La Réserve : Livraison du 1er décembre 2015
Rhétorique de la périphrase : la figure comme dispositif de mise en forme
Initialement paru dans : J.C. Cavallin et J.D. Mazaré dir., Le Mot propre et la périphrase, Garnier, 2013
Texte intégral
Préambule
1Nous aborderons ici la périphrase non pas sous l’angle d’une stylistique de la figure, c’est-à-dire d’une pratique d’écriture, mais en amont en quelque sorte, sous l’angle des définitions qu’en ont données les rhétoriciens : puisque la seule chose, disons-le d’emblée, sur lequel les rhétoriciens s’accordent depuis l’antiquité, c’est que la périphrase est une figure.
2Quant à savoir exactement quelle figure, c’est une vraie difficulté – même s’il semble y avoir un consensus mou autour d’une approche un peu vague de la périphrase en termes de détour, détour de l’expression et détour de l’idée, comme en témoigne jusqu’à l’étymologie de son nom, souvent rappelée, et comme on peut le vérifier au demeurant avec deux rhétoriciens pris un peu au hasard, d’un côté et en amont pour nous, Bernard Lamy, au XVIIe siècle :
1 B. Lamy, La Rhétorique ou L'Art de parler (1675, 5e éd. 1705), édition crit...
« La périphrase est un détour que l’on prend pour éviter de certains mots qui ont des idées choquantes, et pour ne pas dire de certaines choses qui produiraient de mauvais effets. Cicéron étant obligé d’avouer que Clodius avait été tué par Milon, se sert d’adresse. Les serviteurs de Milon, dit-il, étant empêchés de secourir leur maître, que Clodius se vantait d’avoir tué, et le croyant, ils firent dans son absence, sans sa participation, et sans son aveu, ce que chacun aurait attendu de ses serviteurs dans une occasion semblable. Il évite ces noms odieux de tuer ou de mettre à mort1.
3De l’autre côté, en aval, cette synthèse de la définition que Barthes livre dans son « Ancienne rhétorique. Aide-mémoire » :
2 R. Barthes, « L'ancienne rhétorique. Aide-mémoire », Communications, 16, 19...
La périphrase est à l’origine un détour de langage que l’on fait pour éviter une notation tabou2.
4Comme on le voit, la notion de détour semble le plus grand commun dénominateur possible de toutes les définitions. Or, cette notion même de détour est, on le sait, extrêmement floue : elle est à la fois interprétable en termes d’écart et en termes de substitution (écart et substitution étant, on le sait, les deux grands pôles définitionnels des figures). La périphrase est un écart par rapport à la dénomination directe ; la périphrase se substitue (pour des raisons multiples) à la dénomination directe. Autrement dit, en l’analysant comme un détour, les rhétoriciens n’en donnent pas une compréhension spécifiante, se contentant finalement d’une part de recenser un certain nombre d’exemples jugés suffisants (parlants) et d’autre part d’écraser l’analyse théorique de la périphrase sur une conception globalement figurale : elle est une figure, elle est un détour.
5C’est là précisément qu’est le problème de ces définitions types, et de toutes les définitions plus fines qui n’ont eu de cesse de se multiplier, diffractant et disséminant la périphrase en une typologie invraisemblable de figures : ces définitions de la rhétorique ne sont pas opératoires – surtout quand, avec Barthes, Molinié et quelques autres, celle qu’on a appelé la rhétorique restreinte, la rhétorique des figures, se restreint encore plus à une pure rhétorique définitionnelle, coupée des exemples (alors même que jusqu’au traité de Fontanier inclus, les exemples extrêmement nombreux et longs permettent de biais une appropriation pratique et expérimentale tout à fait décisive, mais passons). Et nous reprendrons ici telle remarque conclusive de Barthes dans son aide-mémoire de l’ancienne rhétorique, tout à fait décisive pour introduire notre sujet :
3 Ibid., p. 219.
Cependant il nous manque encore (mais peut-être est-il impossible à produire) un classement opératoire des principales figures : les dictionnaires de rhétorique nous permettent en effet de savoir facilement ce qu’est un chleuasme, une épanalepse, une paralipse, d’aller du nom, souvent très hermétique, à l’exemple ; mais aucun livre ne nous permet de faire le trajet inverse, d’aller de la phrase (trouvée dans un texte) au nom de la figure ; si je lis « tant de marbre tremblant sur tant d’ombre », quel livre me dira que c’est un hypallage, si je ne le sais déjà ? Un instrument inductif nous manque, utile si l’on veut analyser les textes classiques selon leur méta-langage même3.
6Roland Barthes nous donne en quelque sorte ici ce qui voudrait être un programme raisonnable pour la présente réflexion : tout d’abord clarifier les définitions des dictionnaires et ensuite en proposer un mode d’emploi, autrement dit tenir ensemble un propos épistémologique et un propos heuristique. La périphrase, qu’est-ce que c’est ? à quoi cela sert-il ? Comment s’en sert-on ? Et, the last but not the least, dans quel but ? Pourquoi a-t-on besoin de la périphrase ?
7Et pour entrer dans ce programme (histoire d’en mesure l’infaisabilité et d’en proposer, à titre d’hypothèse de travail, une reformulation), nous regrouperons ces interrogations autour de quatre entrées simples : pourquoi, comment, où et quand.
1. Pourquoi y a-t-il périphrase ?
8Disons-le très brièvement, puisqu’au demeurant nous ne nous installons pas ici à un niveau d’analyse stylistique, la périphrase poursuit des buts rhétoriques et herméneutiques multiples : tour à tour, elle sert à éviter et à souligner, à dire et à ne pas dire. Elle vise autant à l’amplificatio qu’à l’attenuatio, à une herméneutique de l’interdit qu’à une herméneutique de la suggestion. Elle permet de jouer sur des affects et/ou sur des effets de sens. Elle est enfin liée tantôt à une pragmatique de la précaution ou de l’audace, et tantôt à une intention oratoire ou poétique, de pompe et de grandeur.
9Définie ainsi par ses finalités, nous dirons que la périphrase n’a peut-être rien de spécifique. L’outil définitionnel rencontre ici ses limites et c’est bel et bien à la stylistique de poursuivre l’enquête.
2. Comment est formée une périphrase ?
10A la fois détour de l’expression et détour de l’idée, la périphrase est susceptible d’une multiplicité de descriptions dont on se rendra compte avec les variétés extrêmement fines qu’en propose Fontanier. Dans le tableau ci-dessous, nous avons souligné toutes les figures que Fontanier met explicitement en relation avec un dispositif périphrastique, tout en mettant en évidence de quelle classe générale chacune d’entre elles relève.
11Comme on le voit, la périphrase intervient dans les tropes comme dans les figures non tropes ; pour ces dernières, elle peut s’apparenter à la fois à des figures de construction, d’élocution et de style ; et enfin, en tant qu’elle est associée à des tropes… en plusieurs mots et en particulier à la métalepse, elle n’est pas très éloignée de la catégorie des « figures de pensée » - et ce, même si Fontanier pour le coup ne l’y raccroche pas explicitement. Qu’est-ce à dire ?
12Pour comprendre un petit peu la hiérarchie et le fonctionnement de cette organisation systématique des figures, nous rappellerons au préalable que Fontanier distingue les figures de pensée (qui ne dépendent absolument pas des mots, dit-il) et les figures de mots ; et dans les figures de mots, il commence par introduire une grande distinction entre les figures où les mots sont pris dans un sens détourné (tropes) et les figures où les mots sont pris dans leur sens propre. Enfin, ultime division pratique, du côté du sens détourné comme du côté du sens propre, Fontanier sépare les figures jouant sur un seul mot et les figures jouant sur un énoncé propositionnel.
13Reprenons alors notre liste. Où trouvons-nous la périphrase ?
14Fontanier distingue déjà entre deux extensions syntagmatiques de la périphrase, à savoir la périphrase jouant sur un mot (qu’il dénomme circonlocution ou pronomination) et la périphrase jouant sur plusieurs mots ou périphrase stricto sensu :
4 Ibid., p. 326.
La Pronomination consiste à désigner un objet par l’énonciation de quelque attribut, de quelque qualité, ou de quelque action, propre à en réveiller l’idée, plutôt que par le nom qui lui est affecté dans la langue. Elle diffère de la périphrase, en ce qu’elle ne roule que sur une idée, et n’est substituée qu’à un nom, au lieu que la périphrase roule sur une pensée, et est substituée à une autre phrase, qui serait tout à la fois plus courte, plus directe, et plus simple. Si on ne veut pas de ce nom de Pronomination, qui cependant me paraît assez convenable, je ne vois que celui de Circonlocution qui puisse le remplacer4.
15Bien évidemment, nous n’entrerons pas ici dans le geste normatif de Fontanier qui consiste à réserver la périphrase à une figure et à l’en distinguer de figures proches, mais nous produirons en quelque sorte le geste inverse, de façon à rassembler et à pluraliser la périphrase en une constellation de dispositifs apparentés dont nous allons précisément essayer de comprendre en quoi ils se ressemblent et ils diffèrent.
16Car à partir de cette définition en quelque sorte séminale le traité de Fontanier opère en quelque sorte un étoilement et une extension de la figure.
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5 Épithète et épithétisme se distinguent apparemment de la circonlocution en ...
17Première connexion, en faisant de la circonlocution (ou périphrase en un mot) une figure d’élocution (c’est-à-dire une figure jouant sur le choix des signes verbaux : en l’occurrence, une figure choisissant les idées accessoires ou circonstancielles en lieu et place de la dénomination principale) et plus précisément même, une figure d’élocution par extension, il la rapproche des autres figures d’élocution par extension qui mobilisent l’accessoire et le circonstant, en l’occurrence les figures qu’il nomme épithète et épithétisme5.
18Deuxième connexion, en insérant le sème de l’extension et de l’allongement dans la définition de la périphrase en plusieurs mots, Fontanier la rapproche par conséquent des autres figures de construction (figures de combinaison des mots) par exubérance, et très précisément, de la figure de l’apposition et de la figure de la suspension. Certes l’apposition suppose qu’on garde également la dénomination principale à côté, alors qu’il y aurait substitution dans la périphrase, mais tout dépend alors du système que l’on choisit de décrire. Il n’est pas impossible en effet de décrire le système apposition antéposée + nom, comme relevant d’une double figure, figure de périphrase tout d’abord, enchaînée sur une figure que Fontanier nomme figure de suspension et qui consiste à faire attendre un trait, pour surprendre ensuite par un terme inattendu. Ainsi, quand nous lisons :
6 J. de La Fontaine, « Les Animaux malades de la peste », Fables, VII, I.
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom6)…
19on peut bien évidemment décomposer le syntagme en système appositif (vers 1-3) et groupe substantif sans figure particulière (vers 4) ; mais il est également possible d’analyser l’expression prise isolément comme une périphrase du mot « peste » et de voir en conséquence dans le groupe formé par les quatre vers cités une périphrase insérée dans une figure de suspension et enchaînée dans une figure de parenthèse. Ou comme l’explique fort bien Fontanier lui-même,
7 P. Fontanier, op. cit., p. 366.
N’est-ce pas la Suspension qui fait en grande partie la beauté du début de la fable des Animaux malades de la peste ? […] Au reste, on peut voir par tous ces exemples que, à la Suspension, se trouve ordinairement jointe quelque autre figure de style, telle que la Conglobation, l’Interruption, la Parenthèse, etc. […]7.
20Troisième étoilement suggéré, en faisant en outre de la périphrase une figure d’emphase de l’expression propositionnelle, Fontanier rapproche également la périphrase d’autres figures d’extension d’une proposition, comme la paraphrase et l’épiphrase (sorte de paraphrase appositionnelle). Bref, disons qu’un sème sans aucun doute fondamental, celui de l’extension, peut être décliné autant au niveau de la construction syntaxique, du choix des signes verbaux que de la composition des énoncés.
21Enfin, comble d’incertitude, après avoir finalement étendu le fonctionnement périphrastique de l’épithète à l’apposition, de la suspension à la paraphrase, Fontanier soulève un ultime problème, extrêmement perturbant, en étendant potentiellement la périphrase des idées accessoires aux idées principales. C’est là le problème posé par la proximité (pour nous inattendue) entre la périphrase et la métalepse (métalepse rhétorique, bien évidemment, avant que d’être narratologique), puisque pour Fontanier, sous un certain point de vue (mais lequel, là est pour nous le point dur et sur ce point là Fontanier n’apporte aucune précision), il est possible de les prendre l’une pour l’autre :
8 Ibid., p. 362-363.
On ne la confondra pas non plus [i.e. la périphrase] avec la Métalepse, si l’on veut faire attention à cette différence essentielle qui existe entre elles deux. Ce que la Métalepse fait entendre « est non seulement tout à fait indépendant, mais même tout à fait différent de ce qu’elle exprime, quoique d’ailleurs il puisse y tenir plus ou moins près : ce que la Périphrase fait entendre, tien, au contraire, essentiellement à ce qu’elle exprime, et en est même, au fond, la partie principale […]. » (Commentaire sur les Tropes de Dumarsais8.)
22Comme on le voit, la précision (sur les différences) n’est guère éclairante, sans doute précisément parce que nous n’arrivons pas à faire le lien entre métalepse et périphrase (et que, du même coup, nous sommes loin de risquer les confondre…).
23Il faut donc reprendre les choses d’un peu plus loin. Pour résumer en deux mots ce que Fontanier entend par métalepse, notons d’abord qu’il s’agit d’un trope en plusieurs mots, dans lequel donc un énoncé entier est pris dans un sens figuré : en l’occurrence, la métalepse est la figure par lequel on feint, on simule une idée pour en suggérer une autre, associée de façon plus ou moins lâche (c’est ainsi que Phèdre feint de dire son amour pour Thésée en disant son amour pour Hyppolite, ou encore qu’un auteur feint de commander aux personnages de son livre pour suggérer les actions qu’ils accomplissent).
24Comparer alors la périphrase à la métalepse soulève un océan d’incertitude : cela suppose quelque part que la périphrase a à voir avec le trope, avec le détour du sens, et qu’en outre ce détour du sens peut être quelque part modélisable sur le trope de la feintise, de la simulation d’un sens pour en évoquer un autre. Comment cela peut-il se faire ? Reprenons pas à pas avec Fontanier, en convoquant également un exemple un peu précis :
9 J. Racine, Phèdre, I, 1, v. 36.
La fille de Minos et de Pasiphaé9
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Premier point, considérons cet énoncé comme une figure d’élocution par extension : il y a désignation de Phèdre par une idée accessoire étendue (« fille de… »).
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Deuxième point, strictement contradictoire : la périphrase, nous dit Fontanier, « […] est même, au fond, la partie principale de ce qu’elle fait entendre ». Autrement dit, et tout se joue là bien sûr, l’important n’est pas de traduire « fille de … » en « Phèdre », l’important (la partie principale), c’est « La fille de Minos et de Pasiphaé ». Dans une périphrase, « le » principal n’est pas l’idée principale sous-entendue, c’est, au fond, le littéral, l’accessoire, le détour.
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Troisième point, où y aurait-il alors simulation (pour qu’on se rapproche un peu du trope par simulation qu’est la métalepse) ? Très clairement, dans ce qui peut apparaître comme subtil mais qui me semble décisif quant au fonctionnement cognitif de la périphrase : la périphrase fait semblant de faire un détour de dénomination mais en réalité l’important est dans ce qu’elle désigne littéralement. Autrement dit, il faut certes comprendre la périphrase (de quoi ou de qui il s’agit dans la périphrase) mais il ne faut pas la traduire : ou plutôt, il faut en revenir à ce que dit littéralement la désignation périphrastique et qui est l’emporte sur la « traduction », à ce qu’elle interpole dans le fil paradigmatique du sens. C’est d’ailleurs précisément pourquoi la périphrase est ainsi à distinguer de la définition et de l’énigme (où le terme à trouver achève et remplace définitivement le système d’approximation) et à rapprocher de la métalepse : elle feint d’être une dénomination accessoire là où elle est (bel et bien) la « partie principale » de ce qui était à décrire.
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Nous noterons au passage qu’il existe ainsi dans la typologie des tropes deux fonctionnements tropologiques à part en ce qu’ils jouent sur la coexistence du sens littéral et du sens tropologique, d’une part les systèmes de syllepse (coexistence syntagmatique du sens littéral et du sens figuré selon les co-texte amont et aval du terme) et d’autre part, donc, les systèmes de métalepse (coexistence paradigmatique du sens littéral et du sens figuré, en ce qu’il y a interpolation résistante du sens littéral par renvoi réciproque du sens littéral au sens figuré et du sens figuré au sens littéral).
25Bilan de cette typologie extensive de Fontanier :
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d’une part son extrême labilité, qui suffit à confirmer le diagnostic de Roland Barthes : Fontanier fait de la périphrase un outil absolument non opératoire, la typologie qu’il propose ne permet pas d’énoncer les traits formels de la périphrase mais invite au contraire à la dissoudre de proche en proche dans les figures avec lesquelles elle est d’une façon ou d’une autre apparentée ;
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et d’autre part deux éléments que nous aurons bien évidemment à nous réapproprier dans une perspective opératoire, un fonctionnement syntagmatique spécifique (l’allongement) et un fonctionnement cognitif non moins spécifique (l’interpolation d’une désignation principale sous couvert d’une désignation détournée).
3. Où y a-t-il périphrase ?
26Partout, bien évidemment, même si la périphrase a pu pour certains être considérée comme le marqueur d’une esthétique (la préciosité, selon les dictionnaires de rhétorique actuels…) ou le marqueur d’un type d’éloquence (la grandiloquence, la pompe oratoire, pour les rhétoriques un peu moins actuelles) et donc a pu fonctionner comme marqueur générique. Mais ce n’est pas ce sur quoi nous voulons nous interroger quand nous posons la question du lieu où saisir la figure de la périphrase. Ce sur quoi nous voudrions avancer, c’est précisément sur le processus qui consiste à repérer une figure dans un texte.
27Car il n’y a périphrase que là où je repère des figures et la périphrase est très strictement dépendante de mon activité (mon opération) de repérage – en laissant bien évidemment de côté une autre question, qui est différente, même si elle est importante, la question de l’inscription par l’auteur de la figure dans le texte. En effet, la textualité matérielle ne bouge pas, que je repère ou non la périphrase (la périphrase involontaire ou la périphrase calculée) ; mais en revanche, la forme du texte pour moi, son tissage, son tissu, dépendent étroitement de ma perception, et selon que j’y repère des figures ou que je n’en vois aucune, le flux textuel que je parcours n’est pas du tout informé, configuré, structuré de la même manière. Et c’est bien ainsi qu’il faut poser le problème, du point de vue du textuel et de la perception que j’en ai, si l’on veut aller vers ce qu’indiquait Roland Barthes, c’est-à-dire vers la description que je peux en faire en termes de figures.
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10 Voir Skhèma/Figura. Formes et figures chez les Anciens. Rhétorique, philos...
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11 Voir F. Goyet, « Le recueil de sonnets comme ensemble de tableaux, c’est-à...
28Et pour avancer encore d’un pas, nous rappellerons simplement la définition première de la figure, qui vient des sources hellénistiques10, que l’on trouve encore chez Cicéron11 et que reprend autant Fontanier qu’avant lui Dumarsais en incipit de tout son traité : la figure est une forme du syntagme.
12 P. Fontanier, op. cit., p. 63.
Le mot figure n’a dû d’abord se dire, à ce qu’il paraît, que des corps, ou même que de l’homme et des animaux considérés physiquement et quant aux limites de leur étendue. Et, dans cette première acception, que signifie-t-il ? Les contours, les traits, la forme extérieure d’un homme, d’un animal, ou d’un objet palpable quelconque.
Le discours […] n’est pas […] un corps proprement dit. Il n’a donc pas de figure à proprement parler. Mais il a pourtant, dans ses différentes manières de signifier et d’exprimer, quelque chose d’analogue aux différences de forme et de traits qui se trouvent ans les vrais corps. C’est sans doute d’après cette analogie qu’on a dit par métaphore, Les figures du discours12.
29Ce qui veut dire très stricto sensu que la figure est une forme (comme l’on parle de forme pour les fromages) identifiable, repérable, isolable dans le continuum textuel ; ou comme nous l’apprend Dumarsais (et nous y verrons pour notre part en quelque sorte le mode d’emploi de cet ouvrage rêvé par Roland Barthes, qui nous permettrait d’aller du texte aux figures) :
13 C. Chesneau Dumarsais, Des Tropes ou des différents sens (1730, 1757), Par...
Il en est de même des assemblages de mots qui composent le discours ; un lecteur instruit rapporte un tel mot, une telle phrase à une telle espèce de figure, selon qu’il y reconnaît la forme, le signe, le caractère de cette figure13.
30Et encore :
14 Ibid. Nous soulignons.
Les phrases et les mots qui n’ont la marque d’aucune figure particulière […] n’ont d’autres modifications que celles qui sont nécessaires pour faire connaître ce que l’on pense14.
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15 Voir F. Goyet, op. cit. Sur le principe d’une composition de la mise en fo...
31Autrement dit, le repérage d’une figure est d’abord le repérage d’un syntagme distingué des autres, le repérage d’une forme dans le syntagme : l’extension syntagmatique (d’un mot à un système de propositions) est la donnée fondamentale de la figure, sur laquelle la tradition rhétorique a ensuite superposé d’autres éléments (figure par écart, figure par substitution, figure de mot, figure de pensée, etc.). Mais c’est bien de là qu’il faut repartir pour comprendre ce que je fais quand, par exemple, je reconnais une périphrase dans le texte : cela veut d’abord dire que j’isole un segment syntagmatique et que je le modélise, que je l’associe par ma compétence encyclopédique à un modèle de figure, en l’occurrence la périphrase. Ce qui explique que d’aucun ont pu pousser cette hypothèse formelle jusqu’à faire des figures de pensée, celles qui ont une extension syntagmatique importante, qui se développent sur plusieurs propositions, des séquences identifiées susceptibles de servir de briques pour penser la composition globale du texte15.
32Mais pour avancer d’un pas encore (et nous en aurons fini avec cette politique des petits pas), nous ne pensons pas, pour notre part, que le repérage des figures puisse engager la construction d’ensemble du texte. Au contraire, si l’on veut faire de la figuration un outil opératoire de structuration textuelle, il faut très précisément le ramener au geste du repérage. Que repère-t-on quand on repère une figure ? On repère d’abord un syntagme, que l’on isole en quelque sorte, que l’on découpe, et qui prend forme au sens où dans ce lieu là du texte, le continuum énonciatif se délimite et se précise en une figure identifiable. Et plus précisément encore, non seulement le repérage d’une figure commence par le découpage d’un syntagme sur le flux textuel indifférencié, mais en conséquence le repérage d’une figure dans le déroulement textuel de ma lecture informée s’effectue dans la majeure partie des cas par rapport à l’amont, à l’avant de ce que j’ai déjà lu. Le repérage d’une forme est perception d’une émergence de forme, d’un syntagme se différenciant et tendant ainsi à s’autonomiser par rapport au co-texte amont.
33Repérer une figure est ainsi un processus d’autonomisation d’un syntagme remarquable en ce qu’il est remarqué, en ce qu’il prend forme, une forme, ultérieurement modélisable sur le répertoire des figures. Les figurations sont des structurations formelles transitoires et locales de la dynamique de l’énoncé, qui n’ont pas vocation à être mémorisées pour la poursuite de la lecture, et par là même qui n’ont pas vocation à être coordonnées ni hiérarchisées.
34Où y a-t-il alors périphrase ? Très précisément dans un geste de repérage et d’autonomisation d’un syntagme en ce qu’il prend une certaine forme. La périphrase, au même titre que les autres figures, est un dispositif textuel remarquable : autrement dit, il y a périphrase dans une lecture qui informe et structure le continuum textuel. Mais ce n’est pas suffisant évidemment, puisque toutes les figures sont susceptibles de procéder d’une telle compétence formalisatrice (au sens littéral) et il convient pour finir d’essayer de la distinguer des autres figurations, des autres mises en forme figurales du syntagme.
4. Quand y a-t-il périphrase ?
35En accord avec l’analyse qui précède, nous dirons que ce qui fait la spécificité de la périphrase comme figure d’un syntagme, c’est son contexte de surgissement, d’émergence, ce sont les conditions d’autonomisation et de remarquage du syntagme périphrastique. On va bien sûr retrouver ce que l’on a vu de façon à la fois démultipliée et complexifiée chez Fontanier, mais en quelque sorte en le projetant sur l’axe de la lecture, sur la dynamique d’une perception qui est aussi compréhension.
36Il est par conséquent opportun de distinguer deux ensembles de conditions dans la perception et la compréhension que je construis du texte périphrastique au fur et à mesure de ma lecture, correspondant respectivement au sème de l’amplification et au sème de l’interpolation.
A.
37Première condition, l’autonomisation d’un segment syntagmatique par amplification, que l’on peut décliner sous deux angles complémentaires :
381) L’amplification syntagmatique (ou « extension »), qui se marque par la perception d’un ralentissement de la dynamique phrastique, par la perception d’un « allongement », d’un surplus dans le déploiement propositionnel, aboutissant à sa relative dissociation par rapport au contexte et au rythme amont. Un cas emblématique sera pour nous la fin de la fable Le Chêne et le Roseau, où la norme syntaxique amont (propositions brèves, d’abord juxtaposées puis coordonnées) rend l’amplification périphrastique finale d’autant plus rapidement sensible :
16 J. de La Fontaine, op. cit., I, XXII.
L’arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts16.
39C’est précisément par ce processus là de démarcation et de dissociation par extension que la périphrase s’apparente au remarquage des dispositifs d’apposition.
402) Autre déclinaison de l’amplification, consécutive de la première, l’amplification paradigmatique, laquelle se marque par la focalisation sémantique sur le syntagme dissocié. Notons que cette focalisation sémantique sur le syntagme qui a été remarqué pour des raisons de rythme phrastique (ralentissement, allongement) ne préjuge en rien de l’axiologie de cette focalisation (elle peut être à visée emphatique comme à visée atténuative). Mais elle explique bien évidemment que la paraphrase puisse faire série avec des figures d’emphase et des contextes génériques de travail littéraire (pompe oratoire, recherches précieuses, etc.).
B.
41Second ensemble de conditions de remarquabilité de la périphrase, par rapport au co-texte amont, le décrochage de la séquence syntagmatique peut se produire par perception (remarquage) d’une interpolation. Là aussi, deux déclinaisons du processus peuvent être distinguées.
421) La perception d’un élément interpolé et partant d’un décrochage dans le continuum de ma lecture peut tout d’abord s’analyser comme interpolation encyclopédique. La périphrase se remarque par mobilisation, dans le co-texte, d’un savoir hors contexte, d’un élément encyclopédique hétérogène, d’une référence culturelle ou littéraire. D’où, par exemple, dans le premier tome de la saga Harry Potter (Harry Potter à l’école des sorciers), le fait que, par déficit encyclopédique sur le monde merveilleux des magiciens, Harry ne décrypte pas au départ la périphrase de « Celui dont on ne doit pas prononcer le nom ». Autre exemple d’interpolation encyclopédique dans Phèdre, une fois encore, mais du côté d’une description périphrastique moins connue que « la fille de qui-vous-savez » :
17 J. Racine, Phèdre¸ I, 1, v. 10-14.
« J’ai couru les deux mers que sépare Corinthe,
J’ai demandé Thésée aux peuples de ces bord
Où l’on voit l’Achéron se perdre chez les morts
J’ai visité l’Élide, et laissant le Ténore,
Passé jusqu’à la mer qui vit tomber Icare17. »
43Comme on le voit avec cet exemple qui sollicite notre culture et révèle peut-être nos lacunes (notre bibliothèque défaillante), c’est précisément par cette interpolation encyclopédique que la périphrase a à avoir avec la définition voire avec l’énigme, même si, nous l’avons vu, le fonctionnement cognitif est dans les deux cas très différent.
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18 Voir Ch. Noille, «Faut-il traduire la fiction ? Fictionalité et littéralit...
442) Seconde déclinaison de ce décalage par perception d’une interpolation, seconde déclinaison complémentaire de la première et nécessaire, mais non consécutive, ce que nous appellerons globalement l’interpolation référentielle : c’est-à-dire la présence d’un signifié littéral dont le sens ne peut être interprété en référence au cadre contextuel amont et oblige par conséquent à un décrochage du monde de référence amont dans le continuum de l’énoncé et à l’insertion d’un autre cadre de référenciation où il puisse prendre sens. Le sens littéral de la périphrase n’appartient pas au même monde de signes et de significations ; il oblige à l’interpolation d’un autre monde de référence – comme, dans l’expression sylleptique (et non périphrastique) « Pour couronner ma tête et ma flamme », le sens littéral interpolé et intercalé d’une flamme surmontée d’une couronne relève d’un cadre de référence inactuel et fictionnel, qui oblige ensuite à un certain nombre de transactions et d’adaptations avec le cadre de référence contextuel (pragmatique) et co-textuel pour aboutir à un sens satisfaisant18.
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19 A. Compagnon, « Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui : sur la périph...
45S’apparente à cette analyse du mode de description et de référenciation figurale la lecture suggestive qu’Antoine Compagnon fait de la périphrase dans un article paru en 1989, lorsqu’il analyse les périphrases comme des « descriptions définies manquant de dénotation », ou encore « des descriptions définies d’objets fictionnels19 », c’est-à-dire des désignations de référents inactuels, et même inactualisables. Dans cette logique sans doute extrémiste, nous y revenons dans un instant, Compagnon voit alors dans la langue de Tlön le modèle absolu du fonctionnement référentiel propre à la périphrase, lorsque le narrateur précise par exemple :
20 J. L. Borges, « Tlön Uqbar Orbis Tertius », Fictions (1956, 1957 pour la t...
Il n’y a pas de substantifs dans la conjecturale Ursprache de Tlön […]. On ne dit pas lune, mais aérien-clair-sur-rond-obscur ou orangé-ténu-du-ciel, ou n’importe quelle autre association. Dans le cas choisi, la masse d’adjectifs correspond à un objet réel, le fait est purement fortuit. Dans la littérature de cet hémisphère (comme dans le monde subsistant de Meinong) abondent des objets idéaux, convoqués et dissous en un moment, suivant les besoins poétiques20.
46Pour Antoine Compagnon, le sens de la périphrase est dans la continuité du fonctionnement idéaliste et fictionnel de la référence dans les composés adjectivaux de Tlön : dans la logique de cette analyse, le propre de la périphrase comme signe serait d’insérer un référent inactuel et fictionnel dans le cadre continué de la référence textuelle – obligeant par conséquent à l’interpolation d’un monde de référenciation en rupture, inactuel stricto sensu. Nous distinguerons pour notre part volontiers entre l’interpolation tropologique d’un dénoté littéral fictionnel (toute figure trope, métaphore, métonymie, synecdoque, prise littéralement, interpole un sens fictionnel) ; et l’interpolation métaleptique d’un dénoté littéral principal par simulation d’un trope, l’interpolation d’une désignation principale sous couvert d’une désignation détournée : en somme, l’interpolation d’un référent quasi-fictionnel.
Bilan
47Telles sont ainsi les quatre conditions qui rendent possible le remarquage d’une séquence syntagmatique périphrastique : le dispositif de la périphrase est autonomisé par perception de son amplification syntagmatique et partant paradigmatique ; et il est décroché du co-texte par perception d’une interpolation à la fois encyclopédique et référentielle.
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21 Ibid., « Le jardin aux sentiers qui bifurquent », p. 122.
48A partir de là, comme aurait dit Borges, « le reste est irréel, insignifiant21 » : il est évidement que le syntagme ainsi repéré (dissocié, séquencé, délimité…) peut être modélisé, configuré sur une pluralité de figures périphrastiques, selon l’encyclopédie du lecteur. Mais en tant qu’il s’appuie sur des éléments différentiels tels que l’autonomisation par amplification et tels que le décrochage par interpolation, dans une lecture cursive et médiocrement informée le dispositif périphrastique reste pertinent en ce qu’il participe de l’activité de com-préhension lectoriale, c’est-à-dire de la compétence du lecteur à délimiter sous des formes cohérentes le continuum textuel, à configurer le déroulé phrastique, ou encore, tout simplement, à le structurer. Au même titre que les autres figures du syntagme, la périphrase est un des dispositifs possibles de structuration du texte, et plus précisément, un dispositif de structuration locale et transitoire de la dynamique élocutive. Elle témoigne ainsi de la compétence structuraliste inhérente à la lecture et constitutive de la forme du texte, de sa configuration, autrement dit de son intelligibilité.
49Il s’agit donc là, faut-il l’ajouter, d’une approche globalement rhétorique et cognitive de la figure, fondée sur une certaine conception de l’activité de lecture comme activité de formation et de formalisation du continuum sémantique. Quand je remarque une périphrase, je n’en écrase pas les spirales, n’en déplaise à Hugo, j’en imprime la marque dans le continuum sémantique et syntagmatique du texte. Et inversement, il n’y aura pas de périphrase là où je ne mettrai pas le fil de mon texte en forme et en figure.
Notes
1 B. Lamy, La Rhétorique ou L'Art de parler (1675, 5e éd. 1705), édition critique avec introduction et notes de Ch. Noille-Clauzade, Paris, H. Champion, 1998, L. II, chap. IX. La citation donnée en exemple est extraite de Cicéron, Pro Milone, 29.
2 R. Barthes, « L'ancienne rhétorique. Aide-mémoire », Communications, 16, 1970, p. 219.
3 Ibid., p. 219.
4 Ibid., p. 326.
5 Épithète et épithétisme se distinguent apparemment de la circonlocution en ce qu’ils sont des figures d’extension par ajout à un substantif (d’un adjectif ou d’une tournure appositive) là où la circonlocution est une figure d’extension par remplacement d’une expression plus longue par rapport à une expression en un seul mot. Mais avec l’exemple suivant, l’on verra la fragilité de la distinction entre syntagme ajouté et syntagme remplacé, tout dépendant du sort (figural) que l’on réserve au substantif, soit l’aplatissant sur le degré zéro de la figuralité, soit au contraire l’analysant comme une figure de dénomination directe (comme le sont par exemple pour Fontanier les figures de suspension et de sustentation).
6 J. de La Fontaine, « Les Animaux malades de la peste », Fables, VII, I.
7 P. Fontanier, op. cit., p. 366.
8 Ibid., p. 362-363.
9 J. Racine, Phèdre, I, 1, v. 36.
10 Voir Skhèma/Figura. Formes et figures chez les Anciens. Rhétorique, philosophie, littérature, éd. M. S. Celentano, P. Chiron et M.-P. Noël, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2004.
11 Voir F. Goyet, « Le recueil de sonnets comme ensemble de tableaux, c’est-à-dire de loci », Programme et invention dans l’art de la Renaissance, éd. M.Hochmann, J. Kliemann, J. Koering et P. Morel, Paris, 2008, p. 177-202.
12 P. Fontanier, op. cit., p. 63.
13 C. Chesneau Dumarsais, Des Tropes ou des différents sens (1730, 1757), Paris, Flammarion, 1988, p. 66. Nous soulignons.
14 Ibid. Nous soulignons.
15 Voir F. Goyet, op. cit. Sur le principe d’une composition de la mise en forme comme arrangement de séquences, voir également Ch. Noille, « L’affaire des textes possibles. Enquête/Inédit » (en particulier la section 4, « Les rhétoriciens »), en ligne sur le site Fabula.org, onglet Atelier, Textes possibles. Sur le principe d’une compréhension gestaltiste de la forme comme opération de mise en forme et son interprétation pour la forme du texte, voir Ch. Noille, « Les lettres de Sévigné sont-elles informes ? Éléments pour une rhétorique de la disposition » (en particulier les sections 3.1., « Une théorie de la mise en forme » et 3.2., « La forme du texte, trois gestions possibles de la dispositio »), dans C. Lignereux dir., Lectures de Madame de Sévigné : lettres de l’année 1671, P.U.R., 2012.
16 J. de La Fontaine, op. cit., I, XXII.
17 J. Racine, Phèdre¸ I, 1, v. 10-14.
18 Voir Ch. Noille, «Faut-il traduire la fiction ? Fictionalité et littéralité dans la rhétorique classique » dans C. Grall et M. Macé dir., Devant la fiction dans le monde, La Licorne, Poitiers, 2010.
19 A. Compagnon, « Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui : sur la périphrase et l’encyclopédie », Le Temps de la réflexion, n° 10, 1989.
20 J. L. Borges, « Tlön Uqbar Orbis Tertius », Fictions (1956, 1957 pour la trad. fr.), Gallimard, « Folio », 1981, p. 42.
21 Ibid., « Le jardin aux sentiers qui bifurquent », p. 122.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Christine Noille
Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – RARE Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution