Ashiq Hassan Ghaffari, le destan d’Ashiq Qurbani et Pari, enregistré dans ...

  • 82 Mohammad Karim Yousefjamali et Azar Gholizadeh Sarabi, “The Intellectual l...

39Bien qu’une très grande partie des Turcomans se soit assimilée dans le pouvoir ottoman, une partie qui s’appelait déjà Kizilbash s’est engagée dans une autre voie : ils se regroupent autour d’un soufi pour fonder un État pour eux, en Azerbaijan et Iran, ce qui donnera naissance à l’Empire Séfévide. Pourtant, dans ce cas aussi, une fois l’État installé et centralisé, ils se trouveraient toujours déçus et abusés par leurs chefs. L’institutionnalisation des croyances chiites les exclut de plus en plus. Le lien existe entre la tradition ashiq, les croyance kizilbash et l’empire séfévide : il est vraiment direct80. Le personnage d’Ashiq ou Dede Qurbani peut symboliser ce lien. D’après la tradition orale des ashiq azerbaidjanais, il est le père spirituel du fondateur de l’empire séfévide, Shah Ismail : il l’accompagne et l’aide dans ses missions les plus difficiles. D’après ses poèmes, longtemps transmis dans la tradition orale, il est un kizilbash très ardent et selon les témoignages historiques, il se trouve capturé par les Ottomans81. Il est un barde, un soufi mystique et en même temps un orateur de l’islam mystique, marginalisé par le centralisme sunnite. Les témoignages historiques assurent également que le fondateur de la dynastie safavide portait un intérêt considérable à la tradition orale turque82.

  • 83 Amelia Gallagher, The fallible master of perfection: Shah Ismail in the al...

  • 84 Kirat Semahi, Aşik Veysel, May 9, 2001. Armağan Coşkun Elçi, “Bulgaristan/...

  • 85 Mustafa Çetin Varlik, “Çaldiran Savaşi”, dans TDV İslâm Ansiklopedisi, vol...

40Il est toujours vénéré par les Bektashi et d’autres cercles soufis en Iran et en Anatolie. Ses poèmes font toujours partie du répertoire des cercles soufis, ainsi que celui des Ashiqs83. Le lien étroit qui existe entre les milieux alevis en Turquie et le cycle épique de Koroğlu est indéniable et il existe même aujourd’hui à nos jours un samā, danse sacrée alévie, au nom du cheval de Koroğlu84. Au demeurant, dans les versions occidentales, le retrait de Koroğlu est en relation directe avec l’invention du fusil : “le fusil a vu le jour et la virilité a perdu sa valeur”, dit-il. Cette conception de l’arme à feu peut être interprétée en référence à la très fameuse guerre de Chaldiran (1514) entre les Ottomans et l’armée iranienne (kizilbash). Dans cette guerre, les kizilbash ont subi une défaite désastreuse et imprévisible, puisque l’armée ottomane avait eu l’accès à l’arme à feu et leurs ennemis n’en avaient aucune idée85.

  • 86 Amelia Gallagher, op. cit.

  • 87 Harun Yildiz et Hans R. Roemer, “Kızılbaş Türkmenler : Safevî Teokrasisini...

41Ce sont ces Turcomans kizilbash qui se meurent en martyrs pour porter leur chef religieux, Shah Ismail86 séfévide, au trône en Iran, et pour créer un Empire chiite en voisinage de l’Empire ottoman sunnite. Pourtant en Iran aussi, ces Turcomans vivent le même découragement : ils sont les fondateurs et les victimes de l’empire séfévide. Non seulement les successeurs de ce roi soufis préfèrent remplacer les Turcomans nomades aux fonctions gouvernementales par des Iraniens, mais ils s’écartent de l’Islam populaire turc pour en faire une religion d’État. Les conflits, les révoltes et les assassinats en masse de certains groupes soufis marquent les années qui suivent87.

B. Une nouvelle conception de la justice et de l’héroïsme

  • 88 Deli Dumrul a construit un pont sur une rivière sèche et fait les gens pay...

  • 89 Filiz Kirbaşoğlu, “Köroğlu’nun doğuşu varyantlarinda köroğlu ve kirat’in o...

42Nous avons vu que Koroğlu des versions occidentales ressemble beaucoup à un bandit : il fait payer les caravanes qui entrent dans son territoire ! Dans le Livre de Dede Korkut cette même pratique, à une plus petite échelle, se lie au motif de la révolte et revêt une association négative88 ! Ce qui distingue la révolte de Koroğlu de celle de Deli Dumrul, c’est qu’il a subi une injustice énorme qui marque sa dénomination : dans la version occidentale il s’appelle Koroğlu, ce qui veut dire “le fils de l’homme aveugle”. Son initiation à la vie du héros commence en réaction à l’aveuglement, injuste, de son père par le Seigneur. Il décide de venger cette injustice et élargit progressivement le domaine de cette vengeance de sorte qu’elle couvre toutes les injustices infligées à la classe populaire par les riches et les aristocrates : il est donc d’origine populaire et se dresse contre la noblesse. Les versions occidentales témoignent une mise en valeur de la révolte, de l’hostilité et de la méfiance contre la classe dirigeante, qui les distinguent des versions orientales. Dans la variante orientale, il s’appelle Görogli, ce qui veut dire “le fils de la tombe”89. Il est né dans une tombe d’une mère morte, il est, pendant toute sa vie, protégé par le prophète cher au mysticisme turc qui est Khidir. Il est d’ailleurs d’origine aristocratique et ces combats s’interprètent comme ceux d’un héros aristocratique contre un ennemi extérieur ou un traitre.

  • 90 Metin Ekici, “Celali Revolts and the Epic Story of Köroğlu”, dans Millî Fo...

  • 91 Ayse Baltacioglu-Brammer, “The formation of kizilbas communities in Anatol...

43Ce changement de paradigme marque le trajet de Koroğlu de l’est vers l’ouest. La plupart des théoriciens s’accordent sur le fait que les récits de Koroğlu retracent les grandes révoltes des Turcomans contre le sultan ottoman, connues sous le nom des révoltes Jalali90. Nous adhérons à l’idée de ce lien manifeste sans pourtant réduire le rôle d’un cycle épique à simplement reproduire un événement social si crucial dans la vie de Turcomans91. En effet, nous préférons voir, dans l’institution de révolte contre la classe dirigeante dans les récits, une solution apportée à la marginalisation des Turcomans nomades alevis par l’autorité ottomane, sunnite, iranisée et centralisée dans les villes. Cette solution se développe à travers les récitations d’une épopée ancienne et en le nuançant progressivement jusqu’à ce que l’imaginaire collectif crée une nouvelle conception de la justice et de la révolte au sein de la confédération tribale, la conception que lui convient le mieux. Alors, l’institution d’une nouvelle conception de l’injustice et de la vengeance aboutit à la reconstruction de l’identité collective turcomane par une prédilection manifeste pour l’appartenance de la classe plutôt que pour le lien de sang.

  • 92 Dursun yildirim,1998, op. cit., p.279. Nagihan Gür, “Sosyal Haydut Düzlemi...

  • 93 Nesrin Feyzioğlu, “Köroğlu destani’nin bati kollari üzerinde eleştirel söy...

  • 94 Halil İbrahim Şahin, op. cit., p.329.

  • 95 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p. 213-216.

44Il faut intégrer le banditisme de Koroğlu dans son contexte particulier pour comprendre pourquoi les ashiq ainsi que leur public l’appréciaient et l’apprécient toujours à ce point. Selon Dursun Yildirim, ce que le peuple retenait chez lui ce n’était pas le banditisme mais le droit, la justice, la générosité et la bravoure. “Le rebelle social” qu’était Koroğlu symbolisait la révolte des opprimés contre les dirigeants et les riches92. Les diverses versions qui racontent la fin de Koroğlu confirment cette idée :il finit toujours comme un saint. Dans les versions anatoliennes, il rejoint les Kirklar, à la fin de sa carrière de héros93. Dans les versions turkmènes, il finit par se retirer dans une grotte en haut de la montagne94. Même dans le manuscrit de Paris où son image est fortement sécularisée, à la fin de sa vie, il se retire pour aller à la Mecque et envisage de se mettre au service de Shah Abbas après son retour. Ayant autrefois refusé l’invitation du roi séfévide pour devenir le chef de son armé, Shah le considère toujours comme son ennemi. Deux hommes qui le reconnaissent et apprennent qu’il a immobilisé son épée magique dans sa gaine en signe de son retrait de la guerre, le tuent dans l’espoir de gagner le prix annoncé par le roi aux tueurs du révolté. Ayant appris la nouvelle, Shah Abbas fait construire un mausolée pour lui et confirme le règne d’Eyvaz à Çamlıbel95.

Conclusion

45Nous pouvons dire pour conclure que Koroğlu présente une transgression radicale : déconseillée dans le Livre de Dede Korkut – où elle débouchait sur une catastrophe – la pratique de l’adoption du fils d’un autre homme s’impose dans ce cycle épique comme une solution très heureuse.

46La vision différente que les deux corpus proposent de l’infertilité, qui se cristallise dans la solution de l’adoption, débouche sur deux perspectives fondamentalement différentes, bien que produites à partir des mêmes thèmes.

47Il s’agit, certes, d’une transgression, mais surtout d’une série de solutions développées par le travail épique en réponse aux crises socio-culturelles et économiques graves vécues par les Turcomans nomades. Si la plupart des chefs turcomans, après être arrivés au pouvoir à l’aide de ces nomades guerriers, ont fait le choix d’abandonner certaines valeurs tribales pour s’imposer comme roi ou sultan des peuples sédentaires, les Turcomans marginalisés et trahis, de leur côté, se sont permis la rébellion et l’union avec la classe populaire. Le Livre de Dede Korkut met en œuvre les premières angoisses des immigrés et propose de consolider le pouvoir central pour prospérer dans les nouveaux territoires, l’épopée de Koroğlu avec ces deux variantes illustre des solutions adoptées dans une étape ultérieure. Le travail épique consiste à faire jouer devant les yeux du public qui écoute ces versions concurrentes les diverses possibilités qui s’offre à lui en tant que communauté dans une crise politique profonde. L’épopée se charge de faire exister ces transgressions devant le public. L’examen qu’elle en propose conduit à constater que la conception de la justice, ainsi que celle de l’ennemi et du complice changent radicalement entre le Livre de Dede Korkut à Koroğlu, en parallèle à chaque transgression qui s’impose comme norme.

Notes

1 Louis Bazin et Altan Gokalp, Le Livre de Dede Korkut. Récit de la geste oghuz, Gallimard, 1998, p. 56.

2 Görogli, Emir Görogli, Koroğlu, .کوروغلو

3 À l’instar de Florence Goyet, par “travail épique” nous entendons une “confrontation profonde entre une multitude de situations et de personnages” qui s’effectue au cœur du récit et qui aide une société à apporter une une nouveauté, une solution dans une situation de crise. Voir Florence Goyet, “L'Épopée”, Bibliothèque en ligne de la Société Française de Littérature Générale et Comparée, 2009, https://sflgc.org/bibliotheques/bibliotheque-comparatiste/, et Penser sans concepts. Fonction de l’épopée guerrière (Iliade, Chanson de Roland, Hôgen et Heiji monogatari), Paris, Champion, 2021 [2006].

4 Elle se composait de 22 tribus au XIe siècle. Atalay, 1998, p. 55-58. La majorité des tributs était nomade ; mais il y avait aussi une minorité sédentaire fortement méprisée par les nomades. Voir Faruk Sümer, Oğuzlar (Türkmenler) : tarihleri, boy teşkilatı, destanları, Istanbul, Türk Dünyası Araştırmaları Vakfı, 1992, p.41-42.

5 L’“oghuznamé” est un genre narratif consacré à l’histoire mythique et épique des Oghuz et leurs ancêtre mythique Oghuz khan. Voir Monire Akbarpouran, “Vers l’étude du ‘travail épique’ dans le Livre de Dede Korkut”, dans Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines 2014, n° 45, https://journals.openedition.org/emscat/2265. Ce roman épique raconte la révolte d’un personnage historique, Abu Muslim de Khorassan, contre le Khalif sunnite au nom du fils d’Ali, le premier imam chiite. Selon les croyances alevie-chiites, il est mort en martyre à la suite de sa révolte contre le khalife injuste.

6 Non seulement Le Livre des Rois de Ferdowsi est commandité par le roi ghaznavide Mahmud, mais les Séfévides et les Ottomans y ont porté un vif intérêt. Pour plus information sur le Shahname à l’époque séfévide voir Mitra Jahandideh, et Shahab Khaefi, “The Most Important Performing Arts Arisen from Shahnameh of Ferdowsi: Shahnameh-khani and Naqqali of Shahnameh”, dans Journal of the Indiana Academy of the Social Sciences, vol. 16, n° 2, 2017, p.75-86. Pour le Shahnameh chez les Ottomans voir Lâle Uluç, “The Shahnama of Firdausi in the Lands of Rum”, dans Charles Melville et Gabrielle van den Berg (dir), Shahnama Studies II, Leiden; Boston-Brill, 2012, p. 159-180.

7 Irène Mélikoff, De l’épopée au mythe : Itinéraire turcologique, Istanbul, Isis, 1995, p.18-19. Selon V. M. Jirmunskiy, cependant, la formation des récits du livre de Dede Korkut date bien avant le XVe siècle.

8 Il y a les légendes associées au personnage de Dede Korkut chez les Kazakhs. Voir Ali Berat Alptekin, “Kazakistan Kaynaklarına Göre Dede Korkut’un Doğumu”, dans Türk Dünyası Dil ve Edebiyat Dergisi, n °6, 1998, p.639-645. Adnan Doğan Buldur, Ali Meydan, et Şenay Güngör, “Dede Korkut Destanlarının Kültür Coğrafyası”, dans Gaziantep University Journal of Social Sciences, vol. 15, n° 3, 2016, p. 925-947.

9 Ilgar Alikulu kasumov, “Genesis of epos “Koroglu””, Вопросы крымскотатарской филологии, истории и культуры, n° 5, 2018, p.36-44 et İsmet Çetin, “Türk destan kahramanlari ve Köroğlu”, dans millifolklor, n° 39, année 10, 1998, p.46-52.

10 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, “ Koroğlu (Paris nüsxəsi)”, Baku, Şərq-Qərb, 2005.

11 Sur cette traduction voir Lise Sabourin, “George Sand, Œuvres complètes, 1845-46 : Kourroglou, Teverino, Le Mare au Diable”, dans Studi Francesi. Rivista quadrimestrale fondata da Franco Simone, n°173, 2014, p. 388-389.

12 Pour une perspective sur la structure commune des versions appartenante aux Turcs oghuz voir Agaverdi Halil, “Oğuz Türklerinde Köroğlu Hikayelerinin Yapisal Benzerliği”, Motif Akademi Halk Bilimi Dergisi, vol.7, n°13, 2014, p.161-172. Naile Asker atteste qu’il y a à peu près 500 versions diverses provenue de diverses régions et de diverses aires culturelles. Naile Asker, “Köroğlu ve Türk Destancılık Geleneği”, Oğuz-Türkmen Araştırmaları Dergisi, vol. 2, n°1, juin, 2018, p.60. Pour une vision d’ensemble voir Ali Berat Alptekıa et İçel Hatice, “Bati versiyonlarinda Köroğlu”, Milli Folklor, année 23, n°91, 2011, p.37-50.

13 Dursun Yildirim, “Köroğlu Destanı’nın Orta Asya Rivayetleri”, Köroğlu Semineri Bildirileri [le bulletin du congrès de Köroğlu], Ankara,1983, p.103-114. Fikret Türkmen, “Köroğlu Destanı’nın Orta Asya Rivayetleri”, Köroğlu Semineri Bildirileri, Ankara, 1983, p. 83-90. Berat Alptekin, Halk hikâyelerinin motif yapısı. vol. 47. Ankara, Akcag, 1997, p.118.

14 İsa Özkan, “Köroğlu Destanı’nda Kahraman ve Atının Doğuşu ile İlgili Motiflerin Tahlili”, dans Türk Dili, n°549,1997, p.224.

15 Metin Ekici, “Anadolu sahasi Köroğlu kollarinin isim ve tasnif meselesi”, Türk Dünyası İncelemeleri Dergisi, 1997, vol 2, n°2, p.237.

16 Les versions provenues de l’Azerbaijan iranienne (nord-ouest) sont considérées comme des versions azerbaidjanaises, tandis que les versions provenues du khorasan iranien (nord d’est) offrent des affinités avec les versions turkmènes et ouzbeks. Sur ces version voir les ouvrages et articles suivants (dans l’ordre des version citées ici) : Eliağa Ceferov, “Köroğlu destaninin tiflis varyanti”, Motif Akademi Halk Bilimi Dergisi, vol. 4, n°8, p.151-163 ; James R Russell, “From Parthia to Robin Hood: The Epic of the Blind Man’s Son”, dans Lorenzo DiTommaso, Matthias Henze and William Adler (dir), The Embroidered Bible: Studies in Biblical Apocrypha and Pseudepigrapha in Honour of Michael E. Stone, Pays-Bas, Leyde, Brill, 2017, p.877-898; Metin Ekici,1997, op. cit., 229-234 ; Georges Dumézil, “Les légendes de ‘Fils d’aveugle’, Au Caucase et Autour du Caucase”, Revue de l’Histoire Des Religions, 1938, p.50-74 ; Necdet Yaşar Bayatli, “Irak Türkmenlerinde Hikâye Anlatma Geleneği ve Köroğlu Anlatmaları”, Symposium international de Köroğlu : Histoire et culture de Bolu et Köroğlu (17-18 octobre, 2009), Turquie, Bolu, BAMER, 2011, p.179-193 ; Rıza Mollof, Köroğlu, Bulgarie, Sofia, Narodna Prosveta [les éditions de l’État], 1957 ; Halil Bedi Yönetken, “Köroğlu Kırım’da”, Türk Folklor Araştırmaları Dergisi, février, n° 223, 1968, p. 4653-4654 ; Reyhan Gökben Saluk, Köroğlu destani’nin uygur versiyonu (Metin – Aktarma – İnceleme), Université de Gazi, institu des sciences sociales, département du folklore turc, Mémoire de maîtrise, Ankara, 2008, 552 (dactyl.) ; Metin Arıkan, Köroğlu'nun Kazak Varyantları, Mémoire de Maitrise, soutenue en 1999, Ege üniversitesi, Izmir. Bekir Şişman, “Köroğlu destani nin kazak varyantindaki tarihi, sosyo-kültürçl unsurlar”, Millî Folklor, année 12, n° 45, 2012, p.52-59 ; Bekir Şişman, “Köroğlu destani nin kazak varyantindaki tarihi, sosyo-kültürçl unsurlar”, dans Milli Folklor, année 12, n°45, p.52-59.

17 Les versions ouzbeks comportent deux groupes bien distincts : à Khwarezm, les récits s’apparentent aux versions turkmènes, tandis que dans les autres parties du pays il ya des versions que D. Yildirim attribue à la variante occidentale. Sur ces sujets, voir : Dursun Yıldırım, 1983, op. cit., p.103-114 ; Annaguh Nurmemmet, “Turkmenlerde ve Dünyada Göroglu”, dans Bilig, 1996, n° 3, p.144-154 ; Judith M Wilks, “The Persianization of Koroglu: Banditry and royalty in three versions of the Koroglu destan”, dans Asian folklore studies, 2001, vol. 60, n° 2, p. 305-319; Dursun Yıldırım et N. Laahib, “Köroğlu Destanı’nın Afganistan’da İki Yeni Derlemesi”, Deuxième congrès national de turcologie, İstanbul, 1979.

18 Pertev Naili Boratav, Köroğlu Destanı, Istanbul, Adam, 1984[1931], p.139 (je traduis).

19 Faruk Sümer, Türk Cumhuriyetlerini Meydana Getiren Eller ve Türk Destanlarıe, 1997, İstanbul, Ders Kitapları Anonim Şirketi, p.192-193. İlhan Başgöz, “Köroğlu Düzeni”, Folklor Yazıları, İstanbul, Adam, 1986, p.176-180. Il reprend ses argumentations en 2009. Voir İlhan Başgöz, “Halkın Köroğlu’su Tarihin Köroğlu’su”, Symposium international de Köroğlu, Bolu Tarihi ve Kültürü Sempozyumu Bildirileri (17-18 octobre, 2009), Turquie, Bolu, BAMER, 2011, p. 20-25. Judith M Wilks, 2001, op. cit., p. 305-319.

20 Respectivement dans Faruk Sümer, Safevi devletinin kuruluşu ve gelişmesinde Anadolu türklerinin rolü, Ankara, Türk Tarih Kurumu, 1992, p.6 et p.151, et dans Faruk Sümer, “Abbas I”, İstanbul, Diyanet Vakfi, 1988, vol. 1, p. 17-19.

21 Dursun Yıldırım, Türk Bitiği, Ankara, Akçağ, 1998, p. 278-279; Metin Ekici, Türk Dünyasında Köroğlu, Ankara, Akçağ, 2004, p.99-100

22 Pour une liste des éléments mythiques dans la version turkmène voir Handan Aydin Kasimoğlu, “Türkmen halk destani göroğlu üzerine mitolojik incelemeler”, dans Gazi Türkiyat Türkoloji Araştırmaları Dergisi, vol. 1, n°8, 2011, p. 239-256.

23 Judith M Wilks, 2001, op. cit., p. 312 ; Agaverdi Khalil, “Oğuz Türklerinde Köroğlu Hikayelerinin Yapisal Benzerliği”, dans Motif Akademi Halk Bilimi Dergisi, vol. 7, n°13, 2014, p.162; İsmet Çetin, “Medeniyet değişiminde kahraman-mit ve destandan hikâyeye”, 6e symposium international de : Köroğlu : Köroğlu et les héros des destan turcs (26-27 octobre, 2016), Turquie, Bolu, BAMER, 2016, p. 431-438.

24 Karl Reichl, Singing the past: Turkic and medieval heroic poetry, États Unis, Ithaca, Cornell University Press, 2000. p.20.

25 Pertev Naili boratav “l’épopée et la Hikaye”, dans Jean Deny et al. (dir) Philologiae Turcicae Fundamenta, Allemand, Wiesbaden, Steiner, 1964, p.11-44 ; Judith M. Wilks, “Issues of genre and form in Turkic heroic works”, dans Bill Hickman, et Gary Leiser (dir), Turkish Language, Literature, and History: Travelers' Tales, Sultans, and Scholars Since the Eighth Century, 2015, p. 343-357.

26 Voir Monire Akbarpouran, “Le destan turc est-il une épopée ? Premiers débats et prolongements actuels”, Le Recueil Ouvert, volume 3 (2017), http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble-alpes.fr/revues/projet-epopee/283;

27 Naciye Yildiz, “Türk destanlarinda" çocuksuzluk"”, dans Milli Folklor, année 21, n ° 82, 2009, p.76-88.

28 Dans les versions occidentales, aucune des versions que j’ai lues ne s’attardent sur la naissance de Köroğlu sauf une (version d’ashiq Eli Kermi, enregistré à Tabriz) où après avoir prié Dieu, le père du futur héros rêve d’un derviche qui lui donne le conseille de nourrir les pauvres pour avoir un enfant.

29 Louis Bazin et Altan Gokalp, op. cit., p.61-64.

30 Rezan Karakaş, “Dede Korkut Hikâyelerinde “Tutsaklıktan Kurtarma Motifi” ve Bey Oğulları Arasındaki İlişki” Turkish studies, vol.8, n°1, 2013, p.1867-1879.

31 Pour plus d’informations voir Monire Akbarpouran, 2014, op. cit.

32 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p.115-128 ; Hümmet Elizade, “Koroğlunun Dərbənd səfəri”, Koroğlu, Azərnəşr, Baku, 1941,

33 Pour le thème de la captivité dans les versions anatoliennes voir Mehmet Alptekin, “Köroğlu Destani’nin Anadolu Kollarinda Tutsak Olma Ve Tutsakliktan Kurtulma Motifi”, Düsbed, Turquie, Dyarbakir, N° 20, 2018, p.206-223.

34 Halil İbrahim Şahin, Türkmen Destanları ve Destancılık Geleneği, Université de Balikesir, Institut des sciences sociales, La langue et la littérature turque, 2009, 904 (dactyl.), p.132.

35 Arap Reyhan, p.274, p.360.

36 Filiz Kirbaşoğlu, “Köroğlu’nun doğuşu varyantlarinda köroğlu ve kirat’in ortaya çikişiyla ilgili farkli ve benzer unsurlar”, Atatürk Üniversitesi Sosyal Bilimler Enstitüsü Dergisi, n° 58, Juin, 2017, p.237.

37 Metin Ekici, 2004, op. cit., p.170 et p.233 ; Hümmet Elizade, “Koroğlunun Dərbənd səfəri”, Koroğlu, Azərnəşr, Baku, 1941.

38 Dans le manuscrit de Paris, il est missionné par son père pour ramener de l’eau de la source magique, qui guérirait les yeux aveuglés du père et donnerait à Köroğlu un pouvoir extraordinaire. Mais il boit toute l’eau magique. Alors le père le maudit : “tu m’as privé du plaisir de voir ton visage, que tu en restes privé toi aussi”. Voir İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, Koroğlu (Paris nüsxəsi), Baku, Şərq-Qərb, 2005, p.18. Dans la version de Tobol, Köroğlu a insulté un vieux dans sa jeunesse et c’est la malédiction lancée par celui-ci qui se trouve à l’origine de son infertilité. Pertev Naili Boratav, 1984, op. cit., p.61-62.

39 Halil İbrahim Şahin, op. cit., p. 335.

40 Louis Bazin et Altan Gokalp, op. cit., p.181-192 ; voir Monire Akbarpouran, 2014, op. cit.

41 Territoire de Köroğlu. D’autres versions : Şanbil, Çamlıbel, Çandıbil, Çambul.

42 Il s’agit de Ayvaz, Övez, Havazḫan, Avaz Han, Avazxan, Evez, Gavaz, Ivaz Han. Voir Fuzuli Bayat, “Köroğlu Destanında Kasapoğlu”, Acta Turcica Çevirimiçi Tematik Türkoloji Dergisi, année 3, n° 2, 2011, p. 9-88.

43 Dans la version turkmène il s’appelle “Övez Öykelän”.

44 voir Goyet, Penser sans concepts, op. cit., passim. Sur le rôle des versions concurrentes, voir aussi Lambert, Jean-Luc, “L’épopée nord-samoyède (Arctique sibérien). Comment trouver une solution à l’alliance dans une société devenue opulente ?”, in EMSCAT, 45, op. cit.

45 Hesenḫan, Hasan khan.

46 Halil İbrahim Şahin, op. cit., p.132.

47 Reyhan Gökben Saluk, op. cit., p.46-47.

48 Une version recueillie dans la ville de Qazax d’Azerbaijan : Hümmet Elizade, “Koroğlunun Dərbənd səfəri”, Koroğlu, Azərnəşr, Baku, p. 31-40 et une autre version recueillie dans la ville irak (centre d’Iran) :  Əli Şamil, "Koroğlu" dastanı : Əli Kamali arxivindəki variantlar AMEA Folklor İnstitutu, Azerbaijan, Bakou, 2015[2009], version numérique, p. 111-112. Il y a également une autre version Azerbaijanaise où un marchand remplace ce vieux sage mystique.

49 Esma Şimşek, “Çukurova Yöresi Sözlü Halk Kültüründe Köroğlu Hikâyeleri ve Yusuf Sıra Anlatması”, Symposium international de Köroğlu : Histoire et culture de Bolu et Köroğlu (17-18 octobre, 2009), Turquie, Bolu, BAMER, 2011, p. 636-649.

50 Atekeh Rasmi et Sakineh Rasmi, “مقایسه نبرد پدر و پسر در داستان‌های رستم و سهراب و کوراوغلو و کرداوغلو ”, Comparaison de la bataille de père et de fils dans des histoires épiques de «Rostam et Sohrâb» et “Koroğlu et Kurdoğlu», dans Farhang va Adabiyat-e Ame, 2016, vol. 4, n° 11,p.175-194.

51 Mustafa Arslan, “Köroğlu Destanının Türkmen Benzer Metninde Genç Kahramanlar Hakkında Hikâyeler”, dans Millî Folklor, année 7, n°51, 2001, p. 42-50.

52 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p. 209.

53 EIr, “Homosexuality III. in Persian Literature”, Encyclopædia Iranica, XII/4, p445-448 et XII/5, p.449-454, disponible en ligne http://www.iranicaonline.org/articles/homosexuality-III (consulté 05/10/2018).

54 S. Jabir Raza, “Mahmud's Ayaz in history”, dans Proceedings of the Indian History Congress, vol. 72, Indian History Congress, 2011, p.286-293.

55 Reyhan Gökben Saluk, op. cit., p.83. Ne pas confondre cet Ayaz avec Ayvaz (variante du nom de Eyvaz dans les versions orientales).

56 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p.160. Dans le kol de l’enlèvement, il y a une scène très fameuse où Eyvaz pleure et Köroğlu le réconforte avec beaucoup d’affection en lui assurant qu’il sera son père.

57 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p.127. Dans le contexte traditionnel partager “le pain et le sel” de quelqu’un engage le devoir de le soutenir et de l’aider.

58 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p. 213.

59 Il est maintenant évident que dans la traduction anglaise, Chodzko a apporté certaines modifications pour adapter le texte à sa conception de l’épopée. D’ailleurs, nous savons qu’il ne maitrisait pas la langue turque et il a fait traduit les parties non-chantés de la récitation en persan avant de les traduire en anglais. Pour plus d’informations voir Judith M. Wilks, 2015, op. cit., p.343-357.

60 Irène Mélikoff, Hadji Bektach: un mythe et ses avatars: genèse et évolution du soufisme populaire en Turquie, Leiden-New York-Köln, Brill,1998, p.157-158.

61 Hüseyin Subhi Erdem, “Philosophical Background of Justice and Freedom Concepts in Koroglu Epic”, dans Beytulhikme-An International Journal Of Philosophy, vol. 1, n°1, 2011, p. 57-70.

62 Brave révolté qui, un peu comme Robin des Bois quitte sa ville ou village et campe dans un lieu difficile à accès. Aidé par un groupe de braves provenant des milieux populaires, il mène des combats contre l’autorité.

63 Rüstem Rüstemzade, Köroğlu Neveleri, Bakou, Azerneshr, 1967.

64 Sevtap Yazar, “Köroğlu Anlatmalari İle Kaçak Anlatmalari Üzerine Karşilaştirmali Bir İnceleme”, dans Turkish Studies, vol.13, n°5, 2018, p. 673-688.

65 Zalim, ظالم

66 Hanlar et paşalar.

67 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit.,p.24.

68 Louis Bazin et Altan Gokalp, op. cit, p.229-237.

69 Louis Bazin et Altan Gokalp, op. cit, p.66-67.

70 Monire Akbarpouran, “Vers l’étude du “travail épique” dans le Livre de Dede Korkut”, op. cit..

71 Dursun Yıldırım,1998, op. cit., p. 278-279.

72 Fuzuli Bayat, “Köroglu’nun kurtarıcı kahraman tipinden adaleti koruyan kahramana dönüşümü”, Symposium international de Köroğlu : Histoire et culture de Bolu et Köroğlu (17-18 octobre, 2009), Turquie, Bolu, BAMER, 2011, p.172-173.

73 Les Turcomans nomades constituaient un pouvoir redoutable qu’il fallait toujours orienter dans la bonne direction. Alain Ducellier, Michel Kaplan, Bernadette Martin et Francoise Micheau, Le Moyen-Age en Orient, Byzance et l’Islam : des Barbares aux Ottomans, Paris, Hachette supérieur, 1995, p. 160.

74 Le vizir iranien d’Alp Arsalan Seldjoukide, Nizâm al-Mulk évoque les Turcomans comme un groupe très proche d’Alp Arslan. “Bien qu’ils gênent parfois, les services qu’ils rendent, grâce à leur grand nombre, évacue cet ennui. Ils sont tous parents et ont leur part de cet État”, fait-il remarquer. Niẓām al-Mulk, Siyar al-Muluk (siyāsat-nāma), preparé par Herbert Darke, Teheran, Bungāh-i Tarǧuma wa Našr-i Kitāb (langue persane), 1968 [1962], p.139.

75 Ce roman épique qui raconte la révolte d’Abu Muslim contre le Khalif sunnite au nom du fils d’Ali, le premier imam chiite.

76 Irene Mélikoff, Türk - İran Epik Geleneği İçinde Horasan Teberdarı, Ebü Müslim, Tra. Armağan Sarı, Turquie, Çankaya, Elips, 2012, p.34-36 et p. 57-58.

77 Ahmet Taşğın, “Bir Beden İki Baş : Osmanlı–Safevî Sahasında Marifetten Tarikata Dönüş”, I. Uluslararası Türk Kültürü Kongresi (Türk Tasavvuf Kültürü ve Gelenekleri) Bildiri Kitabı [le bulltin du congrès international international de la culture turque], 2014, p.1338.

78 Ahmet Yaşar Ocak, Babaı̂ler isyanı : alevı̂ tarihsel altyapısı yahut Anadolu'da İslâm-Türk heterodoksisinin teşekkülü. Dergâh Yayınları, 1996.

79 H. Erdem Cipa, The Making of Selim: Succession, Legitimacy, and Memory in the Early Modern Ottoman World, Indiana University Press, 2017, p.218.

80 Sur le lien entre les kizilbash et le Turcomans voir Vatan Özgül, “Kızılbaşlık ve Türkmenler”, Türk Kültürü ve Hacı Bektaş Velî Araştırma Dergisi, n° 32, 2004, p.225-274. Sur le lien entre les Kizilbash, les Alevie et le Bektashi voir İmran Gürtaş, “Kızılbaşlık, Alevilik, Bektaşilik”, Tarih-Kimlik-İnanç-Ritüel, İstanbul, İletişim, 2015. Il est également intéressant de constater la présence d’un autre ashiq nommé Köroğlu qui accompagne l’armée ottoman. Voir Fuad Köprülü, Türk Saz Şairleri, Ankara, éditions Milli Kültür, 1962, p.279. Köprülü refuse, toutefois, l’idée de voir dans cet ashiq le héros de l’épopée.

81 Ashiq Hassan Ghaffari, le destan d’Ashiq Qurbani et Pari, enregistré dans les années 1990 à in Tabriz par la boutique de casette Tavakkul (Tabriz), première cassette. Disponible dans les boutiques de récitations d’Ashiq à Tabriz, Pas de date sur la couverture. Qәzәnfәr Kazımov, Qurbani vә po-etikası, Bakı, les éditions d’ADPU (Université de la pédagogie d’Azerbaijan) 1996.

82 Mohammad Karim Yousefjamali et Azar Gholizadeh Sarabi, “The Intellectual life of Shah Ismail 1 and his Care, Love, Respect Towards his Love, Respect Towards his Mother Tongue (Turkish) (907-930A. H/1487-1524)”, dans Khazar Journal of Humanities and Social Sciences, vol.15, n°2, p.61-73.

83 Amelia Gallagher, The fallible master of perfection: Shah Ismail in the alevi-bektashi tradition, Université de McGill, Institute of Islamic Studies,2004, 337 (dactyl.).

84 Kirat Semahi, Aşik Veysel, May 9, 2001. Armağan Coşkun Elçi, “Bulgaristan/deliorman aleviliğinde kirklar bayrami (nevruz) ve hidrellez”, dans Milli Folklor, année 22, n°86, 2010, p.59.

85 Mustafa Çetin Varlik, “Çaldiran Savaşi”, dans TDV İslâm Ansiklopedisi, vol 8, 1993, p.193-195.

86 Amelia Gallagher, op. cit.

87 Harun Yildiz et Hans R. Roemer, “Kızılbaş Türkmenler : Safevî Teokrasisinin Kurucuları ve Kurbanları”, dans Türk Kültürü ve Hacı Bektaş Velî Araştırma Dergisi, 2006, no 38 (sans pagination). Mansur Sefatgol, “Rethinking the Safavid Iran (907-1148/1501-1736): Cultural and Political Identity of Iranian Society during the Safavid Period”, dans Journal of Asian and African Studies, n° 72, 2006, p. 5-16.

88 Deli Dumrul a construit un pont sur une rivière sèche et fait les gens payer, en les obligeant de prendre son pont. Son objectif c’est que sa prouesse et son héroïsme entendent sa gloire ! Louis Bazin et Altan Gokalp, op. cit, p.145.

89 Filiz Kirbaşoğlu, “Köroğlu’nun doğuşu varyantlarinda köroğlu ve kirat’in ortaya çikişiyla ilgili farkli ve benzer unsurlar”, Atatürk Üniversitesi Sosyal Bilimler Enstitüsü Dergisi, Juin, n° 58, 2017, p. 231-237.

90 Metin Ekici, “Celali Revolts and the Epic Story of Köroğlu”, dans Millî Folklor, année 13, n° 51, 2001, p.15-27.

91 Ayse Baltacioglu-Brammer, “The formation of kizilbas communities in Anatolia and Ottoman responses, 1450s-1630s”, International Journal of Turkish Studies, vol. 20, n°1/2, 2014, p. 21-48.

92 Dursun yildirim,1998, op. cit., p.279. Nagihan Gür, “Sosyal Haydut Düzleminden Halk Kahramanı Statüsüne Bir Yükseliş : Köroğlu ve Sergüzeşti”, dans Milli Folklor, année 20, n° 79, 2008, p.45-49 et Metin Ekici, “Köroğlu : destan kahramani ile sosyal isyanci arasinda bir anlati kahramani”, 6e symposium international de Köroğlu : Köroğlu et les héros des destan turcs (26-27 octobre, 2016), Turquie, Bolu, BAMER, 2016, p.473-482.

93 Nesrin Feyzioğlu, “Köroğlu destani’nin bati kollari üzerinde eleştirel söylem çözümlemesi”, Hacettepe Üniversitesi Türkiyat Araştırmaları Dergisi, n° 16, 2012, p.67.

94 Halil İbrahim Şahin, op. cit., p.329.

95 İsrafil Abbaslı et Bəhlul Abdulla, op. cit., p. 213-216.

Pour citer ce document

Monire Akbarpouran, «Le Destan de Köroğlu : permanences et mutations d’une tradition épique à travers le thème de la rébellion», Le Recueil Ouvert [En ligne], mis à jour le : 09/11/2023, URL : http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble-alpes.fr/revues/projet-epopee/422-le-destan-de-koroglu-permanences-et-mutations-d-une-tradition-epique-a-travers-le-theme-de-la-rebellion

Quelques mots à propos de :  Monire  Akbarpouran

Monire Akbarpouran est titulaire d’une thèse ès lettres de l’Université de Shahid Beheshti de Téhéran (2017), qui interrogeait les rapports entre oralité et épopée. Invitée deux ans au CELIS de l’Université de Clermont-Ferrand, elle a depuis 2021 entrepris un PhD en sociologie de la culture à Institut National de la Recherche Scientifique (Urbanisation, culture, société) à Montréal. Financé par une bourse de Fonds de recherche du Quebec, ce projet est basé sur un important travail de terrain et étudie la modernisation et l’urbanisation de la tradition de récitation épique turque en Iran.
Elle a publié en 2020 Koroğlu du XXIe siècle et les aşıq iraniens, aux éditions Isis (Istanbul) : édition, traduction, notes et commentaires de sept récitations de Koroglu enregistrées dans différents contextes urbains.
Articles : « Vers l’étude du « travail épique » dans le Livre de Dede Korkut », Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines, Paris, EPHE-CEMS, 2014, N° 45 (https://journals.openedition.org/emscat/2340 ; « L’Altérité dans Le Livre de Dede Korkut : l’image du chrétien », The Journal of Academic Social Science Studies, n° 57, p. 291-309, Été 2017 ; « Le destan turc est-il une épopée ? Premiers débats et prolongements actuels », Recueil Ouvert du Projet Épopée, Université Grenoble Alpes, (http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble-alpes.fr/revues/projet-epopee/283 ), 2017 ; « Approches de l’imaginaire épique ; vers la conceptualisation d’une notion », Bulletin de l’IFAN, Ch. A. Diop, sér. B, t. LIX, n° 1-2, 2019, p. 157-167. « L’espace ordonné de la cérémonie pour conjurer l’espace angoissant des conquêtes », Revista Épicas, n° 10, 2021, p 45-63 ; https://doi.org/10.47044/2527-080X.2021v10.4563.