La Réserve : Livraison du 05 novembre 2015

Christine Noille

Le recueil est-il un texte comme un autre ? De la disposition des Fables et de ses enjeux

Initialement paru dans : Ch. Noille dir., Lectures de La Fontaine : le recueil de 1668, P.U.R, 2011, p. 71-89

Texte intégral

1. Introduction. Cent vingt-quatre fables en quête d’un texte

  • 1 Voir P. Dandrey, « Le cordeau et le hasard », Papers on French Seventeenth ...

1Il est des questions qui ont vocation à rester insatisfaites (c’est peut-être pour cela qu’elles ne cessent d’être reprises). Il en est ainsi de l’organisation des Fables1 : existe-t-il des principes qui en règlent l’ordonnancement ou des modèles qui en autorisent la composition – fût-ce sur le mode de l’écartement, de la défection, de la suspension ? Existe-t-il un dispositif d’ensemble des Fables ?

  • 2 B. Bouchard, La Fontaine, une poétique de la diversité, thèse de doctorat, ...

2Disons-le d’emblée : nous n’allons pas trouver ici de réponse nouvelle, définitive, satisfaisante, ni même de début de réponse. Je préfère nous convier d’entrée de jeu à faire notre deuil, le deuil d’un objet textuel positif – la structure de l’ouvrage – qui serait doté d’une existence autonome et intangible – que l’auteur aurait ingénieusement marqué dans son texte – que le suffisant lecteur saurait décrire. Et pour filer la métaphore médicale, je partirai plutôt d’un diagnostic méta-critique et réflexif sur cette étrange pathologie de la critique lafontainienne, sur cette manie de céder à l’appel de la structure. Car s’il est vrai qu’à la gente critique « les Fables imposent avec force le sentiment d’un ordre » mais qu’elles lui infligent tout aussi systématiquement l’expérience « d’un désordre irréductible2 », je propose de voir à l’œuvre dans ce double constat le symptôme d’un processus en panne, qui serait tout simplement le processus de la lecture. Ou pour le dire autrement, peut-être que le « recueil » des Fables (comme le nomme La Fontaine dans la première phrase de sa Préface) est illisible, peut-être qu’un recueil (de fables) n’est pas un texte comme un autre, peut-être même qu’il n’y a pas de texte du tout.

3Je reviens sur ces dernières propositions : elles engagent une certaine conception du texte comme totalité composée, dispositif ordonné, organisation d’ensemble, ou encore tissu d’énoncés hiérarchisés et enchaînés. Ainsi définie, la notion de texte semble pouvoir bien mieux s’appliquer, dans le cas des Fables, à chacune des parties qu’au tout : il est clair en effet que chaque fable forme une totalité à la fois cohérente et auto-suffisante, close sur elle-même, et constitue à ce titre un texte autonome.

  • 3 Dès lors, on peut imaginer également des entités textuelles inférieures à l...

4Quelques petits bémols peuvent être bien sûr apportés : dans les éditions du XVIIe siècle, l’ensemble autonome est constitué du numéro de la fable, d’une gravure, du titre de la fable, de son texte et d’une marque visuelle de fin (ornement décoratif, saut de page et/ou trait horizontal) – d’où le fait, d’abord, que la textualité passe ici par un dispositif herméneutique intégrant un rapport à l’image ; et surtout qu’un « texte » est parfois formé de ce que nous appelons des fables doubles (et qu’il vaudrait mieux nommer stricto sensu des fables enchaînées), puisque dans ce cas-là, le début donne deux numéros de fables à la fois (ex. : « Fables XV. et XVI. »), et qu’une seule gravure commune précède l’annonce des deux titres à la suite (ex. : « La Mort & le Malheureux. La Mort & et le Buscheron »), la mise en page également à la suite des deux fables (sans rappel du titre de la seconde fable) et le marquage de la fin du dispositif3.

  • 4 Sur la continuation de cette tradition lafontainienne du commentaire de fab...

  • 5 Voir à la fin du volume imprimé où le présent article a été publié, Un nouv...

5Comme on le voit, on peut discuter sur le découpage pertinent pour définir chaque unité : soit qu’on reprenne le découpage éditorial – dans ce cas, l’unité va de la gravure à la marque de fin –, soit qu’on privilégie un découpage interprétatif selon le modèle histoire + moralité, lequel peut aboutir à des découplages (dans le cas des fables enchaînées) voire à des éclatements de fable (dans le cas de fables à épisodes ou à cas). Mais cela ne change pas grand-chose au fait que dans cette perspective, le recueil est ni plus ni moins qu’une collection de textes indépendants – et la Préface semble nous confirmer dans ce diagnostic, qui ne considère que l’écriture de la fable (son « dessein », son « exécution », sa « conduite ») sans jamais envisager la disposition générale. Ce qui est donné à lire, ce sont des textes, et non pas un texte. Lire une fable du début à la fin va (à peu près) de soi. En revanche, lire deux fables en suivant ne va (généralement) pas de soi – sauf à produire un exercice peut-être parfaitement artificiel, imaginer un continuum supra-textuel, d’une fable à l’autre, sans appui évident du côté d’un quelconque dispositif de liaison ou de hiérarchisation. D’ailleurs, les lectures critiques attestées dans la réception du texte sont d’abord, du XVIIe au XIXe siècle, des explications de telle ou telle fable4 sans égard pour une quelconque mise en relation5. L’ancienne critique a établi l’insularité naturelle de la fable.

  • 6 Voir La Rochefoucauld, Lettre au Père Thomas Esprit, dans Maximes, éd. J. L...

6Et c’est ici qu’on retrouve la question de l’illisibilité : car l’impossibilité de mettre en réseau des énoncés suspend la légitimité de la lecture en continu et partant, invalide la notion d’ouvrage architecturé (d’œuvre composée). Ou, pour reprendre les commentaires des contemporains sur un autre ouvrage partageant avec les Fables le risque du discontinu, à savoir les Maximes de la Rochefoucauld, on a là un "ramas de diverses pensées", parues "sans être achevées et sans l’ordre qu’elles devaient avoir" (La Rochefoucauld6), et comme le dit un lecteur anonyme,

  • 7 Dossier des Lettres relatives aux Maximes, établi par J. Truchet dans son é...

« (...) je ne suis qu’un maçon ou un charpentier en cette matière, mais vous m’avouerez aussi qu’il est composé de différents matériaux ; on y remarque de belles pierres (...) mais on ne saurait disconvenir qu’il ne s’y trouve aussi du moellon et beaucoup de plâtras, qui sont si mal joints ensemble qu’il est impossible qu’ils puissent faire corps et liaison, et par conséquent que l’ouvrage puisse subsister7. »

7Ce qui est ici en jeu est bien l’effet d’ensemble : toute idée de texte passe par la mobilisation d’un modèle d’organisation, fût-ce pour organiser une architecture à trous. Quand Michel Charles écrit :

  • 8 M. Charles, « Trois hypothèses pour l’analyse, avec un exemple », Poétique ...

« […] le texte jugé « discontinu » ou fragmenté, voire fragmentaire, ne fait nullement exception. Il suffit, encore une fois, que j’aie le sentiment qu’il existe comme un tout. Or, qu’un ensemble de fragments existe dans mon esprit comme une totalité est parfaitement admissible […]8 »,

8il ne règle pas pour autant le problème des recueils de textes : tout l’enjeu étant en effet de savoir si, dans ce cas-là qui est celui des Fables, j’ai le sentiment que le recueil existe comme un tout – et pourquoi, et comment, et jusqu’où. La question ici est donc d’abord celle des modèles : quels sont les modèles d’organisation disponibles pour l’écriture et/ou la lecture des recueils de textes ? Elle est ensuite celle du partage des responsabilités : en quoi le texte actuel me permet-il d’actualiser tel ou tel modèle, quels sont les indices textuels embrayeurs d’architecture ? Bref, jusqu’où s’étend la responsabilité du lecteur dans l’avènement d’une structure ?

2. Modèles pour composer (avec) un recueil

2.1. Modèles actuels de composition discontinue

9En ce qui concerne les modèles de dispositio disponibles pour le lecteur des Fables, on peut tout d’abord rapidement noter la stéréotypie des schémas compositionnels convoqués dans la critique actuelle pour penser la suspension, la discontinuité, l’absence de suivi : soit la critique spécule sur un dispositif d’écartement (par rapport à l’hypothèse d’une norme d’agencement continu, qu’elle soit argumentative, rhétorique, métrique, poétique, etc. : cela conduit généralement à une pensée de l’agencement en termes d’assouplissement des dispositifs conventionnels) ; soit elle argumente sur un dispositif de complexification (par croisement ou hybridation de plusieurs dispositifs attestés), soit enfin elle restitue un dispositif de variation (par déclinaison des possibles d’une forme, d’un motif, d’un thème, etc.). La discontinuité est appréhendée dans le premier cas en termes de structure erratique (apparaissant et disparaissant), dans le second cas en termes de structure disjonctive (laissant place à un autre principe de structuration), dans le dernier cas en termes de structure cyclique (rendant compte d’une série d’éléments, que ces éléments soient ou non disposés à la suite).

10Disons pour lever toute ambiguïté que ces solutions sont également intéressantes, ou en tout cas m’intéressent, en ce qu’elles témoignent de la capacité de la lecture à produire des architectures en mouvement, à saisir une dynamique de composition. Elles sont au plus près d’un art de lire, là où (sans doute) elles croient dire la vérité d’un art d’écrire. Mais elles biaisent avec l’hypothèse d’une collection d’éléments autonomes : elles font le pari d’une intention de cohérence, d’une prédétermination du réseau sur la partie. Elles font du discontinu une rupture du continu. Elles ignorent l’aléatoire, l’hétérogénéité, l’arbitraire. Elles n’élaborent pas une pensée forte du recueil.

11On peut alors se reporter à d’autres modèles de dispositifs, attestés au XVIIe siècle, travaillant quant à eux sur la collation de textes indépendants.

2.2. Un modèle de liste : les recueils ésopiques

  • 9 Voir Les Fables d’Ésope Phrygienpar J. Baudoin, Bruxelles, 1669.

12Avec les éditions des fables d’Ésope tout d’abord, par exemple l’une des rééditions de Baudoin9, nous avons le modèle élémentaire du recueil, à savoir la liste de textes avec encadrement paratextuel : cent dix-sept textes à la suite, chacun composé du numéro de la fable, d’une gravure, du titre, du texte de la fable suivi d’un substantiel « Discours moral » à vocation commentatrice et d’un saut de page ; le tout encadré à l’incipit d’un avis Au lecteur et d’une longue Vie d’Ésope en trente chapitres, et en clôture d’une table des chapitres de la Vie et d’une table des fables dans leur ordre de pagination.

  • 10 Voir le titre, ainsi typographié en 1668 : FABLES CHOISIES, mises en vers ...

13Le paratexte légitime ainsi par une réflexion sur le genre de la fable et par la démonstration d’une exemplarité auctoriale l’édition d’une collection de fables à vocation de modèles – de modèles pour la réflexion, pour la récitation, pour l’imitation. Baudoin compose avec les fables d’Ésope un florilège à l’instar des recueils de topiques et des Progymnasmata, ces exercices préparatoires de rhétorique dont on sait que certains chapitres s’ouvraient sur « La Cigale et la Fourmi ». Chaque morceau est la démonstration en acte du genre. Le recueil ne programme pas de mise en réseau ni ne mise sur un effet d’ensemble. Il attend du lecteur un usage parcellaire qui obéisse au même principe que celui que La Fontaine inscrit dans le titre même de son recueil de 1668, le choix10.

2.3. Un modèle de Livres : les Livres de Phèdre

14D’un certain point de vue, les recueils des fables de Phèdre peuvent prêter à la même expérience de lecture en pièces détachées : ils sont eux aussi principalement constitués de listes de fables. Mais leur ordonnancement diffère sur un point décisif : les listes sont regroupées en cinq « Livres » de longueur très variable (dans les éditions courantes du XVIIe siècle , L. I : trente fables ; L. 2 : neuf ; L. 3 : dix-huit ; L. 4 : vingt-trois ; L. 5 : onze), chacun ouvrant sur un Prologue ou une Préface dédicacée, la plupart se concluant sur un Épilogue, enfin un livre (le Livre IV) ayant, insérées dans la liste des fables, deux fables dont le titre comporte le nom d’auteur et annonce une réflexion sur l’écriture (respectivement, dans la réédition de Sacy de 1669, la IV, 6 : « Phèdre contre les Censeurs de son Livre » ; et la IV, 18, « Phèdre sur ses Fables »).

  • 11 B. Donné, « La Fontaine et l’invention des Fables » in J.-M. Boivin, J. Ce...

15La différence fondamentale avec la collection des apologues ésopiques tient bien sûr non pas au seul regroupement par Livre (qu’importe en effet que nous ayons cinq listes de fables à la place d’une seule ?), mais à toutes les pièces de poésie insérées qui promeuvent l’idée d’une intention auctoriale universelle et transforme la liste en dispositif argumentatif où toutes les fables « feront foi » d’une vérité, « [t]ant la chose en preuves abonde » comme dirait La Fontaine (II, XI) : à savoir « la visée satirique et politique de ses apologues » contre le pouvoir de Tibère secondé par son favori Séjan11, ainsi que l’explicite jusqu’au nom d’auteur dans l’intitulé même de l’ouvrage, Fables de Phèdre affranchi d’Auguste.

16D’un dispositif (celui d’Ésope) sans mémoire de l’avant et de l’après, centré sur le texte de chaque fable, nous basculons dans un dispositif persuasif cumulatif (d’une fable à l’autre), avec l’idée d’une unité forte du « Livre ». Le recueil de Phèdre est très littéralement conçu comme la somme de cinq livres dont l’encadrement à chaque fois reprécise le projet.

2.4. Un modèle de recueil : les recueils de poésie

  • 12 Nous devons ces données à l’Introduction de G. Saba à Théophile de Viau, Œ...

17Autre modèle possible pour la composition des Fables, la tradition éditoriale des recueils de poésies, dont la fécondité au XVIIe siècle n’est plus à démontrer. Il n’a en effet échappé à personne que le recueil de 1668 ne se présente pas uniquement, ni même spécifiquement, comme un recueil de fables, mais de façon très explicite, comme un recueil de poésies, très exactement de Fables choisies, mises en vers. Nous prendrons pour recueil témoin un ensemble de poésies écrites par un même auteur sur plusieurs années, qui ont d’abord pu circuler dans des versions manuscrites et qui ont été ensuite regroupées pour la publication. Il s’agit des pièces de poésie de la Première Partie des Œuvres de Théophile de Viau, dont l’ordre définitif a été revu et fixé par l’auteur dans la seconde et la troisième édition (1623) et qui, associées à la Seconde Partie puis à la Troisième Partie, seront de très loin le recueil le plus souvent réédité au XVIIe siècle (98 éditions jusqu’en 1696 contre seize pour Malherbe par exemple12).

18La disposition que Théophile a retenue respecte à la fois un ordre hiérarchique (en plaçant en premier les pièces adressées au roi et à d’autres aristocrates de haut rang) et un ordre prosodique, des genres les plus nobles aux petits genres, en mettant d’abord huit odes, puis seize pièces de stances, onze poèmes à rimes plates (satires, élégies…), de nouveau cinq odes, et enfin quatorze sonnets, trois épigrammes et neuf pièces de ballet. L’ensemble est un dispositif épidictique, travaillant à la persona de l’auteur à travers l’exhibition de son art dans tous les compartiments, du plus noble au plus léger.

19Chaque pièce est ainsi un texte auto-suffisant, mais l’ensemble a une pertinence en tant que composition florale, dont l’agencement met en valeur à la fois la variété et la complétude du talent auctorial (exemplifiant tous les registres de l’art) et devient ainsi une nouvelle preuve de l’ingéniosité du poète.

2.5. Un modèle de beau désordre : les Maximes

  • 13 Voir Ch. Noille-Clauzade, « Les Maximes à l'œuvre : le Livre de sable », d...

20Dernier modèle de dispositif pour un recueil de textes autonomes, celui-là même dont La Fontaine fait l’éloge en I, XI, le « si beau » canal des Maximes. Nous avons ailleurs exploré les modèles dispositionnels successifs que les Maximes ont mis en au cours de leurs éditions13. Sans entrer dans le détail des réaménagements considérables que La Rochefoucauld a introduits dès la seconde édition de 1666 à son dispositif original (première édition : 1664), nous en resterons ici aux caractéristiques saillantes de la disposition dans les deux éditions à la fois dont La Fontaine a pu avoir connaissance en 1668.

21L’ouvrage des Maximes se présente tout d’abord comme une collection de réflexions morales autonomes et elliptiques (à proprement parler des maximes), une longue liste désordonnée, laquelle est encadrée par un paratexte éditorial lourd.

  • 14 Voir Gracian (Baltasar), La Pointe ou L'Art du génie (1648), éd. M. Gendre...

22Autre caractéristique, il existe cependant dans le fil du texte ce que le XXe siècle nommera des « séries » de maximes, à savoir des maximes enchaînées à la suite sur un même sujet, par exemple sur les passions (maximes 5-12 dans nos éditions courantes) ou sur l’amour (maximes 68-77) – sans pour autant qu’elles concourent à une même argumentation, énonçant même à l’occasion des positions parfaitement contradictoires. Le lien entre les maximes ne relève pas en effet, dans la genèse du texte, d’un enchaînement argumentatif, mais d’un art de la « pointe composée » comme la nomme Balthasar Gracian14, d’une ingéniosité à enrichir chaque trait d’esprit des correspondances (thématiques et rhématiques) qu’il peut avoir en entrant en résonance ingénieuse avec son contexte. Il est à noter que la seconde édition travaillera à défaire quelques-uns de ces enchaînements en insérant dans des séries une maxime sans rapport ni de forme ni de fond avec les maximes contextuelles.

23Enfin, dernière caractéristique stable, la Table : si la liste des maximes – à l’exception de quelques séries enchaînées – est conçue comme une collation arbitraire de micro-textes sans rapport les uns aux autres, La Rochefoucauld précise ceci dans l’Avis au lecteur de la première édition :

  • 15 La Rochefoucauld, éd. J. Lafond, op. cit., p. 261.

« Pour ce qui est de la méthode que l’on y eût pu observer, je crois qu’il eût été à désirer que chaque maxime eût eu titre du sujet qu’elle traite, et qu’elles eussent été mises dans un plus grand ordre ; mais je ne l’ai pu faire sans renverser entièrement celui de la copie qu’on m’a donnée ; et comme il y a plusieurs maximes sur une même matière, ceux à qui j’en ai demandé avis ont jugé qu’il était plus expédient de faire une table à laquelle on aura recours pour trouver celles qui traitent d’une même chose15. »

24Les Maximes sont donc un texte qui, très explicitement, programme deux dispositifs à la fois : il actualise dans toutes les éditions un dispositif plus ou moins fondé sur la liste et partant, sur une lecture oublieuse, le plus souvent insouciante des effets de contexte d’une maxime à l’autre (telle que l’attestent les lecteurs contemporains des premières éditions) ; et en même temps il rend possible un dispositif ordonné et continu, en autorisant le lecteur, à travers la Table, à recomposer l’ouvrage par « chapitres » argumentatifs, regroupements de réflexions sur la même matière.

2.6. Bilan : que faire avec des modèles de composition ?

25Bilan de ces modèles possibles de composition pour le recueil de 1668 : ils semblent tous à quelque degré pertinents pour rendre compte de l’agencement des Fables. En effet, il est possible de raisonner analogiquement et dire que l’édition de 1668 reprend, pour aller vite :

  • le paratexte et le rapport entre fable, titre et image, que l’on trouve dans les recueils ésopiques du XVIIe siècle ;

  • le regroupement en Livres encadrés du recueil de Phèdre ;

  • l’idée d’une disposition par hiérarchisation des matières et des formes à la façon des recueils de poésie ;

  • enfin deux éléments qui toujours par analogie prennent toute leur signification quand on se souvient du dispositif des Maximes : d’une part la présence stratégique d’une « Table des Fables » par ordre alphabétique qui est insérée, dans l’édition de 1668, juste après la Vie d’Ésope et qui accompagne donc le lecteur à entrer dans les Fables en imaginant un autre dispositif que celui de la liste, à savoir des regroupement par cycles d’animaux16 ; et d’autre part le repérage possible de suites de fables qui fassent « série » à la façon des séries ingénieuses de La Rochefoucauld.

26Ce qui veut dire, si l’on a bien suivi, qu’on peut interpréter la composition du recueil sur un certain nombre de modèles non seulement différents, mais contradictoires : sur le modèle de la liste dont chaque élément est exemplaire du genre, sur le modèle de l’accumulation de preuves à visée unifiée, sur le modèle de la composition poétique, sur le modèle de l’enchaînement ingénieux, sur le modèle de la diversification par cycles. Redisons-le avec force, les modèles servent fondamentalement au lecteur : ils lui permettent de lire un texte. Et la structuration effective dépend du système de lecture adopté, selon qu’on désire lire les Fables comme un fablier, comme un ouvrage à visée démonstrative, comme de la poésie, comme un exercice de virtuosité, comme un compendium d’histoires animalières… Mais ajoutons aussitôt que tous ces projets de lecture ont en commun de n’être pas complètement arbitraires, de négocier entre un horizon d’attente personnel (forcément personnel) et quelque chose des réalités du texte.

27Autrement dit, sans essayer de spéculer sur l’horizon de lectures et d’attente d’un auteur nommé La Fontaine – qui, en lecteur, a pu commémorer tel ou tel de ces modèles dans tel et tel endroit du texte – et en prenant comme seul point de départ possible les énoncés textuels, il n’est pas inutile d’établir un état des lieux concernant la présence ou non de références explicites à des enchaînements possibles entre fables, à l’existence ou non d’une forme quelconque de réseau – bref, à un dispositif qui excéderait l’état de pur recueil de textes arbitrairement accolés et qui constituerait un (grand) texte, par-delà l’assemblage éditorial de (petits) textes.

3. Dispositio : état des faits (textuels)

3.1. Dans la Préface

28Au niveau des indications préfacielles, l’argumentaire se concentre sur l’écriture de la fable – sur l’enjeu fondamental de la versification, sur l’égaiement de la narration, sur l’utilité morale du genre, etc. – sans jamais aborder la question de la composition générale du recueil – comme si elle n’existait pas - sinon dans la formule suivante :

« J’ai déjà passé la longueur ordinaire des préfaces ; cependant je n’ai pas encore rendu raison de la conduite de mon ouvrage. »

29L’annonce semble trompeuse, puisque loin de parler de la conduite générale de son ouvrage, le préfacier revient sur la conduite qu’il a suivie dans l’écriture de chaque fable, en discutant de la présence des plantes et de la place de la moralité. Mais ce faisant, il revient surtout sur une question plus fondamentale, son respect des règles. En contestant en effet les règles établies ou en admettant avoir pris des libertés, il avance comme justification la visée suprême du plaisir :

« On ne considère en France que ce qui plaît : c’est la grande règle et pour ainsi dire la seule. »

30Mutatis mutandis, la conduite de l’ouvrage, dans ses parties comme peut-être dans son économie générale si elle existe, devra être mesurée à l’aune du plaisir : dispositif d’agrément d’abord, composition pour le plaisir, ou, si l’on veut, œuvre de poésie.

3.2 L’encadrement du recueil

31Au niveau de l’encadrement du recueil, l’ouverture comporte une Épître dédicatoire en prose à Monseigneur le Dauphin, la Préface de l’auteur, la Vie d’Ésope et la « Table des Fables » ; le recueil de poésies proprement dit commence par une pièce de poésie hors système, qui sert de prologue général, la dédicace A Monseigneur le Dauphin, et se conclut de même par une pièce de poésie hors système intitulée Épilogue et adressée implicitement aux lecteurs en général, mais explicitement à un interlocuteur nommé Damon. Il n’y pas de Table des Livres et des Fables par ordre de pagination. Autant d’éléments qui vont dans le sens d’une composition de textes sans effet de continuité, à l’instar des recueils ésopiques ou des topiques pédagogiques.

3.3. Les Livres : travail de l’ouverture

32Au niveau de l’organisation interne des fables, tout le monde aura noté l’agencement en six livres. Reste à en mesurer les modalités d’encadrement et d’unification. On peut parler tout d’abord d’un véritable effet d’ouverture généré par l’insertion de la première fable de chaque Livre dans des pièces de poésie à fonction de prologue et/ou de dédicace : prologue réflexif sur l’art des fables en II, 1 (« Contre ceux qui ont le goût difficile »), Dédicace à Monsieur de Maucroix et retour sur l’art de la feinte en III, 1 (« Le Meunier, son Fils et leur Âne », titre que je donne ici dans la version de 1668), Dédicace galante à Mademoiselle de Sévigné en IV, 1 (« Le Lion amoureux »), Dédicace au comte de Brienne avec retour sur l’instruction par la poésie en V, 1 (« Le Bûcheron et Mercure »), prologue réflexif sur le style de la fable entre brièveté et ornement pour les fables enchaînées ouvrant le Livre VI (« Le Pâtre et le Lion. Le Lion et le Chasseur »).

  • 17 Voir Ch. Noille-Clauzade, « La Cigale et le Renard, enquêtes croisées sur ...

33Restent en suspens deux points : tout d’abord le cas du Livre I, qui n’intègre ni prologue ni dédicace et rompt avec le modèle de Phèdre pour lui préférer une référence aux tout premiers exercices rhétoriques des Progymnasmata en commençant par des fables formellement simples et brèves (même s’il est possible de les interpréter comme un prologue allégorique sur l’art du fabuliste17). Mais il est à remarquer que le Livre I est précédé non seulement par un paratexte en prose important sur l’art des fables, mais par une pièce de poésie dédicatoire qui certes ouvre l’ensemble du recueil, mais ipso facto et par contiguïté, le Livre I. Autrement dit, peut-être que l’ouverture du Livre I n’est pas si différente que cela de celles des autres Livres.

34Second point en suspens, l’ouverture de chaque livre se joue-t-elle sur une seule pièce de poésie ou se prolonge-t-elle au-delà ? Question surprenante à première vue, mais que légitime pleinement la deuxième fable du Livre III, « Les Membres et l’Estomac » :

« Je devais par la royauté
Avoir commencé mon ouvrage.
A la voir d’un certain côté,
Messer Gaster en est l’image. »

35Pourquoi devoir commencer « par la royauté » en effet sinon en référence à la compartimentation à la fois hiérarchique et générique des recueils de poésie, qui ouvrent sur les pièces dédiées au Roi et aux Grands du royaume ainsi que sur le genre de l’ode ? Par une correspondance burlesque inversée, la royauté se reflète ici à l’ouverture dans la deuxième fable, sur « l’Estomac ». Le cas n’est pas unique : quatre Livres intègrent en effet à leur ouverture des pièces mettant en scène l’image de la royauté (voir, outre l’Estomac en III, 2, le Lion en IV, 1 et en VI, 1/VI, 2) ou recourant (y compris sur le mode burlesque) au grand registre héroïque comme en II, 1 mais également en II, 2 (« Conseil tenu par les Rats »). Là encore, si la Dédicace au fils du Roi sauve la mise à l’ouverture du recueil, il est quand même à noter que dans ses seules limites, le tout début du Livre I est dépourvu d’un tel motif. Il en est de même pour le Livre V.

36Bilan : on peut parler d’un travail de prologue pour le recueil et pour chacun des Livres du recueil. Trois Livres intègrent la première fable dans un discours de Dédicace (L. III, IV, V), quatre livres encadrent la première fable d’un discours à valeur méta-critique et réflexive (L. II, L. III, L. V, L. VI), quatre livres font une déclinaison de l’héroïque dans leur début (fables 1 et 2 pour les livres II et VI, fable 1 pour le L. 4, fable 2 pour le livre III) ; un livre échappe, dans ses énoncés littéraux, à l’ensemble de ces procédures, le Livre I (même si encore une fois, des interprétations allégoriques méta-critiques sont éminemment possibles).

37Ajoutons cependant qu’au regard des Prologues et Dédicaces des livres de Phèdre, une différence majeure apparaît quant à l’explicitation d’une intention de sens : pas d’appel à l’interprétation, pas de finalité politique ou morale, mais bien plus une focalisation sur la technique de la fable versifiée, sur les enjeux de son style et les ressorts de sa réception. Tout se passe comme si chaque Livre était une nouvelle exploration du programme affiché en titre : la mise en vers d’un choix de fables. On notera, pour ceux qui s’intéressent aux éditions successives des Fables, et en particulier à l’édition suivante, celle de 1678, que les Livres VII-X travaillent en revanche bien plus sur une unité de sens, en multipliant les références philosophiques dans leur ouverture comme dans leur clôture : notre hypothèse est que la situation est donc radicalement différente pour le premier recueil, ou, autre façon de dire la même chose, que le premier recueil ne correspond pas au même projet de livre, que l’ouvrage formé des six premiers livres n’est pas le même que l’ouvrage amalgamant à d’autres livres les mêmes six premiers livres.

3.4. Les Livres : enquête sur l’existence d’un effet de clôture

38Existe-t-il un dispositif de clôture des Livres comparable aux dispositifs d’ouverture ? Nous ne pouvons ici que répertorier les différences qu’il y a entre l’ouvrage de 1668 et les Livres des recueils ultérieurs. Tout d’abord, la dernière fable du dernier Livre publié (la fable XII, 24) énonce en quelque sorte une règle, un protocole de clôture lorsqu’elle écrit :

« Cette leçon sera la fin de ces ouvrages :
Puisse-t-elle être utile aux siècles à venir !
Je la présente aux rois, je la propose aux sages :
Par où saurais-je mieux finir ? »

39Une leçon de politique et / ou de « sagesse », de philosophie, c’est bien ce que nous avons également à la fin du Livre VII (« Un animal dans la lune »), et encore plus explicitement peut-être, à la fin du livre VIII (« Le Loup et le Chasseur », avec la célèbre variation sur le Carpe diem) ; c’est encore ce que des fables conclusives nous proposent expérimentalement en quelque sorte, par l’étude de cas non pas fictifs, mais attestés, nous conviant ainsi à poursuivre une réflexion sur l’âme, selon qu’elle est humaine ou propre aux animaux (L. IX, Discours à Mme de La Sablière, L. X, avant-dernière Fable, Discours à Monsieur le duc de La Rochefoucauld, L. XI, « Les Souris et le Chat-Huant »).

40En revanche, pour le recueil de 1668, il n’est pas impertinent de se demander si l’effet de clôture que le lecteur peut attribuer aux fables disposées en dernier dans les Livres, est embrayé par le texte ou par le seul désir de clôture (et la compétence interprétative) du suffisant lecteur. Car ici, la démarcation entre programme textuel et apport interprétatif est des plus fragiles. Si l’on essaie d’en rester à du factuel (à un relevé des énoncés sans les coupler à un travail de modélisation conclusive), le seul élément massif est le changement de terminaison (de conclusion ?) de deux Livres contigus que La Fontaine opère dans la reprise des six premiers Livres pour l’édition de 1678 : originellement, en 1668, le Livre III se concluait avec les fables III, 19 (« L’œil du Maître ») et III, 20 (« L’alouette et ses Petits avec le Maître d’un champ ») ; et le Livre IV se terminait sur la IV, 20 (« L’Avare qui a perdu son trésor »). En 1678, La Fontaine déplace les Fables III, 19 et III, 20 pour les ajouter à la fin du Livre IV – d’où le fait que la IV, 18 ne soit plus une fable de clôture et que symétriquement, l’antépénultième du Livre III, la III, 18 (« Le Chat et un vieux Rat »), devienne une fable de clôture.

41Qu’en penser ? L’interprétation peut fort bien aller dans tous les sens : on peut arguer que La Fontaine change la fin du L. III pour promouvoir en III, 18 un personnage, Rodilardus, dans un rôle d’encadrement (puisqu’il apparaît également au début du Livre II, en II, 2) ; ou qu’il change la fin du L. IV, pour mettre en clôture une image de la vigilance maternelle qui n’est pas sans écho avec la dédicataire du même Livre IV, Melle de Sévigné ; ou qu’il déplace deux fables pour les mettre en résonnance avec la fable qui désormais les précédera dans le livre IV ; ou qu’il les déplace pour rompre une résonnance avec la fable qui les précédait au livre III ; etc., etc. Nous retiendrons simplement que ce déplacement d’une couple de fables en 1678 montre qu’à cette date la disposition des fables a une pertinence ; et qu’il existe des effets de couplage fort excédant le seul cas des fables enchaînées – sans même pouvoir affirmer avec certitude que cela concerne la clôture du Livre entier, et non pas uniquement l’enchaînement des dernières fables du Livre.

42Les autres éléments en faveur d’un dispositif de clôture sont bien plus sujets à caution : le registre héroïque est convié à la clôture du Livre I (avec l’éthos du Chêne) ainsi qu’à la fin du L. V par inversion (« L’Âne vêtu de la peau du Lion ») – pouvant suggérer une structure embrassée, où l’héroïque encadre au début et/ou à la fin les autres compartiments du poétique. Il est possible également d’interpréter allégoriquement la leçon d’interprétation qu’Ésope nous donne à la fin du Livre II et de faire ainsi jouer à la fable II, 20 un rôle d’épilogue méta-critique. Mais que faire des fables qui sont à la fin des L. III et IV en 1668 (« L’Alouette et ses Petits avec le Maître d’un champ », « L’Avare qui a perdu son trésor ») ainsi que de la dernière fable du L. VI (« La jeune Veuve ») ? Où s’arrête le constat et où commence l’interprétation si, par exemple, on avance l’hypothèse suivante : ces trois fables reprennent à des degrés divers des motifs des fables d’ouverture correspondantes ? On peut effectivement pointer le parallélisme des titres à trois personnages et à un lien de parenté entre la III, 1 (« Le Meunier, son fils et leur Âne ») et celle que le recueil de 1668 comptabilise comme la III, 20 ; ou encore le motif d’un trésor perdu dans la IV, 2 (« Le Berger et la Mer ») et dans celle qui, en 1668, est la dernière du L. IV (la IV, 20) ; enfin, l’application possible de la morale énoncée en VI, 1 (« Plus fait douceur que violence ») à la Fable de « La jeune Veuve ».

43Mais comme il apparaît visiblement avec ce dernier cas, tout est affaire d’interprétation, et la capacité à établir des liens entre n’importe quelles fables (par exemple entre la première et la dernière d’un Livre) dépend essentiellement de l’ingéniosité de l’interprète. Toute ressemblance (thématique ou rhématique) peut être promue dans la lecture à partir de n’importe quel trait exemplifié dans une fable. Le lecteur qui sait lire peut construire des encadrements de livres, des cycles ou des structures en miroir ad libitum. Voilà qui rend incertaine l’appréciation des fables qui sont disposées à la fin de chacun des Livres (disons qu’il n’existe rien de comparable en tout cas au dispositif d’ouverture des six Livres qui forment le recueil de 1668 ni au dispositif de clôture des Livres composés ultérieurement). Et voilà surtout qui rend extrêmement délicate la question plus générale de l’existence et du repérage de dispositifs d’enchaînement ou de référenciation d’une fable à l’autre (contiguë ou non).

3.5. Liens internes : les enchaînements explicites

  • 18 Voir les derniers vers de la VII, 9 : « Proprement toute notre vie / Est l...

44L’ouvrage de 1668 présente-t-il en effet un (ou plusieurs) dispositif(s) d’enchaînement des fables ? Très clairement, nous avons dores et déjà rencontré, avec les fables dites doubles, un dispositif à la fois textuel et éditorial d’enchaînement, par mise en commun de l’en-tête (numéros de fables et titres accolés, gravure unique) et par énoncé méta-critique littéral d’un lien soit dans la pièce de poésie elle-même (voir en II, 11 ; IV, 16 ; VI, 1), soit dans un commentaire paratextuel ajouté (voir en I, 15). Ajoutons que ce dispositif est à la fois rare (il se rencontre par quatre fois, dans les Livres I, II, IV et VI) et caractéristique du recueil de 1668 : nous ne le trouvons complet que dans une seule occurrence nouvelle en 1678, avec les fables VII, 4 et VII, 5. Mais en 1678 également, nous trouvons un autre cas, deux fables contiguës, avec deux dispositifs typographiques différents, dont la seconde s’achève sur le titre de la première18. Voilà qui peut nous inciter (avec prudence) à étendre la notion d’enchaînement.

45Pour la rendre opératoire (c’est-à-dire sans l’étendre abusivement), il peut alors être intéressant de la définir ainsi : tout procédé de référenciation explicite (littéral) d’une fable dans une autre fable, toute convocation littérale (toute citation) d’une fable dans une autre. Deux cas peuvent alors être distingués dans l’explicitation d’une référence à une autre fable, selon qu’on est ou non dans des pièces de poésie inaugurales. Il est clair en effet que les premières fables, méta-critiques, exhibent des références à d’autres fables : la Dédicace A Monseigneur le Dauphin fait référence à la seule fable V, 3 (« Le petit Poisson et le Pêcheur » : seul cas de fable mettant en scène un poisson qui parle, dans le recueil de 1668) ; la II, 1 fait tour à tour référence à la I, 10 (« Le Loup et l’Agneau »), à la I, 22 (« Le Chêne et le Roseau ») puis à la I, 2 (« Le Corbeau et le Renard ») ; la V, 1 multiplie les références (« La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Bœuf » en I, 3, « Le Loup et l’Agneau » en I, 10, « La Mouche et la Fourmi » en IV, 3 et les fables mettant en scène Jupiter :» La Besace » en I, 7 mais aussi de nouveau « La Mouche et la Fourmi »). Bilan de cette mémoire à vocation réflexive : elle est à la fois pauvre et répétitive – focalisant l’attention d’abord sur le premier Livre. Diagnostic confirmé par la fable ouvrant, en 1678, le Livre IX, « Le Dépositaire infidèle », qui recense elle aussi essentiellement les fables du livre I (le Loup et le Chien de la I, 5 ou la grenouille de la I, 3, cette « pécore », ici « chétive », là « imprudente »). Voilà au demeurant qui confirme le statut mémoriel éminent du premier Livre, dont on a vu qu’il ouvrait sur les fables-modèle les plus connues du répertoire et dont on a confirmation qu’il table à son tour sur une pédagogie de l’imitation et de la récitation.

46Quant aux références d’une fable à une autre non contiguë, le cas est à première vue extrêmement rare dans le recueil de 1668 : on relèvera simplement le retour d’un nom propre dans deux fables sans que l’une entre plus avant dans le détail de l’autre (c’est le cas avec le nom rabelaisien de Rodilard / Rodilardus en II, 2 et en III, 18 ; ou avec le nom hérité de la farce Martin / Martin Bâton en IV, 5 et en V, 21).

47Bilan : au niveau littéral, le recueil de 1668 joue très discrètement sur des dispositifs d’enchaînement, de mise en relation de deux fables soit en continu, soit à distance.

48Ajoutons pour faire bonne mesure qu’il semble cependant exister des solidarités fortes quoique non explicitées entre deux fables contiguës : quelques faits en témoignent. Nous avons déjà noté que l’édition de 1678 déplace deux fables à la fois, « L’ Œil du Maître » et la fable sur l’Alouette. Autre fait : les fables IV, 10 et IV, 11 (respectivement « Le Chameau et les Bâtons flottants » et « La Grenouille et le Rat ») sont convoquées dans ce même ordre à la fin de la Vie d’Ésope. Enfin, les fables I, 20 et I, 21 (« Le Coq et la Perle » et « Les Frelons et les Mouches à miel ») apparaissaient déjà de façon contiguë dans le recueil de Phèdre (en III, 12 et III, 13). En outre, là encore en dehors de toute référenciation, entre deux fables (contiguës ou non) le texte semble bien à l’occasion jouer de la mémoire littérale des mots plus que des choses. C’est ainsi que la V, 20 s’achève sur les deux vers « Il m’a dit qu’il ne faut jamais / Vendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait mis par terre », tandis que la V, 21 commence dès le premier vers par la formule : « De la peau du Lion, l’Âne s’étant vêtu… ». On notera encore une référence de la I, 10 à la I, 6 par la reprise littérale et à l’incipit de la formule « la raison du plus fort »

49Autrement dit, d’un côté la référenciation explicite est un dispositif discret, de l’autre le recueil ne semble pas ignorer de multiples effets de proximité ou de mise en relation.

3.6. Liens internes : des protocoles d’enchaînement

50Deux faits massifs viennent alors étayer ce constat : la présence de la « Table des Fables » par ordre alphabétique en ouverture du recueil et la présentation au lecteur de différentes modalités de mise en rapport dans le cas des fables dites doubles (enchaînées en continu).

51La Table tout d’abord fonctionne, à l’instar de la Table des Maximes, comme proposition d’un autre dispositif textuel, qui joue sur des regroupements d’histoires autour des premiers acteurs (du moins des acteurs qui occupent la première place dans le titre où ils apparaissent) : à la lettre A s’impose de façon immédiatement visible un cycle d’histoires autour de l’Aigle (première entrée, et trois références), de l’Asne (troisième entrée, et cinq références). En feuilletant la table se distinguent très visiblement les personnages les plus récurrents (le Loup : huit références, le Lyon : neuf références, le Renard : six références). La Table suggère ainsi la possibilité d’assembler de véritables cycles narratifs, des histoires à épisodes autour de tel ou tel personnage – sans pour autant que l’ouvrage lui-même actualise ce principe de composition.

  • 19 Voir la fable I, 16 : « Ce sujet a été traité d’une autre façon par Ésope ...

  • 20 Voir la fable II, 9 introductrice des fables 9 et 10. Il est à noter que c...

52Mutatis mutandis, il en va de même avec les réflexions avancées pour justifier (à quatre reprises, avons-nous vu) l’enchaînement continu de deux fables. Est d’abord mis en avant le principe de concurrence et de variation19 (avec concordance de la moralité et variation de sa formulation dans des bons mots en I, 16 et I, 17 ; ou concordance des histoires et variation dans les moralités en VI, 1 et VI, 2). Est également proposé un principe de cumulation de preuve (une seconde histoire au personnel renouvelé venant confirmer la vérité illustrée par la première fable20). Enfin est avoué un principe d’association libre au gré du personnel narratif à l’incipit de la IV, 16, une histoire venant en rappeler une autre sans que les moralités ni même l’ensemble des personnages coïncident :

« Ce Loup me remet en mémoire
Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris. »

53Très strictement, c’est ce dernier cas qui est le plus instructif : parce qu’il fait littéralement allusion à un travail du texte avec la mémoire (qu’elle soit particulière ou collective, auctoriale ou lectoriale), qui est tout autant un travail d’assemblage que de déplacement. Quand je lis « Le Coq et le Renard » (II, 15), le texte me remet en mémoire un certain Corbeau, absent ici, mais revenant dès la fable suivante, avec la même prétention, là à être un Phénix, là un Aigle (« Le Corbeau voulant imiter l’Aigle », II, 16). L’enchaînement entre la II, 15 et la II, 16 est un enchaînement typiquement mémoriel, jouant sur des liens in absentia. Le lien entre la II, 15 et la II, 16, c’est la fable I, 2, c’est-à-dire un texte physiquement absent à cet endroit, mais présent dans la mémoire. Je dirai que dans ce cas précis, la mise en relation passe par la « mémoire du texte ». Et c’est cette notion-là de mémoire du texte qui me paraît tout à fait centrale pour établir un diagnostic sur l’existence ou non de dispositifs d’enchaînement.

54On dira alors, pour avancer d’un pas, que l’association libre n’est pas un troisième cas d’enchaînement, elle est le degré le plus simple des deux autres cas. Soit un rapport, dans le personnel, dans la narration ou dans la moralité, dans les mots, dans la formulation, in praesentia ou même in absentia, peut justifier la mise en relation mémorielle, soit un rapport plus contraint – tantôt promouvant l’idée d’un travail de variation poétique et tantôt l’idée d’un dispositif de probation rhétorique.

55Si donc on tente, par extrapolation, de lire ces justifications d’enchaînement comme protocoles de mise en relation d’une fable avec une autre, il en ressort que le texte actualise dans les quatre cas de fables enchaînées des procédures compositionnelles qui assurent la continuité d’une fable à l’autre et autorisent à penser une textualité plus globale, par-delà la pure collection de petits textes. Mais il faut ajouter immédiatement, comme pour la Table des fables, que le texte ne systématise aucun de ces protocoles de composition : le recueil de 1668 modélise des dispositifs possibles sans en stabiliser aucun.

4. Conclusion. Un théâtre de la mémoire

56Un ultime « cas » nous permettra de conclure. Soit la suite des fables suivantes :

« II, 8. L’Aigle et l’Escarbot
II, 9. Le Lion et le Moucheron
II, 10. L’Âne chargé d’éponges et l’Âne chargé de sel
II, 11. Le Lion et le Rat
II, 12. La Colombe et la Fourmi »

57Les fables 11 et 12 sont littéralement des fables enchaînées par le texte (fables dites doubles). Si l’on applique le principe d’association d’idées, nous dirons en outre que le lion de la fable 11 nous « remet en mémoire un de ses compagnons », le lion de la fable 9, pris dans une situation comparable (face à une bête chétive), mais avec inversion du motif moral – puisque les fables 11 et 12 exemplifient le célèbre « On a souvent besoin d’un plus petit que soi » là où la fable 9 exemplifie le pouvoir de nuisance des plus petits que soi. Puis par application du principe de variation et de cumulation, nous pouvons défendre sans trop d’effort la mise en série des fables 8 et 9. Enfin, par miroir inversé, nous constatons que le personnel de la fable 12 n’est pas sans entrer en résonnance avec celui de la fable 8 (un oiseau et un insecte, unis ici dans une histoire de nuisance, et là dans une histoire d’entraide). C’est ainsi qu’une série en quatre tableaux, ou plutôt en deux dytiques peut être mise en place par un suffisant lecteur se souvenant des leçons de composition mémorielle des fables enchaînées : la II, 9 continuant la II, 8 ; la II, 11 inversant la II, 9 ; la II, 12 continuant la II, 11 et inversant la II, 8.

  • 21 Il en va peut-être de même avec les quatre dernières fables du Livre III d...

58Sauf que le texte comporte une fable, la dixième, qui n’a rien à voir avec les quatre autres, du moins dans une stratégie minimale de mise en relation des énoncés littéraux (à l’interprétation, rien d’impossible, rappelons-le). Nous dirons qu’un dispositif en quatre éléments pouvait faire sens s’il n’y était inséré une fable jouant de la diversité – à la façon dont des maximes insérées viennent parfois rompre, dans le texte de La Rochefoucauld, des effets de séries. Ou plutôt, nous dirons que se rejoue au fond ici ce que nous avons vu plus haut, à savoir un modèle d’agencement mémoriel que le texte rend possible sans l’actualiser complètement21.

  • 22 Là où les éditions ultérieures travailleront à renforcer l’encadrement des...

59Quelle est alors la forme du texte lafontainien de 1668 ? Peut-on envisager autre chose que la liste ? Le recueil de 1668 est-il plus qu’un recueil ? Et encore : est-il lisible comme texte ? Il nous est apparu que La Fontaine mobilise plusieurs modèles possibles d’agencement qui rompent avec l’idée radicale d’une discontinuité parfaitement arbitraire et établissent à l’horizon d’attente du lecteur l’idée d’un texte un qui compose avec la multiplicité des fables : mais il n’en systématise aucun – soit par souci rhétorique de ménager un intérêt, une attention, un plaisir, soit par souci poétique de composer une variété, une « ample comédie à cent actes divers », que sais-je encore... Le recueil de 1668 propose plusieurs formes possibles pour penser un réseau de relations entre les fables, sans jamais les appliquer méthodiquement22.

60Mais il n’est pas dit qu’il n’y ait pas là une méthode – je ne dis pas dans l’intention de l’auteur (quelque chose comme une volonté d’être inconstant, et même inconstant d’inconstance) ; mais une méthode qui soit dans les faits textuels, dans l’ouvrage de 1668 tel qu’il est : qu’avons-nous en effet, tout contenu des fables mis à part ? Contrairement aux recueils de Phèdre, nous avons ici six Livres d’égale proportion : 22 fables pour le L. I ; 20 fables pour le L. II, pour le L. III de 1668 et pour le L. IV de 1668, enfin 21 fables pour les L. V et VI. Comme si chaque Livre (dans la version de 1668) était forgé sur un dispositif spatial stable, une vingtaine de compartiments dans lesquels seraient placées des images vives (les gravures) permettant une mémoire visuelle des titres et par association la mémoire intellectuelle des petits textes exemplaires qu’ils synthétisent (les fables).

  • 23 Voir Rhétorique à Herennius dans Œuvres complètes de Cicéron, dir. M. Nisa...

61L’on sait que la tradition antique et renaissante a développé les « arts de la mémoire » sur le modèle d’un parcours mental dans des lieux composant un espace identifié (un théâtre ou un palais), dont les différentes pièces sont susceptibles d’accueillir n’importe quel type de liste, d’arguments, de mots, de syllabes, à condition de les symboliser par une image vive et de les disposer dans l’ordre habituel du parcours23.

62Le recueil de 1668 pourrait alors bien être cela : un théâtre de la mémoire, six fois parcouru. Chaque image y renverrait à un item. Mais chaque item y renverrait également à l’item qui le suit : comment ? Par remise en mémoire, au gré d’une variation, d’une accumulation, d’une association, c’est selon. Car le texte se contente de proposer au lecteur plusieurs modèles possibles d’enchaînement du parcours. Au lecteur de les actualiser ad libitum, pour la mémorisation la plus efficace. L’important est d’entrer dans la liste et de faire jouer ensuite une mémoire de proximité : tout se passe comme si le texte soignait d’abord les incipit, les entrées dans chaque parcours, modélisait les processus possibles de mise en réseau (et tout particulièrement les processus de solidarité entre deux fables contiguës) et laissait ensuite à l’imaginatif lecteur le travail mémoriel effectif des enchaînements : lire une fable, c’est se remettre en mémoire une fable d’avant. Non seulement l’ensemble n’est pas illisible, mais il semble bien mobiliser un dispositif mémoriel susceptible de transformer la lecture en parcours – c’est-à-dire en course – ou pour le dire encore mieux, en lecture courante. N’est-ce pas à peu près ce que dira La Fontaine en 1678, quand il fera de ses Muses les « Filles de Mémoire » (premier vers de la première fable du Livre IX) ?

63C’était une hypothèse.

Notes

1 Voir P. Dandrey, « Le cordeau et le hasard », Papers on French Seventeenth Century Literature, 1996, 44, p. 73-85 ; repris dans « Un jardin de mémoire. Modèles et structures du recueil des Fables », Le Fablier, 1997, 9, P. 57-65.

2 B. Bouchard, La Fontaine, une poétique de la diversité, thèse de doctorat, UVSQ, octobre 2011, p. 195.

3 Dès lors, on peut imaginer également des entités textuelles inférieures à la fable, particulièrement dans les fables à plusieurs histoires accolées faisant « foi » d’une même vérité (voir I, XX, « Le Coq et la Perle » ou IV, X, « Le Chameau & les Bâtons flottants »), ou dans les fables agglutinant deux apologues aux moralités distinctes, comme par exemple la Fable III, XVIII, « Le Chat et un vieux Rat », qui coud ensemble la fable d’Ésope « Le chat et les rats » et la fable de Phèdre « La belette et la vieille souris ».

4 Sur la continuation de cette tradition lafontainienne du commentaire de fable, voir sur un corpus actuel A. Welfringer, « Poétique d’un sous-genre critique : l’explication de fable de La Fontaine », Fabula LHT n°3, Complications de texte : les microlectures, URL : URL : http://www.fabula.org/lht/3/Welfringer.html.

5 Voir à la fin du volume imprimé où le présent article a été publié, Un nouveau commentaire littéraire et grammatical des Fables par Charles Nodier (1818).

6 Voir La Rochefoucauld, Lettre au Père Thomas Esprit, dans Maximes, éd. J. Lafond, Gallimard (Folio), 1995, p. 262.

7 Dossier des Lettres relatives aux Maximes, établi par J. Truchet dans son édition de La Rochefoucauld, Maximes, Garnier Frères, 1967 (lettres numérotées de 1 à 49, p. 541-595), lettre 34, p. 571. Nous soulignons.

8 M. Charles, « Trois hypothèses pour l’analyse, avec un exemple », Poétique 164, p. 393.

9 Voir Les Fables d’Ésope Phrygienpar J. Baudoin, Bruxelles, 1669.

10 Voir le titre, ainsi typographié en 1668 : FABLES CHOISIES, mises en vers par M. de la Fontaine.

11 B. Donné, « La Fontaine et l’invention des Fables » in J.-M. Boivin, J. Cerquiglini & L. Harf, éd., Les fables avant La Fontaine, Droz, 2011, p. 453-476.

12 Nous devons ces données à l’Introduction de G. Saba à Théophile de Viau, Œuvres Poétiques, Garnier, 2008, p. XV.

13 Voir Ch. Noille-Clauzade, « Les Maximes à l'œuvre : le Livre de sable », dans Littératures classiques 35, janv. 1999, pp. 153-174.

14 Voir Gracian (Baltasar), La Pointe ou L'Art du génie (1648), éd. M. Gendreau-Massaloux et P. Laurens, L'Age d'homme, 1983, p. 328.

15 La Rochefoucauld, éd. J. Lafond, op. cit., p. 261.

16 Puisque par ordre alphabétique sont immédiatement visibles les fables dont le titre commence par le même animal. Nous donnons cette Table, qui fait défaut dans les éditions actuelles, et qui appartient de plein droit au recueil de 1668, dans la partie Documents de travail du présent volume.

17 Voir Ch. Noille-Clauzade, « La Cigale et le Renard, enquêtes croisées sur l’ouverture des Fables », La Réserve [En ligne], Livraison septembre 2015, mis à jour le : 03/11/2015, URL : http://ouvroir-litt-arts.u-grenoble3.fr/revues/reserve/128--la-cigale-et-le-renard-enquete-croisee-sur-l-ouverture-des-fables.

18 Voir les derniers vers de la VII, 9 : « Proprement toute notre vie / Est le curé Chouart, qui sur son mort comptait, / Et la fable du Pot au lait. » On rappelle que la fable VII, 8 s’intitule précisément « La Laitière et le Pot au lait ».

19 Voir la fable I, 16 : « Ce sujet a été traité d’une autre façon par Ésope […]. » Voir également la fable VI, 1 : « Voyons-le avec Ésope en un sujet semblable. » (Nous soulignons).

20 Voir la fable II, 9 introductrice des fables 9 et 10. Il est à noter que c’est à un semblable principe de preuve cumulative qu’obéissent un certain nombre de fables composées de plusieurs histoires (par exemple « Le Coq et la Perle » en I, 20 ou « Le Chameau et les Bâtons flottants » en IV, 10).

21 Il en va peut-être de même avec les quatre dernières fables du Livre III dans la version de 1668, dont on peut considérer qu’elles formaient un double diptyque défait par le déplacement de 1678.

22 Là où les éditions ultérieures travailleront à renforcer l’encadrement des nouveaux Livres (par travail d’un effet de clôture) et leur unification par exemple sur le mode du « rabâchage », si je comprends bien ce que dit le début de la dernière fable du Livre VIII (nous soulignons) : « Fureur d’accumuler […], / Te combattrai-je en vain sans cesse […] ? Je te rebats ce mot […]. » Autre édition, autre ouvrage.

23 Voir Rhétorique à Herennius dans Œuvres complètes de Cicéron, dir. M. Nisard, 1840, L. III, 17 sq. : « […] quand les lieux de la mémoire sont bien classés, quelle que soit la chose que l’on recherche et quelque place qu’elle occupe, l’image nous la rappelle, et nous permet de la retirer du dépôt qui la renfermait. »

Pour citer ce document

Christine Noille, «Le recueil est-il un texte comme un autre ? De la disposition des Fables et de ses enjeux», La Réserve [En ligne], La Réserve, Livraison du 05 novembre 2015, mis à jour le : 26/11/2015, URL : http://ouvroir.ramure.net/revues/reserve/178-le-recueil-est-il-un-texte-comme-un-autre-de-la-disposition-des-fables-et-de-ses-enjeux.

Quelques mots à propos de :  Christine  Noille

Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – RARE Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution

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