La Réserve : Livraison juin-juillet 2015

Déborah Knop

L’amplificatio chez Montaigne : une question d’optique, et de jugement (Essais, III, 6, « Des Coches »)

Paru initialement dans : B. Roukhomovsky éd., L’optique des moralistes, Paris, Champion, 2005, p. 393-404

Texte intégral

  • 1 Auquel il convient d’ajouter, du même auteur, « L’amplification dans le Car...

  • 2 Que je remercie pour sa relecture attentive du présent article.

  • 3 « La partie et le tout : l’ironie dans l’affaire Rapalli », dans Anne Viber...

  • 4 Longin, Traité du Sublime, 12 (1-2), Paris, Livre de Poche, traduction de B...

1Le présent travail se situe dans le prolongement de ceux de Stéphane Macé sur Bossuet, ici même1, et de Francis Goyet2 sur l’avocat Henri Cochin3. L’amplificatio se caractérise pour le profane par la seule abondance verbale, ce que Longin nomme le plèthos, ou si l’on veut la pléthore sinon le pléthorique4. Mais la longueur quantitative n’est qu’un élément. D’un point de vue formel, il faut ajouter à mon sens deux autres traits définitoires : l’élévation et la forme-période – élévation du sujet et développement ample sous la forme d’une période oratoire plus ou moins vaste. Francis Goyet définit l’amplificatio comme le fait de souligner l’importance ou la grandeur, par opposition à l’extenuatio qui souligne le peu d’importance : l’avocat Cochin « minimise » et même ridiculise par son ironie ce que ses adversaires considéraient comme des faits de la plus haute gravité. Stéphane Macé de son côté décrit l’amplification comme le rétablissement de la juste vision des choses, et donc la réhabilitation de leur véritable grandeur, dans un mouvement qui rappelle celui-là même de la Révélation. J’ajouterai pour ma part que, chez Montaigne, cette correction dans la façon de concevoir l’importance de telle ou telle chose a toujours une portée morale. Dans tous les cas c’est un problème d’optique, c’est-à-dire de jugement. Il s’agit de « voir » les choses dans leur jour véritable. Il s’agit de plus de voir la « grandeur » des choses, leur vraie grandeur (ou petitesse, dans le cas de l’extenuatio). Qu’ils soient formels ou non, tous les traits caractéristiques de l’amplificatio tournent ainsi autour de cette notion de grandeur, ou en termes plus modernes de supériorité.

  • 5 L’amplification chez Montaigne a été le sujet de mon mémoire de maîtrise en...

2L’étude de l’amplification dans les Essais m’a ainsi conduite à lier très fortement ces développements oratoires, ou en tout cas éloquents, à la problématique du jugement, si fondamentale chez Montaigne5. Nombreux sont les chapitres des Essais sur lesquels une lecture rhétorique de ce type ne donne aucune prise, ceux qui ne sont pas spécifiquement éloquents. Pour les autres, la méthode a consisté à détecter des amplifications, puis – c’est là le plus fructueux – à relire le chapitre sans les perdre de vue. Il m’est apparu, en effet, que l’amplification est une pièce maîtresse du chapitre, qu’elle est plus ou moins liée à toutes ses autres composantes. Par conséquent, l’étude des amplifications d’un chapitre permet de mettre en lumière sa cohérence profonde, au-delà de son apparente « farcissure ». Pour faire court, je m’intéresserai ici au seul chapitre « Des coches », fameux pour son décousu. Nombre de critiques ont élaboré une interprétation, pour redonner de la cohérence à l’ensemble, d’Etiemble à Marcel Conche. Je proposerai d’y voir une composition binaire. On a d’abord les amplifications au sujet des spectacles romains, puis celles qui portent sur la civilisation aztèque. Ma thèse essentielle sera que les premières ne sont pas de « vraies » amplifications. En d’autres termes, la problématique du jugement s’applique aussi à la manière de les lire : le lecteur diligent de Montaigne doit apprendre à « voir » ce qui relève vraiment d’une amplification. Après avoir étudié les pseudo-amplifications sur les jeux du cirque, puis les « vraies » amplifications sur les Aztèques, ma conclusion reviendra sur la structure d’ensemble du chapitre, à la fois pour la forme (la comparatio) et pour le fond (la crainte). Amener son lecteur à voir la « vraie » grandeur, c’est corriger son jugement, son regard, comme avec des verres correcteurs.

Les pseudo-amplifications : les jeux du cirque à Rome

3Le chapitre « Des coches » commence par des considérations hétéroclites qu’on peut paraphraser ainsi. Les auteurs présentent comme des causes celles qui sont belles, à défaut d’être vraies ; la peur n’est pas cause des vomissements de Montaigne ; la peur fait advenir ce qui fait peur, elle est source de malheurs ; Montaigne vomit dans certains moyens de transport : il ne supporte pas les allures languissantes ; le rôle des coches dans l’histoire est varié ; les bonnes dépenses des monarques se font dans des constructions qui perdurent, ou au moins dont on se souvient. Ces thèmes ne sont pas sans rapport. Le problème est qu’aucun n’est assez important pour rallier les autres. Manifestement, la clef du chapitre est ailleurs, si clef il y a. Pour la trouver, repérons les amplifications : cela aboutit au classement déjà mentionné en deux séries : d’un côté les jeux du cirque et de l’autre la civilisation aztèque. Nous nous intéresserons ici à la première série, qui comporte trois amplifications.

4Elles peuvent passer pour des amplifications parce qu’elles montrent toutes la grandeur de quelque chose – reste à savoir quoi – et parce qu’elles illustrent parfaitement une certaine forme d’abondance rhétorique :

  • 6 Les Essais, Livre troisième, éd. J. Céard, Paris, Livre de Poche, « La Poch...

C’était pourtant une belle chose, d’aller faire apporter et planter en la place aux arènes, une grande quantité de gros arbres, tous branchus et tous verts, représentant une grande forêt ombrageuse, départie en belle symétrie : Et le premier jour, jeter là-dedans mille autruches, mille cerfs, mille sangliers, et mille daims, les abandonnant à piller au peuple : le lendemain faire assommer en sa présence, cent gros lions, cent léopards, et trois cents ours : et pour le troisième jour, faire combattre à outrance, trois cents paires de gladiateurs, comme fit l’Empereur Probus. C’était aussi belle chose à voir, ces grands amphithéâtres6 […].

Dans la nomenclature de Colonia, cela correspond clairement au procédé d’amplification « par énumération des parties, per enumerationem partium ». On a ici trois parties, ou plus exactement quatre : les premier, deuxième et troisième jours, et auparavant le décor qui a été planté, fait de gros arbres.

5Les deux amplifications qui suivent sont similaires :

  • 7  Livre de Poche, p. 1419 ; PUF, p. 906. Mes italiques.

Et la place du fond, où les jeux se jouaient, la faire premièrement par art, entr’ouvrir et fendre en crevasses, représentant des antres qui vomissaient les bêtes destinées au spectacle : et puis secondement, l’inonder d’une mer profonde, qui charriait force monstres marins, chargée de vaisseaux armés à représenter une bataille navale : et tiercement, l’aplanir et assécher de nouveau, pour le combat des gladiateurs : et pour la quatrième façon, la sabler de vermillon et de storax, au lieu d’arène, pour y dresser un festin solemne, à tout ce nombre infini de peuple : le dernier acte d’un seul jour7.

Les quatre parties ne sont distinguées que par des adverbes ordinaux (« premièrement », etc.). La structuration est encore plus faible dans la troisième amplification, réduite à trois parties :

  • 8 Livre de Poche, p. 1420 ; PUF, p. 906-907. Mes italiques.

Quelquefois on y a fait naître, une haute montagne pleine de fruitiers et arbres verdoyants, rendant par son faîte, un ruisseau d’eau, comme de la bouche d’une vive fontaine. Quelquefois on y promena un grand navire, qui s’ouvrait et déprenait de soi-même, et après avoir vomi de son ventre, quatre ou cinq cents bêtes à combat, se resserrait et s’évanouissait, sans aide. Autrefois, du bas de cette place, ils faisaient élancer des surgeons et filets d’eau, qui rejaillissaient contremont, et à cette hauteur infinie, allaient arrosant et embaumant cette infinie multitude8.

Dans ce dernier passage, la hiérarchisation des parties ne tient qu’aux adverbes temporels les plus vagues (« quelquefois », « autrefois »). Dans tous les cas, la différenciation des parties repose uniquement sur la succession des animations dans l’arène. C’est dire la faiblesse des articulations logiques dans un ensemble censé être structuré. La forme d’abondance ici présente n’est qu’un flux verbal et très redondant ; elle est synonyme d’accumulation.

6Après ces trois exemples, nous pouvons en venir à la description de Colonia. Celui-ci distingue en fait deux sous-espèces d’énumération des parties. Qu’est-ce en effet que la « congeries, seu enumeratio partium » ? Réponse :

Est illa, quæ fit, dum totum aliquod in suas partes distribuitur ; seu dum rei alicujus partes vel omnes, vel præcipue certe quidem, singillatim enumerantur.

  • 9 Domenico de Colonia, Ars rhetorica, éd. de 1762, p. 41 ; éd. de 1872, p. 46.

[L’entassement ou énumération des parties] se fait de deux façons : (i) on divise un tout (totum) selon ses parties ; (ii) on énumère une à une toutes les parties, ou du moins les principales9.

  • 10 Topiques, 28 : « definitiones aliæ sunt partitionum aliæ divisionum ; part...

7Cette distinction renvoie au distinguo posé par les Topiques de Cicéron (§ 28) entre partitio et divisio. La partitio est ce que le traducteur de 1840 rend par « énumération des parties » : pour parler comme Quintilien à propos de l’hypotypose, c’est dire « omnia », dans une pure accumulation sans ordre particulier. La divisio, elle, est le fait d’énumérer en suivant un ordre logique : c’est dire « totum10 ». Chez Colonia lui-même, l’opposition omnia/totum est bien l’opposition structurante. On le voit dans sa définition théorique et aussi dans ses exemples (éd. de 1762) : omnia pour le premier, lancé précisément par le mot « Omnes » (tiré de Cicéron, Pis., 96) et pour le second, où Ovide utilise « singula » (Midas transformant en or tout ce qu’il touche) ; totum pour le dernier exemple, une description de Venise très organisée. Chez le jésuite qui réédite Colonia en 1872, après un exemple en latin qui porte sur l’omnia (une liste des tortures infligées à une martyre chrétienne), son premier exemple en français renvoie clairement à une hiérarchisation du propos, le tout sous la forme d’une période oratoire – la période étant par excellence une organisation, déployant un totum.

8Dans les trois extraits de Montaigne, on ne peut pas identifier de tout englobant ou totum. Nous sommes en présence d’une abondance sans la forme-période, peu oratoire. Les amplifications concernant les spectacles romains prennent alors une coloration déceptive ; la rhétorique révèle leur secrète faille. En définitive, on serait tenté de dire qu’il ne s’agit pas d’amplifications, mais de pseudo-amplifications. L’ordre des parties n’obéit pas à la logique d’un totum. On est dans un simple effet de liste, dans l’omnia accumulatif : l’abondance pour l’abondance, le quantitatif pour le quantitatif. Leur abondance propre est alors caractérisée par des effets de répétition très lourds.

  • 11 Livre de Poche, p. 1421 ; PUF, p. 907.

9Il leur manque de plus un trait classique de l’amplification. Il suffit de lire Quintilien pour voir que l’amplification entretient des rapports étroits avec le phénomène de gradation ou de crescendo. Ce n’est pas le cas des passages cités, au contraire. Un essoufflement global, presque une usure, se fait sentir par les redondances, mais aussi par l’idée de mépris pour ce qui est déversé, de perte en général (« jeter », « abandonner », « faire assommer », « faire combattre à outrance », « faire entr’ouvrir et fendre en crevasses », « vomir », « se déprendre de soi-même », « vomir de son ventre »). Cette liste pointe également la vanité de ce qu’on appellerait aujourd’hui une société de consommation (et de spectacle) : vanité sur laquelle le livre III des Essais porte un jugement très dépréciatif. Montaigne conclut : « S’il y a quelque chose qui soit excusable en tels excès, c’est, où l’invention et la nouveauté, fournit d’admiration, non pas la dépense11 ». Autrement dit, il éblouit un temps son lecteur, puis le guide jusqu’au terme du chapitre vers une vision lucide. Le terme d’invention peut être lu comme autonymique ici : c’est par l’abondance de l’inventio que Montaigne nous impressionne ; la dispositio de III, 6 rétablit, elle, la juste vision des choses.

10Avant d’en venir à mon second point, les amplifications (fort différentes) sur les Aztèques, notons que Montaigne nous offre déjà un point de comparaison pour démasquer ces pseudo-amplifications. C’est la citation du poète latin Calpurnius, insérée dans ce passage :

                           quoties nos descendentis arenæ
Vidimus in partes, ruptaque voragine terræ
Emersisse feras, et iisdem sæpe latebris
Aurea cum croceo creverunt arbuta libro.
Nec solum nobis silvestria cernere monstra
Contigit, æquoreos ego cum certantibus ursis
Spectavi vitulos, et equorum nomine dignum,
Sed deforme pecus
.

  • 12 Je reprends la traduction dans l’ordre des mots que me propose Francis Goyet.

                     combien de fois nous l’arène descendre
Nous l’avons vue, en partie du moins, et de l’abîme qui s’ouvrait dans la terre
Surgir des bêtes féroces, et souvent de ces mêmes profondeurs
D’or croître des arbres, à l’écorce de safran.
Et non seulement voir les monstres des forêts
Nous avons eu cette chance, [mais] moi, j’ai assisté au combat entre les bêtes des mers et les ours :
Spectaculaire ! [ces bêtes des mers, c’était, comment dire,] des veaux, ou des chevaux, au moins pour le nom,
Car pour le reste, alors là, horribles à voir12 !

  • 13 Quintilien, Institution oratoire, VIII, 4, 1 : « Prima est igitur amplific...

  • 14 Pour Jean Lecointe (« L’organisation périodique du ‘‘style coupé’’ dans le...

11Calpurnius commence par mentionner le totum : les « bêtes féroces » ; il ne procède donc pas par énumération des parties. L’intensité tient à l’hypotypose, mais aussi à la catégorie de Quintilien où cette amplification trouverait place : par le terme dont on désigne la chose13. Calpurnius donne des noms inappropriés aux bêtes du spectacle, et les rend ainsi spectaculaires. C’est le principe même du trope, qui est encore affaire d’optique : on change le nom des choses, pour les voir d’un autre œil. Les « monstres des forêts » désignent en fait des animaux qui nous sont familiers, probablement ceux que Montaigne énumérait (cerfs, sangliers, daims) ; inversement, les animaux exotiques sont dénommés par des noms biens connus (veaux, chevaux) mais qualifiés de façon étrange (« marins »). Le combat des ours et des veaux marins est des plus surprenant. Le tout est supporté par une gradation et une forme-période qui convergent : voici une amplification vraiment efficace. Les deux périodes sont rythmées par un système de balancements14 à la fois logiques et syntaxiques. Après la lecture de Calpurnius, on trouve bien pâles les amplifications de Montaigne.

12La raison en est assez visible. Calpurnius fait sentir à quel point était spectaculaire le spectacle qu’il lui a été donné de voir : c’est donc bien une amplificatio, où l’on souligne l’importance de ce qui est déjà en soi important ; ici, le spectaculaire de ce qui est déjà en soi spectaculaire. On est sur le mode de l’éloge enthousiaste. Chez Montaigne au contraire, on est dans un processus de dépréciation. Ce qui passait à la première lecture pour des amplifications se révèle in fine un ensemble d’extenuationes. Derrière l’importance, le peu d’importance. Derrière le spectaculaire, la critique de la vanité d’une telle société du spectacle. Montaigne montre localement une grandeur, certes : la grandeur des dépenses publiques, non pas celle du spectacle romain en lui-même. Il s’agit d’une grandeur externe, que nous dirions aujourd’hui superficielle et que Montaigne appellerait « accidentelle » en l’opposant à l’être ou « essentiel ». L’exténuation partage avec l’amplification l’abondance rhétorique, mais elle est dépourvue d’élévation poétique et de la forme-période. Le rythme de ces pseudo-amplifications est saccadé, il n’a pas d’ampleur, cet amplus qui définit l’ampli-fication. Au fond, c’est Montaigne qui nous donne le mot qui convient : le manque d’élévation et de forme-période au sein d’une telle abondance est plus qu’une faille, c’est une « crevasse ».

Les « vraies » amplifications : éloge des Aztèques

13Les deux amplifications qui portent sur la civilisation aztèque ressortissent à une forme d’abondance autrement plus riche et plus complexe. En les analysant, nous allons découvrir un autre terme rhétorique, celui de comparatio.

14La première véritable amplification relate une superstition aztèque :

  • 15 Livre de Poche, p. 1430-1431 ; PUF, p. 914.

Ils croyaient que l’être du monde, se départ en cinq âges, et en la vie de cinq soleils consécutifs, desquels les quatre avaient déjà fourni leurs temps, et que celui qui leur éclairait, était le cinquième. Le premier périt avec toutes les autres créatures, par universelle inondation d’eaux. Le second, par la chute du ciel sur nous, qui étouffa toute chose vivante : auquel âge ils assignent les géants, et en firent voir aux Espagnols des ossements, à la proportion desquels, la stature des hommes revenait à vingt paumes de hauteur. Le troisième, par feu, qui embrasa et consuma tout. Le quatrième, par une émotion d’air, et de vent, qui abattit jusques à plusieurs montagnes15 […].

  • 16 Francis Goyet, introduction au Traité du Sublime de Longin, p. 31.

Montaigne présente les cataclysmes déjà advenus, c’est-à-dire quatre parties, numérotées de un à quatre. Mais ces parties renvoient à un totum : « l’être du monde ». La distribution en parties est explicite : « se départ » (Colonia : « in suas partes distribuitur »). La succession des apocalypses oblige le lecteur à peser l’enjeu : quatre des cinq soleils sont éteints. Le lecteur prend la mesure de la fatalité d’une dernière apocalypse : elle serait la fin du monde. Montaigne accorde-t-il du crédit à cette croyance ? Après l’inondation, la chute du ciel, l’incendie et le cyclone, qu’est-ce qui pourrait détruire l’empire aztèque ? Le pathos consiste à soumettre au déclin ce qui pour nous, Occidentaux, est impérissable et unique : les « soleils » sont chez les Aztèques tout à la fois au pluriel et en nombre limité. Ce passage est pétri d’une forme d’abondance qui diffère de celle des spectacles romains : le pléthos est couplé au pathos16. L’énumération est sans redites, de même que les soleils sont sans retour. Les innombrables spectacles romains se ressemblent tous ; chaque cataclysme aztèque est unique.

15De la même façon, c’est vers le caractère unique et même exceptionnel des constructions aztèques que tend toute l’amplification qui suit :

  • 17 Livre de Poche, p. 1431-1432 ; PUF, p. 914.

Quant à la pompe et magnificence, par où je suis entré en ce propos, ni Græce, ni Rome, ni Ægypte, ne peut, soit en utilité, ou difficulté, ou noblesse, comparer aucun de ses ouvrages, au chemin qui se voit au Péru, dressé par les Rois du pays, depuis la ville de Quito, jusques à celle de Cusco (il y a trois cents lieues) droit, uni, large de vingt-cinq pas, pavé, revêtu de côté et d’autre de belles et hautes murailles, et le long d’icelles par le dedans, deux ruisseaux pérennes, bordés de beaux arbres, qu’ils nomment, Moly. Où ils ont trouvé des montagnes et rochers, ils les ont taillés et aplanis, et comblé les fondrières de pierre et chaux. Au chef de chaque journée, il y a de beaux palais fournis de vivres, de vêtements, et d’armes, tant pour les voyageurs, que pour les armées qui ont à y passer. En l’estimation de cet ouvrage, j’ai compté la difficulté, qui est particulièrement considérable en ce lieu-là. Ils ne bâtissaient point de moindres pierres, que de dix pieds en carré : ils n’avaient autre moyen de charrier, qu’à force de bras en traînant leur charge : et pas seulement l’art d’échafauder : n’y sachant autre finesse, que de hausser autant de terre, contre leur bâtiment, comme il s’élève, pour l’ôter après17.

Cette amplification procède « par raisonnement » ou déduction, « per ratiocinationem ». Les exemples de Quintilien et de Colonia convergent vers une conception étroite et précise de l’amplificatio per ratiocinationem. Il s’agit de montrer la grandeur de quelque chose en montrant la grandeur de quelque chose de plus petit qui s’y rapporte. Exemple canonique, la taille du cyclope est amplifiée par le fait de signaler qu’un pin ébranché lui sert de bâton : du bâton-pin on déduit l’homme-géant. La route qui va de Cuzco à Quito (environ mille cinq cents kilomètres) amplifie de même par raisonnement ou déduction toute la civilisation aztèque. Le raisonnement consiste à déduire de la beauté et qualité de cette route la valeur des hommes qui l’ont bâtie : « utilité », courage parce que « difficulté », « noblesse ».

16Les civilisations romaine et aztèque se différencient sur chaque axe paradigmatique. Schématisons. Le syntagme des créations romaines pourrait se résumer à : char – vive fontaine, surgeons et filets d’eau – sable – art. Celui des constructions aztèques à : bras – deux ruisseaux pérennes – pierres, murailles, rochers, pavés – travail. Les deux civilisations se profilent respectivement comme celles de la vanité d’un côté et de la stabilité de l’autre. Voilà les ressorts du pathos. La civilisation fondée sur l’idée de pérennité, de durabilité, celle qui est consciente de la menace du temps est précisément celle qui va être saccagée par la civilisation de la vanité, de la futilité :

  • 18 Livre de Poche, p. 1432 ; PUF, p. 915. L’exemplaire de Bordeaux comporte u...

Retombons à nos coches. En leur place, et de toute autre voiture, ils se faisaient porter par les hommes, et sur leurs épaules. Ce dernier Roi du Péru, le jour qu’il fut pris, était ainsi porté sur des brancards d’or, et assis dans une chaise d’or, au milieu de sa bataille. Autant qu’on tuait de ces porteurs, pour le faire choir à bas (car on le voulait prendre vif) autant d’autres, et à l’envi, prenaient la place des morts : de façon qu’on ne le put onc abattre, quelque meurtre qu’on fît de ces gens-là, jusques à ce qu’un homme de cheval l’alla saisir au corps, et l’avala par terre18.

Le porteur aztèque est l’antithèse du coche sur le paradigme des moyens de transport, et l’antithèse du cavalier sur le paradigme du combattant. Comment ne pas être ému ?

  • 19 Livre de Poche, p. 1425 ; PUF, p. 909.

  • 20 Ibid.

17La chute du chapitre est abrupte au possible. La brièveté finale contraste avec l’abondance à laquelle le lecteur s’était habitué ; l’effet de bouclage participe aussi de cette chute : nous « retombons » sur le thème par lequel nous avions commencé. La chute du roi rappelle l’amplification des soleils : après les quatre cataclysmes, qu’est-ce qui va détruire l’empire aztèque ? Réponse : l’homme occidental, le cavalier. Les Aztèques n’avaient pas de coches, pas de « voiture », ni d’attelage, pas de chevaux non plus, ces « grands monstres inconnus19 ». Avec cette dernière formule, Montaigne reproduit le procédé de Calpurnius qui consistait à qualifier de « monstres » des animaux domestiqués. Après l’amplification des spectacles romains, Montaigne montre toute la grandeur d’un autre spectacle : celui des cavaliers espagnols. Les spectateurs en sont les Aztèques, qui « n’avaient non seulement jamais vu de cheval, mais bête quelconque, duite à porter et soutenir homme ni autre charge20 ». Les Aztèques n’avaient pas de chevaux de trait, pour déplacer les charges, ni de chevaux pour monter à la charge, pour attaquer. Ne pouvant se défendre, la chute du roi aztèque est aussi celle de toute sa civilisation.

18« [N]i Grèce, ni Rome, ni Egypte, ne peut (…) comparer... » : Montaigne nous donne une possible clef du chapitre. La comparatio est le fait de mettre en parallèle deux séries, pour les contraster. On la voit à l’œuvre dans la chute du chapitre. Celle-ci confronte des hommes humbles et laborieux, qui ont le sens du sacrifice, à un « on » que Montaigne se dispense de décrire. Le chapitre tout entier est en réalité une macro-comparatio, un parallèle d’ensemble entre nous et eux, entre Rome et les Aztèques. Un indice en est la dimension quantitative des deux séries d’amplifications-exténuations que j’ai relevées, dont le nombre de mots est équivalent. Mais il faut aller au-delà de cette dimension purement quantitative. La comparatio est un parallèle entre deux entités pour les « juger », pour les évaluer plus justement, une pesée à deux plateaux. Elle permet de montrer la supériorité d’un des termes, son poids relatif. Contrairement à ce que Montaigne prétend, on peut « comparer » les ouvrages de Rome au chemin du Pérou, et lui-même ne se prive pas de le faire. La phrase « ni Grèce, ni Rome, ni Egypte, ne peut comparer… » signifie : le chemin qui se voit au Pérou est supérieur à tous les ouvrages de Rome, qui sont déjà très grands. Montaigne a recours à deux formes d’abondance pour mimer le déséquilibre entre les civilisations romaine, spectaculaire mais superficielle, et aztèque, véritablement riche : une abondance pauvre au fond, qui n’est qu’énumération, et une abondance éloquente, chargée de pathos et d’élévation poétique. Pour élever l’un il faut abaisser l’autre. Autrement dit, une des façons de ménager un crescendo ou gradatio est précisément de procéder per comparationem, en « exténuant » le premier terme. Montaigne minimise la grandeur romaine pour mieux souligner la supériorité aztèque. Fausse et vraie « magni-ficence », comme fause et vraie « ampli-fication ».

Conclusion : de la comparatio à la crainte

19Après avoir étudié les amplifications du chapitre et sa structure binaire, on est en mesure de revenir sur son préambule long et énigmatique. Voyons ce que les analyses qui précèdent permettent d’apporter sur le fond à la lecture de ce chapitre.

  • 21 Livre de Poche, p. 1415 ; PUF, p. 902.

20Comment comprendre la réflexion sur les dépenses des monarques ? Appliquons le raisonnement de Montaigne aux deux termes de la comparatio : les meilleures dépenses des monarques se font dans des constructions immuables, ou au moins qui restent en mémoire. Donc les « excès » des empereurs romains sont excusables, entre autres parce que Calpurnius et Montaigne font partie de ceux qui nous les rappellent. Mais les investissements aztèques sont d’une valeur incomparable parce qu’ils perdurent : la route du Pérou existe encore. La route symbolise le retour de l’argent public au public, et l’éloge de la route rappelle en la développant la façon dont plus haut dans le chapitre Montaigne avait fait l’éloge de la construction à Paris du Pont-Neuf21. Le lien entre la comparatio et la question des moyens de transport est aisé à découvrir. Le cheval, d’une allure non languissante, évite les vomissements : c’est là que veut en venir Montaigne au début du chapitre. À la fin, on comprend que le cheval incarne lui aussi la noblesse et l’utilité, en spectacle, en coche, en combat, ou pour le déplacement individuel. Pour finir, la connexion entre la problématique de la crainte et notre comparatio devient évidente : c’est parce qu’ils ont eu peur des Occidentaux, et surtout de leurs chevaux, que les Aztèques se sont fait massacrer.

21La première phrase du chapitre prend sens dans ce cheminement rhétorico-logique :

  • 22 Livre de Poche, p. 1408-1409 ; PUF, p. 898-899.

Il est bien aisé à vérifier, que les grands auteurs, écrivant des causes, ne se servent pas seulement de celles qu’ils estiment être vraies, mais de celles encore qu’ils ne croient pas, pourvu qu’elles aient quelque invention et beauté. Ils disent assez véritablement et utilement, s’ils disent ingénieusement22.

22Paraphrasons la suite. Pour quelle cause bénit-on celui qui éternue, et pas celui qui rote ? Les « auteurs » ont inventé celle-ci : parce que l’éternuement vient de la tête, et le rot (ou le pet) du ventre. Cette « cause » n’est pas vraie, mais seulement ingénieuse. De la même façon, la crainte n’est pas la cause des vomissements, contrairement à ce qu’on peut dire parce qu’on n’en connaît pas la cause.

23Mais ce ne sont que de premiers exemples. On peut réutiliser la première phrase du chapitre pour comprendre toute la suite. On attribue deux causes à l’hécatombe aztèque. La première est celle des Aztèques : leur disparition est due à l’extinction du cinquième soleil. On ne peut pas concevoir que Montaigne y croie, on sait ce qu’il pense des « pronostications ». La seconde cause, plus ethnocentrique, serait le manque de « hardiesse » ou de « courage » des Aztèques. Montaigne s’y refuse d’emblée, et fortement :

  • 23 Livre de Poche, p. 1424 ; PUF, p. 909. Mes italiques.

Quant à la hardiesse et courage, quant à la fermeté, constance, résolution contre les douleurs et la faim, et la mort, je ne craindrais pas d’opposer les exemples, que je trouverais parmi eux [les Aztèques], aux plus fameux exemples anciens, que nous ayons aux mémoires de notre monde par deçà23.

Comme au passage, Montaigne indique à son lecteur la structure du chapitre : l’opposition entre des exemples anciens et des exemples aztèques, opposer étant ici synonyme de comparer. L’explication superstitieuse des Aztèques et l’explication ethnocentrique sont utiles à chaque parti, belles de chaque point de vue, et ingénieuses. Mais elles ne sont pas vraies. La vraie cause de leur défaite est leur crainte – thème présent dans tout le chapitre. D’un point de vue moral, cette thèse est déshonorante pour la civilisation européenne, peu recevable au XVIe siècle, mais vraisemblable : les Espagnols ont profité de la peur et du dénuement des Aztèques pour les exterminer.

  • 24 Livre de Poche, p. 1424 ; PUF, p. 909.

24Pour le dire à l’inverse, les Aztèques ont commis une erreur de jugement. Ils ont été abusés par leur attente eschatologique, et ont pris pour « vraie » grandeur, pour « épouvantable magnificence24 » ce qui n’étaient que chevaux. Les Espagnols sont arrivés comme des acteurs sur une scène qui les attendait, où les Aztèques étaient les spectateurs, tout aussi illusionnés que les Romains face aux jeux du cirque, alors même que la vraie grandeur, le vrai courage, le vrai sens de la noblesse étaient de leur côté à eux les Aztèques. En s’illusionnant sur les étrangers, ils ont oublié leur valeur propre. Eux aussi auraient eu bien besoin de corriger leur regard et sur les Occidentaux et sur eux-mêmes. Le paradoxe est que nous pouvons, nous occidentaux et lecteurs de Montaigne, « voir » ce que les principaux intéressés n’ont su voir, pour leur malheur. C’est bien la question du jugement. Cela nous ramène aussi au thème chrétien de la Révélation auquel Stéphane Macé raccroche le phénomène correctif de l’amplificatio. Car en dernière analyse, il a manqué aux Aztèques quelque chose comme la Révélation. Ou, si l’on préfère, leur aveuglement est une preuve a contrario de la valeur révélatrice de celle-ci. Ils auraient « vu », s’ils n’avaient pas eu les yeux aveuglés par l’horizon d’attente que leur créait leur théologie ; tout comme les Romains de l’Empire auraient « vu » la superficialité des jeux du cirque, s’ils n’avaient pas été aveuglés par leur goût de la nouveauté et de l’invention, et en général par leur désir de spectaculaire. Ces quelques pistes suffisent à indiquer un phénomène à mon sens constant dans les Essais : l’amplification y a toujours une portée morale, même si leur auteur ne saurait être évidemment réduit, comme Bossuet, au statut de prédicateur.

Notes

1 Auquel il convient d’ajouter, du même auteur, « L’amplification dans le Carême du Louvre », Styles, genres, auteurs, n° 2, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2002, p. 27-42.

2 Que je remercie pour sa relecture attentive du présent article.

3 « La partie et le tout : l’ironie dans l’affaire Rapalli », dans Anne Vibert (éd.), L’Éloquence judiciaire, Paris, LITEC, 2003, p. 84-104.

4 Longin, Traité du Sublime, 12 (1-2), Paris, Livre de Poche, traduction de Boileau, 1995, p. 92-93. Voir aussi Aristote, Rhétorique, I, IX, 38-40, Paris, Livre de Poche, 1991, p. 137-138 ( = 1368a).

5 L’amplification chez Montaigne a été le sujet de mon mémoire de maîtrise en 2002-2003, sous la direction de Francis Goyet et dans le cadre de l’équipe Rare. Celle-ci a constitué une sorte de base de données avec les exemples de Quintilien (Institution oratoire, VIII, 4) et des jésuites Charles La Rue (Exercices de rhétorique sur les principaux discours de l’Énéide, Münich et Ingolstadt, Crätz, 1760) et Domenico de Colonia (Ars rhetorica, Parme, Typographia Borsiana, 1762, chap. II, art. IV ; repris dans l’éd. Fr. Desjacques, sj, Lyon, Briday, 1872).

6 Les Essais, Livre troisième, éd. J. Céard, Paris, Livre de Poche, « La Pochothèque », 2001, p. 1418-1419 (p. 905 de l’éd. Villey-Saulnier, Paris, PUF, 1992). L’édition Céard modernise les graphies mais conserve la ponctuation d’époque, en l’occurrence celle de l’éd. de 1595 ; on voit ici comment les deux-points scandent très nettement les divers moments décrits par Montaigne (mes italiques).

7  Livre de Poche, p. 1419 ; PUF, p. 906. Mes italiques.

8 Livre de Poche, p. 1420 ; PUF, p. 906-907. Mes italiques.

9 Domenico de Colonia, Ars rhetorica, éd. de 1762, p. 41 ; éd. de 1872, p. 46.

10 Topiques, 28 : « definitiones aliæ sunt partitionum aliæ divisionum ; partitionum, cum res ea quæ proposita est quasi in membra discerpitur, ut si quis ius civile dicat id esse quod in legibus, senatus consultis, rebus iudicatis, iuris peritorum auctoritate, edictis magistratuum, more, æquitate consistat. Divisionum autem definitio formas omnis complectitur quæ sub eo genere sunt quod definitur hoc modo : Abalienatio est eius rei quæ mancipi est aut traditio alteri nexu aut in iure cessio inter quos ea iure civili fieri possunt. » [« La définition se fait aussi ou par énumération des parties, ou par division. L’énumération des parties a lieu lorsque la chose en question est décomposée en ses éléments : comme si l’on disait que le droit civil est celui qui repose sur les lois, les sénatus-consultes, les sentences des tribunaux, les décisions des jurisconsultes, les édits des magistrats, la coutume et l’équité. La définition par division embrasse toutes les espèces qui sont comprises dans un genre ; par exemple : “L’aliénation est la tradition sous garantie privée, ou la cession légale d’une chose qui nous appartient en propre, à une personne qui, d’après le droit civil, peut la recevoir.” » (trad. Delcasso, dans les Œuvres complètes de Cicéron, Paris, Panckoucke, 1840, p. 233)]. Pour l’importance de ce distinguo, voir Francis Goyet, Le Sublime du « lieu commun », Paris, Champion, 1996, en particulier p. 553-563.

11 Livre de Poche, p. 1421 ; PUF, p. 907.

12 Je reprends la traduction dans l’ordre des mots que me propose Francis Goyet.

13 Quintilien, Institution oratoire, VIII, 4, 1 : « Prima est igitur amplificandi vel minuendi species in ipso rei nomine » [« La première espèce d’amplification ou d’atténuation est fournie par le mot même dont on désigne la chose »].

14 Pour Jean Lecointe (« L’organisation périodique du ‘‘style coupé’’ dans le livre III des Essais », Styles, genres, auteurs, n° 2, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2002, p. 9-24), le balancement est définitoire de la période.

15 Livre de Poche, p. 1430-1431 ; PUF, p. 914.

16 Francis Goyet, introduction au Traité du Sublime de Longin, p. 31.

17 Livre de Poche, p. 1431-1432 ; PUF, p. 914.

18 Livre de Poche, p. 1432 ; PUF, p. 915. L’exemplaire de Bordeaux comporte une variante intéressante pour le jeu allitératif, la contradiction entre haut et bas ; il s’achève sur « le porta par terre » et donc le polyptote : « porter », « porté », « porteur », « porta ».

19 Livre de Poche, p. 1425 ; PUF, p. 909.

20 Ibid.

21 Livre de Poche, p. 1415 ; PUF, p. 902.

22 Livre de Poche, p. 1408-1409 ; PUF, p. 898-899.

23 Livre de Poche, p. 1424 ; PUF, p. 909. Mes italiques.

24 Livre de Poche, p. 1424 ; PUF, p. 909.

Pour citer ce document

Déborah Knop, «L’amplificatio chez Montaigne : une question d’optique, et de jugement (Essais, III, 6, « Des Coches »)», La Réserve [En ligne], La Réserve, Livraison juin-juillet 2015, mis à jour le : 12/11/2015, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/reserve/106-l-amplificatio-chez-montaigne-une-question-d-optique-et-de-jugement-essais-iii-6-des-coches.

Quelques mots à propos de :  Déborah  Knop

Doctorat – U.M.R. Litt&Arts / Rare – Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution