La Réserve : Archives Jean-Yves Vialleton
Suavitas et venustas : l’idéal de la vénusté à l’âge classique
Initialement paru dans : H. Baby et J. Rieu dir., De la Douceur en littérature de l’Antiquité aux siècles classiques, Paris, Classiques Garnier, coll. « Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance européenne », n° 73, 2012, p. 569-586.
Texte intégral
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1 Le Quintil horacien d’Aneau (sur le 6e chapitre du second livre) préconise ...
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2 M. Baxandall, Les humanistes à la découverte de la composition en peinture,...
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3 I, 27 et I, 36. On le cite aussi pour le lien étymologique qu’il fait avec ...
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4 Fr. Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française du 9e au 15e sièc...
1En français, le nom vénusté (parfois sous la forme moins latine vénusteté1), et l’adjectif vénuste, apparaissent dans les textes à la fin du xve siècle. L’adjectif et le nom sont des latinismes, des calques de venustas et venustus. Le Dictionnarium latinogallicum de Robert Estienne donne pour venustus « Qui est très beau » en renvoyant à Cicéron et pour le neutre venustum « Chose belle, plaisante, gentille, et de bonne grâce » en renvoyant à Quintilien. Le mot venustas est un des noms latins de la beauté. Il fait partie de ces mots presque synonymes de plusieurs autres dont les humanistes essaient de préciser le sens par contraste, dans des travaux comme le De differentia verborum de Bartolomeo Fazio ou les Elegantiae de Lorenzo Valla, travaux dont Michael Baxandall a affirmé qu’ils ne relevaient pas seulement de la philologie mais qu’il constituait pour les humanistes une « classification de l’expérience2 ». Dans le premier, on trouve une notice distinguant forma de pulchritudo, venustas de dignitas, decus de decor, decens de formosus, decor de species. On y affirme que la venustas est la beauté féminine, la dignitas la beauté virile. L’opposition vient d’un passage du Traité des devoirs de Cicéron souvent cité sur ce sujet3. De même, Robert Estienne à « Venustas » donne : « Beauté de femme », mais ajoute : « C’est aussi la bonne grâce et bienséance qu’a aucun à parler ». En fait, le français vénusté est loin de se réduire à ces seuls sens et il semble utilisé dans les emplois multiples qu’il avait en latin, où la venustas pouvait dire la beauté de toutes sortes de choses, par exemple d’un bâtiment, comme dans le fameux passage où Vitruve veut qu’une construction ait firmitas, utilitas et venustas, et dans un sens plus étroit proche de l’idée de grâce. Le mot français est associé, dans les exemples relevés par les dictionnaires de Godefroy et de Huguet4 aux mots beauté, grâce, formosité et élégance. Dans une des citations, on trouve une sorte de définition ; dans l’Institution du Prince, Budé écrit :
5 La citation, prise dans le chapitre. 11, est en fait la glose d’une citatio...
En parole romaine ne peut entrer cette vénusté qui est en langue attique, c’est-à-dire cette douceur délectable et gorgiasse de langage coint et poli5.
2Trois des citations suggèrent la force possible de la vénusté : l’une parle de « l’œil qui est surpris de vénusté » (Changy), une autre parle d’une « Grâce, douceur, vénusté plaisante et agréable jusqu’à crocheter les cœurs et ravir les volontés » (Charron), une troisième associe vénusteté et « grâce persuasive » (Budé).
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6 P. Richelet, Dictionnaire français, contenant les mots et les choses, plusi...
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7 G. Ménage, Observations de Monsieur Ménage sur la langue française, deuxièm...
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8 Bouhours y voit un mot bon pour Rabelais et Marot, mais pour lequel il faud...
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9 A. Furetière, Dictionnaire universel…, La Haye, A. et R. Leers, 1690 (consu...
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10 Édition consultée 2001.
3À l’âge classique, l’adjectif a disparu, et le nom n’est guère employé. Vénusté n’est signalé par le dictionnaire de Richelet6 que comme un néologisme recommandé par Ménage7, qui s’autorise de Chapelain, mais en vain : le mot est tourné en ridicule par le Père Bouhours8 et le Dictionnaire de l’Académie se refuse à l’enregistrer. Mais pour exprimer cette même idée, la langue classique utilise un autre latinisme, et de la même famille, vénus utilisé comme nom commun. Furetière nous dit qu’il s’utilise pour dire « Grâce ou agrément »9, Richelet que c’est un emploi « figuré » « en parlant du style et du langage, et qu’il signifie ‘agrément, beauté’« . Littré l’enregistre encore avec le sens de « Charmes, beauté, grâces », mais note que c’est une « acception vieillie », et l’illustre par trois citations tirées des seules Amours de Psyché de La Fontaine. Il n’est plus dans le Grand Robert10. En revanche, vénusté s’est conservé jusque dans la langue contemporaine. Le nom finit par entrer dans le dictionnaire de l’Académie en 1932‑1938. Le Trésor de la langue française donne des emplois relevant du vocabulaire recherché chez Chateaubriand, Sainte-Beuve, Verlaine et Valéry, mais aussi cette citation, plus récente, extraite d’un numéro paru en 1981 du magazine Rustica hebdo :
Les vins de Touraine épousent l’image du climat et du sol qui s’harmonisent parfaitement. On retrouve […] douceur et légèreté, bouquets de fleurs et de fruits, souplesse, élégance, grâce, vénusté.
4La postérité a en somme donné raison à Ménage : il est un univers pour lequel les mots de la famille de Vénus nous sont un sésame nécessaire, un univers dont la description parfaite peut se trouver encore aujourd’hui dans un magazine de jardinage. L’on verra de fait qu’on peut donner une place dans cet univers à la figure du beau jardinier. On le fera dans une deuxième et dernière partie qui concernera la tragi-comédie en France dans les années 1630. Mais il faut, avant d’en arriver à cela, voir ce que cet univers doit à la tradition rhétorique.
1. La vénusté, idéal grec
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11 C. Lévy, « Venustas chez Cicéron », dans P. Chiron, C. Lévy et alii, Les n...
5Sans constituer des concepts clés, les mots de la famille de Vénus ne sont pas absents des textes de Cicéron et de Quintilien11. Mais les arguments de Ménage en faveur du mot vénusté nous indiquent une autre tradition. Malgré les attaques, Ménage « persiste à soutenir que »
12 Observations sur la langue française, [deuxième partie], ch. 64, cité par ...
vénusté est un beau mot, puisqu’il nous donne une belle image, en nous faisant souvenir de Vénus et des Grâces, la beauté d’un mot ne consistant pas seulement dans la prononciation ; mais dans l’agrément de la chose que ce mot représente à l’esprit12.
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13 D. Denis, « La douceur, une catégorie critique du xviie siècle », Cahiers ...
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14 Cicéron, L’Orateur, XLVII, 160 et Quintilien, XII, 10, 27 et suiv.
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15 Observations, op. cit., t. I, p. 541
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16 Observations, op. cit., t. II, p. 233 : « Venustum esse, quod cum quadam g...
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17 Aristote, Rhétorique, livre III, ch. 2, § XIII.
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18 Démétrius de Phalère, De elocutione, § 173.
6Delphine Denis a montré que la théorie du mot doux chez les théoriciens de la langue française à l’âge classique devait à la tradition rhétorique13. La valeur expressive de la phonétique est une question abordée dans Cicéron et Quintilien14, mais elle trouve un vrai développement dans des traités en grec. Ménage emprunte la définition de vénusté à Quintilien15, mais, quand il s’agit pour lui de trouver des arguments en faveur de la beauté du mot vénusté, il cite en grec Théophraste16. Cette théorisation est ancienne : Aristote dans sa rhétorique évoque la question de la belle expression, résidant à la fois dans les sons et dans la signification, ou pour reprendre les termes de Ménage, dans la « prononciation » et dans « la chose que ce mot représente à l’esprit ». Il en fait remonter la théorie à un certain Lycimnius17, c’est-à-dire un disciple du sophiste Polôs selon Platon, un intime du sophiste Gorgias selon Denys d’Halicarnasse. Mais, pour ce qui est des textes conservés, des développements sur le sujet se trouvent surtout dans le De compositione de Denys d’Halicarnasse qui y consacre un chapitre entier et dans le De elocutione de Démétrius de Phalère. Dans ce dernier traité, on trouve non seulement une théorie du beau mot, mais, pour chaque style, on considère la qualité de la chose (dianoia ou pragmata) que le mot représente à l’esprit ainsi que la musique des mots qu’on choisit (lexis) et de la phrase où ils s’assemblent (synthesis). C’est justement de ce dernier traité que provient le fragment de Théophraste cité par Ménage18. Or dès les premières traductions en latin du traité de Démétrius sont utilisés les mots de la famille de Vénus.
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19 Demetrii Phalerei de oratione sive de modo dicendi, Natale de Comitibus, V...
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20 Le glaphyron dans la traduction latine par Gulielmus Gratius (Stanisław Ho...
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21 Éd. et trad. P. Chiron, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1993.
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22 § 128, début du ch. II, éd. citée, p. 39.
7Natale Conti, l’auteur du célèbre usuel sur la mythologie gréco-latine, traduit le texte en latin en 155719. Les quatre styles sont appelés tenuis, magnificus, venustus, gravis. Venustus rend donc glaphyros20. Chez Démétrius, le glaphyron, l’élégant dans la traduction française d’aujourd’hui21, est grâce et enjouement, kharientismos kai hilaros logos22, ce que Conti rend par gratiosus et jucundus.
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23 Petri Victorii Commentarii in librum Demetrii Phalerei de Elocutione, posi...
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24 Op. cit., p. 35.
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25 Op. cit., p. 36.
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26 Op. cit., p. 118. « Elegans oratio Venere omni referta et salsa oratio est...
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27 Op. cit., p. 119.
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28 Demetrio Falereo, Della locuzione, volgarizzato da Pier Segni,... con post...
8En 1562 paraît une autre traduction latine, avec un commentaire continu, celle de Pietro Vettori23, premier éditeur du texte grec imprimé, dix ans auparavant. Vettori utilise plusieurs mots pour traduire le caractère (la nota) des quatre styles. Dans la présentation, il utilise les mêmes mots latins que Conti24, sauf pour glaphyros. Ce dernier caractère est rendu par ornatus, et un peu plus bas par ornatus et pictus, florens et ornatus25. Quand il en arrive au chapitre qui concerne ce style, il parle d’elegans nota, d’elegans oratio26. Venustas est utilisé pour traduire kharientismos ; sont utilisés aussi l’adjectif venustus et le nom pluriel veneres. Le style enjoué, hilaros, est rendu par salsus (piquant) et gelaios par ridiculus. La justification de la traduction de kharientismos est donnée dans le commentaire27 : c’est l’oratio plena elegantiae, ac suavitatis, puisque le mot est utilisé plusieurs fois dans la vie d’Isocrate par Denys d’Halicarnasse « pro lepore et venustate ». Dans la traduction italienne de 1603 par Pier Segni28, où le glaphyros est aussi l’ornato, le kharientismos est le grazioso (« Il favollare ornato è un favolare graziosissimo, e pien di piacevolezza »), mais surtout la leggiadria, mot clé de la littérature esthétique italienne, par exemple dans les éloges de Pétrarque.
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29 Édition consultée : Handbook of literary rhetoric : a foundation for liter...
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30 VI, 3, 17-21.
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31 Voir plus haut note 16.
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32 Furetière à l’article » Jeu » Voir aussi l’article « Amour » : « Les jeux,...
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33 Richelet à l’article « Vénus ».
9Chez Vettori, la venustas sert donc à rendre la notion de kharis, de grâce, dont l’équivalent habituel latin est gratia. Cela va dans le sens de ce qui est dit dans le Handbuch der literarischen Rhetorik de Heinrich Lausberg29 : on trouve dans le lexique des mots français de ce manuel le mot vénusté, glosé par « grâce, élégance » et avec un renvoi au lexique latin à l’entrée venustas, venustus, venus, où l’on est renvoyé au lexique grec à kharis. Mais chez Conti, venustas recouvre à la fois la grâce et l’enjouement. De fait, Quintilien, dans le chapitre appelé « De risu »30, range le mot venustum dans une série de mots tournant autour de plaisanterie (urbanitas, salsum, facetus, jocus) pour mieux fixer la valeur propre à chacun d’eux. Le venustum, c’est quand le rire est accompagné de gratia et de venus. C’est le passage que cite Ménage31. Les dictionnaires de la fin du xviie siècle sont donc fidèles à un motif prodigué dans la poésie de leur temps, mais aussi à l’esthétique de la vénusté, en rappelant qu’« En Poésie on dit, que Vénus a à sa suite les jeux, les ris, les grâces, les amours, pour dire, toutes les choses agréables32 » et que Vénus est non seulement « la déesse de la beauté », mais aussi « la mère des jeux, des ris et des amours33 ».
10Une autre tradition nous est indiquée par l’unique exemple que donne Furetière pour vénus employé comme nom commun : « on dit des tableaux d’un Peintre excellent, qu’il y a une certaine vénus répandue en tous ses ouvrages, qui plaît à tout le monde. » L’exemple entraîne du côté cette fois de la peinture et donc de la couleur, mais surtout il peut être rapproché de ce passage de La Fontaine cité par Littré, celui où le narrateur des Amours de Psyché explique pourquoi le roi Philocratès préfère Myrtis à Mégano :
34 La Fontaine, Les Amours de Psyché et de Cupidon, dans Œuvres complètes, éd...
Son esprit, sa beauté, sa taille, sa personne [de Mégano] ne touchaient point, faute de vénus qui donnât le sel à ces choses ; Myrtis, au contraire, excellait en ce point-là [...] il n’y avait si petit endroit sur elle qui n’eût sa vénus, et plutôt deux qu’une, outre celle qui animait tout le corps en général34.
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35 À l’article « Répandre », on trouve la même expression appliquée au poème ...
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36 Le color peut désigner le choix stylistique général d’un discours : Cicéro...
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37 VI, 23, 19, trad. latine citée, p. 62.
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38 Ideai, I, 12.
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39 Hermogène, L’Art rhétorique, trad. M. Patillon, L’âge d’homme, 1997, p. 39...
11Cette idée d’une qualité unique mais « répandue partout »35 peut nous rappeler la chanson dans L’Ange bleue où Lola Lola se dit tout amour « von Kopf bis Fuss ». Pour ce qui est de la tradition rhétorique, cette idée s’ancre dans la métaphore courante de la « couleur » du style36, mais elle renvoie surtout à l’harmonie intermédiaire telle que la définit Denys d’Halicarnasse et plus encore à la beauté telle que la définit Hermogène. Denys donne en exemple le passage d’un discours d’Isocrate en le louant d’être « d’un fondu et d’une unité de coloration parfaite »37. Parmi les sept qualités idéales du style qu’il distingue, Hermogène range l’élégance et la beauté, epimeleia et kallos38. Le discours qui a de la beauté est défini par un mélange dans de bonnes proportions et par le fait que « s’épanouisse sur ce discours, comme de belles couleurs, cette qualité d’éthos, unique, partout visible, que justement certains appellent la couleur du discours39 ». Platon est cité, mais le beau corps n’est pas seulement celui qui est bien bâti, qui assemble les membres comme il faut, il est celui qui se signale par une belle couleur, la « plaisante couleur » du corps de la belle œuvre dont parle Ronsard dans son Abrégé de l’art poétique. Hermogène veut même que puisse s’ajouter à cette beauté la « parure » (kosmos), il ne condamne pas le fard.
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40 Hermogenis Ars oratoria absolutissima et libri omnes, cum nova versione la...
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41 Op. cit., p. 142-146.
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42 Op. cit., p. 153-159.
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43 La référence n’est pas donnée, mais c’est dans le quatrième livre (Parasce...
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44 Il renvoie à « Éthique, IV, ch. 3 », probablement L’Éthique à Nicomaque, I...
12Dans sa traduction en latin d’Hermogène publié en 1614, Gaspard Laurent utilise venustus pour rendre le gracieux (hôraios), associé au habros, traduit par mollis, un des aspects se rattachant à la saveur (glykytès, traduit suavitas), elle-même un des aspects de l’éthos (oratio morata)40. Mais, dans son commentaire, il utilise venustus pour d’autres mots. L’éclat (lamprotès), un des aspects de la véhémence (sphodrotès), est appelé « Splendida sive illustris forma », mais dans le commentaire « Splendidum vel Venustum genus dicendi41 » pour mieux marquer l’opposition avec le grandis et gravis obtenus par l’austérité, la dureté, la véhémence et l’aspérité. L’élégance (epimeleia) et la beauté (kallos) est dans le latin de sa traduction la « pulchritudo » ou la « accurata dicendi forma eademque pulchra », mais dans celui de son commentaire l’oratio Acurrata, et Venusta42. Laurent rapporte la traduction de Trapezuntius, c’est-à-dire de Georges de Trébizonde, par pulchritudo et celle de Scaliger par decorum43, mais renvoie à Aristote44 pour montrer qu’il faut comprendre « venustus et pulcher ».
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45 Sur la définition de la beauté par Hermogène comme source de ce passage, v...
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46 Comme l’a montré M. Fumaroli (L’âge de l’éloquence, 1980, rééd. Albin Mich...
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47 La tradition cicéronienne (L’Orateur, XX) et néo-platonicienne est décrite...
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48 Sur la fortune de Sappho, voir J. Dejean, Sapho. Les Fictions du Désir, 15...
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49 Hermogène, trad. française citée, p. 430 (Rabe p. 331). Il la cite aussi p...
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50 Voir l’index de l’éd. M. Chiron, p. 141-142.
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51 Ch. 23.
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52 C’est Ovide avec sa quinzième lettre des Héroïdes et Catulle dans son ode ...
13La citation de Guillaume Budé nous le faisait pressentir, la venustas n’est pas latine, elle est grecque45. L’attribution (aujourd’hui abandonnée) du De elocutione au même Démétrius de Phalère dont les discours sont donnés par Cicéron comme l’exemple par excellence du style moyen, de la suavitas, amène bien sûr à identifier la venustas au style moyen cicéronien, même si ce mot n’est pas utilisé dans ce sens par Cicéron. Mais penser la venustas comme grecque, c’est se référer à des rhétoriques qui par la complexité de leur analyse pourraient être qualifiées de baroques, et surtout qui permettent d’ouvrir la question du mélange, de la crasis, en ne la posant pas comme un simple jeu sur trois registres46. C’est aussi faire du style du delectare le vrai style « récapitulatif », contre la tradition cicéronienne47. C’est enfin se référer à des textes dont l’un des points communs est de parler de la poétesse Sappho et d’en livrer les précieux débris48. Hermogène la cite dans son chapitre sur la saveur (glycytes, suavitas), notamment quand il parle de « la beauté d’un paysage, la diversité des plantes, la variété des cours d’eau, et toutes les choses de ce genre »49, Démétrius en livre sept fragments50. Denys d’Halicarnasse dans son traité de la composition stylistique nous conserve son seul poème entier, l’hymne à Aphrodite51, par lequel il illustre la douceur phonique, poème que Robert Estienne révèle aux poètes français en 1546. Quand un poète de la Renaissance revendique un style simple et refuse de « tragiquer » dans les choses d’amour, en se référant à Catulle ou Ovide, il ne faut pas comprendre qu’il emploie le style simple de la tripartition classique, mais bien le style saphique, celui de la vénusté52.
2. Le beau jardinier : la vénusté comme clé esthétique de la tragi-comédie
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53 Éd. critique dans G. de Scudéry, Le Prince déguisé et La Mort de César, éd...
14On trouve un beau jardinier dans deux tragi-comédies des années 1630, qui est à chaque fois le rôle titre. Dans Le Prince déguisé (1636) de Scudéry53, c’est le prince Cléarque qui se déguise pour être auprès de la princesse qu’il aime. L’action se situe dans le « doux climat de Grèce ». Le prince est gaulois et déguisé, mais la princesse perçoit son élégance grecque :
54 II, 1, v. 335-339.
N’as-tu point remarqué son port et son adresse,
Et comme son discours ferait honte à la Grèce ?
Poli, respectueux, civil et complaisant :
Ô que je fais de cas d’un si riche présent !
Il efface les fleurs qu’il arrose au parterre54.
15La véritable éloquence n’est pas dans la dignitas qui en impose, mais dans la venustas qui se donne pour mieux séduire, non dans le sec mais dans le fleuri et l’humide, non dans le movere, mais dans le delectare et le conciliare, non dans le pathos mais dans l’ethos : l’important est d’abord de plaire.
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55 Éd. critique dans Rotrou, Théâtre complet, éd. dir. par G. Forestier, t. 1...
16Dans Céliane de Rotrou (1637)55, titré dans une autre édition La Belle Céliane, c’est l’héroïne qui, pour reconquérir son amant, se déguise en « jardinier », dit le texte, en fait en jeune vendeur de bouquets de fleurs. La première scène de la pièce comprend un vers étrange : un jeune homme y loue son ami en lui disant :
56 I, 1, v. 44-45.
Je ne vanterai point votre ardente amitié,
Nestor, pour son ami, n’en eut pas la moitié56.
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57 Iliade, I, v. 249 (parole de miel, vers cité comme exemple de métaphore da...
17Il ne faut pas voir là une négligence de l’auteur, mais un savant clin d’œil. Toute une tradition qui s’appuie sur Homère et qui fleurit chez les sophistes fait de Nestor l’image de la puissance de la suavitas, du style moyen et du style propre au poète57. Dans la pièce, les mots doux et douceur sont employés quarante-trois fois. La pièce est une allégorie du caractère « récapitulatif » non du style élevé, mais du tertium genus comme style de la beauté. Elle mêle trois couples, dont les amoureuses ont des caractères bien contrastés : la pathétique Nise, la railleuse Julie et l’héroïne, la belle Céliane. Le décor représente trois lieux, d’un côté une forêt sauvage, de l’autre une magnifique demeure, au centre un jardin. Au centre de l’intrigue, Céliane déguisée vend un bouquet où elle a su mêler le lys blanc, la rose rouge, l’œillet rouge et blanc, et même le souci. Reviennent aussi dans la pièce d’autres mots : dix-sept fois le mot sein, associé à « beau » (v. 310), à » fleur » (v. 269, v. 538), huit fois le mot teint, associé à « fleur » (teint languissant qui n’a plus de fleurs, v. 150), à « beau » (v. 1095), à « vermeil » (v. 1101), huit fois le mot visage, associé à « beau » (v. 615) et à « sain » (v. 309), sept fois l’adjectif sain, « beau sein » y peut rimer avec « visage si sain » (309-310). La pièce s’indique par là comme une pièce de la vénusté, d’une beauté dont le modèle est le corps à la belle carnation. Elle vise le même idéal esthétique que celui qui fait dire à La Fontaine qu’« il n’y avait si petit endroit sur elle qui n’eût sa vénus, et plutôt deux qu’une, outre celle qui animait tout le corps en général ».
18Les deux pièces sont dédiées à de très jeunes femmes. La pièce de Rotrou est dédiée à Marie de Saint Gelais, alors une jeune épouse de seize ans, celle de Scudéry à Mlle de Bourbon, c’est-à-dire à la sœur du Grand Condé, celle qui sera Madame de Longueville, et qui n’est encore qu’une jeune femme de dix-sept ans. Une belle jeune fille, c’est la première idée qui vient à l’esprit pour définir la beauté, celle que soumet en premier le sophiste à Socrate dans l’Hippias majeur. L’épître dédicatoire de la pièce de Rotrou est courte et semble banale. Elle utilise un procédé habituel, la recusatio : l’auteur s’excuse de ne pas être capable de consacrer au dédicataire le grand poème d’éloge qu’elle mérite pour mieux louer son visage :
dès l’abord que j’eus l’honneur de vous faire la révérence la première fois, les merveilles que je vis en votre visage, m’imposèrent une secrète loi de les publier, et de faire d’elles un de ces tableaux parlants, où les Dames voient ce qu’elles sont, bien mieux que dans leurs miroirs.
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58 P. Galland-Hallyn, Le reflet des fleurs, op. cit., p. 119.
19Dans celle du Prince déguisé, une recusatio permet aussi un éloge de la destinataire, non la femme à qui Scudéry a eu l’honneur de faire une révérence, mais sa fille. Après l’épître figurent des vers « pour mettre sous les portraits de cette excellente Princesse » et où est loué son « beau visage ». À ces deux pièces, on pourrait appliquer la notion de « texte-visage », dans l’esprit qui a fait parler à Perrine Galand-Hallyn pour la haute Renaissance de « textes-paysages »58.
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59 Éd. cité, p. 67-68. Apelle peint des Vénus, Zeuxis représente Hélène en s’...
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60 Il est des « tableaux » « dont le coloris est si vif et si riant qu’il sur...
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61 Pline, Histoire naturelle, XXXV, 36, 79-97.
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62 Pline, XXXV, 10, 36
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63 Pour cette traduction libre, voir Ronsard, Amours de Marie, chanson « Ma m...
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64 XXXV, 123 et XXI, 4 (A. Reinach, n° 324 et 325).
20Scudéry évoque dans son épître un « fameux peintre » qui forma une Vénus « de toutes les beautés de la Grèce », il mêle probablement la vie de Zeuxis et celle d’Apelle59. Dans l’avis au lecteur qui suit, l’amateur d’art qu’il est parle à nouveau d’Apelle, suggère l’importance des notions de « grâce » et de « fard » et utilise comme Rotrou l’expression « peinture parlante », après avoir répondu à l’accusation possible de sophistique60. On sait par Pline en quoi consistait principalement l’art d’Apelle61 : « Praecipua ejus in arte venustas fuit. » Ce qui caractérise son art, c’est avant tout la vénusté. Des peintres contemporains, Apelle louait le talent, mais regrettait « deesse iis unam Venerem », qu’il leur manquait je ne sais quelle vénus. Pline glose : « quam Graeci Charita vocant62 », ce qui en grec se dit kharis. En outre, Apelle est l’élève de Pamphile, lui-même amant de Glycère, par son nom la « Toute Douce »63, qui savait brillamment mêler les fleurs de toutes couleurs pour en tresser des couronnes64. Citant encore ce passage de Pline à l’article « Peinture », l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert le paraphrase ainsi :
Le même Pline, pour caractériser encore plus particulièrement Apelle, dit de lui, praecipua ejus in arte venustas fuit. La manière qui le rendit ainsi supérieur, consistait dans la grâce, le goût, la fonte, le beau choix, et pour faire usage d’un mot qui réunisse une partie des idées que celui de venustas nous donne, dans la morbidezza, terme dont les Italiens ont enrichi la langue des artistes.
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65 A. Blunt, La théorie des arts en Italie, 1450-1600 [Artistic theory in Ita...
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66 Sur la correspondance entre les esthétiques et les sept planètes dans le t...
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67 R. Klibansky, E. Panofsky et F. Saxl, Saturne et la mélancolie [Saturn and...
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68 Furetière à l’article « Tenir » : « Il tient de Saturne, ou de Vénus ». Vo...
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69 G. Trottein, Les enfants de Vénus. Arts et astrologie à la Renaissance, Pa...
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70 Furetière, article « Bénéfique ». Voir aussi les articles « Bénignité », «...
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71 G. Trottein, op. cit., p. 197. Le tournant se fait dans une gravure flaman...
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72 Sur les emprunts de Watteau aux jardins d’amour de Rubens, R. Tomlinson, L...
21Le passage de Pline a une importance capitale dans la littérature artistique de la Renaissance tardive. Il fonde la pensée de la grazia. Cette notion est selon Anthony Blunt « le trait distinctif de la théorie de Vasari, prise dans son ensemble »65. Elle informe aussi les récits de vie et la description de la personnalité des artistes66. Parmi les Planetenkinder, les enfants de Saturne sont bien connus maintenant67, mais il y a aussi des enfants de Vénus, leurs opposés68, gais et sociables, au teint fleuri, amateur de musique69, plus heureux que les enfants de Saturne, car « Jupiter et Vénus sont des Planètes bénéfiques70. » Ce sont ces Aphrodite’s childs dont l’art représente les assemblées, images astrologiques de la Renaissance (version profane des protégés de la Vierge Marie, autre étoile du matin), auxquelles succéderont les « jardins de l’amour » baroque où la déesse n’est plus présente que comme statue71, puis les parcs de Watteau72.
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73 La Fontaine, Fables, II, 7.
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74 E. Wind, Les mystères païens de la Renaissance [Pagan mysteries in the Ren...
22Le frontispice du Prince déguisé représente un jardin. Le parterre fleuri autour de la fontaine évoque la queue du paon, dont on sait par les fables de La Fontaine que c’est « Un arc en ciel nué de cent sortes de soies »73. On y voit le faux jardinier donner à la reine Rosemonde un bouquet de fleurs, comme une allégorie de la gratia, qui est don, mais aussi reconnaissance et obligation à rendre. Car les Grâces sont aussi depuis longtemps l’image de la circulation du don, dont la force est de créer l’union74. Dans l’épître, Scudéry lui aussi vise la gratia. Il est le beau jardinier qui fait la conquête de la princesse : « je vous ferai une couronne de toutes les belles fleurs que le Parnasse a produites ». C’est l’image de la gratia telle qu’elle subsiste dans les métaphores quotidiennes : lancer des fleurs, tresser des couronnes… C’est la même gratia que Madame, jouée par Claire, refuse à Claire jouée par Solange au début des Bonnes de Genet : « Vous m’écrasez sous vos prévenances, sous votre humilité, sous les glaïeuls et le réséda ».
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75 Chapitre 3, § 192-195.
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76 L’orateur, XXVI-91-92 (le style moyen, éloge du style de Démétrius), De l’...
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77 C’est le mot par lequel Baillet rend glaphyros : « le Grand, le Simple, le...
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78 G. B. Guarini, Il compendio della poesia tragicomica [De la poésie tragi-c...
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79 G. B. Guarini, Il compendio, éd. citée, p. 27-28 (248-253). Sa traduction ...
23Scudéry et Rotrou ont une claire vision de la liaison entre le genre de la tragi-comédie et la vénusté. Ce lien passe d’abord par la modernité. Chez Démétrius, le style tressé était donné comme un style moderne75. Cicéron, tout en louant Démétrius, en faisait un rhéteur de la décadence76. Les poètes de la vénusté au début du xviie siècle retiennent le lien entre modernité et suavitas, ils reprennent le schéma historiographique de Cicéron, mais en l’inversant : le progrès du rude au poli77 y remplace la décadence du musclé dans le délicat. Cette modernité est associée au mélange. Le traité qui fixe sa poétique à la tragi-comédie est le Compendio de Guarini78. Pour justifier l’elocutio de la tragi-comédie, Guarini s’y réclame de Démétrius et d’Hermogène, théoriciens du mélange79. Mais toute sa poétique vise à légitimer le misto et la mistura : la beauté moderne impose aussi le tressage et le lié dans l’invention et la disposition, innestata, greffée. Elle impose aussi la légitimité de la parure donnant tout son éclat à la beauté naturelle : la culture parachève la nature, donnant des fruits plus beaux comme ceux des arbres greffés.
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80 H. Baby, La tragi-comédie de Corneille à Quinault, Paris, Klincksieck, 2001.
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81 § 91-93.
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82 § 173 et suiv., De pulchritudine nominis, titre du chap. XVI,
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83 La lecture des vers nous apprend que Céliane doit se lire Céli-ane, nom qu...
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84 Poétique, ch. 9, 51 b 20. Sur le procédé de composition des noms, voir ch....
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85 Vers 95-172.
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86 Vies des Sophistes, I, 9.
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87 Compendio, éd. citée, p. 23.
24Que la vénusté soit la clé rhétorique de la tragi-comédie peut se voir jusque dans l’examen de son onomastique, onomastique qu’elle partage avec certains romans. Les noms y sont non seulement inventés, mais irréalistes, comme le sujet lui-même (Hélène Baby a bien montré l’irréalisme caractéristique de l’univers tragi-comique80). Ce sont des noms grecs ou des noms romans composés, du type Rosemonde ou Florimant. Démétrius donne une leçon sur la façon de composer les mots pour leur donner variété et grandeur, non à la manière dithyrambique (celle utilisée par Ronsard et dont se moquent les classiques), mais à la manière qui imite la composition de l’usage courant81. Il donne aussi le secret du beau mot82 : c’est un mot qui est agréable à l’œil, à l’oreille ou à l’imagination. Il est agréable à l’œil de lire en grec « au teint de rose » et à l’oreille d’entendre des mots où reviennent les L et les N. Le nom « Céliane » évoque le ciel et la grâce83, il contient un L et un N. De l’utilisation des noms propres composés, Aristote parle dans sa Poétique. Il nous dit qu’ils sont faits pour la comédie, mais il évoque aussi une tragédie aux personnages et aux noms inventés, l’Anthée d’Agathon84. Le nom d’Agathon est associé à l’amour : c’est chez lui que se déroule Le Banquet de Platon. C’est un tragique efféminé, selon la caricature qu’en donne Aristophane dans Les Thesmophories, notamment85. Cet auteur tragique au beau langage est aussi associé à la sophistique : Philostrate en fait le disciple de Gorgias86. Quoique perdue, la tragédie d’Agathon est mentionnée par Guarini dans son Compendio, qui traduit le titre par Il fiore87. Plus que dans le drame satyrique, plus que dans Amphitryon, les modernes pouvaient trouver dans cette mystérieuse tragédie perdue d’un jeune sophiste un ancêtre de leur tragi-comédie, dont les noms des personnages sont comme les sujets, inventés, composés, pleins d’amour et de douceur.
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88 Hédelin d’Aubignac, La Pratique du théâtre, II, 10, éd. H. Baby, Paris, Ho...
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89 Grand Robert, 2001, acception I, 3.
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90 Fragment de Sappho rapporté dans le Traité du sublime : « Les dieux dans s...
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91 Cette citation qui a la forme de deux alexandrins est donnée à la Juliette...
25Concluons en résumant les trois propositions avancées. La première, pas vraiment nouvelle, est qu’il est essentiel dans l’étude des outils conceptuels esthétiques de prendre en compte aussi le grec traduit en latin. La seconde est que la clé du genre tragi-comique (son « idée ») est rhétorique. La troisième, c’est qu’un genus dicendi est bien plus qu’un registre stylistique. Le mot « comique » à la Renaissance et à l’âge classique désigne un registre de parole ; il désigne un ensemble générique (la comédie, le roman comique..), mais il est aussi selon l’expression de l’abbé d’Aubignac une « sorte de vie88 », c’est-à-dire au fond un des aspects de la condition humaine. Même quand on donne au terme style son ancienne valeur rhétorique, on peut dire que le style est une vision. Le comique est le regard qu’on porte sur la condition humaine, non dans ce qu’elle a d’exceptionnel, de grandiose ou de terrible, mais quand on l’envisage avec la bonhomie qui naît du plaisir d’être entre soi, et qu’on trouve le plus petit dénominateur des hommes, qu’on touche par là à l’humanité même, dans ce qu’elle a d’ordinaire, mais aussi dans ce qu’elle a d’universel. La vénusté est un autre de ces regards possibles. Si l’on arrive à remonter à son « idée », les poèmes lyriques ou dramatiques qui en relèvent n’apparaissent plus comme des témoins d’un langage artistique dépassé et desséché en stéréotypes, il reste la vivante illustration d’une catégorie esthétique dont la parenté avec certaines des esthétiques les plus contemporaines est évidente. La postmodernité a joué sur la reprise humoristique de la référence culturelle, elle a réévalué le « clinquant » et le frivole, et peut-être qu’au XXIe siècle le retournement de valeur de la notion de kitsch aura des effets aussi important que le retournement de valeur de la notion de baroque qui marqua les années 1950-1970. On pourra alors entrer de nouveau de plain pied dans le monde de la vénusté, un monde poétique, si on veut bien prendre ce dernier terme dans son sens le plus courant et trivial : « qui émeut par la beauté, le charme et la délicatesse89 ». C’est le monde en couleur, mais où le noir se mêle au rose, où il y a de la souffrance aussi pour que le bonheur ne devienne pas écœurant ou fastidieux, car rien ne plaît qui dure trop longtemps. C’est aussi un monde qui n’est pas sérieux, car c’est celui où les valeurs dominées (la jeunesse, la féminité, le jeu, le moment qui passe) deviennent valeurs dominantes, un monde même qu’on sait ne pas exister, qui ne relève que de l’affabulation, mais avec lequel on aime jouer, parce que la beauté rend heureux. La beauté rend heureux parce qu’elle promet ce bonheur dont parle Sappho, celui que les dieux même envient90 ; elle rend aussi un peu triste, parce qu’elle nous amène à soupirer : « Ô qu’il doit être doux de tenir l’amour même quand l’ombre de l’amour est si riche en bonheur »91
Notes
1 Le Quintil horacien d’Aneau (sur le 6e chapitre du second livre) préconise cette seconde forme contre le Du Bellay de la Défense et Illustration qui emploie la première (dans Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd. Fr. Goyet, Paris, LGF, Le livre de poche classique, 1990, p. 205).
2 M. Baxandall, Les humanistes à la découverte de la composition en peinture, 1340-1450 [Giotto and the orators. Humanist observers of painting in Italy and the discovery of pictorial composition, 1350-1450], trad. de l’anglais par M. Brock, Paris, Éditions du Seuil, 1989.
3 I, 27 et I, 36. On le cite aussi pour le lien étymologique qu’il fait avec le nom de la déesse dans De la nature des dieux, XXVIII, III, 23.
4 Fr. Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française du 9e au 15e siècle, Paris, Wieweg et Bouillon, 1880-1902 ; Éd. Huguet, Dictionnaire de la langue française du seizième siècle..., Paris, M. Didier, 1925-1967.
5 La citation, prise dans le chapitre. 11, est en fait la glose d’une citation de Quintilien comparant Plaute et Térence aux comiques de langue attique. L’édition de 1547 à Paris (troisième état du texte) donne cette version développée : « …de langage doux, poli, enrichi, et rempli de grâce et de lustre, aorné de plaisantes figures, semé de fleurs, et vives couleurs d’oraison, avec toute harmonie et accord de composition accoutrée par singulier ordre et artifice. Lesquelles choses présupposent signification illustre, claire, et absolue des matières conçues en l’entendement, avec descriptions sentencieuses, si le propos la peut porter. Le tout ensemble ayant similitude de raison digne d’être comparée à une peinture bien proportionnée, et remplie de couleurs bien vives » (édition revue par Jean de Luxembourg, Paris, Nicole, 1547, p. 50). Sur les différentes versions de ce passage, voir M. Huchon, « Le doux dans les rhétoriques et poétiques françaises du xvie siècle », Cahiers du GADGES, 2003-1 (M.-H. Prat et P. Servet éd., « Le doux aux xvie et xviie siècles. Écriture, esthétique, politique, spiritualité »), p. 10 et p. 24-25.
6 P. Richelet, Dictionnaire français, contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue française... avec les termes les plus connus des arts et des sciences..., Genève, J.-H. Widerhold, 1680. Articles complété dans l’édition de 1732.
7 G. Ménage, Observations de Monsieur Ménage sur la langue française, deuxième édition, Paris, C. Barbin, première partie, 1675, chapitres 312 (le mot vénusté) et 313 (réponse à Doute sur la langue française proposés à Messieurs de l’Académie Françoise de Bouhours, Mabre-Cramoisy, 1674), p. 538-543, et deuxième partie, 1676, chapitre 64, (« Vénusté, aménité »), p. 233-242. Ménage refuse la forme vénusteté prônée par le Quintil (qu’il attribue à Charles Fonteine), première partie, p. 539. Dans les Doutes de Bouhours, vénusté était le deuxième mot critiqué, juste après urbanité (op. cit., p. 6-7). Bouhours se moquait aussi du fait que Ménage voie dans vénusté une forme contractée de vénusteté « pour une plus grande douceur ». Références à d’autres textes de cette petite querelle dans Charles de Pougens, Archéologie française ou Vocabulaire de mots anciens tombés en désuétude, et propres à être restitués au langage moderne, Paris, T. Desoer, 1825, p. 269-270.
8 Bouhours y voit un mot bon pour Rabelais et Marot, mais pour lequel il faudrait plutôt consulter Mme de La fayette et Mme de Sévigné (Nouvelles remarques sur la langue française, Paris, Mabre-Cramoisy, 1674, p. 123 et suiv., cité et réfuté par Ménage, op. cit., deuxième partie, p. 241). Ménage s’autorise quant à lui de Chapelain (op. cit., I, p. 541 et II, p. 234).
9 A. Furetière, Dictionnaire universel…, La Haye, A. et R. Leers, 1690 (consulté sur le CD-ROM « Atelier historique de la langue française », Redon, 2003).
10 Édition consultée 2001.
11 C. Lévy, « Venustas chez Cicéron », dans P. Chiron, C. Lévy et alii, Les noms du style dans l’Antiquité classique, Louvain-Paris-Dudley, Peeters, 2008 (Bibliothèque d’Études Classiques n° 57). Je n’ai pas consulté cet ouvrage, non encore paru.
12 Observations sur la langue française, [deuxième partie], ch. 64, cité par Richelet dans son Dictionnaire (éd. 1732, t. II, p. 887c).
13 D. Denis, « La douceur, une catégorie critique du xviie siècle », Cahiers du GADGES, 2003-1, numéro cité, p. 239-260.
14 Cicéron, L’Orateur, XLVII, 160 et Quintilien, XII, 10, 27 et suiv.
15 Observations, op. cit., t. I, p. 541
16 Observations, op. cit., t. II, p. 233 : « Venustum esse, quod cum quadam gratia et venere dicitur, apparet » (Quintilien, VI, 3).
17 Aristote, Rhétorique, livre III, ch. 2, § XIII.
18 Démétrius de Phalère, De elocutione, § 173.
19 Demetrii Phalerei de oratione sive de modo dicendi, Natale de Comitibus, Veneto, interprete, Venise, « apud Guerrinum », 1557.
20 Le glaphyron dans la traduction latine par Gulielmus Gratius (Stanisław Howski Ilovius) du traité de Denys d’Halicarnasse est traduit par politus, politus et floridus : Dionysii Halicarnassei Rhetorica et critica, latine nunc primum integre a viris doctis e Graeco sermone conversa…, Hanau, « apud heredes J. Aubrii », 1615. Venustas y est utilisé pour traduire euemeia dans le commentaire de la prière à Aphrodite (VI, 23, 12, p. 60) où il est associé à kharis traduit gratia.
21 Éd. et trad. P. Chiron, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1993.
22 § 128, début du ch. II, éd. citée, p. 39.
23 Petri Victorii Commentarii in librum Demetrii Phalerei de Elocutione, positis ante singulas declarationes Graecis vocibus auctoris iisdemque ad verbum latine expressis..., Florence, « in officina Juntarum, Bernardi f. », 1562.
24 Op. cit., p. 35.
25 Op. cit., p. 36.
26 Op. cit., p. 118. « Elegans oratio Venere omni referta et salsa oratio est. » (début du ch. II, § 128).
27 Op. cit., p. 119.
28 Demetrio Falereo, Della locuzione, volgarizzato da Pier Segni,... con postille al testo ed esempli toscani conformati a’ greci..., Florence, C. Giunti, 1603.
29 Édition consultée : Handbook of literary rhetoric : a foundation for literary study, trad. M. T. Bliss, et al., Leyde / Boston / Cologne , Brill, 1998.
30 VI, 3, 17-21.
31 Voir plus haut note 16.
32 Furetière à l’article » Jeu » Voir aussi l’article « Amour » : « Les jeux, les ris, les amours, et les grâces. Vénus est la mère des amours. »
33 Richelet à l’article « Vénus ».
34 La Fontaine, Les Amours de Psyché et de Cupidon, dans Œuvres complètes, éd. J. Marmier, Éditions du Seuil, « l’Intégrale », 1965, p. 441a.
35 À l’article « Répandre », on trouve la même expression appliquée au poème : « On dit aussi d’un Prince bien fait, qu’il y a un certain air de majesté répandu par toute sa personne. On dit d’un Poème, qu’il y a une certaine vénus répandue par tout l’ouvrage. »
36 Le color peut désigner le choix stylistique général d’un discours : Cicéron, De l’orateur, III, 96 (sur les autres emplois, voir L. Cabolli Montefusco, « Ductus and color : the right way to compose a suitable speech », Rhetorica, vol. 21, n° 2, printemps 2003, p. 113-131). Cicéron donne par ailleurs une définition célèbre de la pulchritudo du corps (avec pour but de faire comprendre ce qu’est celle de l’âme) dans les Tusculanes (IV, XIII) : « quaedam apta figura membrorum, cum coloris quadam suavitate ».
37 VI, 23, 19, trad. latine citée, p. 62.
38 Ideai, I, 12.
39 Hermogène, L’Art rhétorique, trad. M. Patillon, L’âge d’homme, 1997, p. 397-412 (Rabe, p. 296-311).
40 Hermogenis Ars oratoria absolutissima et libri omnes, cum nova versione latina e regione contextus Graeci et commentariis Gasparis Laurentii, Genève, « apud P. Aubertum », 1614. La traduction des » idées » est la suivante : perspicuitas (purus, dilucidus), amplitudo et magnitudo (decor sive gravitas, asperitas), vehementia, splendidus et illustris, vegetus, pulchritudo, celeritas ou concitatusm genus dicendi, moratusm genus (simplex, suavitas, oratio moderata sive aequitatis plana, verax ou sincerus), aptitudo ou onerosusm genus dicendi. Le chapitre V du livre II, sur le piquant (drimytès), le gracieux (hôraios), le joli (habros) et le plaisant (hèdonèn ekhôn logos) s’intitule « De Oratione acri et acuta, venusta et molli, quae in dicendo suavitatem parit » (p. 410). Giulio Camillo, Le Idee, overo Forme della oratione da Hermogene considerate et ridotte in questa lingua …, Udine, G. B. Natolini, 1594, rééd. 1603, traduit en italien glycytès par dolcezza et le titre de ce chapitre est : acrimonia, acuitate, oratione speciosa, delicate, habente dilettatione. La traduction des « idées » est la suivante : chiarezza (puritate, lucidezza), dignitate et grandezza (gravitate, asprezza), vehemenza, splendore, diligenza et bellezza, prestezza, costume (semplicitate, dolcezza, mansuetudine, verita, ponderosita), gravitate.
41 Op. cit., p. 142-146.
42 Op. cit., p. 153-159.
43 La référence n’est pas donnée, mais c’est dans le quatrième livre (Parasceve) de sa Poétique (1560), en introduction, que Scaliger discute Hermogène et sa traduction par Trébizonde.
44 Il renvoie à « Éthique, IV, ch. 3 », probablement L’Éthique à Nicomaque, IV, 3, à la fin du § 2 (1123b), où il est dit que les petits hommes, même gracieux et bien proportionnés, ne sont pas beaux.
45 Sur la définition de la beauté par Hermogène comme source de ce passage, voir M. Huchon, article cité, p. 25.
46 Comme l’a montré M. Fumaroli (L’âge de l’éloquence, 1980, rééd. Albin Michel, 1994, II, ii, chapitre sur la « sophistique sacrée », p. 343-391), au début du xviie siècle, l’idéal de la douceur dans la prédication (Cressoles) est aussi lié à la caritas et au mêlé (crasis).
47 La tradition cicéronienne (L’Orateur, XX) et néo-platonicienne est décrite dans J. Lecointe, L’Idéal et la Différence. La perception de la personnalité littéraire à la Renaissance, Genève, Droz, 1993. Mais une autre tradition existe qui fait du mixte le style récapitulatif en tant que style de la diversité, du diapré (la poikilia d’Hermogène). Elle s’appuie sur l’éloge de la poikilia de Démosthène par Denys d’Halicarnasse (Démosthène, V, 8, 2-3) et les passages des Saturnales de Macrobe (V, 1, 7 et 19-20), où sont distingués quatre styles (dont un genus dicendi pingue et floridum) et un cinquième qui les réunit tous, le temperatum du Virgile des Géorgiques. Cette tradition qui a un « succès extraordinaire à la Renaissance » est illustrée en particulier Politien. Voir P. Galland-Hallyn et L. Deitz, « Les style au Quattrocento et au xvie siècle », dans P. Galland-Hallyn et F. Hallyn dir., Poétiques de la Renaissance […], Genève, Droz, 2001, p. 541 et suiv. et p. 552‑555, et P. Galland-Hallyn, Le reflet des fleurs, description et métalangage poétique d’Homère à la Renaissance, Droz, Genève, 1994 , p. 380-384 et p. 538-563.
48 Sur la fortune de Sappho, voir J. Dejean, Sapho. Les Fictions du Désir, 1546-1937 [Fictions of Sappho, 1546-1937, 1989], trad. Fr. Lecercle, Paris, Hachette, 1994. Sur le lien entre Sappho et le style tempéré, voir la notice sur Sappho dans A. Baillet (compléments de Balthasar Gibert), Jugements des savants, au tome 6.
49 Hermogène, trad. française citée, p. 430 (Rabe p. 331). Il la cite aussi pour le procédé consistant à donner une âme aux choses, p. 532 (Rabe, p. 334). Traduction de Gaspard Laurent : « ut amoenitas alicuius loci, et plantarum diversitas, et fluminum varietas, et talia id genus » (p. 399-400).
50 Voir l’index de l’éd. M. Chiron, p. 141-142.
51 Ch. 23.
52 C’est Ovide avec sa quinzième lettre des Héroïdes et Catulle dans son ode 51 adaptant l’« Ode à Aphrodite » qui font connaître Sappho en latin.
53 Éd. critique dans G. de Scudéry, Le Prince déguisé et La Mort de César, éd. É. Dutertre et D. Moncondh’huy, Paris, STFM, 1992.
54 II, 1, v. 335-339.
55 Éd. critique dans Rotrou, Théâtre complet, éd. dir. par G. Forestier, t. 10, Paris, STFM, 2009.
56 I, 1, v. 44-45.
57 Iliade, I, v. 249 (parole de miel, vers cité comme exemple de métaphore dans Hermogène, Idées, Rabe p. 334) ; Philostrate, La Vie des sophistes, I, 15, 2 (Antiphon surnommé Nestor) ; Quintilien, livre XII, 10, 63 ; Aulu-Gelle, Nuits attiques, VI, 14, 7 ; Guillaume Budé, De l’institution du prince, Paris, 1547, p. 61 (« de sa bouche coulait un ruisseau, ou une gouttière de miel » ; renvoi à Quintilien) ; le Tasse, Discorso dell’arte poetica, 1587, livre III (le style lyrique, renvoi à Aulu-Gelle) ; Famiano Strada, Prolusiones Academicae, Rome, Mascardi, 1617, première conférence du livre II (Nestor, la suavitas, le style du poète par opposition à celui de l’orateur et de l’historien)…
58 P. Galland-Hallyn, Le reflet des fleurs, op. cit., p. 119.
59 Éd. cité, p. 67-68. Apelle peint des Vénus, Zeuxis représente Hélène en s’inspirant de cinq jeunes filles de Crotone (Cicéron, De l’invention, II, 1-3).
60 Il est des « tableaux » « dont le coloris est si vif et si riant qu’il surprend agréablement la vue de tous ceux qui regardent », mais « fait passer d’abord pour fort beau ce qui ne l’est point du tout », ce dont on s’aperçoit quand « cette douce illusion est dissipée » (éd. citée, p. 72).
61 Pline, Histoire naturelle, XXXV, 36, 79-97.
62 Pline, XXXV, 10, 36
63 Pour cette traduction libre, voir Ronsard, Amours de Marie, chanson « Ma maîtresse est toute angelette… », 1556, peut‑être imitée par Jean Genet, dans Notre Dame des Fleurs (Divine, « la Toute Toute », rééd. Gallimard, 1976, « Folio », p. 95).
64 XXXV, 123 et XXI, 4 (A. Reinach, n° 324 et 325).
65 A. Blunt, La théorie des arts en Italie, 1450-1600 [Artistic theory in Italy, 1940-1956], trad. de l’anglais par J. Debouzy, Paris, R. Julliard, Gérard Montfort, 1988, p. 131 et suiv.
66 Sur la correspondance entre les esthétiques et les sept planètes dans le traité de Lomazzo, voir R. Klein, « Les sept ‘gouverneurs de l’art’ selon Lomazzo », article repris dans La forme et l’intelligible, Paris, Gallimard, 1970, p. 174-192. Sur le tempérament venereo, illustré chez Vasari par exemple par la vie de Filippo Lippi, voir D. Arasse, Le sujet dans le tableau. Essai d’iconographie analytique, Paris, Flammarion, 1997, p. 123. Sur le caractère psychologique des peintres de la grâce, voir É. Pommier, Comment l’art devient l’art dans l’Italie de la Renaissance, Paris, Gallimard, 2007, p. 356-363.
67 R. Klibansky, E. Panofsky et F. Saxl, Saturne et la mélancolie [Saturn and Melancholy], trad. fr. Paris, Gallimard, « Bibliothèque illustrée des histoires », 1989.
68 Furetière à l’article « Tenir » : « Il tient de Saturne, ou de Vénus ». Voir aussi l’Inamorato et l’Hypocondriacus opposés sur la page de titre de l’Anatomie de la mélancolie de Robert Burton, 1638.
69 G. Trottein, Les enfants de Vénus. Arts et astrologie à la Renaissance, Paris, Lagune, 1993. La description détaillée des enfants de Vénus par Vincent de Beauvais est citée p. 88.
70 Furetière, article « Bénéfique ». Voir aussi les articles « Bénignité », « Jupiter » (« JUPITER, est un astre bénin, et est appellé par les Astrologues la grande Fortune ; et Vénus la petite Fortune. »), « Planète ».
71 G. Trottein, op. cit., p. 197. Le tournant se fait dans une gravure flamande de 1596.
72 Sur les emprunts de Watteau aux jardins d’amour de Rubens, R. Tomlinson, La Fête galante : Watteau et Marivaux, Genève, 1981, et Fr. Moureau, « Les Chemins de Cythère », dans Watteau, catalogue de l’exposition au Grand Palais, Réunion des musées nationaux, 1984, p. 495-503.
73 La Fontaine, Fables, II, 7.
74 E. Wind, Les mystères païens de la Renaissance [Pagan mysteries in the Renaissance-An Exploration of philosophical and Mystical Sources of Iconography in Renaissance, Londres, Faber and Faber, 1968], trad. P.-E. Dauzat, Gallimard, 1990, p. 46-47 et 98-99. Cette interprétation serait due au stoïcien Chrysippe selon Sénèque, De beneficiis, I, III, 2-5.
75 Chapitre 3, § 192-195.
76 L’orateur, XXVI-91-92 (le style moyen, éloge du style de Démétrius), De l’orateur, II, XXIII-95 (Démétrius le rhéteur politissimus de la période d’après l’âge d’or, celui des élèves d’Isocrate), Brutus, IX-38 (Démétrius le premier à ôter nerf et vigueur à l’éloquence). On trouvera une intéressante paraphrase de ces passages par Charles Rollin dans Histoire ancienne, livre 27, ch. 3 (Œuvres complètes, Firmin Didot, 1822, t. XI, p. 268-269).
77 C’est le mot par lequel Baillet rend glaphyros : « le Grand, le Simple, le Poli et le Grave, ou le Fort », Jugements des savants, t. 8, 1725, p. 71-72. Baillet écrit : « Au fond Démétrius et Hermogène sont d’accord ; le second en met davantage [de catégories de style], parce qu’il sous-divise les trois de Démétrius, ce qui en fait un grand nombre. » Il résume les « matières » « propres » au « style orné, élégant, poli » : « ce sont tous les objets agréables ; les ris, les jeux, les mariages, le beau temps, les plaisirs de la campagne, les festins, et généralement tout ce qui est capable de fournir de la grâce au discours. » Il note enfin : « Le Père Bouhours, à peu de choses près, s’accommode de la doctrine de Démétrius sur ce qui regarde le style agréable. » Sur Démétrius et Hermogène comme « jalons d’une rhétorique des agréments », voir D. Denis, Le Parnasse galant, Paris, Honoré Champion, 2001, p. 321-338.
78 G. B. Guarini, Il compendio della poesia tragicomica [De la poésie tragi-comique], éd. et trad. L. Giavarini, Paris, Honoré Champion, 2008.
79 G. B. Guarini, Il compendio, éd. citée, p. 27-28 (248-253). Sa traduction des quatre caractères est : forma dimessa, magnifica, polita, grave.
80 H. Baby, La tragi-comédie de Corneille à Quinault, Paris, Klincksieck, 2001.
81 § 91-93.
82 § 173 et suiv., De pulchritudine nominis, titre du chap. XVI,
83 La lecture des vers nous apprend que Céliane doit se lire Céli-ane, nom qui contient peut-être le ciel (qui entre dans bien des noms féminins de la comédie et de la pastorale italienne) et la grâce selon le mot hébreu d’où vient Anne (les auteurs qui louèrent Anne d’Autriche ne manquèrent pas de rappeler que « son nom est celui même de la Grâce, dans la Langue savante » : Ménestrier, Les Grâces pleurantes, Grenoble, R. Philippes, 1666).
84 Poétique, ch. 9, 51 b 20. Sur le procédé de composition des noms, voir ch. 21.
85 Vers 95-172.
86 Vies des Sophistes, I, 9.
87 Compendio, éd. citée, p. 23.
88 Hédelin d’Aubignac, La Pratique du théâtre, II, 10, éd. H. Baby, Paris, Honoré Champion, 2001, p. 207.
89 Grand Robert, 2001, acception I, 3.
90 Fragment de Sappho rapporté dans le Traité du sublime : « Les dieux dans son bonheur peuvent-ils l’égaler ? », trad. Boileau ; voir Ph. Brunet, L’Égal des Dieux. Cent versions d’un poème de Sappho, Paris, Allia, 1998. Le motif est fréquent dans la poésie lyrique et dramatique du xviie siècle : « Je m’estime aussi grand et plus heureux qu’un dieu », (Théophile, « Aussi souvent qu’amour », v. 4) ; « Et je crois que les Dieux envient mon bonheur » (Durval, Les Travaux d’Ulysse, II, 2, Ulysse face aux « honneurs » que lui fait Circé).
91 Cette citation qui a la forme de deux alexandrins est donnée à la Juliette de Shakespeare interprétée par une comédienne elle-même jouée par Juliette Binoche dans le film d’André Téchiné Rendez-vous (1985). L’attribution est reprise par les critiques de cinéma (Alain Philippon, André Téchiné, Paris, Cahiers du cinéma, 1988, p. 5, en exergue), mais les happy few y reconnaissent une citation apocryphe de Shakespeare prise dans le roman d’Éric Jourdan, Les Mauvais Anges, 1955, p. 21, peut-être inspirée d’un passage fameux du Marchand de Venise dont elle inverse le sens (« Some there be that shadows kiss ; / Such have but a shadow’s bliss », « Il est des gens qui n’embrassent que des ombres : / Ceux-là n’ont que l’ombre du bonheur. » II, 9).
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Jean-Yves Vialleton
Université Grenoble Alpes / U.M.R. Litt&Arts – RARE Rhétorique de l’Antiquité à la Révolution